Quatrième partie — La vie et les enseignements de Jésus

120. L'Effusion de Micaël sur Urantia

120:0.1 CHARGÉ par Gabriel de superviser la reformulation du récit de la vie de Micaël sur Urantia dans la similitude de la chair mortelle, moi, le Melchizédek directeur de la commission de révélation à qui fut confié cette tâche, suis autorisé à présenter cette narration de certains évènements qui ont immédiatement précédé le moment où le Fils Créateur est arrivé sur Urantia pour aborder la phase terminale de son expérience d'effusion universelle. Vivre une vie identique à celle qu'il impose aux êtres intelligents de sa propre création, donc de s'effuser dans la similitude de ses divers ordres d'êtres créés, représente une partie du prix que chaque Fils Créateur doit payer pour gagner la souveraineté complète et suprême de l'univers de choses et d'êtres qu'il a lui-même édifié.

120:0.2 Avant les évènements que je vais retracer, Micaël de Nébadon s'était effusé six fois, dans la similitude de six ordres différents de sa création variée d'êtres intelligents. Ensuite, il se prépara à descendre sur Urantia dans la similitude des mortels incarnés, l'ordre le plus humble de ses créatures volitives intelligentes, et, en tant qu'humain du royaume matériel, à exécuter l'acte final de l'épopée lui permettant d'acquérir la souveraineté de son univers conformément aux directives des Chefs Paradisiaques divins de l'univers des univers.

120:0.3 Au cours de chacune des précédentes effusions, Micaël acquit non seulement l'expérience finie d'un groupe de ses êtres créés, mais aussi une expérience essentielle de coopération avec le Paradis, qui devait en elle-même et par elle-même apporter une nouvelle contribution à son établissement comme souverain de l'univers qu'il avait lui-même édifié. À tout moment du passé du temps de l'univers local, Micaël aurait pu revendiquer la souveraineté personnelle en tant que Fils Créateur, et, en tant que Fils Créateur, il aurait pu gouverner son univers de la manière qu'il aurait choisie. Dans ce cas, Emmanuel et les Fils associés du Paradis auraient pris congé de cet univers. Mais Micaël ne désirait pas gouverner Nébadon uniquement selon son propre droit isolé de Fils Créateur. Il désirait, par une expérience effective de subordination coopérative à la Trinité du Paradis, s'élever à cette haute situation de statut universel où il deviendrait qualifié pour diriger son univers et en administrer les affaires avec cette perfection de discernement et cette sagesse d'exécution qui seront un jour caractéristiques du gouvernement exalté de l'Être Suprême. Il n'aspirait pas tant à la perfection de gouvernement d'un Fils Créateur qu'à la suprématie d'administration en tant que personnification de la sagesse universelle et de la divine expérience de l'Être Suprême.

120:0.4 Micaël avait donc un double dessein en accomplissant ses sept effusions sur les divers ordres de créatures de son univers. Premièrement, il complétait l'expérience nécessaire de compréhension des créatures exigée de tous les Fils Créateurs avant qu'ils n'assument une souveraineté complète. À tout moment, un Fils Créateur peut gouverner son univers de son propre droit, mais il ne peut gouverner comme représentant suprême de la Trinité du Paradis qu'après avoir passé par les sept effusions dans la similitude des créatures de son univers. Deuxièmement, il aspirait au privilège de représenter l'autorité maximum de la Trinité du Paradis susceptible d'être exercée dans l'administration directe et personnelle d'un univers local. En conséquence, pendant l'expérience de chacune de ses effusions, Micaël se subordonna volontairement, avec succès et d'une manière satisfaisante aux volontés diversement constituées des diverses associations de personnes de la Trinité du Paradis. Autrement dit, lors de la première effusion, il se soumit à la volonté conjuguée du Père, du Fils et de l'Esprit ; lors de la seconde, à la volonté du Père et du Fils ; lors de la troisième, à la volonté du Père et de l'Esprit ; lors de la quatrième effusion, à la volonté du Fils et de l'Esprit ; lors de la cinquième, à la volonté de l'Esprit Infini ; lors de la sixième, à la volonté du Fils Éternel ; et, durant la septième et dernière effusion sur Urantia, à la volonté du Père Universel.

120:0.5 Dans sa souveraineté personnelle, Micaël conjugue donc la volonté divine des septuples phases des Créateurs universels avec l'expérience compréhensive des créatures de son univers local. Son administration est ainsi devenue représentative du maximum d'autorité et de pouvoir, tout en étant exempte de toute prétention arbitraire. Son pouvoir est illimité, puisqu'il dérive d'une association expérimentale avec les Déités du Paradis. Son autorité est indiscutée dans la mesure où elle a été acquise par une expérience effective dans la similitude des créatures de l'univers. Sa souveraineté est suprême, puisqu'elle incorpore simultanément le septuple point de vue de la Déité du Paradis et le point de vue des créatures du temps et de l'espace.

120:0.6 Après avoir déterminé le moment de son effusion finale et choisi la planète où cet évènement extraordinaire aurait lieu, Micaël tint avec Gabriel la conférence habituelle précédant une effusion et se présenta ensuite devant Emmanuel, son frère ainé et conseiller paradisiaque. Micaël confia alors, à la garde d'Emmanuel, tous les pouvoirs d'administration universelle qui n'avaient pas été antérieurement conférés à Gabriel. Juste avant que Micaël ne parte s'incarner sur Urantia, Emmanuel, en acceptant la garde de l'univers pendant le temps de l'effusion sur Urantia, entreprit de transmettre les recommandations d'usage en cas d'effusion, qui allaient servir de directives à Micaël pour son incarnation quand il grandirait bientôt sur Urantia en tant que mortel du royaume.

120:0.7 À ce propos, il faut se rappeler que Micaël avait choisi de procéder à cette effusion dans la similitude de la chair mortelle et soumis à la volonté du Père du Paradis. Le Fils Créateur n'avait besoin d'instructions de personne pour effectuer cette incarnation s'il avait eu pour but unique de parvenir à la souveraineté de son univers. Mais il s'était engagé dans un programme de révélation du Suprême qui impliquait un fonctionnement coopératif avec les diverses volontés des Déités du Paradis. De cette manière, sa souveraineté une fois définitivement et personnellement acquise inclurait effectivement en totalité la volonté septuple de la Déité telle qu'elle culmine dans le Suprême. Micaël avait donc déjà reçu six fois dans le passé des instructions des représentants personnels des diverses Déités du Paradis et de leurs associations. Maintenant, il recevait les directives de l'Union des Jours, ambassadeur de la Trinité du Paradis auprès de l'univers local de Nébadon et agissant au nom du Père Universel.

120:0.8 Du fait que ce puissant Fils Créateur acceptât volontairement de se soumettre une fois de plus à la volonté des Déités du Paradis, cette fois à celle du Père Universel, résultaient des avantages immédiats et d'immenses compensations. Par cette décision d'accomplir un tel acte de subordination associative, Micaël allait connaître, par expérience dans cette incarnation, non seulement la nature de l'homme mortel, mais aussi la volonté du Père Paradisiaque de tous. En outre, il pouvait se lancer dans cette effusion unique avec l'assurance complète que non seulement Emmanuel exercerait la pleine autorité du Père du Paradis pour administrer son univers pendant son séjour sur Urantia, mais aussi avec le réconfort de savoir que les Anciens des Jours du superunivers avaient décrété que son royaume serait en sécurité pendant toute la période de l'effusion.

120:0.9 Tel fut le cadre de cet évènement capital au cours duquel Emmanuel présenta la mission de la septième effusion. Je suis autorisé à donner les extraits suivants des recommandations faites avant l'effusion par Emmanuel au chef de l'univers local, qui devint ensuite Jésus de Nazareth (le Christ Micaël) sur Urantia.

120.1  La Mission de la Septième Effusion

120:1.1 « Mon frère Créateur, je suis sur le point d'assister à ta septième et dernière effusion universelle. C'est de la manière la plus fidèle et la plus parfaite que tu as exécuté les six missions précédentes, et je n'entretiens d'autre pensée que celle d'un même triomphe pour celle-ci, ton effusion finale pour la souveraineté. Jusqu'ici, tu es apparu sur tes sphères d'effusion comme un être pleinement développé de l'ordre que tu avais choisi. Maintenant, tu vas bientôt apparaître sur Urantia, la planète désordonnée et perturbée de ton choix, non comme un mortel pleinement développé, mais comme un nouveau-né sans défense. Ceci, mon cher compagnon, va être pour toi une expérience nouvelle et non encore tentée. Tu vas bientôt payer le plein prix d'une effusion et expérimenter l'illumination complète d'un Créateur s'incarnant dans la similitude d'une créature.

120:1.2 « Tout au long de chacune de tes effusions précédentes, tu as volontairement choisi de te soumettre à la volonté des trois Déités du Paradis et de leurs interassociations divines. Tu as, lors de tes effusions précédentes, été soumis à toutes les sept phases de la volonté du Suprême, excepté à la volonté personnelle de ton Père au Paradis. Maintenant que tu as décidé de te soumettre à la volonté de ton Père durant ta septième effusion, moi, en tant que représentant personnel de notre Père, j'assume la juridiction inconditionnelle de ton univers pendant le temps de ton incarnation.

120:1.3 « En entreprenant l'effusion sur Urantia, tu t'es volontairement dépouillé de tout soutien extraplanétaire et de toute assistance spéciale qui auraient pu t'être offerts par des créatures de ta propre création. De même que tes fils créés de Nébadon dépendent entièrement de toi pour être guidés en sécurité au long de leur carrière universelle, de même il faut maintenant que tu te mettes, entièrement et sans réserve, sous la dépendance de ton Père Paradisiaque pour être guidé avec sécurité à travers les vicissitudes non révélées de ta prochaine carrière en tant que mortel. Et, quand tu auras achevé cette expérience d'effusion, tu connaîtras, dans toute sa vérité, le plein sens et la riche signification de cette confiance dans la foi dont tu exiges si invariablement la maitrise par toutes tes créatures comme part de leurs relations intimes avec toi en tant que Créateur et Père de leur univers local.

120:1.4 « Tout au long de ton effusion sur Urantia, tu n'as besoin de te soucier que d'une chose, la communion ininterrompue entre toi et ton Père du Paradis. Et ce sera par la perfection d'une telle relation que le monde de ton effusion, et même tout l'univers de ta création, percevront une révélation nouvelle et plus compréhensible de ton Père et de mon Père, le Père Universel de tous. Tu n'as donc à te soucier que de ta vie personnelle sur Urantia. Je serai pleinement et efficacement responsable de l'administration ininterrompue et de la sécurité de ton univers à partir du moment où tu en auras volontairement abandonné l'autorité jusqu'à celui où tu nous reviendras comme Souverain d'Univers, confirmé par le Paradis, et où tu recevras de mes mains, non pas l'autorité de vice-gérant que tu m'abandonnes maintenant, mais bien le pouvoir suprême et la juridiction sur ton univers.

120:1.5 « Afin que tu puisses connaître avec certitude que j'ai le pouvoir de faire tout ce que je te promets en ce moment (sachant bien que je représente l'assurance de tout le Paradis pour l'accomplissement fidèle de ma parole), je t'annonce que l'on vient de me communiquer une décision des Anciens des Jours d'Uversa qui écartera tout péril spirituel dans Nébadon pendant toute la période de ton effusion volontaire. À partir du moment où tu abandonneras ta conscience, au commencement de ton incarnation mortelle, jusqu'à ton retour vers nous comme souverain suprême et inconditionnel de cet univers que tu as toi-même créé et organisé, rien de grave ne peut arriver dans tout Nébadon. Pendant l'intérim de ton incarnation, je détiens les instructions des Anciens des Jours qui ordonnent, sans ambages, l'anéantissement instantané et automatique de tout être coupable de rébellion ou cherchant à susciter, en ton absence, pendant la durée de ton effusion, une insurrection dans l'univers de Nébadon. Mon frère, vu l'autorité du Paradis inhérente à ma présence et accrue par le mandat juridique d'Uversa, ton univers et toutes ses créatures loyales seront en sécurité durant ton effusion. Tu peux partir pour ta mission avec une seule pensée - élargir la révélation de notre Père aux êtres intelligents de ton univers.

120:1.6 « Comme dans toutes tes effusions antérieures, je voudrais te rappeler que je suis dépositaire de la juridiction de ton univers à titre de frère mandataire. J'exerce toute autorité et fais usage de tout pouvoir en ton nom. J'opère comme le ferait notre Père du Paradis et conformément à ta requête explicite d'agir ainsi à ta place. Cela étant, toute cette autorité déléguée te reviendra pour l'exercer à tout moment que tu jugeras approprié pour demander sa restitution. Ton effusion est entièrement volontaire dans toutes ses phases. En tant que mortel incarné dans le royaume, tu seras dépourvu de dons célestes, mais tu peux récupérer tout le pouvoir abandonné à tout moment que tu choisiras pour te réinvestir de ton autorité universelle. Si tu choisissais de reprendre ton statut de pouvoir et d'autorité, rappelle-toi que ce serait uniquement pour des raisons personnelles, puisque je suis le gage suprême et vivant dont la présence et la promesse garantissent l'administration de ton univers en toute sécurité, conformément à la volonté de ton Père. Une rébellion, comme il s'en est produit trois fois dans Nébadon, ne peut se produire pendant ton absence de Salvington pour cette effusion. Pour la durée de ton effusion sur Urantia, les Anciens des Jours ont décrété que toute rébellion dans Nébadon porterait en elle-même le germe automatique de sa propre annihilation.

120:1.7 « Tant que tu seras absent pour cette effusion finale et extraordinaire, je m'engage (avec la coopération de Gabriel) à administrer fidèlement ton univers. En te mandatant pour entreprendre ce ministère de révélation divine et subir cette expérience de compréhension humaine rendue parfaite, j'agis au nom de mon Père et ton Père, et je t'offre les conseils suivants qui devraient te guider pour vivre ta vie terrestre à mesure que tu prendras progressivement conscience de la mission divine attachée à ton séjour prolongé dans la chair. »

120.2  Les Limitations de l'Effusion

120:2.1 « 1. Selon les usages et conformément à la technique de Sonarington - conformément aux mandats du Fils Éternel du Paradis - j'ai pris toutes les dispositions nécessaires pour que tu puisses entreprendre immédiatement cette effusion charnelle en harmonie avec les plans que tu as établis et qui ont été confiés à ma garde par Gabriel. Tu grandiras sur Urantia comme un enfant du royaume, tu y complèteras ton éducation humaine - en restant constamment soumis à la volonté de ton Père du Paradis - tu vivras ta vie sur Urantia comme tu l'as déterminé, tu termineras ton séjour planétaire et tu prépareras ton ascension jusqu'auprès de ton Père pour recevoir de lui la souveraineté suprême de ton univers.

120:2.2 « 2. En dehors de ta mission terrestre et de ta révélation à l'univers, mais en rapport avec chacune de celles-ci, je te conseille, dès lors que tu auras de façon suffisante personnellement conscience de ton identité divine, de prendre sur toi la tâche additionnelle de mettre fin techniquement à la rébellion de Lucifer dans le système de Satania et de faire tout ceci en tant que Fils de l'Homme, donc, en tant que créature mortelle du royaume rendue puissante dans sa faiblesse parce qu'elle s'est soumise par la foi à la volonté de son Père, je suggère que tu aboutisses, par grâce, à tout ce que tu as maintes et maintes fois refusé d'accomplir arbitrairement par force et puissance quand tu disposais de ces pouvoirs, au temps où éclata cette rébellion coupable et injustifiée. Je considèrerais comme l'apogée appropriée de ton effusion en tant que mortel, que tu reviennes parmi nous comme Fils de l'Homme, Prince Planétaire d'Urantia, en même temps que Fils de Dieu, souverain suprême de ton univers. En tant qu'homme mortel, type le plus inférieur de créature intelligente dans Nébadon, affronte et juge les prétentions blasphématoires de Caligastia et de Lucifer ; et, dans l'humble état que tu auras assumé, mets fin pour toujours aux honteuses présentations erronées de ces enfants de lumière déchus. Tu as refusé avec persistance de discréditer ces rebelles par l'exercice de tes prérogatives de créateur, il convient maintenant que, dans la similitude des êtres les plus humbles de ta création, tu arraches la domination des mains de ces Fils déchus. Ainsi, ton univers local tout entier reconnaîtra-t-il en toute équité, clairement et pour toujours, que tu as été juste en faisant, sous la forme de mortel incarné, les choses que la miséricorde t'exhortait à ne pas faire par la puissance d'une autorité arbitraire. Ayant ainsi, par ton effusion, établi la possibilité de la souveraineté du Suprême dans Nébadon, tu auras, en fait, mené à leur terme les affaires restées en suspens de toutes les insurrections antérieures, quel que soit le temps encore plus ou moins long nécessaire à leur conclusion effective. Par cet acte, les dissensions en cours dans ton univers seront réglées quant au fond. Par la suite, quand tu seras doté de la souveraineté suprême sur ton univers, de semblables défis à ton autorité ne pourront plus jamais se reproduire dans aucune partie de ta grande création personnelle.

120:2.3 « 3. Quand tu auras réussi à mettre fin à la sécession d'Urantia - et tu y parviendras indubitablement - je te conseille d'accepter que Gabriel te confère le titre de » Prince Planétaire d'Urantia « en tant que signe de la reconnaissance éternelle, par ton univers, de ton expérience finale d'effusion et ensuite de prendre toutes mesures compatibles avec le sens de ton effusion pour compenser l'affliction et la confusion amenées sur Urantia par la trahison de Caligastia et la faute Adamique ultérieure.

120:2.4 « 4. Conformément à ta requête, Gabriel et tous les intéressés coopèreront avec toi dans le désir exprimé de terminer ton effusion sur Urantia par le prononcé d'un jugement dispensationnel du royaume, accompagné par la fin d'un âge, par la résurrection des survivants mortels endormis et par l'établissement de la dispensation de l'Esprit de Vérité effusé.

120:2.5 « 5. En ce qui concerne la planète de ton effusion et la génération immédiate des hommes qui y vivront à l'époque de ton séjour en tant que mortel, je te conseille d'assumer largement le rôle d'un éducateur. Accorde, en premier lieu, ton attention à la libération et à l'inspiration de la nature spirituelle de l'homme. Ensuite, éclaire l'intelligence humaine enténébrée, guéris l'âme des hommes et affranchis leur mental des terreurs séculaires. Et alors, selon ta sagesse de mortel, apporte tes soins au bien-être physique et au confort matériel de tes frères incarnés. Vis la vie religieuse idéale pour l'inspiration et l'édification de tout ton univers.

120:2.6 « 6. Sur la planète de ton effusion, rends la liberté spirituelle à l'homme isolé par la rébellion. Apporte sur Urantia une contribution supplémentaire à la souveraineté du Suprême, étendant ainsi l'établissement de cette souveraineté jusqu'aux confins du vaste domaine de ta création personnelle. C'est grâce à ton effusion matérielle dans la similitude de la chair que tu es sur le point d'expérimenter l'illumination finale d'un Créateur de l'espace-temps, la double expérience de travailler dans les limites de la nature humaine et avec la volonté de ton Père du Paradis. Dans ta vie temporelle, la volonté de la créature finie et la volonté du Créateur infini sont destinées à ne devenir qu'une, de même qu'elles sont aussi en voie d'union chez la Déité évoluante de l'Être Suprême. Répands sur la planète de ton effusion l'Esprit de Vérité, et rends ainsi tous les hommes normaux de cette sphère isolée immédiatement et pleinement accessibles au ministère de la présence fractionnée de notre Père du Paradis, les Ajusteurs de Pensée des royaumes.

120:2.7 « 7. Dans tous tes accomplissements sur le monde de ton effusion, garde constamment la pensée que tu es en train de vivre une vie destinée à instruire et à édifier tout ton univers. Tu effuses cette vie d'incarnation mortelle sur Urantia, mais tu dois vivre cette vie pour inspirer spirituellement toutes les intelligences humaines et suprahumaines qui ont vécu, existent actuellement ou pourront encore vivre sur chacun des mondes habités qui ont formé, forment maintenant ou peuvent encore former une partie de la vaste galaxie de ton domaine administratif. Ta vie terrestre dans la similitude de la chair mortelle ne devra pas être vécue de façon à constituer un exemple pour les mortels d'Urantia de l'époque de ton séjour terrestre, ni pour l'une quelconque des générations d'êtres humains qui vivront ultérieurement sur Urantia ou sur n'importe quel autre monde. Bien plutôt, ta vie dans la chair sur Urantia sera une inspiration pour toutes les vies, sur tous les mondes de Nébadon à travers toutes les générations des âges à venir.

120:2.8 « 8. La grande mission que tu dois réaliser et expérimenter dans l'incarnation mortelle est contenue dans ta décision de vivre une vie consacrée de tout coeur à faire la volonté de ton Père du Paradis, et ainsi de révéler Dieu, ton Père, dans la chair et spécialement aux créatures de chair. En même temps, et d'une manière nouvelle et supérieure, tu interprèteras notre Père pour les êtres supramortels de tout Nébadon. Parallèlement à ce ministère de nouvelle révélation et d'interprétation élargie du Père du Paradis auprès de chaque type de mental humain et suprahumain, tu opèreras aussi de manière à effectuer une nouvelle révélation de l'homme à Dieu. Pendant ton unique et courte vie dans la chair, fais ressortir, comme cela ne s'est encore jamais vu antérieurement dans tout Nébadon, les possibilités transcendantes accessibles à un humain qui connaît Dieu, pendant la brève carrière d'une existence mortelle, et offre une nouvelle et illuminante interprétation de l'homme et des vicissitudes de sa vie planétaire à toutes les intelligences suprahumaines de tout Nébadon, et ce, pour tous les temps. Tu dois descendre sur Urantia dans la similitude de la chair mortelle et, en y vivant comme un homme de ton temps et de ta génération, tu agiras de manière à montrer, à tout ton univers, l'idéal d'une technique perfectionnée dans l'engagement suprême des affaires de ta vaste création : l'accomplissement de Dieu cherchant l'homme et le trouvant, et le phénomène de l'homme cherchant Dieu et le trouvant ; tu réaliseras tout cela à leur satisfaction mutuelle, et pendant une courte vie dans la chair.

120:2.9 « 9. Je te recommande de garder constamment présent à l'esprit que, si, en fait, tu es destiné à devenir un homme ordinaire du royaume, en potentiel, tu demeureras un Fils Créateur du Père du Paradis. Bien que tu ailles vivre et agir comme un Fils de l'Homme, pendant toute cette incarnation, les attributs créatifs de ta divinité personnelle te suivront de Salvington à Urantia. Ta volonté aura toujours le pouvoir de mettre fin à l'incarnation à tout moment postérieur à l'arrivée de ton Ajusteur de Pensée. Avant l'arrivée et la réception de l'Ajusteur, je garantirai l'intégrité de ta personnalité, mais, après son arrivée et en même temps que tu reconnaîtras progressivement la nature et l'importance de ta mission d'effusion, tu devrais t'abstenir de toute formulation de volonté suprahumaine d'aboutissement, de réussite ou de pouvoir, en raison du fait que tes prérogatives de créateur resteront associées à ta personnalité humaine, parce que ces attributs sont inséparables de ta présence personnelle. Mais, en dehors de la volonté du Père du Paradis, nulle répercussion suprahumaine n'accompagnera ta carrière terrestre à moins que, par un acte de volonté consciente et délibérée, tu ne prennes une décision indivise se terminant par un choix de ta personnalité tout entière. »

120.3  Conseils et Avis Supplémentaires

120:3.1 Et maintenant, mon frère, en prenant congé de toi tandis que tu te prépares à partir pour Urantia et après t'avoir conseillé sur la conduite générale de ton effusion, permets-moi de te présenter certains avis résultant d'une consultation avec Gabriel et concernant des phases mineures de ta vie de mortel. Voici ce que nous suggérons en plus :

120:3.2 « 1. Que, dans la poursuite de l'idéal de ta vie de mortel sur terre, tu accordes quelque attention à la réalisation et à la valeur d'exemple de certaines choses pratiques immédiatement utiles à tes compagnons humains.

120:3.3 « 2. Au sujet des relations de famille, donne préséance aux coutumes acceptées de la vie de famille telles que tu les trouveras établies au jour et dans la génération de ton effusion. Vis ta vie familiale et communautaire conformément aux habitudes des gens parmi lesquels tu as choisi d'apparaître.

120:3.4 « 3. Dans tes relations avec l'ordre social, nous te conseillons de limiter essentiellement tes efforts à la régénération spirituelle et à l'émancipation intellectuelle. Évite d'être mêlé à la structure économique et aux engagements politiques de ton époque. Consacre-toi plus spécialement à vivre la vie religieuse idéale sur Urantia.

120:3.5 « 4. En aucune circonstance, et même dans le plus infime détail, tu ne dois t'immiscer dans l'évolution progressive normale et ordonnée des races d'Urantia. Mais cette interdiction ne doit pas être interprétée comme limitant tes efforts pour laisser derrière toi, sur Urantia, un système durable et amélioré d'éthique religieuse positive. En tant que Fils dispensationnel, certains privilèges te sont accordés relatifs à l'avancement du statut spirituel et religieux des peuples du monde.

120:3.6 « 5. Dans la mesure où tu le jugeras opportun, tu dois t'assimiler aux mouvements religieux et spirituels existant sur Urantia ; mais cherche, de toutes les manières possibles, à éviter l'établissement officiel d'un culte organisé, d'une religion cristallisée ou d'un groupement éthique séparé d'êtres humains. Ta vie et tes enseignements doivent devenir l'héritage commun de toutes les religions et de tous les peuples.

120:3.7 « 6. Afin de t'éviter de contribuer sans nécessité à la création, sur Urantia, de systèmes stéréotypés ultérieurs de croyances religieuses ou d'autres types d'allégeances religieuses non progressives, nous te donnons encore un conseil complémentaire ; ne laisse aucun écrit derrière toi sur la planète. Abstiens-toi de tout écrit sur matériaux durables ; ordonne à tes associés de ne pas faire d'images ou d'autres portraits de ton corps physique ; veille à ne rien laisser de potentiellement idolâtre sur la planète au moment où tu la quitteras.

120:3.8 « 7. Pendant que tu vivras la vie sociale habituelle et ordinaire de la planète et que tu seras un individu normal du sexe masculin, tu n'entreras probablement pas dans la relation du mariage qui serait parfaitement honorable et compatible avec ton effusion. Mais je dois te rappeler que l'une des règles d'incarnation de Sonarington interdit qu'un Fils d'effusion originaire du Paradis laisse derrière lui une descendance humaine sur une planète quelconque.

120:3.9 « 8. Pour tous les autres détails de ta prochaine effusion, nous voudrions te confier aux directives de l'Ajusteur intérieur, aux enseignements de l'esprit divin toujours présent pour servir de guide aux hommes, et au jugement raisonnable du mental humain expansif dont tu seras doué par hérédité. Une telle association d'attributs de créature et de Créateur te permettra de vivre pour nous la vie parfaite de l'homme sur les sphères planétaires. Cette vie ne sera pas nécessairement parfaite au regard d'un homme particulier, d'une génération particulière sur un monde particulier (encore bien moins sur Urantia) mais sa plénitude sera estimée entière et suprême par les mondes plus perfectionnés et en cours de perfectionnement de ton vaste univers.

120:3.10 « Et maintenant, puisse ton Père et mon Père, qui nous a toujours soutenus dans tous nos accomplissements passés, te guider, te soutenir et être présent près de toi à partir du moment où tu nous quitteras, et où tu achèveras d'abandonner ta conscience de personnalité. Qu'il en soit ainsi tout au long de ton retour progressif à la récognition de ton identité divine incarnée sous forme humaine, et ensuite au cours de toute ton expérience d'effusion sur Urantia jusqu'à ta délivrance de la chair et ton ascension à la droite de la souveraineté de notre Père. Quand je te reverrai sur Salvington, nous célèbrerons ton retour en tant que souverain suprême et inconditionnel de cet univers que tu as toi-même créé, servi et complètement compris.

120:3.11 « Je règne maintenant à ta place. J'assume la juridiction de tout Nébadon en tant que souverain en fonction pendant l'intérim de ta septième effusion, celle d'un mortel sur Urantia. Et à toi, Gabriel, je confie la sauvegarde de celui qui est sur le point de devenir le Fils de l'Homme, jusqu'à ce qu'il me revienne bientôt en pouvoir et en gloire comme Fils de l'Homme et Fils de Dieu. Et, Gabriel, je suis ton souverain jusqu'à ce que Micaël revienne ainsi. »

* * * * *

120:3.12 Alors, en présence de tout Salvington assemblé, Micaël se retira aussitôt de parmi nous, et nous ne le vîmes plus à sa place accoutumée avant son retour comme chef suprême et gouverneur personnel de l'univers après l'achèvement de sa carrière d'effusion sur Urantia.

120.4  L'Incarnation - Fusion de Deux en Un

120:4.1 C'est ainsi que certains enfants indignes de Micaël, qui avaient accusé leur Créateur-père de rechercher égoïstement la souveraineté et qui se permettaient d'insinuer que le Fils Créateur se maintenait arbitrairement et autocratiquement au pouvoir en vertu de la loyauté irraisonnée des créatures serviles d'un univers abusé, allaient être réduits définitivement au silence et laissés confondus et désillusionnés par la vie d'abnégation que le Fils de Dieu commençait maintenant en tant que Fils de l'Homme - restant constamment soumis à « la volonté du Père du Paradis » .

120:4.2 Mais ne vous méprenez pas : le Christ Micaël, tout en étant véritablement un être d'origine duelle, n'était pas une double personnalité. Il n'était pas Dieu en association avec l'homme, mais plutôt Dieu incarné dans l'homme, et il fut toujours précisément cet être composé. Le seul facteur progressif dans cette relation incompréhensible fut la récognition et la réalisation conscientes et progressives (par son mental humain) du fait d'être Dieu et homme.

120:4.3 Le Christ Micaël n'est pas progressivement devenu Dieu. Dieu n'est pas devenu homme à un moment décisif de la vie terrestre de Jésus. Jésus fut Dieu et homme, toujours et pour l'éternité. Ce Dieu et cet homme ne faisaient et ne font maintenant qu'un, de même que la Trinité Paradisiaque de trois êtres est en réalité une Déité.

120:4.4 Ne perdez jamais de vue le fait que le but spirituel suprême de l'effusion de Micaël était de rehausser la révélation de Dieu.

120:4.5 Les mortels d'Urantia ont des concepts variables du miraculeux, mais pour nous, qui vivons comme citoyens de l'univers local, il y a peu de miracles, et, parmi eux, les effusions d'incarnation des Fils du Paradis sont de beaucoup les plus mystérieux. L'apparition d'un Fils divin dans et sur votre monde, par un processus apparemment naturel, nous la considérons comme un miracle - le fonctionnement de lois universelles qui dépassent notre entendement. Jésus de Nazareth était une personne miraculeuse.

120:4.6 À travers et au cours de toute cette expérience extraordinaire, Dieu le Père choisit de se manifester comme il le fait toujours - de la manière habituelle - selon les procédés normaux, naturels et dignes de toute confiance, de l'action divine.

121. L'Époque de l'Effusion de Micaël

121:0.1 AGISSANT sous la supervision d'une commission de douze membres de la Fraternité Unie des Médians d'Urantia, parrainée conjointement par le président en exercice de notre ordre et par le Melchizédek rapporteur, je suis le médian secondaire qui fut jadis attaché à l'apôtre André, et je suis autorisé à rédiger le récit des actes de la vie de Jésus de Nazareth tels qu'ils ont été observés par mon ordre de créatures terrestres et tels qu'ils furent ensuite partiellement rapportés par le sujet humain confié temporairement à ma garde. Sachant combien son maitre évitait scrupuleusement de laisser des traces écrites de son passage, André refusa fermement de multiplier les copies de sa narration écrite. Une attitude similaire chez les autres apôtres de Jésus retarda considérablement la rédaction des Évangiles.

121.1  L'Occident au Premier Siècle après le Christ

121:1.1 Ce n'est pas au cours d'un âge de décadence spirituelle que Jésus est venu dans ce monde. Au moment de sa naissance, Urantia passait par une renaissance de pensée spirituelle et de vie religieuse comme elle n'en avait pas connues dans toute son histoire antérieure depuis Adam, et comme il n'y en a eu à aucune époque depuis lors. Lorsque Micaël s'incarna sur Urantia, le monde offrait, pour l'effusion du Fils Créateur, les conditions les plus favorables qui aient jamais prévalu précédemment ou se soient présentées par la suite. Au cours des siècles immédiatement antérieurs à cette époque, la culture et la langue grecques s'étaient répandues dans l'Occident et le Proche-Orient. Les Juifs étaient une race levantine de nature partie occidentale et partie orientale ; ils se trouvaient donc éminemment qualifiés pour utiliser ce cadre culturel et linguistique en vue de répandre efficacement une nouvelle religion à la fois en Orient et en Occident. Ces circonstances très favorables étaient encore rehaussées par la tolérance politique du gouvernement du monde méditerranéen par les Romains.

121:1.2 Toute cette combinaison d'influences mondiales est bien illustrée par les activités de Paul, de qui la culture religieuse était celle d'un Hébreu d'entre les Hébreux et qui proclama, en langue grecque, l'évangile d'un Messie juif, tandis que lui-même était un citoyen romain.

121:1.3 Rien de semblable à la civilisation du temps de Jésus n'a été vu en Occident avant ou depuis cette époque. La civilisation européenne fut unifiée et coordonnée sous une triple influence extraordinaire :

121:1.4 1. Les systèmes politiques et sociaux romains.

121:1.5 2. Le langage et la culture de la Grèce - et, dans une certaine mesure, sa philosophie.

121:1.6 3. L'influence en rapide expansion des enseignements moraux et religieux des Juifs.

121:1.7 À la naissance de Jésus, le monde méditerranéen en entier était un empire unifié. Pour la première fois dans l'histoire du monde, de bonnes routes reliaient de nombreux centres majeurs. Les mers étaient débarrassées des pirates, et une grande ère de commerce et de voyages s'ouvrait rapidement. L'Europe ne connut plus une telle période de commerce et de voyage jusqu'au dix-neuvième siècle après J.-C.

121:1.8 Nonobstant la paix intérieure et la prospérité superficielle du monde gréco-romain, la majorité des habitants de l'empire languissait dans une misère sordide. La classe supérieure peu nombreuse était riche ; une classe inférieure misérable et appauvrie englobait la masse de l'humanité. En ces jours-là, il n'y avait pas de classe moyenne heureuse et prospère ; cette classe venait juste de naître dans la société romaine.

121:1.9 Les premières luttes entre les États en voie d'expansion des Romains et des Parthes avaient pris fin dans un passé alors encore récent, laissant la Syrie aux mains des Romains. À l'époque de Jésus, la Syrie et la Palestine jouissaient d'une période de prospérité, de paix relative et de rapports commerciaux très étendus avec les pays de l'Orient et de l'Occident.

121.2  Le Peuple Juif

121:2.1 Les Juifs faisaient partie de la race sémitique plus ancienne qui incluait aussi les Babyloniens, les Phéniciens et les plus récents ennemis de Rome, les Carthaginois. Au cours de la première partie du premier siècle de l'ère chrétienne, les Juifs étaient le groupe le plus influent des peuples sémitiques, et il se trouva qu'ils occupaient une position géographique et stratégique particulière dans le monde tel qu'il était alors gouverné et organisé pour le commerce.

121:2.2 Beaucoup de grandes routes reliant les nations de l'antiquité passaient par la Palestine qui devint ainsi le point de contact, la croisée des chemins, de trois continents. Les voyageurs, le commerce et les armées de Babylonie, d'Assyrie, d'Égypte, de Syrie, de Grèce, de Parthie et de Rome passèrent successivement par la Palestine. Depuis des temps immémoriaux, de nombreux itinéraires de caravanes d'Orient passèrent par telle ou telle partie de cette région en allant vers les rares bons ports de mer de l'extrémité orientale de la Méditerranée, d'où des bateaux transportaient leurs cargaisons à tout l'Occident maritime. Plus de la moitié du trafic de ces caravanes passait par la petite ville de Nazareth en Galilée, ou à proximité.

121:2.3 Bien que la Palestine fût le foyer de la culture religieuse juive et le berceau du christianisme, les Juifs étaient répandus dans le monde, implantés dans beaucoup de nations, et pratiquaient le commerce dans toutes les provinces des États romain et parthe.

121:2.4 La Grèce apportait un langage et une culture, Rome construisait les routes et unifiait un empire, mais la dispersion des Juifs, avec plus de deux-cents synagogues et leurs communautés religieuses bien organisées réparties çà et là dans tout le monde romain, fournissait les centres culturels où le nouvel évangile du royaume des cieux reçut son accueil initial et d'où il se répandit, par la suite, aux confins de la terre.

121:2.5 Chaque synagogue juive tolérait une frange de croyants venant de chez les Gentils, des hommes « dévots » ou « craignant Dieu » , et c'est parmi cette frange de prosélytes que Paul opéra la majeure partie de ses premières conversions au christianisme. Même au temple de Jérusalem, il y avait, pour les Gentils, une cour richement décorée. La culture, le commerce et le culte de Jérusalem étaient très étroitement liés avec ceux d'Antioche. C'est à Antioche que les disciples de Paul furent appelés, pour la première fois, « les chrétiens » .

121:2.6 La centralisation, à Jérusalem, du culte juif du temple constituait à la fois le secret de la survivance du monothéisme juif et la promesse qu'il nourrirait et répandrait, dans le monde, un nouveau concept élargi de ce Dieu unique de toutes les nations et Père de tous les mortels. Le service du temple, à Jérusalem, représentait la survivance d'un concept culturel religieux en face de la chute d'une succession de suzerains nationaux Gentils, persécuteurs raciaux.

121:2.7 Bien que le peuple juif de l'époque fût sous la suzeraineté romaine, il jouissait d'une très grande autonomie gouvernementale. Et se souvenant des héroïques exploits de délivrance alors récemment accomplis par Judas Macchabée et ses successeurs immédiats, il vibrait dans l'attente de l'apparition toute prochaine d'un libérateur encore plus grand, le Messie longtemps attendu.

121:2.8 Le secret de la survie de la Palestine, royaume des Juifs, en tant qu'état semi-indépendant, était intimement lié à la politique étrangère du gouvernement romain qui désirait conserver le contrôle de la grande route palestinienne de transit entre la Syrie et l'Égypte, ainsi que les terminus occidentaux des routes des caravanes entre l'Orient et l'Occident. Rome ne souhaitait pas qu'une puissance quelconque puisse s'élever dans le Levant avec la possibilité de brider son expansion future dans ces régions. La politique d'intrigues, qui avait pour objet d'opposer la Syrie séleucide et l'Égypte des Ptolémées, conduisait à conserver la Palestine comme un État séparé et indépendant. La politique romaine, la dégénérescence de l'Égypte et l'affaiblissement progressif des Séleucides devant le pouvoir croissant des Parthes expliquent pourquoi, pendant plusieurs générations, un faible petit groupe de Juifs parvint à maintenir son indépendance à la fois contre les Séleucides au nord et les Ptolémées au sud. Les Juifs attribuaient cette liberté fortuite et cette indépendance de la férule des peuples voisins plus puissants, au fait qu'ils étaient « le peuple élu » , à l'intervention directe de Yahweh. Une telle attitude de supériorité raciale leur rendit d'autant plus dur de supporter la suzeraineté romaine lorsqu'elle s'abattit finalement sur leur pays. Même à ce triste moment, les Juifs refusèrent d'apprendre que leur mission mondiale était spirituelle et non politique.

121:2.9 Les Juifs étaient anormalement craintifs et soupçonneux à l'époque de Jésus, parce qu'ils étaient alors gouvernés par un étranger, Hérode l'Iduméen, qui s'était emparé de la suzeraineté sur la Judée en s'insinuant habilement dans les bonnes grâces des dirigeants romains. Bien qu'Hérode professât d'être loyal aux observances du cérémonial hébreu, il se mit à construire des temples pour nombre de dieux étrangers.

121:2.10 Les relations amicales d'Hérode avec les dirigeants romains permettaient aux Juifs de voyager en sécurité dans le monde. Elles frayaient donc le chemin à une pénétration accrue des Juifs, même dans les régions lointaines de l'empire romain et dans les nations étrangères avec lesquelles Rome avait des traités ; les Juifs pouvaient y apporter le nouvel évangile du royaume des cieux. Le règne d'Hérode contribua également beaucoup à l'accroissement ultérieur de la fusion des philosophies hébraïque et hellénique.

121:2.11 Hérode bâtit le port de Césarée, qui contribua encore à faire de la Palestine la croisée des chemins du monde civilisé. Il mourut en l'an 4 avant l'ère chrétienne, et son fils Hérode Antipas gouverna la Galilée et la Pérée pendant la jeunesse et le ministère de Jésus, et jusqu'à l'an 39 de l'ère chrétienne. Comme son père, Antipas était un grand bâtisseur. Il reconstruisit beaucoup de villes de Galilée, y compris l'important centre commercial de Sepphoris.

121:2.12 Les Galiléens ne jouissaient pas pleinement de la faveur des chefs religieux et des maitres rabbiniques de Jérusalem. À la naissance de Jésus, la Galilée était plus sous l'influence des Gentils que des Juifs.

121.3  Parmi les Gentils

121:3.1 Bien que les conditions économiques et sociales de l'État romain ne fussent pas de l'ordre le plus élevé, il y régnait une paix intérieure et une prospérité générale propice à l'effusion de Micaël. Au premier siècle de l'ère chrétienne, la société du monde méditerranéen était formée de cinq couches bien définies :

121:3.2 1. L'aristocratie. Les classes supérieures possédant de la fortune et le pouvoir officiel - les groupes dirigeants et privilégiés.

121:3.3 2. Les groupes d'affaires. Les princes des marchands et les banquiers - les négociants - grands importateurs et exportateurs - les commerçants internationaux.

121:3.4 3. La classe moyenne peu nombreuse. Bien que ce groupe fût en effet restreint, il était très influent et fournit l'ossature morale de l'Église chrétienne primitive qui encouragea ces groupes à continuer d'exercer leurs divers métiers et commerces. Parmi les Juifs, beaucoup de pharisiens appartenaient à cette classe de commerçants.

121:3.5 4. Le prolétariat libre. Les hommes appartenant à ce groupe avaient un statut social très médiocre ou insignifiant. Bien qu'ils fussent fiers de leur liberté, ils étaient très désavantagés parce qu'ils étaient forcés de concurrencer la main-d'oeuvre esclave. Les classes supérieures les considéraient avec dédain, estimant qu'ils étaient inutiles, sauf pour « la reproduction » .

121:3.6 5. Les esclaves. La moitié des habitants de l'État romain se composait d'esclaves. Un assez grand nombre d'entre eux étaient des individus supérieurs qui faisaient rapidement leur chemin en s'élevant dans le prolétariat libre et même parmi les marchands, mais, en majorité, ils étaient médiocres ou très inférieurs.

121:3.7 La réduction à l'esclavage, même des peuples supérieurs, était l'un des traits de la conquête militaire romaine. Le pouvoir du maitre sur l'esclave était absolu. L'Église chrétienne primitive était composée, en grande partie, de ces esclaves et des classes inférieures de la population.

121:3.8 Les esclaves supérieurs recevaient souvent des salaires qu'ils pouvaient économiser pour acheter leur liberté. Beaucoup de ces esclaves émancipés s'élevaient à de hautes situations dans l'État, l'Église ou le monde des affaires. Ce sont précisément ces possibilités qui rendirent l'Église chrétienne primitive si tolérante envers cette forme modifiée d'esclavage.

121:3.9 Il n'y avait pas de problème social général dans l'Empire romain au premier siècle après J.-C. La majeure partie de la population se considérait comme appartenant au groupe où le hasard l'avait fait naître. Il y avait toujours une porte ouverte par laquelle les individus doués et capables pouvaient s'élever des classes inférieures aux classes supérieures de la société romaine, mais les gens étaient généralement satisfaits de leur rang social. Ils n'avaient pas de conscience de classe et ne considéraient pas non plus ces distinctions de classes comme mauvaises ou injustes. Le christianisme n'était en aucun sens un mouvement économique ayant pour but de pallier la misère des classes défavorisées.

121:3.10 Les femmes avaient plus de liberté dans tout l'empire romain qu'en Palestine avec leur statut limité, mais la dévotion familiale et l'affection naturelle des Juifs surpassaient de loin celles du monde des Gentils.

121.4  La Philosophie des Gentils

121:4.1 Au point de vue moral, les Gentils étaient quelque peu inférieurs aux Juifs, mais il existait, dans le coeur des Gentils les plus nobles, un vaste terrain de bonté naturelle et un potentiel d'affection humaine où la semence du christianisme pouvait germer et produire une abondante récolte de caractères moraux et de réussites spirituelles. Le monde des Gentils était alors dominés par quatre grandes philosophies, toutes plus ou moins dérivées du platonisme grec primitif. Ces écoles de philosophie étaient les suivantes :

121:4.2 1. Les épicuriens. Cette école de pensée était consacrée à la poursuite du bonheur. Les meilleurs épicuriens ne s'adonnaient pas aux excès sensuels. Du moins cette doctrine contribua-t-elle à délivrer les Romains d'une forme de fatalisme encore plus néfaste ; elle enseignait que les hommes pouvaient faire quelque chose pour améliorer leur statut terrestre. Elle combattit efficacement les superstitions ignorantes.

121:4.3 2. Les stoïciens. Le stoïcisme était la philosophie supérieure des meilleures classes. Les stoïciens croyaient qu'un Destin-Raison directeur dominait toute la nature. Ils enseignaient que l'âme de l'homme était divine et emprisonnée dans un corps mauvais de nature physique. L'âme de l'homme atteignait la liberté en vivant en harmonie avec la nature, avec Dieu, et ainsi la vertu devenait sa propre récompense. Le stoïcisme s'éleva à une moralité sublime, à des idéaux qui ne furent jamais surpassés depuis lors par aucun système de philosophie purement humain. Alors que les stoïciens se déclaraient « descendants de Dieu » , ils ne réussirent pas à le connaître, et donc pas à le trouver. Le stoïcisme resta une philosophie et ne devint jamais une religion. Ses adeptes cherchaient à mettre leur mental à l'unisson de l'harmonie du Mental Universel, mais ne parvinrent pas à se considérer comme les enfants d'un Père aimant. Paul inclinait fortement vers le stoïcisme lorsqu'il écrivit : « Dans quelque état que je me trouve, j'ai appris à en être satisfait. »

121:4.4 3. Les cyniques. Bien que les cyniques fissent remonter leur philosophie à Diogène l'Athénien, ils tiraient une grande partie de leur doctrine des vestiges des enseignements de Machiventa Melchizédek. Autrefois, le cynisme avait plus tenu de la religion que de la philosophie. Du moins, les cyniques rendirent-ils démocratique leur philosophie religieuse. Dans les campagnes et sur les places des marchés, ils prêchaient continuellement leur doctrine que « l'homme pouvait se sauver s'il le voulait » . Ils prônaient la simplicité et la vertu, et pressaient les hommes d'affronter la mort avec intrépidité. Ces prédicateurs cyniques itinérants contribuèrent largement à préparer la populace spirituellement affamée à la venue des missionnaires chrétiens qui arrivèrent plus tard. Leurs sermons populaires ressemblaient beaucoup aux Épitres de Paul par leur plan et leur style.

121:4.5 4. Les sceptiques. Le scepticisme affirmait que la connaissance était trompeuse et que la conviction et l'assurance étaient impossibles. C'était une attitude purement négative qui ne se répandit jamais beaucoup.

121:4.6 Ces philosophies étaient semi-religieuses et souvent fortifiantes, éthiques et ennoblissantes, mais leur niveau était généralement trop élevé pour le commun des mortels. À l'exception peut-être du cynisme, c'étaient des philosophies pour les forts et les sages, et non des religions de salut destinées même aux pauvres et aux faibles.

121.5  Les Religions des Gentils

121:5.1 Au cours des âges précédents, la religion avait principalement été une affaire de tribu ou de nation ; elle n'avait pas souvent été un sujet d'intérêt pour l'individu. Les Dieux étaient tribaux ou nationaux, et non personnels. De tels systèmes religieux n'apportèrent guère de satisfaction aux aspirations spirituelles individuelles de la moyenne des gens ordinaires.

121:5.2 À l'époque de Jésus, les religions de l'Occident comprenaient :

121:5.3 1. Les cultes païens. C'étaient des combinaisons de mythologies, de patriotisme et de traditions helléniques et latines.

121:5.4 2. L'adoration de l'empereur. Cette déification de l'homme en tant que symbole de l'État froissait profondément les Juifs et les premiers chrétiens : elle conduisit directement aux cruelles persécutions des deux Églises par le gouvernement romain.

121:5.5 3. L'astrologie. Cette pseudo-science de Babylone se transforma en une religion dans tout l'empire gréco-romain. Même au vingtième siècle, les hommes ne sont pas entièrement libérés de cette croyance superstitieuse.

121:5.6 4. Les religions des mystères. Sur ce monde spirituellement affamé, s'était abattu un flot de cultes des mystères, d'étranges et nouvelles religions du Levant, qui avaient séduit les gens du commun et leur avaient promis le salut individuel. Ces religions devinrent rapidement la croyance acceptée par les classes inférieures du monde gréco-romain, et contribuèrent beaucoup à préparer le chemin à la diffusion rapide des enseignements chrétiens, considérablement supérieurs, qui présentaient, aux gens intelligents, un concept majestueux de la Déité associé à une théologie, propre à exciter la curiosité, et, à tous, une profonde offre de salut, y compris à l'homme moyen de cette époque, ignorant, mais spirituellement affamé.

121:5.7 Les religions des mystères sonnèrent le glas des croyances nationales et aboutirent à la naissance de nombreux cultes personnels. Les mystères étaient nombreux, mais présentaient tous les caractéristiques suivantes :

121:5.8 1. Un mythe légendaire, un mystère - d'où leur nom. En règle générale, ce mystère concernait l'histoire de quelque dieu, sa vie, sa mort et sa résurrection. On en trouve un exemple dans les enseignements du mithracisme, qui fut, pendant un certain temps, contemporain du culte croissant du christianisme selon Paul, et lui fit concurrence.

121:5.9 2. Les mystères étaient interraciaux et non nationaux, ils étaient personnels et fraternels, donnant le jour à des confréries religieuses et à de nombreuses sociétés sectaires.

121:5.10 3. Les services religieux des mystères se caractérisaient par des cérémonies d'initiation compliquées et par d'impressionnants sacrements de culte. Leurs rites et leurs rituels secrets étaient parfois macabres et révoltants.

121:5.11 4. Quels que fussent la nature de leurs cérémonies ou le degré de leur excès, ces mystères promettaient invariablement le salut à leurs zélateurs, « la délivrance du mal, la survie après la mort et une vie durable dans des royaumes de félicité au delà de ce monde de tristesse et d'esclavage » .

121:5.12 Mais ne commettez pas l'erreur de confondre les enseignements de Jésus avec les mystères. La popularité des mystères révèle que les hommes cherchent à survivre, ce qui dépeint une faim et une soif réelles de religion personnelle et de droiture individuelle. Bien que les mystères n'aient pas satisfait ces aspirations d'une manière adéquate, ils préparèrent effectivement le chemin à l'apparition subséquente de Jésus, qui apporta vraiment à ce monde le pain de vie et l'eau vive.

121:5.13 Dans un effort pour utiliser l'acceptation généralisée des meilleurs types de religion des mystères, Paul fit subir certaines adaptations aux enseignements de Jésus, de manière à les rendre plus acceptables pour un grand nombre de personnes susceptibles d'être converties. Mais même le compromis de Paul sur les enseignements de Jésus (le christianisme) était supérieur au meilleur des mystères, en ce sens que :

121:5.14 1. Paul enseignait une rédemption morale, un salut éthique. Le christianisme orientait vers une nouvelle vie et proclamait un nouvel idéal. Paul renonça aux rites magiques et aux enchantements cérémoniels.

121:5.15 2. Le christianisme présentait une religion qui s'attaquait aux solutions définitives du problème humain, car non seulement il offrait de vous sauver de la douleur et même de la mort, mais il promettait aussi de vous délivrer du péché, après quoi vous seriez pourvu d'un caractère droit comportant des qualités de survie éternelle.

121:5.16 3. Les mystères étaient édifiés sur des mythes. Le christianisme, tel que Paul le prêchait, était basé sur un fait historique : l'effusion de Micaël, le Fils de Dieu, sur l'humanité.

121:5.17 La moralité, chez les Gentils, n'était pas nécessairement liée à la philosophie ou à la religion. Hors de Palestine, les gens n'avaient pas toujours l'idée qu'un prêtre était censé mener une vie morale. La religion juive, puis les enseignements de Jésus, et plus tard le christianisme évoluant de Paul, furent les premières religions européennes à saisir d'une part la morale et d'autre part l'éthique, en insistant pour que les personnes religieuses prêtent quelque attention aux deux.

121:5.18 C'est dans une pareille génération d'hommes dominés par de tels systèmes philosophiques incomplets, et troublés par de tels cultes religieux complexes que Jésus naquit en Palestine. C'est à cette même génération qu'il donna ultérieurement son évangile de religion personnelle - la filiation avec Dieu.

121.6  La Religion Hébraïque

121:6.1 Vers la fin du premier siècle avant le Christ, la pensée religieuse de Jérusalem avait été profondément influencée et quelque peu modifiée par les enseignements culturels grecs, et même par la philosophie grecque. Dans le long différend entre les positions des écoles orientales et occidentales de pensée hébraïque, Jérusalem et le reste de l'Occident ainsi que le Levant adoptèrent, en général, le point de vue des Juifs de l'Ouest, le point de vue helléniste modifié.

121:6.2 Au temps de Jésus, trois langues dominaient en Palestine : la masse du peuple employait un dialecte araméen, les prêtres et les rabbins parlaient l'hébreu, les classes éduquées et les couches supérieures de la population juive parlaient, en général, le grec. Le fait que les Écritures hébraïques aient été traduites très tôt en grec, à Alexandrie, fut en grande partie responsable de la prédominance ultérieure de l'aile grecque de la culture et de la théologie juives. Les écrits des éducateurs chrétiens ne devaient pas tarder à apparaître dans la même langue. La renaissance du judaïsme date de la traduction en grec des Écritures hébraïques. Cette influence fut décisive pour faire dériver ultérieurement le culte chrétien de Paul vers l'Occident et non vers l'Orient.

121:6.3 Bien que les croyances juives hellénisées fussent très peu influencées par les enseignements des épicuriens, elles furent influencées très substantiellement par la philosophie de Platon et les doctrines d'abnégation des stoïciens. Le grand envahissement du stoïcisme est illustré par le Quatrième Livre des Macchabées. La double pénétration de la philosophie platonicienne et des doctrines stoïciennes ressort dans la Sagesse de Salomon. Les Juifs hellénisés apportèrent aux Écritures des Hébreux une telle interprétation allégorique qu'ils ne trouvèrent aucune difficulté à conformer la théologie hébraïque à la philosophie aristotélicienne, qu'ils révéraient. Mais tout cela conduisit à une confusion désastreuse, jusqu'à ce que ces problèmes fussent pris en main par Philon d'Alexandrie qui entreprit d'harmoniser et d'organiser la philosophie grecque et la théologie hébraïque en un système compact et relativement cohérent de croyances et de pratiques religieuses. C'est cet enseignement ultérieur de philosophie grecque et de théologie hébraïque conjuguées qui prévalait en Palestine au moment où Jésus y vécut et y enseigna, et que Paul utilisa comme fondation pour construire son culte chrétien plus élevé et plus lumineux que les autres.

121:6.4 Philon était un grand maitre. Depuis Moïse, on n'avait pas vu d'homme exerçant une influence aussi profonde sur la pensée éthique et religieuse du monde occidental. Quant à la combinaison des meilleurs éléments issus des systèmes contemporains d'enseignement éthique et religieux, il y eut sept éducateurs humains exceptionnels : Séthard, Moïse, Zoroastre, Lao-Tsé, Bouddha, Philon et Paul.

121:6.5 Philon avait commis des inconséquences dans son effort pour combiner la philosophie mystique grecque et les doctrines romaines des stoïciens avec la théologie légaliste des Hébreux. Paul reconnut beaucoup de ces inconséquences, mais pas toutes, et les élimina sagement de sa théologie fondamentale préchrétienne. Philon fraya la voie à Paul pour rétablir plus complètement le concept de la Trinité du Paradis, qui avait été longtemps en veilleuse dans la théologie juive. Sur un seul sujet, Paul ne réussit ni à se maintenir à la hauteur de Philon ni à surpasser les enseignements de ce Juif d'Alexandrie riche et instruit ; il s'agissait de la doctrine du rachat. Philon enseignait qu'il fallait se libérer de la doctrine selon laquelle le pardon ne s'obtenait qu'en versant le sang. Il est possible également que, mieux que Paul, il entrevit la réalité et la présence de l'Ajusteur de Pensée. Mais la théorie de Paul sur le péché originel, les doctrines de la culpabilité héréditaire, du mal inné et de sa rédemption étaient partiellement d'origine mithraïque et avaient peu de points communs avec la théologie hébraïque, ou avec la philosophie de Philon, ou avec les enseignements de Jésus. Certains aspects de l'enseignement de Paul, concernant le péché originel et le rachat, provenaient de Paul lui-même.

121:6.6 L'Évangile de Jean, le dernier des récits de la vie terrestre de Jésus, s'adressait aux peuples occidentaux et présente son histoire en s'inspirant largement du point de vue des chrétiens d'Alexandrie de la seconde heure, qui étaient aussi des disciples de l'enseignement de Philon.

121:6.7 À peu près à l'époque du Christ, un étrange revirement de sentiment envers les Juifs se produisit à Alexandrie et, de cet ancien bastion juif, partit une virulente vague de persécutions s'étendant jusqu'à Rome même, d'où des milliers d'entre eux furent bannis. Mais une telle campagne dénaturant les faits fut de courte durée ; le gouvernement impérial rétablit dans leur intégralité, très tôt, et sur toute l'étendue de l'empire, les libertés des Juifs qui avaient été restreintes.

121:6.8 Quel que fût l'endroit du vaste monde où les Juifs se trouvaient dispersés par le commerce ou l'oppression, ils gardaient d'un commun accord leur coeur centré sur le temple sacré de Jérusalem. La théologie juive survécut effectivement telle qu'elle était interprétée et pratiquée à Jérusalem, bien qu'à plusieurs reprises, elle ait été sauvée de l'oubli par l'intervention opportune de certains éducateurs babyloniens.

121:6.9 Jusqu'à deux-millions et demi de ces Juifs dispersés avaient coutume de venir à Jérusalem pour la célébration de leurs fêtes religieuses nationales. Quelles que fussent les différences théologiques ou philosophiques entre les Juifs de l'Est (babyloniens) et ceux de l'Ouest (helléniques), ils étaient tous d'accord pour garder Jérusalem comme centre de leur culte et d'attendre toujours avec espoir la venue du Messie.

121.7  Juifs et Gentils

121:7.1 À l'époque de Jésus, les Juifs étaient parvenus à un concept stable de leur origine, de leur histoire et de leur destinée. Ils avaient construit un mur de séparation rigide entre eux et le monde des Gentils, et considéraient toutes les habitudes des Gentils avec un suprême dédain. Leur culte suivait la lettre de la loi et ils se complaisaient dans une forme de satisfaction de soi basée sur le faux orgueil de leur généalogie. Ils s'étaient forgé des notions préconçues au sujet du Messie promis, et la plupart de ces espérances envisageaient un Messie qui viendrait comme un élément de leur histoire nationale et raciale. Pour les Hébreux de ce temps-là, la théologie juive était irrévocablement établie et fixée pour toujours.

121:7.2 Les enseignements et les pratiques de Jésus concernant la tolérance et la bonté allaient à l'encontre de la très ancienne attitude des Juifs envers les autres peuples, qu'ils considéraient comme païens. Pendant des générations, les Juifs avaient entretenu à l'égard du monde extérieur une attitude qui leur rendait impossible d'accepter les enseignements du Maitre sur la fraternité spirituelle des hommes. Ils ne voulaient pas partager Yahweh à égalité avec les Gentils, et ne voulaient pas davantage accepter, comme Fils de Dieu, quelqu'un qui enseignait des doctrines aussi nouvelles et étranges.

121:7.3 Les scribes, les pharisiens et la prêtrise maintenaient les Juifs dans un terrible esclavage de ritualisme et de légalisme, un esclavage bien plus réel que celui de l'autorité politique romaine. Les Juifs de l'époque de Jésus n'étaient pas seulement asservis à la loi, mais aussi liés par les exigences serviles des traditions qui impliquaient et envahissaient tous les domaines de la vie personnelle et sociale. Ces règles de conduite minutieuses poursuivaient et dominaient tous les Juifs loyaux. Et il n'est rien de surprenant à ce qu'ils se soient empressés de rejeter l'un des leurs qui prétendait ne pas tenir compte de leurs traditions sacrées et qui osait faire fi de leurs règles de conduite sociale, honorées depuis si longtemps. Ils ne pouvaient guère considérer avec faveur les enseignements de quelqu'un qui n'hésitait pas à entrer en conflit avec des dogmes qu'ils considéraient comme établis par leur Père Abraham en personne. Moïse leur avait donné leur loi, et ils ne voulaient pas faire de compromis.

121:7.4 Au premier siècle de l'ère chrétienne, l'interprétation orale de la loi par les éducateurs reconnus, les scribes, avait acquis une autorité plus haute que la loi écrite elle-même. Tout cela rendait plus facile à certains chefs religieux des Juifs d'ameuter le peuple contre l'acceptation d'un nouvel évangile.

121:7.5 Ces circonstances rendaient impossible aux Juifs d'accomplir leur destinée divine comme messagers du nouvel évangile d'indépendance religieuse et de liberté spirituelle ; ils n'arrivaient pas à briser les liens de la tradition. Jérémie avait annoncé la « loi qui devait être écrite dans le coeur des hommes » . Ézéchiel avait parlé d'un « nouvel esprit qui devait vivre dans l'âme de l'homme » , et le psalmiste avait prié pour que Dieu « crée un coeur intérieur pur et renouvelle un esprit droit » . Mais, quand la religion juive de bonnes oeuvres et d'esclavage de la loi succomba à la stagnation de l'inertie des traditions, le mouvement d'évolution religieuse se déplaça vers l'ouest chez les peuples européens.

121:7.6 Et c'est ainsi qu'un autre peuple fut appelé à apporter au monde une théologie en progrès, un système d'enseignement, qui incorporait la philosophie des Grecs, la loi des Romains, la moralité des Hébreux et l'évangile proclamant le caractère sacré de la personnalité et de la liberté spirituelle, formulé par Paul et basé sur les enseignements de Jésus.

121:7.7 Le culte chrétien de Paul faisait ressortir sa moralité comme un signe de naissance juive. Les Juifs considéraient l'histoire comme la providence de Dieu - Yahweh au travail. Les Grecs apportèrent, au nouvel enseignement, des concepts plus clairs de la vie éternelle. Les doctrines de Paul furent influencées dans leur contenu théologique et philosophique non seulement par les enseignements de Jésus, mais par Platon et Philon. Son éthique fut inspirée non seulement par le Christ, mais aussi par les stoïciens.

121:7.8 L'évangile de Jésus, tel que Paul l'avait incorporé dans le culte du christianisme d'Antioche, se mélangea avec les enseignements suivants :

121:7.9 1. Les raisonnements philosophiques des prosélytes grecs du judaïsme, y compris certains de leurs concepts de la vie éternelle.

121:7.10 2. Les enseignements attrayants des cultes prédominants des mystères, et spécialement les doctrines mithriaques de rédemption, de rachat et de salut par le sacrifice fait par un certain dieu.

121:7.11 3. La robuste moralité de la religion juive établie.

121:7.12 À l'époque de Jésus, l'empire romain de la Méditerranée, le royaume des Parthes et les peuples adjacents avaient tous des idées sommaires et primitives au sujet de la géographie du monde, de l'astronomie, de la santé et de la maladie ; et, naturellement, ils furent stupéfaits par les déclarations nouvelles et surprenantes du charpentier de Nazareth. Les idées de possession par de bons ou de mauvais esprits ne s'appliquaient pas uniquement aux êtres humains ; beaucoup de gens considéraient que chaque arbre et chaque roche étaient possédés par un esprit. C'était là un âge d'enchantements, et chacun considérait les miracles comme des incidents ordinaires.

121.8  Écrits Antérieurs

121:8.1 Autant qu'il était possible, et compatible avec notre mission, nous nous sommes efforcés d'utiliser et, dans une certaine mesure, de coordonner les archives existantes ayant rapport à la vie de Jésus sur Urantia. Bien que nous ayons pu profiter de l'accès aux écrits perdus de l'apôtre André et que nous ayons bénéficié de la collaboration d'une vaste foule d'êtres célestes qui se trouvaient sur terre au temps de l'effusion de Micaël (particulièrement son Ajusteur maintenant personnalisé), notre intention a été de nous servir également des Évangiles dits de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean.

121:8.2 Ces écrits du Nouveau Testament ont eu leur origine dans les circonstances suivantes :

121:8.3 1. L'Évangile de Marc. À l'exception des notes d'André, c'est Jean Marc qui écrivit la première, la plus courte et la plus simple histoire de la vie de Jésus. Il présenta le Maitre comme un ministre, un homme parmi les hommes. Bien que Marc fût un jeune garçon évoluant dans les abords immédiats des scènes qu'il dépeint, son récit est, en réalité, l'Évangile selon Simon Pierre. Marc s'associa de bonne heure avec Pierre, et plus tard avec Paul. Il écrivit son histoire à l'instigation de Pierre et à la demande instante de l'Église de Rome. Sachant avec quelle persistance le Maitre avait refusé d'écrire ses enseignements pendant son incarnation sur terre, Marc, comme les apôtres et d'autres disciples éminents, hésitait à les mettre par écrit. Mais Pierre avait le sentiment qu'à Rome, l'Église avait besoin de s'appuyer sur un récit écrit, et Marc consentit à entreprendre sa préparation. Il rédigea beaucoup de notes avant le décès de Pierre en l'an 67. Conformément au cadre approuvé par Pierre, il commença la narration pour l'Église de Rome peu de temps après la mort de Pierre. L'Évangile fut achevé vers la fin de l'an 68. Marc l'écrivit entièrement de mémoire et d'après les souvenirs de Pierre. Ce document a été considérablement modifié depuis lors. De nombreux passages en ont été supprimés, et des additions ultérieures y ont été faites pour remplacer le dernier cinquième de l'Évangile original, qui fut détaché du premier manuscrit et perdu avant même d'avoir été copié. Le document de Marc, en conjonction avec les notes d'André et de Matthieu, fut la base écrite de tous les récits évangéliques ultérieurs qui cherchèrent à peindre la vie et les enseignements de Jésus.

121:8.4 2. L'Évangile de Matthieu. L'Évangile dit selon Matthieu est le récit de la vie du Maitre écrit pour l'édification des Juifs chrétiens. L'auteur de ce document cherche constamment à montrer que, dans la vie de Jésus, beaucoup de choses furent faites « afin que s'accomplisse la parole du prophète » . L'Évangile de Matthieu présente Jésus comme un fils de David et le dépeint comme montrant un grand respect pour la loi et les prophètes.

121:8.5 Ce n'est pas l'apôtre Matthieu qui écrivit cet évangile, mais Isador, un de ses disciples qui, pour faciliter son travail, disposait non seulement des souvenirs personnels de ces évènements chez Matthieu, mais aussi un certain memento sur les leçons de Jésus, que Matthieu avait rédigé aussitôt après la crucifixion. Ces notes de Matthieu étaient écrites en araméen. Isador écrivit en grec. Il n'y avait pas d'intention de tromperie en attribuant l'oeuvre à Matthieu. En ces jours-là, les élèves avaient l'habitude d'honorer ainsi leurs maitres.

121:8.6 Le récit original de Matthieu fut édité et reçut ses additions en l'an 40, juste avant que Matthieu ne quittât Jérusalem pour se lancer dans la prédication évangélique. C'était un document privé dont la dernière copie fut détruite dans l'incendie d'un monastère syrien en l'an 416.

121:8.7 Isador s'échappa de Jérusalem en l'an 70 après que la ville eut été investie par les armées de Titus. Il emporta avec lui à Pella une copie des notes de Matthieu et, en l'an 71, pendant qu'il habitait Pella, il écrivit l'Évangile selon Matthieu. Isador possédait aussi les quatre premiers cinquièmes de la narration de Marc.

121:8.8 3. L'Évangile de Luc. Luc, le médecin d'Antioche en Pisidie, était un Gentil converti par Paul. Il écrivit une tout autre histoire de la vie du Maitre. C'est en l'an 47 qu'il commença à suivre Paul et à s'instruire sur la vie et les enseignements de Jésus. Luc conserva dans son récit beaucoup de la « grâce du Seigneur Jésus-Christ » , car il rassembla ces faits d'après Paul et d'autres personnes. Luc présente le Maitre comme « l'ami des publicains et des pécheurs » . Ce fut seulement après la mort de Paul qu'il réunit ses nombreuses notes en un Évangile. Il l'écrivit en l'an 82, en Achaïe. Il projetait trois livres traitant de l'histoire du Christ et du christianisme, mais il mourut en l'an 90, juste avant d'achever le second de ces ouvrages, les « Actes des Apôtres » .

121:8.9 Comme matériaux de compilation pour son Évangile, Luc eut d'abord recours à l'histoire de la vie de Jésus telle que Paul la lui avait racontée. L'Évangile de Luc est donc, sous certains rapports, l'Évangile selon Paul. Mais Luc avait d'autres sources d'informations. Non seulement il interrogea des dizaines de témoins oculaires des nombreux épisodes de la vie de Jésus qu'il relate, mais il possédait une copie de l'Évangile de Marc (c'est-à-dire les quatre premiers cinquièmes de ce livre), le récit d'Isador et un bref récit fait à Antioche en l'an 78 par un croyant nommé Cédès. Luc avait aussi une copie mutilée et considérablement remaniée de quelques notes supposées prises par l'apôtre André.

121:8.10 4. L'Évangile de Jean. L'Évangile selon Jean relate beaucoup d'oeuvres accomplies par Jésus en Judée et aux environs de Jérusalem, et dont la description ne figure pas dans les autres récits. C'est l'Évangile dit selon Jean fils de Zebédée ; bien que Jean ne l'ait pas écrit, il l'a inspiré. Depuis le manuscrit original, cet Évangile a été remanié à plusieurs reprises en vue de le faire apparaître comme ayant été écrit par Jean lui-même. Au moment de composer son récit, Jean avait les autres Évangiles et vit que beaucoup de choses y avaient été omises. En conséquence, en l'an 101, il encouragea son associé Nathan, un Juif grec de Césarée, à commencer une narration écrite dont lui, Jean, fournirait les matériaux de mémoire et en se référant aux trois écrits alors existants. Il n'avait pas de documents écrits personnels. L'Épitre connue sous le titre de « Première de Jean » fut écrite par Jean lui-même comme lettre de présentation du travail que Nathan exécutait sous ses directives.

121:8.11 Tous ces écrivains présentèrent d'honnêtes descriptions de Jésus tel qu'ils l'avaient vu, tel qu'ils se le rappelaient ou d'après ce qu'ils avaient appris de lui, et selon leurs concepts de ces évènements lointains, influencés par leur ralliement ultérieur à la théologie chrétienne de Paul. Si imparfaits que soient ces documents, ils ont suffi pour changer le cours de l'histoire d'Urantia pendant près de deux-mille ans.

121:8.12 [Remerciements : En exécutant ma mission de réexposer les enseignements de Jésus de Nazareth et de raconter à nouveau ses oeuvres, j'ai puisé largement à toutes les sources d'archives et de renseignements planétaires. Ma règle de conduite a été de préparer un document qui non seulement éclairera la génération des hommes actuellement vivants, mais qui sera également une aide pour toutes les générations futures. Dans la vaste réserve de renseignements mise à ma disposition, j'ai choisi ceux qui conviendraient le mieux à l'accomplissement de ce dessein. Autant que possible, j'ai tiré mes informations de sources purement humaines. C'est seulement quand ces sources ont fait défaut que j'ai eu recours à des archives suprahumaines. Lorsque des idées et des concepts de la vie et des enseignements de Jésus ont été exprimés acceptablement par un mental humain, j'ai invariablement donné la préférence à de tels modèles de pensée apparemment humains. Bien que je me sois efforcé d'adapter la terminologie pour la conformer de mon mieux à la manière dont nous concevons le sens réel et la véritable importance de la vie et des enseignements du Maitre, autant que possible j'ai adhéré, dans tous mes exposés, aux véritables concepts et modèles de pensée des hommes. Je sais très bien que ces concepts qui ont trouvé leur origine dans le mental humain se révèleront plus acceptables et plus utiles au mental de tous les autres hommes. Quand j'ai été incapable de trouver les concepts nécessaires dans les annales ou les expressions humaines, j'ai eu recours, en second lieu, à la mémoire de mon propre ordre de créatures terrestres, les médians. Enfin, quand cette source secondaire d'information s'est révélée insuffisante, j'ai recouru sans hésitation aux sources d'information supraplanétaires.

121:8.13 Les mémorandums que j'ai réunis et à partir desquels j'ai préparé ce récit de la vie et des enseignements de Jésus - outre le souvenir de ce que l'apôtre André avait enregistré - contiennent des joyaux de pensée et des concepts très élevés des leçons de Jésus provenant de plus de deux-mille êtres humains qui ont vécu sur terre depuis l'époque de Jésus jusqu'au jour où furent rédigées les présentes révélations, ou plus exactement ces réexposés. La permission de révéler n'a été utilisée que si les annales et les concepts des hommes ne parvenaient pas à nous fournir des modèles de pensée adéquats. Ma mission de révélation m'interdisait de recourir à des sources extrahumaines, aussi bien de renseignements que d'expressions, avant que je puisse témoigner que j'avais échoué dans mes efforts pour trouver, dans des sources purement humaines, l'expression conceptuelle nécessaire.

121:8.14 Quoique j'aie décrit moi-même, avec la collaboration de mes onze collègues médians et sous la supervision du Melchizédek rapporteur, les évènements de ce récit en accord avec ma conception de son déroulement réel et répondant à mon choix spontané d'expression, néanmoins, la majorité des idées, et jusqu'aux expressions propres que j'ai utilisées ainsi, eurent leur origine dans le mental d'hommes issus de nombreuses races ayant vécu sur terre pendant les générations écoulées jusque et y compris ceux encore en vie au temps de ce présent travail. Sous beaucoup de rapports, j'ai plus servi de collecteur et d'éditeur que de narrateur original. Je me suis approprié sans hésitation les idées et les concepts, de préférence humains, qui devaient me permettre de créer le tableau le plus efficace de la vie de Jésus et qui me qualifieraient pour réexposer ses enseignements incomparables avec la phraséologie la plus utilement frappante et la plus universellement inspiratrice. Au nom de la Fraternité des Médians Unis d'Urantia, je reconnais, avec la plus grande gratitude, notre dette envers toutes les sources d'archives et de concepts qui ont été utilisées ci-après pour élaborer notre nouvel exposé de la vie de Jésus sur terre.]

122. Naissance et Petite Enfance de Jésus

122:0.1 IL NE sera guère possible d'expliquer à fond les nombreuses raisons qui ont conduit à choisir la Palestine comme pays d'effusion pour Micaël, et spécialement pourquoi exactement la famille de Joseph et de Marie devait être désignée comme cadre immédiat de l'apparition de ce Fils de Dieu sur Urantia.

122:0.2 Après étude du rapport spécial sur le statut des mondes isolés, préparé par les Melchizédeks, en consultation avec Gabriel, Micaël choisit finalement Urantia comme planète pour y accomplir son effusion finale. À la suite de cette décision, Gabriel fit une visite personnelle à Urantia et, en conclusion de son étude de groupes humains et de son examen des traits caractéristiques spirituels, intellectuels, raciaux et géographiques du monde et de ses peuples, il décida que les Hébreux possédaient ces avantages relatifs qui justifiaient leur sélection comme race au sein de laquelle s'effectuerait l'effusion. Micaël ayant approuvé cette décision, Gabriel nomma et dépêcha sur Urantia la Commission Familiale des Douze - choisie parmi les personnalités des ordres les plus élevés de l'univers - à qui fut confiée la tâche de faire une enquête sur la vie familiale juive. Quand le travail de cette commission prit fin, Gabriel était présent sur Urantia et reçut le rapport désignant trois unions en perspective comme étant, d'après l'opinion de la commission, également favorables, en tant que famille d'effusion, pour l'incarnation projetée de Micaël.

122:0.3 Parmi les trois couples désignés, Gabriel choisit personnellement Joseph et Marie ; ensuite, il apparut en personne à Marie et lui apporta, en même temps, l'heureuse nouvelle qu'elle avait été choisie pour devenir la mère terrestre de l'enfant d'effusion.

122.1  Joseph et Marie

122:1.1 Joseph, le père humain de Jésus (Joshua ben Joseph), était un Hébreu d'entre les Hébreux : il avait néanmoins beaucoup de qualités héréditaires raciales non juives qui s'étaient greffées, en diverses occasions, sur son arbre généalogique par la lignée féminine de ses ancêtres. Les ancêtres du père de Jésus remontaient au temps d'Abraham et, par ce vénérable patriarche, aux anciennes lignées conduisant aux Sumériens et aux Nodites et, par les tribus méridionales des anciens hommes bleus, jusqu'à Andon et Fonta. David et Salomon n'étaient pas des ancêtres en ligne directe de Joseph, dont le lignage ne remontait pas non plus directement à Adam. Les proches ascendants de Joseph étaient des artisans - entrepreneurs, charpentiers, maçons et forgerons. Joseph était lui-même charpentier et devint plus tard entrepreneur. Sa famille appartenait à une longue et illustre lignée de notables du peuple, rehaussée de temps à autre par l'apparition d'individus exceptionnels qui s'étaient fait remarquer dans le domaine de l'évolution de la religion sur Urantia.

122:1.2 Marie, la mère terrestre de Jésus, descendait en ligne directe d'une longue lignée d'aïeux exceptionnels comprenant beaucoup de femmes parmi les plus remarquables de l'histoire raciale d'Urantia. Quoique Marie fût une femme ordinaire de son temps et de sa génération, d'un tempérament assez normal, elle comptait, parmi ses ancêtres, des femmes aussi illustres que Annon, Tamar, Ruth, Bethsabée, Ansie, Cloa, Ève, Enta et Ratta. Nulle femme juive de l'époque ne possédait un lignage ayant en commun des ancêtres plus illustres ou remontant à des origines plus prometteuses. Les ancêtres de Marie, comme ceux de Joseph, étaient caractérisés par la prédominance d'individus vigoureux, mais de niveau moyen, sporadiquement rehaussés par de nombreuses personnalités hors ligne, s'affirmant dans la marche de la civilisation et de l'évolution progressive de la religion. Du point de vue racial, il est difficile de considérer Marie comme une Juive au sens propre du mot. Par sa culture et ses croyances, elle était Juive, mais par ses dons héréditaires elle était plus un composé de souches syrienne, hittite, phénicienne, grecque et égyptienne ; son hérédité raciale avait des bases plus larges que celle de Joseph.

122:1.3 De tous les couples vivant en Palestine au moment où Micaël prépara son effusion, Joseph et Marie formaient la combinaison idéale de vastes parentés raciales et de dons de personnalité supérieurs à la moyenne. Le plan de Micaël était d'apparaître sur terre comme un homme moyen, afin que le commun des mortels puisse le comprendre et l'accueillir. C'est pourquoi Gabriel fit précisément le choix de personnes comme Joseph et Marie pour devenir les parents d'effusion.

122.2  Gabriel Apparaît à Élisabeth

122:2.1 L'oeuvre réalisée par Jésus au cours de sa vie sur Urantia fut, en fait, commencée par Jean le Baptiste. Le père de Jean, Zacharie, appartenait à la prêtrise juive, tandis que sa mère, Élisabeth, était membre de la branche plus prospère du grand groupe familial auquel appartenait aussi Marie, mère de Jésus. Zacharie et Élisabeth, bien qu'ils fussent mariés depuis de nombreuses années, étaient sans enfant.

122:2.2 Ce fut dans les derniers jours du mois de juin de l'an 8 avant l'ère chrétienne, environ trois mois après le mariage de Joseph et de Marie, que Gabriel apparut à Élisabeth, un jour à midi, exactement comme, plus tard, il fit connaître sa présence à Marie. Gabriel dit :

122:2.3 « Tandis qu'à Jérusalem, ton mari Zacharie officie devant l'autel, tandis que le peuple assemblé prie pour la venue d'un libérateur, moi, Gabriel, je viens t'annoncer que bientôt tu enfanteras un fils qui sera le précurseur de ce divin Maitre : tu appelleras ton fils Jean. Il grandira consacré au Seigneur ton Dieu et, quand il sera dans la force de l'âge, il réjouira ton coeur parce qu'il tournera de nombreuses âmes vers Dieu et annoncera aussi la venue du guérisseur de l'âme de ton peuple et du libérateur spirituel de toute l'humanité. Ta parente Marie sera la mère de cet enfant de la promesse, et je lui apparaîtrai à elle aussi. »

122:2.4 Cette vision effraya beaucoup Élisabeth. Après le départ de Gabriel, elle réfléchit beaucoup à cette expérience en méditant longuement les dires du majestueux visiteur, mais elle ne parla de cette révélation à nul autre qu'à son époux jusqu'à sa rencontre ultérieure avec Marie, l'année suivante au début de février.

122:2.5 Cependant, durant cinq mois, Élisabeth garda son secret même vis-à-vis de son mari. Quand elle lui révéla la visitation de Gabriel, Zacharie accueillit son récit avec scepticisme et, pendant des semaines, il douta de la réalité de toute l'expérience ne consentant à croire qu'à demi à la visite rendue par Gabriel à sa femme, jusqu'au moment où il ne put plus mettre en doute qu'elle attendait un enfant. Zacharie était fort perplexe au sujet de la prochaine maternité d'Élisabeth, mais il ne mit pas en doute l'intégrité de sa femme, nonobstant son propre âge avancé. Ce ne fut pas avant la sixième semaine précédant la naissance de Jean que Zacharie, à la suite d'un rêve impressionnant, acquit l'entière conviction qu'Élisabeth allait devenir la mère d'un fils de la destinée, d'un homme chargé de préparer le chemin pour la venue du Messie.

122:2.6 Ce fut vers la mi-novembre, huit ans avant le début de l'ère chrétienne, que Gabriel apparut à Marie tandis qu'elle travaillait dans sa maison de Nazareth. Plus tard, quand Marie ne douta plus qu'elle allait devenir mère, elle persuada Joseph de la laisser aller à la Ville de Juda, dans les collines à sept kilomètres à l'ouest de Jérusalem, pour rendre visite à Élisabeth. Gabriel avait informé chacune des deux futures mères de son apparition à l'autre. Elles étaient donc naturellement impatientes de se rencontrer, de comparer leurs expériences et de s'entretenir de l'avenir probable de leurs fils. Marie resta trois semaines chez sa cousine lointaine. Élisabeth contribua beaucoup à consolider la confiance de Marie dans la vision de Gabriel, de sorte que Marie retourna chez elle plus amplement vouée à la vocation d'être la mère de l'enfant de la destinée, qu'elle devait si prochainement présenter au monde comme un bébé sans défense, un enfant normal et moyen du royaume.

122:2.7 Jean naquit dans la Ville de Juda, le 25 mars de l'an 7 avant l'ère chrétienne. Zacharie et Élisabeth se réjouissaient grandement de ce qu'un fils leur soit venu comme Gabriel l'avait promis. Le huitième jour, quand ils présentèrent l'enfant à la circoncision, ils le prénommèrent officiellement Jean comme il leur avait été prescrit auparavant. Déjà, un neveu de Zacharie était parti pour Nazareth, porteur du message d'Élisabeth à Marie annonçant que son fils était né et qu'il s'appellerait Jean.

122:2.8 Depuis la plus tendre enfance de Jean, ses parents lui inculquèrent judicieusement l'idée qu'en grandissant il était destiné à devenir un chef spirituel et un maitre de religion, et le coeur de Jean était toujours un terrain favorable pour les suggestions qui y étaient ainsi semées. Même dans son enfance, on le trouvait fréquemment au temple pendant les périodes de service de son père et il était extrêmement impressionné par la signification de tout ce qu'il voyait.

122.3  L'Annonciation faite à Marie par Gabriel

122:3.1 Un soir, vers le coucher du soleil, avant que Joseph ne fût rentré à la maison, Gabriel apparut à Marie à côté d'une table basse en pierre ; après qu'elle se fut remise de son étonnement, il lui dit : « Je viens sur l'ordre de Celui qui est mon Maitre et que tu devras aimer et nourrir. À toi, Marie, j'apporte de bonnes nouvelles, car je t'annonce que ta conception est ordonnée par le ciel et qu'en temps voulu, tu deviendras mère d'un fils ; tu l'appelleras Joshua ; il inaugurera le royaume des cieux sur la terre et parmi les hommes. Ne parle pas de tout ceci, sauf à Joseph et à Élisabeth, ta parente à laquelle je suis également apparu et qui, elle aussi, va bientôt donner naissance à un fils dont le nom sera Jean. Celui-là prépara la voie pour le message de délivrance que ton fils proclamera aux hommes avec une grande puissance et une profonde conviction. Ne doute pas de ma parole, Marie, car ce foyer a été choisi comme habitat terrestre de l'enfant de la destinée. Ma bénédiction est sur toi, le pouvoir des Très Hauts te donnera de la force et le Seigneur de toute la terre te couvrira de son ombre. »

122:3.2 Pendant plusieurs semaines, Marie médita secrètement dans son coeur cette visitation. Quand elle fut certaine qu'elle attendait un enfant, elle osa enfin révéler à son mari ces évènements sortant de l'ordinaire. Lorsque Joseph apprit tout cela, et bien qu'il eût grande confiance en Marie, il fut très troublé et ne put dormir pendant bien des nuits. D'abord Joseph eut des doutes sur la visitation de Gabriel. Ensuite, quand il fut à peu près persuadé que Marie avait réellement entendu la voix et vu la forme du divin messager, il se tortura l'esprit, se demandant comment de telles choses pouvaient arriver. Comment un descendant d'êtres humains pouvait-il être un enfant à destinée divine ? Joseph ne put résoudre ce conflit d'idées ; jusqu'à ce qu'après y avoir pensé pendant plusieurs semaines, Joseph et Marie soient arrivés à la conclusion qu'ils avaient été choisis pour devenir les parents du Messie, bien que les Juifs n'aient guère eu le concept que le libérateur attendu dût être de nature divine. Étant arrivé à cette conclusion capitale, Marie se hâta de partir pour rendre visite à Élisabeth.

122:3.3 À son retour, Marie alla voir ses parents Joachim et Anna. Ses deux frères, ses deux soeurs aussi bien que ses parents furent toujours très sceptiques sur la mission divine de Jésus, bien qu'à cette époque, ils n'aient naturellement rien su de la visitation de Gabriel. Mais Marie confia bien à sa soeur Salomé qu'elle pensait que son fils était destiné à devenir un grand maitre.

122:3.4 L'annonce de Gabriel à Marie fut faite le jour qui suivit la conception de Jésus, et ce fut le seul évènement surnaturel lié à l'entière expérience de Marie consistant à porter et à mettre au monde l'enfant de la promesse.

122.4  Le Rêve de Joseph

122:4.1 Joseph n'accepta l'idée que Marie allait devenir la mère d'un enfant extraordinaire qu'après avoir fait l'expérience d'un rêve très impressionnant. Dans ce rêve, un brillant messager céleste lui apparut et lui dit entre autres choses : « Joseph, je t'apparais sur l'ordre de Celui qui règne maintenant dans les cieux ; j'ai reçu mandat de t'informer en ce qui concerne le fils que Marie va enfanter et qui deviendra une grande lumière dans ce monde. En lui sera la vie, et sa vie deviendra la lumière de l'humanité. Il viendra d'abord aux gens de son propre peuple, mais à peine le recevront-ils ; mais, à tous ceux qui le recevront, il révèlera qu'ils sont les enfants de Dieu. » Après cette expérience, Joseph ne douta plus jamais totalement de l'histoire de Marie concernant la visitation de Gabriel et la promesse que l'enfant à naître serait un messager divin pour le monde.

122:4.2 Dans toutes ces visitations, rien n'avait été dit concernant la maison de David. Rien n'avait été notifié laissant entendre que Jésus deviendrait un « libérateur des Juifs » , pas même qu'il devait être le Messie attendu depuis si longtemps. Jésus n'était pas un Messie tel que les Juifs l'avaient escompté, mais il était le libérateur du monde. Sa mission concernait toutes les races et tous les peuples, et non pas un groupe particulier.

122:4.3 Joseph n'était pas de la lignée du roi David. Marie avait plus d'ancêtres que Joseph dans la branche de David. Il est bien vrai que Joseph est allé à Bethléem, la cité de David, afin de se faire inscrire pour le recensement romain, mais c'était parce que, six générations auparavant, son aïeul paternel orphelin avait été adopté par un certain Zadoc, qui descendait directement de David ; c'est pourquoi Joseph comptait aussi comme appartenant à la « maison de David » .

122:4.4 La plupart des prétendues prophéties messianiques de l'Ancien Testament furent rédigées longtemps après la vie terrestre de Jésus pour s'appliquer à lui. Pendant des siècles, les prophètes hébreux avaient proclamé la venue d'un libérateur, et ces promesses avaient été interprétées par des générations successives comme se rapportant à un nouveau chef juif qui siègerait sur le trône de David : on escomptait que, par les méthodes réputées miraculeuses de Moïse, il entreprendrait d'établir les Juifs en Palestine en tant que nation puissante, libre de toute domination étrangère. De plus, de nombreux passages figuratifs, apparaissant tout au cours des Écritures hébraïques, furent, par la suite, appliqués à tort à la mission de Jésus. Beaucoup de textes de l'Ancien Testament furent déformés de manière à paraître cadrer avec certains épisodes de la vie terrestre du Maitre. Jésus lui-même dénia, une fois publiquement, tout lien avec la maison royale de David. Même le passage « une jeune fille mettra au monde un fils » fut changé en « une vierge mettra au monde un fils » . L'équivoque porte également sur les nombreuses généalogies de Joseph et Marie, qui furent établies après la carrière de Micaël sur terre. Bon nombre de ces lignages comprenaient beaucoup d'ancêtres du Maitre, mais, dans l'ensemble, ils ne sont pas authentiques et l'on ne peut se fier à leur exactitude. Trop souvent, les premiers disciples de Jésus succombèrent à la tentation de présenter les anciennes expressions prophétiques comme trouvant leur accomplissement dans la vie de leur Seigneur et Maitre.

122.5  Les Parents Terrestres de Jésus

122:5.1 Joseph était un homme aux manières douces, extrêmement consciencieux et, en toute chose, fidèle aux conventions et pratiques religieuses de son peuple. Il parlait peu, mais pensait beaucoup. La pénible condition du peuple juif lui causait beaucoup de chagrin. Dans sa jeunesse, parmi ses huit frères et soeurs, il avait été plus gai, mais, au cours des premières années de son mariage (pendant l'enfance de Jésus), il fut sujet à des périodes de léger découragement spirituel. Ces manifestations d'humeur s'atténuèrent grandement juste avant sa mort prématurée et après que la situation matérielle de sa famille eut été améliorée par son élévation, du rang de charpentier, au rôle d'un entrepreneur prospère.

122:5.2 Le caractère de Marie était tout l'opposé de celui de son mari. Généralement gaie, elle était très rarement abattue et possédait un naturel toujours rayonnant. Marie se laissait aller à l'expression libre et fréquente de ses sentiments émotionnels ; on ne la vit jamais affligée avant la mort soudaine de Joseph. À peine remise de ce choc, elle fut plongée dans l'inquiétude et la perplexité éveillées en elle par l'extraordinaire carrière de son fils ainé, qui se déroulait si rapidement sous son regard étonné. Mais, au cours de toute cette expérience insolite, Marie resta calme, courageuse et assez avisée dans ses rapports avec son étrange et peu compréhensible fils ainé, et avec ses frères et soeurs survivants.

122:5.3 Jésus tenait de son père beaucoup de sa douceur exceptionnelle et de sa merveilleuse compréhension sympathisante de la nature humaine ; il avait hérité de sa mère son don de grand éducateur et son immense capacité de juste indignation. Dans ses réactions émotionnelles envers son entourage pendant sa vie adulte, Jésus était parfois, comme son père, méditatif et pieux, parfois caractérisé par une tristesse apparente, mais, le plus souvent, il allait de l'avant de la manière optimiste et déterminée correspondant au naturel de sa mère. Dans l'ensemble, le caractère de Marie tendait à dominer la carrière du divin Fils au fur et à mesure qu'il grandissait et avançait à grands pas dans sa vie d'adulte. Par certains côtés, Jésus était un mélange des traits de caractère de ses parents ; sous d'autres aspects, il présentait les traits de l'un en contraste avec ceux de l'autre.

122:5.4 De Joseph, Jésus tenait sa stricte éducation dans les usages des cérémonies juives et sa connaissance exceptionnelle des Écritures hébraïques ; de Marie, il tenait un point de vue plus large sur la vie religieuse et une conception plus libérale de la liberté spirituelle personnelle.

122:5.5 Les deux familles de Joseph et Marie étaient très instruites pour leur temps. L'éducation de Joseph et de Marie dépassait de beaucoup la moyenne pour leur époque et leur situation sociale. Lui était un penseur, elle était une femme prévoyante, douée d'une grande faculté d'adaptation et d'un sens pratique dans l'exécution des tâches immédiates. Joseph était un brun aux yeux noirs ; Marie était d'un type presque blond aux yeux bruns.

122:5.6 Si Joseph avait vécu, il serait indubitablement devenu un ferme croyant à la divine mission de son fils ainé. Marie oscillait entre la croyance et le doute, grandement influencée par la position prise par ses autres enfants et par ses amis et parents, mais finalement elle fut toujours fortifiée dans son attitude par le souvenir de l'apparition de Gabriel aussitôt après la conception de l'enfant.

122:5.7 Marie était une tisseuse experte, d'une habileté au-dessus de la moyenne dans la plupart des arts ménagers de l'époque ; elle était une bonne maitresse de maison et supérieurement capable de créer un foyer. Joseph et Marie étaient tous deux de bons éducateurs et veillèrent à ce que leurs enfants fussent bien versés dans les connaissances de leur temps.

122:5.8 À l'époque où il était jeune homme, Joseph fut engagé par le père de Marie pour construire une annexe à sa maison, et ce fut au moment où Marie apporta à Joseph une coupe d'eau au cours d'un repas de midi que, pour la première fois, les deux jeunes gens qui étaient destinés à devenir parents de Jésus commencèrent vraiment à se faire la cour.

122:5.9 Joseph et Marie se marièrent, selon la coutume juive, au domicile de Marie, aux environs de Nazareth, lorsque Joseph eut vingt-et-un ans. Ce mariage fut conclu après des fiançailles normales d'environ deux ans. Peu après, ils s'installèrent dans leur nouvelle maison de Nazareth qui avait été construite par Joseph avec l'aide de deux de ses frères. Cette maison était située au pied des hauteurs qui dominaient si agréablement la contrée environnante. Dans cette maison spécialement préparée, les jeunes époux en attente d'un enfant pensaient accueillir l'enfant de la promesse, sans imaginer que cet important évènement de l'univers allait survenir à Bethléem en Judée, pendant qu'ils seraient absents de leur domicile.

122:5.10 La plus grande partie de la famille de Joseph se rallia aux enseignements de Jésus, mais très peu de membres de la famille de Marie crurent en lui avant son départ de ce monde. Joseph inclinait plus vers le concept spirituel du Messie attendu, mais Marie et sa famille, et surtout son père, tenaient à l'idée du Messie en tant que libérateur temporel et chef politique. Les ancêtres de Marie s'étaient identifiés ouvertement à la cause des Macchabées en des temps alors encore récents.

122:5.11 Joseph soutenait vigoureusement le point de vue oriental ou babylonien de la religion juive. Marie penchait fortement pour l'interprétation occidentale ou helléniste de la loi et des prophètes, qui était plus large et plus libérale.

122.6  Le Foyer de Nazareth

122:6.1 La maison de Jésus se trouvait proche des hautes collines dans la partie nord de Nazareth, à une certaine distance de la source du village, située dans la section est de l'agglomération. La famille de Jésus résidait dans les faubourgs de la cité, ce qui rendit plus aisé au jeune garçon de jouir de fréquentes promenades dans la campagne et de grimper jusqu'au sommet de ces hauteurs voisines, les collines les plus élevées du sud de la Galilée, à l'exception de la chaine du mont Tabor à l'est et de la colline de Naïn, qui avait à peu près la même altitude. La maison était située un peu au sud, et à l'est du promontoire sud de cette colline, et à peu près à mi-chemin entre son pied et la route conduisant de Nazareth à Cana. En dehors de l'ascension de la colline, la promenade favorite de Jésus consistait à longer un étroit sentier serpentant le long de la base de la colline dans la direction nord-est, jusqu'à un point où il rejoignait la route de Sepphoris.

122:6.2 La demeure de Joseph et de Marie était construite en pierre et se composait d'une pièce avec un toit plat, plus un bâtiment annexe pour loger les animaux. Le mobilier consistait en une table basse en pierre, des pots et des plats en terre cuite et en pierre, un métier à tisser, une lampe, plusieurs petits tabourets et des nattes pour dormir sur le sol de pierre. Dans la cour, près de l'annexe des animaux, se trouvait l'abri qui couvrait le four et le moulin à grains. Il fallait deux personnes pour faire marcher ce type de moulin, une pour moudre et une autre pour l'alimenter en grain. Quand Jésus était petit, il alimentait souvent le moulin en grain pendant que sa mère tournait la meule.

122:6.3 Plus tard, quand la famille s'accrut, ils s'accroupissaient tous pour prendre leur repas autour de la table de pierre agrandie, et puisant la nourriture à même le plat ou le pot commun. En hiver, pendant le repas du soir, la table était éclairée par une petite lampe plate de terre cuite que l'on remplissait d'huile d'olive. Après la naissance de Marthe, Joseph ajouta à la maison une grande pièce, qui fut utilisée comme atelier de charpentier pendant le jour et comme chambre à coucher pendant la nuit.

122.7  Le Voyage à Bethléem

122:7.1 Au mois de mars de l'an 8 avant l'ère chrétienne (le mois où Joseph et Marie se marièrent), César Auguste décréta que tous les habitants de l'empire romain devaient être dénombrés et qu'il fallait faire un recensement dont on pourrait se servir pour améliorer le prélèvement des impôts. Et ceci, conjointement aux sérieuses difficultés intérieures d'Hérode, roi de Judée, et au fait que les Juifs avaient toujours été très hostiles à toute tentative de « dénombrement de la population » , avait contribué à retarder d'un an ce recensement dans le royaume juif. Dans tout l'empire romain, ce recensement fut effectué en l'an 8 avant l'ère chrétienne, excepté dans le royaume d'Hérode en Palestine où il eut lieu un an plus tard, en l'an 7.

122:7.2 Il n'était pas nécessaire que Marie aille à Bethléem pour l'enregistrement - Joseph étant autorisé à inscrire sa famille - mais Marie, qui était une personne d'humeur aventureuse et très dynamique, insista pour l'accompagner. Elle avait peur de rester seule, de crainte que l'enfant ne naisse pendant l'absence de Joseph ; de plus, Bethléem n'était pas loin de la Ville de Juda et Marie prévoyait la possibilité d'un agréable entretien avec sa parente Élisabeth.

122:7.3 En fait, Joseph défendit à Marie de l'accompagner, mais cela fut inutile ; au moment d'empaqueter la nourriture pour le voyage de trois ou quatre jours, elle prépara des rations pour deux personnes et se tint prête à partir. Mais, avant de se mettre effectivement en route, Joseph avait consenti au départ de Marie, et ils quittèrent gaiement Nazareth au point du jour.

122:7.4 Joseph et Marie étaient pauvres et, comme ils n'avaient qu'une seule bête de somme, Marie, étant enceinte, monta sur l'animal portant les provisions, tandis que Joseph allait à pied, conduisant la bête. La construction et l'aménagement d'une maison avaient représenté un sérieux prélèvement sur les ressources de Joseph, étant donné qu'il devait également contribuer à l'entretien de ses parents, son père étant devenu invalide depuis peu. Et c'est ainsi que ce couple juif quitta son humble logis dans cette matinée du 18 août de l'an 7 avant l'ère chrétienne, en route pour Bethléem.

122:7.5 Leur premier jour de voyage les amena à contourner les contreforts du mont Gilboa, où ils campèrent pour la nuit au bord du Jourdain. Ils firent maintes suppositions sur la nature du fils qui allait leur naître, Joseph adhérant au concept d'un maitre spirituel et Marie tenant à l'idée d'un Messie juif, un libérateur de la nation hébraïque.

122:7.6 De bonne heure le matin du 19 août, Joseph et Marie se mirent de nouveau en route. Ils prirent leur repas de midi au pied du mont Sartaba, qui domine la vallée du Jourdain, et continuèrent leur voyage, gagnant Jéricho où ils s'arrêtèrent pour la nuit dans une auberge sur la grand route, dans les faubourgs de la ville. Après le repas du soir et maintes discussions sur l'oppression par le gouvernement romain, sur Hérode, sur le recensement et sur l'influence comparée de Jérusalem et d'Alexandrie comme centres d'études et de culture juives, les voyageurs de Nazareth se retirèrent pour le repos nocturne. Tôt dans la matinée du 20 août, ils reprirent leur voyage et atteignirent Jérusalem avant midi. Ils visitèrent le temple et poursuivirent leur chemin pour arriver à Bethléem au milieu de l'après-midi.

122:7.7 L'auberge était bondée ; en conséquence, Joseph chercha un logement chez des parents éloignés, mais toutes les chambres de Bethléem regorgeaient de monde. Quand il revint dans la cour de l'auberge, on l'informa que les étables pour caravanes, taillées dans le flanc du rocher et situées juste au-dessous de l'auberge, avaient été vidées de leurs animaux et nettoyées pour recevoir des clients. Laissant l'âne dans la cour, Joseph chargea sur ses épaules les sacs de vêtements et de provisions, et descendit avec Marie les marches de pierre conduisant à leur logement. Ils se trouvèrent installés dans ce qui avait été une grange à grain, devant les stalles et les mangeoires. Des toiles de tente avaient été appendues et ils s'estimèrent très heureux d'avoir trouvé un logement aussi confortable.

122:7.8 Joseph pensait aller s'inscrire tout de suite, mais Marie était lasse ; elle souffrait beaucoup et le supplia de rester auprès d'elle, ce qu'il fit.

122.8  La Naissance de Jésus

122:8.1 Toute la nuit, Marie fut agitée, de sorte que le couple ne dormit pas beaucoup. Au lever du jour, les douleurs de l'enfantement commencèrent nettement, et, à midi le 21 août de l'an 7 avant l'ère chrétienne, avec l'aide et la généreuse assistance de compagnes de voyage, Marie accoucha d'un enfant mâle. Jésus de Nazareth était né dans le monde ; il fut enveloppé dans les vêtements que Marie avait apportés en prévision d'un tel évènement, et couché dans une crèche voisine.

122:8.2 L'enfant de la promesse était venu au monde exactement de la même manière que tous les bébés avant et depuis ce jour. Le huitième jour, selon la pratique juive, il fut circoncis et appelé officiellement Joshua (Jésus).

122:8.3 Le lendemain de la naissance de Jésus, Joseph se fit recenser. Un homme, avec qui Joseph avait lié conversation l'avant-veille à Jéricho, l'emmena chez un ami fortuné qui occupait une chambre à l'auberge, et qui se déclara heureux d'échanger son logement avec celui du couple de Nazareth. L'après-midi, ils emménagèrent à l'auberge où ils vécurent près de trois semaines, jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé à se loger chez un parent éloigné de Joseph.

122:8.4 Le second jour après la naissance de Jésus, Marie fit dire à Élisabeth que son fils était né et celle-ci lui répondit en invitant Joseph à monter à Jérusalem pour s'entretenir avec Zacharie de toutes leurs affaires. La semaine suivante, Joseph alla à Jérusalem pour conférer avec Zacharie. Zacharie et Élisabeth avaient tous deux acquis la conviction sincère que Jésus devait réellement devenir le libérateur des Juifs, le Messie, et que leur fils Jean deviendrait le chef de ses assistants, le bras droit de sa destinée. Puisque Marie partageait les mêmes idées, il ne fut pas difficile de persuader Joseph de rester à Bethléem, la cité de David, afin qu'en grandissant, Jésus puisse devenir le successeur de David sur le trône de tout Israël. En conséquence, ils restèrent plus d'un an à Bethléem, Joseph faisant pendant ce temps quelques travaux de charpentier.

122:8.5 À midi, au moment de la naissance de Jésus, les séraphins d'Urantia, assemblés sous les ordres de leurs directeurs, chantèrent effectivement des hymnes de gloire au-dessus de la crèche de Bethléem, mais ces expressions de louanges ne furent pas entendues par des oreilles humaines. Aucun berger ni aucune créature mortelle ne vint rendre hommage à l'enfant de Bethléem avant le jour où certains prêtres arrivant d'Ur furent envoyés de Jérusalem par Zacharie.

122:8.6 Ces prêtres de Mésopotamie avaient été informés quelques temps auparavant, par un étrange éducateur religieux de leur pays, qu'il avait eu un songe dans lequel il avait été avisé de l'apparition prochaine de la « lumière de vie » sur la terre, sous la forme d'un nouveau-né, et parmi les Juifs. C'est là que se rendirent ces trois éducateurs cherchant cette « lumière de vie » . Après plusieurs semaines, de vaines recherches à Jérusalem, ils allaient repartir pour Ur quand Zacharie les rencontra et leur révéla sa croyance que Jésus était l'objet de leur quête ; il les envoya à Bethléem où ils trouvèrent le bébé et laissèrent leurs présents à Marie, sa mère terrestre. L'enfant avait près de trois semaines au moment de leur visite.

122:8.7 Ces hommes sages ne virent pas d'étoile pour les guider vers Bethléem. La belle légende de l'étoile de Bethléem a pris naissance comme suit : Jésus était né le 21 août à midi de l'an 7 avant l'ère chrétienne. Or, le 29 mai du même an 7, il y avait eu une extraordinaire conjonction de Jupiter et de Saturne dans la constellation des Poissons. C'est un fait astronomique remarquable que des conjonctions similaires se soient produites le 29 septembre et le 5 décembre de la même année. Sur la base de ces évènements exceptionnels, mais absolument naturels, les zélateurs bien intentionnés des générations suivantes construisirent l'attrayante légende de l'étoile de Bethléem conduisant les Mages près de la crèche où ils virent et adorèrent l'enfant nouveau-né. Les cerveaux de l'Orient et du Moyen-Orient se délectent de contes de fées et tissent continuellement de tels mythes admirables autour de la vie de leurs chefs religieux et de leurs héros politiques. En l'absence d'imprimeries, quand la plupart des connaissances humaines se transmettaient de bouche à oreille d'une génération à la suivante, il était très facile aux mythes de devenir traditions, et aux traditions d'être finalement acceptées comme des faits.

122.9  La Présentation au Temple

122:9.1 Moïse avait enseigné aux Juifs que chaque fils premier-né appartenait au Seigneur, mais que ces enfants-là, au lieu d'être sacrifiés comme c'était la coutume parmi les nations païennes, pouvaient avoir la vie sauve si leurs parents voulaient les racheter en payant cinq sicles à n'importe quel prêtre autorisé. Il existait aussi une ordonnance Mosaïque qui décrétait qu'après un certain laps de temps, une mère devait se présenter au temple pour la purification (ou bien faire faire par quelqu'un d'autre le sacrifice approprié). Il était d'usage d'accomplir ces deux cérémonies en même temps. En conséquence, Joseph et Marie se rendirent en personne au temple, à Jérusalem, pour présenter Jésus aux prêtres, effectuer son rachat et aussi pour faire le sacrifice approprié pour assurer à Marie la purification cérémonielle de la prétendue souillure de la parturition.

122:9.2 Deux personnages de caractère remarquable se promenaient constamment dans les cours du temple, Siméon, un chanteur, et Anne, une poétesse. Siméon était un Judéen, mais Anne était une Galiléenne. Les deux se tenaient fréquemment compagnie et étaient des intimes du prêtre Zacharie, qui leur avait confié le secret de Jean et de Jésus. Siméon et Anne désiraient tous deux ardemment la venue du Messie, et leur confiance en Zacharie les conduisit à croire que Jésus était le libérateur attendu par le peuple juif.

122:9.3 Zacharie savait quel jour Joseph et Marie devaient venir au temple avec Jésus, et il avait convenu d'avance avec Siméon et Anne qu'il lèverait la main en salut, au passage de la procession des premiers-nés, pour leur indiquer lequel était Jésus.

122:9.4 Pour cette occasion, Anne avait écrit un poème que Siméon se mit à chanter, au plus grand étonnement de Joseph, de Marie et de tous ceux qui étaient assemblés dans les cours du temple. Voici leur hymne célébrant le rachat du fils premier-né :

122:9.5 Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël,

122:9.6 Car il nous a visités, et il a racheté son peuple.

122:9.7 Il a élevé une corne de salut pour chacun de nous

122:9.8 Dans la maison de son serviteur David.

122:9.9 Selon ce qu'il a dit par la bouche de ses saints prophètes -

122:9.10 Il nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent ;

122:9.11 Il fait miséricorde à nos pères et se remémore sa sainte alliance -

122:9.12 Le serment par lequel il jura à Abraham notre père

122:9.13 Qu'il nous permettrait, après délivrance de la main de nos ennemis, de le servir sans frayeur,

122:9.14 En sainteté et droiture devant lui tous les jours de notre vie.

122:9.15 Oui, et toi, enfant de la promesse, tu seras appelé le prophète du Très Haut ;

122:9.16 Car tu iras devant la face du Seigneur pour établir son royaume,

122:9.17 Pour donner connaissance du salut à son peuple

122:9.18 Dans la rémission de ses péchés.

122:9.19 Réjouissez-vous dans la tendre miséricorde de notre Dieu,

122:9.20 Parce que la source de lumière d'en haut nous a maintenant visités

122:9.21 Pour éclairer ceux qui se tiennent dans les ténèbres et l'ombre de la mort,

122:9.22 Pour guider nos pas dans les chemins de la paix.

122:9.23 Et maintenant laisse ton serviteur partir en paix, O Seigneur, selon ta parole,

122:9.24 Car mes yeux ont vu ton salut

122:9.25 Que tu as préparé devant la face de tous les peuples,

122:9.26 Une lumière pour éclairer même les Gentils

122:9.27 Et la gloire de ton peuple Israël.

122:9.28 Sur le chemin du retour à Bethléem, Joseph et Marie furent silencieux - troublés et submergés d'une crainte respectueuse. Marie était très troublée par le salut d'adieu d'Anne, la vieille poétesse, et Joseph n'était pas d'accord sur l'effort prématuré pour faire déjà de Jésus le Messie attendu du peuple juif.

122.10  Hérode Agit

122:10.1 Les informateurs d'Hérode n'étaient pas inactifs. Quand ils lui rendirent compte de la visite des prêtres d'Ur à Bethléem, Hérode convoqua ces Chaldéens devant lui. Il s'informa soigneusement auprès de ces sages sur le nouveau « roi des Juifs » , mais ils ne lui donnèrent guère satisfaction, expliquant que le bébé était né d'une femme qui était venue avec son mari à Bethléem pour le recensement. Hérode n'était pas satisfait de cette réponse, il les renvoya avec une bourse et leur ordonna de trouver l'enfant, afin que lui aussi aille l'adorer puisqu'ils avaient déclaré que son royaume devait être spirituel et non temporel. Les sages ne revenant pas, Hérode devint méfiant. Tandis qu'il retournait ces choses dans sa tête, ses informateurs revinrent et lui firent un rapport complet sur les récents incidents survenus au temple : ils lui apportèrent une copie de certaines parties du cantique de Siméon qui avaient été chantée à la cérémonie du rachat de Jésus. Ils avaient omis de suivre Joseph et Marie. Hérode se mit fort en colère contre ses agents incapables de lui dire où le couple avait emmené l'enfant. Il envoya alors des enquêteurs chargés de dépister Joseph et Marie. Sachant qu'Hérode poursuivait la famille nazaréenne, Zacharie et Élisabeth restèrent éloignés de Bethléem. Le petit garçon fut caché chez les parents de Joseph.

122:10.2 Joseph craignait de chercher du travail, et ses maigres économies fondaient rapidement. Même au moment de la cérémonie de purification au temple, Joseph se jugea assez pauvre pour limiter à deux jeunes pigeons l'offrande de Marie, comme Moïse l'avait ordonné pour la purification des mères indigentes.

122:10.3 Lorsqu'après plus d'un an de recherches, les espions d'Hérode n'eurent pas retrouvé Jésus et, comme on soupçonnait que le bébé était encore caché à Bethléem, Hérode prépara un décret ordonnant la fouille systématique de toutes les maisons de Bethléem et la mise à mort de tous les enfants mâles âgés de moins de deux ans. De cette manière Hérode espérait s'assurer que l'enfant destiné à devenir « le roi des Juifs » serait exterminé. C'est ainsi que seize bébés mâles périrent en un jour à Bethléem de Judée. Mais l'intrigue et le meurtre, même dans sa famille proche, étaient monnaie courante à la cour d'Hérode.

122:10.4 Le massacre de ces enfants eut lieu vers le milieu d'octobre de l'an 6 avant l'ère chrétienne, alors que Jésus était âgé d'un peu plus d'un an. Mais, même parmi les attachés à la cour d'Hérode, il y avait des gens qui croyaient à la venue du Messie, et l'un de ceux-ci, apprenant l'ordre de massacrer les enfants mâles de Bethléem, se mit en rapport avec Zacharie, qui, à son tour, envoya un messager à Joseph et, la nuit avant le massacre, Joseph et Marie quittèrent Bethléem avec l'enfant pour se rendre à Alexandrie en Égypte. Pour éviter d'attirer l'attention, ils voyagèrent seuls avec Jésus jusqu'en Égypte. Ils allèrent à Alexandrie avec les fonds procurés par Zacharie et, là, Joseph reprit son métier, tandis que Marie et Jésus logeaient chez des parents aisés de la famille de Joseph. Ils séjournèrent à Alexandrie pendant deux années entières et ne retournèrent à Bethléem qu'après la mort d'Hérode.

123. La Prime Enfance de Jésus

123:0.1 PAR suite des incertitudes et des anxiétés de leur séjour à Bethléem, Marie ne sevra pas le bébé avant que les trois membres de la famille ne soient arrivés sains et saufs à Alexandrie, où ils purent reprendre une vie normale. Ils vécurent chez des parents, et Joseph, ayant trouvé du travail peu après leur arrivée, put facilement entretenir les siens. Il fut employé comme charpentier pendant plusieurs mois et ensuite élevé à la situation de contremaître d'un groupe important d'ouvriers employés à la construction d'un édifice public, alors en chantier. Cette nouvelle expérience lui donna l'idée de s'établir entrepreneur et constructeur après son retour à Nazareth.

123:0.2 Tout au long de ces premières années de la prime enfance où Jésus était sans défense, Marie veilla sans relâche pour que rien n'arrivât à son enfant qui pût menacer son bien-être ou qui pût déranger, d'une manière quelconque, sa future mission sur terre ; nulle mère ne fut jamais plus dévouée à son enfant. Au foyer où se trouvait Jésus, il y avait deux enfants à peu près de son âge et, parmi les proches voisins, six autres étaient d'âge suffisamment rapproché pour en faire des compagnons de jeu acceptables. Tout d'abord, Marie fut tentée de garder Jésus à ses côtés. Elle craignait que quelque chose lui arrivât si l'on permettait à Jésus de jouer dans le jardin avec les autres enfants, mais Joseph, avec l'appui de sa parenté, parvint à la convaincre que cette ligne de conduite priverait Jésus de la précieuse expérience d'apprendre à s'adapter aux enfants de son âge. Comprenant qu'un tel programme de protection exagérée et inhabituelle risquait de rendre Jésus emprunté et quelque peu égocentrique, Marie donna finalement son assentiment au plan qui permettait à l'enfant de la promesse de grandir exactement comme tous les autres enfants. Tout en restant soumise à la décision prise, elle fit son affaire d'être toujours sur ses gardes pendant que le petit monde jouait autour de la maison ou dans le jardin. Seule une mère aimante peut savoir le poids que Marie eut à porter dans son coeur pour la sécurité de son fils durant ces années de sa petite enfance et de sa prime enfance.

123:0.3 Durant les deux années de leur séjour à Alexandrie, Jésus jouit d'une bonne santé et continua à grandir normalement. À part un petit nombre d'amis et de parents, personne ne fut informé que Jésus était un « enfant de la promesse » . L'un des parents de Joseph le révéla à quelques amis de Memphis, descendants du lointain Ikhnaton. Avec un petit groupe de croyants d'Alexandrie, ils s'assemblèrent dans la somptueuse demeure du parent-bienfaiteur de Joseph, peu de temps avant le retour en Palestine, pour présenter leurs voeux à la famille de Nazareth et leurs respects à l'enfant. À cette occasion, les amis assemblés firent don à Jésus d'un exemplaire complet de la traduction en grec des Écritures hébraïques ; mais cet exemplaire des textes sacrés juifs ne fut pas remis entre les mains de Joseph avant que lui et Marie eussent tous deux décliné l'invitation de leurs amis de Memphis et d'Alexandrie à rester en Égypte. Ces amis croyants affirmaient que l'enfant de la promesse pourrait exercer une bien plus grande influence mondiale en habitant Alexandrie plutôt que n'importe quelle ville de Palestine. Ces arguments retardèrent quelque temps le départ de Joseph pour la Palestine après qu'il eut reçu la nouvelle de la mort d'Hérode.

123:0.4 Finalement, Joseph et Marie quittèrent Alexandrie sur un bateau, en partance pour Joppé, appartenant à leur ami Ezraéon, et arrivèrent à ce port à la fin d'août de l'an 4 avant l'ère chrétienne. Ils se rendirent directement à Bethléem, où ils passèrent tout le mois de septembre, tenant conseil avec leurs amis et parents pour savoir s'ils devaient rester là ou retourner à Nazareth.

123:0.5 Marie n'avait jamais complètement abandonné l'idée que Jésus devait grandir à Bethléem, la cité de David. Joseph ne croyait pas réellement que leur fils était destiné à devenir un roi libérateur d'Israël. En outre, il savait que lui-même n'était pas un vrai descendant de David ; le fait d'être compté parmi la postérité de David était dû à l'adoption d'un de ses ancêtres dans la lignée des descendants de David. Marie pensait naturellement que la cité de David était l'endroit le mieux approprié pour élever le nouveau candidat au trône de David, mais Joseph préférait tenter sa chance avec Hérode Antipas plutôt qu'avec son frère Archelaüs. Il concevait de grande craintes pour la sécurité de l'enfant à Bethléem ou dans toute autre cité de Judée ; il pensait qu'Archelaüs suivrait plus volontiers la politique menaçante de son père Hérode, que ne le ferait Hérode Antipas en Galilée. En dehors de toutes ces raisons, Joseph exprima ouvertement sa préférence pour la Galilée, estimant que c'était un meilleur endroit pour élever et instruire l'enfant, mais il lui fallut trois semaines pour surmonter les objections de Marie.

123:0.6 Au premier octobre, Joseph avait convaincu Marie et tous leurs amis qu'il était préférable pour eux de retourner à Nazareth. En conséquence, au début d'octobre de l'an 4 avant l'ère chrétienne, ils quittèrent Bethléem pour Nazareth par la route de Lydda et de Scythopolis. Ils partirent de bonne heure un dimanche matin ; Marie et l'enfant étaient montés sur une bête de somme nouvellement acquise, tandis que Joseph et cinq parents les accompagnaient à pied ; les parents de Joseph ne leur avaient pas permis de faire seuls le voyage de Nazareth. Ils craignaient d'aller en Galilée par Jérusalem et la vallée du Jourdain ; et les routes de l'ouest n'étaient pas tout à fait sûres pour deux voyageurs isolés avec un enfant en bas âge.

123.1  De Retour à Nazareth

123:1.1 Au quatrième jour du voyage, le groupe atteignit sans encombre sa destination. Joseph et Marie arrivèrent sans préavis dans leur maison de Nazareth occupée, depuis plus de trois ans, par l'un des frères mariés de Joseph, qui en vérité fut surpris de les voir ; ils avaient arrangé leur affaire si tranquillement que ni la famille de Joseph ni celle de Marie ne savaient même qu'ils avaient quitté Alexandrie. Le lendemain, le frère de Joseph déménagea sa famille, sur quoi Marie, pour la première fois depuis la naissance de Jésus, s'installa vraiment pour jouir de la vie dans son propre logis avec sa petite famille. En moins d'une semaine, Joseph trouva du travail comme charpentier, et ils furent extrêmement heureux.

123:1.2 Jésus avait environ trois ans et deux mois au moment de leur retour à Nazareth. Il avait très bien supporté tous ces voyages et se trouvait en excellente santé. Il éprouvait une joie enfantine et exubérante à profiter d'un logis à lui, où il pouvait s'ébattre librement ; mais la compagnie de ses camarades de jeux d'Alexandrie lui manquait beaucoup.

123:1.3 Sur le chemin de Nazareth, Joseph avait persuadé Marie qu'il serait inopportun de répandre, parmi leurs parents et amis galiléens, la nouvelle que Jésus était un enfant de la promesse. Ils furent d'accord pour ne faire aucune allusion à personne sur ce sujet et tous deux tinrent fidèlement parole.

123:1.4 Toute la quatrième année de Jésus fut pour lui une période de développement physique normal et d'activité mentale peu commune. Pendant ce temps, il s'était pris d'une grande amitié pour un jeune voisin, un garçon à peu près de son âge nommé Jacob. Jésus et Jacob étaient toujours heureux de jouer ensemble et devinrent avec le temps grands amis et de loyaux compagnons.

123:1.5 L'évènement suivant le plus important de la famille de Nazareth fut la naissance d'un deuxième enfant, Jacques, au petit matin du 2 avril de l'an 3 avant l'ère chrétienne. Très ému à la pensée d'avoir un petit frère, Jésus se tenait près de lui pendant des heures, simplement pour observer les premiers gestes du bébé.

123:1.6 Ce fut vers le milieu de l'été de cette même année que Joseph bâtit un petit atelier près de la fontaine du village et du caravansérail. Après cela, il fit très peu de travaux de charpentier à la journée. Il avait comme associés deux de ses frères et plusieurs autres ouvriers qu'il envoyait travailler au dehors, tandis que lui-même restait à l'atelier à fabriquer des charrues, des jougs et d'autres objets en bois. Il travaillait aussi le cuir, la corde et la toile à voile. Jésus grandissait ; quand il n'était pas à l'école, il occupait son temps de façon à peu près égale à aider sa mère dans les menus travaux du ménage et à observer le travail de son père à l'atelier, tout en écoutant les conversations et les nouvelles échangées par les conducteurs de caravanes et des voyageurs venus des quatre coins du monde.

123:1.7 En juillet de cette année, un mois avant les quatre ans de Jésus, une épidémie maligne de troubles intestinaux, apportée par les voyageurs des caravanes, se déclara et se répandit dans Nazareth. Marie fut si alarmée par le danger auquel Jésus était exposé par cette épidémie qu'elle plia bagage avec ses deux enfants et s'enfuit à la ferme de son frère, à plusieurs kilomètres au sud de Nazareth, sur la route de Méguiddo, près de Sarid. Ils ne rentrèrent à Nazareth que plus de deux mois plus tard ; Jésus prit grand plaisir à sa première expérience dans une ferme.

123.2  La Cinquième Année (L'An 2 avant l'ère Chrétienne)

123:2.1 Un peu plus d'un an après le retour à Nazareth, l'enfant Jésus arriva à l'âge de sa première décision morale personnelle et sincère, sur quoi un Ajusteur de Pensée vint habiter en lui. Ce don du Père Paradisiaque avait autrefois servi avec Machiventa Melchizédek et acquis ainsi l'expérience des opérations relatives à l'incarnation d'un être supramortel vivant dans la similitude de la chair mortelle. Cet évènement survint le 11 février de l'an 2 avant l'ère chrétienne. Jésus ne fut pas plus conscient de la venue du divin Moniteur que ne le sont les millions et les millions d'autres enfants qui, avant et depuis ce jour, ont pareillement reçu des Ajusteurs de Pensée pour habiter leur mental, travailler à l'ultime spiritualisation de ce mental et préparer l'éternelle survie de leur âme immortelle évoluante.

123:2.2 En ce jour de février, prit fin la supervision directe et personnelle des Dirigeants de l'Univers en ce qui concernait l'intégrité de Micaël incarné comme enfant. À partir de ce moment-là et pendant tout le développement humain de son incarnation, la sauvegarde de Jésus devait relever de cet Ajusteur intérieur et des anges gardiens associés, secondés de temps à autre par le ministère de médians désignés pour l'exécution de certaines tâches précises qui leur étaient confiées selon les instructions de leurs supérieurs planétaires.

123:2.3 Jésus eut cinq ans en août de cette année ; c'est pourquoi nous en parlerons comme étant la cinquième de sa vie. En l'an 2 avant l'ère chrétienne, un peu plus d'un mois avant son cinquième anniversaire, Jésus fut très heureux de la venue au monde de sa soeur Miriam, née dans la nuit du 11 juillet. Durant la soirée du lendemain, Jésus eut une longue conversation avec son père au sujet de la façon dont les divers groupes d'êtres vivants viennent au monde en tant qu'individus distincts. La part la plus précieuse de la première éducation de Jésus provint de ses parents, en réponse à ses questions réfléchies et profondes. Joseph ne manqua jamais de faire tout son devoir en prenant la peine et le temps de répondre aux nombreuses questions du garçon. Depuis l'âge de cinq ans jusqu'à l'âge de dix ans, Jésus fut un point d'interrogation continuel. Joseph et Marie ne pouvaient pas toujours répondre à ses questions, mais ils ne manquaient jamais de les discuter à fond et, dans toute la mesure du possible, ils l'assistaient dans ses efforts pour trouver une solution satisfaisante aux problèmes que son mental alerte lui avait suggérés.

123:2.4 Depuis leur retour à Nazareth, ils avaient eu une vie familiale très intense, et Joseph avait été exceptionnellement occupé par la construction de son nouvel atelier et la reprise de ses affaires. Il avait eu tellement de travail qu'il n'avait pas trouvé le temps de fabriquer un berceau pour Jacques, mais il avait remédié à cela bien avant la naissance de Miriam, de sorte qu'elle avait un berceau très confortable dans lequel elle se nichait tandis que la famille l'admirait. C'est de tout coeur que l'enfant Jésus participait à toutes ces expériences naturelles et normales du foyer. Il appréciait beaucoup son petit frère et sa petite soeur, et apporta une aide précieuse à Marie en prenant soin d'eux.

123:2.5 En ce temps-là, dans le monde des Gentils, il y avait peu de foyers capables de donner à un enfant une éducation intellectuelle, morale et religieuse meilleure que celle des foyers juifs de Galilée. Ces Juifs avaient un programme systématique pour l'éducation et l'instruction de leurs enfants. Ils divisaient la vie des enfants en sept stades :

123:2.6 1. Le nouveau-né jusqu'à son huitième jour.

123:2.7 2. Le nourrisson allaité.

123:2.8 3. L'enfant sevré.

123:2.9 4. La période où il dépend de la mère, allant jusqu'à la fin de la cinquième année.

123:2.10 5. Le commencement de l'indépendance de l'enfant et, en ce qui concerne les fils, la prise de responsabilité du père pour assumer leur éducation.

123:2.11 6. Les garçons et filles adolescents.

123:2.12 7. Les jeunes hommes et les jeunes femmes.

123:2.13 Chez les Juifs de Galilée, la coutume voulait que les mères portent la responsabilité de l'éducation des enfants jusqu'à leur cinquième anniversaire et, si l'enfant était un garçon, qu'elles passent alors cette responsabilité au père. Cette année-là, Jésus entra donc dans le cinquième stade de la carrière d'un enfant juif galiléen ; c'est pourquoi, le 21 août de l'an 2 avant l'ère chrétienne et selon la coutume, Marie le confia officiellement à Joseph pour la suite de son éducation.

123:2.14 Quoique Joseph dût maintenant assumer directement la responsabilité de l'éducation intellectuelle et religieuse de Jésus, sa mère s'intéressait encore à son éducation familiale. Elle lui apprit à connaître et à soigner les vignes et les fleurs poussant contre les murs qui entouraient complètement le jardin de leur domicile. C'est elle aussi qui garnit la terrasse de la maison (la chambre à coucher d'été) de caisses de sable peu profondes dans lesquelles Jésus dessina des cartes et s'exerça de bonne heure à écrire en araméen, en grec et plus tard en hébreu, car il apprit en son temps à lire, à écrire et à parler couramment les trois langues.

123:2.15 Jésus se révélait être physiquement un enfant presque parfait, et il continuait à se développer d'une façon normale, mentalement et émotionnellement. À la fin de sa cinquième année, il souffrit d'un léger trouble digestif, sa première maladie bénigne.

123:2.16 Bien que Joseph et Marie parlassent souvent de l'avenir de leur fils ainé, si vous aviez été là, vous auriez seulement observé le développement, de son époque et de son milieu, d'un enfant normal, sain, sans soucis, mais extrêmement avide d'apprendre.

123.3  Évènements de la Sixième Année (1 avant l'ère Chrétienne)

123:3.1 Déjà, avec l'aide de sa mère, Jésus parlait couramment le dialecte galiléen de la langue araméenne, et maintenant son père commença à lui enseigner le grec. Marie le parlait peu, mais Joseph parlait couramment le grec et l'araméen. Le manuel pour l'étude de la langue grecque était l'exemplaire des Écritures hébraïques - une version complète de la Loi et des Prophètes, y compris les Psaumes - qui leur avait été offert à leur départ d'Égypte. Dans tout Nazareth, il y avait seulement deux exemplaires complets des Écritures en grec, et la possession de l'un d'eux par la famille du charpentier faisait de la maison de Joseph un lieu très recherché ; cela permit à Jésus, au cours de sa croissance, de rencontrer une procession presque ininterrompue de personnes faisant des études sérieuses ou cherchant sincèrement la vérité. Avant la fin de l'année, Jésus avait assumé la garde de cet inestimable manuscrit, ayant appris, le jour de ses six ans, que le livre sacré lui avait été offert par des amis et parents d'Alexandrie. Très peu de temps après, il pouvait le lire couramment.

123:3.2 Le premier grand choc dans la jeune vie de Jésus survint un peu avant qu'il eût six ans. Il avait semblé au garçon que son père - ou tout au moins son père et sa mère réunis - savaient tout. C'est pourquoi vous pouvez imaginer la surprise de cet enfant questionneur lorsqu'il demanda à son père la cause d'un léger tremblement de terre qui venait de se produire, et qu'il s'entendit répondre par Joseph : « Mon fils, réellement je ne sais pas. » Ainsi commença la longue et déconcertante suite de désillusions au cours de laquelle Jésus s'aperçut que ses parents terrestres ne possédaient ni la sagesse infinie ni la science infuse.

123:3.3 La première pensée de Joseph fut de dire que le tremblement de terre avait été causé par Dieu, mais un moment de réflexion l'avertit qu'une telle réponse provoquerait immédiatement des questions ultérieures encore plus embarrassantes. Même dans la prime enfance de Jésus, il était très difficile de répondre à ses questions concernant les phénomènes physiques ou sociaux en lui disant inconsidérément que Dieu, ou bien le diable, en était responsable. Conformément à la croyance prédominante du peuple juif, Jésus était depuis longtemps disposé à accepter la doctrine des bons esprits et des mauvais esprits comme une explication possible des phénomènes mentaux et spirituels ; mais, de très bonne heure, il se mit à douter que ces influences invisibles fussent responsables des évènements physiques du monde naturel.

123:3.4 Avant que Jésus eût six ans, au début de l'été de l'an 1 avant l'ère chrétienne, Zacharie, Élisabeth et leur fils Jean vinrent rendre visite à la famille de Nazareth. Jésus et Jean eurent du bon temps pendant cette visite, la première dans leurs souvenirs. Bien que les visiteurs n'aient pu rester que quelques jours, les parents abordèrent de nombreux sujets, y compris les projets d'avenir pour leurs fils. Tandis qu'ils étaient ainsi occupés, les garçons jouaient avec des blocs dans le sable sur la terrasse de la maison et s'amusaient ensemble de maintes autres manières à la vraie façon des garçons.

123:3.5 Ayant rencontré Jean, qui venait des environs de Jérusalem, Jésus commença à témoigner d'un intérêt extraordinaire pour l'histoire d'Israël et à s'informer avec force détails de la signification des rites du sabbat, des sermons de la synagogue et des fêtes commémoratives périodiques. Son père lui expliqua le sens de tous ces anniversaires. La première fête qui se célébrait au milieu de l'hiver était celle de l'illumination ; elle durait huit jours ; la première nuit, on allumait une chandelle et, chaque nuit successive, on en allumait une nouvelle. Ceci commémorait la consécration du temple après la restauration du cérémonial de Moïse par Judas Macchabée. Ensuite venait, au début du printemps, la célébration de Pourim, la fête d'Esther et de la délivrance d'Israël par elle. Puis venait la Pâque solennelle que les adultes célébraient à Jérusalem toutes les fois que cela était possible, tandis qu'à la maison les enfants devaient se rappeler que, durant toute la semaine, il ne fallait pas manger de pain au levain. Plus tard venait la fête des premiers fruits, la rentrée de la moisson et enfin, la plus solennelle de toutes les fêtes du nouvel an, le jour des propitiations. Quelques-unes de ces célébrations et observances étaient difficiles à comprendre pour le jeune mental de Jésus, mais il y réfléchissait sérieusement. Il prit alors joyeusement part à la fête des Tabernacles, la saison des vacances annuelles de tous les Juifs, le moment où ils campaient sous des tentes de branchages et s'adonnaient à la gaieté et aux plaisirs.

123:3.6 Durant cette année, Joseph et Marie eurent des difficultés avec Jésus au sujet de ses prières. Il insistait pour parler à son Père céleste comme il aurait parlé à Joseph, son père terrestre. Cette infraction aux moyens plus solennels et plus révérencieux de communication avec la Déité était un peu déconcertante pour ses parents, spécialement pour sa mère, mais on ne pouvait le persuader de changer ; il disait ses prières exactement comme on les lui avait apprises, après quoi il insistait pour avoir « juste un petit entretien avec mon Père dans les cieux » .

123:3.7 En juin de cette année, Joseph céda l'atelier de Nazareth à ses frères et commença officiellement son métier d'entrepreneur. Avant la fin de l'année, le revenu de la famille avait plus que triplé. Jamais plus, jusqu'après la mort de Joseph, la famille de Nazareth ne connut les affres de la pauvreté. La famille s'agrandit de plus en plus ; on y dépensa beaucoup d'argent en études et voyages complémentaires, mais le revenu croissant de Joseph restait toujours à la hauteur de l'augmentation des dépenses.

123:3.8 Pendant les quelques années qui suivirent, Joseph fit des travaux considérables à Cana, Bethléem (de Galilée), Magdala, Naïn, Sepphoris, Capharnaüm et Endor, et entreprit beaucoup de constructions à Nazareth même et dans les environs. Comme Jacques devenait assez grand pour aider sa mère dans les soins du ménage et s'occuper des enfants plus jeunes, Jésus fit de fréquents déplacements avec son père dans les villes et villages voisins. Jésus était un observateur pénétrant et acquit beaucoup de connaissances pratiques au cours de ces randonnées hors de chez lui ; il emmagasinait assidument les connaissances concernant l'homme et son mode de vie sur terre.

123:3.9 Cette année-là, Jésus fit de grands progrès pour adapter ses sentiments énergiques et ses impulsions vigoureuses aux exigences de coopération familiale et de discipline du foyer. Marie était une mère aimante, mais assez stricte sur la discipline ; toutefois, sous bien des rapports, c'était Joseph qui exerçait le plus grand contrôle sur Jésus, car il avait l'habitude de s'assoir auprès du garçon et de lui expliquer complètement les raisons réelles et sous-jacentes de la nécessité de discipliner les désirs personnels par respect pour le bonheur et la tranquillité de toute la famille. Quand la situation avait été expliquée à Jésus, il coopérait toujours intelligemment et de bon gré aux souhaits des parents et aux règles familiales.

123:3.10 Quand sa mère n'avait pas besoin de son aide à la maison, Jésus occupait une grande partie de ses loisirs à l'étude des plantes et des fleurs, durant le jour, et à celle des étoiles, le soir. Il montrait une tendance fâcheuse à rester couché sur le dos et à contempler avec émerveillement le ciel étoilé, longtemps après l'heure habituelle du coucher dans la maisonnée si bien ordonnée de Nazareth.

123.4  La Septième Année (l'An 1 de l'ère Chrétienne)

123:4.1 Ce fut en vérité une année mouvementée dans la vie de Jésus. Au début de janvier, une grande tempête de neige s'abattit sur la Galilée. La neige tomba sur soixante centimètres d'épaisseur ; ce fut la plus forte chute de neige que Jésus vit durant sa vie, et l'une des plus importantes à Nazareth depuis cent ans.

123:4.2 Les distractions des enfants juifs au temps de Jésus étaient plutôt limitées ; trop souvent les enfants imitaient dans leurs jeux les occupations plus sérieuses de leurs ainés. Ils jouaient beaucoup au mariage et à l'enterrement, cérémonies qu'ils voyaient si fréquemment et qui étaient si spectaculaires. Ils dansaient et chantaient, mais avaient peu de jeux organisés comme ceux qui plaisent tant aux enfants modernes.

123:4.3 En compagnie d'un garçon du voisinage, et plus tard de son frère Jacques, Jésus adorait jouer dans le coin le plus éloigné de l'atelier familial du charpentier, où ils s'amusaient beaucoup avec des copeaux et des blocs de bois. Il était toujours difficile à Jésus de comprendre le mal qu'il y avait à jouer à certains jeux défendus le jour du sabbat, mais il ne manqua jamais de se conformer aux désirs de ses parents. Il avait une aptitude à l'humour et au jeu qui avait peu d'occasions de s'exprimer dans son ambiance et dans sa génération ; mais, jusqu'à l'âge de quatorze ans, la plupart du temps, il était gai et avait le coeur léger.

123:4.4 Marie entretenait un pigeonnier sur le toit de l'étable attenante à la maison. La famille consacrait le produit de la vente des pigeons à un fonds spécial de charité que Jésus administrait, après en avoir déduit la dime qu'il versait au préposé de la synagogue.

123:4.5 Le seul véritable accident de Jésus, jusque-là, fut une chute qu'il fit dans l'escalier de pierre de l'arrière-cour conduisant à la chambre à coucher de la terrasse à couverture de toile. Cela advint en juillet pendant une tempête de sable inattendue venant de l'est. Les vents chauds soulevant des rafales de sable fin soufflaient généralement pendant la saison des pluies, spécialement en mars et avril. Il était extraordinaire de voir une telle tempête en juillet. Lorsqu'elle survint, Jésus jouait comme d'habitude sur la terrasse de la maison, car, durant une grande partie de la saison sèche, c'était la salle de jeux habituelle. En descendant l'escalier, il fut aveuglé par le sable et tomba. Après cet accident, Joseph construisit une rampe des deux côtés de l'escalier.

123:4.6 Il n'y avait aucun moyen de prévenir cet accident. Ce ne fut pas une négligence imputable aux gardiens temporels médians, car un médian primaire et un secondaire avaient été affectés à la surveillance du garçon ; le gardien séraphique non plus n'était pas fautif. Simplement, cela ne pouvait être évité. Mais ce léger accident, survenant pendant que Joseph était à Endor, fit naître une si grande anxiété dans le mental de Marie qu'elle essaya déraisonnablement de garder Jésus tout près d'elle pendant quelques mois.

123:4.7 Les personnalités célestes n'interviennent pas arbitrairement dans les accidents, qui sont des évènements courants de nature physique. Dans les circonstances ordinaires, seuls les médians peuvent agir sur les conditions matérielles pour sauvegarder les personnes, hommes ou femmes, ayant une destinée spéciale, et, même dans des situations spéciales, ils ne peuvent opérer dans ce sens qu'en se conformant aux ordres spécifiques de leurs supérieurs.

123:4.8 Ceci ne fut qu'un des assez nombreux accidents mineurs secondaires qui arrivèrent ultérieurement à ce jeune homme curieux et aventureux. Si vous considérez l'enfance et la jeunesse ordinaire d'un garçon dynamique, vous aurez une assez bonne idée des débuts terrestres de Jésus et vous pourrez à peu près imaginer l'anxiété qu'il causa à ses parents, particulièrement à sa mère.

123:4.9 Joseph, le quatrième enfant de la famille de Nazareth, naquit le mercredi matin 16 mars de l'an 1 de l'ère chrétienne.

123.5  Les Années d'École à Nazareth

123:5.1 Jésus avait maintenant sept ans, l'âge auquel les enfants juifs sont censés commencer officiellement leur éducation dans les écoles de la synagogue. En conséquence, il débuta en août de cette année-là dans sa vie mouvementée d'écolier à Nazareth. Déjà, le garçon lisait, écrivait et parlait couramment deux langues, l'araméen et le grec. Il lui fallait maintenant se familiariser avec la tâche d'apprendre à lire, écrire et parler la langue hébraïque. Il envisageait réellement avec grand intérêt la nouvelle vie scolaire qui s'ouvrait devant lui.

123:5.2 Pendant trois ans - jusqu'à ce qu'il eût dix ans - il fréquenta l'école primaire de la synagogue de Nazareth. Durant ces trois années, il étudia les rudiments du Livre de la Loi tel qu'il était rédigé en langue hébraïque. Durant les trois années suivantes, il étudia à l'école supérieure et mémorisa, par la méthode de répétition à haute voix, les enseignements les plus profonds de la loi sacrée. Il reçut son diplôme de l'école de la synagogue au cours de sa treizième année et fut rendu à ses parents par les chefs de la synagogue comme « fils du commandement » éduqué - désormais citoyen responsable de la communauté d'Israël, ce qui lui imposait d'assister à la Pâque à Jérusalem ; en conséquence, il participa, cette année-là, à sa première Pâque en compagnie de son père et de sa mère.

123:5.3 À Nazareth, les élèves s'asseyaient en demi-cercle sur le sol tandis que leur professeur, le chazan, un préposé de la synagogue, était assis leur faisant face. Commençant par le Livre du Lévitique, ils passaient à l'étude des autres livres de la Loi, suivie par celle des Prophètes et des Psaumes. La synagogue de Nazareth possédait un exemplaire complet des Écritures en hébreu. Avant l'âge de douze ans, on n'étudiait rien d'autre que les Écritures. Pendant les mois d'été, les heures de classe étaient très écourtées.

123:5.4 Jésus devint de bonne heure un maitre en hébreu. En tant que jeune homme, quand aucun visiteur de marque ne séjournait à Nazareth, on lui demandait souvent de lire les Écritures hébraïques aux fidèles assemblés à la synagogue pour les services religieux réguliers du sabbat.

123:5.5 Bien entendu, les écoles de la synagogue n'avaient pas de manuels. Pour enseigner, le chazan formulait un exposé que les élèves répétaient à l'unisson après lui. Quand ils avaient accès aux livres écrits de la Loi, les étudiants apprenaient leurs leçons en lisant à haute voix et en répétant constamment.

123:5.6 En plus de son éducation officielle, Jésus commença à prendre contact avec la nature humaine des quatre parties du monde, du fait que des hommes de nombreux pays allaient et venaient dans l'atelier de réparation de son père. En grandissant, il se mêla librement aux caravanes qui faisaient halte près de la fontaine pour se reposer et se restaurer. Parlant couramment le grec, il n'avait guère de difficulté à converser avec la majorité des voyageurs et conducteurs de caravanes.

123:5.7 Nazareth était une étape sur le chemin des caravanes et un carrefour de voyages. La ville était largement peuplée de Gentils et en même temps bien connue comme centre où l'on interprétait libéralement la loi juive traditionnelle. En Galilée, les Juifs se mêlaient aux Gentils plus franchement qu'il n'était d'usage en Judée. Parmi toutes les villes de Galilée, c'est à Nazareth que les Juifs étaient les plus libéraux dans leur interprétation des restrictions sociales basées sur les craintes de contagion résultant du contact avec les Gentils. Ces conditions avaient donné naissance à une maxime courante à Jérusalem : « Quelque chose de bon peut-il sortir de Nazareth ? »

123:5.8 Jésus reçut sa formation morale et sa culture spirituelle principalement à son propre foyer. Il acquit du chazan beaucoup de son éducation intellectuelle et théologique. Quant à son éducation réelle - l'équipement du mental et du coeur pour l'épreuve effective de s'attaquer aux difficiles problèmes de la vie - il l'obtint en se mêlant à ses semblables. Ce fut cette étroite association avec ses compagnons jeunes et vieux, Juifs et Gentils, qui lui fournit l'occasion de connaître la race humaine. Jésus était hautement éduqué, en ce sens qu'il comprenait complètement les hommes et les aimait avec dévotion.

123:5.9 Durant toutes ses années à la synagogue, il fut un étudiant brillant, possédant un grand avantage du fait qu'il connaissait bien trois langues. À l'occasion de la fin des cours de Jésus à l'école, le chazan de Nazareth fit remarquer à Joseph qu'il craignait « d'avoir appris plus de choses par les questions pénétrantes de Jésus que lui n'avait été capable d'en enseigner au jeune garçon » .

123:5.10 Pendant tout le cours de ses études, Jésus apprit beaucoup et tira une grande inspiration des sermons réguliers du sabbat à la synagogue. Il était d'usage de demander aux visiteurs de marque, s'arrêtant à Nazareth durant le sabbat, de prendre la parole à la synagogue. En grandissant, Jésus entendit beaucoup de grands penseurs du monde Juif tout entier exposer leurs points de vue, et aussi beaucoup de Juifs peu orthodoxes, car la synagogue de Nazareth était un centre avancé et libéral de la pensée et de la culture hébraïques.

123:5.11 En entrant à l'école à sept ans (à cette époque, les Juifs venaient juste de mettre en vigueur une loi sur l'instruction obligatoire), il était d'usage pour les élèves de choisir leur « texte d'anniversaire » , une sorte de règle d'or pour les guider pendant toutes leurs études, et sur lequel ils avaient souvent à disserter lors de leur examen à l'âge de treize ans. Le texte que Jésus avait choisi était tiré du prophète Isaïe : « L'esprit du Seigneur Dieu est sur moi, parce que le Seigneur m'a oint ; il m'a envoyé pour porter la bonne nouvelle aux débonnaires, pour consoler les affligés, pour proclamer la liberté aux captifs et pour libérer les prisonniers spirituels. »

123:5.12 Nazareth était l'un des vingt-quatre centres de prêtrise de la nation hébraïque. Le clergé de Galilée était plus libéral que les scribes et les rabbins de Judée dans l'interprétation des lois traditionnelles. Et, à Nazareth, on était également plus libéral en ce qui concernait l'observance du sabbat ; c'est pourquoi Joseph avait coutume d'emmener Jésus en promenade les après-midi de sabbat. Une de leurs excursions favorites consistait à grimper sur la haute colline voisine de leur maison, d'où ils avaient une vue panoramique sur toute la Galilée. Au nord-ouest, par temps clair, on voyait la longue crète du mont Carmel descendant vers la mer. Jésus entendit maintes fois son père raconter l'histoire d'Élie, l'un des premiers de la longue lignée des prophètes hébreux, qui blâma Achab et démasqua les prêtres de Baal. Au nord, le mont Hermon élevait son pic neigeux dans une splendeur majestueuse et monopolisait la ligne d'horizon ; sur presque mille mètres, ses pentes supérieures étincelaient de la blancheur des neiges éternelles. Au loin, à l'orient, on discernait la vallée du Jourdain et, beaucoup plus loin, les collines rocheuses de Moab. Également au sud et à l'est, quand le soleil en éclairait les murs de marbre, on apercevait les villes gréco-romaines de la Décapole avec leurs amphithéâtres et leurs temples prétentieux. Et, quand ils s'attardaient au coucher du soleil, ils pouvaient distinguer, à l'ouest, les bateaux à voiles au loin sur la Méditerranée.

123:5.13 Jésus pouvait observer les convois de caravanes qui poursuivaient leur route dans quatre directions, entrant et sortant de Nazareth ; au sud, il pouvait voir le large et fertile pays de plaine d'Esdraélon s'étendant vers le mont Gilboa et la Samarie.

123:5.14 Quand ils n'escaladaient pas les hauteurs pour regarder le paysage lointain, ils se promenaient à travers la campagne et étudiaient la nature sous ses divers aspects selon les saisons. La plus précoce éducation de Jésus, à part celle du foyer familial, avait consisté à prendre, avec la nature, un contact respectueux et sympathique.

123:5.15 Avant qu'il eût huit ans, il était connu de toutes les mères de famille et jeunes femmes de Nazareth ; elles l'avaient rencontré et avaient causé avec lui à la fontaine proche de chez lui, qui était l'un des centres sociaux de rencontre et de commérage de la ville entière. Cette année-là, Jésus apprit à traire la vache de la famille et à prendre soin des autres animaux. Pendant cette année et l'année suivante, il apprit aussi à faire du fromage et à tisser. Quand il eut dix ans, il était un habile tisserand. C'est vers cette époque que Jésus et son petit voisin Jacob devinrent de grands amis du potier Nathan, qui travaillait près de la source jaillissante ; tandis qu'ils observaient ses droits agiles moulant l'argile sur le tour, tous deux songèrent bien des fois à devenir potiers quand ils seraient grands. Nathan avait beaucoup d'affection pour les deux garçons et leur donnait souvent de la terre glaise pour jouer ; il s'efforçait de stimuler leur imagination créatrice en leur suggérant de rivaliser dans le modelage d'objets et d'animaux divers.

123.6  Sa Huitième Année (An 2)

123:6.1 Ce fut une intéressante année d'école. Bien que Jésus ne fût pas un étudiant extraordinaire, il était un élève appliqué et se classait dans le premier tiers de sa classe ; il faisait si bien son travail qu'il était dispensé de présence une semaine par mois. Il passait généralement cette semaine soit avec son oncle pêcheur sur les bords de la mer de Galilée, près de Magdala, soit à la ferme d'un autre de ses oncles (le frère de sa mère) à huit kilomètres au sud de Nazareth.

123:6.2 Bien que sa mère soit devenue exagérément soucieuse de sa santé et de sa sécurité, elle s'habituait peu à peu à ces séjours hors de la maison. Les oncles et les tantes de Jésus l'aimaient beaucoup ; il s'ensuivit parmi eux, au cours de cette année et des quelques années suivantes, une vive compétition pour s'assurer sa compagnie durant les visites mensuelles. La première fois (depuis sa petite enfance) qu'il séjourna une semaine dans la ferme de son oncle fut en janvier de cette année-là ; sa première semaine d'expérience de pêche sur la mer de Galilée eut lieu au mois de mai.

123:6.3 À cette époque, Jésus rencontra un professeur de mathématiques de Damas et, après avoir appris quelques nouvelles techniques arithmétiques, il consacra beaucoup de temps aux mathématiques pendant plusieurs années. Il acquit un sens aigu des nombres, des distances et des proportions.

123:6.4 Jésus commença à beaucoup apprécier son frère Jacques. À la fin de l'année, il avait commencé à lui apprendre l'alphabet.

123:6.5 Cette année-là, Jésus fit des arrangements pour échanger des produits laitiers contre des leçons de harpe. Il avait un gout exceptionnel pour tout ce qui était musical. Plus tard, il contribua beaucoup à encourager la musique vocale parmi ses jeunes camarades. Quand il eut onze ans, il était un harpiste habile et prenait grand plaisir à faire entendre à sa famille et à ses amis ses extraordinaires interprétations et ses belles improvisations.

123:6.6 Tandis que Jésus faisait des progrès remarquables à l'école, tout n'allait pas sans encombre pour ses parents et pour ses maitres. Il persistait à poser quantité de questions embarrassantes concernant à la fois la science et la religion, particulièrement en géographie et en astronomie. Il insistait spécialement pour savoir pourquoi il y avait une saison sèche et une saison des pluies en Palestine. Maintes et maintes fois, il chercha l'explication de la grande différence entre les températures de Nazareth et celles de la vallée du Jourdain. Il ne cessait pour ainsi dire jamais de poser des questions de ce genre, intelligentes, mais embarrassantes.

123:6.7 Son troisième frère Simon naquit le vendredi soir 14 avril de cette année, l'an 2 de l'ère chrétienne.

123:6.8 En février, Nahor, professeur dans une académie rabbinique de Jérusalem, vint à Nazareth pour observer Jésus après avoir accompli une mission similaire chez Zacharie près de Jérusalem. Il vint à Nazareth à l'instigation du père de Jean. Au premier abord, il fut quelque peu choqué par la franchise de Jésus et sa manière peu classique de s'associer aux choses religieuses. Il l'attribua au fait que la Galilée était éloignée des centres hébreux d'instruction et de culture, et conseilla à Joseph et à Marie de lui permettre d'emmener Jésus à Jérusalem où il pourrait bénéficier des avantages de l'éducation et de l'instruction au centre de la culture juive. Marie était à moitié prête à consentir ; elle était convaincue que son fils ainé allait devenir le Messie, le libérateur des Juifs. Joseph hésitait ; il était également persuadé qu'en grandissant Jésus deviendrait un homme de la destinée, mais il était profondément incertain de ce que serait cette destinée. Il ne douta cependant jamais réellement que son fils dût remplir quelque grande mission sur terre. Plus il pensait à l'avis de Nahor, plus il doutait de la sagesse de cette proposition de séjour à Jérusalem.

123:6.9 À cause de cette divergence d'opinion entre Joseph et Marie, Nahor demanda la permission de soumettre toute l'affaire à Jésus. Jésus l'écouta attentivement et en parla à Joseph, à Marie et à un voisin, Jacob le maçon, dont le fils était son camarade de jeu favori. Deux jours plus tard, Jésus exposa qu'il existait une grande divergence d'opinions entre ses parents et ses conseillers, et qu'il ne s'estimait pas qualifié pour prendre la responsabilité d'une telle décision, car il ne se sentait fortement poussé ni dans un sens ni dans l'autre. Dans ces conditions, il avait finalement décidé de « parler à mon Père qui est au cieux » . Bien qu'il ne fût pas parfaitement sûr de la réponse, il sentait qu'il devait plutôt rester à la maison « avec mon père et ma mère » . Il ajouta : « Eux qui m'aiment tellement doivent être capables de faire plus pour moi et de me guider plus sûrement que des étrangers qui peuvent seulement voir mon corps et observer mes pensées, mais ne peuvent guère me connaître vraiment. » Ils furent tous émerveillés, et Nahor s'en retourna à Jérusalem. Et il se passa bien des années avant que fût prise en considération l'idée que Jésus pourrait quitter son foyer.

124. La Dernière Partie de l'Enfance de Jésus

124:0.1 BIEN que Jésus eût pu bénéficier de conditions plus favorables à son instruction à Alexandrie qu'en Galilée, il n'y eût pas trouvé la même magnifique ambiance pour résoudre les problèmes de sa propre vie avec un minimum de contrainte éducative, tout en jouissant en même temps du grand avantage du contact constant avec un grand nombre d'hommes et de femmes de toutes classes arrivant de toutes les parties du monde civilisé. S'il était resté à Alexandrie, son éducation aurait été dirigée par des Juifs et suivant une ligne exclusivement juive. À Nazareth, il put recevoir une éducation et reçut un entrainement qui le préparèrent beaucoup mieux à comprendre les Gentils, et qui lui donnèrent une idée meilleure et mieux équilibrée des mérites respectifs des points de vue de la théologie hébraïque orientale (babylonienne) et occidentale (hellénique).

124.1  La Neuvième Année de Jésus (An 3)

124:1.1 On ne saurait dire que Jésus ait jamais été sérieusement malade, mais il contracta, cette année-là, de petites maladies d'enfance en même temps que ses frères et sa petite soeur.

124:1.2 Les classes continuaient ; Jésus était toujours un élève estimé, ayant chaque mois une semaine de liberté, et il continuait à diviser ce temps à peu près également entre les excursions avec son père dans les villes avoisinantes, les séjours à la ferme de son oncle au sud de Nazareth et les parties de pêche au large de Magdala.

124:1.3 Le plus grave incident survenu jusque-là, à l'école, se produisit tard dans l'hiver lorsque Jésus osa défier le chazan, qui enseignait que les images, peintures et dessins étaient tous de nature idolâtre. Jésus avait autant de plaisir à dessiner les paysages qu'à modeler une grande variété d'objets en argile de potier. Tout ce genre de choses était strictement interdit par la loi juive, mais, jusque-là, Jésus était parvenu à surmonter les objections de ses parents, à tel point qu'ils lui avaient permis de poursuivre ces activités.

124:1.4 Il se produisit de nouveaux remous à l'école quand l'un des élèves les plus arriérés découvrit Jésus en train de dessiner, au fusain, un portrait du professeur sur le plancher de la classe. Le portrait était là, clair comme le jour, et plusieurs parmi les anciens l'avaient aperçu avant que le comité n'allât trouver Joseph pour exiger une intervention pour ramener son fils ainé dans le respect de la loi. Bien que ce ne fut pas la première plainte parvenue à Joseph et à Marie concernant les agissements de leur dynamique enfant aux talents variés, c'était la plus sérieuse de toutes les accusations portées, jusque-là, contre lui. Assis sur une grosse pierre, juste à l'extérieur de la porte de derrière, Jésus écouta pendant un moment la condamnation de ses efforts artistiques. Il s'irrita de voir blâmer son père pour ses prétendus méfaits ; il s'avança donc intrépidement jusqu'à ses accusateurs. Les anciens furent plongés dans l'embarras. Quelques-uns furent enclins à prendre l'affaire avec humour, tandis qu'un ou deux autres semblaient penser que le garçon était sacrilège, voire blasphémateur. Joseph était désemparé et Marie indignée, mais Jésus insista pour être entendu. Il eut le droit de parler ; il défendit courageusement son point de vue et, avec une maitrise de soi consommée, il annonça qu'il se conformerait à la décision de son père, en cela comme dans tous les autres cas prêtant à discussion. Sur quoi le comité des anciens partit en silence.

124:1.5 Marie fit pression sur Joseph pour permettre à Jésus de modeler de l'argile à la maison, pourvu qu'il promette de ne poursuivre, à l'école, aucune de ces activités contestables, mais Joseph était porté à poser en règle que l'interprétation rabbinique du second commandement devait prévaloir. En conséquence, Jésus ne dessina ni ne modela plus jamais une forme quelconque tant qu'il vécut chez son père. Pourtant, il ne fut pas convaincu d'avoir mal agi ; mais l'abandon de son passe-temps favori fut l'une des grandes épreuves de sa jeunesse.

124:1.6 À la fin de juin, Jésus en compagnie de son père grimpa, pour la première fois, au sommet du mont Thabor. Le temps était clair et la vue superbe. Ce jeune garçon de neuf ans eut l'impression d'avoir réellement contemplé le monde entier, excepté l'Inde, l'Afrique et Rome.

124:1.7 Marthe, la deuxième soeur de Jésus, naquit la nuit du jeudi 13 septembre. Trois semaines après la naissance de Marthe, Joseph, qui était au foyer pour quelque temps, commença la construction d'un agrandissement de leur maison, un combiné d'atelier et de chambre à coucher. Un petit établi fut construit pour Jésus qui, pour la première fois, posséda des outils en propre. Pendant plusieurs années, il travailla à cet établi à ses moments perdus et devint très habile dans la fabrication des jougs.

124:1.8 Cet hiver-là et le suivant furent les plus froids à Nazareth depuis plusieurs décennies. Jésus avait vu de la neige sur les montagnes ; la neige était tombée plusieurs fois à Nazareth sans rester longtemps sur le sol, mais jamais avant cet hiver Jésus n'avait vu de glace. Le fait que l'eau pouvait être solide, un liquide ou une vapeur - il avait longuement médité sur la vapeur s'échappant des pots d'eau bouillante - donna beaucoup à réfléchir au garçon sur le monde physique et sa constitution, et cependant, pendant tout ce temps, la personnalité incarnée dans cet enfant en pleine croissance était le véritable créateur et organisateur de toutes ces choses à travers tout un vaste univers.

124:1.9 Le climat de Nazareth n'était pas rude. Janvier était le mois le plus froid, avec une température moyenne d'environ 10o C. En juillet et en août, les mois les plus chauds, la température variait entre vingt-quatre et trente-deux degrés. Depuis les montagnes jusqu'au Jourdain et à la vallée de la Mer Morte, le climat de la Palestine s'échelonnait du froid au torride. En un sens, les Juifs étaient donc préparés à vivre à peu près dans n'importe lequel des climats variés du monde.

124:1.10 Même durant les mois d'été les plus chauds, une fraiche brise de mer soufflait habituellement de l'ouest de dix heures du matin à dix heures du soir. Mais, de temps en temps, de terribles vents chauds venant du désert oriental soufflaient sur toute la Palestine. Ces rafales brulantes survenaient généralement en février et mars, vers la fin de la saison des pluies. À cette époque, la pluie tombait de novembre à avril en averses rafraichissantes, mais il ne pleuvait pas d'une façon continue. Il n'y avait que deux saisons en Palestine, l'été et l'hiver, la saison sèche et la saison pluvieuse. En janvier, les fleurs commençaient à s'épanouir et, à la fin d'avril, tout le pays était un vaste jardin fleuri.

124:1.11 En mai de cette année, dans la ferme de son oncle, Jésus aida, pour la première fois, à la moisson des céréales. Avant d'avoir treize ans, il avait réussi à découvrir quelque chose sur pratiquement tous les métiers que les hommes et les femmes pratiquaient autour de Nazareth, à l'exception du travail des métaux, et, plus tard, après la mort de son père, il passa plusieurs mois dans l'atelier d'un forgeron.

124:1.12 Quand le travail et le passage des caravanes se ralentissaient, Jésus faisait avec son père beaucoup de voyages d'agrément ou d'affaires aux villes voisines de Cana, Endor et Naïn. Même étant jeune garçon, il avait fréquemment visité Sepphoris, située seulement à cinq kilomètres au nord-ouest de Nazareth ; depuis quatre ans avant l'ère chrétienne jusqu'à l'an 25 environ, cette ville fut la capitale de la Galilée et l'une des résidences d'Hérode Antipas.

124:1.13 Jésus poursuivait son développement physique, intellectuel, social et spirituel. Ses déplacements hors de la maison contribuèrent beaucoup à lui donner une compréhension meilleure et plus généreuse de sa propre famille ; à cette époque, ses parents eux-mêmes commencèrent à apprendre de lui en même temps qu'ils l'éduquaient. Même dans sa jeunesse, Jésus était un penseur original et un pédagogue habile. Il était en conflit constant avec la prétendue « loi orale » , mais cherchait toujours à s'adapter aux pratiques de sa famille. Il s'entendait assez bien avec les enfants de son âge, mais était souvent découragé par leur lenteur de pensée. Avant d'avoir dix ans, il était devenu le chef d'un groupe de sept garçons qui s'étaient réunis en une société pour acquérir les talents de l'âge mur - physiques, intellectuels et religieux. Jésus réussit à introduire, parmi ces garçons, beaucoup de nouveaux jeux et diverses méthodes améliorées de récréation physique.

124.2  La Dixième Année (An 4)

124:2.1 Ce fut le 5 juillet, premier sabbat du mois, tandis que Jésus se promenait dans la campagne avec son père, qu'il exprima des sentiments et des idées dénotant qu'il commençait à prendre conscience de la nature extraordinaire de la mission de sa vie. Joseph écouta attentivement les importantes paroles de son fils, mais fit peu de commentaires et ne donna spontanément aucun renseignement. Le lendemain, Jésus eut avec sa mère un entretien semblable, mais plus long. Marie écouta également les déclarations du garçon, mais elle non plus ne voulut donner aucun renseignement. Il se passa presque deux ans avant que Jésus ne parlât à ses parents des révélations croissantes, dans sa conscience, au sujet de la nature de sa personnalité et du caractère de sa mission terrestre.

124:2.2 Il entra, en août, à l'école supérieure de la synagogue. À l'école, il provoquait constamment des troubles par les questions qu'il persistait à poser. Il maintenait de plus en plus tout Nazareth dans un état de relative effervescence. Ses parents répugnèrent à lui interdire de poser ces questions troublantes ; son principal professeur était très intrigué par la curiosité du garçon, sa perspicacité et sa soif de connaissance.

124:2.3 Les compagnons de jeu de Jésus ne voyaient rien de surnaturel dans sa conduite ; sous la plupart des rapports, il leur ressemblait entièrement. Son intérêt pour l'étude était quelque peu supérieur à la moyenne, mais pas tout à fait exceptionnel. Il est bien vrai qu'à l'école, il posait plus de questions que ses camarades de classe.

124:2.4 Peut-être son trait le plus original et le plus remarquable était-il sa répugnance à combattre pour défendre ses droits. Puisqu'il était un garçon bien développé pour son âge, ses camarades de jeu trouvaient étrange qu'il fût peu enclin à se défendre, même quand il était en butte à l'injustice ou personnellement maltraité. Quoi qu'il en fût, il ne souffrit pas beaucoup de cette tendance à cause de l'amitié de Jacob, son petit voisin qui était son ainé d'un an. Jacob était le fils du maçon associé aux affaires de Joseph. Il était un grand admirateur de Jésus et faisait son affaire de veiller à ce que personne ne pût en imposer à Jésus en profitant de son aversion pour les bagarres physiques. Plusieurs fois, des jeunes gens plus âgés et brutaux attaquèrent Jésus, tablant sur sa docilité réputée, mais il reçurent toujours un sûr et rapide châtiment des mains de son champion et défenseur volontaire toujours prêt, Jacob le fils du maçon.

124:2.5 Jésus était communément accepté comme chef des garçons de Nazareth qui représentaient l'idéal le plus élevé de leur temps et de leur génération. Son cercle de jeunes l'aimait réellement, non seulement parce qu'il était équitable, mais aussi parce qu'il faisait montre d'une sympathie rare et compréhensive qui révélait l'amour et touchait à la compassion discrète.

124:2.6 Cette année-là, il commença à montrer une préférence marquée pour la compagnie de personnes plus mûres. Il était heureux d'avoir des entretiens sur des sujets culturels, éducatifs, sociaux, économiques, politiques et religieux avec des penseurs plus âgés ; la profondeur de ses raisonnements et la finesse de ses observations charmaient tellement ses amis adultes qu'ils étaient toujours empressés à le fréquenter. Avant qu'il ne devienne soutien de famille, ses parents le poussaient constamment à se lier avec des enfants de son âge, ou plus proches de son âge, plutôt qu'avec des personnes plus âgées et plus instruites pour lesquelles il témoignait une telle préférence.

124:2.7 À la fin de cette année-là, il fit, avec son oncle, une expérience de deux mois de pêche sur la mer de Galilée, et réussit très bien. Avant d'atteindre l'âge d'homme, il était devenu un pêcheur très expérimenté.

124:2.8 Son développement physique se poursuivait ; à l'école, il était un élève avancé et privilégié ; à la maison, il s'entendait assez bien avec ses frères et soeurs, ayant l'avantage d'être de trois ans et demi l'ainé du plus âgé d'entre eux. Il était bien considéré à Nazareth, sauf par les parents de quelques-uns des enfants plus lents d'esprit, qui parlaient souvent de Jésus comme étant trop effronté, manquant de l'humilité et de la réserve convenant à la jeunesse. Il manifestait une tendance croissante à orienter les jeux de ses jeunes camarades dans des directions plus sérieuses et plus réfléchies. Il était un éducateur né et ne pouvait absolument pas s'empêcher d'exercer cette fonction, même quand il était censé jouer.

124:2.9 Joseph commença de bonne heure à enseigner à Jésus les divers moyens de gagner sa vie, lui expliquant les avantages de l'agriculture sur l'industrie et le commerce. La Galilée était un district plus beau et prospère que la Judée, et la vie ne coutait guère que le quart de ce qu'elle coutait à Jérusalem et en Judée. C'était une province de villages agricoles et de cités industrielles prospères, contenant plus de deux-cents villes de plus de cinq-mille habitants et trente de plus de quinze-mille.

124:2.10 Pendant son premier voyage avec son père pour observer l'industrie de la pêche sur le lac de Galilée, Jésus avait presque décidé de devenir pêcheur ; mais son intime association avec le métier de son père l'incita plus tard à devenir charpentier, tandis que, plus tard encore, une combinaison d'influences le conduisit à choisir définitivement la carrière d'éducateur religieux d'un ordre nouveau.

124.3  La Onzième Année (An 5)

124:3.1 Durant toute cette année, le garçon continua à faire avec son père des randonnées hors de la maison, mais il rendait également de fréquentes visites à la ferme de son oncle et, à l'occasion, allait à Magdala pour pêcher avec l'oncle qui s'était installé près de cette ville.

124:3.2 Joseph et Marie furent souvent tentés de témoigner à Jésus des faveurs spéciales ou de trahir d'une autre manière leur connaissance du fait que Jésus était un enfant de la promesse, un fils de la destinée. Mais ses parents étaient tous deux extraordinairement sages et sagaces en toutes ces matières. Les rares fois où ils firent effectivement montre d'une préférence quelconque pour lui, même au moindre degré, le garçon ne fut pas long à refuser toute considération spéciale.

124:3.3 Jésus passait un temps considérable au magasin d'approvisionnement des caravanes ; en conversant avec les voyageurs venus de toutes les parties du monde, il accumula, sur les affaires internationales, une masse de renseignements stupéfiante pour son âge. Cette année fut la dernière pendant laquelle il put s'adonner beaucoup aux jeux et aux joies de la jeunesse ; ensuite les difficultés et responsabilités se multiplièrent rapidement dans la vie de ce jeune homme.

124:3.4 Jude naquit le mercredi soir 24 juin de l'an 5, et la naissance de ce septième enfant s'accompagna de complications. Marie fut si malade pendant plusieurs semaines que Joseph resta à la maison. Jésus était fort occupé à faire des commissions pour son père et à remplir toutes sortes de devoirs occasionnés par la sérieuse maladie de sa mère. Plus jamais il ne fut possible à ce jeune homme de revenir au comportement enfantin de ses jeunes années. À partir de la maladie de sa mère - juste avant ses onze ans - il fut contraint d'assumer les responsabilités de fils ainé, et de le faire un an ou deux avant le moment où cette charge aurait normalement dû retomber sur ses épaules.

124:3.5 Le chazan passait une soirée par semaine avec Jésus pour l'aider à approfondir l'étude des Écritures hébraïques. Il s'intéressait beaucoup aux progrès de son élève prometteur, et c'est pourquoi il était disposé à l'aider de bien des manières. Ce pédagogue juif exerça une grande influence sur ce mental en développement, mais ne réussit jamais à comprendre pourquoi Jésus était si indifférent à toutes ses suggestions concernant la perspective d'aller à Jérusalem pour continuer son éducation sous l'égide des doctes rabbins.

124:3.6 Vers le milieu de mai, le garçon accompagna son père en voyage d'affaires à Scythopolis, la principale ville grecque de la Décapole, l'ancienne cité hébraïque de Beth-Shéan. Sur la route, Joseph lui parla longuement de l'ancienne histoire du roi Saül, des Philistins et des évènements postérieurs de la turbulente histoire d'Israël. Jésus fut prodigieusement impressionné par l'aspect propre et la belle ordonnance de cette ville dite païenne. Il s'émerveilla du théâtre en plein air et admira le magnifique temple de marbre consacré au culte des dieux « païens » . Joseph fut très troublé par l'enthousiasme du garçon et chercha à contrecarrer ces impressions favorables en vantant la beauté et la grandeur du temple juif de Jérusalem. Jésus avait souvent contemplé avec curiosité cette magnifique cité grecque depuis la colline de Nazareth et s'était maintes fois enquis sur ses vastes travaux publics et ses édifices décorés, mais son père avait toujours cherché à éluder ces questions. Maintenant, ils étaient face à face avec les beautés de cette ville des Gentils, et Joseph était mal venu à feindre d'ignorer les demandes de renseignements de Jésus.

124:3.7 Il advint que, juste à ce moment, les compétitions annuelles de jeux et les démonstrations publiques de prouesses physiques entre les villes grecques de la Décapole avaient lieu à l'amphithéâtre de Scythopolis. Jésus insista pour que son père l'emmenât voir les jeux et fut si pressant que Joseph n'osa pas le lui refuser. Le garçon fut très excité par les jeux et entra de tout coeur dans l'esprit de ces démonstrations de développement physique et d'adresse athlétique. Joseph fut inexprimablement choqué en constatant l'enthousiasme de son fils à la vue de ces exhibitions de vanité « païenne » . Quand les jeux furent terminés, Joseph eut la plus grande surprise de sa vie en entendant Jésus exprimer son approbation et suggérer qu'il serait bon pour les jeunes gens de Nazareth de pouvoir bénéficier ainsi de saines activités physiques au grand air. Joseph parla sérieusement et longuement à Jésus de la mauvaise nature de ces exercices, mais il vit bien que le garçon n'était pas convaincu.

124:3.8 La seule fois où Jésus vit son père fâché contre lui fut cette nuit-là dans leur chambre à l'auberge quand, au cours de leur discussion, le garçon oublia les préceptes juifs au point de suggérer de rentrer chez eux et de travailler à construire un amphithéâtre à Nazareth. Lorsque Joseph entendit son fils ainé exprimer des sentiments si peu juifs, il perdit son calme habituel, saisissant Jésus par les épaules, il s'écria avec colère : « Mon fils, ne me laisse jamais plus t'entendre exprimer une aussi mauvaise pensée tant que tu vivras. » Jésus fut stupéfait de la manifestation d'émotion de son père. Jamais auparavant il ne lui avait été donné de ressentir personnellement l'impact d'indignation de Joseph ; il en fut étonné et choqué au delà de toute expression. Il répondit simplement : « Très bien mon père, il en sera fait ainsi. » Jamais plus, tant que son père vécut, le garçon ne fit même la plus petite allusion aux jeux et autres activités athlétiques des Grecs.

124:3.9 Plus tard, Jésus vit l'amphithéâtre grec à Jérusalem et apprit combien ces choses étaient haïssables du point de vue juif. Il s'efforça néanmoins, pendant toute sa vie, d'introduire l'idée de saine récréation dans ses plans personnels, et aussi dans le programme ultérieur des activités régulières de ses douze apôtres, dans toute la mesure où les habitudes juives le permettaient.

124:3.10 À la fin de cette onzième année, Jésus était un jeune garçon vigoureux, bien développé, modérément enjoué et assez gai, mais, à partir de là, il tendit de plus en plus à passer par des périodes de profondes méditations et de sérieuses contemplations. Il était beaucoup porté à réfléchir pour savoir comment il devait remplir ses obligations familiales et en même temps obéir à l'appel de sa mission envers le monde. Il avait déjà compris que son ministère ne devait pas se limiter à l'amélioration du peuple juif.

124.4  La Douzième Année (An 6)

124:4.1 Ce fut une année mouvementée dans la vie de Jésus. Il continuait à faire des progrès à l'école et ne se fatiguait jamais d'étudier la nature, tout en s'adonnant de plus en plus à l'étude des méthodes par lesquelles les hommes gagnent leur vie. Il commença à travailler régulièrement dans l'atelier familial de menuiserie et fut autorisé à gérer son propre salaire, arrangement très exceptionnel dans une famille juive. La même année, il apprit aussi qu'il était sage de garder le secret sur ces sujets dans la famille. Il prenait conscience de la façon dont il avait troublé le village et devint désormais de plus en plus discret en dissimulant tout ce qui pouvait le faire considérer comme différent de ses camarades.

124:4.2 Durant toute cette année, il passa par de nombreuses périodes d'incertitude, sinon de véritable doute, concernant la nature de sa mission. Son mental humain se développait naturellement, mais n'avait pas encore saisi pleinement la réalité de sa double nature. Le fait qu'il avait une seule personnalité rendait difficile à sa conscience de reconnaître la double origine des éléments constitutifs de la nature associée à cette même personnalité.

124:4.3 À partir de ce moment, il réussit mieux à s'entendre avec ses frères et soeurs. Il était de plus en plus plein de tact, toujours compatissant et attentif à leur bien-être et à leur bonheur, et il entretint de bons rapports avec eux jusqu'au début de son ministère public. Pour être plus explicite, il s'entendit le mieux du monde avec Jacques et Miriam et les deux plus jeunes enfants (pas encore nés en cet an 6) Amos et Ruth, et toujours assez bien avec Marthe. Les difficultés qu'il rencontra à la maison provinrent de points de friction avec Joseph et Jude, particulièrement avec ce dernier.

124:4.4 Ce fut une expérience éprouvante pour Joseph et Marie que d'élever un enfant présentant cette combinaison sans précédent de divinité et d'humanité. Il faut leur reconnaître de grand mérites pour avoir accompli avec tant de fidélité et de succès leur devoir de parents. De plus en plus, les parents de Jésus comprenaient qu'il y avait, dans leur fils ainé, quelque chose de suprahumain, mais ils ne songèrent jamais, même l'ombre d'un instant, que ce fils de la promesse était en vérité le créateur effectif de l'univers local de choses et d'êtres. Joseph et Marie vécurent et moururent sans avoir jamais appris que leur fils était réellement le Créateur de l'Univers incarné dans la chair mortelle.

124:4.5 Cette année-là, Jésus continua à donner des leçons, à la maison, à ses frères et soeurs et s'intéressa plus que jamais à la musique. C'est à cette époque que le garçon prit une conscience aiguë de la différence de points de vue entre Joseph et Marie concernant la nature de sa mission. Il médita beaucoup sur la divergence d'opinion de ses parents et entendit souvent leurs discussions quand ils le croyaient profondément endormi. Il penchait de plus en plus pour le point de vue de son père, si bien que sa mère fut souvent froissée en comprenant que son fils rejetait peu à peu ses directives dans les questions ayant trait à l'orientation de sa vie. À mesure que les années passaient, cette brèche alla s'élargissant. Marie comprenait de moins en moins le sens de la mission de Jésus, et cette tendre mère fut de plus en plus blessée par le fait que son fils préféré ne réalisait pas ses plus chères espérances.

124:4.6 Joseph croyait de plus en plus à la nature spirituelle de la mission de Jésus ; et, s'il n'avait existé d'autre raison plus fondamentale, il paraît en effet malheureux que Joseph n'ait pas vécu assez longtemps pour voir s'accomplir son concept de l'effusion de Jésus sur terre.

124:4.7 Pendant sa dernière année d'école, alors qu'il avait douze ans, Jésus contesta, auprès de son père, la coutume juive de toucher le morceau de parchemin cloué sur le montant de la porte, chaque fois que l'on entrait ou sortait de la maison, et d'embrasser ensuite le doigt qui avait touché le parchemin. Comme partie de ce rite, il était habituel de dire : « Le Seigneur préservera notre sortie et notre entrée désormais et pour toujours. » Joseph et Marie avaient maintes fois instruit Jésus des raisons pour lesquelles il ne fallait pas faire de portraits ni dessiner de tableaux, expliquant que ces créations pourraient être utilisées à des fins idolâtres. Bien que Jésus ne parvenait pas à comprendre tout à fait leur interdiction de faire des portraits et des images, il possédait une logique supérieure ; c'est pourquoi il fit remarquer à son père la nature essentiellement idolâtre de cette habitude de saluer humblement le parchemin du seuil. Après que Jésus lui eut fait cette remarque, Joseph retira le parchemin.

124:4.8 Avec le temps, Jésus contribua grandement à modifier leurs pratiques religieuses telles que prières familiales et autres coutumes. Il était possible de faire beaucoup de ces choses à Nazareth, parce que la synagogue était sous l'influence d'une école libérale de rabbins dont le chef de file, José, était un maitre nazaréen renommé.

124:4.9 Durant cette année et les deux suivantes, Jésus souffrit d'une grande détresse mentale résultant de ses constants efforts pour adapter ses vues personnelles sur les pratiques religieuses et les conventions sociales aux croyances enracinées de ses parents. Il était tourmenté par le conflit entre le besoin d'être fidèle à ses propres convictions et l'exhortation de sa conscience à remplir son devoir de soumission à ses parents. Son suprême conflit était entre deux commandements qui dominaient dans son jeune mental. Le premier était : « Sois fidèle aux préceptes de tes hautes convictions de vérité et de droiture. » L'autre était : « Honore ton père et ta mère, car ils t'ont donné la vie et l'éducation de la vie. » Quoi qu'il en fût, il n'éluda jamais la responsabilité de faire chaque jour les ajustements nécessaires entre ces domaines de fidélité à ses convictions personnelles et de devoirs envers sa propre famille. Il eut ainsi la satisfaction de fondre de plus en plus harmonieusement ses convictions personnelles et ses obligations familiales en un magistral concept de solidarité collective basé sur la loyauté, l'équité, la tolérance et l'amour.

124.5  Sa Treizième Année (An 7)

124:5.1 En cette année, le garçon de Nazareth passa de l'enfance à l'adolescence. Sa voix commença à muer et d'autres traits de son mental et de son corps témoignèrent d'une transformation annonciatrice de la virilité.

124:5.2 Son petit frère Amos naquit dans la nuit du dimanche 9 janvier an 7. Jude n'avait pas encore deux ans, et sa petite soeur Ruth n'était pas encore née. On voit donc que Jésus avait une assez nombreuse famille de jeunes enfants laissée à sa surveillance lorsque son père rencontra la mort un an plus tard dans un accident.

124:5.3 C'est vers le milieu de février que Jésus acquit humainement la certitude qu'il était destiné à remplir sur terre une mission pour éclairer l'humanité et lui révéler Dieu. Des décisions capitales doublées de plans d'une grande portée prenaient forme dans le mental de ce jeune homme, tandis que son apparence extérieure était celle d'un jeune juif moyen de Nazareth. Les êtres intelligents de tout Nébadon observaient, avec fascination et stupéfaction, les débuts de ce développement dans la pensée et les actes du fils désormais adolescent du charpentier.

124:5.4 Le premier jour de la semaine du 20 mars an 7, Jésus fut reçu à ses examens dans l'école locale rattachée à la synagogue de Nazareth. C'était un grand jour dans la vie de toute famille juive ambitieuse, le jour où le fils ainé était proclamé « fils du commandement » et « fils ainé racheté du Seigneur, Dieu d'Israël » , un « enfant du Très Haut » et le serviteur du Seigneur de toute la terre.

124:5.5 Le vendredi de la semaine précédente, pour être présent en cette heureuse occasion, Joseph était revenu de Sepphoris où il avait entrepris la construction d'un nouvel édifice public. Le professeur de Jésus croyait fermement que son élève alerte et assidu était destiné à quelque carrière éminente, à quelque haute mission. Malgré tous leurs ennuis avec les tendances non conformistes de Jésus, les anciens de Nazareth étaient très fiers du garçon et avaient commencé à tirer des plans qui lui permettraient d'aller à Jérusalem pour continuer son éducation dans les académies hébraïques renommées.

124:5.6 À mesure que Jésus entendait discuter ces plans de temps en temps, il devenait de plus en plus certain qu'il n'irait jamais à Jérusalem étudier avec les rabbins. Pourtant, il n'imaginait guère la tragédie si proche qui allait l'obliger à abandonner tous ces projets pour assumer la responsabilité d'entretenir et de diriger une famille nombreuse qui allait bientôt être composée de cinq frères et trois soeurs, outre sa mère et lui-même. En élevant cette famille, Jésus passa par une expérience plus étendue et plus prolongée que celle qui fut accordée à Joseph son père. Il se montra à la hauteur du modèle qu'il établit plus tard pour lui-même : devenir un sage, patient, compréhensif et efficace éducateur et frère ainé d'une famille - sa famille - si soudainement éprouvée par la douleur de cette perte inattendue.

124.6  Le Voyage à Jérusalem

124:6.1 Ayant maintenant atteint le seuil de la jeune virilité et reçu officiellement ses diplômes de l'école de la synagogue, Jésus était qualifié pour se rendre à Jérusalem avec ses parents et participer avec eux à la célébration de sa première Pâque. Cette année-là, la fête de la Pâque tombait le samedi 9 avril de l'an 7. Un groupe considérable (103 personnes) se prépara à quitter Nazareth pour Jérusalem, de bonne heure le lundi matin 4 avril. Il voyagea vers le sud en direction de la Samarie, mais, après Jizréel, il bifurqua à l'est, contournant le mont Gilboa par la vallée du Jourdain afin d'éviter de passer par la Samarie. Joseph et sa famille auraient aimé traverser la Samarie par la route du puits de Jacob et de Béthel, mais, puisque les Juifs n'aimaient pas fréquenter les Samaritains, ils décidèrent d'accompagner leur groupe par la vallée du Jourdain.

124:6.2 Le très redouté Archelaüs avait été déposé et il n'y avait guère de danger à emmener Jésus à Jérusalem. Douze ans avaient passé depuis que Hérode 1er avait cherché à tuer le bébé de Bethléem, et personne ne songerait plus maintenant à associer cette affaire à l'obscur garçon de Nazareth.

124:6.3 Avant d'atteindre la bifurcation de Jizréel et comme ils poursuivaient leur voyage, ils passèrent bientôt à droite de l'ancien village de Shunem ; Jésus entendit de nouveau parler de la plus belle jeune fille d'Israël qui vécut là jadis, et aussi des oeuvres merveilleuses accomplies en ce lieu par Élisée. En passant près de Jizréel, les parents de Jésus lui racontèrent les faits et gestes d'Achab et de Jézabel, et les exploits de Jéhu. En contournant le mont Gilboa, ils parlèrent beaucoup de Saül qui se suicida sur les flancs de cette montagne, du roi David et des souvenirs se rapportant à ce lieu historique.

124:6.4 En contournant le pied du mont Gilboa, les pèlerins pouvaient voir, sur la droite, la ville grecque de Scythopolis. Ils admirèrent de loin ses édifices de marbre, mais n'approchèrent pas de cette ville des Gentils de crainte de se souiller et de ne pouvoir ensuite prendre part aux cérémonies solennelles et sacrées de la Pâque à Jérusalem. Marie ne comprenait pas pourquoi ni Joseph ni Jésus ne voulaient parler de Scythopolis. Elle n'était pas au courant de leur controverse de l'année précédente, car ils ne lui avaient jamais raconté l'incident.

124:6.5 Maintenant la route descendait rapidement dans la vallée tropicale du Jourdain et bientôt, à son étonnement admiratif, Jésus vit le sinueux et tortueux Jourdain avec ses vaguelettes étincelantes coulant vers la Mer Morte. Ils ôtèrent leurs manteaux pour voyager vers le sud dans cette vallée tropicale ; ils admirèrent les somptueux champs de céréales et les beaux lauriers-roses en fleurs, tandis qu'au nord le massif du mont Hermon avec sa calotte de neige se profilait loin vers le nord, dominant majestueusement cette vallée historique. Un peu plus de trois heures après avoir passé Scythopolis, ils arrivèrent à une source murmurante et campèrent là pour la nuit sous le ciel étoilé.

124:6.6 Le deuxième jour de leur voyage, ils passèrent près de l'endroit où le Jaboc venant de l'est se jette dans le Jourdain. Laissant leurs regards remonter cette vallée à l'est, ils se rappelèrent la vie de Gédéon quand les Madianites se répandirent dans cette région pour envahir le pays. Vers la fin du deuxième jour du voyage, ils campèrent au pied de la plus haute montagne dominant la vallée du Jourdain, le mont Sartaba, dont le sommet était occupé par la forteresse Alexandrine où Hérode avait emprisonné une de ses femmes et enterré ses deux fils étranglés.

124:6.7 Le troisième jour, ils passèrent près de deux villages récemment bâtis par Hérode ; ils remarquèrent leur belle architecture et leurs superbes palmeraies. À la nuit tombante, ils atteignirent Jéricho où ils restèrent jusqu'au lendemain. Ce soir-là, Joseph, Marie et Jésus marchèrent trois kilomètres pour atteindre l'emplacement de l'ancienne Jéricho où, selon la tradition juive, Josué, d'après qui Jésus avait été prénommé, avait accompli ses célèbres exploits.

124:6.8 Pendant le quatrième et dernier jour du voyage, la route ne fut qu'une procession ininterrompue de pèlerins. Ceux de Nazareth commençaient maintenant à escalader la colline conduisant à Jérusalem. En approchant du sommet, ils purent voir les montagnes de l'autre côté du Jourdain, et vers le sud les eaux paresseuses de la Mer Morte. Environ à mi-distance de Jérusalem, Jésus vit, pour la première fois, le mont des Oliviers (la région qui devait jouer un si grand rôle dans sa vie future). Joseph lui fit remarquer que la Ville Sainte était située juste derrière cette crête, et le coeur du garçon battit vite dans la joyeuse attente de voir bientôt la ville et la maison de son Père céleste.

124:6.9 Sur les pentes orientales d'Olivet, ils s'arrêtèrent pour se reposer en bordure d'un petit village appelé Béthanie. Les villageois hospitaliers se portèrent au devant des pèlerins pour offrir leurs services, et il advint que Joseph et sa famille furent installés près de la maison d'un certain Simon qui avait trois enfants à peu près du même âge que Jésus - Marie, Marthe et Lazare. Ceux-ci invitèrent la famille de Nazareth à se reposer chez eux, et une amitié pour toute la vie naquit entre les deux familles. Plus tard, au cours de sa vie mouvementée, Jésus s'arrêta bien souvent chez eux.

124:6.10 Les pèlerins de Nazareth se remirent rapidement en route et arrivèrent bientôt près d'Olivet. Jésus vit, pour la première fois, (dans sa mémoire) la Ville Sainte, les palais prétentieux et le temple inspirant de son Père. Jamais plus dans sa vie, Jésus n'éprouva une émotion purement humaine comparable à celle qui le captiva en cet après-midi d'avril sur le mont des Oliviers, alors que, pour la première fois, il buvait Jérusalem du regard. Quelques années plus tard, il se tint au même endroit et pleura sur la ville qui allait encore une fois rejeter un prophète, le dernier et le plus grand de ses éducateurs célestes.

124:6.11 Ils se hâtèrent vers Jérusalem. On était maintenant au jeudi après-midi. En atteignant la ville, ils passèrent devant le temple, et jamais Jésus n'avait vu une telle foule d'êtres humains. Il médita profondément sur la raison pour laquelle ces Juifs s'étaient rassemblés là, venant des plus lointaines parties du monde connu.

124:6.12 Ils atteignirent bientôt l'emplacement préparé pour leur logement durant la semaine pascale, la grande maison d'un riche parent de Marie, qui avait eu la connaissance, par Zacharie, des évènements antérieurs concernant Jean et Jésus. Le lendemain, jour de la préparation, ils se disposèrent à célébrer convenablement la sabbat de la Pâque.

124:6.13 Tandis que tout Jérusalem s'affairait à préparer la Pâque, Joseph trouva le temps d'emmener son fils visiter l'académie où il avait été convenu qu'il continuerait son éducation deux ans plus tard, dès qu'il aurait atteint l'âge requis de quinze ans. Joseph était vraiment perplexe en observant le peu d'intérêt que Jésus témoignait à ces plans si soigneusement élaborés.

124:6.14 Jésus fut profondément impressionné par le temple et les services et autres activités associées. Pour la première fois depuis l'âge de quatre ans, il était trop préoccupé par ses propres méditations pour poser beaucoup de questions. Il posa cependant à son père plusieurs questions embarrassantes (comme il l'avait fait en d'autres occasions) sur les raisons pour lesquelles le Père céleste exigeait le massacre de tant d'animaux innocents et sans défense. D'après l'expression du visage du garçon, son père sentait bien que ses réponses et ses tentatives d'explications n'étaient pas satisfaisantes pour la profondeur de pensée et l'acuité de raisonnement de son fils.

124:6.15 La veille du sabbat de la Pâque, un torrent d'illumination spirituelle traversa le mental mortel de Jésus et fit déborder son coeur de pitié affectueuse pour ces foules spirituellement aveugles et moralement ignorantes assemblées en vue de commémorer l'ancienne Pâque. Ce fut l'un des jours les plus extraordinaires de l'incarnation du Fils de Dieu. Durant cette nuit, pour la première fois dans sa carrière terrestre, un messager spécial de Salvington commissionné par Emmanuel, lui apparut et dit : « L'heure est venue. Il est temps que tu commences à t'occuper des affaires de ton Père. »

124:6.16 Et ainsi, avant même que les lourdes responsabilités de la famille de Nazareth ne fussent retombées sur les jeunes épaules de Jésus, le messager céleste arrivait pour rappeler à ce garçon de moins de treize ans que l'heure avait sonné de commencer à reprendre la responsabilité d'un univers. Ce fut le premier acte d'une longue suite d'évènements qui, en fin de compte, culminèrent dans le parachèvement de l'effusion du Fils sur Urantia, à la suite de quoi « le gouvernement d'un univers fut replacé sur ses épaules à la fois humaines et divines » .

124:6.17 À mesure que le temps passait, le mystère de l'incarnation devenait de plus en plus insondable pour chacun de nous. Nous pouvions difficilement comprendre que ce garçon de Nazareth était le créateur de tout Nébadon. Nous ne comprenons pas davantage maintenant comment l'esprit de ce Fils Créateur et l'esprit de son Père du Paradis sont associés aux âmes de l'humanité. Avec le recul du temps, nous pouvions voir son mental humain discerner de mieux en mieux que la responsabilité d'un univers reposait en esprit sur ses épaules, en même temps qu'il vivait sa vie incarnée.

124:6.18 Ainsi prend fin la carrière du garçon de Nazareth et commence celle de l'adolescent. L'homme divin de plus en plus conscient de soi - qui commence maintenant à envisager sa carrière dans le monde, tout en s'efforçant de concilier ses desseins toujours plus vastes avec les désirs de ses parents et ses obligations envers sa famille et envers la société de son temps.

125. Jésus à Jérusalem

125:0.1 DANS TOUTE la carrière terrestre mouvementée de Jésus, aucun évènement ne fut plus attrayant, plus humainement passionnant, que cette visite à Jérusalem, la première dont il eut le souvenir. Jésus fut spécialement stimulé par l'expérience d'assister seul aux discussions du temple ; cela resta longtemps dans sa mémoire comme le grand évènement de la fin de son enfance et du commencement de son adolescence. Ce fut sa première occasion de profiter de quelques jours de vie indépendante, la joie d'aller et de venir sans contrainte ni restriction. Cette brève époque sans astreinte, pendant la semaine suivant la Pâque, était la première complètement libre d'obligations dont il eût jamais profité. Il lui fallut bien des années pour retrouver, même pour peu de temps, une période pareillement dégagée de tout sentiment de responsabilité.

125:0.2 Les femmes assistaient rarement à la fête de la Pâque à Jérusalem ; leur présence n'était pas requise. Toutefois, Jésus refusa pratiquement de partir à moins que sa mère ne l'accompagnât. Quand elle se décida, cela incita beaucoup de femmes de Nazareth à faire le voyage, si bien que le groupe pascal contenait, par rapport aux hommes, la plus grande proportion de femmes qui fût jamais partie de Nazareth pour la Pâque. Sur le chemin de Jérusalem, les pèlerins chantèrent de temps en temps le Psaume 130.

125:0.3 À partir du moment où ils quittèrent Nazareth jusqu'à celui où ils atteignirent le sommet du mont des Oliviers, Jésus resta constamment tendu dans l'expectative. Pendant toute sa joyeuse enfance, il avait entendu parler avec respect de Jérusalem et de son temple ; maintenant, il allait bientôt les contempler réellement. Vu du mont des Oliviers, puis de l'extérieur en l'examinant de plus près, le temple avait plus que comblé les espérances de Jésus, mais, quand le garçon eut franchi les portes sacrées, la grande désillusion commença.

125:0.4 En compagnie de ses parents, Jésus traversa les enceintes du temple pour aller rejoindre le groupe des nouveaux fils de la loi qui étaient sur le point d'être consacrés citoyens d'Israël. Il fut un peu déçu par la tenue générale de la foule dans le temple, mais le premier grand choc du jour survint quand sa mère les quitta pour se rendre dans la galerie des femmes. Il n'était jamais venu à l'idée de Jésus que sa mère ne l'accompagnerait pas aux cérémonies de consécration, et il était tout à fait indigné qu'elle eût à supporter une aussi injuste discrimination. Il en fut profondément froissé, mais, à part quelques protestations auprès de son père, il ne dit rien. Par contre, il réfléchit, et réfléchit profondément, comme ses questions aux scribes et aux docteurs de la loi le prouvèrent une semaine plus tard.

125:0.5 Jésus participa aux rites de la consécration, mais fut déçu par leur caractère superficiel et routinier. Il n'y trouva pas l'intérêt personnel qui caractérisait les cérémonies de la synagogue à Nazareth. Il retourna ensuite saluer sa mère et se prépara à accompagner son père pour sa première tournée dans le temple et les cours, galeries et corridors divers. Les enceintes du temple pouvaient contenir plus de deux-cent-mille fidèles à la fois ; l'immensité de ces bâtiments - en comparaison de ce qu'il avait déjà vu - fit une grande impression sur lui, mais il s'intéressa davantage à méditer sur la signification spirituelle des cérémonies du temple et du culte qui y était associé.

125:0.6 Beaucoup de rites du temple avaient frappé d'une manière touchante son sens de la beauté et du symbole, mais il était toujours déçu par les explications du sens réel des cérémonies que ses parents lui offraient en réponse à ses multiples et pénétrantes questions. Jésus refusait absolument d'accepter les éclaircissements sur le culte de la dévotion religieuse quand ils impliquaient une croyance au courroux de Dieu ou à la colère du Tout-Puissant. Dans une nouvelle discussion de ces questions, après la fin de la visite au temple, alors que son père insistait avec douceur pour qu'il acceptât les croyances orthodoxes des Juifs, Jésus se retourna soudainement vers ses parents, regarda son père dans les yeux, d'une manière suppliante, et dit : « Mon père, cela ne peut pas être vrai - le Père qui est aux cieux ne peut pas regarder ainsi ses enfants égarés sur terre - le Père Céleste ne peut aimer ses enfants moins que tu ne m'aimes. Si malavisés que soient mes actes, je sais bien que jamais tu ne pourrais déverser sur moi ta colère ni donner libre cours à ton courroux. Si toi, mon père terrestre, tu reflètes le divin si humainement, combien plus le Père céleste doit-il être rempli de bonté et déborder de miséricorde. Je refuse de croire que mon Père céleste m'aime moins que mon père terrestre. »

125:0.7 Quand Joseph et Marie entendirent ces mots de leur fils ainé, ils se tinrent cois. Jamais plus ils n'essayèrent de changer sa conception de l'amour de Dieu et de la miséricorde du Père qui est dans les cieux.

125.1  Jésus Visite le Temple

125:1.1 Sur tous les parvis du temple que Jésus parcourut, il fut choqué et écoeuré par l'esprit d'irrévérence qu'il y remarqua. Il estimait que la conduite des foules au temple était incompatible avec leur présence dans « la maison de son Père » . Mais il reçut le plus grand choc de sa jeune vie quand son père l'accompagna dans la cour des Gentils où le bruyant jargon, les éclats de voix et les jurons se mêlaient confusément aux bêlements de moutons et aux babillages bruyants trahissant la présence des changeurs, des marchands d'animaux propitiatoires et des vendeurs de diverses autres marchandises.

125:1.2 Par-dessus tout, son sentiment des convenances fut outragé par la vue des frivoles courtisanes paradant dans cette enceinte du temple, exactement comme les femmes fardées qu'il avait vues si récemment lors d'une visite à Sepphoris. Cette profanation du temple mit le comble à sa jeune indignation et il n'hésita pas à l'exprimer franchement à Joseph.

125:1.3 Jésus admira l'atmosphère et le service du temple, mais fut choqué par la laideur spirituelle qui transparaissait sur les visages de tant d'adorateurs insouciants.

125:1.4 Ils descendirent ensuite dans la cour des prêtres sous le rebord de pierre devant le temple, à l'emplacement de l'autel, pour observer la mise à mort des troupeaux d'animaux et les ablutions à la fontaine de bronze pour laver le sang des mains des prêtres sacrificateurs. Les taches de sang sur le dallage, les mains ensanglantées des prêtres et les cris des animaux mourants dépassèrent ce que pouvait supporter ce garçon amoureux de la nature. Ce terrible spectacle l'écoeura. Le jeune Nazaréen s'accrocha aux bras de son père et le supplia de l'emmener ailleurs. Ils retraversèrent les cours des Gentils ; même les rires grossiers et les plaisanteries profanes qu'il y entendit furent un soulagement pour Jésus après ce qu'il venait de contempler.

125:1.5 Joseph vit combien son fils avait été écoeuré par les rites du temple ; il l'emmena sagement voir la « Porte de Beauté » , la porte artistique faite de bronze corinthien. Mais Jésus en avait eu assez pour sa première visite au temple. Ils retournèrent chercher Marie dans la cour supérieure et marchèrent pendant une heure, au grand air, hors de la foule en regardant le palais d'Asmonée, la maison imposante d'Hérode et la tour des gardes romains. Pendant cette promenade, Joseph expliqua à Jésus que seuls les habitants de Jérusalem avaient la permission d'assister aux sacrifices quotidiens dans le temple, et que les habitants de Galilée n'y venaient que trois fois par an pour participer au culte : à la Pâque, à la fête de la Pentecôte (sept semaines après la Pâque) et à la fête des Tabernacles en octobre. Ces fêtes avaient été instaurées par Moïse. Ils discutèrent ensuite sur les deux dernières fêtes établies, celle de la consécration et celle de Pourim, après quoi ils regagnèrent leur logement et se préparèrent à célébrer la Pâque.

125.2  Jésus et la Pâque

125:2.1 Cinq familles de Nazareth furent invitées par la famille de Simon de Béthanie pour la célébration de la Pâque ou s'y associèrent, Simon ayant acheté l'agneau pascal pour toute la compagnie. C'était le massacre en si grand nombre de ces agneaux qui avait tellement affecté Jésus pendant sa visite au temple. Le projet avait été de manger la Pâque avec la famille de Marie, mais Jésus persuada ses parents d'accepter l'invitation à se rendre à Béthanie.

125:2.2 Cette nuit-là, ils se réunirent pour les rites de la Pâque, mangeant la viande rôtie avec du pain sans levain et des herbes amères. Jésus étant un nouveau fils de l'alliance, on lui demanda de raconter les origines de la Pâque, ce qu'il fit très bien, mais il déconcerta quelque peu ses parents en y incluant de nombreuses remarques reflétant avec modération les impressions qu'avaient faites sur sa pensée jeune, mais réfléchie, les choses qu'il avait si récemment vues et entendues. Ce fut le commencement des sept jours de cérémonies de la fête pascale.

125:2.3 Même si jeune et bien qu'il n'eût rien dit à ses parents à ce sujet, Jésus avait commencé à se demander s'il était juste de célébrer la Pâque sans sacrifier d'agneau. Il fut mentalement certain que le spectacle de l'offrande des sacrifices ne plaisait pas au Père céleste et, au cours des années suivantes, il affermit de plus en plus sa résolution d'établir un jour la célébration d'une Pâque sans effusion de sang.

125:2.4 Cette nuit-là, Jésus dormit fort peu. Son sommeil fut grandement troublé par des cauchemars de massacre et de souffrance. Son mental était profondément troublée et son coeur déchiré par les inconséquences et les absurdités théologiques de tout le système cérémoniel juif. Ses parents aussi dormirent peu. Ils étaient considérablement déconcertés par les évènements de la journée qui venait de prendre fin, et leur coeur était complètement bouleversé par l'attitude du garçon qui leur paraissait étrange et résolue. Marie fut nerveusement agitée pendant la première partie de la nuit, mais Joseph resta calme, bien que lui aussi fût perplexe. Tous deux craignaient de parler franchement de ces problèmes avec le garçon, tandis que Jésus aurait volontiers discuté avec ses parents s'ils avaient osé l'encourager.

125:2.5 Le lendemain, les offices au temple furent plus acceptables pour Jésus et contribuèrent beaucoup à effacer les fâcheuses impressions de la veille. Le surlendemain matin, le jeune Lazare prit Jésus en charge, et ils commencèrent à explorer systématiquement Jérusalem et ses environs. Avant la fin de la journée, Jésus découvrit les divers endroits autour du temple où des conférenciers enseignaient et répondaient aux questions. À part quelques visites au Saint des Saints où il se demandait avec émerveillement ce qu'il y avait réellement derrière le voile de séparation, il passa la majeure partie de son temps autour du temple aux conférences d'enseignement.

125:2.6 Pendant toute la semaine de la Pâque, Jésus garda sa place parmi les nouveaux fils du commandement. Cela signifiait qu'il devait s'assoir hors des grilles qui séparaient toutes les personnes n'ayant pas la pleine citoyenneté d'Israël. Rendu ainsi conscient de sa jeunesse, il se retint de poser toutes les questions qui se pressaient dans sa tête ; tout au moins il s'en abstint jusqu'à ce que la célébration de la Pâque eût prit fin et que les restrictions imposées aux jeunes gens nouvellement consacrés fussent levées.

125:2.7 Le mercredi de la semaine de la Pâque, Jésus fut autorisé à aller chez Lazare pour passer la nuit à Béthanie. Ce soir-là, Lazare, Marthe et Marie écoutèrent Jésus discuter des choses temporelles et éternelles, humaines et divines, et, depuis cette soirée, tous les trois l'aimèrent comme s'il eût été leur propre frère.

125:2.8 À la fin de la semaine, Jésus vit moins souvent Lazare, car ce dernier n'avait pas droit d'accès même au cercle extérieur des discussions du temple, mais il assista cependant à quelques discours publics prononcés dans les cours extérieures. Lazare était du même âge que Jésus, mais, à Jérusalem, les jeunes étaient rarement admis à la consécration des fils de la loi avant d'avoir atteint leurs treize ans révolus.

125:2.9 Pendant la semaine pascale, les parents de Jésus trouvèrent maintes et maintes fois leur fils assis à l'écart et réfléchissant profondément, la tête dans les mains. Ils ne l'avaient jamais vu se comporter de cette façon et ils étaient douloureusement perplexes, ne sachant pas jusqu'à quel point la confusion régnait dans sa pensée et le trouble dans son esprit à la suite des expériences par lesquelles il passait ; ils ne savaient que faire. Ils se réjouissaient d'entrevoir la fin de la semaine de la Pâque et désiraient ardemment voir leur fils, aux agissements étranges, de retour en sécurité à Nazareth.

125:2.10 Jour après jour, Jésus faisait le tour de ses problèmes ; à la fin de la semaine, il avait opéré beaucoup de mises au point. Quand vint le moment de retourner à Nazareth, son jeune mental fourmillait encore d'incertitudes et était assailli par une foule de questions sans réponse et de problèmes non résolus.

125:2.11 Avant de repartir, en compagnie du maitre qui instruisait Jésus à Nazareth, Joseph et Marie prirent des dispositions précises pour le retour de Jésus à Jérusalem au moment où il aurait ses quinze ans. Il commencerait alors un long cycle d'études dans une des académies de rabbins les plus renommées. Jésus accompagna ses parents et son professeur dans leur visite à l'école, mais tous trois furent désolés de constater combien il semblait indifférent à tout ce qu'ils disaient et faisaient. Marie était profondément peinée de ses réactions à la visite de Jérusalem, et Joseph fort perplexe devant les étranges remarques et la conduite insolite du garçon.

125:2.12 Somme toute, la semaine de la Pâque avait été un grand évènement dans la vie de Jésus. Il avait tiré profit de sa rencontre avec des dizaines de garçons de son âge, candidats comme lui à la consécration, et avait utilisé ces contacts comme moyen d'apprendre comment les gens vivaient en Mésopotamie, au Turkestan, dans l'empire des Parthes ainsi que dans les provinces romaines de l'Extrême-Occident. Il était déjà assez au courant de la façon dont se développait la jeunesse d'Égypte et d'autres régions voisines de la Palestine. Il y avait, à ce moment-là, des milliers de jeunes gens à Jérusalem, et le garçon de Nazareth rencontra personnellement et interrogea de façon plus ou moins approfondie plus de cent-cinquante d'entre eux. Il était particulièrement intéressé par ceux qui venaient de l'Extrême-Orient et des pays lointains de l'Occident. Comme suite à ces contacts, le garçon commença à éprouver le désir de voyager de par le monde en vue d'apprendre comment les différents groupes de ses contemporains travaillaient pour gagner leur vie.

125.3  Départ de Joseph et de Marie

125:3.1 Le groupe de Nazareth avait convenu de se rassembler près du temple au milieu de la matinée du premier jour de la semaine après la fin de la fête pascale. Ils se retrouvèrent au rendez-vous et partirent pour rentrer à Nazareth. Jésus s'était rendu au temple pour écouter les discussions, tandis que ses parents attendaient le rassemblement de leurs compagnons de voyage. Bientôt, la compagnie se prépara à partir, les hommes formant un groupe, et les femmes un autre, comme ils en avaient l'habitude pour aller aux fêtes de Jérusalem et en revenir. Jésus était allé à Jérusalem en compagnie de sa mère et des femmes. Maintenant, en tant que jeune homme consacré, il était censé faire le voyage de retour avec son père et les hommes. Tandis que le groupe de Nazareth partait pour Béthanie, Jésus était resté dans le temple, complètement absorbé par une discussion sur les anges et totalement inconscient d'avoir manqué le moment du départ de ses parents. Jusqu'à midi, heure de la suspension des conférences du temple, il ne se rendit pas compte qu'il avait été laissé en arrière.

125:3.2 Les voyageurs de Nazareth ne remarquèrent pas l'absence de Jésus, parce que Marie supposait qu'il voyageait avec les hommes, tandis que Joseph pensait qu'il voyageait avec les femmes, étant donné qu'il était monté à Jérusalem avec les femmes, et qu'il conduisait l'âne de Marie. Ils ne découvrirent son absence qu'en arrivant à Jéricho et en se préparant à camper pour la nuit. Après être allés aux informations auprès des retardataires du groupe arrivant à Jéricho, et avoir appris qu'aucun d'eux n'avait vu leur fils, ils passèrent une nuit blanche. Ils retournaient dans leur tête ce qui avait bien pu lui arriver, se remémorant plusieurs de ses réactions insolites aux évènements de la semaine pascale et se reprochant doucement l'un à l'autre de n'avoir pas veillé à ce qu'il fût dans l'un des groupes avant de quitter Jérusalem.

125.4  Premier et Second Jours dans le Temple

125:4.1 Pendant ce temps, Jésus était resté dans le temple tout l'après-midi, écoutant les discussions et appréciant l'ambiance plus calme et plus décente depuis que les grandes foules de la semaine pascale s'étaient à peu près dispersées. À la fin des discussions de l'après-midi, auxquelles Jésus ne participa point, il se rendit à Béthanie où il arriva juste au moment où la famille de Simon se préparait à prendre son repas du soir. Les trois jeunes gens débordaient de joie d'accueillir Jésus, qui demeura pour la nuit dans la maison de Simon. Il les vit très peu pendant la soirée, passant la plus grande partie de son temps en méditations solitaires dans le jardin.

125:4.2 Le lendemain, Jésus se leva de bonne heure pour se rendre au temple. Sur le versant d'Olivet, il s'arrêta et pleura sur le spectacle que ses yeux contemplaient - un peuple appauvri spirituellement, prisonnier de ses traditions et vivant sous la surveillance des légions romaines. Tôt dans la matinée, il était dans le temple avec l'idée bien arrêtée de prendre part aux discussions. Pendant ce temps, Joseph et Marie s'étaient, eux aussi, levés à l'aube avec l'intention de revenir sur leurs pas à Jérusalem. D'abord ils se rendirent en hâte à la maison de leurs parents, chez lesquels ils avaient logé en famille pendant la semaine de la Pâque, mais l'enquête révéla que personne n'avait vu Jésus. Après l'avoir cherché toute la journée sans trouver sa trace, ils retournèrent pour la nuit chez leurs parents.

125:4.3 À la seconde conférence, Jésus s'était enhardi à poser des questions et participa aux discussions du temple d'une manière stupéfiante, mais toujours compatible avec sa jeunesse. Parfois ses questions incisives embarrassaient quelque peu les docteurs érudits de la loi juive, mais il témoignait d'un tel esprit de candide honnêteté, doublé d'une soif si évidente d'apprendre que la majorité des docteurs du temple était disposée à le traiter avec considération. Mais, quand il se permit de mettre en doute qu'il fut juste de mettre à mort un Gentil ivre, égaré hors de la cour des Gentils et entré inconsciemment dans les enceintes interdites et réputées sacrées du temple, un des docteurs les plus intolérants s'impatienta de ses critiques implicites, le toisa du regard et lui demanda son âge. Jésus répondit : « Il me manque un peu plus de quatre mois pour avoir treize ans. » « Alors » , répliqua le docteur maintenant courroucé, « pourquoi es-tu ici puisque tu n'es pas en âge d'être un fils de la loi ? » Quand Jésus eut expliqué qu'il avait été consacré pendant la Pâque et qu'il était un étudiant de Nazareth ayant terminé ses classes, les docteurs répondirent unanimement d'un air moqueur : « Nous aurions dû le savoir ; il est de Nazareth. » Mais le docteur qui présidait affirma que Jésus n'était pas à blâmer si les dirigeants de la synagogue de Nazareth l'avaient techniquement reçu à douze ans au lieu de treize ; bien que plusieurs de ses détracteurs s'en fussent allés, on décida que le garçon pouvait tranquillement prendre part comme élève aux discussions du temple.

125:4.4 Lorsque cette deuxième journée au temple fut terminée, Jésus retourna encore une fois à Béthanie pour la nuit. De nouveau, il sortit dans le jardin pour méditer et prier. Il était évident que son mental était absorbée à considérer de graves problèmes.

125.5  Le Troisième Jour dans le Temple

125:5.1 Au cours du troisième jour de Jésus au temple avec les scribes et les docteurs, de nombreux spectateurs, ayant entendu parler de ce jeune homme de Galilée, affluèrent pour jouir du spectacle d'un jeune garçon confondant les sages docteurs de la loi. Simon aussi vint de Béthanie pour se rendre compte de ce que le garçon allait faire. Pendant toute cette journée, Joseph et Marie continuèrent à chercher anxieusement Jésus ; ils étaient même allés plusieurs fois au temple, mais n'avaient jamais pensé à scruter les divers groupes engagés dans des discussions. Ils passèrent pourtant une fois presque à portée de la voix fascinante de leur fils.

125:5.2 Avant la fin du jour, toute l'attention du principal groupe des débats du temple s'était concentrée sur les interrogations de Jésus. Voici quelques-unes de ses nombreuses questions :

125:5.3 1. Qu'y a-t-il réellement dans le Saint des Saints derrière le voile ?

125:5.4 2. Pourquoi, en Israël, les mères doivent-elles être séparées des fidèles masculins au temple ?

125:5.5 3. Si Dieu est un père qui aime ses enfants, pourquoi tous ces massacres d'animaux pour gagner la faveur divine - l'enseignement de Moïse a-t-il été mal compris ?

125:5.6 4. Puisque le temple est consacré à l'adoration du Père céleste, est-il logique d'y tolérer la présence de ceux qui exercent un métier profane de troc ou de commerce ?

125:5.7 5. Le Messie attendu sera-t-il un prince temporel siégeant sur le trône de David, ou agira-t-il comme la lumière de vie dans l'établissement d'un royaume spirituel ?

125:5.8 Tout le long du jour, les auditeurs s'émerveillèrent de ces questions, et nul ne fut plus étonné que Simon. Pendant plus de quatre heures, l'adolescent de Nazareth assaillit les docteurs juifs de questions qui donnaient à réfléchir et sondaient les coeurs. Il fit peu de commentaires sur les remarques de ses ainés. Il transmettait son enseignement par les questions qu'il posait. Par leur tournure adroite et subtile, il arrivait simultanément à défier leur enseignement et à suggérer le sien propre. Dans sa manière de poser une question, il conjuguait la sagacité et l'humour avec un charme qui le faisait aimer même par ceux qui s'offusquaient plus ou moins de son âge. Il était toujours éminemment loyal et plein d'égards en posant ses questions pénétrantes. Au cours de cet après-midi mouvementé au temple, il manifesta sa répugnance caractéristique, confirmée par tout son ministère public ultérieur, à tirer d'un adversaire un avantage déloyal. Comme adolescent, et plus tard comme homme, il paraissait complètement délivré de tout désir égoïste de gagner une discussion simplement pour le plaisir de triompher de ses compagnons par la logique. Une seule chose l'intéressait suprêmement : proclamer la vérité éternelle et effectuer ainsi une révélation plus complète du Dieu éternel.

125:5.9 La journée finie, Simon et Jésus retournèrent à Béthanie. Durant la plus grande partie du trajet, l'homme et l'enfant gardèrent le silence. De nouveau, Jésus s'arrêta sur le versant d'Olivet, mais, en regardant la ville et son temple, il ne pleura pas ; il inclina seulement la tête en dévotion silencieuse.

125:5.10 Après le repas du soir à Béthanie, il refusa encore une fois de se joindre à la joyeuse compagnie ; au lieu de cela, il alla au jardin où il s'attarda jusqu'à une heure avancée de la nuit. Il tenta vainement d'élaborer un plan précis pour aborder le problème de l'oeuvre de sa vie, et pour choisir la meilleure manière de révéler, à ses compatriotes spirituellement aveugles, un plus beau concept du Père céleste, les libérant ainsi de leur terrible esclavage à la loi, au rituel, au cérémonial et à la tradition surannée. Mais la claire lumière n'apparut pas à ce garçon en quête de vérité.

125.6  Le Quatrième Jour dans le Temple

125:6.1 Jésus était étrangement oublieux de ses parents terrestres ; même au petit déjeuner, quand la mère de Lazare fit remarquer que ses parents devaient être maintenant près de chez eux, Jésus ne sembla pas se rendre compte qu'ils devaient quelque peu s'inquiéter de ce qu'il fût resté à la traine.

125:6.2 De nouveau, il se rendit au temple, mais ne s'arrêta pas sur le versant d'Olivet pour méditer. Au cours des discussions du matin, une grande partie du temps fut consacrée à la loi et aux prophètes, et les docteurs furent étonnés de constater que Jésus connaissait si bien les Écritures, tant en hébreu qu'en grec. Mais sa jeunesse les étonnait plus que sa connaissance de la vérité.

125:6.3 À la conférence de l'après-midi, ils avaient à peine commencé à répondre à ses questions concernant le but de la prière, quand le président pria le garçon de s'avancer, de s'assoir près de lui et de faire connaître son propre point de vue concernant la prière et l'adoration.

125:6.4 La veille au soir, les parents de Jésus avaient entendu parler de l'étrange adolescent qui argumentait si habilement avec les commentateurs de la loi, mais il ne leur était pas venu à l'idée que ce garçon pouvait être leur fils. Ils avaient à peu près décidé de repartir pour aller chez Zacharie en supposant que Jésus pouvait y être allé pour voir Élisabeth et Jean. Pensant que Zacharie était peut-être au temple, ils s'arrêtèrent là sur le chemin de la Ville de Juda. Comme ils erraient à travers les cours du temple, imaginez leur surprise et leur stupéfaction quand ils reconnurent la voix du garçon disparu et l'aperçurent assis parmi les docteurs du temple.

125:6.5 Joseph était sans voix, mais Marie donna libre cours à sa peur et à son anxiété longtemps refoulées ; elle s'élança vers le garçon, qui s'était levé pour saluer ses parents, et dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu traités comme cela ? Il y a maintenant plus de trois jours que ton père et moi t'avons cherché désespérément. Qu'est-ce qui t'a pris de nous abandonner ? » Ce fut un moment angoissant. Tous les yeux étaient tournés vers Jésus pour voir ce qu'il allait répondre. Son père le regarda d'un air réprobateur, mais ne dit rien.

125:6.6 N'oubliez pas que Jésus était censé être un jeune homme. Il avait terminé sa scolarité régulière d'enfant, avait été reconnu comme fils de la loi et avait reçu la consécration comme citoyen d'Israël. Cependant, sa mère le reprenait vertement devant la foule assemblée, juste au moment de l'effort le plus sérieux et le plus sublime de sa jeune vie. Elle mettait ainsi peu glorieusement fin à l'une des plus grandes occasions qui lui fût jamais donnée d'enseigner la vérité, de prêcher la droiture et de révéler le caractère aimant de son Père céleste.

125:6.7 Le garçon se montra à la hauteur des circonstances. Si l'on prend équitablement en considération tous les facteurs qui se conjuguèrent pour provoquer cette situation, on pourra mieux sonder la sagesse de la réponse qu'il fit à la réprimande involontaire de sa mère. Après un moment de réflexion, Jésus lui dit : « Pourquoi m'avez-vous cherché si longtemps ? Ne vous attendiez-vous pas à me trouver dans la maison de mon Père, puisque l'heure est venue pour moi de m'occuper des affaires de mon Père ? »

125:6.8 Tous les assistants furent étonnés de la façon de parler du garçon. Ils se retirèrent silencieusement et le laissèrent seul avec ses parents. Tout de suite, le jeune homme soulagea leur embarras à tous trois en disant tranquillement : « Venez mes parents, chacun a fait ce qu'il croyait être le mieux. Notre Père céleste a ordonné ces choses, rentrons à la maison. »

125:6.9 Ils partirent en silence et arrivèrent à Jéricho pour la nuit. Ils s'arrêtèrent une fois seulement, sur le versant d'Olivet, quand le garçon leva son bâton en l'air et, frémissant des pieds à la tête sous le choc d'une émotion intense, dit : « O Jérusalem, Jérusalem et ses habitants, quels esclaves vous êtes - subordonnés au joug des Romains et victimes de vos propres traditions - mais je reviendrai purifier le temple et délivrer le peuple de cette servitude ! »

125:6.10 Pendant les trois journées de voyage vers Nazareth, Jésus ne dit presque rien ; ses parents non plus ne parlèrent pas beaucoup en sa présence. Ils étaient vraiment désorientés par la conduite de leur fils premier-né, mais ils conservaient précieusement ses paroles dans leur coeur, même sans pouvoir pleinement en comprendre la signification.

125:6.11 En arrivant à la maison, Jésus fit une brève déclaration à ses parents, les assurant de son affection et leur laissant entendre qu'ils n'auraient plus jamais à craindre que sa conduite ne leur donnât des occasions d'anxiété. Il conclut cette déclaration capitale en disant : « Bien que je doive faire la volonté de mon Père céleste, j'obéirai aussi à mon père terrestre. J'attendrai mon heure. »

125:6.12 Mentalement, Jésus refusait souvent d'admettre les efforts bien intentionnés, mais malencontreux, de ses parents pour lui dicter le cours de ses réflexions ou pour établir le plan de son travail sur terre. Toutefois et de toutes les manières compatibles avec sa consécration à la volonté de son Père du Paradis, il se conformait de la meilleure grâce aux désirs de son père terrestre et aux habitudes de sa famille charnelle. Même quand il ne pouvait les admettre, il faisait tout son possible pour s'y conformer. C'était un artiste dans la façon de concilier sa consécration au devoir avec ses obligations de loyauté envers sa famille et ses activités sociales.

125:6.13 Joseph était perplexe, mais Marie, en réfléchissant à ces expériences, reprit courage en finissant par considérer les propos de Jésus à Olivet comme prophétiques de la mission messianique de son fils en tant que libérateur d'Israël. Elle se mit à l'oeuvre avec une énergie nouvelle pour orienter les pensées de Jésus dans des moules patriotiques et nationalistes, et recourut à l'aide de son frère, l'oncle préféré de Jésus. De toutes les manières possibles, la mère de Jésus s'adonna à la tâche de préparer son fils ainé à assumer le commandement de ceux qui voulaient restaurer le trône de David et rejeter définitivement l'esclavage politique du joug des Gentils.

126. Les Deux Années Cruciales

126:0.1 DE TOUTES les expériences de la vie terrestre de Jésus, sa quatorzième et sa quinzième années furent les plus cruciales. Les deux années comprises entre le moment où il commença à prendre conscience de sa divinité et de son destin, et celui où il réussit à communiquer, dans une large mesure, avec son Ajusteur intérieur furent les plus éprouvantes de sa vie mouvementée sur Urantia. C'est cette période de deux ans que l'on devrait appeler la grande épreuve, la vraie tentation. Aucun jeune humain, passant par les premiers désordres et la mise au point des problèmes de l'adolescence, ne fut jamais soumis à une épreuve plus cruciale que celle traversée par Jésus durant son passage de l'enfance à l'adolescence.

126:0.2 Cette importante période de développement dans la jeunesse de Jésus commença avec la fin de la visite à Jérusalem et le retour à Nazareth. Marie fut d'abord heureuse à la pensée qu'elle avait retrouvé son garçon, que Jésus était rentré au foyer pour être un fils soumis - bien qu'il n'eût jamais été autre chose - et qu'il serait désormais plus docile aux plans qu'elle formait pour son avenir. Mais elle n'allait pas se chauffer longtemps au soleil des illusions maternelles et de l'inconscient orgueil de famille ; elle allait bientôt perdre plus complètement ses illusions. De plus en plus, le garçon vivait en compagnie de son père ; il consultait de moins en moins sa mère sur ses problèmes. En même temps, l'incompréhension de ses parents concernant ses fréquentes alternances entre les affaires de ce monde et les méditations sur ses propres rapports avec les affaires de son Père allait croissant. Franchement, ils ne le comprenaient pas, mais ils l'aimaient sincèrement.

126:0.3 À mesure que Jésus grandissait, sa pitié et son amour pour le peuple juif s'approfondirent, mais, les années passant, un juste ressentiment se développa dans sa pensée contre la présence, dans le temple de son Père, de prêtres choisis pour des raisons politiques. Jésus avait un grand respect pour les pharisiens sincères et les scribes honnêtes, mais il tenait en piètre estime les pharisiens hypocrites et les théologiens déloyaux ; il considérait avec dédain tous les chefs religieux peu sincères. Quand il examinait minutieusement la conduite des dirigeants d'Israël, il était parfois tenté de regarder d'un oeil favorable la possibilité de devenir le Messie attendu par les Juifs, mais il ne céda jamais à cette tentation.

126:0.4 Le récit de ses exploits parmi les sages du temple de Jérusalem était flatteur pour tout Nazareth et spécialement pour ses anciens maitres de l'école de la synagogue. Pendant quelque temps, l'éloge de Jésus fut sur toutes les lèvres. Tout le bourg racontait la sagesse de son enfance et sa conduite méritoire, et prédisait qu'il était destiné à devenir un grand chef dans Israël. Enfin, un vraiment grand éducateur allait sortir de Nazareth en Galilée. Tous se réjouissaient à l'avance du moment où il aurait atteint ses quinze ans, afin qu'il lui fût dument permis de lire les Écritures à la synagogue le jour du sabbat.

126.1  Sa Quatorzième Année (An 8)

126:1.1 L'an 8 est l'année de calendrier de son quatorzième anniversaire. Jésus avait appris à fabriquer de bons jougs et travaillait bien la toile et le cuir. Il devenait rapidement aussi un charpentier et un ébéniste habile. Cet été-là, il monta fréquemment au sommet de la hauteur située au nord-ouest de Nazareth, pour prier et pour méditer. Il devenait graduellement plus conscient de la nature de son effusion sur terre.

126:1.2 Un peu plus de cent ans auparavant, cette colline avait été le « haut lieu de Baal » et maintenant c'était l'emplacement du tombeau de Siméon, un saint homme réputé en Israël. Du faite de la colline de Siméon, Jésus pouvait d'un coup d'oeil embrasser Nazareth et le pays environnant. En regardant Méguiddo, il se remémorait l'histoire de l'armée égyptienne remportant sa première grande victoire en Asie, et comment plus tard une armée semblable avait vaincu Josias, roi de Judée. Non loin de là, il pouvait voir Taanak, où Déborah et Barac battirent Sisara. À l'horizon, il pouvait apercevoir les collines de Dothan où, lui avait-on appris, Joseph avait été vendu par ses frères comme esclave, en Égypte. Tournant ensuite ses regards vers Ébal et Garizim, il se rappelait les traditions d'Abraham, de Jacob et d'Abimélech. Ainsi il se remémorait et retournait dans son mental les évènements historiques et traditionnels du peuple de son père Joseph.

126:1.3 Il poursuivit ses cours supérieurs de lecture avec ceux qui enseignaient à la synagogue et continua aussi l'éducation familiale de ses frères et soeurs à mesure qu'ils atteignaient l'âge approprié.

126:1.4 Au début de cet an 8, Joseph s'arrangea pour mettre de côté le revenu de ses propriétés de Nazareth et de Capharnaüm, afin de payer le long cycle d'études de son fils à Jérusalem ; on prévoyait que Jésus devait aller à Jérusalem en août de l'année qui suivait, quand il atteindrait ses quinze ans.

126:1.5 Au commencement de l'année, Joseph et Marie eurent fréquemment des doutes sur la destinée de leur fils ainé. En effet, il était un enfant brillant et aimable, mais bien difficile à comprendre et à sonder ; d'autre part, rien d'extraordinaire ou de miraculeux n'était jamais arrivé. Sa fière maman était restée des dizaines de fois dans une expectative haletante en s'attendant à voir son fils accomplir quelque exploit surhumain ou miraculeux, mais ses espoirs se brisaient toujours dans une cruelle déception. Tout ceci était décourageant et même démoralisant. Les personnes pieuses de ce temps-là croyaient vraiment que les prophètes et les hommes de la promesse démontraient toujours leur vocation et établissaient leur autorité divine en accomplissant des miracles et en faisant des prodiges. Mais Jésus ne faisait rien de tout cela ; c'est pourquoi le trouble de ses parents augmentait sans cesse quand ils envisageaient son avenir.

126:1.6 L'amélioration de la situation économique de la famille de Nazareth se faisait sentir à la maison de bien des manières, spécialement par le nombre croissant de tablettes blanches polies qui étaient employées comme ardoises pour écrire ; on écrivait alors avec du fusain. Jésus fut également autorisé à reprendre des leçons de musique ; il adorait jouer de la harpe.

126:1.7 Durant toute cette année, on peut vraiment dire que Jésus « grandit dans la faveur des hommes et de Dieu » . Les perspectives de la famille semblaient bonnes et l'avenir se présentait brillamment.

126.2  La Mort de Joseph

126:2.1 Tout alla bien jusqu'au jour fatal du mardi 25 septembre, où un messager de Sepphoris apporta, au foyer de Nazareth, la tragique nouvelle que Joseph avait été grièvement blessé par la chute d'un mât de charge pendant qu'il travaillait à la résidence du gouverneur. Le messager de Sepphoris s'était arrêté à l'atelier avant d'aller au domicile de Joseph. Il informa Jésus de l'accident survenu à son père, et les deux se rendirent ensemble à la maison pour faire part à Marie de la triste nouvelle. Jésus désirait aller immédiatement rejoindre son père, mais Marie ne voulait rien entendre d'autre que de se rendre en hâte auprès de son époux. Elle décida que Jacques, alors âgé de dix ans, l'accompagnerait à Sepphoris, tandis que Jésus resterait à la maison avec les plus jeunes enfants jusqu'à son retour, car elle ne connaissait pas la gravité de la blessure de Joseph. Mais Joseph était mort de ses blessures avant l'arrivée de Marie. On le ramena à Nazareth, et le lendemain il fut couché au tombeau pour reposer avec ses ancêtres.

126:2.2 Juste au moment où les perspectives étaient bonnes et où l'avenir paraissait prometteur, une main apparemment cruelle abattit le chef de famille de Nazareth. Les affaires de la maison furent interrompues et tous les plans pour la future éducation de Jésus furent démolis. Le jeune charpentier, qui venait tout juste d'avoir quatorze ans, prit conscience qu'il avait non seulement à révéler la nature divine, sur terre et dans la chair selon la mission reçue de son Père céleste, mais encore il fallait que sa jeune nature humaine endossât la responsabilité de prendre soin de sa mère veuve et de ses sept frères et soeurs - sans compter un autre enfant attendu. L'adolescent de Nazareth devenait maintenant le seul soutien et réconfort de cette famille si subitement affligée. Ainsi fut permise sur Urantia la succession naturelle d'évènements qui forcèrent ce jeune homme de le destinée à assumer de si bonne heure des responsabilités fort lourdes, mais hautement pédagogiques et disciplinaires. Il devenait chef d'une famille humaine ; il devenait le père de ses propres frères et soeurs ; il aurait à soutenir et à protéger sa mère comme gardien du foyer paternel, le seul qu'il dût connaître pendant son séjour sur ce monde.

126:2.3 Jésus accepta de bon coeur les responsabilités qui s'abattaient si soudainement sur lui, et les assuma fidèlement jusqu'au bout. Tout au moins, un grand problème et une difficulté escomptée dans sa vie avaient été tragiquement résolus - on ne s'attendait plus à ce qu'il aille à Jérusalem étudier avec les rabbins. Il resta perpétuellement vrai que Jésus « n'était le disciple de personne » . Il était toujours prêt à apprendre, même du plus humble petit enfant, mais jamais il ne puisa dans des sources humaines son autorité pour enseigner la vérité.

126:2.4 Cependant, il ne savait rien encore de l'apparition de Gabriel à sa mère avant sa naissance ; il l'apprit seulement par Jean le jour de son baptême, au commencement de son ministère public.

126:2.5 Avec le temps, le jeune charpentier de Nazareth mesura de mieux en mieux chaque institution de la société et chaque coutume de la religion par un critère invariable. Que fait-elle pour l'âme humaine ? Rapproche-t-elle Dieu de l'homme ? Mène-t-elle l'homme à Dieu ? Tout en ne négligeant pas complètement les aspects récréatifs et sociaux de la vie, l'adolescent consacra de plus en plus son temps et ses forces à deux buts seulement : prendre soin de sa famille et se préparer à accomplir sur terre la volonté de son Père céleste.

126:2.6 Cette année-là, les voisins prirent l'habitude d'entrer à l'improviste durant les soirées d'hiver pour entendre Jésus jouer de la harpe, écouter ses histoires (car le garçon était un excellent conteur) et l'entendre lire des citations des Écritures grecques.

126:2.7 La famille pouvait assez bien soutenir son train de maison parce qu'elle disposait d'une bonne somme d'argent liquide au moment de la mort de Joseph. Jésus ne tarda pas à montrer qu'il avait, dans les affaires, un jugement pénétrant et de la sagacité financière. Il avait l'esprit large, mais des gouts simples ; il était économe, mais généreux. Il se révéla un administrateur sage et efficace des biens de son père.

126:2.8 Malgré tout ce que Jésus et les voisins de Nazareth pouvaient faire pour apporter de la bonne humeur au foyer, Marie et même les enfants restaient pleins de tristesse. Joseph était parti. Il avait été un mari et un père exceptionnels et il manquait à tous. Et il leur semblait d'autant plus tragique de penser qu'il était mort avant qu'ils aient pu lui parler ou recevoir sa bénédiction.

126.3  La Quinzième Année (An 9)

126:3.1 Au milieu de sa quinzième année - et nous comptons le temps d'après le calendrier du vingtième siècle, et non d'après l'année juive - Jésus avait fermement pris en main le gouvernement de sa famille. Avant la fin de cette année, leurs économies avaient à peu près fondu, et ils se trouvèrent dans l'obligation de vendre l'une des maisons de Nazareth que Joseph possédait en commun avec Jacob son voisin.

126:3.2 Ruth, la dernière née de la famille, vint au monde le mercredi soir 17 avril de l'an 9. Dans la mesure de ses moyens, Jésus essaya de prendre la place de son père en réconfortant et en soignant sa mère durant cette épreuve difficile et particulièrement triste. Pendant près de vingt ans (jusqu'au commencement de sa vie publique), aucun père n'aurait pu aimer et élever sa fille avec plus d'affection et de fidélité que Jésus s'occupant de la petite Ruth. Il fut un tout aussi bon père pour les autres membres de la famille.

126:3.3 Durant cette année, Jésus formula, pour la première fois, la prière qu'il enseigna par la suite à ses apôtres et qui s'est répandue sous le nom du « Notre Père » . En un sens, ce fut une évolution du culte au foyer. Les Juifs avaient de nombreuses formules d'actions de grâces et plusieurs prières classiques. Après la mort de son père, Jésus essaya d'enseigner aux ainés des enfants à s'exprimer individuellement dans des prières - comme lui même se plaisait tant à le faire - mais ils ne pouvaient saisir sa pensée et revenaient invariablement à leurs formes de prières apprises par coeur. Ce fut dans cette tentative pour inciter les ainés de ses frères et soeurs à dire des prières individuelles que Jésus s'efforça de les guider par des phrases suggestives ; bientôt, sans intention de sa part, ils employèrent tous une forme de prière largement basée sur les idées directrices que Jésus leur avait enseignées.

126:3.4 À la fin, Jésus abandonna l'idée que chaque membre de la famille formulât des prières spontanées. Un soir d'octobre, il s'assit près de la petite lampe trapue, devant la table basse en pierre ; puis, sur une planchette de cèdre poli d'environ quarante-cinq centimètres de côté, il écrivit, avec un morceau de fusain, la prière qui devint dorénavant la supplique modèle de la famille.

126:3.5 Cette année-là, Jésus fut très troublé par des réflexions confuses. Ses responsabilités familiales avaient fort efficacement écarté toute idée de mettre à exécution un plan conforme à la visitation de Jérusalem qui l'invitait à « s'occuper des affaires de son Père » . Jésus conclut, à juste titre, que le soin de veiller sur la famille de son père terrestre devait prendre le pas sur tout autre devoir, et que le soutien de sa famille devait être sa première obligation.

126:3.6 Au cours de cette année, Jésus trouva, dans le livre dit d'Énoch, un passage qui l'incita plus tard à adopter l'expression « Fils de l'Homme » pour se désigner durant sa mission d'effusion sur Urantia. Il avait soigneusement étudié l'idée du Messie juif et acquis la ferme conviction qu'il n'était pas destiné à être ce Messie. Il désirait ardemment aider le peuple de son père, mais il ne compta jamais se mettre à la tête des armées juives pour libérer la Palestine de la domination étrangère. Il savait qu'il ne siègerait jamais sur le trône de David à Jérusalem. Il ne croyait pas non plus que son rôle dût être celui d'un libérateur spirituel ou d'un éducateur moral uniquement auprès du peuple juif. En aucun cas la mission de sa vie ne pouvait donc être l'accomplissement des désirs ardents et des prophéties supposées messianiques des Écritures hébraïques, au moins pas à la manière dont les Juifs comprenaient ces prédictions des prophètes. De même, Jésus était certain de ne pas devoir apparaître comme le Fils de l'Homme décrit par le prophète Daniel.

126:3.7 Mais, quand le temps viendrait d'aller de l'avant en tant qu'éducateur du monde, quel nom prendrait-il ? Comment justifierait-il sa mission ? De quel nom serait-il appelé par les gens qui se mettraient à croire à son enseignement ?

126:3.8 Tandis qu'il retournait tous ces problèmes dans sa tête, il trouva dans la bibliothèque de la synagogue de Nazareth, parmi les livres apocalyptiques qu'il étudiait, le manuscrit appelé « Le Livre d'Énoch » . Malgré sa conviction qu'il ne s'agissait pas de l'Énoch de jadis, le livre l'intrigua beaucoup ; il le lut et le relut plusieurs fois. Un passage l'impressionna particulièrement, celui où apparaissait l'expression « Fils de l'Homme » . L'auteur de ce prétendu Livre d'Énoch continuait à parler du Fils de l'Homme, décrivant les travaux qu'il devait accomplir sur terre. Il expliquait qu'avant de venir sur ce monde pour apporter le salut à l'humanité, ce Fils de l'Homme avait traversé les parvis de gloire céleste avec son Père, le Père de tous ; qu'il avait renoncé à toute sa grandeur et à toute sa majesté pour descendre sur terre et y proclamer le salut aux pauvres mortels. À mesure que Jésus lisait ces passages (en comprenant bien qu'une grande partie du mysticisme oriental mêlé par la suite à ces enseignements était faux), il ressentait dans son coeur et reconnaissait dans son mental que, parmi toutes les prédictions messianiques des Écritures hébraïques et toutes les théories concernant le libérateur des Juifs, aucune n'était aussi proche de la vérité que cette histoire, bien que le livre d'Énoch, où elle était reléguée, ne fût que partiellement orthodoxe. Séance tenante, il décida d'adopter pour titre inaugural « Le Fils de l'Homme » . C'est ce qu'il fit par la suite quand il commença son enseignement public. Jésus avait une aptitude infaillible à reconnaître la vérité et n'hésitait jamais à l'admettre, quelle que fût la source dont elle paraissait émaner.

126:3.9 À cette époque, il avait complètement réglé beaucoup de choses concernant son futur travail dans le monde, mais il n'entretenait jamais sa mère de ces questions, elle qui s'accrochait toujours à son idée qu'il était le Messie juif.

126:3.10 Jésus passa alors par la grande confusion de pensée de l'époque de sa jeunesse. Après avoir fixé quelque peu la nature de sa mission sur terre consistant à « s'occuper des affaires de son Père » - à démontrer la nature aimante de son Père envers toute l'humanité - il recommença à réfléchir aux nombreuses citations des Écritures se référant à la venue d'un libérateur national, d'un éducateur ou d'un roi juif. À quel évènement ces prophéties se rapportaient-elles ? Était-il un Juif ou non ? Appartenait-il ou non à la maison de David ? Sa mère affirmait que oui ; son père avait jugé qu'il n'en était pas. Il décida qu'il n'en était pas. Mais les prophètes n'avaient-ils pas embrouillé la nature et la mission du Messie ?

126:3.11 Après tout, était-il possible que sa mère eût raison ? Dans la plupart des cas, quand des différences d'opinion avaient surgi dans le passé, c'était elle qui avait eu raison. S'il était un nouvel éducateur et non le Messie, comment pourrait-il reconnaître le Messie juif si celui-ci apparaissait à Jérusalem durant le temps de sa mission terrestre, et quelles devraient alors être ses relations avec le Messie juif ? Après qu'il se serait engagé dans la mission de sa vie, quels seraient ses rapports avec sa famille, avec la religion et l'État juifs, avec l'Empire romain, avec les Gentils et leurs religions ? Le jeune Galiléen retournait dans sa pensée chacun de ces grands problèmes et y réfléchissait sérieusement tout en continuant à travailler à l'établi du charpentier, gagnant laborieusement sa propre vie, celle de sa mère et celle de huit autres bouches affamées.

126:3.12 Avant la fin de l'année, Marie vit que les fonds de la famille diminuaient. Elle confia la vente des pigeons à Jacques. Bientôt ils achetèrent une seconde vache et, avec l'aide de Miriam, commencèrent à vendre du lait à leurs voisins de Nazareth.

126:3.13 Les profondes périodes de méditations de Jésus, ses fréquents déplacements pour prier au sommet de la colline et toutes les idées étranges qu'il énonçait de temps en temps alarmaient profondément sa mère. Elle pensait parfois que le garçon n'avait plus tout son bon sens ; puis elle dominait sa frayeur en se rappelant qu'il était après tout un enfant de la promesse, quelque peu différent des autres jeunes gens.

126:3.14 Mais Jésus apprenait à ne pas exprimer toutes ses pensées, à ne pas exposer au monde toutes ses idées, même pas à sa propre mère. À partir de cette année, Jésus restreignit constamment les divulgations de ce qui se passait dans son mental, c'est-à-dire qu'il parla moins des choses qu'un auditeur moyen ne pouvait saisir, et qui risquaient de le faire considérer comme bizarre ou différent des gens du commun. Selon toutes les apparences, il devint banal et conventionnel, bien qu'il languît après quelqu'un qui pourrait comprendre ses préoccupations. Il désirait ardemment avoir un ami fidèle et digne de confiance, mais ses problèmes étaient trop complexes pour être compris par ses compagnons humains. La singularité de cette situation exceptionnelle le forçait à porter seul son fardeau.

126.4  Premier Sermon dans la Synagogue

126:4.1 À partir de son quinzième anniversaire, Jésus pouvait officiellement occuper la chaire de la synagogue le jour du sabbat. Maintes fois auparavant, en l'absence d'orateurs, on avait demandé à Jésus de lire les Écritures, mais maintenant le jour était venu où la loi lui permettait de conduire le service. C'est pourquoi, au premier sabbat après l'anniversaire de ses quinze ans, le chazan s'arrangea pour que Jésus dirigeât le service matinal de la synagogue. Lorsque tous les fidèles de Nazareth furent assemblés, le jeune homme, ayant choisi ses textes dans les Écritures, se leva et commença à lire :

126:4.2 « L'esprit du Seigneur Dieu est sur moi, car le Seigneur m'a oint, il m'a envoyé pour porter de bonnes nouvelles aux débonnaires pour panser ceux qui ont le coeur brisé, pour annoncer aux captifs la délivrance et affranchir les prisonniers spirituels ; pour proclamer l'année de grâce et le jour de jugement de notre Dieu pour consoler tous les affligés et leur donner la beauté au lieu de la cendre, l'huile de joie au lieu du deuil et un chant de louanges au lieu d'un esprit abattu, afin qu'on les appelle arbres de droiture, plantés par le Seigneur et destinés à le glorifier.

126:4.3 « Recherchez le bien et non le mal, afin que vous viviez et qu'ainsi le Seigneur, le Dieu des Armées, soit avec vous. Haïssez le mal et aimez le bien ; établissez le jugement à la porte. Peut-être le Seigneur Dieu usera-t-il de grâce envers les restes de Joseph.

126:4.4 « Lavez-vous, purifiez-vous ; ôtez la méchanceté de vos actions de devant mes yeux, cessez de faire le mal et apprenez à faire le bien ; recherchez la justice, soulagez l'opprimé ; défendez celui qui n'a plus de père et plaidez la cause de la veuve.

126:4.5 « Avec quoi me présenterai-je devant le Seigneur pour m'incliner devant le Dieu de toute la terre ? Devrai-je venir devant lui avec des holocaustes, avec des veaux d'un an ? Le Seigneur prendra-t-il plaisir à des milliers de béliers, à des dizaines de milliers de moutons ou à des fleuves d'huile ? Donnerai-je mon premier-né pour ma transgression, le fruit de mon corps pour le péché de mon âme ? Non, car le Seigneur nous a montré, ô hommes, ce qui est bon. Qu'est-ce que le Seigneur vous réclame sinon d'être justes, d'aimer la miséricorde et de marcher humblement avec votre Dieu ?

126:4.6 « À qui donc alors comparerez-vous Dieu qui domine l'orbite de la terre ? Levez les yeux et voyez qui a créé tous ces mondes, qui produit leurs légions par nombre et les appelle tous par leur nom. Il fait toutes ces choses grâce à la grandeur de sa puissance ; à cause de la force de son pouvoir, nul ne fait défaut. Il donne de la vigueur aux faibles et accroit la force de ceux qui sont fatigués. N'ayez pas peur, car je suis avec vous ; ne craignez rien, car je suis votre Dieu. Je vous fortifierai et je vous aiderai ; oui, je vous soutiendrai avec la main droite de ma justice, car je suis le Seigneur votre Dieu. Et je tiendrai votre main droite en vous disant : ne craignez rien, car je vous aiderai.

126:4.7 « Tu es mon Témoin, dit le Seigneur, et mon serviteur que j'ai choisi afin que tous puissent me connaître et me croire et comprendre que je suis l'Éternel. Moi, oui moi, je suis le Seigneur, et hors de moi il n'y a point de Sauveur. »

126:4.8 Lorsqu'il eut terminé cette lecture, il s'assit, et les fidèles rentrèrent chez eux, méditant les paroles qu'il leur avait lues avec tant de grâce. Jamais ses concitoyens ne l'avaient vu si magnifiquement solennel ; jamais ils ne l'avaient entendu parler d'une voix aussi sérieuse et sincère ; jamais ils ne l'avaient vu si viril, si décidé et si plein d'autorité.

126:4.9 Cet après-midi de sabbat, Jésus gravit avec Jacques la colline de Nazareth et, quand ils furent de retour à la maison, il écrivit les Dix Commandements en grec, au fusain, sur deux panneaux de bois poli. Plus tard, Marthe coloria et décora ces tableaux, et pendant longtemps ils furent suspendu au mur au-dessus du petit établi de Jacques.

126.5  La Lutte Financière

126:5.1 Peu à peu, Jésus et sa famille retournèrent à la vie rustique de leurs premières années. Leurs vêtements et même leur nourriture se simplifièrent. Ils avaient en abondance du lait, du beurre et du fromage. Suivant la saison, ils profitaient des produits de leur jardin, mais chaque mois qui s'écoulait les obligeait à pratiquer une plus grande frugalité. Leur déjeuner était très simple ; leur meilleure nourriture était réservée pour le repas du soir. Toutefois, parmi ces Juifs, le manque de fortune n'impliquait pas une infériorité sociale.

126:5.2 Déjà le jeune homme avait à peu près cerné les modes de vie des hommes de son temps. Ses enseignements ultérieurs montrent à quel point il comprenait bien la vie au foyer, aux champs et à l'atelier ; ils révèlent pleinement ses contacts intimes avec toutes les phases de l'expérience humaine.

126:5.3 Le chazan de Nazareth continuait à s'attacher à la croyance que Jésus était destiné à devenir un grand éducateur, probablement le successeur du célèbre Gamaliel à Jérusalem.

126:5.4 Tous les plans de Jésus pour sa carrière furent apparemment contrecarrés. À la façon dont les évènements se présentaient, l'avenir ne paraissait pas brillant. Pourtant Jésus ne vacilla pas et ne se découragea pas. Il continua à vivre au jour le jour, remplissant bien son devoir quotidien et s'acquittant fidèlement des responsabilités immédiates de sa position dans la société. La vie de Jésus est la consolation éternelle de tous les idéalistes déçus.

126:5.5 Le salaire d'un charpentier ordinaire travaillant à la journée diminuait lentement. À la fin de cette année, en travaillant tôt le matin et tard le soir, Jésus ne pouvait gagner que l'équivalent d'un quart de dollar par jour. L'année suivante, ils trouvèrent difficile de payer les impôts civils, sans parler des cotisations à la synagogue et de la taxe d'un demi sicle pour le temple. Au cours de cette année, le percepteur essaya d'extorquer à Jésus un revenu supplémentaire et menaça même de saisir sa harpe.

126:5.6 Craignant que l'exemplaire des Écritures grecques ne fût découvert et confisqué par les collecteurs d'impôts, Jésus le donna, le jour de son quinzième anniversaire, à la bibliothèque de la synagogue, comme offrande au Seigneur à l'occasion de sa maturité.

126:5.7 Le grand choc de sa quinzième année eut lieu quand Jésus alla à Sepphoris pour apprendre la décision d'Hérode au sujet de l'appel interjeté auprès du tétrarque dans la contestation sur le montant de la somme due à Joseph au moment de sa mort accidentelle. Jésus et Marie avaient espéré recevoir une grosse somme, mais le trésorier de Sepphoris leur avait offert un montant dérisoire. Les frères de Joseph avaient fait appel à Hérode lui-même, et maintenant Jésus était au palais et entendit Hérode décréter que l'on ne devait rien à son père au moment de sa mort. À cause de cette décision si injuste, Jésus n'eut jamais plus confiance en Hérode Antipas. Il n'est pas surprenant qu'il ait fait une fois allusion à « ce renard » .

126:5.8 Cette année-là et les années suivantes, le travail assidu à l'établi du charpentier priva Jésus des occasions de se mêler aux voyageurs des caravanes. Le magasin d'approvisionnement de la famille avait déjà été repris par son oncle, et Jésus travaillait tout le temps dans l'atelier de la maison où il était à proximité pour aider Marie dans la vie familiale. C'est à cette époque qu'il commença à envoyer Jacques au caravansérail pour recueillir des renseignements sur les évènements mondiaux ; il cherchait ainsi à se tenir au courant des nouvelles du jour.

126:5.9 Au cours de sa croissance vers l'âge adulte, il passa par les mêmes conflits et incertitudes que les jeunes gens de tous les temps. La rigoureuse expérience d'avoir à entretenir sa famille était une sûre sauvegarde contre la possibilité de disposer de trop de temps libre à consacrer à des méditations oisives ou pour s'adonner à des tendances mystiques.

126:5.10 Ce fut l'année où Jésus loua, juste au nord de leur maison, une grande pièce de terre et la divisa en potagers familiaux. Chacun des ainés avait un jardin individuel, et ils se firent une vive concurrence dans leurs efforts agricoles. Durant la saison de culture des légumes, leur frère ainé passa chaque jour quelque temps avec eux dans le jardin. Pendant que Jésus travaillait au jardin avec ses jeunes frères et soeurs, il caressa plusieurs fois l'idée qu'ils pourraient tous habiter une ferme à la campagne, où ils gouteraient l'indépendance d'une vie libre ; mais il se trouva qu'ils ne grandirent pas à la campagne, et Jésus, qui était un adolescent tout à fait pratique aussi bien qu'un idéaliste, attaqua intelligemment et énergiquement son problème tel qu'il se présentait. Il fit tout ce qui était en son pouvoir pour s'adapter avec sa famille, aux réalités de la situation, et pour ajuster leur condition à la plus grande satisfaction possible de leurs désirs individuels et collectifs.

126:5.11 À un moment donné, Jésus avait faiblement espéré, à condition de toucher la somme considérable due à son père pour les travaux exécutés au palais d'Hérode, qu'il serait capable de réunir les ressources suffisantes pour justifier la tentative d'achat d'une petite ferme. Il avait très sérieusement envisagé le plan d'installer sa famille à la campagne, mais, quand Hérode refusa de leur payer quoi que ce soit sur les sommes dues à Joseph, ils abandonnèrent l'espoir de posséder un foyer à la campagne. En fait, ils trouvèrent le moyen de bénéficier d'une bonne part de l'expérience de la vie à la ferme, ayant maintenant trois vaches, quatre moutons, une foule de poussins, un âne et un chien, sans compter les pigeons. Même les bambins avaient leurs tâches régulières à accomplir dans le plan d'organisation bien réglé qui caractérisait la vie familiale dans ce foyer de Nazareth.

126:5.12 À la fin de sa quinzième année, Jésus acheva de traverser une dangereuse et difficile période de l'existence humaine, cette époque de transition entre les années du contentement relatif de l'enfance et la conscience de la virilité approchante avec ses responsabilités croissantes et ses occasions d'acquérir une plus grande expérience dans le développement d'un noble caractère. La période de croissance mentale et physique avait pris fin, et maintenant commençait la vraie carrière de ce jeune homme de Nazareth.

127. Les Années d'Adolescence

127:0.1 AU SEUIL de son adolescence, Jésus se trouva être le chef et l'unique soutien d'une nombreuse famille. Peu d'années après la mort de son père, toutes leurs propriétés avaient été vendues. À mesure que le temps passait, il prit de plus en plus conscience de sa préexistence ; en même temps, il commença à comprendre plus pleinement qu'il s'était incarné sur terre expressément dans le but de révéler son Père du Paradis aux enfants des hommes.

127:0.2 Nul adolescent, qui a vécu ou qui vivra sur ce monde ou sur n'importe quel autre planète, n'a eu ou n'aura jamais à résoudre des problèmes plus graves ou à démêler des difficultés plus complexes. Nul jeune d'Urantia ne sera jamais appelé à traverser plus de conflits éprouvants ou de situations pénibles que Jésus durant la période ardue allant de sa quinzième à sa vingtième année.

127:0.3 Ayant ainsi connu l'expérience effective de vivre cette adolescence sur un monde assailli par le mal et tourmenté par le péché, le Fils de l'Homme acquit la connaissance expérientielle complète de la vie de la jeunesse dans tous les royaumes de Nébadon. Il devint ainsi, pour toujours, le refuge compréhensif des adolescents angoissés et perplexes de tous les âges et sur tous les mondes de l'univers local.

127:0.4 Lentement mais sûrement, et par expérience effective, le Fils divin gagne le droit de devenir le souverain de son univers, le chef suprême et incontesté de toutes les intelligences créées sur tous les mondes de l'univers local, le refuge compréhensif des êtres de tous âges, quels que soient leurs dons et le degré de leur expérience personnelle.

127.1  La Seizième Année (An 10)

127:1.1 Le Fils incarné passa par le stade de bébé et eut une enfance sans histoire. Il sortit ensuite de l'éprouvante et pénible période de transition entre l'enfance et la jeunesse - il devint le Jésus adolescent.

127:1.2 Il atteignit sa pleine stature physique cette année-là. Il était un jeune homme viril et avenant. Il devint de plus en plus posé et sérieux, mais restait aimable et compatissant. Ses yeux étaient bienveillants, mais scrutateurs ; son sourire était toujours engageant et rassurant. Sa voix était musicale, mais pleine d'autorité ; son accueil cordial, mais sans affectation. En toute occasion, même lors de contacts les plus ordinaires, il semblait que se manifestait de façon sensible une double nature : la nature humaine et la nature divine. Il montra toujours cette conjugaison de l'ami compatissant et du maitre ayant autorité. Ces traits de sa personnalité commencèrent à se manifester de bonne heure, même dans son adolescence.

127:1.3 Ce jeune homme physiquement fort et robuste acquit également la pleine mesure de son intellect humain, non la pleine expérience de la pensée humaine, mais la pleine aptitude à un tel développement intellectuel. Il avait un corps sain et bien proportionné, un mental vif et analytique, des dispositions bienveillantes et compatissantes, un tempérament quelque peu fluctuant, mais dynamique. Cet ensemble commençait à composer une personnalité forte, frappante et attirante.

127:1.4 Avec le temps, il devint de plus en plus difficile à sa mère et à ses frères et soeurs de le comprendre ; ses paroles étaient pour eux des pierres d'achoppement, et ils interprétaient mal ses agissements. Ils étaient tous inaptes à comprendre la vie de leur frère ainé, parce que leur mère leur avait donné à entendre qu'il était destiné à devenir le libérateur du peuple juif. Après avoir reçu ces indications de Marie comme des secrets de famille, imaginez leur désarroi quand Jésus démentait franchement toutes ces idées et ces intentions.

127:1.5 Simon entra à l'école cette année-là, et la famille fut obligée de vendre une autre maison. Jacques se chargea alors d'instruire ses trois soeurs, dont deux étaient assez âgées pour commencer à étudier sérieusement. Aussitôt que Ruth eut grandi, elle fut prise en main par Miriam et Marthe. Ordinairement les filles des familles juives recevaient peu d'instruction, mais Jésus maintenait (et sa mère était d'accord avec lui) que les filles devaient aller en classe comme les garçons ; puisque l'école de la synagogue ne voulait pas les prendre, il n'y avait pas d'autre solution que de faire, spécialement pour elles, des cours à la maison.

127:1.6 Durant toute cette année, Jésus ne quitta guère son établi. Heureusement, il avait beaucoup de travail et l'exécutait d'une manière tellement supérieure qu'il ne chômait jamais, même quand il y avait peu d'ouvrage dans le pays. À certains moments, Jésus avait tant à faire que Jacques l'aidait.

127:1.7 À la fin de cette année, il avait à peu près décidé qu'après avoir élevé les siens et les avoir vus mariés, il entreprendrait son ministère public en tant que maitre de la vérité et révélateur du Père céleste au monde. Il savait qu'il ne deviendrait pas le Messie juif attendu et en conclut qu'il était presque inutile de discuter ces sujets avec sa mère. Il se résigna à lui permettre de chérir toutes les idées qui lui plairaient, puisque tout ce qu'il avait dit dans le passé ne l'avait que peu ou pas touchée ; il se souvenait que son père n'avait jamais pu dire quelque chose qui la fît changer d'idée. À partir de cette année, il parla de moins en moins de ces problèmes à sa mère ou à d'autres personnes. Sa mission était si spéciale que personne au monde ne pouvait lui donner de conseils pour l'accomplir.

127:1.8 Bien que jeune, il était un vrai père pour sa famille. Il passait chacune de ses heures libres avec ses frères et soeurs, et ceux-ci l'aimaient sincèrement. Sa mère se désolait de le voir tant peiner, jour après jour, à l'établi de charpentier pour gagner la vie de la famille, au lieu d'être à Jérusalem, selon les plans que ses parents avaient échafaudés avec tant d'amour, en train d'étudier avec les rabbins. Marie ne pouvait comprendre bien des choses concernant son fils, mais elle l'aimait beaucoup, et ce qu'elle appréciait le plus, c'était la bonne volonté avec laquelle il endossait la responsabilité du foyer.

127.2  La Dix-septième Année (An 11)

127:2.1 C'est à cette époque qu'il y eut une agitation considérable, spécialement à Jérusalem et en Judée, en faveur d'une rébellion contre le paiement des impôts à Rome. Il se créa un fort parti nationaliste, dont les membres furent appelés les zélotes. Contrairement aux pharisiens, les zélotes ne voulaient pas attendre la venue du Messie. Ils proposaient de précipiter la crise par une révolte politique.

127:2.2 Un groupe d'organisateurs de Jérusalem arriva en Galilée et obtint de bons succès jusqu'au moment où il atteignit Nazareth. Quand ils vinrent voir Jésus, celui-ci les écouta attentivement ; il posa un grand nombre de questions, mais refusa de se joindre au parti. Il ne voulut pas dévoiler toutes les raisons qui l'empêchaient d'adhérer, et son refus eut pour effet d'écarter des zélotes beaucoup de ses jeunes compagnons de Nazareth.

127:2.3 Marie fit de son mieux pour l'inciter à s'enrôler, mais elle ne put le faire céder le moins du monde. Elle alla jusqu'à lui signifier que son refus d'épouser la cause nationaliste, comme elle le lui ordonnait, était de l'insubordination, une violation de sa promesse faite à leur retour de Jérusalem d'être soumis à ses parents. En réponse à cette insinuation, Jésus posa seulement sur son épaule une main bienveillante, la regarda en face et lui dit : « Ma mère, comment peux-tu ? » Et Marie se rétracta.

127:2.4 Un des oncles de Jésus (Simon, frère de Marie) s'était déjà joint au groupe et devint par la suite un cadre de la section galiléenne. Pendant plusieurs années, il y eut un peu de brouille entre Jésus et son oncle.

127:2.5 Le désordre se mit à couver à Nazareth. L'attitude de Jésus dans cette affaire avait eu pour résultat de créer une scission dans la jeunesse juive de la ville. Environ la moitié s'était jointe à l'organisation nationaliste ; l'autre moitié commença à former un groupe opposé de patriotes modérés, escomptant que Jésus en assumerait la direction. Ils furent stupéfaits quand il refusa l'honneur qu'on lui offrait, alléguant comme excuse ses lourdes responsabilités familiales qu'ils admettaient tous. La situation se compliqua encore davantage quand, peu après, se présenta Isaac, un riche Juif prêteur sur gages aux Gentils, qui proposa d'entretenir la famille de Jésus si celui-ci voulait déposer ses outils et se mettre à la tête de ces patriotes de Nazareth.

127:2.6 Jésus, alors à peine âgé de dix-sept ans, se trouva en présence de l'une des situations les plus délicates et les plus embarrassantes du début de sa vie. Il est toujours difficile aux chefs spirituels de prendre position sur une question patriotique, surtout quand des oppresseurs étrangers percevant les impôts viennent les compliquer. C'était doublement vrai dans ce cas, puisque la religion juive était impliquée dans toute cette agitation contre Rome.

127:2.7 La position de Jésus était rendue encore plus délicate du fait que sa mère, son oncle et même son jeune frère Jacques, l'exhortaient tous à se joindre à la cause nationaliste. Tous les meilleurs Juifs de Nazareth s'étaient enrôlés, et les jeunes gens qui ne s'étaient pas joints au mouvement étaient tous prêts à s'engager dès que Jésus se raviserait. Dans tout Nazareth, il n'avait qu'un seul conseiller sage, son vieux maitre le chazan, qui le conseilla sur la réplique à donner au comité des citoyens de Nazareth lorsque ceux-ci viendraient demander sa réponse à l'appel public qui avait été fait. Au cours de sa jeunesse, ce fut vraiment la première fois que Jésus eut sciemment recours à une manoeuvre stratégique. Jusque-là, il avait toujours compté sur un sincère exposé de la vérité pour éclaircir la situation, mais maintenant il ne pouvait pas proclamer l'entière vérité. Il ne pouvait donner à entendre qu'il était plus qu'un homme ; il ne pouvait révéler son idée de la mission qui l'attendait quand il serait un peu plus mûr. Malgré ces restrictions, sa fidélité religieuse et sa loyauté nationale étaient directement mises au défi. Sa famille était dans l'agitation, ses jeunes amis divisés, et tout le contingent juif de la ville en effervescence. Et dire qu'il était responsable de tout cela ! Combien peu il avait désiré causer un trouble quelconque et encore moins une perturbation de cette sorte.

127:2.8 Il fallait faire quelque chose. Jésus devait faire connaître sa position. Il le fit courageusement et diplomatiquement à la satisfaction de beaucoup, mais pas de tous. Il s'en tint à son plaidoyer originel, soutenant que son premier devoir était envers sa famille, qu'une mère veuve et huit frères et soeurs avaient besoin de quelque chose de plus que ce qui peut simplement s'acheter avec de l'argent - le nécessaire pour la vie matérielle - qu'ils avaient droit à la surveillance et à la direction d'un père, et qu'en toute conscience, il ne pouvait pas se décharger de l'obligation qu'un cruel accident avait fait retomber sur lui. Il félicita sa mère et l'ainé de ses frères de vouloir bien le libérer, mais répéta que la fidélité à la mémoire de son père lui interdisait de quitter sa famille, quelles que soient les sommes reçues pour sa vie matérielle. À cette occasion, il exprima son inoubliable axiome que « l'argent ne peut aimer. » Au cours de cette allocution, Jésus fit plusieurs allusions voilées à la « mission de sa vie » . Il expliqua que, indépendamment du fait qu'elle fût compatible ou non avec le militarisme, il y avait renoncé ainsi qu'à tout le reste pour pouvoir remplir fidèlement son devoir envers les siens. Chacun à Nazareth savait qu'il était un bon père de famille, et c'était une chose qui touchait de si près le coeur de tout Juif bien né que le plaidoyer de Jésus trouva une réponse favorable dans le coeur de beaucoup de ses auditeurs. Certains autres, qui n'étaient pas dans les mêmes dispositions, furent désarmés par une harangue prononcée par Jacques à ce moment-là, bien qu'elle ne figurât pas dans le programme. Le jour même, le chazan avait fait réciter à Jacques son allocution, mais ça, c'était leur secret.

127:2.9 Jacques se déclara certain que Jésus aiderait à libérer le peuple dès que lui, Jacques, serait en âge d'assumer la responsabilité de la famille. Si l'on voulait permettre à Jésus de « rester avec nous pour être notre père et notre éducateur, la famille de Joseph ne fournirait pas seulement un chef, mais bientôt cinq loyaux nationalistes, car ne sommes-nous pas cinq garçons qui grandissent et vont sortir de la tutelle de notre frère-père pour servir notre nation ? » Le garçon mit ainsi assez heureusement fin à une situation très tendue et menaçante.

127:2.10 La crise était terminée pour le moment, mais jamais cet incident ne fut oublié à Nazareth. L'agitation persista ; jamais plus Jésus ne bénéficia d'une faveur unanime. Les divergences d'opinion ne furent jamais complètement aplanies. Compliquée par d'autres évènements postérieurs, cette situation fut l'une des principales raisons pour lesquelles Jésus s'installa quelques années plus tard à Capharnaüm. Une scission au sujet du Fils de l'Homme subsista désormais dans Nazareth.

127:2.11 Cette année-là, Jacques reçut ses diplômes et se mit à travailler à temps complet à la maison, dans l'atelier de charpentier. Il était devenu un ouvrier habile à manier les outils et entreprit à son tour de fabriquer des jougs et des charrues, tandis que Jésus commençait à faire plus de travaux de finition d'intérieurs ainsi que des travaux délicats d'ébénisterie.

127:2.12 Durant cette année-là, Jésus progressa grandement dans l'organisation de son mental. Peu à peu, il avait concilié sa nature divine avec sa nature humaine. Il réalisa toute cette organisation intellectuelle par la force de ses propres décisions et avec la seule aide de son Moniteur intérieur, un Moniteur semblable à ceux qui habitent le mental de tous les mortels normaux sur tous les mondes après l'effusion d'un Fils. Jusqu'ici, rien de surnaturel ne s'était passé dans la carrière de ce jeune homme, sauf la visite d'un messager envoyé par son frère ainé Emmanuel, qui lui apparut une fois, pendant la nuit, à Jérusalem.

127.3  La Dix-huitième Année (An 12)

127:3.1 Au cours de cette année, tous les immeubles de la famille, excepté la maison où ils habitaient et le jardin, furent liquidés. Leur dernière parcelle de propriété à Capharnaüm (hormis une part dans une autre propriété) fut vendue ; elle était déjà hypothéquée. Le prix servit à payer les impôts, à acheter quelques nouveaux outils pour Jacques et à payer une partie de l'ancien magasin familial de fournitures et de réparations proche du caravansérail. Jésus désirait maintenant racheter ce magasin, car Jacques était d'âge à travailler à l'atelier de la maison et à aider Marie au foyer. Libéré pour le moment des embarras financiers, Jésus décida d'emmener Jacques à la Pâque. Ils partirent pour Jérusalem un jour d'avance pour être seuls et passèrent par la route de Samarie. Tout en cheminant, Jésus fit à Jacques l'historique des lieux traversés, comme son père le lui avait enseigné, cinq ans auparavant, au cours d'un voyage semblable.

127:3.2 En traversant la Samarie, ils virent nombre de spectacles étranges. Pendant ce voyage, ils discutèrent beaucoup de leurs problèmes personnels, familiaux et nationaux. Jacques était un garçon d'un type très religieux et, bien qu'il ne fût pas complètement d'accord avec sa mère sur le peu qu'il connaissait des plans concernant l'oeuvre de la vie de Jésus, il attendait vraiment le moment où il serait capable d'assumer la responsabilité de la famille pour permettre à Jésus de commencer sa mission. Il appréciait beaucoup que Jésus l'ait emmené à la Pâque, et ils discutèrent de l'avenir plus à fond qu'ils ne l'avaient jamais fait jusqu'alors.

127:3.3 Pendant la traversée de la Samarie, Jésus réfléchit longuement, particulièrement à Béthel et au Puits de Jacob, où ils s'arrêtèrent pour boire. Il discuta avec son frère les traditions d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il contribua beaucoup à préparer Jacques à ce dont il allait être témoin à Jérusalem, cherchant ainsi à atténuer un choc semblable à celui qu'il avait lui-même éprouvé lors de sa première visite au temple. Mais Jacques n'était pas aussi sensible à certains de ces spectacles. Il critiqua la manière superficielle et dure dont quelques prêtres accomplissaient leurs devoirs, mais dans l'ensemble il fut très heureux de son séjour à Jérusalem.

127:3.4 Jésus emmena Jacques à Béthanie pour le souper de la Pâque. Simon avait été enseveli avec ses ancêtres, et Jésus présida la tablée comme chef de famille pour la Pâque, car il avait rapporté du temple l'agneau pascal.

127:3.5 Après le souper, Marie s'assit pour causer avec Jacques, tandis que Marthe, Lazare et Jésus s'entretinrent ensemble fort avant dans la nuit. Le lendemain, ils assistèrent aux offices du temple, et Jacques fut reçu dans la communauté d'Israël. Ce matin-là, comme ils s'arrêtaient sur le versant d'Olivet pour regarder le temple, Jacques exprima son admiration tandis que Jésus contemplait Jérusalem en silence. Jacques ne pouvait comprendre le comportement de son frère. Ce soir-là, ils retournèrent à Béthanie, et auraient pris le lendemain le chemin du retour, mais Jacques insista pour retourner visiter le temple, expliquant qu'il voulait écouter les docteurs. Bien que le motif avoué fût vrai, dans le secret de son coeur, Jacques souhaitait entendre Jésus participer aux débats, comme sa mère le lui avait raconté. Ils allèrent donc au temple, et écoutèrent les discussions, mais Jésus ne posa pas de questions. Tout cela semblait si puéril et si insignifiant à son mental d'homme et de Dieu qui s'éveillait - il ne pouvait qu'en avoir pitié. Jacques fut déçu que Jésus ne dise rien. À ses demandes, Jésus répondit seulement : « Mon heure n'est pas encore venue. »

127:3.6 Le lendemain, ils firent le voyage de retour par Jéricho et la vallée du Jourdain. En chemin, Jésus raconta beaucoup de choses, notamment son premier voyage par cette route quand il avait treize ans.

127:3.7 À son retour à Nazareth, Jésus commença à travailler dans le vieil atelier de réparations appartenant à la famille et fut très heureux de pouvoir rencontrer quotidiennement tant de personnes de tous les coins du pays et des districts avoisinants. Jésus aimait véritablement les gens - les gens du peuple tels qu'ils sont. Chaque mois, il payait la mensualité du rachat de l'atelier et, avec l'aide de Jacques, il continuait à entretenir la famille.

127:3.8 Plusieurs fois par an, quand il n'y avait pas de visiteurs pour le faire, Jésus continuait à lire les Écritures du sabbat à la synagogue et expliquait souvent la leçon ; mais il choisissait d'habitude des passages de telle manière que les commentaires soient inutiles. Il était habile dans l'ordonnance des lectures de sorte que les différents passages s'éclairaient l'un l'autre. Chaque fois qu'il faisait beau temps, il ne manquait jamais d'emmener ses frères et soeurs en promenade dans la nature les après-midi de sabbat.

127:3.9 À cette époque, le chazan inaugura un cercle de discussions philosophiques pour jeunes gens ; ceux-ci se réunissaient au domicile des divers membres et souvent chez le chazan lui-même. Jésus devint un membre éminent de ce groupe. Par ce moyen, il put regagner un peu du prestige local qu'il avait perdu au moment des récentes controverses nationalistes.

127:3.10 Sa vie sociale, quoique restreinte, n'était pas totalement négligée. Il avait beaucoup de très bons amis et d'admirateurs fervents parmi les jeunes hommes et les jeunes femmes de Nazareth.

127:3.11 En septembre, Élisabeth et Jean vinrent rendre visite à la famille de Nazareth. Jean, ayant perdu son père, avait l'intention de retourner dans les collines de Judée pour s'occuper d'agriculture et d'élevage de moutons, à moins que Jésus ne lui conseillât de rester à Nazareth pour devenir charpentier ou faire quelque travail d'un autre ordre. Jean et sa mère ignoraient que la famille de Nazareth était pratiquement sans argent. Plus Marie et Élisabeth parlaient de leurs fils, plus elles étaient convaincues qu'il serait bon pour les deux jeunes gens de travailler ensemble et de se voir davantage.

127:3.12 Jésus et Jean eurent de longs entretiens et discutèrent de quelques questions très intimes et personnelles. À l'issue de cette visite, ils décidèrent tous deux de ne pas se revoir jusqu'à ce qu'ils puissent se rencontrer dans leur ministère public, après que « le Père céleste les aurait appelés » à l'oeuvre. Jean fut prodigieusement impressionné par ce qu'il vit à Nazareth et comprit qu'il devrait retourner à la maison et travailler pour entretenir sa mère. Il fut convaincu qu'il participerait à la mission de la vie de Jésus, mais comprit que Jésus allait devoir s'occuper pendant bien des années de soutenir sa propre famille. Il accepta d'autant plus volontiers de retourner chez lui, de prendre soin de leur petite ferme et de pourvoir aux besoins de sa mère. Jamais plus Jean et Jésus ne se revirent jusqu'au jour où, au bord du Jourdain, le Fils de l'Homme se présenta pour être baptisé.

127:3.13 Le samedi après-midi 3 décembre de cette année, la mort frappa, pour la seconde fois, la famille de Nazareth. Amos, leur petit frère, mourut d'une fièvre maligne après une semaine de maladie. Ayant traversé cette période douloureuse avec son fils premier-né comme seul soutien, Marie reconnut finalement et pleinement que Jésus était le véritable chef de la famille ; et il était vraiment un chef de valeur.

127:3.14 Pendant quatre ans, leur niveau de vie avait constamment décliné. D'année en année, ils se sentaient plus tenaillés par la pauvreté. Vers la fin de cette année, ils eurent à affronter une des épreuves les plus pénibles de leurs luttes ardues. Jacques n'avait pas encore commencé à bien gagner, et la dépense d'un enterrement s'ajoutant au reste les consterna. Mais Jésus se borna à dire à sa mère anxieuse et affligée : « Mère Marie, le chagrin ne nous aidera pas ; nous faisons tous de notre mieux, et le sourire de maman pourrait même nous inciter à faire encore mieux. Jour après jour, nous sommes fortifiés dans ces tâches par notre espoir d'avoir devant nous des jours meilleurs. » Son solide et pratique optimisme était vraiment contagieux ; tous les enfants vivaient dans une ambiance où l'on escomptait des choses et des temps meilleurs. Et ce courage plein d'espoir contribua puissamment à développer chez eux de nobles et puissants caractères, malgré leur pauvreté déprimante.

127:3.15 Jésus possédait la faculté de mobiliser efficacement tous ses pouvoirs mentaux, psychiques et corporels pour la tâche à accomplir immédiatement. Il pouvait concentrer sa pensée profonde sur le seul problème qu'il désirait résoudre. Jointe à sa patience inlassable, cette faculté le rendait capable de supporter sereinement les épreuves d'une existence mortelle difficile - de vivre comme s'il « voyait Celui qui est invisible » .

127.4  La Dix-neuvième Année (An 13)

127:4.1 Dès cette époque, Jésus et Marie s'entendirent beaucoup mieux. Elle le considérait moins comme un fils ; il était plutôt devenu pour elle un père pour ses enfants. La vie quotidienne fourmillait de difficultés pratiques et immédiates. Ils parlaient moins fréquemment de l'oeuvre de sa vie, car, avec le temps, toutes leurs pensées étaient mutuellement consacrées à l'entretien et à l'éducation de leur famille de quatre garçons et trois filles.

127:4.2 Dès le début de cette année, Jésus avait complètement gagné sa mère à ses méthodes d'éducation pour les enfants - l'injonction positive de bien faire au lieu de l'ancienne méthode juive interdisant de mal faire. Chez lui et durant sa carrière d'enseignement public, Jésus se servit invariablement de la forme positive d'exhortation. Toujours et partout, il disait : « Vous ferez ceci, vous devriez faire cela. » Jamais il n'employait le mode négatif d'enseignement dérivé des anciens tabous. Il s'abstenait de donner de l'importance au mal en l'interdisant, tandis qu'il prônait le bien en ordonnant de l'accomplir. Dans ce foyer, le moment de la prière était l'occasion de discuter de tout ce qui concernait le bien-être de la famille.

127:4.3 Jésus commença à discipliner sagement ses frères et soeurs à un âge si tendre qu'il n'eut jamais besoin de les punir beaucoup pour assurer leur prompte et sincère obéissance. La seule exception était Jude envers qui, en différentes circonstances, Jésus jugea nécessaire de prendre des sanctions pour ses infractions aux règles de la maison. En trois occasions où il estima opportun de punir Jude pour avoir délibérément violé les règles de conduite de la famille et l'avoir avoué, son châtiment fut fixé par une décision unanime des enfants les plus âgés, et approuvé par Jude lui-même avant de lui être infligé.

127:4.4 lors que Jésus était très méthodique et systématique en tout ce qu'il faisait, il y avait aussi, dans toutes ses décisions administratives, une reposante souplesse d'interprétation et une adaptation individuelle qui impressionnait tous les enfants par l'esprit de justice qui animait leur frère-père. Il ne châtiait jamais arbitrairement ses frères et soeurs. Son impartialité constante et sa considération personnelle rendirent Jésus très cher à toute sa famille.

127:4.5 Jacques et Simon grandirent, essayant d'imiter Jésus en calmant, par la persuasion et la non-résistance leurs camarades belliqueux et parfois coléreux. Ils y parvinrent assez bien, mais, alors que Joseph et Jude acceptaient de tels enseignements à la maison, ils se hâtaient de se défendre quand ils étaient attaqués par leurs camarades ; Jude en particulier violait l'esprit de ces enseignements. Mais la non-résistance n'était pas une règle de la famille. La violation des enseignements personnels ne comportait aucune sanction.

127:4.6 En général, tous les enfants, et surtout les filles, consultaient Jésus à propos de leurs chagrins d'enfants et se confiaient à lui comme à un tendre père.

127:4.7 En grandissant, Jacques devenait un jeune homme bien équilibré et d'humeur égale, mais il n'avait pas autant de tendances spirituelles que Jésus. Il était un bien meilleur étudiant que Joseph. Celui-ci, bien que travailleur consciencieux, était encore moins enclin à la spiritualité ; Joseph était un bucheur, mais n'atteignait pas le niveau intellectuel des autres enfants. Simon était bien intentionné, mais trop rêveur. Il fut lent à s'établir dans la vie et causa beaucoup de soucis à Jésus et à Marie, mais il fut toujours un bon garçon plein de bonnes intentions. Jude était un brandon de discorde. Il avait les idéaux les plus élevés, mais possédait un tempérament instable. Il était tout aussi décidé et dynamique que sa mère, mais celle-ci avait un sens de la mesure et une discrétion qui manquait beaucoup à Jude.

127:4.8 Miriam était une fille bien équilibrée et pondérée, avec une appréciation aiguë des choses nobles et spirituelles. Marthe pensait et agissait lentement, mais elle était une enfant très capable et digne de confiance. La petite Ruth était le rayon de soleil du foyer ; elle parlait une peu inconsidérément, mais avait un coeur des plus sincères. Elle adorait littéralement son grand frère et père, mais on ne la gâtait pas. C'était une très belle enfant, mais pas tout à fait aussi avenante que Miriam, qui était la beauté de la famille, sinon de la ville.

127:4.9 Avec le temps, Jésus contribua beaucoup à modifier et à rendre moins étriqués les enseignements et les pratiques de la famille relatifs à l'observance du sabbat et de beaucoup d'autres rites de la religion. Marie donnait une chaleureuse approbation à tous ces changements. Jésus était alors devenu le chef incontesté de la maison.

127:4.10 Cette année-là, Jude commença à aller à l'école, et Jésus fut obligé de vendre sa harpe pour subvenir à la dépense. Ainsi disparut la dernière de ses distractions. Il aimait beaucoup jouer de la harpe quand il avait le cerveau fatigué et le corps las, mais il se consola à la pensée qu'au moins la harpe ne serait pas saisie par le collecteur d'impôts.

127.5  Rébecca, la Fille d'Ezra

127:5.1 Bien que Jésus fût pauvre, sa situation sociale à Nazareth n'était aucunement compromise. Il était un des premiers jeunes hommes de la ville et très considéré par la plupart des jeunes femmes. Puisque Jésus était un si merveilleux exemple de vigueur physique et intellectuelle masculine, et vu sa réputation comme guide spirituel, il n'était pas étrange que Rébecca, la fille ainée d'Ezra, un riche marchand et négociant de Nazareth, découvrît qu'elle devenait lentement amoureuse de ce fils de Joseph. Elle confia d'abord son attachement à Miriam, la soeur de Jésus, et Miriam à son tour en discuta avec sa mère. Marie fut bouleversée. Était-elle sur le point de perdre son fils, devenu à présent le chef indispensable de la famille ? Les difficultés ne cesseraient-elles jamais ? Que pourrait-il arriver ensuite ? Alors, elle s'arrêta pour méditer sur l'effet qu'aurait le mariage sur la carrière future de Jésus. À de rares intervalles, elle se souvenait que Jésus était un « enfant de la promesse » . Après avoir discuté de cette question, Miriam et Marie décidèrent de faire un effort pour mettre fin à la chose avant que Jésus ne l'apprît, en allant directement trouver Rébecca pour lui expliquer toute l'histoire et l'informer honnêtement de leur croyance que Jésus était un fils de la destinée et qu'il allait devenir un grand guide religieux, peut-être le Messie.

127:5.2 Rébecca écouta attentivement ; elle fut fascinée par le récit et décidée plus que jamais à partager le sort de l'homme de son choix et à partager sa carrière de chef. Elle plaida (en son for intérieur) qu'un tel homme aurait d'autant plus besoin d'une femme fidèle et capable. Elle interpréta les efforts de Marie pour la dissuader comme une réaction naturelle à sa crainte de perdre le chef et seul soutien de sa famille ; mais, sachant que son père approuvait son attirance pour le fils du charpentier, elle escomptait à juste titre qu'il serait heureux de donner à la famille un revenu suffisant pour compenser amplement la perte du salaire de Jésus. Quand son père eut accepté ce plan, Rébecca eut d'autres entretiens avec Marie et Miriam. N'ayant pas réussi à obtenir leur concours, elle s'enhardit à aller directement trouver Jésus. Elle le fit avec l'aide de son père, qui invita Jésus chez eux pour le dix-septième anniversaire de Rébecca.

127:5.3 Jésus écouta attentivement et avec sympathie tout ce récit, d'abord par le père de Rébecca, puis par Rébecca elle-même. Il répondit avec bonté qu'aucune somme d'argent ne pouvait remplacer son obligation personnelle d'élever la famille de son père, de « remplir le plus sacré de tous les devoirs humains - la fidélité à sa propre chair et à son propre sang » . Le père de Rébecca fut profondément touché par les paroles de dévotion familiale de Jésus et se retira de l'entretien. Son unique remarque à sa femme Marie fut : « Nous ne pouvons l'avoir pour fils ; il est trop noble pour nous. »

127:5.4 Alors commença l'entretien mémorable avec Rébecca. Jusque-là, Jésus avait fait peu de distinction dans ses relations avec garçons et filles, avec jeunes hommes et jeunes femmes. Son mental avait été trop entièrement absorbé par les problèmes pressants des affaires pratiques de ce monde et trop intrigué par la considération de sa carrière éventuelle « concernant les affaires de son Père » pour avoir jamais envisagé sérieusement la consommation de l'amour personnel dans le mariage humain. Mais, à présent, il se trouvait en face d'un autre problème que chaque mortel ordinaire doit affronter et résoudre. Vraiment il fut « éprouvé de toutes les manières comme vous l'êtes vous-mêmes » .

127:5.5 Après avoir écouté attentivement, il remercia sincèrement Rébecca pour l'admiration qu'elle lui exprimait et ajouta : « Cela m'encouragera et me réconfortera tous les jours de ma vie. » Il expliqua qu'il n'était pas libre d'avoir, avec une femme, d'autres relations que celle de simple considération fraternelle et de pure amitié. Il précisa que son premier et plus important devoir était d'élever la famille de son père, qu'il ne pouvait envisager de mariage avant que cela fût accompli ; et alors il ajouta : « Si je suis un fils de la destinée, je ne dois pas assumer d'obligations pour la durée de la vie avant que ma destinée soit rendue manifeste. »

127:5.6 Rébecca eut le coeur brisé. Elle refusa d'être consolée et harcela son père pour quitter Nazareth jusqu'à ce qu'il consentît finalement à s'installer à Sepphoris. Au cours des années suivantes, Rébecca répondit toujours, aux nombreux hommes qui la demandèrent en mariage, qu'elle vivait dans un seul but - attendre l'heure où celui qui était pour elle le plus grand homme qui ait jamais vécu, commencerait sa carrière de maitre enseignant la vérité vivante. Elle le suivit avec dévotion à travers les années mouvementées de son ministère public. Elle était présente (inaperçue de Jésus) le jour où il entra triomphalement à Jérusalem, et elle était debout « parmi les autres femmes » à côté de Marie, ce tragique et fatal après-midi où le Fils de l'Homme fut suspendu à la croix. Pour elle aussi bien que pour d'innombrables mondes d'en haut, il était « le seul entièrement digne d'être aimé et le plus grand parmi dix-mille » .

127.6  Sa Vingtième Année (An 14)

127:6.1 L'histoire de l'amour de Rébecca pour Jésus se répandit à Nazareth et plus tard à Capharnaüm. De la sorte, et bien qu'au cours des années qui suivirent, beaucoup de femmes se fussent mises à aimer Jésus tout comme les hommes l'aimaient, il n'eut jamais plus à refuser l'offre personnelle de la dévotion d'une autre femme de bien. À partir de ce moment, l'affection humaine pour Jésus participa davantage de la nature d'une considération respectueuse et adoratrice. Hommes et femmes l'aimaient avec dévotion pour ce qu'il était, sans la moindre teinte de satisfaction égoïste et sans désir de possession affective. Mais, pendant de nombreuses années, chaque fois que l'on racontait l'histoire de la personnalité humaine de Jésus, on mentionnait la dévotion de Rébecca.

127:6.2 Miriam, qui connaissait bien la passion de Rébecca et savait comment son frère avait renoncé même à l'amour d'une belle jeune fille (sans réaliser le rôle que jouait dans cette décision, sa carrière prédestinée), en vint à idéaliser Jésus et à l'aimer d'une touchante et profonde affection, filiale autant que fraternelle.

127:6.3 Bien qu'ils n'en eussent guère les moyens, Jésus avait un étrange désir d'aller à Jérusalem pour la Pâque. Connaissant sa récente expérience avec Rébecca, sa mère l'encouragea sagement à faire le voyage. Sans en être tout à fait conscient, Jésus désirait surtout avoir une occasion de parler à Lazare et de rencontrer Marthe et Marie. Après sa propre famille, c'était eux trois qu'il préférait.

127:6.4 En faisant ce voyage à Jérusalem, il alla par la route de Méguiddo, Antipatris et Lydda, parcourant, en partie, la route suivie lorsqu'il avait été ramené à Nazareth, à son retour d'Égypte. Il mit quatre jours pour aller à la Pâque et réfléchit beaucoup aux évènements passés qui avaient eu lieu à Méguiddo et aux alentours, champ de bataille international de la Palestine.

127:6.5 Jésus traversa Jérusalem, ne s'arrêtant que pour regarder le temple et la cohue des visiteurs. Il avait une étrange et croissante aversion pour ce temple construit par Hérode et sa prêtrise choisie pour des raisons politiques. Par-dessus tout, il désirait voir Lazare, Marthe et Marie. Lazare avait le même âge que Jésus et il était à présent chef de famille ; au moment de cette visite, la mère de Lazare avait également été inhumée. Marthe était d'un peu plus d'un an l'ainée de Jésus, tandis que Marie était de deux ans plus jeune. Jésus était l'idéal que tous trois idolâtraient.

127:6.6 Au cours de cette visite, eut lieu l'une des manifestations périodiques de révolte de Jésus contre la tradition - l'expression d'un ressentiment contre les pratiques cérémonielles qu'il considérait comme donnant une fausse idée de son Père céleste. Ignorant que Jésus allait venir, Lazare s'était arrangé pour célébrer la Pâque avec des amis dans un village voisin, plus bas sur la route de Jéricho. Voici que maintenant Jésus proposait de célébrer la fête là où ils étaient, dans la maison de Lazare. « Mais » , dit Lazare, « nous n'avons pas d'agneau pascal » . C'est alors que Jésus entama une dissertation prolongée et convaincante pour montrer que le Père céleste ne s'intéressait pas véritablement à ces rituels enfantins et vides de sens. Après une prière fervente et solennelle, ils se levèrent et Jésus dit : « Laissez les gens de mon peuple au mental puéril et ignorant servir leur Dieu conformément aux ordres de Moïse ; il vaut mieux qu'ils le fassent, mais nous, qui avons vu la lumière de la vie, cessons d'approcher notre Père par les ténèbres de la mort. Soyons libres, instruits de la vérité de l'amour éternel de notre Père. »

127:6.7 Ce soir-là, au crépuscule, tous quatre s'assirent et participèrent à la première fête de la Pâque qui eût jamais été célébrée sans agneau pascal par des Juifs pieux. Le pain sans levain et le vin avaient été préparés pour cette Pâque, et Jésus servit à ses compagnons ces mets symboliques qu'il appelait « le pain de vie » et « l'eau vivante » . Ils mangèrent en se conformant solennellement aux enseignements qui venaient d'être donnés. Jésus prit l'habitude de pratiquer ce rite sacramentel lors de chacune de ses visites ultérieures à Béthanie. Quand il revint chez lui, il raconta tout cela à sa mère. Au premier abord, elle fut choquée, mais peu à peu elle en vint à partager son point de vue ; néanmoins, elle fut très soulagée quand Jésus l'assura qu'il n'avait pas l'intention d'introduire dans leur famille cette nouvelle conception de la Pâque. À la maison, avec les enfants, il continua, d'année en année, à manger la Pâque « selon la loi de Moïse » .

127:6.8 Ce fut durant cette année que Marie eut une longue conversation avec Jésus au sujet du mariage. Elle lui demanda franchement s'il se marierait au cas où il serait dégagé de ses responsabilités familiales. Jésus lui expliqua que le devoir immédiat lui interdisait le mariage, et qu'il y avait donc peu pensé. Il s'exprima comme s'il doutait qu'il dût jamais entrer dans les liens du mariage ; il dit que toutes ces choses devaient attendre « mon heure » , le moment où « le travail de mon Père devra commencer » . Ayant déjà mentalement décidé qu'il ne devait pas engendrer d'enfants charnels, il se préoccupait très peu de la question du mariage humain.

127:6.9 Cette année-là, il reprit la tâche de fusionner davantage sa nature mortelle et sa nature divine en une simple et efficace individualité humaine. Son statut moral et sa compréhension spirituelle continuèrent à croitre.

127:6.10 Bien que tous leurs immeubles de Nazareth (excepté leur maison) fussent liquidés, ils reçurent, cette année-là, une petite aide financière par la vente d'une participation dans une propriété à Capharnaüm. C'était le dernier de tous les biens immobiliers de Joseph. Cette affaire immobilière fut conclue avec un constructeur de bateaux nommé Zébédée.

127:6.11 Joseph fut reçu, cette année-là, aux examens de l'école de la synagogue et se prépara à travailler au petit établi de l'atelier de charpentier de leur domicile. Quoique l'héritage de leur père fût épuisé, il y avait des chances pour qu'ils triomphent de la pauvreté puisque trois d'entre eux fournissaient maintenant un travail régulier.

127:6.12 Jésus devient rapidement un homme, non pas simplement un jeune homme, mais un adulte. Il a bien appris à porter des responsabilités. Il sait persévérer en présence des déceptions. Il fait bravement front quand ses plans sont contrecarrés et ses projets temporairement déjoués. Il a appris à être équitable et juste même en face de l'injustice. Il est en voie d'apprendre à ajuster ses idéaux de vie spirituelle aux exigences pratiques de l'existence terrestre, d'apprendre à faire des plans pour atteindre un but idéaliste supérieur et lointain, tout en peinant durement dans le but de satisfaire les nécessités plus proches et plus immédiates. Il acquiert progressivement l'art d'adapter ses aspirations aux exigences banales de la vie des humains. Il a presque maitrisé la technique d'utiliser l'énergie de l'impulsion spirituelle pour faire fonctionner le mécanisme des réalisations matérielles. Il apprend lentement à vivre la vie céleste tout en poursuivant son existence terrestre. De plus en plus, il dépend des directives ultimes de son Père céleste, tout en assumant le rôle paternel de guider et d'orienter les enfants de sa famille terrestre. Il devient expert en l'art d'arracher la victoire à l'emprise même de la défaite. Il apprend à transformer les difficultés du temps en triomphes de l'éternité.

127:6.13 Ainsi, avec l'écoulement des années, ce jeune homme de Nazareth continue à faire l'expérience de la vie telle qu'elle est vécue dans la chair mortelle sur les mondes du temps et de l'espace. Il vit sur Urantia une vie complète, représentative et bien remplie. Il quitta ce monde avec une mûre expérience des épreuves que ses créatures traversent pendant les rudes et courtes années de leur première vie, la vie incarnée. Et toute cette expérience humaine est la propriété éternelle du Souverain de l'Univers. Il est notre frère compréhensif, notre ami compatissant, notre souverain expérimenté et notre père miséricordieux.

127:6.14 Comme enfant, il accumula un vaste ensemble de connaissances. Comme jeune homme, il tria, classifia et coordonna ces informations. Maintenant comme homme du royaume, il commence à organiser ces acquisitions mentales préalablement à leur emploi dans son enseignement futur, dans son ministère et dans son service pour ses compagnons humains sur cette planète et sur toutes les autres sphères habitées dans tout l'univers de Nébadon.

127:6.15 Venu au monde comme n'importe quel nouveau-né du royaume, il a vécu sa vie d'enfant et traversé les étapes successives de la jeunesse et de l'adolescence. Il se trouve maintenant au seuil de sa pleine maturité, riche de l'expérience de la vie humaine, ayant parachevé la compréhension de la nature humaine et restant plein de compassion pour les faiblesses de cette nature humaine. Il est en voie de devenir expert dans l'art divin de révéler son Père Paradisiaque aux créatures mortelles de tous âges et de tous niveaux d'évolution.

127:6.16 Désormais, en tant qu'homme fait, en tant qu'adulte du royaume, il se prépare à poursuivre sa mission suprême de révéler Dieu aux hommes et de conduire les hommes à Dieu.

128. La Vie de Jeune homme de Jésus

128:0.1 LORSQUE JÉSUS de Nazareth entra dans les premières années de sa vie d'adulte, il avait vécu et continuait à vivre une vie humaine normale et ordinaire sur terre. Jésus vint en ce monde exactement comme les autres enfants, il ne contribua en rien à sélectionner ses parents. Il avait bien choisi Urantia comme planète pour effectuer sa septième et dernière effusion, son incarnation dans la similitude de la chair mortelle, mais, cela mis à part, il vint au monde d'une façon naturelle, grandissant comme un enfant du royaume et luttant contre les vicissitudes de son entourage tout comme le font les autres mortels sur ce monde et les mondes similaires.

128:0.2 Il y a lieu de garder toujours présent en mémoire que l'effusion de Micaël sur Urantia avait un double but :

128:0.3 1. Maitriser l'expérience de vivre la vie complète d'une créature humaine dans la chair mortelle pour parachever sa souveraineté dans Nébadon.

128:0.4 2. Révéler le Père Universel aux habitants mortels des mondes du temps et de l'espace, et amener plus efficacement ces mêmes mortels à mieux comprendre le Père Universel.

128:0.5 Tous les autres bienfaits envers les créatures, et les avantages universels de son effusion mortelle, étaient fortuits et secondaires par rapport à ces buts majeurs.

128.1  La Vingt-et-unième Année (An 15)

128:1.1 En atteignant l'âge adulte, Jésus entreprit sérieusement et en pleine conscience de soi de parachever expérientiellement sa connaissance de la vie des formes les plus humbles de ses créatures intelligentes ; il acquerrait ainsi définitivement et pleinement le droit de gouverner sans réserve l'univers qu'il avait lui-même créé. Il aborda cette tâche prodigieuse en pleine connaissance de sa double nature, mais il avait déjà efficacement conjugué ces deux natures en une seule - Jésus de Nazareth.

128:1.2 Joshua ben Joseph savait très bien qu'il était un homme, un mortel né d'une femme. Cela ressort du choix de sa première appellation, le Fils de l'Homme. Il partageait vraiment notre nature de chair et de sang. Et même maintenant qu'il préside avec une autorité souveraine aux destinées d'un univers, il porte encore, parmi ses nombreux titres bien gagnés, celui de Fils de l'Homme. Il est littéralement vrai que le Verbe créateur - le Fils Créateur - du Père Universel fut « fait chair et habita Urantia comme un homme du royaume » . Il travaillait, se fatiguait, se reposait et dormait. Il eut faim et satisfit son appétit avec des aliments ; il eut soif et étancha sa soif avec de l'eau. Il expérimenta toute la gamme des sentiments et des émotions humaines ; il fut « éprouvé en toutes choses comme vous l'êtes vous-mêmes » ; il souffrit et mourut.

128:1.3 Il obtint des connaissances, acquit de l'expérience et les conjugua en sagesse, tout comme le font d'autres mortels du royaume. Jusqu'après son baptème, il n'usa d'aucun pouvoir surnaturel. Il n'employa aucune faculté autre que celles dont il était doué en tant que fils de Joseph et de Marie.

128:1.4 Quant aux attributs de son existence préhumaine, il s'en dépouilla. Avant le début de son ministère public, il s'imposa, entièrement de son propre gré, de connaître les hommes et les choses par des moyens humains. Il était véritablement un homme parmi les hommes.

128:1.5 Les paroles suivantes sont à jamais et glorieusement vraies : « Nous avons un grand chef qui peut être touché par le sentiment de nos faiblesses. Nous avons un Souverain qui fut, à tous égards, éprouvé et tenté comme nous le sommes, sans toutefois pécher. » Puisqu'il a lui-même souffert, ayant été éprouvé et tenté, il est éminemment apte à comprendre et à aider les égarés et les affligés.

128:1.6 Le charpentier de Nazareth comprenait maintenant pleinement le travail qui l'attendait, mais il choisit de laisser sa vie humaine suivre son cours naturel. En certaines de ces matières, il est vraiment un exemple pour ses créatures humaines. Comme les Écritures le rappellent : « Ayez en vous le mental qui était dans le Christ Jésus lequel, étant de la nature de Dieu, ne trouvait pas étrange d'être égal à Dieu. Cependant, il se donna peu d'importance et, revêtant la forme d'une créature, il naquit dans la similitude des hommes. Ayant été ainsi façonné comme un homme, il s'humilia et devint obéissant jusqu'à la mort, même à la mort sur la croix. »

128:1.7 Il vécut sa vie de mortel exactement comme tous les membres de la famille humaine peuvent vivre la leur, « lui qui, dans les jours de son incarnation, adressa si souvent des prières et des supplications, avec une grande émotion et des larmes, à Celui qui est capable de sauver de tout mal ; et ses prières furent efficaces, parce qu'il croyait » . C'est pourquoi il lui fallait à tous égards être rendu semblable à ses frères, de sorte qu'il devienne pour eux un souverain miséricordieux et compréhensif.

128:1.8 Il ne douta jamais de sa nature humaine ; c'était l'évidence même, et il en avait toujours conscience. Quant à sa nature divine, il y avait toujours place pour le doute et les hypothèses ; tout au moins cela resta vrai jusqu'à l'évènement survenu lors de son baptème. L'autoconscience de sa divinité fut une lente révélation et, du point de vue humain, une révélation évoluant naturellement. Cette révélation et cette auto-conscience de sa divinité commencèrent à Jérusalem, alors que Jésus n'avait pas tout à fait treize ans, avec le premier évènement surnaturel de son existence humaine. L'expérience de la réalisation de cette autoconscience de sa nature divine se paracheva à l'époque de sa seconde expérience surnaturelle pendant son incarnation. Cet évènement qui accompagna son baptème par Jean dans le Jourdain, évènement qui marqua le commencement de sa carrière publique de service et d'enseignement.

128:1.9 Entre les deux visitations célestes, l'une à sa treizième année et l'autre à son baptème, il ne se passa rien de surnaturel ni de suprahumain dans la vie de ce Fils Créateur incarné. Malgré cela, l'enfant de Bethléem, le jeune garçon, le jeune homme et l'homme de Nazareth étaient en réalité le Créateur incarné d'un univers ; mais pas une fois, au cours de sa vie humaine avant le jour où Jean le baptisa, il n'usa, si peu que ce soit, de ce pouvoir ni ne suivit les directives de personnalités célestes, sauf celles de son ange gardien. Nous, qui en témoignons, nous savons de quoi nous parlons.

128:1.10 Cependant durant toutes ces années de vie incarnée, il était vraiment divin. Il était effectivement un Fils Créateur du Père du Paradis. Une fois qu'il eut embrassé sa carrière publique, après avoir techniquement parachevé l'expérience purement mortelle lui permettant d'acquérir sa souveraineté, il n'hésita pas à admettre publiquement qu'il était le Fils de Dieu. Il proclama sans hésitation : « Je suis l'Alpha et l'Omega, le commencement et la fin, le premier et le dernier. » Dans les années qui suivirent, il ne protesta pas quand on l'appelait Seigneur de Gloire, Souverain d'un Univers, le Seigneur Dieu de toute la création, le Saint d'Israël, le Seigneur de tout et de tous, notre Seigneur et notre Dieu, Dieu avec nous, Celui qui a un nom au-dessus de tous les noms et sur tous les mondes, l'Omnipotence d'un univers, le Mental Universel de cette création, l'Unique en qui sont cachés tous les trésors de sagesse et de connaissance, la plénitude de Celui qui remplit toutes choses, l'éternel Verbe du Dieu éternel, Celui qui était avant toutes choses et en qui toutes choses subsistent, le Créateur des cieux et de la terre, le Soutien d'un univers, le Juge de toute la terre, le Donateur de la vie éternelle, le Vrai Berger, le Libérateur des mondes et Celui qui nous conduit à notre salut.

128:1.11 Il ne fit d'objection à aucun de ces titres quand ils lui furent appliqués après qu'il eut émergé de sa vie purement humaine pour entrer dans les années d'adulte, où il avait conscience de son ministère de divinité dans l'humanité, pour l'humanité et par rapport à l'humanité, dans ce monde et pour tous les autres mondes. Jésus ne protesta que contre une seule appellation : quand, une fois, on le dénomma Emmanuel, il répondit simplement : « Je ne suis pas Emmanuel, il est mon frère ainé. »

128:1.12 Toujours et même après que les horizons de sa vie terrestre se furent élargis, Jésus resta humblement soumis à la volonté du Père qui est aux cieux.

128:1.13 Après son baptème, il ne vit aucun inconvénient à permettre à ceux qui croyaient sincèrement en lui et à ceux qui le suivaient avec gratitude, de l'adorer. Même quand il luttait contre la pauvreté et travaillait de ses mains pour subvenir aux besoins vitaux de sa famille, il prenait de plus en plus conscience d'être un Fils de Dieu ; il savait qu'il était le créateur des cieux et de cette terre même sur laquelle il vivait maintenant son existence humaine. Dans tout le vaste univers qui l'observait, les légions d'êtres célestes savaient également que cet homme de Nazareth était leur Souverain bien-aimé et Créateur-père. Durant toutes ces années, l'univers de Nébadon vécut dans une profonde expectative. Tous les regards célestes convergeaient continuellement sur Urantia - sur la Palestine.

128:1.14 Cette année-là, Jésus se rendit à Jérusalem avec Joseph pour célébrer la Pâque. Ayant déjà emmené Jacques au temple pour la consécration, il estimait de son devoir d'y conduire aussi Joseph. Jésus ne témoignait jamais d'aucune partialité dans ses rapports avec sa famille. Il alla avec Joseph à Jérusalem par la route habituelle de la vallée du Jourdain, mais revint à Nazareth par la route qui traverse Amathus à l'est du Jourdain. En descendant le Jourdain, Jésus raconta à Joseph l'histoire des Juifs ; pendant le voyage de retour il lui parla des aventures des légendaires tribus de Ruben, Gad et Giléad qui, suivant la tradition, habitaient ces régions à l'est du fleuve.

128:1.15 Joseph posa à Jésus de multiples questions tendancieuses concernant sa mission, mais, à la plupart d'entre elles, Jésus se borna à répondre : « Mon heure n'est pas encore venue » . Au cours de ces entretiens intimes, Jésus laissa cependant échapper beaucoup de paroles dont Joseph se souvint pendant les évènements émouvants des années suivantes. Accompagné de Joseph, Jésus passa la Pâque avec ses trois amis de Béthanie, selon son habitude quand il était à Jérusalem pour assister à ces fêtes commémoratives.

128.2  La Vingt-deuxième Année (An 16)

128:2.1 Ce fut une des années durant lesquelles les frères et soeurs de Jésus affrontèrent les épreuves et tribulations propres aux problèmes et aux réadaptations de l'adolescence. Jésus avait maintenant des frères et soeurs d'âge échelonné entre sept et dix-huit ans, et avait fort à faire pour les aider à s'adapter aux nouveaux éveils de leur vie intellectuelle et émotionnelle. Il dut ainsi s'attaquer aux problèmes de l'adolescence à mesure qu'ils se présentaient dans la vie de ses jeunes frères et soeurs.

128:2.2 Cette année-là, Simon sortit diplômé de l'école et commença à travailler avec le tailleur de pierre Jacob, l'ancien compagnon de jeux et fidèle défenseur de Jésus. À la suite de plusieurs entretiens familiaux, on estima inopportun que tous les garçons deviennent charpentiers. On pensait que, s'ils adoptaient des métiers différents, ils seraient en mesure d'accepter des contrats pour construire entièrement des édifices. De plus, ils avaient subi des périodes de chômage depuis que trois d'entre eux travaillaient à temps complet comme charpentiers.

128:2.3 Durant cette année, Jésus continua à faire des travaux de finition de maisons et d'ébénisterie, mais il passa la majeure partie de son temps à l'atelier de réparation du caravansérail. Jacques commençait à alterner avec lui au service de l'atelier. À la fin de l'année, quand le travail de charpentier vint à manquer à Nazareth, Jésus laissa en charge à Jacques l'atelier de réparations et à Joseph l'établi familial, tandis que lui-même allait à Sepphoris chez un forgeron. Il travailla les métaux pendant six mois et acquit à l'enclume une habileté considérable.

128:2.4 Avant de prendre son nouvel emploi à Sepphoris, Jésus tint une de ses conférences familiales périodiques et installa solennellement Jacques, qui venait d'avoir dix-huit ans, comme chef de famille suppléant. Il promit à son frère un appui chaleureux et une entière coopération ; il exigea de la part de chaque membre de la famille la promesse formelle d'obéir à Jacques. À partir de ce jour, Jacques assuma l'entière responsabilité financière du foyer, où Jésus apportait à son frère sa contribution hebdomadaire. Jamais plus Jésus ne reprit les rênes des mains de Jacques. Pendant qu'il travaillait à Sepphoris, il aurait pu, en cas de besoin, rentrer chaque soir à la maison, mais il resta éloigné à dessein, alléguant le temps et d'autres raisons, mais son vrai motif était d'habituer Jacques et Joseph à porter la responsabilité du foyer. Il avait commencé le lent processus de détacher de lui sa famille. Jésus revenait à Nazareth à chaque sabbat, et quelquefois aussi pendant la semaine quand l'occasion l'exigeait, pour observer le fonctionnement du nouveau plan, donner des conseils et apporter d'utiles suggestions.

128:2.5 Le fait de vivre la plupart du temps à Sepphoris pendant six mois offrit à Jésus une nouvelle occasion de mieux connaître le point de vue des Gentils sur la vie. Il travailla avec eux, vécut avec eux et, de toutes les manières possibles, étudia de près et soigneusement leurs habitudes de vie et leur mentalité.

128:2.6 Le niveau moral de cette ville où résidait Hérode Antipas était tellement inférieur, même à celui de Nazareth, carrefour des caravanes, qu'après six mois de séjour à Sepphoris, Jésus ne répugna plus à trouver un prétexte pour revenir à Nazareth. Le groupe pour lequel il travaillait allait s'engager dans des travaux publics à la fois à Sepphoris et dans la nouvelle ville de Tibériade, et Jésus était peu disposé à assumer un emploi quelconque sous la supervision d'Hérode Antipas. D'autres raisons militaient encore, dans l'opinion de Jésus, en faveur de son retour à Nazareth. Quand il revint à l'atelier de réparations, il ne reprit pas personnellement la direction des affaires familiales. Il travailla à l'atelier en association avec Jacques et, dans la plus large mesure possible, lui permit de continuer à superviser le foyer. Jacques put ainsi continuer tranquillement la gestion des affaires familiales et l'administration du budget de la maison.

128:2.7 Ce fut par de tels plans sages et réfléchis que Jésus prépara son retrait ultérieur de toute participation active aux affaires familiales. Quand Jacques eut deux années d'expériences comme chef de famille, Joseph fut chargé de gérer les fonds de la maisonnée, et la direction générale du foyer lui fut confiée. Le mariage de Jacques eut lieu deux ans plus tard.

128.3  La Vingt-troisième Année (An 17)

128:3.1 Cette année-là, les embarras financiers de la famille furent un peu moindres, du fait que les ainés étaient quatre à travailler. Miriam faisait de bons profits sur la vente du lait et du beurre ; Marthe était devenue une habile tisseuse. Plus du tiers du prix d'achat de l'atelier de réparations avait été payé. La situation était telle que Jésus s'arrêta de travailler pendant trois semaines afin d'emmener Simon à Jérusalem pour la Pâque. Jamais encore, depuis la mort de son père, il n'avait pu quitter aussi longtemps son labeur quotidien.

128:3.2 Ils se rendirent à Jérusalem par la Décapole et traversèrent Pella, Gérasa, Philadelphie, Hesbon et Jéricho. Ils revinrent à Nazareth par la route côtière ; ils passèrent par Lydda, Joppé, Césarée, contournèrent le mont Carmel et allèrent de là à Nazareth par Ptolémaïs. Ce voyage permit à Jésus de connaître assez bien la Palestine au nord du district de Jérusalem.

128:3.3 À Philadelphie, Jésus et Simon firent la connaissance d'un marchand de Damas qui se prit d'une telle amitié pour les deux frères de Nazareth qu'il les pressa de s'arrêter chez lui au siège de son entreprise à Jérusalem. Pendant que Simon participait au service au temple, Jésus passa beaucoup de temps à causer avec cet homme d'affaires internationales bien éduqué et grand voyageur. Le marchand possédait plus de quatre-mille chameaux de caravanes ; il avait des intérêts dans tout le monde romain, et maintenant il était en route pour Rome. Il proposa à Jésus de venir à Damas pour entrer dans son affaire d'importations d'Orient, mais Jésus expliqua qu'il ne se sentait pas en droit de s'éloigner autant de sa famille pour le moment. Sur le chemin du retour, il pensa beaucoup à ces villes éloignées et aux pays encore plus lointains d'Extrême-Occident et d'Extrême-Orient, pays dont il avait si souvent entendu parler par les voyageurs et conducteurs de caravanes.

128:3.4 Simon fut très heureux de sa visite à Jérusalem. Il fut dument admis à la communauté d'Israël lors de la consécration pascale des nouveaux fils du commandement. Tandis que Simon assistait aux cérémonies de la Pâque, Jésus se mêla à la foule des visiteurs et engagea beaucoup d'entretiens personnels et intéressants avec de nombreux Gentils prosélytes.

128:3.5 Le plus remarquable de ces contacts fut peut-être avec un jeune Grec nommé Étienne. Ce jeune homme venait, pour la première fois, à Jérusalem et rencontra par hasard Jésus le jeudi après-midi de la semaine de la Pâque. Tandis que tous deux se promenaient en visitant le palais d'Asmonée, Jésus entama fortuitement une conversation qui eut pour effet de les attirer l'un vers l'autre et aboutit à quatre heures de discussions sur la manière de vivre et sur le vrai Dieu et son culte. Étienne fut prodigieusement intéressé par ce que Jésus lui dit et n'oublia jamais ses paroles.

128:3.6 Ce fut ce même Étienne qui devint par la suite un croyant aux enseignements de Jésus et dont la témérité, en prêchant cet évangile des premiers temps, eut pour résultat de le faire lapider à mort par des Juifs courroucés. Une partie de l'extraordinaire audace d'Étienne en proclamant son opinion sur le nouvel évangile provenait directement de ce premier entretien avec Jésus. Mais Étienne n'eut jamais le moindre soupçon que le Galiléen auquel il avait parlé, une quinzaine d'années auparavant, était précisément le même homme que, plus tard, il proclama Sauveur du monde et pour lequel il devait si tôt mourir, devenant ainsi le premier martyr de la nouvelle foi chrétienne naissante. Quand Étienne donna sa vie comme prix de son attaque contre le temple juif et contre ses pratiques traditionnelles, un nommé Saul, citoyen de Tarse, se trouvait là. Quand Saul vit comment le Grec pouvait mourir pour sa foi, cela suscita dans son coeur des sentiments qui l'amenèrent finalement à épouser la cause pour laquelle Étienne était mort. Plus tard, Saul devint le dynamique et indomptable Paul, le philosophe, sinon le seul fondateur, de la religion chrétienne.

128:3.7 Le dimanche après la semaine de la Pâque, Simon et Jésus repartirent pour Nazareth. Simon n'oublia jamais ce que Jésus lui apprit au cours de ce voyage. Il avait toujours aimé Jésus, mais maintenant il sentait qu'il commençait à connaître son frère-père. Ils eurent beaucoup de conversations à coeur ouvert pendant qu'ils traversaient le pays et préparaient leurs repas au bord de la route. Ils arrivèrent à la maison le jeudi à midi, et Simon tint sa famille éveillée tard ce soir-là en racontant ses expériences.

128:3.8 Marie fut bouleversée quand Simon lui rapporta que Jésus avait passé la majeure partie de son temps à Jérusalem « à converser avec les étrangers, spécialement avec ceux des pays lointains » . La famille de Jésus ne put jamais comprendre le grand intérêt qu'il portait aux gens, son besoin de s'entretenir avec eux, de connaître leur mode de vie et de découvrir ce qu'ils pensaient.

128:3.9 La famille de Nazareth était de plus en plus absorbée par ses problèmes immédiats et humains. On ne faisait pas fréquemment allusion à la future mission de Jésus, et lui-même parlait très rarement de son avenir. Sa mère ne se remémorait pas souvent qu'il était un enfant de la promesse. Elle abandonnait lentement l'idée que Jésus devait remplir sur terre une mission divine. Mais sa foi était ravivée par moments quand elle se rappelait la visitation de Gabriel avant la naissance de l'enfant.

128.4  L'Épisode de Damas

128:4.1 Jésus passa les quatre derniers mois de cette année à Damas, comme hôte du marchand qu'il avait rencontré, pour la première fois, à Philadelphie en allant à Jérusalem. Un délégué de ce marchand avait cherché et trouvé Jésus en passant par Nazareth, et l'avait accompagné jusqu'à Damas. Ce marchand, qui avait du sang juif, offrit de consacrer une énorme somme d'argent à établir une école de philosophie religieuse à Damas. Il projetait de créer un centre d'études qui surpasserait Alexandrie. Il proposa à Jésus de commencer immédiatement une grande tournée préalable des centres pédagogiques mondiaux pour se préparer à prendre la direction de ce nouveau projet. Ce fut l'une des plus grandes tentations auxquelles Jésus dut jamais faire face au cours de sa carrière purement humaine.

128:4.2 Bientôt, le marchand amena devant Jésus un groupe de douze marchands et banquiers qui acceptaient de financer cette école récemment projetée. Jésus manifesta un profond intérêt pour l'école proposée et les aida à faire les plans de son organisation, mais exprima toujours la crainte que ses autres obligations antérieures (qu'il passa sous silence) ne lui permettent pas d'accepter la direction d'une entreprise aussi ambitieuse. Celui qui aurait voulu être son bienfaiteur insista et employa profitablement Jésus, chez lui, à faire quelques traductions, tandis que lui, sa femme, ses fils et ses filles essayaient d'amener Jésus à accepter l'honneur qu'on lui offrait. Mais il ne voulut pas y consentir. Il savait très bien que sa mission sur terre ne devait pas être soutenue par des établissements d'enseignement ; il savait qu'il ne devait pas s'astreindre, le moins du monde, à être dirigé par des « conseils d'hommes » , si bien intentionnés qu'ils fussent.

128:4.3 Lui, qui fut rejeté par les chefs religieux de Jérusalem, même après avoir démontré son autorité, fut reconnu et salué comme un maitre instructeur par les hommes d'affaires et les banquiers de Damas, et tout cela alors qu'il était un charpentier nazaréen obscur et inconnu.

128:4.4 Il ne parla jamais de cette offre à sa famille, et la fin de l'année le retrouva à Nazareth, vaquant à ses devoirs quotidiens tout comme s'il n'avait jamais été tenté par les propositions flatteuses de ses amis de Damas. Ceux-ci non plus ne firent jamais le rapprochement entre le futur citoyen de Capharnaüm qui mit sens dessus dessous toute la société juive, et l'ancien charpentier de Nazareth qui avait osé refuser l'honneur que leurs richesses conjuguées auraient pu lui procurer.

128:4.5 Jésus s'arrangea très habilement et intentionnellement pour isoler divers épisodes de sa vie, afin qu'aux yeux du monde, ils ne soient pas associés et pris pour les actes d'un seul et même individu. Au cours des années qui suivirent, il entendit maintes fois raconter l'histoire du singulier Galiléen qui déclina l'offre de fonder à Damas une école concurrente d'Alexandrie.

128:4.6 Un des buts que Jésus considérait en cherchant à isoler certaines particularités de son expérience terrestre était d'éviter que ne s'échafaude l'histoire d'une vie si variée et spectaculaire que les futures générations seraient amenées à vénérer le maitre au lieu de se plier à la vérité qu'il avait vécue et enseignée. Jésus ne désirait pas détourner l'attention de son enseignement par le curriculum de sa vie humaine. Il reconnut très tôt que ses disciples seraient tentés de fonder une religion à son sujet, laquelle risquerait de concurrencer l'évangile du royaume qu'il avait l'intention de proclamer au monde. En conséquence et pendant toute sa carrière mouvementée, il chercha avec persistance à supprimer tout ce qui, à son avis, était susceptible de renforcer la tendance humaine naturelle à exalter le maitre au lieu de proclamer ses enseignements.

128:4.7 Le même motif explique aussi pourquoi il permit qu'on l'appelât de divers noms à différentes époques de sa vie terrestre si variée. En outre, il ne voulait influencer ni sa famille ni d'autres personnes par une pression indue qui pourrait les inciter à croire en lui à l'encontre de leurs convictions intimes. Il refusa toujours de tirer abusivement ou injustement avantage du mental humain. Il ne voulait pas que les hommes croient en lui, à moins que leur coeur ne soit sensible aux réalités spirituelles révélées dans ses enseignements.

128:4.8 À la fin de cette année, le foyer de Nazareth fonctionnait sans trop de heurts. Les enfants grandissaient et Marie s'habituait à l'absence de Jésus du foyer. Il continuait à envoyer son salaire à Jacques pour soutenir la famille et n'en conservait qu'une petite partie pour ses dépenses personnelles immédiates.

128:4.9 À mesure que les années s'écoulaient, il devenait plus difficile de comprendre que cet homme était un Fils de Dieu sur terre. Il ressemblait tout à fait à un habitant ordinaire du royaume, simplement un autre homme parmi les hommes. Et c'est précisément de cette façon que le Père qui est aux cieux avait ordonné que l'effusion se déroulât.

128.5  La Vingt-quatrième Année (An 18)

128:5.1 Ce fut la première année où Jésus fut relativement libéré de ses responsabilités familiales. Jacques réussissait très bien à gérer la maison, aidé par les conseils et l'argent de Jésus.

128:5.2 La semaine après la Pâque de cette année, un jeune homme vint d'Alexandrie à Nazareth pour organiser, dans le courant de l'année, une rencontre entre Jésus et un groupe de Juifs d'Alexandrie en un point de la côte de Palestine. Le milieu de juin fut choisi pour date de cette conférence, et Jésus se rendit à Césarée pour y rencontrer cinq Juifs éminents d'Alexandrie qui le supplièrent de s'établir dans leur ville comme éducateur religieux. Pour l'inciter à accepter, ils lui offrirent, pour commencer, le poste d'assistant du chazan dans leur principale synagogue.

128:5.3 Les porte-paroles de ce comité expliquèrent à Jésus qu'Alexandrie était destinée à devenir le centre principal de la culture juive pour le monde entier, et que la tendance helléniste des affaires juives avait en fait dépassé l'école de pensée babylonienne. Ils rappelèrent à Jésus les inquiétants grondements de rébellion à Jérusalem et dans toute la Palestine, et l'assurèrent que tout soulèvement des Juifs palestiniens équivaudrait à un suicide national, que la main de fer de Rome écraserait la rébellion en trois mois, que Jérusalem serait détruite et le temple démoli au point qu'il n'en resterait pas pierre sur pierre.

128:5.4 Jésus écouta tout ce qu'ils avaient à dire et les remercia de leur confiance, et, en déclinant leur offre d'aller à Alexandrie, il leur dit en substance : « Mon heure n'est pas encore venue. » Ils furent confondus par son apparente indifférence à l'honneur qu'ils avaient pensé lui conférer. Avant de prendre congé de Jésus, ils lui offrirent une bourse comme marque d'estime de ses amis d'Alexandrie et comme compensation pour le temps et les dépenses de sa venue à Césarée pour conférer avec eux. Mais il refusa également l'argent en disant : « La maison de Joseph n'a jamais reçu l'aumône, et nous ne pouvons manger le pain d'autrui tant que j'ai de bons bras et que mes frères peuvent travailler. »

128:5.5 Ses amis d'Égypte firent voile pour rentrer chez eux. Quelques années plus tard, quand ils entendirent parler du constructeur de bateaux de Capharnaüm qui créait un tel ébranlement en Palestine, peu d'entre eux soupçonnèrent qu'il était le bébé de Bethléem devenu adulte, et le même Galiléen au comportement étrange qui avait décliné d'une manière si désinvolte leur invitation à devenir un grand maitre à Alexandrie.

128:5.6 Jésus retourna à Nazareth. Le reste de l'année fut le semestre le moins mouvementé de toute sa carrière. Il fut heureux de ce répit temporaire dans le programme habituel des problèmes à résoudre et des difficultés à vaincre. Il communia beaucoup avec son Père qui est aux cieux et fit d'immenses progrès dans la maitrise de son mental humain.

128:5.7 Mais les affaires des hommes dans les mondes du temps et de l'espace ne se passent pas longtemps sans heurts. En décembre, Jacques eut une conversation privée avec Jésus, expliquant qu'il était fort épris d'Esta, une jeune fille de Nazareth, et que tous deux souhaitaient se marier bientôt si cela pouvait s'arranger. Il attira l'attention sur le fait que Joseph allait prochainement avoir dix-huit ans et que cela serait pour lui une bonne expérience d'avoir l'occasion de servir comme remplaçant du chef de famille. Jésus consentit à ce que Jacques se marie deux ans plus tard, pourvu qu'entre-temps il ait convenablement entrainé Joseph à assurer la direction du foyer.

128:5.8 Ensuite les évènements se précipitèrent - le mariage était dans l'air. Le succès de Jacques obtenant le consentement de Jésus à son mariage enhardit Miriam à entretenir son frère-père de ses projets. Jacob, le jeune maçon qui s'était jadis fait le champion de Jésus et qui était maintenant associé aux affaires de Jacques et de Joseph, avait depuis longtemps cherché à obtenir la main de Miriam. Après qu'elle eut exposé ses plans, Jésus commanda que Jacob vienne le voir et lui demande officiellement la main de Miriam. Il promit sa bénédiction à leur mariage aussitôt que Miriam jugerait Marthe capable d'assumer les devoirs d'une soeur ainée.

128:5.9 Quand Jésus était à la maison, il continuait à faire le cours du soir à l'école trois fois par semaine, lisait souvent les Écritures à la synagogue le jour du sabbat, s'entretenait avec sa mère, enseignait les enfants et, en général, se conduisait comme un digne et respecté citoyen de Nazareth dans la communauté d'Israël.

128.6  La Vingt-cinquième Année (An 19)

128:6.1 Cette année commença avec toute la famille de Nazareth en bonne santé et vit la fin des scolarités régulières de tous les enfants, à l'exception de certains travaux que Marthe devait faire pour Ruth.

128:6.2 Jésus était l'un des spécimens humains les plus robustes et les plus raffinés qui fussent apparus sur terre depuis l'époque d'Adam. Son développement physique était superbe, son mental était actif, aigu, pénétrant - comparé à la mentalité moyenne de ses contemporains, il avait atteint des proportions gigantesques - et son esprit était en vérité humainement divin.

128:6.3 L'état des finances de la famille était le meilleur qu'ils eussent connu depuis la liquidation des propriétés de Joseph. Les dernières annuités avaient été payées pour l'atelier de réparations du caravansérail ; ils n'avaient plus aucune dette et, pour la première fois depuis des années, ils avaient quelque argent devant eux. Dans ces conditions, et puisqu'il avait emmené ses autres frères à Jérusalem pour célébrer leur première Pâque, Jésus décida d'accompagner Jude (qui venait de terminer ses études à l'école de la synagogue) pour sa première visite au temple.

128:6.4 Ils se rendirent à Jérusalem par la vallée du Jourdain et revinrent par la même route, parce que Jésus redoutait quelque ennui s'il faisait traverser la Samarie à son jeune frère. Déjà, à Nazareth, Jude s'était plusieurs fois trouvé quelque peu en difficulté à cause de son naturel irréfléchi joint à ses violents sentiments patriotiques.

128:6.5 Ils arrivèrent à Jérusalem en temps utile et se trouvaient en chemin pour leur première visite au temple, dont la seule vue avait remué et passionné Jude jusqu'au plus profond de son âme, quand ils rencontrèrent, par hasard, Lazare de Béthanie. Tandis que Jésus causait avec Lazare et cherchait à arranger une célébration de la Pâque en commun, Jude fit naître un incident très sérieux pour eux tous. À proximité d'eux se tenait un garde romain qui tint quelques propos incorrects sur une jeune fille juive qui passait. Jude éclata d'une fougueuse indignation et ne fut pas long à exprimer, directement et à portée d'oreille du soldat, son ressentiment pour une telle inconvenance. Or, les légionnaires romains étaient très sensibles à tout ce qui frisait l'irrévérence chez les Juifs. Le garde mit donc immédiatement Jude en état d'arrestation. C'en était trop pour le jeune patriote et, avant que Jésus ait pu le mettre en garde par un coup d'oeil avertisseur, il s'était soulagé par une volubile énonciation de ses sentiments antiromains refoulés, ce qui fit simplement tout aller de mal en pis. Jude, avec Jésus à ses côtés, fut aussitôt conduit à la prison militaire.

128:6.6 Jésus essaya d'obtenir soit un interrogatoire immédiat pour Jude, soit sa libération en temps voulu pour célébrer la Pâque ce soir-là, mais il échoua dans ces tentatives. Puisque le lendemain était un jour de « sainte assemblée » à Jérusalem, même les Romains ne se risquaient pas à écouter des accusations contre un Juif. En conséquence, Jude resta incarcéré jusqu'au surlendemain matin de son arrestation et Jésus resta à la prison avec lui. Ils ne furent pas présents dans le temple à la cérémonie où l'on recevait les fils de la loi dans la pleine citoyenneté d'Israël. Jude ne passa par cette cérémonie officielle que plusieurs années après, lors de son séjour suivant à Jérusalem pendant une Pâque et en liaison avec son travail de propagande pour le compte des Zélotes, l'organisation patriotique à laquelle il appartenait et dans laquelle il était très actif.

128:6.7 Le matin qui suivit leur second jour en prison, Jésus se présenta devant le magistrat militaire pour le compte de Jude. En offrant des excuses pour la jeunesse de son frère et en donnant des éclaircissements complémentaires, mais judicieux, se rapportant à la nature provocatrice de l'incident qui avait motivé l'arrestation de son frère, Jésus mena l'affaire de telle sorte que le magistrat exprima l'opinion que le jeune Juif pouvait avoir quelque excuse valable pour son violent éclat. Après avoir averti Jude de ne plus oser se rendre coupable d'une pareille témérité, le magistrat dit à Jésus en les congédiant : « Tu ferais bien d'avoir l'oeil sur le garçon, il est capable d'attirer beaucoup d'ennuis sur vous tous » . Le juge romain disait vrai. Jude causa beaucoup d'ennuis à Jésus, et les ennuis étaient toujours de même nature - échauffourées avec les autorités civiles à cause de ses éclats patriotiques inconsidérés et maladroits.

128:6.8 Jésus et Jude rentrèrent à Béthanie pour la nuit, expliquèrent pourquoi ils avaient manqué leur rendez-vous pour le souper de la Pâque et repartirent le lendemain pour Nazareth. Jésus ne parla pas à la famille de l'arrestation de son jeune frère à Jérusalem, mais, trois semaines après leur retour, il eut un long entretien avec Jude au sujet de cet incident. Après cette conversation avec Jésus, Jude raconta lui-même l'histoire à la famille. Il n'oublia jamais la patience et l'indulgence que son frère-père avait témoignées durant toute cette rude épreuve.

128:6.9 Ce fut la dernière Pâque à laquelle Jésus se rendit avec un membre de sa propre famille. De plus en plus, le Fils de l'Homme allait relâcher les liens étroits qui l'unissaient à ceux de sa chair et de son sang.

128:6.10 Cette année-là, ses périodes de profonde méditation furent souvent interrompues par l'intrusion de Ruth et ses camarades de jeux. Jésus était toujours prêt à remettre à plus tard ses réflexions sur son futur travail pour le monde et l'univers afin de partager la joie enfantine et l'allégresse de ces jeunes, qui ne se lassaient pas de l'entendre raconter les aventures de ses divers voyages à Jérusalem. Ils aimaient aussi beaucoup ses histoires sur les animaux et la nature.

128:6.11 Les enfants étaient toujours bienvenus à l'atelier de réparations. Jésus mettait du sable, des blocs de bois et des cailloux à côté de l'atelier, et des bandes de gosses accouraient là pour s'amuser. Quand ils étaient fatigués de leurs jeux, les plus intrépides venaient jeter un coup d'oeil dans l'atelier et, si le patron n'était pas trop occupé, ils s'enhardissaient à entrer en disant : « Oncle Joshua, sors et raconte-nous une grande histoire. » Alors ils le faisaient sortir en le tiraillant par la main jusqu'à ce qu'il soit assis sur sa pierre favorite près de l'angle de l'atelier, avec les enfants assis par terre en demi-cercle autour de lui. Combien ce petit monde s'amusait avec l'oncle Joshua ! Ils apprenaient à rire, et à rire de bon coeur. Un ou deux des plus petits avaient l'habitude de grimper sur les genoux de Jésus et de s'y assoir en suivant d'un regard admiratif les expressions de son visage pendant qu'il racontait ses histoires. Les enfants aimaient Jésus, et Jésus aimait les enfants.

128:6.12 Il était difficile à ses amis de comprendre l'étendue de ses activités intellectuelles et la manière dont il pouvait si soudainement et si complètement passer des profondes discussions sur la politique, la philosophie et la religion à l'enjouement et à la joyeuse gaieté de ces bambins de cinq à dix ans. Au fur et à mesure que ses propres frères et soeurs grandissaient, il avait plus de loisirs et, avant la venue au monde de la troisième génération, il prêtait une grande attention à ces tout-petits. Mais il ne vécut pas assez longtemps sur terre pour profiter beaucoup de ses neveux-petits-enfants.

128.7  La Vingt-sixième Année (An 20)

128:7.1 Au commencement de cette année, Jésus de Nazareth devint profondément conscient de posséder un pouvoir potentiel très étendu. Il était également tout à fait persuadé que ce pouvoir ne devait pas être employé par sa personnalité en tant que Fils de l'Homme, tout au moins avant que son heure ne fût venue.

128:7.2 À cette époque, il réfléchissait beaucoup sur ses relations avec son Père qui est aux cieux, mais en parlait peu. La conclusion de toutes ces réflexions fut exprimée une fois dans sa prière sur la montagne quand il dit : « Indépendamment de qui je suis, ni du pouvoir que je puis ou non exercer, j'ai toujours été et serai toujours soumis à la volonté de mon Père du Paradis. » Et cependant, tandis que cet homme circulait dans Nazareth pour aller à son travail et en revenir, il était littéralement vrai - en ce qui concernait un vaste univers - que « en lui étaient cachés tous les trésors de sagesse et de connaissance » .

128:7.3 Durant toute l'année, les affaires de la famille allèrent bien, sauf pour Jude. Pendant des années, Jacques eut des ennuis avec son plus jeune frère qui n'était pas enclin à se mettre à travailler et sur qui l'on ne pouvait pas compter pour participer aux dépenses de la maison. Il vivait au foyer, mais il mettait peu de conscience à gagner sa part de salaire pour le budget familial.

128:7.4 Jésus était un homme de paix et, de temps en temps, il était très embarrassé par les exploits belliqueux et les nombreux éclats patriotiques de Jude. Jacques et Joseph étaient d'avis de le mettre à la porte, mais Jésus ne voulut pas y consentir. Quand leur patience avait été rudement mise à l'épreuve, Jésus se bornait à conseiller : « Soyez patients, soyez sages dans vos conseils et éloquents dans votre vie, pour que votre jeune frère puisse d'abord connaître le meilleur chemin et ensuite être contraint de vous y suivre. » Le conseil sage et affectueux de Jésus évita une rupture familiale. Ils restèrent unis, mais Jude ne fut ramené à la raison qu'après son mariage.

128:7.5 Marie parlait rarement de la future mission de Jésus. Chaque fois que l'on faisait allusion à ce sujet, Jésus répondait seulement : « Mon heure n'est pas encore venue. » Jésus avait presque achevé la tâche difficile de sevrer sa famille pour qu'elle ne dépende plus de la présence immédiate de sa personnalité. Il se préparait rapidement au jour où il pourrait logiquement quitter la maison de Nazareth et commencer le prélude plus actif de son véritable ministère auprès des hommes.

128:7.6 Ne perdez jamais de vue le fait que la première mission essentielle de Jésus dans sa septième effusion était d'acquérir l'expérience de la créature, aboutissant à la souveraineté sur Nébadon. En recueillant les éléments de cette expérience, il faisait, à Urantia et à tout l'univers local, la révélation suprême du Père du Paradis. Accessoirement à ces desseins, il entreprit aussi de démêler les affaires compliquées d'Urantia dans leurs rapports avec la rébellion de Lucifer.

128:7.7 Cette année-là, Jésus eut plus de loisirs que d'ordinaire ; il consacra beaucoup de temps à apprendre à Jacques à gérer l'atelier de réparations et à Joseph à diriger les affaires de la maison. Marie pressentait qu'il se préparait à les quitter. Les quitter pour aller où ? Pour faire quoi ? Elle avait à peu près abandonné l'idée que Jésus était le Messie. Elle ne pouvait pas le comprendre, elle ne pouvait simplement pas sonder le mystère de son fils ainé.

128:7.8 Jésus passa, cette année, une grande partie de son temps, individuellement, avec les divers membres de sa famille. Il les emmenait pour de longues et fréquentes promenades dans les collines ou à travers la campagne. Avant la moisson, il emmena Jude au sud de Nazareth chez son oncle fermier, mais Jude n'y resta pas longtemps après la récolte. Il s'enfuit, et Simon le retrouva plus tard au bord du lac avec les pêcheurs. Quand Simon le ramena à la maison, Jésus fit un tour d'horizon avec le fugueur et, puisqu'il voulait être pêcheur, il alla avec lui à Magdala et le confia à un parent, pêcheur de profession. Jude travailla assez bien et régulièrement avec lui depuis ce moment-là, et continua le métier de pêcheur après son mariage.

128:7.9 Enfin, le jour était arrivé où tous les frères de Jésus avaient choisi leur carrière et s'y étaient établis. Tout se mettait en place pour le départ de Jésus de la maison.

128:7.10 En novembre eut lieu un double mariage. Jacques épousa Esta et Miriam épousa Jacob. Ce fut vraiment une joyeuse occasion. Marie elle-même était de nouveau heureuse, sauf de temps en temps quand elle se rendait compte que Jésus se préparait à partir. Elle souffrait sous le poids d'une grande incertitude. Si seulement Jésus voulait s'assoir et parler franchement de tout cela avec elle comme au temps où il était un jeune garçon ! Mais il demeurait peu communicatif et gardait un profond silence sur l'avenir.

128:7.11 Jacques et Esta son épouse s'installèrent dans une coquette petite maison de la partie ouest de la ville, cadeau du père de la jeune femme. Jacques continua à soutenir le foyer de sa mère, mais sa quote-part fut réduite de moitié à cause de son mariage. Joseph fut officiellement installé par Jésus comme chef de famille, Jude envoyait maintenant fidèlement sa contribution mensuelle à la maison. Les mariages de Jacques et de Miriam eurent sur Jude une influence très heureuse ; quand il repartit pour la pêcherie, le lendemain du double mariage, il assura à Joseph qu'il pouvait compter sur lui « pour faire tout mon devoir et davantage si besoin » . Et il tint sa promesse.

128:7.12 Miriam vivait dans la maison de Jacob, contiguë à celle de Marie, car Jacob père avait été enseveli avec ses ancêtres. À la maison, Marthe prit la place de Miriam, et la nouvelle organisation fonctionna sans heurts dès avant la fin de l'année.

128:7.13 Le lendemain de ce double mariage, Jésus eut un entretien important avec Jacques. Il lui raconta en confidence qu'il se préparait à quitter la maison. Il fit don à Jacques de la pleine propriété de l'atelier de réparations. Il abdiqua officiellement et solennellement sa position de chef de la famille de Joseph, et il établit, de la manière la plus touchante, son frère Jacques comme « chef et protecteur de la maison de mon père » . Il rédigea un accord secret avec Jacques, qu'ils signèrent tous les deux et dans lequel il était stipulé qu'en compensation du don de l'atelier de réparations, Jacques assumerait désormais l'entière responsabilité financière de la famille et déchargerait ainsi Jésus de toute obligation ultérieure en ces matières. Après avoir signé le contrat et arrangé le budget de telle sorte que la famille puisse réellement faire face à ses dépenses sans aucune contribution de Jésus, ce dernier dit à Jacques : « Mon fils, je continuerai cependant à t'envoyer quelque chose chaque mois jusqu'à ce que mon heure soit venue, mais tu emploieras ce que je t'enverrai selon les nécessités du moment. Dépense mes fonds pour les besoins ou les plaisirs de la famille comme tu le jugeras bon. Utilise-les en cas de maladie ou pour faire face aux incidents imprévus qui pourraient survenir à un membre quelconque de la famille. »

128:7.14 C'est ainsi que Jésus se prépara à aborder la deuxième phase de sa vie d'adulte où, détaché des siens, il n'a pas encore commencé à s'occuper publiquement des affaires de son Père.

129. Suite de la Vie d'Adulte de Jésus

129:0.1 JÉSUS avait complètement et définitivement pris ses distances vis-à-vis de la gestion des affaires domestiques de la famille de Nazareth et de la direction immédiate de ses membres. Il persista, jusqu'à son baptême, à contribuer aux finances familiales et à prendre un vif intérêt personnel au bien-être spirituel de chacun de ses frères et soeurs. Il était toujours prêt à faire tout ce qui était humainement possible pour l'agrément et le bonheur de sa mère devenue veuve.

129:0.2 Le Fils de l'Homme avait maintenant tout préparé pour se détacher d'une façon définitive du foyer de Nazareth, et ceci ne lui était pas chose facile. Jésus aimait naturellement son entourage, il aimait sa famille, et cette affection naturelle avait été immensément accrue par son extraordinaire dévouement envers elle. Plus nous nous donnons à nos compagnons, plus nous en venons à les aimer ; et, puisque Jésus s'était si complètement donné aux siens, il les aimait d'une grande et fervente affection.

129:0.3 Toute la famille avait peu à peu pressenti que Jésus prenait des dispositions pour la quitter. La tristesse de la séparation envisagée n'était atténuée que par cette manière graduelle de les préparer à l'annonce de son intention de partir. Pendant plus de quatre ans, ils perçurent qu'il projetait cette séparation finale.

129.1  La Vingt-septième Année (An 21)

129:1.1 Au mois de janvier de l'an 21, par une pluvieuse matinée de dimanche, Jésus prit discrètement congé des membres de sa famille, expliquant seulement qu'il allait à Tibériade et, de là, visiter d'autres villes proches de la mer de Galilée. C'est ainsi qu'il les quitta, et jamais plus il ne fut un membre régulier de ce foyer.

129:1.2 Il passa une semaine à Tibériade, la nouvelle ville qui devait bientôt succéder à Sepphoris comme capitale de la Galilée. Trouvant peu de choses qui puisse l'intéresser, il passa successivement par Magdala et Bethsaïde pour aller à Capharnaüm, où il s'arrêta pour rendre visite à Zébédée, l'ami de son père. Les fils de Zébédée étaient pêcheurs ; il était lui-même constructeur de bateaux. Jésus de Nazareth était un expert aussi bien dans la création de modèles que dans leur construction ; il était passé maitre dans le travail du bois, et Zébédée connaissait de longue date l'habileté de l'artisan de Nazareth. Depuis longtemps, Zébédée avait envisagé de faire de meilleurs bateaux ; il exposa ses projets à Jésus et invita le charpentier visiteur à se joindre à lui dans l'entreprise. Jésus y consentit volontiers.

129:1.3 Jésus ne travailla avec Zébédée qu'un peu plus d'un an, mais pendant ce temps-là il créa un nouveau type de bateau et mit sur pied des méthodes entièrement nouvelles pour en construire. Par une technique supérieure et une grande amélioration dans les procédés pour étuver les planches, Jésus et Zébédée commencèrent à construire des bateaux d'un type très supérieur, qui offraient beaucoup plus de sécurité que les anciens pour la navigation à voile sur le lac. Pendant plusieurs années, Zébédée eut plus de travail à produire ces bateaux d'un nouveau type que sa petite entreprise n'en pouvait fournir. En moins de cinq ans, pratiquement tous les bateaux naviguant sur le lac avaient été construits dans les chantiers de Zébédée à Capharnaüm. Jésus fut bientôt connu du peuple des pécheurs galiléens comme l'inventeur de ces nouveaux bateaux.

129:1.4 Zébédée était moyennement fortuné. Ses chantiers se trouvaient au bord du lac au sud de Capharnaüm, et sa maison était située sur la rive du lac près du centre de pêche de Bethsaïde. Jésus vécut dans la maison de Zébédée pendant son séjour de plus d'un an à Capharnaüm. Il avait longtemps travaillé seul dans le monde, c'est-à-dire sans père, et il apprécia beaucoup cette période de travail avec un partenaire paternel.

129:1.5 La femme de Zébédée, Salomé, était parente d'Annas, qui avait été grand-prêtre à Jérusalem et qui restait le membre le plus influent du groupe des sadducéens, car il avait été mis à la retraite depuis huit ans seulement. Salomé devint une grande admiratrice de Jésus. Elle l'aimait autant que ses propres fils Jacques, Jean et David, tandis que ses quatre filles le considéraient comme leur frère ainé. Jésus allait souvent pêcher avec Jacques, Jean et David qui constatèrent que Jésus était aussi expérimenté comme pêcheur qu'habile comme constructeur de bateaux.

129:1.6 Pendant toute cette année, Jésus envoya chaque mois de l'argent à son frère Jacques. Il revint à Nazareth en octobre pour assister au mariage de Marthe. Ensuite, il ne retourna plus à Nazareth pendant deux ans, jusqu'au double mariage de Simon et de Jude.

129:1.7 Durant toute cette année, Jésus construisit des bateaux et continua d'observer comment les hommes vivaient sur terre. Il allait fréquemment rendre visite au caravansérail, car la route directe de Damas vers le sud passait par Capharnaüm. La ville était un important poste militaire romain, et l'officier qui commandait la garnison était un Gentil croyant à Yahweh « un homme dévot » comme les Juifs avaient coutume de désigner ces prosélytes. Cet officier appartenait à une riche famille romaine, et il prit sur lui de bâtir une belle synagogue à Capharnaüm ; il l'avait offerte aux Juifs peu de temps avant que Jésus ne vint vivre chez Zébédée. Jésus dirigea les offices dans la nouvelle synagogue pendant plus de la moitié de cette année ; quelques caravaniers qui y assistèrent par hasard se rappelèrent qu'il était le charpentier de Nazareth.

129:1.8 Quand il s'agit de payer les impôts, Jésus s'inscrivit comme « artisan qualifié de Capharnaüm » . Depuis ce jour-là et jusqu'à la fin de sa vie terrestre, il fut connu comme un habitant de Capharnaüm. Il ne se prévalut jamais d'aucune autre résidence légale, bien que, pour diverses raisons, il ait permis à d'autres de le domicilier à Damas, à Béthanie, à Nazareth ou même à Alexandrie.

129:1.9 À la synagogue de Capharnaüm, il trouva beaucoup de nouveaux livres dans les coffres de la bibliothèque et passa au moins cinq soirées par semaine à des études intensives. Il consacrait une soirée à la vie sociale avec les adultes, et en passait une autre avec la jeunesse. Il y avait, dans la personnalité de Jésus, quelque chose d'affable et d'inspirant qui attirait invariablement les jeunes. Toujours, il les faisait se sentir à l'aise en sa présence. Son grand secret pour s'entendre avec eux tenait peut-être au double fait qu'il s'intéressait toujours à leurs occupations, tout en donnant rarement des conseils sans qu'on les lui ait demandés.

129:1.10 La famille de Zébédée avait presque de l'adoration pour Jésus ; elle ne manquait jamais d'écouter les causeries avec questions et réponses qu'il dirigeait chaque soir après le souper, avant de partir étudier à la synagogue. La jeunesse du voisinage venait fréquemment aussi assister à ces réunions d'après-souper. À ces petits groupes, Jésus donnait un enseignement varié et avancé, juste aussi avancé que le permettait leur compréhension. Il parlait tout à fait franchement avec eux, exposait ses idées et ses idéaux sur la politique, la sociologie, la science et la philosophie, mais jamais il ne prétendait parler avec une autorité finale, sauf quand il discutait de la religion - les rapports de l'homme avec Dieu.

129:1.11 Une fois par semaine, Jésus tenait une réunion avec toute la maisonnée, le personnel de l'atelier et celui des chantiers, car Zébédée avait beaucoup d'ouvriers, et ce fut parmi ces travailleurs que, pour la première fois, Jésus fut appelé « le Maitre » . Tout le monde l'aimait. Son travail à Capharnaüm avec Zébédée lui plaisait, mais la présence des enfants jouant à côté de l'atelier du charpentier de Nazareth lui manquait.

129:1.12 De tous les fils de Zébédée, c'était Jacques qui s'intéressait le plus à Jésus en tant qu'éducateur et philosophe. Jean préférait son enseignement et ses opinions sur la religion. David le respectait comme artisan, mais faisait peu de cas de ses vues religieuses et de ses enseignements philosophiques.

129:1.13 Jude venait fréquemment le jour du sabbat pour entendre Jésus parler à la synagogue et restait pour discuter avec lui. Plus Jude voyait son frère ainé, plus il se persuadait que Jésus était vraiment un grand homme.

129:1.14 Cette année-là, Jésus fit de grands progrès dans la maitrise ascendante de son mental humain et atteignit des niveaux élevés et nouveaux de contact conscient avec son Ajusteur de Pensée intérieur.

129:1.15 Ce fut sa dernière année de vie stable. Jamais plus Jésus ne resta une année entière au même endroit ou dans la même entreprise. Le moment de ses pèlerinages terrestres approchait rapidement. Des périodes d'activité intense n'étaient pas éloignées dans l'avenir, mais, entre sa vie simple et en même temps intensément active du passé et son ministère public encore plus actif et ardu, quelques années allaient maintenant s'intercaler où il voyagerait beaucoup et où son activité personnelle serait hautement diversifiée. Il lui fallait compléter sa formation en tant qu'homme du royaume avant de pouvoir aborder sa carrière d'enseignement et de prédication en tant qu'homme-Dieu accompli des phases divines et posthumaines de son effusion sur Urantia.

129.2  La Vingt-huitième Année (An 22)

129:2.1 En mars de l'an 22, Jésus prit congé de Zébédée et de Capharnaüm. Il demanda une petite somme d'argent pour couvrir ses frais de voyage jusqu'à Jérusalem. Pendant qu'il travaillait chez Zébédée, il n'avait prélevé sur son crédit que les faibles montants envoyés mensuellement à sa famille de Nazareth. Un mois, Joseph venait à Capharnaüm chercher l'argent, et le mois suivant, Jude passait par Capharnaüm pour prendre l'argent de Jésus et l'emporter à Nazareth. Le centre de pêche où Jude travaillait n'était qu'à quelques kilomètres au sud de Capharnaüm.

129:2.2 Quand Jésus quitta la famille de Zébédée, il fut d'accord pour rester à Jérusalem jusqu'à la Pâque, et eux promirent d'être tous présents à cet évènement. Ils convinrent même de célébrer ensemble le souper de la Pâque. Ils furent tous très attristés par le départ de Jésus, spécialement les filles de Zébédée.

129:2.3 Avant de quitter Capharnaüm, Jésus eut une longue conversation avec son nouvel ami et compagnon intime, Jean Zébédée. Il dit à Jean qu'il envisageait de beaucoup voyager jusqu'à ce que « mon heure soit venue » , et il demanda à Jean d'agir à sa place pour envoyer, chaque mois, un peu d'argent à la famille de Nazareth jusqu'à épuisement des fonds dont on lui restait redevable. Jean lui fit cette promesse : « Mon Maitre, vaque à tes affaires et fais ton travail dans ce monde. J'agirai pour toi en ceci comme en toute autre matière ; je veillerai sur ta famille comme si je devais entretenir ma propre mère et m'occuper de mes propres frères et soeurs. Je disposerai de ta créance sur mon père comme tu me l'as indiqué et selon les nécessités. Quand ton argent aura été dépensé, si je n'en reçois pas de toi et si ta mère est dans le besoin, alors je partagerai mes propres gains avec elle. Va ton chemin en paix. J'agirai à ta place en toutes ces affaires. »

129:2.4 Après le départ de Jésus pour Jérusalem, Jean consulta donc son père Zébédée au sujet de l'argent dû à Jésus et fut surpris que le montant en fût si élevé. Comme Jésus avait laissé l'affaire entièrement entre leurs mains, ils convinrent que le meilleur plan était d'investir ces fonds en immeubles et d'en employer le revenu à aider la famille de Nazareth. Zébédée connaissait une petite maison de Capharnaüm qui était hypothéquée et à vendre ; il recommanda à Jean de l'acheter avec l'argent de Jésus et de garder en dépôt le titre de propriété pour son ami. Jean fit ce que son père lui avait conseillé. Pendant deux ans, le revenu de la maison fut affecté à rembourser l'hypothèque. En y ajoutant une importante somme que Jésus envoya bientôt à Jean pour être employée aux besoins de la famille, ce fut presque suffisant pour couvrir le montant de l'achat. Zébédée fournit la différence, de sorte que Jean paya le restant de l'hypothèque à l'échéance, acquérant ainsi la pleine propriété de cette petite maison de deux pièces. De cette manière, Jésus devint propriétaire d'une maison à Capharnaüm, mais on ne le lui avait pas dit.

129:2.5 Quand la famille, à Nazareth, apprit que Jésus avait quitté Capharnaüm, et faute de connaître l'arrangement financier pris avec Jean, elle crut que le moment était venu pour elle de se tirer d'affaire sans plus compter sur l'aide de Jésus. Jacques se rappela son accord avec Jésus et, avec l'aide de ses frères, il assuma aussitôt la pleine responsabilité des charges de la famille.

129:2.6 Mais revenons maintenant en arrière pour observer Jésus à Jérusalem. Pendant près de deux mois, il passa la plus grande partie de son temps à écouter les discussions au temple et à faire des visites occasionnelles aux différentes écoles de rabbins. Il passa, à Béthanie, la plupart des jours de sabbat.

129:2.7 Jésus avait emporté avec lui, à Jérusalem, une lettre de la femme de Zébédée pour l'ancien grand-prêtre Annas, dans laquelle Salomé le présentait exactement comme « l'un de mes propres fils » . Annas lui consacra beaucoup de temps et l'emmena personnellement visiter les nombreuses académies des éducateurs religieux de Jérusalem. Alors que Jésus inspectait à fond ces écoles et observait soigneusement leurs méthodes d'enseignement, il ne posa pas la moindre question en public. Bien qu'Annas considérât Jésus comme un grand homme, il était perplexe pour le conseiller. Il reconnaissait qu'il serait stupide de lui suggérer d'entrer comme étudiant dans l'une des écoles de Jérusalem, et cependant il savait bien que l'on n'accorderait jamais à Jésus le statut officiel de docteur de la loi, faute d'avoir été formé dans ces écoles.

129:2.8 Le moment de la Pâque approchait et, parmi la foule venant de partout, Zébédée et toute sa famille arrivèrent de Capharnaüm à Jérusalem. Ils descendirent tous dans la spacieuse maison d'Annas où ils célébrèrent la Pâque comme une famille heureuse et unie.

129:2.9 Avant la fin de la semaine de la Pâque, et apparemment par hasard, Jésus rencontra un riche voyageur et son fils, un jeune homme d'environ dix-sept ans. Ces voyageurs venaient des Indes et, comme ils allaient visiter Rome et divers autres points de la Méditerranée, ils avaient combiné d'arriver à Jérusalem pendant la Pâque, espérant trouver quelqu'un qu'ils pourraient engager à la fois comme interprète pour eux deux et comme précepteur pour le fils. Le père insista pour que Jésus consentît à voyager avec eux. Jésus lui parla de sa famille et lui dit qu'il était bien délicat de partir au loin pour presque deux années pendant lesquelles les siens pourraient se trouver dans le besoin. Sur ce, le voyageur venu de l'Orient proposa d'avancer à Jésus le salaire d'une année afin qu'il puisse confier ces fonds à ses amis pour préserver sa famille de la gêne, et Jésus accepta de faire le voyage.

129:2.10 Jésus remit cette importante somme à Jean, le fils de Zébédée. Vous savez comment Jean employa cet argent pour liquider l'hypothèque sur la propriété de Capharnaüm. Jésus mit Zébédée entièrement dans la confidence de ce voyage méditerranéen, mais lui enjoignit de n'en parler à personne, pas même à ceux de sa chair et de son sang. Zébédée ne révéla jamais qu'il connaissait les lieux de séjour de Jésus durant cette longue période de presque deux ans. Avant que Jésus ne rentrât de ce voyage, la famille de Nazareth était sur le point de le considérer comme décédé. Seules les assurances de Zébédée, qui vint à Nazareth à plusieurs occasions avec son fils Jean, laissèrent vivre l'espoir dans le coeur de Marie.

129:2.11 Pendant ce temps, la famille de Nazareth se tirait très bien d'affaire. Jude avait considérablement augmenté sa quote-part et maintint, jusqu'à son mariage, cette contribution supplémentaire. Nonobstant le peu d'assistance dont ils avaient besoin, Jean Zébédée continua d'apporter, chaque mois, des cadeaux à Marie et à Ruth, selon les instructions de Jésus.

129.3  La Vingt-neuvième Année (An 23)

129:3.1 Toute la vingt-neuvième année de Jésus fut employée à compléter le tour du monde méditerranéen. Les principaux évènements de ce voyage, dans les limites où il nous est permis de révéler ces expériences, constituent le sujet des récits qui suivent immédiatement ceux du présent fascicule.

129:3.2 Pour diverses raisons, Jésus fut surnommé le scribe de Damas pendant tout ce périple dans le monde romain. Toutefois, à Corinthe et à d'autres escales du chemin de retour, on l'appela le précepteur juif.

129:3.3 Ce fut une période mouvementée dans la vie de Jésus. Durant le voyage, il prit de nombreux contacts avec ses semblables humains, mais cette expérience fut une phase de sa vie qu'il ne révéla jamais à aucun membre de sa famille, ni à aucun des apôtres. Jésus vécut jusqu'à la fin de son incarnation et quitta ce monde sans que personne (sauf Zébédée de Bethsaïde) ait jamais su qu'il avait fait ce grand périple. Quelques-uns de ses amis crurent qu'il était retourné à Damas ; d'autres pensèrent qu'il était parti pour les Indes. Les membres de sa famille inclinaient à croire qu'il était à Alexandrie parce qu'ils savaient qu'on l'avait une fois invité à s'y rendre pour devenir assistant du chazan.

129:3.4 Quand Jésus revint en Palestine, il ne fit rien pour changer l'opinion de sa famille ; celle-ci croyait qu'il avait quitté Jérusalem pour Alexandrie. Il les laissa continuer à croire qu'il avait passé dans cette ville d'éducation et de culture tout le temps où il avait été absent de Palestine. Seul Zébédée, le constructeur de bateaux de Bethsaïde, connaissait la vérité sur ces sujets, et Zébédée n'en parla à personne.

129:3.5 Dans tous vos efforts pour déchiffrer la signification de la vie de Jésus sur Urantia, il faut vous souvenir des motifs de l'effusion de Micaël. Si vous voulez comprendre le sens de beaucoup de ses agissements apparemment étranges, il faut discerner le but de son séjour sur votre planète. Jésus évita constamment et soigneusement d'échafauder une carrière personnelle fascinante et trop séduisante. Il ne voulait faire aucun appel insolite ou irrésistible à ses compagnons. Il était voué au travail de révéler le Père céleste à ses contemporains mortels, et se consacrait en même temps à la tâche sublime de vivre sa propre vie terrestre mortelle en restant constamment soumis à la volonté de ce même Père du Paradis.

129:3.6 Pour comprendre la vie de Jésus sur terre, il sera toujours utile, à tous les mortels qui étudient cette effusion divine, de se rappeler que, tout en vivant son incarnation sur Urantia, il la vivait pour son univers tout entier. Sa vie dans une chair de nature mortelle apporta individuellement quelque chose de spécial et d'inspirant à chacune des sphères habitées de tout l'univers de Nébadon. Cela est aussi vrai pour tous ces mondes qui sont devenus habitables depuis les temps mouvementés de son séjour sur Urantia. Et cette même chose sera également vraie pour tous les mondes qui seront habités par des créatures volitives dans toute l'histoire future de cet univers local.

129:3.7 Pendant la durée et grâce aux expériences de son voyage circulaire autour du monde romain, le Fils de l'Homme paracheva pratiquement son apprentissage éducatif par contact avec les peuples si divers du monde contemporain de sa génération. À l'époque de son retour à Nazareth, au moyen de cette éducation par le voyage, il avait pratiquement appris comment l'homme vivait et construisait son existence sur Urantia.

129:3.8 Le but réel de son périple autour du bassin de la Méditerranée était de connaître les hommes. Durant ce voyage, il fut en contact très étroit avec des centaines d'êtres humains. Il rencontra et aima toutes sortes d'hommes, riches et pauvres, puissants et misérables, noirs et blancs, instruits et illettrés, cultivés et ignorants, brutes et spiritualistes, religieux et irréligieux, moraux et immoraux.

129:3.9 Au cours de ce voyage méditerranéen, Jésus franchit de grandes étapes dans sa tâche humaine de dominer le mental matériel et mortel, et son Ajusteur intérieur progressa dans l'ascension et la conquête spirituelle de ce même intellect humain. À la fin de ce circuit, Jésus savait pratiquement - en toute certitude humaine - qu'il était un Fils de Dieu, un Fils Créateur du Père Universel. De plus en plus, son Ajusteur était capable de faire surgir dans le mental du Fils de l'Homme des souvenirs brumeux de son expérience paradisiaque quand il était en association avec son Père divin, bien avant même de partir organiser et administrer cet univers local de Nébadon. Ainsi, petit à petit, l'Ajusteur apporta dans la conscience humaine de Jésus les souvenirs nécessaires de son existence divine antérieure aux diverses époques d'un passé presque éternel. Le dernier épisode de son expérience préhumaine, mis en lumière par l'Ajusteur, fut son entretien d'adieu avec Emmanuel de Salvington, juste avant que Jésus ait fait l'abandon de sa personnalité consciente pour entreprendre son incarnation sur Urantia. L'image de ce dernier souvenir de son existence préhumaine apparut, dans toute sa clarté, dans la conscience de Jésus le jour même de son baptême par Jean dans le Jourdain.

129.4  Le Jésus Humain

129:4.1 Pour les intelligences célestes de l'univers local qui l'observaient, ce voyage méditerranéen fut la plus captivante des expériences terrestres de Jésus, ou du moins de toute sa carrière jusqu'au moment de sa crucifixion et la fin de sa vie mortelle. Ce fut la période fascinante de son ministère personnel, en contraste avec la période de son ministère public qui suivit bientôt. Cet épisode unique fut d'autant plus passionnant que Jésus était encore, à ce moment-là, le charpentier de Nazareth, le constructeur de bateaux de Capharnaüm, le scribe de Damas ; il était encore le Fils de l'Homme. Il n'avait pas encore conquis la maitrise complète de son mental humain ; l'Ajusteur n'avait pas pleinement maitrisé et formé la contrepartie de l'identité mortelle. Jésus était encore un homme parmi les hommes.

129:4.2 L'expérience religieuse purement humaine - la croissance spirituelle personnelle - du Fils de l'Homme atteignit presque l'apogée de l'accessible pendant cette année-là, l'année de ses vingt-neuf ans. Cette expérience de développement spirituel fut une progression régulièrement croissante, depuis le moment de l'arrivée de son Ajusteur de Pensée jusqu'au jour du parachèvement et de la confirmation des rapports humains naturels et normaux entre le mental matériel de l'homme et le don mental de l'esprit. Le phénomène de la fusion de ces deux facultés mentales en une seule fut une expérience que le Fils de l'Homme atteignit complètement et définitivement, en tant que mortel incarné du royaume, le jour de son baptême dans le Jourdain.

129:4.3 Durant toutes ces années, et sans paraître s'adonner à de nombreuses périodes de communion formelle avec son Père céleste, Jésus mit au point des méthodes de plus en plus efficaces pour communiquer personnellement avec la présence spirituelle intérieure du Père du Paradis. Il vécut une vie réelle, une vie pleine et une véritable vie incarnée, normale, naturelle et ordinaire. Il sait par expérience personnelle l'équivalence de l'actualité contenue dans la somme et la substance de la vie menée par les êtres humains sur les mondes matériels du temps et de l'espace.

129:4.4 Le Fils de l'Homme expérimenta la vaste gamme des émotions humaines qui s'étendent de la joie magnifique à la douleur profonde. Il était un enfant gai et un être d'une rare bonne humeur ; il était aussi « un homme de douleurs connaissant la souffrance » . Dans un sens spirituel, il traversa la vie terrestre du point le plus bas jusqu'au plus haut, du commencement jusqu'à la fin. D'un point de vue matériel, on pourrait croire qu'il évita de vivre les deux extrêmes sociaux de l'existence humaine, mais, au point de vue intellectuel, il se familiarisa pleinement avec l'expérience entière et complète de l'humanité.

129:4.5 Jésus connaît les pensées et les sentiments, les besoins et impulsions des mortels évolutionnaires et ascendants des royaumes, depuis leur naissance jusqu'à leur mort. Il a vécu la vie humaine depuis les débuts de la prise de conscience de soi sur les niveaux physiques, intellectuels et spirituels, en passant par la petite enfance, l'enfance, la jeunesse, la maturité et même jusqu'à l'expérience humaine de la mort. Non seulement il passa par ces périodes humaines et bien connues d'avancement intellectuel et spirituel, mais aussi il expérimenta pleinement ces phases supérieures et plus évoluées d'accord entre l'homme et son Ajusteur, auxquelles si peu de mortels d'Urantia parviennent jamais. Ainsi fit-il, dans sa plénitude, l'expérience de la vie des mortels, non seulement comme on la vit sur votre monde, mais aussi comme elle est vécue sur tous les autres mondes évolutionnaires du temps et de l'espace, même sur les plus élevés et les plus avancés des mondes ancrés dans la lumière et la vie.

129:4.6 Bien que la vie parfaite qu'il vécut dans la similitude d'une chair mortelle n'ait peut-être pas reçu l'approbation universelle et sans réserve de ses compagnons mortels, c'est-à-dire de ceux que le hasard a fait ses contemporains sur terre ; néanmoins, la vie incarnée de Jésus sur Urantia a été acceptée, pleinement et sans réserve par le Père Universel comme constituant, en un seul et même temps et dans une seule et même vie de personnalité, la plénitude de la révélation du Dieu éternel à l'homme mortel et la présentation d'une personnalité humaine rendue parfaite satisfaisant complètement le Créateur Infini.

129:4.7 C'était là son but véritable et suprême. Jésus n'est pas descendu pour vivre sur Urantia comme un exemple, parfait dans tous ses détails, pour n'importe quel enfant ou adulte, n'importe quel homme ou femme de cette époque ou de toute autre. En vérité, il est certain que, dans sa vie pleine, riche, belle et noble, nous pouvons tous trouver beaucoup d'éléments qui, pour nous, servent d'exemples exquis ou d'inspiration divine, mais cela tient à ce qu'il vécut une vie véritablement et authentiquement humaine. Jésus n'a pas vécu sa vie sur terre pour donner un exemple à copier par tous les autres êtres humains. Il vécut cette vie dans la chair par le même ministère de miséricorde que vous pouvez utiliser pour vivre vos vies sur terre. En vivant sa vie humaine à son époque et tel qu'il était, il nous a donné à tous l'exemple nous permettant de vivre la nôtre à notre époque et tels que nous sommes. Vous ne pouvez pas aspirer à vivre sa vie, mais vous pouvez décider de vivre votre vie comme il a vécu la sienne et par les mêmes moyens. Jésus ne constitue peut-être pas l'exemple, par la séquence des évènements et les détails objectifs de sa vie, pour tous les humains de tous les âges sur tous les royaumes de cet univers local, mais il est, pour toujours, l'inspiration et le guide de tous les pèlerins, pour le Paradis, venant des mondes initiaux d'ascension, et qui s'élèvent par l'univers des univers et par Havona jusqu'au Paradis. Jésus est le chemin nouveau et vivant allant de l'homme à Dieu, de l'inachevé au parfait, du terrestre au céleste, du temps à l'éternité.

129:4.8 À la fin de sa vingt-neuvième année, Jésus de Nazareth avait virtuellement fini de vivre la vie que l'on exige des mortels quand ils sont dans la chair. Il était venu sur terre étant la plénitude de Dieu telle qu'elle doit se manifester à l'homme. Il était presque devenu maintenant la perfection de l'homme attendant l'occasion de se manifester à Dieu, et il fit tout ceci avant ses trente ans.

130. Sur le Chemin de Rome

130:0.1 LE voyage autour du monde romain absorba la plus grande partie de la vingt-huitième année et toute la vingt-neuvième année de la vie terrestre de Jésus. Avec les deux natifs des Indes - Gonod et son fils Ganid - Jésus quitta Jérusalem le dimanche matin 26 avril de l'an 22. Ils accomplirent leur voyage selon le programme prévu, et Jésus fit ses adieux au père et au fils dans la ville de Charax, sur le golfe Persique, le 10 décembre de l'année suivante, l'an 23.

130:0.2 De Jérusalem, ils se rendirent à Césarée par Joppé. À Césarée, ils prirent un bateau pour Alexandrie. D'Alexandrie, ils s'embarquèrent pour Lasaïa en Crète. De Crète, ils firent voile pour Carthage avec escale à Cyrène. À Carthage, ils prirent un bateau pour Naples, s'arrêtant à Malte, Syracuse et Messine. De Naples, ils allèrent à Capoue, d'où il voyagèrent par la Voie Appienne jusqu'à Rome.

130:0.3 Après leur séjour à Rome, ils se rendirent par voie de terre à Tarente, d'où ils prirent la mer pour Athènes, s'arrêtant à Nicopolis et Corinthe. D'Athènes, ils allèrent à Éphèse par la route de la Troade. D'Éphèse, ils firent voile vers Chypre en faisant escale à Rhodes. Ils passèrent longtemps à visiter Chypre et à s'y reposer, puis s'embarquèrent pour Antioche en Syrie. D'Antioche, ils allèrent au sud vers Sidon et passèrent ensuite à Damas. De là, ils voyagèrent en caravane jusqu'en Mésopotamie, traversant Thapsacus et Larissa. Ils séjournèrent quelque temps à Babylone, visitèrent Ur et d'autres lieux, et allèrent ensuite à Suse. De Suse, ils se rendirent à Charax, d'où Gonod et Ganid s'embarquèrent pour les Indes.

130:0.4 Ce fut au cours de ses quatre mois de travail à Damas que Jésus avait appris les rudiments de la langue parlée par Gonod et Ganid. Durant ce séjour, il avait passé beaucoup de temps sur des traductions de textes grecs dans l'une des langues des Indes, avec le concours d'un natif de la région où Gonod habitait.

130:0.5 Durant son périple autour de la Méditerranée, Jésus consacra environ la moitié de ses journées à instruire Ganid et à servir d'interprète à Gonod dans ses conférences d'affaires et ses relations sociales. Ensuite, il était libre et consacrait le reste de la journée à établir ces étroits contacts personnels avec ses semblables, ces fréquentations intimes avec les mortels du royaume, qui furent très caractéristiques de ses activités au cours de ces années précédant immédiatement son ministère public.

130:0.6 Grâce à ces observations de première main et à ces contacts effectifs, Jésus fit connaissance avec la civilisation matérielle et intellectuelle supérieure de l'Occident et du Levant. De Gonod et de son brillant fils, il apprit beaucoup sur la civilisation et la culture de l'Inde et de la Chine, car Gonod, lui-même citoyen des Indes, avait fait trois grandes expéditions dans l'empire de la race jaune.

130:0.7 Ganid, le jeune homme, apprit beaucoup de Jésus au cours de cette longue et intime association. Ils se prirent d'une grande affection l'un pour l'autre, et le père du garçon essaya plusieurs fois de persuader Jésus de les accompagner aux Indes, mais Jésus refusa toujours, en alléguant la nécessité de retourner dans sa famille en Palestine.

130.1  À Joppé - Discours sur Jonas

130:1.1 Pendant leur séjour à Joppé, Jésus rencontra Gadiah, un interprète philistin qui travaillait pour un tanneur nommé Simon. Les agents de Gonod en Mésopotamie avaient traité beaucoup d'affaires avec ce Simon ; aussi, Gonod et son fils désiraient-ils lui rendre visite sur le chemin de Césarée. Tandis qu'ils s'attardaient à Joppé, entre Jésus et Gadiah naquit une chaude amitié. Ce jeune Philistin était un chercheur de vérité. Jésus était un apporteur de vérité ; il était la vérité pour cette génération sur Urantia. Quand un grand chercheur et un grand apporteur de vérité se rencontrent, il en résulte une grande illumination révélatrice née de l'expérience de la vérité nouvelle.

130:1.2 Un jour, qu'après le repas du soir Jésus et le jeune Philistin se promenaient au bord de la mer, Gadiah, ne sachant pas que « le scribe de Damas » était si bien versé dans les traditions hébraïques, montra à Jésus l'endroit d'où Jonas était censé s'être embarqué pour son fatal voyage à Tarsis. Quand il eut achevé ses observations, il posa à Jésus la question suivante : « Crois-tu que le grand poisson ait vraiment avalé Jonas ? » Jésus se rendit compte que la vie du jeune homme avait été prodigieusement influencée par cette tradition et que ses méditations à ce sujet lui avaient inculqué la folie d'essayer de fuir son devoir. En conséquence, Jésus ne dit rien qui pût détruire brusquement les mobiles fondamentaux qui guidaient Gadiah dans sa vie pratique. En réponse à la question, Jésus dit : « Mon ami, nous sommes tous des Jonas avec une vie à vivre en accord avec la volonté de Dieu. Chaque fois que nous cherchons à esquiver le devoir présent de la vie pour courir vers des appâts lointains, nous nous mettons par là même sous la domination immédiate d'influences non dirigées par les pouvoirs de vérité et les forces de droiture. Fuir son devoir, c'est sacrifier la vérité. S'évader du service de la lumière et de la vie ne peut qu'aboutir à ces conflits angoissants avec les redoutables baleines, les monstres de l'égoïsme, qui conduisent finalement aux ténèbres et à la mort, à moins que ces Jonas ayant abandonné Dieu ne veuillent, même au fond de leur désespoir, tourner leur coeur vers la recherche de Dieu et de sa bonté. Quand ces âmes désespérées cherchent sincèrement Dieu - ayant faim de vérité et soif de droiture - rien ne peut les emprisonner plus longtemps. Si profonds que soient les abimes où ils ont pu choir, quand ils cherchent la lumière de tout leur coeur, l'esprit du Seigneur Dieu des cieux les délivre de la captivité ; les tribulations de la vie les rejettent sur la terre ferme des occasions nouvelles pour un service renouvelé et une vie plus sage. »

130:1.3 Gadiah fut très ému par l'enseignement de Jésus. Ils conversèrent tard dans la nuit au bord de la mer et, avant de rentrer au logis, ils prièrent ensemble et l'un pour l'autre. Ce même Gadiah écouta les prédications ultérieures de Pierre, devint un croyant fervent en Jésus de Nazareth, et eut un soir une discussion mémorable avec Pierre chez Dorcas. Et Gadiah contribua beaucoup à décider Simon, le riche marchand de cuir, à embrasser le christianisme.

130:1.4 Dans ce récit du travail personnel de Jésus avec ses contemporains mortels pendant son tour de la Méditerranée, et conformément à l'autorisation que nous avons reçue à cet effet, nous traduirons librement ses paroles dans la terminologie moderne couramment employée sur Urantia au moment de cette présentation.)

130:1.5 (Le dernier entretien de Jésus avec Gadiah porta sur le bien et le mal. Ce jeune Philistin était très troublé par un sentiment d'injustice provenant de la présence du mal dans le monde à côté du bien. Il dit : « Si Dieu est infiniment bon, comment peut-il permettre que nous souffrions des douleurs du mal ? Après tout, qui crée le mal ? » À cette époque, beaucoup de gens croyaient encore que Dieu créait à la fois le bien et le mal, mais Jésus n'enseigna jamais une telle erreur. En répondant à cette question, Jésus dit : « Mon frère, Dieu est amour, il doit donc être bon, et sa bonté est si grande et si réelle qu'elle ne peut contenir les choses mesquines et irréelles du mal. Dieu est si positivement bon qu'il n'y a absolument pas place en lui pour le mal négatif. Le mal est le choix immature et le faux-pas irréfléchi de ceux qui résistent à la bonté, qui rejettent la beauté et qui trahissent la vérité. Le mal est seulement la mauvaise adaptation de l'immaturité ou l'influence désintégrante et déformante de l'ignorance. Le mal est l'inévitable obscurité qui suit de près le rejet malavisé de la lumière. Le mal est ce qui est ténébreux et faux ; quand il est sciemment adopté et volontairement approuvé, il devient le péché.

130:1.6 En te dotant du pouvoir de choisir entre la vérité et l'erreur, ton Père céleste a créé le potentiel négatif opposé à la voie positive de lumière et de vie ; mais ces erreurs du mal n'ont pas d'existence réelle tant qu'aucune créature intelligente ne les appelle volontairement à l'existence par un mauvais choix de son mode de vie. De tels maux sont élevés ensuite au rang de péchés par le choix conscient et délibéré d'une telle créature volontaire et rebelle. C'est pourquoi notre Père qui est aux cieux permet au bien et au mal de suivre ensemble leur chemin jusqu'à la fin de la vie, de même que la nature permet au blé et à l'ivraie de pousser côte à côte jusqu'à la moisson. « Gadiah fut pleinement satisfait de la réponse de Jésus à sa question après que leur discussion consécutive eut rendu claire à son mental, la vraie signification de ces importants exposés.

130.2  À Césarée

130:2.1 Jésus et ses amis s'attardèrent à Césarée au delà du temps prévu, parce qu'on découvrit qu'une des énormes rames-gouvernails du bâtiment sur lequel ils se proposaient d'embarquer menaçait de se fendre. Le capitaine décida de rester au port pendant que l'on en taillerait une nouvelle. Il y avait pénurie de charpentiers qualifiés pour ce travail ; c'est pourquoi Jésus offrit spontanément son aide. Pendant les soirées, Jésus et ses amis se promenaient le long des magnifiques remparts qui servaient de promenade autour du port. Ganid s'intéressa beaucoup aux explications de Jésus sur les canalisations d'eau de la ville, et à la technique par laquelle les marées étaient utilisées pour nettoyer à grande eau les rues et les égouts de la cité. Le jeune Hindou fut très impressionné par le temple d'Auguste situé sur une hauteur et surmonté d'une colossale statue de l'empereur romain. Le deuxième après-midi de leur séjour, ils assistèrent tous trois à un spectacle dans l'énorme amphithéâtre, qui pouvait contenir vingt-mille personnes assises, et le même soir, ils se rendirent au théâtre pour voir jouer une pièce grecque. C'étaient les premiers spectacles de cette nature auxquels Ganid eût jamais assisté. Il posa à Jésus de nombreuses questions à leur sujet. Au matin du troisième jour, ils firent une visite officielle au palais du gouverneur, car Césarée était la capitale de la Palestine et la résidence du procurateur romain.

130:2.2 À leur auberge, logeait aussi un négociant de Mongolie. Cet Oriental parlant assez bien le grec, Jésus eut plusieurs longues conversations avec lui. Cet homme fut très impressionné par la philosophie de vie de Jésus, et n'oublia jamais ses paroles de sagesse concernant « la façon de vivre la vie céleste sur terre en se soumettant quotidiennement à la volonté du Père céleste » . Ce négociant était taoïste et, de ce fait, était devenu fermement croyant en la doctrine d'une Déité universelle. De retour en Mongolie, il commença à enseigner ces vérités avancées à ses voisins et à ses associés dans les affaires, et ces activités eurent directement pour effet de décider son fils ainé à devenir prêtre taoïste. Durant toute sa vie, ce jeune homme exerça une grande influence en faveur de la vérité supérieure ; il fut suivi dans cette voie par un fils et un petit-fils qui, eux aussi, furent fidèles et dévoués à la doctrine du Dieu unique - le Souverain Suprême du Ciel.

130:2.3 Alors que la branche orientale de l'Église chrétienne primitive, qui avait son centre à Philadelphie, resta plus fidèle aux enseignements de Jésus que la confrérie de Jérusalem, il est regrettable qu'il n'y ait eu personne comme Pierre pour aller en Chine, ou comme Paul pour pénétrer aux Indes, où le terrain spirituel était alors si favorable pour implanter la semence du nouvel évangile du royaume. Ces mêmes enseignements de Jésus, tels qu'ils étaient détenus par les Philadelphiens, auraient exercé un attrait tout aussi immédiat et effectif sur le mental spirituellement affamé des peuples asiatiques que les prédications de Pierre et de Paul en Occident.

130:2.4 Un jour, l'un des jeunes gens qui taillaient avec Jésus la rame-gouvernail fut captivé par les paroles que ce dernier laissait tomber de temps à autre pendant qu'ils travaillaient sur le chantier. Quand Jésus suggéra que le Père qui est aux cieux s'intéressait au bien-être de ses enfants sur terre, ce jeune Grec nommé Anaxande dit : « Si les Dieux s'intéressent à moi, alors pourquoi n'enlèvent-ils pas le cruel et injuste contremaitre de ce chantier ? » Il fut stupéfait d'entendre Jésus lui répondre : « Puisque tu connais les voies de la bonté et que tu apprécies la justice, peut-être les Dieux ont-ils rapproché de toi cet homme égaré pour que tu puisses le guider dans cette voie meilleure. Peut-être es-tu le sel qui doit rendre ce frère plus agréable à tous les autres hommes, du moins si tu n'as pas perdu ta saveur. En ce moment, cet homme est ton maitre du fait que ses mauvais procédés t'influencent défavorablement. Pourquoi ne pas affirmer ta maitrise sur le mal par la puissance de la bonté et devenir ainsi le maitre de toutes les relations entre vous deux ? Je prédis que le bien qui est en toi pourrait vaincre le mal qui est en lui, si tu lui donnais une honnête chance de se réaliser. Au cours de notre existence terrestre, nulle aventure n'est plus passionnante que la joie exaltante de devenir, dans la vie matérielle, le partenaire vivant de l'énergie spirituelle et de la vérité divine dans l'une de leurs luttes triomphales contre l'erreur et le mal. C'est une expérience merveilleuse et transformatrice que de devenir le chenal vivant de lumière spirituelle pour les mortels perdus dans les ténèbres spirituelles. Si tu es plus favorisé que cet homme par la vérité, le besoin où il se trouve devrait te mettre au défi. Tu n'es sûrement pas un lâche capable d'attendre au bord de la mer en regardant périr un compagnon qui ne sait pas nager. Combien l'âme de cet homme se débattant dans l'obscurité a plus de valeur que son corps se noyant dans la mer ! »

130:2.5 Anaxande fut profondément ému par les paroles de Jésus. Il ne tarda pas à rapporter à son supérieur ce que Jésus avait dit, et, dès la soirée suivante, tous deux demandèrent conseil à Jésus sur le salut de leur âme. Plus tard après que le message chrétien eut été proclamé à Césarée, ces deux hommes, l'un Grec et l'autre Romain, crurent à la prédication de Philippe et devinrent membres influents de l'Église qu'il fonda. Ultérieurement, ce jeune Grec fut nommé intendant d'un centurion romain nommé Cornélius, qui devint croyant par l'effet du ministère de Pierre. Anaxande continua d'apporter la lumière à ceux qui étaient dans les ténèbres jusqu'à l'époque où Paul fut emprisonné à Césarée. Anaxande mourut alors accidentellement en soignant les blessés et les mourants au cours du grand massacre où périrent vingt-mille Juifs.

130:2.6 À ce moment-là, Ganid commençait à apprendre comment son précepteur occupait ses loisirs à ce ministère personnel inhabituel auprès de ses semblables, et le jeune Indien entreprit de découvrir le mobile de ces activités incessantes. Il demanda : « Pourquoi t'occupes-tu si constamment à rencontrer des étrangers ? » Jésus répondit : « Ganid, nul homme n'est un étranger pour qui connaît Dieu. Dans l'expérience de trouver le Père qui est aux cieux, on découvre que tous les hommes sont frères, et n'est-il pas naturel que l'on éprouve de la joie à rencontrer un frère récemment découvert ? Lier connaissance avec ses frères et soeurs, connaître leurs problèmes et apprendre à les aimer, c'est l'expérience suprême de la vie. »

130:2.7 Ce fut un entretien qui dura bien avant dans la nuit et au cours duquel le jeune homme demanda à Jésus de lui expliquer la différence entre la volonté de Dieu et l'acte mental humain de faire un choix, que l'on appelle aussi volonté. En substance, Jésus dit : « La volonté de Dieu est la voie de Dieu, et cette voie est une association avec le choix de Dieu devant chaque alternative potentielle. Par conséquent, faire la volonté de Dieu est l'expérience progressive qui consiste à devenir de plus en plus semblable à Dieu, Dieu étant la source et la destinée de tout ce qui est bon, beau et vrai. La volonté de l'homme est la voie de l'homme, la somme et la substance de ce que le mortel choisit d'être et de faire. La volonté est le choix délibéré d'un être conscient qui mène à la conduite décidée et basée sur la réflexion intelligente. »

130:2.8 Cet après-midi-là, Jésus et Ganid avaient pris tous deux plaisir à jouer avec un chien de berger très intelligent, et Ganid voulut savoir si le chien avait une âme, s'il avait une volonté. En réponse à ses questions, Jésus dit : « Le chien a un mental qui peut connaître l'homme matériel, son maitre, mais ne peut connaître Dieu qui est esprit. Le chien ne possède donc pas une nature spirituelle et ne peut gouter une expérience spirituelle. Le chien peut avoir une volonté dérivée de la nature et accrue par l'entrainement, mais ce pouvoir du mental n'est pas une force spirituelle ; il n'est pas non plus comparable à la volonté humaine, attendu qu'il n'est pas réflexif - il ne résulte pas de ce que le chien a discerné des significations supérieures et morales ou choisi des valeurs spirituelles et éternelles. C'est la possession de tels pouvoirs de discrimination spirituelle et de choix de la vérité qui fait de l'homme mortel un être moral, une créature dotée des attributs de la responsabilité spirituelle et du potentiel de survie éternelle. » Jésus continua en expliquant que c'est l'absence de ces pouvoirs mentaux chez les animaux qui rend impossible pour toujours au monde animal de développer un langage avec le temps, ou d'expérimenter quoi que ce soit d'équivalent à la survie de la personnalité dans l'éternité. À la suite de l'enseignement de cette journée, Ganid ne crut plus jamais à la transmigration des âmes humaines dans les corps d'animaux.

130:2.9 Le lendemain, Ganid discuta de tout cela avec son père et, en réponse à une question de Gonod, Jésus expliqua que « les volontés humaines qui s'occupent uniquement de prendre des décisions temporelles se rapportant seulement aux problèmes matériels de l'existence animale sont condamnées à périr en leur temps. Ceux qui prennent des décisions morales sincères et font des choix spirituels inconditionnels s'identifient ainsi progressivement avec l'esprit intérieur et divin, et se transforment de plus en plus en valeurs de survie éternelle - une progression sans fin de services divins » .

130:2.10 Ce fut ce même jour que nous entendîmes, pour la première fois, cette vérité capitale qui, énoncée en langage moderne, signifierait : « La volonté est la manifestation du mental humain qui permet à la conscience subjective de s'exprimer objectivement et de faire l'expérience du phénomène d'aspirer à être semblable à Dieu. » C'est dans ce même sens que tout être humain réfléchi et orienté vers l'esprit peut devenir créatif.

130.3  À Alexandrie

130:3.1 Le séjour à Césarée avait été fertile en évènements ; quand le bateau fut prêt, Jésus et ses deux amis partirent un beau jour, à midi, pour Alexandrie en Égypte.

130:3.2 Tous trois prirent plaisir à cette très agréable traversée jusqu'à Alexandrie. Ganid était ravi du voyage et accablait Jésus de questions. À l'approche du port de la ville, le jeune homme fut très excité par le grand phare de Pharos situé sur l'ile qu'Alexandre avait réunie à la terre ferme par une jetée, créant ainsi deux magnifiques rades qui firent d'Alexandrie le carrefour commercial maritime de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe. Ce grand phare était l'une des sept merveilles du monde et le précurseur de tous les phares ultérieurs. Les voyageurs se levèrent de bon matin pour regarder ce splendide dispositif de sauvegarde des hommes. Au milieu des exclamations de Ganid, Jésus dit : « Et toi, mon fils, tu ressembleras à ce phare quand tu retourneras aux Indes, alors même que ton père reposera dans la tombe. Tu deviendras comme la lumière de la vie pour ceux qui vivent autour de toi dans les ténèbres, montrant à tous ceux qui le désirent le chemin pour atteindre en sécurité le havre du salut. » Ganid serra la main de Jésus et lui dit : « Je le ferai. »

130:3.3 De nouveau, nous remarquons que les premiers maitres de la religion chrétienne commirent une grave erreur en dirigeant exclusivement leur attention vers les civilisations occidentales du monde romain. Les enseignements de Jésus, tels qu'ils étaient conservés par les croyants mésopotamiens du premier siècle, auraient été volontiers reçus par les divers groupes religieux d'Asie.

130:3.4 Quatre heures après avoir débarqué à Alexandrie, le trio était installé à l'extrémité est de la grande avenue, large de trente mètres et longue de huit kilomètres, qui allait jusqu'à la limite ouest de cette ville d'un million d'habitants. Après un premier aperçu sur les principales attractions de la ville - l'université (musée), la bibliothèque, le mausolée royal d'Alexandre, le palais, le temple de Neptune, le théâtre et le gymnase - Gonod se consacra aux affaires tandis que Jésus et Ganid se rendaient à la bibliothèque, la plus importante du monde. Près d'un million de manuscrits étaient rassemblés là en provenance de tous les pays civilisés : la Grèce, Rome, la Palestine, la Parthie, l'Inde, la Chine et même le Japon. Dans cette bibliothèque, Ganid vit la plus grande collection de littérature indienne du monde entier ; ils y passèrent un peu de temps chaque jour durant leur séjour à Alexandrie. Jésus parla à Ganid de la traduction en grec des Écritures hébraïques, qui avait été faite en ce lieu ; et ils discutèrent maintes et maintes fois de toutes les religions du monde, Jésus s'efforçant de faire ressortir, à ce jeune penseur, la vérité contenue dans chacune d'elles et ajoutant toujours : « Mais Yahweh est le Dieu conçu d'après les révélations de Melchizédek et l'alliance d'Abraham. Les Juifs étaient les descendants d'Abraham et occupèrent ultérieurement le pays dans lequel Melchizédek avait vécu et enseigné, et d'où il envoya des éducateurs au monde entier. En fin de compte, leur religion dépeignit le Seigneur Dieu d'Israël en le reconnaissant comme Père céleste Universel plus clairement que toute autre religion du monde. »

130:3.5 Sous la direction de Jésus, Ganid établit un recueil des enseignements de toutes les religions du monde qui reconnaissaient une Déité Universelle, même si elles admettaient plus ou moins des divinités subordonnées. Après beaucoup de discussions, Jésus et Ganid décidèrent que la religion des Romains ne comportait pas de vrai Dieu et ne représentait guère plus qu'un culte de l'empereur. Les Grecs, conclurent-ils, avaient une philosophie, mais à peine une religion comportant un Dieu personnel. Ils rejetèrent les cultes des mystères à cause du désordre découlant de leur multiplicité, et parce que leurs concepts variés de la Déité paraissaient dériver de religions différentes et plus anciennes.

130:3.6 Bien que ces traductions eussent été faites à Alexandrie, Ganid ne mit ces extraits définitivement en ordre et n'y ajouta ses conclusions personnelles que vers la fin de leur séjour à Rome. Il fut très surpris de découvrir que les meilleurs auteurs de la littérature sacrée du monde reconnaissaient tous plus ou moins nettement l'existence d'un Dieu éternel, et se trouvaient d'accord sur sa nature et ses rapports avec l'homme mortel.

130:3.7 Jésus et Ganid passèrent beaucoup de temps au musée durant leur séjour à Alexandrie. Ce musée n'était pas un assemblage d'objets rares, mais plutôt une université de beaux-arts, de sciences et de littérature. De doctes professeurs y donnaient journellement des conférences, et, à cette époque, le musée représentait le centre intellectuel du monde occidental. Jour après jour, Jésus expliquait les conférences à Ganid. Un jour, pendant la deuxième semaine, le jeune homme s'écria : « Maitre Joshua, tu en sais plus que ces professeurs ; tu devrais te lever et leur dire les grandes choses que tu m'as racontées. Ils réfléchissent trop et cela embrume leur pensée. Je parlerai à mon père et il arrangera cela. » Jésus sourit et dit : « Tu es un élève admiratif, mais ces professeurs n'accepteraient pas que toi et moi nous les instruisions. L'orgueil de l'érudition non spirituelle est un traquenard dans l'expérience humaine. Le vrai maitre maintient son intégrité intellectuelle en restant toujours un élève. »

130:3.8 Alexandrie était la ville où se mêlaient les cultures occidentales et, après Rome, la ville la plus étendue et la plus magnifique de la terre. C'est là que se trouvait la plus grande synagogue du monde, avec le siège administratif du sanhédrin d'Alexandrie, le conseil directeur de soixante-dix anciens.

130:3.9 Parmi les nombreux hommes avec qui Gonod traitait des affaires, se trouvait un banquier juif nommé Alexandre dont le frère, Philon, était un célèbre philosophe religieux de l'époque. Philon avait entrepris la tâche louable, mais extrêmement difficile, d'harmoniser la philosophie grecque et la théologie hébraïque. Ganid et Jésus s'entretinrent beaucoup des enseignements de Philon et espéraient assister à quelques-unes de ses conférences, mais, durant tout leur séjour à Alexandrie, ce Juif helléniste réputé fut malade et resta alité.

130:3.10 Sous beaucoup de rapports, Jésus fit à Ganid l'éloge de la philosophie grecque et des doctrines stoïciennes. Mais il lui fit bien comprendre qu'en vérité ces systèmes de croyances, comme d'ailleurs les enseignements imprécis de certains compatriotes de Ganid, n'étaient des religions que dans la mesure où ils conduisaient les hommes à trouver Dieu et à profiter d'une expérience vivante en connaissant l'Éternel.

130.4  Discours sur la Réalité

130:4.1 La nuit qui précéda leur départ d'Alexandrie, Ganid et Jésus eurent un long entretien avec un des professeurs appointés par le gouvernement à l'université, qui faisait un cours sur les enseignements de Platon. Jésus servit d'interprète au savant pédagogue grec, mais n'y inséra aucun enseignement de son crû réfutant la philosophie grecque. Ce soir-là, Gonod était parti à ses affaires ; alors, après le départ du professeur, le maitre et son élève eurent une longue conversation coeur à coeur sur les doctrines de Platon. Jésus donna une approbation modérée à certains enseignements grecs ayant trait à la théorie que les choses matérielles du monde étaient de vagues reflets de réalités spirituelles invisibles, mais plus substantielles ; toutefois, il chercha à établir des bases plus dignes de confiance pour les réflexions du jeune homme. Jésus commença donc une longue dissertation concernant la nature de la réalité dans l'univers. Voici, en substance et en langage moderne, ce que Jésus dit à Ganid :

130:4.2 La source de la réalité de l'univers est l'Infini. Les choses matérielles de la création finie sont les répercussions dans l'espace-temps de l'Archétype Paradisiaque et du Mental Universel du Dieu éternel. Quand la causalité dans le domaine physique, la conscience de soi dans le domaine intellectuel et l'individualité en progrès dans le domaine de l'esprit sont projetées à l'échelle universelle, conjuguées en relations éternelles et expérimentées avec des qualités parfaites et des valeurs divines, elles constituent la réalité du Suprême. Mais, dans l'univers toujours changeant, la Personnalité Originelle, de la causalité, de l'intelligence et de l'expérience spirituelle, reste immuable, absolue. Même dans un univers éternel de valeurs illimitées et de qualités divines, toutes choses peuvent changer et changent en effet fréquemment, sauf les Absolus et les éléments qui ont atteint le niveau absolu de statut physique, ou d'embrassement intellectuel ou d'identité spirituelle.

130:4.3 Le plus haut niveau que des créatures finies puissent atteindre est la récognition du Père Universel et la connaissance du Suprême. Même alors, ces êtres destinés à la finalité continuent à expérimenter des changements dans les mouvements du monde physique et dans ses phénomènes matériels. Ils restent également conscients de la progression de leur individualité dans leur ascension continue de l'univers spirituel et de leur conscience croissante dans leur profonde appréciation et leur réaction au cosmos intellectuel. C'est seulement dans la perfection, l'harmonie et l'unanimité de la volonté que les créatures peuvent s'unifier avec le Créateur ; et cet état de divinité n'est atteint et maintenu que si la créature continue à vivre dans le temps et l'éternité en conformant avec persistance son vouloir personnel fini à la volonté divine du Créateur. Le désir de faire la volonté du Père doit toujours être suprême dans l'âme et dominer le mental d'un fils ascendant de Dieu.

130:4.4 Un borgne ne peut jamais espérer percevoir le relief d'une perspective De même, ces borgnes, qu'ils soient scientifiques matérialistes ou mystiques et allégoristes spirituels, ne peuvent-ils avoir une vision correcte ni comprendre de façon adéquate les profondeurs véritables de la réalité universelle. Toutes les vraies valeurs de l'expérience des créatures sont cachées dans la profondeur de la récognition.

130:4.5 Une cause dépourvue de mental ne peut transmuer ce qui est rudimentaire et simple en éléments raffinés et complexes, l'expérience sans l'esprit ne peut davantage faire naître, du mental matériel des mortels du temps, les caractères divins de survie éternelle. L'unique attribut universel qui caractérise si exclusivement la Déité infinie est le perpétuel don créatif de la personnalité capable de survivre dans l'aboutissement progressif à la Déité.

130:4.6 La personnalité est cette dotation cosmique, cette phase de réalité universelle, qui peut coexister avec des changements illimités et, en même temps, conserver son individualité en présence même de tous ces changements, et indéfiniment après eux.

130:4.7 La vie est une adaptation de la cause cosmique originelle aux exigences et aux possibilités des situations de l'univers ; elle vient à l'existence par l'action du Mental Universel et la stimulation de l'étincelle spirituelle de ce Dieu qui est esprit. La signification de la vie est son adaptabilité ; la valeur de la vie est son aptitude au progrès - même jusqu'aux hauteurs de la conscience de Dieu.

130:4.8 Le défaut d'adaptation de la vie consciente à l'univers se traduit par la dysharmonie cosmique. Si la volonté de personnalité diverge définitivement de la tendance des univers, cela se termine par l'isolement intellectuel, la séparation de la personnalité. La perte du pilote spirituel intérieur survient avec la cessation spirituelle de l'existence. En et par elle-même, la vie intelligente et progressive devient alors une preuve irréfutable de l'existence d'un univers intentionnel exprimant la volonté d'un Créateur divin ; et cette vie, dans son ensemble, lutte pour des valeurs supérieures en ayant pour but final le Père Universel.

130:4.9 À part les services supérieurs et quasi spirituels de l'intellect, le mental de l'homme ne dépasse le niveau animal que par son degré. C'est pourquoi les animaux (ne connaissant ni culte ni sagesse) ne peuvent éprouver la superconscience, la conscience de la conscience. Le mental animal n'est conscient que de l'univers objectif.

130:4.10 La connaissance est la sphère du mental matériel, celui qui discerne les faits. La vérité est le domaine de l'intellect spirituellement doué qui est conscient de connaître Dieu. La connaissance est démontrable ; la vérité est expérimentée. La connaissance est un acquis du mental ; la vérité est une expérience de l'âme, du moi qui progresse. La connaissance est une fonction du niveau non spirituel ; la vérité est une phase du niveau mental-spirituel des univers. La vue du mental matériel perçoit un monde de faits connaissables ; la vue de l'intellect spiritualisé discerne un monde de vraies valeurs. Synchronisés et harmonisés, ces deux points de vue révèlent le monde de la réalité, dans lequel la sagesse interprète les phénomènes de l'univers en termes d'expérience personnelle progressive.

130:4.11 L'erreur (le mal) est la sanction de l'imperfection. Les attributs de l'imperfection ou les faits dénotant une mauvaise adaptation se révèlent sur le niveau matériel par l'observation critique et l'analyse scientifique ; elles se révèlent sur le niveau moral par l'expérience humaine. La présence du mal constitue la preuve des inexactitudes du mental et de l'immaturité du moi en évolution. Le mal est donc également une mesure de la manière imparfaite dont on interprète l'univers. La possibilité de commettre des erreurs est inhérente à l'acquisition de la sagesse, c'est l'ordre prévu selon lequel on progresse du partiel et temporel vers le parachevé et éternel, du relatif et imparfait vers le définitif et le rendu parfait. L'erreur est l'ombre de l'inachèvement relatif qui doit nécessairement se projeter en travers de la route universelle ascendante des hommes vers la perfection du Paradis. L'erreur (le mal) n'est pas un attribut actuel de l'univers ; c'est simplement l'observation d'une relativité dans les rapports du fini incomplet avec les niveaux ascendants du Suprême et de l'Ultime.

130:4.12 Bien que Jésus eût exposé tout cela au jeune homme dans le langage le plus approprié à sa compréhension, Ganid avait les paupières lourdes à la fin de la discussion et sombra bientôt dans le sommeil. Le lendemain matin, ils se levèrent de bonne heure pour monter à bord du bateau partant pour Lasaïa, dans l'Ile de Crète, mais avant de s'embarquer, le garçon avait encore à poser, sur le mal, de nouvelles questions auxquelles Jésus répondit :

130:4.13 Le mal est un concept de relativité. Il naît de l'observation des imperfections qui apparaissent dans l'ombre projetée par un univers fini de choses et d'êtres quand ce cosmos obscurcit la lumière vivante de l'expression universelle des réalités éternelles de l'Un Infini.

130:4.14 Le mal potentiel est inhérent au caractère nécessairement incomplet de la révélation de Dieu en tant qu'expression, limitée par l'espace-temps, de l'infinité et de l'éternité. Le fait de l'élément partiel en présence du total parachevé constitue la relativité de la réalité. Il crée la nécessité de choisir intellectuellement et établit une hiérarchie de niveaux de valeurs dans nos capacités de reconnaître l'esprit et d'y répondre. Le concept fini et incomplet de l'Infini conçu par le mental temporel et limité des créatures constitue, en lui-même et par lui-même, le mal potentiel. Mais l'erreur aggravante, consistant à s'abstenir, sans justification, d'une rectification spirituelle accessible à la raison de ces discordances intellectuelles originelles et de ces insuffisances spirituelles, équivaut à commettre le mal actuel.

130:4.15 Tous les concepts statiques et morts sont potentiellement mauvais. L'ombre finie de la vérité relative et vivante se déplace continuellement. Les concepts statiques retardent invariablement la science, la politique, la société et la religion. Ils peuvent représenter une certaine connaissance, mais ils sont déficients en sagesse et dépourvus de vérité. Ne permettez pas au concept de relativité de vous égarer au point de vous empêcher de reconnaître la coordination de l'univers sous la gouverne du mental cosmique, et son contrôle stabilisé par l'énergie et l'esprit du Suprême.

130.5  Dans l'Ile de Crète

130:5.1 En se rendant en Crête, les voyageurs n'avaient d'autre but que de se distraire, de se promener dans l'ile et d'escalader les montagnes. Les Crétois de ce temps-là ne jouissaient pas d'une réputation enviable parmi les peuples voisins. Jésus et Ganid amenèrent néanmoins beaucoup d'âmes à rehausser leur niveau de pensée et de vie, et jetèrent ainsi les bases d'un prompt accueil ultérieur des enseignements de l'évangile au moment où les premiers prédicateurs arrivèrent de Jérusalem. Jésus aimait ces Crétois, malgré les rudes paroles que Paul prononça plus tard à leur sujet quand il envoya Tite dans l'ile pour réorganiser leurs Églises.

130:5.2 Sur le versant d'une montagne de Crête, Jésus eut son premier long entretien avec Gonod au sujet de la religion. Le père fut très impressionné et dit : « Rien d'étonnant à ce que le garçon croie tout ce que tu lui dis, mais je ne savais pas qu'il y eût une telle religion à Jérusalem, et encore moins à Damas. » Ce fut pendant ce séjour en Crète que Gonod proposa pour la première fois à Jésus de retourner avec eux aux Indes, et Ganid fut ravi à l'idée que Jésus pourrait consentir à un tel arrangement.

130:5.3 Ganid demanda un jour à Jésus pourquoi il ne s'était pas consacré à la tâche d'éducateur public, et Jésus dit : « Mon fils, chaque chose doit venir en son temps. Tu es né dans le monde, mais nulle somme d'anxiété et nulle manifestation d'impatience ne t'aideront à grandir. En tout cela, tu dois laisser faire le temps. Le temps seul fait murir le fruit vert sur l'arbre. Les saisons ne succèdent aux saisons et le coucher du soleil ne succède à son lever qu'avec l'écoulement du temps. Je suis maintenant sur le chemin de Rome avec toi et ton père, et cela suffit pour aujourd'hui. Mon lendemain est entièrement entre les mains de mon Père céleste. » Puis il raconta à Ganid l'histoire de Moïse et de ses quarante années d'attente vigilante et de préparation continue.

130:5.4 Pendant la visite à Beaux-Ports, il se produisit un incident que Ganid n'oublia jamais. Le souvenir de cet épisode éveilla toujours en lui le désir de faire quelque chose pour changer le système des castes de son Inde natale. Un ivrogne dégénéré attaquait une jeune esclave sur la voie publique. Quand Jésus vit la triste situation de la fillette, il s'élança et l'éloigna de cet agresseur insensé. Tandis que l'enfant effrayée s'accrochait à lui, et par la seule puissance de son bras droit tendu, il tint le furieux à distance respectueuse jusqu'à ce que le misérable se fût épuisé en donnant tous ses coups dans le vide. Ganid se sentit fortement poussé à aider Jésus dans le règlement de cette affaire, mais son père le lui interdit. Bien qu'ils ne parlassent pas le langage de la fillette, celle-ci pouvait comprendre leur acte de pitié et leur témoigna sa profonde reconnaissance pendant que tous trois la raccompagnaient chez elle. Durant toute sa vie incarnée, Jésus ne fut probablement jamais aussi près de lutter corps à corps avec l'un de ses contemporains. Ce soir-là, il eut une tâche difficile quand il essaya d'expliquer à Ganid pourquoi il n'avait pas frappé l'ivrogne. Ganid estimait que cet homme aurait dû recevoir au moins autant de coups qu'il en avait donné à la fillette.

130.6  Le Jeune Homme Qui avait Peur

130:6.1 Pendant qu'ils étaient dans les montagnes, Jésus eut un long entretien avec un jeune homme qui était craintif et abattu. Faute de trouver réconfort et courage dans la fréquentation de ses camarades, ce jeune homme avait recherché la solitude des hauteurs ; il avait grandi avec un sentiment d'impuissance et d'infériorité. Ces tendances naturelles avaient été accrues par nombre d'épreuves que le jeune garçon avait subies au cours de sa croissance, notamment la perte de son père quand il avait douze ans. Lorsqu'ils se rencontrèrent, Jésus dit : « Salut, mon ami, pourquoi es-tu si abattu en un si beau jour ? S'il est arrivé quelque chose qui te désole, peut-être puis-je t'aider de quelque manière. En tous cas, j'éprouve un réel plaisir à t'offrir mes services. »

130:6.2 Le jeune homme était peu disposé à parler. Jésus tenta une seconde approche de son âme en disant : « Je comprends que tu montes dans ces montagnes pour fuir les gens ; il est donc naturel que tu ne désires pas t'entretenir avec moi, mais j'aimerais savoir si tu es un familier de ces montagnes. Connais-tu la direction de ces pistes ? Et pourrais-tu par hasard m'indiquer le meilleur chemin pour se rendre à Phénix ? » Or, le jeune homme connaissait très bien ces montagnes ; il s'intéressa tellement à indiquer à Jésus le chemin de Phénix qu'il dessina toutes les pistes sur le sol en donnant force détails. Mais il fut très surpris et intrigué quand Jésus, après lui avoir dit au revoir et fait semblant de prendre congé, se tourna subitement vers lui en disant : « Je sais très bien que tu désires être laissé seul avec ta tristesse ; mais il ne serait ni aimable ni juste de ma part de recevoir de toi une aide si généreuse pour trouver le meilleur chemin vers Phénix, et ensuite de te quitter avec insouciance sans avoir fait le moindre effort pour répondre à ton appel intérieur. Tu as besoin d'aide et de directives au sujet de la meilleure route vers le but de ta destinée que tu recherches dans ton coeur, tandis que tu t'attardes ici, sur le flanc de la montagne. De même que tu connais bien les sentiers conduisant à Phénix pour les avoir parcourus maintes fois, de même moi, je connais bien le chemin de la cité de tes espoirs déçus et de tes ambitions contrariées. Et, puisque tu m'as appelé à l'aide, je ne te décevrai pas. » Le jeune homme, presque rendu muet de surprise, réussit cependant à balbutier : « Mais - je ne t'ai rien demandé. » Alors Jésus, posant sur son épaule une main légère, répondit : « Non, mon fils, pas avec des mots, mais tu as fait appel à mon coeur avec des regards exprimant un désir ardent. Mon enfant, pour celui qui aime ses semblables, il y a un éloquent appel à l'aide dans ton expression de découragement et de désespoir. Assieds-toi près de moi pendant que je te parlerai des sentiers du service et des grandes routes du bonheur qui mènent des chagrins du moi aux joies des activités bienveillantes dans la fraternité des hommes et dans le service du Dieu céleste. »

130:6.3 Alors le jeune homme désira vivement causer avec Jésus ; il tomba à ses pieds, le suppliant de l'aider, de lui montrer le chemin pour s'évader de son monde de chagrins et d'échecs personnels. Jésus dit : « Mon ami, lève-toi ! Tiens-toi debout comme un homme. Tu peux être entouré d'ennemis mesquins et être retardé par un grand nombre d'obstacles, mais les choses importantes et réelles de ce monde et de l'univers sont de ton côté. Le soleil se lève chaque matin pour te saluer, exactement comme il le fait pour l'homme le plus puissant et le plus prospère de la terre. Regarde - tu as un corps robuste et des muscles vigoureux - tes facultés physiques sont supérieures à la moyenne. Naturellement tout cela est à peu près inutile tant que tu restes assis ici, sur le flanc de la montagne, et que tu te lamentes sur tes malheurs, vrais et imaginaires. Mais tu pourrais faire de grandes choses avec ton corps si tu voulais te hâter vers les endroits où de grandes choses attendent d'être faites. Tu essaies de fuir ton moi malheureux, mais cela ne peut se faire. Toi et tes problèmes de vie sont réels ; tu ne peux leur échapper tant que tu vis. Mais regarde encore, ton mental est clair et capable. Ton corps robuste a un mental intelligent pour le diriger. Mets ton mental à l'oeuvre pour résoudre ses problèmes, apprends à ton intellect à travailler pour toi. Refuse d'être dominé plus longtemps par la peur comme un animal sans discernement. Ton mental devrait être ton allié courageux pour résoudre les problèmes de ta vie ; cesse plutôt d'être, comme tu l'as été, son pitoyable esclave apeuré et le valet du découragement et de la défaite. Mais plus précieux que tout, ton potentiel d'accomplissement effectif est l'esprit qui vit en toi ; il stimulera et inspirera ton mental pour qu'il se contrôle lui-même et anime ton corps si tu veux le libérer des entraves de la peur ; tu rendras ainsi ta nature spirituelle capable de te délivrer peu à peu des maux de l'oisiveté grâce à la présence-pouvoir de la foi vivante. Alors, cette foi vaincra aussitôt ta peur des hommes par l'irrésistible présence de ce nouvel et omnipotent amour de tes semblables, qui remplira bien vite ton âme à déborder parce que tu auras pris conscience, dans ton coeur, que tu es un enfant de Dieu.

130:6.4 « Aujourd'hui, mon fils, tu dois naître à nouveau, rétabli en tant qu'homme de foi, de courage et de service dévoué aux hommes pour l'amour de Dieu. Quand tu seras ainsi réadapté en toi-même à la vie, tu seras également réadapté à l'univers ; tu seras né de nouveau - né de l'esprit - et désormais toute ta vie ne sera plus qu'un accomplissement victorieux. Les malheurs te fortifieront, les déceptions t'éperonneront, les difficultés te poseront des défis et les obstacles te stimuleront. Lève-toi, jeune homme ! Dis adieu à la vie de peur servile et de fuite lâche. Retourne vite à ton devoir et vis ta vie charnelle comme un fils de Dieu, un mortel dévoué au service ennoblissant de l'homme sur la terre et destiné au magnifique et perpétuel service de Dieu dans l'éternité. »

130:6.5 Ce jeune homme, nommé Fortuné, devint plus tard le chef des chrétiens en Crète et le compagnon intime de Tite dans ses efforts pour élever l'âme des croyants crétois.

130:6.6 Les voyageurs étaient vraiment frais et dispos quand, un beau jour à midi, ils se préparèrent à faire voile pour Carthage, en Afrique du Nord, en s'arrêtant deux jours à Cyrène. C'est là que Jésus et Ganid donnèrent les premiers soins à un garçon nommé Rufus, qui avait été blessé par l'écroulement d'un char à boeufs lourdement chargé. Ils ramenèrent le garçon à la maison de sa mère ; quant à son père, Simon, il ne se douta guère que l'homme dont il porta plus tard la croix, sur ordre d'un soldat romain, était l'étranger qui avait jadis secouru son fils.

130.7  À Carthage - Discours sur le Temps et l'Espace

130:7.1 Durant la traversée vers Carthage, Jésus passa la majeure partie de son temps à s'entretenir, avec ses compagnons de voyage, de questions sociales, politiques et commerciales, mais le sujet de la religion fut à peine abordé. Pour la première fois, Gonod et Ganid découvrirent que Jésus était un bon narrateur d'histoires et s'employèrent à lui faire raconter des récits concernant le début de sa vie en Galilée. Ils apprirent aussi qu'il avait été élevé en Galilée, et non à Jérusalem ni à Damas.

130:7.2 Ayant remarqué que la majorité des personnes qu'ils avaient rencontrées était attirée par Jésus, Ganid s'enquit de savoir comment on pouvait se faire des amis, et son maitre lui dit : « Intéresse-toi à tes semblable ; apprends à les aimer et guette l'occasion de faire pour eux une chose dont tu es sûr qu'ils la désirent. » Puis il cita l'ancien proverbe juif : « Un homme qui souhaite avoir des amis doit lui-même se montrer amical. »

130:7.3 À Carthage, Jésus eut un long et mémorable entretien avec un prêtre mithriaque sur l'immortalité, le temps et l'éternité. Ce Persan avait été éduqué à Alexandrie et désirait réellement que Jésus l'enseignât. Traduite en langage moderne, la réponse de Jésus à ses nombreuses questions fut en substance la suivante :

130:7.4 Le temps est le courant du flot des évènements temporels perçu consciemment par les créatures. Le temps est un nom donné à l'arrangement en succession des évènements, qui permet de les reconnaître et de les séparer. L'univers de l'espace est un phénomène relié au temps quand on l'observe d'une position intérieure quelconque en dehors de la demeure fixe du Paradis. Le mouvement du temps ne se révèle que par rapport à une chose qui ne se déplace pas dans l'espace comme un phénomène dépendant du temps. Dans l'univers des univers, le Paradis et ses Déités transcendent à la fois le temps et l'espace. Sur les mondes habités, la personnalité humaine (habitée et orientée par l'esprit du Père du Paradis) est la seule réalité reliée au domaine physique qui puisse transcender la séquence matérielle des évènements temporels.

130:7.5 Les animaux n'ont pas le sens du temps comme les hommes et, même pour l'homme, à cause de son point de vue fragmentaire et circonscrit, le temps apparaît comme une succession d'évènements. Mais, à mesure que l'homme s'élève, qu'il progresse intérieurement, le panorama de cette procession d'évènements s'agrandit de sorte qu'il en discerne de mieux en mieux l'ensemble. Ce qui apparaissait précédemment comme une succession d'évènements sera considéré alors comme un cycle complet et parfaitement cohérent. De cette manière, l'ancienne conscience de la séquence linéaire des évènements sera de plus en plus remplacée par la simultanéité circulaire.

130:7.6 Il y a sept conceptions différentes de l'espace tel qu'il est conditionné par le temps. L'espace se mesure par le temps et non le temps par l'espace. Les savants s'embrouillent faute de reconnaître la réalité de l'espace. L'espace n'est pas seulement un concept intellectuel de la variation dans la connexité des objets de l'univers. Il n'est pas vide, mais le mental est la seule chose connue des hommes qui puisse, même partiellement, transcender l'espace. Le mental peut fonctionner indépendamment du concept de la connexité spatiale des objets matériels. L'espace est relativement et comparativement fini pour tous les êtres ayant statut de créatures. Plus la conscience s'approche de la notion des sept dimensions cosmiques, plus le concept d'espace potentiel s'approche de l'ultimité ; mais le potentiel d'espace n'est vraiment ultime que sur le niveau absolu.

130:7.7 Il doit apparaître clairement que la réalité universelle a une signification en expansion et toujours relative sur les niveaux cosmiques en ascension et en perfectionnement. En fin de compte, les mortels survivants parviennent à l'identité dans un univers à sept dimensions.

130:7.8 Le concept espace-temps d'un mental d'origine matérielle est destiné à subir des expansions successives à mesure que la personnalité consciente qui le conçoit s'élève sur les niveaux successifs des univers. Quand l'homme atteint le mental intermédiaire entre le plan matériel et le plan spirituel d'existence, ses idées sur l'espace-temps sont considérablement agrandies quant à leur qualité de perception et à leur somme d'expérience. L'accroissement des conceptions cosmiques d'une personnalité spirituelle qui progresse est dû à la fois à l'approfondissement de la clairvoyance et à l'élargissement du champ de conscience. À mesure que la personnalité poursuit son chemin vers une conscience plus élevée et plus intérieure jusqu'aux niveaux transcendantaux de ressemblance avec la Déité, le concept d'espace-temps se rapprochera toujours davantage des concepts dépourvus de temps et d'espace des Absolus. Relativement, et selon leurs accomplissements transcendantaux, les enfants de la destinée ultime devront percevoir ces concepts du niveau absolu.

130.8  Sur le Chemin de Naples et de Rome

130:8.1 Le premier arrêt sur le chemin de l'Italie était à l'ile de Malte. Jésus y eut une longue conversation avec un jeune homme déprimé et découragé nommé Claudus. Ce garçon avait envisagé de se tuer, mais, quand il eut fini de s'entretenir avec le scribe de Damas, il dit : « J'affronterai la vie comme un homme ; j'en ai fini de faire le lâche, je vais retourner vers les miens et tout recommencer. » Peu après, il devint un prédicateur enthousiaste des cyniques et, plus tard encore, il se joignit à Pierre pour proclamer le christianisme à Rome et à Naples. Après la mort de Pierre, il alla en Espagne prêchant l'évangile, mais il ne sut jamais que l'homme qui l'avait inspiré à Malte était le même Jésus que, par la suite, il proclama Libérateur du monde.

130:8.2 À Syracuse, ils passèrent une semaine entière. Là, l'évènement marquant de leur séjour fut la réhabilitation d'Ezra, le Juif relaps qui tenait la taverne où Jésus et ses compagnons s'étaient arrêtés. Ezra fut charmé par la façon de voir de Jésus et lui demanda de l'aider à revenir à la foi d'Israël. Il exprima son désespoir en disant : « Je veux être un vrai fils d'Abraham, mais je ne peux trouver Dieu. » Jésus dit : « Si tu veux vraiment trouver Dieu, ce désir est en lui-même la preuve que tu l'as déjà trouvé. Ton problème n'est pas ton incapacité de trouver Dieu, car le Père t'a déjà trouvé ; il provient simplement de ce que tu ne connais pas Dieu. N'as-tu pas lu dans le prophète Jérémie : `Tu me chercheras et tu me trouveras quand tu me chercheras de tout ton coeur' ? Et, encore, le même prophète ne dit-il pas : `Je te donnerai un coeur pour me connaître, car je suis le Seigneur, et tu appartiendras à mon peuple, et je serai ton Dieu' ? Et n'as-tu pas aussi lu le passage des Écritures où il est dit : `Il abaisse son regard sur les hommes, et, si quelqu'un d'entre eux venait à dire : J'ai péché et perverti ce qui était bon, et cela ne m'a pas profité, alors Dieu délivrera des ténèbres l'âme de cet homme, et il verra la lumière' ? » Alors, Ezra trouva Dieu, et son âme fut satisfaite. Plus tard, en association avec un riche prosélyte grec, ce Juif bâtit la première église chrétienne à Syracuse.

130:8.3 Ils ne s'arrêtèrent qu'un jour à Messine, mais ce fut assez pour changer la vie d'un jeune garçon, un vendeur de fruits ; Jésus lui acheta des fruits et, en retour, le nourrit avec le pain de vie. Le garçon n'oublia jamais les paroles et la bonté du regard qui les accompagnait quand Jésus posa sa main sur son épaule et dit : « Adieu, mon garçon, aie bon courage pendant que tu grandis jusqu'à l'âge d'homme ; après avoir nourri le corps, apprends également à nourrir l'âme. Mon Père céleste sera avec toi et marchera devant toi. » Le garçon devint un adepte de la religion mithriaque et, plus tard, se convertit à la foi chrétienne.

130:8.4 Enfin, ils atteignirent Naples et eurent le sentiment qu'ils n'étaient pas loin de leur destination, Rome. Gonod avait beaucoup d'affaires à traiter à Naples ; en dehors des moments où Jésus était requis comme interprète, Ganid et lui-même employèrent leurs loisirs à visiter et à explorer la ville. Ganid devenait expert à déceler ceux qui paraissaient avoir besoin d'aide. Ils trouvèrent beaucoup de misère dans cette ville et distribuèrent de nombreuses aumônes, mais Ganid ne comprit jamais le sens des paroles de Jésus lorsqu'il le vit donner, dans la rue, une pièce de monnaie à un mendiant et refuser de s'arrêter et de réconforter l'homme. Jésus dit : « Pourquoi parler en pure perte à un individu incapable de percevoir la signification de ce que tu dis ? L'esprit du Père ne peut instruire et sauver quelqu'un d'inapte à la filiation. » Jésus voulait dire que l'homme n'avait pas un mental normal, qu'il lui manquait l'aptitude à répondre aux directives de l'esprit.

130:8.5 À Naples, il n'y eut pas d'expérience marquante ; Jésus et le jeune homme parcoururent la ville en tous sens et distribuèrent des encouragements par beaucoup de sourires à des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants.

130:8.6 De là, ils prirent la route de Rome par Capoue, où ils s'arrêtèrent trois jours. Par la Voie Appienne, ils marchèrent vers Rome à côté de leurs bêtes de somme, tous trois avides de voir cette maitresse d'empire, la plus grande ville du monde entier.

131. Les Religions du Monde

131:0.1 PENDANT le séjour de Jésus, de Gonod et de Ganid à Alexandrie, Ganid avait consacré beaucoup de temps, et des sommes importantes, données par son père, à faire un recueil de ce que les religions du monde enseignaient sur Dieu et ses relations avec l'homme mortel. Ganid employa plus de soixante traducteurs érudits pour rédiger ce résumé des doctrines religieuses du monde concernant les Déités. Il doit ressortir clairement, du présent fascicule, que tous ces enseignements décrivant le monothéisme étaient largement dérivés, directement ou indirectement, des sermons des missionnaires de Machiventa Melchizédek, qui étaient partis de leur quartier général de Salem pour répandre, jusqu'aux confins de la terre, la doctrine d'un Dieu unique - le Très Haut.

131:0.2 Nous présentons ci-après un résumé du manuscrit que Ganid prépara à Alexandrie et à Rome, et qui fut conservé aux Indes pendant des centaines d'années après sa mort. Ganid en rassembla les éléments sous les dix titres que l'on va voir.

131.1  Cynisme

131:1.1 C'est dans la doctrine des cyniques que les enseignements résiduels des disciples de Melchizédek furent le mieux conservés, à l'exception de ceux qui subsistèrent dans la religion juive. La sélection de Ganid comprenait les extraits suivants :

131:1.2 « Dieu est suprême, il est le Très Haut du ciel et de la terre. Dieu est le cercle de l'éternité rendu parfait, et il gouverne l'univers des univers. Il est le seul créateur des cieux et de la terre. Quand il décrète une chose, cette chose est. Notre Dieu est unique et il est compatissant et miséricordieux. Tout ce qui est élevé, saint, vrai et beau ressemble à notre Dieu. Le Très Haut est la lumière du ciel et de la terre, le Dieu de l'est, de l'ouest, du nord et du sud.

131:1.3 Même si la terre devait disparaître, la face resplendissante du Suprême demeurerait en majesté et en gloire. Le Très Haut est le premier et le dernier, le commencement et la fin de toute chose. Il n'y a que ce seul Dieu, et son nom est Vérité. Dieu existe par lui-même, et il est dépourvu de toute colère et inimitié ; il est immortel et infini. Notre Dieu est omnipotent et généreux. Nombreuses sont ses manifestations, mais nous n'adorons que Dieu lui même. Dieu sait tout - nos secrets et nos proclamations ; il sait aussi ce que chacun de nous mérite. Sa puissance est égale sur toutes choses.

131:1.4 Dieu est un donneur de paix et un protecteur fidèle de tous ceux qui le craignent et qui ont confiance en lui. Il apporte le salut à tous ceux qui le servent. Toute la création existe dans le pouvoir du Très Haut. Son amour divin jaillit de la sainteté de son pouvoir, et son affection naît de la puissance de sa grandeur. Le Très Haut a ordonné l'union du corps et de l'âme, et doté l'homme de son propre esprit. Ce que l'homme fait doit avoir une fin, mais ce que le Créateur fait dure perpétuellement. L'expérience humaine nous apporte des connaissances, mais la contemplation du Très Haut nous donne la sagesse.

131:1.5 « Dieu verse la pluie sur la terre, il fait briller le soleil sur le grain qui germe, il nous donne la moisson abondante des bonnes choses de cette vie et le salut éternel dans le monde à venir. Notre Dieu jouit d'une grande autorité ; son nom est Excellent et sa nature est insondable. Quand vous êtes malades, c'est le Très Haut qui vous guérit. Dieu est plein de bonté envers tous les hommes ; nous n'avons pas d'ami semblable au Très Haut. Sa miséricorde remplit tous les lieux et sa bonté embrasse toutes les âmes. Le Très Haut est invariant et nous aide chaque fois que nous sommes dans le besoin. Où que vous vous tourniez pour prier, là est la face du Très Haut et l'oreille ouverte de notre Dieu. Vous pouvez vous dissimuler aux hommes, mais non à Dieu. Dieu n'est pas loin de nous, il est omniprésent. Dieu emplit tous les lieux et vit dans le coeur de l'homme qui craint son saint nom. La création est dans le Créateur, et le Créateur est dans sa création. Nous cherchons le Très Haut, et nous le trouvons alors dans notre coeur. Vous partez en quête d'un ami très cher, et ensuite vous le découvrez dans votre âme.

131:1.6 « L'homme qui connaît Dieu considère tous les hommes comme égaux ; ils sont ses frères. Les égoïstes, ceux qui se désintéressent de leurs frères dans la chair, ne reçoivent que l'ennui comme récompense. Ceux qui aiment leurs compagnons et ont un coeur pur verront Dieu. Dieu n'oublie jamais la sincérité. Il guidera dans la vérité les coeurs honnêtes, car Dieu est la vérité.

131:1.7 « Dans votre vie, rejetez l'erreur et triomphez du mal par l'amour de la vérité vivante. Dans tous vos rapports avec les hommes, rendez le bien pour le mal. Le Seigneur Dieu est miséricordieux et aimant ; il pardonne. Aimons Dieu, car il nous a aimés le premier. Par l'amour de Dieu, et grâce à sa miséricorde, nous serons sauvés. Les pauvres et les riches sont frères. Dieu est leur Père. Le mal que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse, ne le faites pas à autrui.

131:1.8 « Faites appel à son nom en tous temps et, dans la mesure où vous croyez en son nom, votre prière sera entendue. Quel grand honneur d'adorer le Très Haut ! Tous les mondes et les univers lui rendent un culte. Dans toutes vos prières, rendez grâce - élevez-vous à l'adoration. La prière d'adoration évite le mal et interdit le péché. Louons à tout moment le nom du Très Haut. L'homme qui prend abri dans le Très Haut cache ses défauts à l'univers. Quand vous vous tenez devant Dieu avec un coeur pur, vous n'avez plus peur de rien dans toute la création. Le Très Haut ressemble à un père et à une mère aimants, il nous aime réellement, nous, ses enfants sur terre. Notre Dieu nous pardonnera et guidera nos pas dans la voie du salut. Il nous prendra par la main et nous conduira jusqu'à lui. Dieu sauve ceux qui ont confiance en lui ; il n'oblige pas l'homme à servir son nom.

131:1.9 « Si la foi dans le Très Haut a pénétré votre coeur, alors vous demeurerez libre de crainte durant tous les jours de votre vie. Ne vous irritez pas de la prospérité des impies ; ne craignez pas ceux qui complotent le mal ; laissez votre âme s'écarter du péché et mettez toute votre confiance dans le Dieu de salut. L'âme fatiguée du mortel errant trouve un repos éternel dans les bras du Très Haut. Le sage a soif de l'étreinte divine. L'enfant terrestre désire ardemment la sécurité des bras du Père Universel. L'homme noble recherche cet état supérieur où l'âme du mortel se mêle à l'esprit du Suprême. Dieu est juste : le fruit que nous ne recevons pas de nos efforts dans ce monde, nous le recevrons dans le prochain monde. »

131.2  Judaïsme

131:2.1 Les Kénites de Palestine assurèrent la sauvegarde de bien des enseignements de Melchizédek. Jésus et Ganid choisirent dans ces archives telles qu'elles étaient, conservées et modifiées par les Juifs, les passages suivants :

131:2.2 « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre, et tout ce qu'ils contiennent. Et voici, tout ce qu'il avait créé était très bon. Le Seigneur, c'est lui qui est Dieu ; il n'y en a pas d'autre que lui, en haut dans le ciel, ni en bas sur la terre. C'est pourquoi tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. De même que les eaux couvrent le fond des mers, toute la terre sera pleine de la connaissance du Seigneur. Les cieux proclament la gloire de Dieu, et le firmament expose son oeuvre. Les jours font des discours les uns après les autres et les nuits montrent de la connaissance les unes après les autres. Il n'y a ni parole ni langage où leur voix ne soit entendue. L'oeuvre du Seigneur est grandiose, il a fait toutes ces choses avec sagesse. La grandeur du Seigneur est insondable. Il connaît le nombre des étoiles et les appelle toutes par leur nom.

131:2.3 « Le pouvoir du Seigneur est grand et sa compréhension infinie. Le Seigneur dit : `De même que les cieux sont plus élevés que la terre, de même mes voies sont plus élevées que vos voies et mes pensées plus élevées que vos pensées.' Dieu révèle les choses profondes et secrètes parce que la lumière habite en lui. Le Seigneur est miséricordieux et gracieux ; il endure longtemps et abonde en vérité et en bonté. Le Seigneur est bon et droit ; il guidera les débonnaires dans le jugement. Goutez et constatez que le Seigneur est bon ! Béni soit l'homme qui a confiance en Dieu. Dieu est notre refuge et notre force, une aide bien présente dans les difficultés.

131:2.4 « La miséricorde du Seigneur repose d'éternité en éternité sur tous ceux qui le craignent, et sa droiture s'étend aux enfants de nos enfants. Le Seigneur est gracieux et plein de compassion. Il est bon pour tous, et ses tendres grâces sont répandues sur toute sa création ; il guérit les coeurs brisés et panse leurs blessures. Où irais-je loin de l'esprit de Dieu ? Où fuirais-je hors de la divine présence ? Ainsi dit le Haut et Sublime qui habite l'éternité et s'appelle le Saint : `J'habite dans le lieu élevé et saint, et aussi chez celui qui a le coeur contrit et l'esprit humble !' Nul ne peut se cacher de notre Dieu, car il remplit le ciel et la terre. Que les cieux soient heureux et que la terre se réjouisse. Que toutes les nations disent : Le Seigneur règne ! Rendez grâces à Dieu, car sa miséricorde dure à jamais.

131:2.5 « Les cieux proclament la droiture de Dieu, et tout le monde a vu sa gloire. C'est Dieu qui nous a faits, et non nous-mêmes ; nous sommes son peuple, les brebis de son pâturage. Sa miséricorde est perpétuelle et sa vérité subsiste pour toutes les générations. Notre Dieu gouverne parmi les nations. Que la terre soit remplie de sa gloire ! O puissent les hommes louer le Seigneur pour sa bonté et pour ses dons merveilleux aux enfants des hommes !

131:2.6 « Dieu a créé l'homme un peu moins que divin et l'a couronné d'amour et de miséricorde. Le Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies périra. La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ; la connaissance du Suprême est l'intelligence. Le Dieu Tout-Puissant dit : `Marche devant moi et sois parfait.' N'oubliez pas que l'orgueil va au-devant de la destruction et un esprit hautain au-devant de la chute. Celui qui gouverne son propre esprit est plus puissant que celui qui s'empare d'une ville. Le Seigneur Dieu, le Saint dit : `En revenant à ton repos spirituel, tu seras sauvé ; dans le calme et la confiance, tu trouveras ta force.' Ceux qui servent le Seigneur renouvelleront leur vigueur ; ils s'élèveront avec des ailes, tels des aigles. Ils courront et ne seront pas fatigués ; ils marcheront et ne faibliront pas. Le Seigneur apaisera vos frayeurs. Le Seigneur dit : `Ne craignez pas, car je suis avec vous. N'ayez point de crainte, car je suis votre Dieu et je vous affermirai ; je vous aiderai, oui, je vous soutiendrai avec la main droite de ma justice.'

131:2.7 « Dieu est notre Père ; le Seigneur est notre rédempteur. Dieu a créé les armées de l'univers et il les préserve toutes. Sa droiture ressemble aux montagnes et son jugement au grand abime. Il nous fait boire à la rivière de ses plaisirs, et dans sa lumière nous verrons la lumière. Il est bon de rendre grâces au Seigneur et de chanter les louanges du Très Haut, de montrer le matin une bienveillance affectueuse et chaque soir une foi divine. Le royaume de Dieu est un royaume perpétuel et sa domination perdure de génération en génération. Le Seigneur est mon berger ; je ne manquerai de rien. Grâce à lui, je me délasse dans de verts pâturages, il me conduit auprès des eaux tranquilles. Il réconforte mon âme ; il me guide dans les sentiers de la droiture. Oui, quand même je marcherais dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal, car Dieu est avec moi. La bonté et la miséricorde m'accompagneront certainement tous les jours de ma vie, et j'habiterai éternellement dans la maison du Seigneur.

131:2.8 « Yahweh est le Dieu de mon salut ; je mettrai donc ma confiance dans le nom divin. Je me confierai au Seigneur de tout mon coeur ; je ne m'appuierai pas sur ma propre intelligence. Dans toutes mes voies je le reconnaîtrai, et il dirigera ma route. Le Seigneur est fidèle ; il tient ses promesses à ceux qui le servent ; le juste vivra par sa foi. Si vous ne faites pas bien, c'est à cause du péché qui se tient à la porte. Les hommes récoltent le mal qu'ils implantent et le péché qu'ils sèment. Ne vous rongez pas de soucis à propos des méchants. Si, dans votre coeur vous envisagez l'iniquité, le Seigneur ne vous entendra pas ; si vous péchez contre Dieu, vous faites aussi du mal à votre propre âme. Dieu amènera au jugement l'oeuvre de chaque homme avec tous ses secrets, bons ou mauvais. Selon ce qu'un homme pense dans son coeur, tel il est.

131:2.9 « Le Seigneur est proche de tous ceux qui font appel à lui en sincérité et en vérité. On peut pleurer toute une nuit, mais la joie vient avec le matin. Un coeur joyeux fait du bien comme un médicament. Dieu ne refusera aucune bonne chose à ceux qui marchent droit. Craignez Dieu et gardez ses commandements, car c'est là tout le devoir de l'homme. Ainsi parle le Seigneur qui créa les cieux et forma la terre : `Il n'y a pas d'autre Dieu que moi, un Dieu juste et un sauveur. Confiez-vous à moi de tous les confins de la terre et soyez sauvés. Si vous me cherchez, vous me trouverez, pourvu que vous me recherchiez de tout votre coeur.' Les débonnaires hériteront de la terre et se réjouiront dans l'abondance de la paix. Quiconque sème l'iniquité récoltera la calamité ; ceux qui sèment le vent récolteront la tempête.

131:2.10 « ` Venez maintenant et raisonnons ensemble', dit le Seigneur, `Même si vos péchés sont comme l'écarlate ; ils seront blancs comme neige. S'ils sont rouges comme le cramoisi, ils deviendront comme de la laine'. Mais il n'y a pas de paix pour les méchants. Ce sont vos propres péchés qui ont éloigné les bonnes choses de vous. Dieu est la santé de mon visage et la joie de mon âme. Le Dieu éternel est ma force. Il est notre demeure, et ses bras éternels me soutiennent. Le Seigneur est proche de ceux qui ont le coeur brisé. Il sauve tous ceux dont l'esprit ressemble à celui d'un enfant. Les afflictions du juste sont nombreuses, mais le Seigneur le délivre de toutes. Remettez vos voies au Seigneur - ayez confiance en lui - et il les fera réussir. Celui qui habite dans le lieu secret du Très Haut demeurera à l'ombre du Tout-Puissant.

131:2.11 « Aimez votre prochain comme vous-même ; ne gardez rancune à aucun homme. Ne faites à personne ce que vous détestez. Aimez votre frère, car le Seigneur a dit : `J'aimerai mes enfants en toute liberté.' Le sentier du juste est comme une lumière qui brille de plus en plus jusqu'au jour parfait. Les sages auront l'éclat du firmament, et ceux qui orientent beaucoup d'hommes vers la droiture brilleront éternellement comme les étoiles. Que le pervers abandonne sa mauvaise voie et l'impie ses pensées rebelles. `Qu'ils reviennent à moi', dit le Seigneur, `et j'aurai pitié d'eux ; je pardonnerai abondamment.'

131:2.12 « Paroles de Dieu, créateur du ciel et de la terre : `Ceux qui aiment ma loi jouissent d'une grande paix. Voici mes commandements : Tu m'aimeras de tout ton coeur, tu n'auras point d'autres dieux devant ma face ; tu ne prononceras pas mon nom en vain ; rappelle-toi le jour du sabbat pour le sanctifier ; honore ton père et ta mère ; tu ne tueras point ; tu ne commettras point l'adultère ; tu ne déroberas pas ; tu ne porteras pas de faux témoignage ; tu ne convoiteras point'.

131:2.13 « Et à tous ceux qui aiment suprêmement le Seigneur et aiment leur prochain comme eux-mêmes, le Dieu du ciel dit : `Je paierai ta rançon pour te libérer du tombeau, je te rachèterai de la mort. Je serai miséricordieux et juste pour tes enfants. N'ai-je pas dit de mes créatures sur la terre : Vous êtes les fils du Dieu vivant ? Ne vous ai-je pas aimés d'un amour perpétuel ? Ne vous ai-je pas invités à devenir semblable à moi et à habiter éternellement avec moi au Paradis ?' »

131.3  Bouddhisme

131:3.1 Ganid fut choqué de découvrir combien le bouddhisme était proche d'être une grande et belle religion sans Dieu, sans une Déité personnelle et universelle. Toutefois, il trouva quand même trace de certaines croyances antérieures reflétant un peu l'influence des enseignements des missionnaires de Melchizédek, qui continuèrent à travailler aux Indes même jusqu'à l'époque de Bouddha. Jésus et Ganid recueillirent les citations suivantes de la littérature bouddhiste :

131:3.2 « L'allégresse jaillira d'un coeur pur vers l'Infini. Tout mon être sera en paix dans cette joie supramortelle. Mon âme est remplie de contentement et mon coeur déborde de la félicité d'une confiance paisible. Je ne crains rien, je suis libre d'anxiété. Je demeure en sécurité, et mes ennemis ne peuvent m'inquiéter. Je suis satisfait des fruits de ma confiance. J'ai trouvé qu'il était facile d'accéder à l'Immortel. Je prie que la foi me soutienne au cours du long voyage. Je sais que la foi de l'au-delà ne me fera pas défaut. Je sais que mes frères prospèreront s'ils sont imbus de la foi de l'Immortel, la foi qui crée la modestie, la droiture, la sagesse, le courage, la connaissance et la persévérance. Abandonnons la tristesse et rejetons la peur. Par la foi, emparons-nous de la vraie droiture et d'une authentique virilité. Apprenons à méditer sur la justice et la miséricorde. La foi est la vraie richesse de l'homme ; elle est le don de vertu et de gloire.

131:3.3 « L'injustice est indigne et le péché est méprisable. Le mal est dégradant aussi bien en pensée que s'il est mis à exécution. La douleur et le chagrin suivent le sentier du mal comme la poussière suit le vent. Le bonheur et la paix mentale suivent la pensée pure et la vie vertueuse comme l'ombre suit la substance des choses matérielles. Le mal est le fruit d'une pensée mal dirigée. Il est mauvais de voir un péché là où il n'y en a pas, et de ne pas voir de péché là où il y en a. Le mal est le sentier des fausses doctrines. Ceux qui évitent le mal en voyant les choses telles qu'elles sont deviennent joyeux en embrassant ainsi la vérité. Mettez fin à votre détresse par le dégout du péché. En élevant vos regards vers le Noble, détournez-vous du péché de tout votre coeur. Ne justifiez pas le mal ; ne cherchez pas d'excuse au péché. Par vos efforts pour corriger vos anciens péchés, vous acquérez la force de résister à la tendance à y retomber. La résistance au mal naît du repentir. Ne passez sur aucune faute sans la confesser au Noble.

131:3.4 « L'allégresse et la joie sont les récompenses des bonnes actions accomplies à la gloire de l'Immortel. Nul ne peut vous dérober la liberté de votre propre mental. Quand la foi de votre religion a émancipé votre coeur, quand votre mental, telle une montagne, est établi et immuable, alors la paix de l'âme coule comme les eaux d'un fleuve tranquille. Ceux qui sont certains du salut sont libérés pour toujours de la convoitise, de l'envie, de la haine et de l'illusion des richesses. Bien que la foi soit l'énergie d'une vie meilleure, il vous faut néanmoins travailler avec persévérance à votre propre salut. Si vous voulez être certain de votre salut final, alors assurez-vous que vous cherchez sincèrement à accomplir tout ce qui est droit. Cultivez l'assurance de coeur qui vient de l'intérieur, et venez ainsi jouir de l'extase du salut éternel.

131:3.5 « Nul homme religieux ne peut espérer atteindre l'illumination de la sagesse immortelle s'il persiste à être paresseux, indolent, faible, oisif, impudent et égoïste. Mais quiconque est prévenant, prudent, réfléchi, fervent et sérieux - même s'il vit encore sur terre - peut parvenir à l'illumination suprême de la paix et de la liberté de la sagesse divine. Rappelez-vous que tout acte recevra sa récompense. Le mal aboutit au chagrin et le péché finit en douleur. La joie et le bonheur sont la conséquence d'une vie bien vécue. Même le méchant bénéficie d'une période de grâce avant le temps de la complète maturité de ses mauvaises actions, mais la pleine moisson de la malfaisance arrive inévitablement. Que nul ne pense au péché avec légèreté en se disant dans son coeur : `La punition des mauvaises actions ne m'approchera pas.' Ce que vous faites à autrui, on vous le fera, dans le jugement de la sagesse. L'injustice commise envers vos semblables se retournera contre vous. La créature ne saurait échapper à la destinée de ses actes.

131:3.6 « L'insensé a dit dans son coeur : le mal ne me rattrapera pas ; mais on ne trouve de sécurité que si l'âme réclame des reproches et si le mental recherche la sagesse. Le sage est une âme noble qui reste amicale au milieu de ses ennemis, tranquille parmi les turbulents et généreuse parmi les cupides. L'amour de soi ressemble à des mauvaises herbes dans un champ bien planté. L'égoïsme conduit au chagrin ; l'inquiétude perpétuelle tue. Le mental dompté produit le bonheur. Le plus valeureux guerrier est celui qui triomphe de lui-même et se domine. La retenue en toutes choses est bonne. Seul celui qui estime la vertu et fait son devoir est une personne supérieure. Que la colère est la haine ne soient pas vos maitres. Ne parlez durement de personne. Le contentement est la plus grande richesse. Ce qui est donné sagement est bien épargné. Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse. Rendez le bien pour le mal ; triomphez du mal par le bien.

131:3.7 « Une âme droite est plus souhaitable que la souveraineté sur toute la terre. L'immortalité est le but de la sincérité ; la mort est la fin de la vie irréfléchie. Les sérieux ne meurent pas, les étourdis sont déjà morts. Bénis sont ceux dont la clairvoyance perçoit l'état immortel. Ceux qui torturent les vivants ne trouveront guère de bonheur après la mort. Les désintéressés vont au ciel, où ils jouissent de la félicité d'une libéralité infinie et où leur noble générosité continue à croitre. Tout mortel qui pense avec droiture, qui parle noblement et qui agit généreusement non seulement aura plaisir à la vertu durant sa brève existence, mais continuera aussi, après la dissolution du corps, à jouir des délices du ciel. »

131.4  Hindouisme

131:4.1 Les missionnaires de Melchizédek transmirent l'enseignement du Dieu unique dans tous leurs déplacements. Une grande partie de cette doctrine monothéiste, ainsi que d'autres concepts antérieurs, furent incorporés dans les enseignements ultérieurs de l'hindouisme. Jésus et Ganid en firent les extraits suivants :

131:4.2 « Il est le grand Dieu, en toutes manières suprême. Il est le Seigneur qui englobe toutes choses. Il est le créateur et le contrôleur de l'univers des univers. Dieu est un Dieu unique, il existe seul et par lui-même ; il est l'unique. Ce Dieu unique est notre Créateur et la destinée finale de l'âme. Le Suprême brille d'un éclat qui défie la description ; il est la Lumière des Lumières, cette lumière divine qui illumine chaque coeur et chaque monde. Dieu est notre protecteur - il se tient aux côtés de ses créatures - et ceux qui apprennent à le connaître deviennent immortels. Dieu est la grande source d'énergie, il est la Grande Âme. Il exerce une souveraineté universelle sur tout. Ce Dieu unique est aimant, glorieux et adorable. Notre Dieu jouit d'un pouvoir suprême et habite la demeure suprême. Cette véritable Personne est éternelle et divine. Dieu est le Seigneur primordial des cieux. Tous les prophètes l'ont salué, et il s'est révélé à nous. Nous l'adorons. O Personne Suprême, source des êtres, Seigneur de la création et souverain de l'univers, révèle à tes créatures le pouvoir par lequel tu demeures immanent ! Dieu a créé le soleil et les étoiles ; il est lumineux, pur, il existe par lui-même. Sa connaissance éternelle est divinement sage. L'Éternel est inaccessible au mal. Puisque l'univers est issu de lui, Dieu le gouverne comme il sied. Il est la cause de la création, donc toutes choses sont établies en lui.

131:4.3 « Dieu est le refuge sûr de tout homme de bien dans le besoin. L'Immortel prend soin de toute l'humanité. Le salut de Dieu est fort et sa bonté est gracieuse. Il est un protecteur aimant et un défenseur béni. Le Seigneur dit : `J'habite dans leur propre âme comme une lampe de sagesse. Je suis la splendeur des splendides et la bonté des bons. Quand deux ou trois se réunissent, je suis là aussi.' La créature ne saurait échapper à la présence du Créateur. Le Seigneur compte même les clignements incessants de tout oeil mortel et nous adorons cet Être divin comme notre compagnon inséparable. Il est prédominant, munificent, omniprésent et infiniment bon. Le Seigneur est notre souverain, notre refuge et notre contrôleur suprême, et son esprit primordial habite l'âme mortelle. Le Témoin Éternel du vice et de la vertu demeure dans le coeur de l'homme. Méditons longuement sur l'adorable et divin Animateur ; que son esprit dirige entièrement nos pensées. Conduis-nous de ce monde irréel au monde réel, des ténèbres à la lumière, et de la mort guide-nous à l'immortalité.

131:4.4 « Avec notre coeur débarrassé de toute haine, adorons l'Éternel. Notre Dieu est le Seigneur de la prière ; il entend le cri de ses enfants. Que tous les hommes soumettent leur volonté à lui, le Résolu. Jouissons de la libéralité du Seigneur des prières. Faites de votre prière votre amie intime, et de l'adoration le soutien de votre âme. `Si vous vouliez seulement me rendre un culte d'amour', dit l'Éternel, `je vous donnerais la sagesse pour m'atteindre, car mon culte est la vertu commune à toutes les créatures.' Dieu est l'illumination de ceux qui sont assombris par la tristesse et le pouvoir de ceux qui défaillent. Puisque Dieu est notre puissant ami, nous ne craignons plus rien. Nous louons le nom du Conquérant jamais conquis. Nous l'adorons parce qu'il est l'aide fidèle et éternel des hommes. Dieu est notre chef sûr et notre guide infaillible. Il est le grand aïeul du ciel et de la terre, il possède une énergie illimitée et une sagesse infinie. Sa splendeur est sublime et sa beauté divine. Il est le refuge suprême des univers et le gardien immuable de la loi perpétuelle. Notre Dieu est le Seigneur de la vie et le Consolateur de tous les hommes. Il aime l'humanité et aide les malheureux. C'est lui qui nous donne la vie, il est le Bon Berger des troupeaux humains. Dieu est notre père, notre frère et notre ami. Nous désirons ardemment connaître ce Dieu au plus profond de notre être.

131:4.5 « Nous avons appris à gagner la foi par le désir de notre coeur. Nous avons atteint la sagesse en maitrisant nos sens ; et, par la sagesse, nous avons éprouvé la paix dans le Suprême. Celui qui est plein de foi adore vraiment quand son moi intérieur est résolument à Dieu. Notre Dieu porte les cieux comme un manteau ; il habite aussi les six autres univers déployés dans leur immensité. Il est suprême sur tout et en tout. Nous souhaitons ardemment le pardon du Seigneur pour tous nos péchés envers notre prochain, et nous voulons dégager notre ami du tort qu'il nous a fait. Notre esprit répugne à tout mal ; donc, Seigneur, libère-nous de toute souillure du péché. Nous prions Dieu en tant que consolateur, protecteur et sauveur - comme une personne qui nous aime.

131:4.6 « L'esprit du Conservateur de l'Univers pénètre l'âme des créatures simples. L'homme est sage s'il adore le Dieu Unique. Ceux qui s'efforcent d'être parfaits doivent certainement connaître le Seigneur Suprême. Quiconque connaît la félicité de la sécurité du Suprême n'a jamais peur, car le Suprême dit à ceux qui le servent : `Ne craignez pas, car je suis avec vous.' Le Dieu de la providence est notre père. Dieu est vérité, et il désire que ses créatures le comprennent - qu'elles arrivent à pleinement connaître la vérité. La vérité est éternelle ; elle soutient l'univers. Notre désir suprême sera de nous unir au Suprême. Le Grand Contrôleur engendre toutes choses - tout évolue en partant de lui. Et voici tout notre devoir : que nul ne fasse à autrui ce qu'il répugne qu'on lui fasse ; ne chérissez aucune perversité, ne frappez pas celui qui vous frappe, domptez la colère par la miséricorde et triomphez de la haine par la bienveillance. Nous devrions faire tout cela parce que Dieu est un bon ami et un père plein de grâce qui nous pardonne toutes nos offenses terrestres.

131:4.7 « Dieu est notre Père, la terre est notre mère, et l'univers est le lieu de notre naissance. Sans Dieu, l'âme est prisonnière ; la connaissance de Dieu la libère. La méditation sur Dieu et l'union avec lui apportent la délivrance des illusions du mal et l'ultime libération de toutes les entraves matérielles. Quand l'homme enroulera l'espace comme un morceau de cuir, alors viendra la fin du mal parce que l'homme aura trouvé Dieu. O Dieu, sauve-nous de la triple ruine de l'enfer - la convoitise, la colère et l'avarice ! O mon âme, ceins-toi pour la lutte spirituelle de l'immortalité ! Quand vient la fin de la vie mortelle, n'hésite pas à abandonner ce corps pour une forme plus belle et plus appropriée, et à te réveiller dans les royaumes du Suprême et de l'Immortel où ne règnent ni peur, ni chagrin, ni faim, ni soif, ni mort. Connaître Dieu, c'est couper les cordes de la mort. L'âme qui connaît Dieu s'élève dans l'univers comme la crème apparaît à la surface du lait. Nous adorons Dieu, l'artisan de tout, la Grande Âme, qui siège toujours dans le coeur de ses créatures. Ceux qui savent que Dieu trône dans le coeur humain sont destinés à lui devenir semblables - à devenir immortels. Le mal doit être laissé en arrière dans ce monde, mais la vertu accompagne l'âme au ciel.

131:4.8 « Seuls les pervers disent : `L'univers n'a ni vérité ni chef ; il n'est destiné qu'à satisfaire nos convoitises.' Mais de telles âmes sont trompées par la mesquinerie de leur intellect. Ils s'abandonnent ainsi à la satisfaction de leurs convoitises et privent leur âme des joies de la vertu et des plaisirs de la droiture. Quelle expérience est plus grande que celle d'être sauvé du péché ? L'homme qui a vu le Suprême est immortel. Les amis charnels de l'homme ne peuvent survivre à la mort ; seule la vertu marche aux côtés de l'homme tandis qu'il voyage en avançant toujours vers les champs heureux et ensoleillés du Paradis. »

131.5  Zoroastrisme

131:5.1 Zoroastre fut lui-même en contact direct avec les descendants des premiers missionnaires de Melchizédek, et leur doctrine du Dieu unique devint un enseignement central dans la religion qu'il fonda en Perse. À part le judaïsme, nulle religion de cette époque ne contenait une plus grande quantité d'enseignements de Salem. Ganid fit les extraits suivants des archives de cette religion :

131:5.2 « Toutes choses viennent du Dieu Unique et lui appartiennent. Il est notre Dieu infiniment sage, bon, droit, saint, resplendissant et glorieux. Lui, notre Dieu, est la source de toute luminosité. Il est le Créateur, le Dieu de tous les bons desseins, et le protecteur de la justice de l'univers. La ligne de conduite sage dans la vie consiste à agir en harmonie avec l'esprit de vérité. Dieu voit tout, et il aperçoit aussi bien les mauvaises actions des pervers que les bonnes oeuvres des justes ; notre Dieu observe toutes choses d'un oeil étincelant. Son toucher est le toucher de guérison. Le Seigneur est un bienfaiteur tout-puissant. Dieu tend sa main bénéfique aux justes comme aux pervers. Dieu a établi le monde et ordonné la rétribution pour le bien et pour le mal. Le Dieu infiniment sage a promis l'immortalité aux âmes pieuses qui pensent avec pureté et agissent avec droiture. Vous deviendrez ce que vous désirez suprêmement. La lumière du soleil est semblable à la sagesse pour ceux qui discernent Dieu dans l'univers.

131:5.3 « Louez Dieu en recherchant ce qui plaît au Grand Sage. Adorez le Dieu de lumière en marchant joyeusement dans les voies ordonnées par sa religion révélée. Il n'y a qu'un Dieu Suprême, le Seigneur des Lumières. Nous adorons celui qui a créé les eaux, les plantes, les animaux, la terre et les cieux. Notre Dieu est Seigneur, c'est le plus bienveillant. Nous adorons le plus beau, le généreux Immortel doué de la lumière éternelle. Dieu est le plus éloigné de nous et en même temps le plus proche, du fait qu'il habite nos âmes. Notre Dieu est le divin et le plus saint Esprit du Paradis, et cependant il est plus amical pour l'homme que la plus amicale de toutes les créatures. Dieu est d'un grand secours pour nous dans la principale de toutes nos entreprises, celle de le connaître lui-même. Dieu est notre ami le plus adorable et le plus droit ; il est notre sagesse, notre vie et la vigueur de notre âme et de notre corps. Par nos bonnes pensées, le sage Créateur nous permettra de faire sa volonté et de parvenir ainsi à la réalisation de tout ce qui est divinement parfait.

131:5.4 « Seigneur, enseigne-nous à vivre cette vie dans la chair tout en nous préparant à la prochaine vie de l'esprit. Parle-nous, Seigneur, et nous ferons ce que tu demanderas. Enseigne-nous les bonnes voies, et nous marcherons droit. Accorde-nous d'atteindre l'union avec toi. Nous savons que la religion est bonne si elle conduit à l'union avec la droiture. Dieu est notre sage nature, notre meilleure pensée, et notre acte juste. Puisse Dieu nous conférer l'unité avec l'esprit divin et l'immortalité en lui-même !

131:5.5 « Cette religion du Grand Sage purifie le croyant de toute mauvaise pensée et de toute action pécheresse. Je m'incline devant le Dieu du ciel en me repentant si j'ai commis une offense en pensée, en paroles ou en action - intentionnellement ou non - et j'offre des prières pour la miséricorde et des louanges pour le pardon. Quand je me confesse, si je n'ai pas l'intention de renouveler la faute, je sais que le péché sera ôté de mon âme. Je sais que le pardon enlève les liens du péché. Ceux qui font le mal seront punis, mais ceux qui suivent la vérité jouiront de la félicité d'un salut éternel. Prends possession de nous par la grâce et dispense à notre âme le pouvoir sauveur. Nous implorons miséricorde parce que nous aspirons à la perfection ; nous voudrions être semblables à Dieu. »

131.6  Soudouanisme (Le Jaïnisme)

131:6.1 Le troisième groupe de croyants religieux qui préserva, aux Indes, la doctrine du Dieu unique - la survivance des enseignements de Melchizédek - était connu à l'époque sous le nom de soudouaniste. Plus récemment, on appela ces croyants les fidèles du jaïnisme. Voici quelques-unes des pensées qu'ils enseignaient :

131:6.2 « Le Seigneur du Ciel est suprême. Ceux qui commettent le péché ne s'élèveront pas dans les hauteurs, mais ceux qui suivent les voies de la droiture trouveront une place au ciel. Nous sommes assurés de la vie dans l'au-delà si nous connaissons la vérité. L'âme de l'homme peut monter au ciel le plus haut pour y développer sa vraie nature spirituelle, pour atteindre la perfection. L'état céleste délivre l'homme de la servitude du péché et l'introduit auprès des béatitudes finales. Le juste a déjà l'expérience d'en avoir fini avec le péché et avec toutes les misères qui l'accompagnent. L'ego est l'ennemi invincible de l'homme et se manifeste sous l'aspect des quatre plus grandes passions humaines : la colère, l'orgueil, la tromperie et la cupidité. La plus grande victoire de l'homme est son triomphe sur lui-même. Quand l'homme se tourne vers Dieu pour être pardonné et qu'il a l'audace de prendre cette liberté, il est délivré de la peur. L'homme devrait traverser la vie en traitant ses semblables comme il aimerait être traité. »

131.7  Shintoïsme

131:7.1 Les manuscrits de cette religion d'Extrême-Orient n'avaient été classés que récemment dans la bibliothèque d'Alexandrie. Il s'agissait de l'unique religion du monde dont Ganid n'avait jamais entendu parler. Cette croyance contenait également des rappels des premiers enseignements de Melchizédek, comme le montrent les extraits suivants :

131:7.2 « Ainsi dit le Seigneur : `Vous êtes tous des récepteurs de mon divin pouvoir ; tous les hommes bénéficient de mon ministère de miséricorde. Je prends grand plaisir à la multiplication des justes dans tout le pays. Dans les beautés de la nature comme dans les vertus des hommes, le Prince du Ciel cherche à se révéler et à proclamer la droiture de sa nature. Puisque les peuples de l'antiquité ne connaissaient pas mon nom, je me suis manifesté en naissant dans le monde comme un être visible, et j'ai subi une telle humiliation afin que même les hommes n'oublient pas mon nom. C'est moi qui ai créé les cieux et la terre. Le soleil, la lune et toutes les étoiles obéissent à ma volonté. Je suis le chef de toutes les créatures sur la terre et dans les quatre mers. Bien que je sois grand et suprême, j'ai égard à la prière du plus humble des hommes. Si une créature veut m'adorer, j'écouterai sa prière et j'exaucerai le désir de son coeur.'

131:7.3 « ` Chaque fois que l'homme cède à l'anxiété, il s'écarte d'un pas de la gouverne de l'esprit de son coeur.' L'orgueil cache Dieu. Si vous voulez obtenir l'aide du ciel, mettez de côté votre orgueil ; tel un gros nuage, toute trace d'orgueil intercepte la lumière qui sauve. Si vous n'êtes pas droit à l'intérieur de vous-même, il est inutile de prier pour les choses extérieures. `Si j'entends vos prières, c'est parce que vous vous présentez devant moi avec un coeur pur, dégagé de fausseté et d'hypocrisie, avec une âme qui reflète la vérité comme un miroir. Si vous voulez gagner l'immortalité, abandonnez le monde et venez à moi.' »

131.8  Taoïsme

131:8.1 Les messagers de Melchizédek pénétrèrent profondément en Chine, et la doctrine du Dieu unique fit partie des premiers enseignements de plusieurs religions chinoises. Celle qui persista le plus longtemps et contint le plus de vérité monothéiste fut le taoïsme. Ganid rassembla les enseignements suivants de son fondateur :

131:8.2 « Combien le Suprême est pur et tranquille, et pourtant combien il est fort et puissant, profond et insondable ! Ce Dieu du ciel est l'ancêtre honoré de toutes choses. Si vous connaissez l'Éternel, vous êtes éclairé et sage. Si vous ne connaissez pas l'Éternel, alors l'ignorance se manifeste en tant que mal, et les passions du péché surgissent. Cet Être prodigieux existait avant les cieux et la terre. Il est vraiment spirituel ; il est unique et ne change pas. En vérité il est la mère du monde, et toute la création tourne autour de lui. Ce Grand Être se communique aux hommes et leur permet ainsi d'exceller et de survivre. Même si l'on a peu de connaissance, on peut marcher dans les voies du Suprême ; on peut se conformer à la volonté du ciel.

131:8.3 « Toutes les bonnes oeuvres de vrai service proviennent du Suprême. Toutes choses dépendent de la Grande Source pour leur vie. Le Grand Suprême ne recherche aucun honneur pour ses dons. Bien que suprême en pouvoir, il reste caché à nos regards. Il transmue sans cesse ses attributs tout en perfectionnant ses créatures. La Raison céleste est lente et patiente dans ses projets, mais sûre de ses accomplissements. Le Suprême recouvre l'univers et le soutient tout entier. Combien sont grands et puissants son influence débordante et son pouvoir d'attraction ! La vraie bonté ressemble à l'eau, en ce sens qu'elle bénit tout et ne nuit à rien. Telle l'eau, la vraie bonté recherche les places inférieures, même les niveaux que les autres évitent, et cela parce qu'elle est apparentée au Suprême. Le Suprême crée toutes choses, il les nourrit dans la nature et les perfectionne en esprit. La manière dont le Suprême entretient, protège et perfectionne les créatures sans les contraindre est un mystère. Il guide et dirige, mais sans s'imposer. Il veille au progrès, mais sans domination.

131:8.4 « Le sage rend son coeur universel. Un peu de connaissance est chose dangereuse. Quiconque aspire à la grandeur doit apprendre à s'humilier. Dans la création, le Suprême est devenu la mère du monde. Connaître sa mère, c'est reconnaître sa filiation. Celui-là est sage qui considère toutes les parties du point de vue de l'ensemble. Reliez-vous à chaque homme comme si vous étiez à sa place. Répondez au préjudice par la bonté. Si vous aimez les gens, ils se rapprocheront de vous - vous n'aurez aucune difficulté à les gagner.

131:8.5 « Le Grand Suprême pénètre tout ; il est à droite et à gauche, il soutient toute la création et habite tous les êtres sincères. Vous ne pouvez ni trouver le Suprême ni aller en un lieu où il ne se trouve pas. Si un homme reconnaît le mal de ses actions et se repent de tout son coeur de ses péchés, alors il peut rechercher le pardon, échapper au châtiment et transformer la calamité en bénédiction. Le Suprême est le refuge sûr pour toute création ; il est le gardien et le sauveur de l'humanité. Si vous le cherchez quotidiennement, vous le trouverez. Puisqu'il peut pardonner les péchés, il est vraiment précieux à tous les hommes. Souvenez-vous toujours que Dieu récompense les hommes pour ce qu'ils sont, et non pas pour ce qu'ils font ; donc, apportez votre aide à vos compagnons sans l'idée de récompense. Faites du bien sans penser à un profit égoïste.

131:8.6 « Ceux qui connaissent les lois de l'Éternel sont sages. L'ignorance des lois divines est une calamité et un désastre. Ceux qui connaissent les lois de Dieu ont une mentalité libérale. Si vous connaissez l'Éternel, votre âme survivra au service de l'esprit, même si votre corps périt. Vous êtes vraiment sage quand vous reconnaissez votre insignifiance. Si vous demeurez dans la lumière de l'Éternel, vous jouirez de l'illumination du Suprême. Ceux qui consacrent leur personne au service du Suprême sont joyeux dans cette recherche de l'Éternel. Quand l'homme meurt, l'esprit prend son envol pour entreprendre son long voyage de retour au foyer. »

131.9  Confucianisme

131:9.1 Parmi les grandes religions du monde, celle même qui reconnaissait le moins Dieu accepta le monothéisme des missionnaires de Melchizédek et de leurs persévérants successeurs. Voici comment Ganid résuma le confucianisme :

131:9.2 « Ce que le Ciel institue est infaillible. La vérité est réelle et divine. Tout a son origine dans le Ciel, et le Grand Ciel ne commet pas de faute. Le Ciel a désigné de nombreux subordonnés pour aider à instruire et à élever les créatures inférieures. Le Dieu unique qui d'en haut régit les hommes est grand, très grand. Dieu est majestueux en pouvoir et terrible en jugement. Ce Haut Dieu a conféré un sens moral même à de nombreux individus inférieurs. La libéralité du Ciel ne s'interrompt jamais. La bienveillance est le don le plus précieux du Ciel aux hommes. Le Ciel a conféré sa noblesse à l'âme des hommes ; les vertus de l'homme sont le fruit de ce don de la noblesse du Ciel. Le Grand Ciel discerne tout et accompagne les hommes dans toutes leurs oeuvres. Nous avons raison d'appeler le Grand Ciel notre Père et notre Mère. Si nous sommes ainsi les serviteurs de nos ancêtres divins, alors nous pouvons adresser avec confiance nos prières au Ciel. À tout moment et en toutes choses, ayons la crainte respectueuse de la majesté du Ciel. O Dieu Très Haut et souverain Potentat, nous reconnaissons que le jugement t'appartient et que toute miséricorde provient du coeur divin.

131:9.3 « Dieu est avec nous ; nous n'éprouvons donc aucune crainte dans notre coeur. Si quelque vertu se trouve en moi, elle est la manifestation du Ciel qui demeure en moi ; mais ce Ciel en moi formule souvent des exigences sévères pour ma foi. Si Dieu est avec moi, j'ai décidé de n'avoir aucun doute dans mon coeur. La foi doit être très proche de la vérité des choses, et je ne vois pas comment un homme peut vivre sans cette foi bienfaisante. Le bien et le mal n'arrivent pas sans cause aux hommes. Le ciel traite l'âme d'un homme selon le dessein de cette âme. Quand vous vous découvrez en tort, n'hésitez pas à confesser votre erreur et hâtez-vous de la réparer.

131:9.4 « Le sage s'occupe de rechercher la vérité, et non simplement de gagner sa vie. Le but de l'homme est d'atteindre la perfection du Ciel. L'homme supérieur cherche à s'adapter, et il est libre d'anxiété et de crainte. Dieu est avec vous, n'en doutez pas dans votre coeur. Toute bonne action a sa récompense. L'homme supérieur ne murmure pas contre le Ciel et ne garde pas rancune aux hommes. Ne faites pas à autrui ce que vous n'aimez pas que l'on vous fasse. Que la compassion fasse partie de toute punition ; efforcez-vous de toute façon de transformer les sanctions en bénédictions. C'est la manière de faire du Grand Ciel. Alors que toutes les créatures doivent mourir et retourner à la terre, l'esprit de l'homme noble s'avance pour être exposé aux niveaux supérieurs et pour s'élever à la lumière glorieuse de l'apothéose finale. »

131.10  « Notre Religion »

131:10.1 Après le travail ardu fourni pour effectuer cette compilation des enseignements religieux du monde au sujet du Père du Paradis, Ganid s'occupa de formuler ce qu'il estimait être un résumé des croyances auxquelles il était parvenu à la suite des enseignements de Jésus. Le jeune homme avait pris l'habitude d'appeler ces croyances « notre religion » , et voici son exposé :

131:10.2 « Le Seigneur notre Dieu est un Seigneur unique, et vous devriez l'aimer de toute votre pensée et de tout votre coeur en faisant de votre mieux pour aimer tous ses enfants comme vous vous aimez vous-mêmes. Ce Dieu unique est notre Père céleste en qui toutes choses subsistent et qui habite, par son esprit, dans toute âme humaine sincère. Nous, qui sommes les enfants de Dieu, nous devrions apprendre à lui confier la garde de notre âme comme à un Créateur fidèle. Avec notre Père céleste, toutes choses sont possibles. Il en est nécessairement ainsi, puisqu'il a créé toutes les choses et tous les êtres. Bien que nous ne puissions voir Dieu, nous pouvons le connaître. En vivant quotidiennement la volonté du Père qui est aux cieux, nous pouvons le révéler à nos semblables.

131:10.3 « Les divines richesses du caractère de Dieu doivent être infiniment profondes et éternellement sages. Nous ne pouvons découvrir Dieu par la connaissance, mais nous pouvons le connaître dans notre coeur par expérience personnelle. Bien que sa justice dépasse nos facultés de divination, sa miséricorde peut être reçue par les êtres les plus humbles de la terre. Alors que le Père remplit l'univers, il vit aussi dans notre coeur. Le mental de l'homme est humain, mortel, mais son esprit est divin, immortel. Dieu n'est pas seulement infiniment puissant, mais aussi infiniment sage. Si nos parents terrestres, dont les tendances naturelles sont mauvaises, savent aimer leurs enfants et leur donner de bonnes choses, combien plus le bienfaisant Père céleste doit-il savoir aimer sagement ses enfants terrestres et leur octroyer les bénédictions qui leur conviennent.

131:10.4 « Le Père céleste ne laissera pas périr un seul enfant de la terre si cet enfant a le désir de le trouver et cherche ardemment à être semblable à lui. Notre Père aime même les méchants et il est toujours bon pour les ingrats. Si seulement les êtres humains étaient plus nombreux à connaître la bonté de Dieu, ils seraient certainement conduits à se repentir de leur mauvaise ligne de conduite et à renoncer à tous les péchés connus. Toutes les bonnes choses proviennent du Père de lumière, en qui ne se trouvent ni mutabilité ni ombre de changement. L'esprit du vrai Dieu est dans le coeur de l'homme. Dieu cherche à ce que tous les hommes soient frères. Quand les hommes commencent à chercher Dieu, c'est la preuve que Dieu les a trouvés et qu'ils sont à la recherche de connaissances à son sujet. Nous vivons en Dieu et Dieu habite en nous.

131:10.5 « Je ne me satisferai plus de croire que Dieu est le Père de tout mon peuple ; dorénavant, je croirai qu'il est aussi mon Père. J'essaierai toujours d'adorer Dieu grâce à l'Esprit de Vérité qui est mon aide quand je suis réellement parvenu à connaître Dieu. Mais avant tout je pratiquerai le culte de Dieu en apprenant à faire sa volonté sur terre, c'est-à-dire que je ferai de mon mieux pour traiter chacun de mes compagnons mortels exactement comme je pense que Dieu aimerait le voir traité. Quand nous vivons ainsi dans la chair, nous pouvons demander bien des choses à Dieu ; il satisfera le désir de notre coeur afin que nous soyons d'autant mieux préparés à servir nos compagnons. Tout ce service affectueux des enfants de Dieu accroit nos aptitudes à recevoir et à éprouver les joies du ciel, les plaisirs supérieurs du ministère de l'esprit du ciel.

131:10.6 « Je remercierai Dieu tous les jours pour ses dons inexprimables ; je louerai ses oeuvres merveilleuses pour les enfants des hommes. Pour moi, il est le Tout-Puissant, le Créateur, le Pouvoir et la Miséricorde, mais, mieux que tout, il est mon Père spirituel, et, en tant que son enfant terrestre, je m'avancerai un jour pour le voir. Mon précepteur m'a dit qu'en le cherchant je lui ressemblerai. Par la foi en Dieu, j'ai atteint la paix avec lui. Notre religion nouvelle est pleine de joie et engendre un bonheur durable. J'ai confiance que je lui serai fidèle même jusqu'à la mort, et que je recevrai certainement la couronne de la vie éternelle.

131:10.7 « J'apprends à tout mettre à l'épreuve et à m'en tenir à ce qui est bon. Je ferai à mes semblables tout ce que je voudrais que l'on me fasse. Je sais, par cette nouvelle foi, que l'homme peut devenir fils de Dieu, mais je suis parfois terrifié en pensant que tous les hommes sont mes frères, et pourtant cela doit être vrai. Je ne vois pas la possibilité de me réjouir de la paternité de Dieu si je refuse d'accepter la fraternité des hommes. Quiconque fait appel au nom du Seigneur sera sauvé. Si cela est vrai, alors tous les hommes doivent être mes frères.

131:10.8 « Désormais, je ferai mes bonnes actions en secret ; je prierai aussi le plus souvent en étant seul. Je ne jugerai pas, pour éviter d'être injuste envers mes semblables. J'apprendrai à aimer mes ennemis ; je n'ai pas encore vraiment dominé cette manière de ressembler à Dieu. Bien que je voie Dieu dans les autres religions, je trouve que dans `notre religion' il est plus beau, plus aimant, plus miséricordieux, plus personnel et plus positif. Par-dessus tout, ce grand Être glorieux est mon Père spirituel ; je suis son enfant. C'est par le seul moyen de mon sincère désir de lui ressembler que je finirai par le trouver et que je le servirai éternellement. Enfin, j'ai une religion avec un Dieu, un Dieu merveilleux qui est un Dieu de salut éternel. »

132. Le Séjour à Rome

132:0.1 GONOD apportait les salutations des princes de l'Inde à Tibère. Les deux Hindous et Jésus se présentèrent donc devant le souverain romain le troisième jour après leur arrivée à Rome. Le morose empereur était d'humeur exceptionnellement gaie ce jour-là et bavarda longuement avec le trio. Après que les visiteurs l'eurent quitté, l'empereur, faisant allusion à Jésus, fit observer à l'aide de camp qui se tenait à sa droite : « Si j'avais la prestance royale et les manières gracieuses de ce garçon, je serais un véritable empereur, n'est-ce pas ? »

132:0.2 Pendant son séjour à Rome, Ganid eut des heures régulières pour ses études et pour la visite des endroits intéressants de la ville. Son père avait beaucoup d'affaires à traiter. Désireux qu'en grandissant, son fils devienne son digne successeur à la direction de ses vastes entreprises commerciales, il estima le moment venu de l'introduire dans le monde des affaires. De nombreux citoyens de l'Inde vivaient à Rome, et il arriva souvent que Gonod se fit accompagner par l'un de ses propres employés comme interprète, de sorte que Jésus eut des journées entières à sa disposition ; cela lui donna le temps de se familiariser complètement avec cette ville de deux-millions d'habitants. On voyait fréquemment Jésus au forum, centre des affaires et de la vie politique et juridique. Souvent aussi il montait au Capitole et, tout en contemplant ce temple magnifique dédié à Jupiter, Junon et Minerve, il méditait sur l'ignorance servile dans laquelle étaient maintenus les Romains. Il passait également beaucoup de temps sur le mont Palatin, où se trouvaient la résidence de l'empereur, le temple d'Apollon et les bibliothèques latine et grecque.

132:0.3 À cette époque, l'empire romain s'étendait sur toute l'Europe méridionale, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Égypte et le nord-ouest de l'Afrique, et ses habitants comprenaient des citoyens de tous les pays de l'hémisphère oriental. La principale raison pour laquelle Jésus avait consenti à faire ce voyage était son désir d'étudier cet agrégat cosmopolite de mortels d'Urantia et de s'y mêler.

132:0.4 Durant son séjour à Rome, Jésus acquit une grande connaissance des hommes, mais la plus précieuse de toutes les expériences multiples de ces six mois de séjour dans cette cité fut son contact avec les chefs religieux de la capitale de l'empire et l'influence qu'il exerça sur eux. Avant la fin de sa première semaine à Rome, Jésus était allé voir les dirigeants qualifiés des cyniques, des stoïciens et des cultes des mystères, en particulier du groupe mithriaque, et avait pris contact avec eux. Peut-être Jésus pressentait-il que les Juifs allaient rejeter sa mission, mais il prévoyait déjà très certainement que ses messagers viendraient bientôt à Rome pour y proclamer le royaume des cieux. Il se mit donc, de la manière la plus étonnante, à préparer les voies pour que leur message fût mieux et plus sûrement reçu, il choisit cinq dirigeants parmi les stoïciens, onze parmi les cyniques et seize parmi les maitres du culte des mystères. Durant six mois, il passa une grande partie de ses loisirs en association étroite avec ces chefs religieux, et voici comment il les instruisit. Il ne s'attaqua pas une seule fois à leurs erreurs et ne mentionna même jamais les défauts de leurs enseignements. Dans chaque cas, il choisissait la part de vérité dans leurs leçons, et ensuite il entreprenait d'embellir et d'éclairer cette vérité dans leur mental de telle sorte qu'en très peu de temps, ce rehaussement de la vérité chassait efficacement l'erreur antérieure. C'est ainsi que ces hommes et ces femmes enseignés par Jésus furent préparés à reconnaître ultérieurement des vérités additionnelles et similaires dans les enseignements des premiers missionnaires chrétiens. Cette prompte acceptation des enseignements des prédicateurs de l'évangile fut l'élément qui donna une si puissante impulsion à la diffusion rapide du christianisme à Rome et, de là, dans tout l'empire.

132:0.5 On comprend mieux la signification de cet accomplissement remarquable en notant que, dans ce groupe de trente-deux chefs religieux de Rome instruits par Jésus, deux seulement furent stériles. Les trente autres jouèrent un rôle capital dans l'établissement du christianisme à Rome, et certains d'entre eux aidèrent aussi à faire du principal temple mithriaque la première église chrétienne de cette ville. Nous, qui contemplons les activités humaines depuis la coulisse et la lumière de dix-neuf siècles écoulés, nous reconnaissons seulement trois facteurs comme ayant apporté une contribution majeure à préparer très tôt le terrain pour la diffusion rapide du christianisme en Europe :

132:0.6 1. Le choix et le maintien de Simon Pierre comme apôtre.

132:0.7 2. L'entretien à Jérusalem avec Étienne, dont la mort conduisit à gagner Saul de Tarse.

132:0.8 3. La préparation préliminaire des trente Romains dont nous venons de parler, pour en faire ultérieurement les chefs de la nouvelle religion à Rome et dans tout l'empire.

132:0.9 Au cours de toutes leurs expériences, ni Étienne, ni les trente sélectionnés ne comprirent jamais qu'ils avaient parlé à l'homme dont le nom était devenu le sujet de leur enseignement religieux. L'oeuvre de Jésus au profit des trente-deux qu'il avait choisis à l'origine fut entièrement personnelle. Dans ses travaux pour ces hommes et ces femmes, le scribe de Damas n'en rencontrait jamais plus de trois à la fois, et rarement plus de deux ; la plupart du temps, il les enseignait individuellement. Il réussit à accomplir cette grande oeuvre d'éducation religieuse parce que les intéressés n'étaient pas prisonniers de traditions ; ils n'étaient pas victimes d'idées fixes préconçues sur tous les développements religieux de l'avenir.

132:0.10 Au cours des années qui suivirent bientôt, Pierre, Paul et les autres chrétiens qui enseignèrent à Rome entendirent maintes et maintes fois parler du scribe de Damas qui les avait précédés et qui avait si évidemment préparé (inconsciemment à leur avis) le chemin pour leur arrivée avec le nouvel évangile. Paul ne devina jamais réellement l'identité de ce scribe de Damas, mais, peu de temps avant sa mort, à cause de la similitude des descriptions de la personne, il parvint à la conclusion que « le fabricant de tentes d'Antioche » était aussi « le scribe de Damas » . En une occasion au cours de ses prédications à Rome, Simon Pierre soupçonna, en écoutant une description du scribe de Damas, que cette personne aurait pu être Jésus, mais il rejeta promptement cette idée, sachant très bien (du moins le pensait-il) que le Maitre n'avait jamais été à Rome.

132.1  Les Vraies Valeurs

132:1.1 Ce fut avec Angamon, chef des stoïciens, que Jésus eut un entretien durant toute une nuit au début de son séjour à Rome. Cet homme devint plus tard un grand ami de Paul et se révéla un des puissants soutiens de l'Église chrétienne à Rome. Voici en substance, et transcrit en langue moderne, ce que Jésus enseigna à Angamon :

132:1.2 Le critère des vraies valeurs doit être recherché dans le monde spirituel et sur les niveaux divins de réalité éternelle. Pour un mortel ascendant, tous les critères matériels et de bas niveaux doivent être considérés comme transitoires, partiels et inférieurs. Le savant, en tant que savant, est limité à la découverte du rapport des faits matériels entre eux. Techniquement, il n'a pas le droit d'affirmer qu'il est matérialiste, ou idéaliste, car en le faisant il abandonnerait le comportement du vrai savant ; en effet, toutes ces prises de position sont l'essence même de la philosophie.

132:1.3 À moins que le discernement moral et le niveau spirituel de l'humanité ne soient accrus en proportion, le progrès illimité d'une culture purement matérialiste peut finir par devenir une menace pour la civilisation. Une science purement matérialiste recèle en elle-même le germe potentiel de destruction de tout effort scientifique, car un pareil comportement laisse présager l'effondrement ultime d'une civilisation qui a abandonné son sens des valeurs morales et répudié son but spirituel de réalisation.

132:1.4 Les savants matérialistes et les idéalistes extrémistes sont destinés à être toujours en conflit, mais ce n'est pas le cas pour les savants et les idéalistes qui utilisent les mêmes normes d'appréciation en ce qui concerne les hautes valeurs morales et les niveaux d'épreuve spirituelle. À toutes les époques, les savants et les religieux doivent reconnaître qu'ils passent en jugement devant le tribunal des besoins de l'humanité. Ils doivent s'abstenir de guerroyer entre eux, tout en s'efforçant vaillamment de justifier leur survivance par une dévotion accrue au service du progrès humain. Si la prétendue science ou la prétendue religion d'un âge sont fausses, il faut qu'elles purifient leurs activités ou alors qu'elles disparaissent devant l'émergence d'une science matérielle ou d'une religion spirituelle d'un ordre plus véridique et plus méritoire.

132.2  Le Bien et le Mal

132:2.1 Mardus était le chef reconnu des cyniques de Rome ; il devint un grand ami du scribe de Damas. Jour après jour, il conversait avec Jésus et, soir après soir, il écoutait son enseignement divin. Parmi les plus importantes discussions avec Mardus, se trouve celle destinée à répondre à la question de ce cynique sincère sur le bien et le mal. Voici en substance, et transposée en langage du vingtième siècle, la réponse de Jésus :

132:2.2 Mon frère, le bien et le mal sont simplement des mots qui symbolisent les niveaux relatifs où l'homme comprend l'univers observable. Si l'on est éthiquement paresseux et socialement indifférent, on peut prendre pour critère du bien les usages sociaux courants. Si l'on est spirituellement indolent et moralement stagnant, on peut prendre pour critère du bien les pratiques et traditions religieuses des contemporains. Mais l'âme qui survit au temps et émerge dans l'éternité, doit faire un choix vivant et personnel entre le bien et le mal, tels qu'ils sont déterminés par les vraies valeurs des critères spirituels établis par l'esprit divin que le Père qui est aux cieux a envoyé habiter le coeur de l'homme. Cet esprit intérieur est le critère de la survie de la personnalité.

132:2.3 La bonté, de même que la vérité, est toujours relative et contraste infailliblement avec le mal. C'est la perception de ces qualités de bonté et de vérité qui permet aux âmes évoluantes des hommes de prendre ces décisions personnelles de choix essentielles à la survie éternelle.

132:2.4 La personne spirituellement aveugle qui suit logiquement les prescriptions scientifiques, les usages sociaux et les dogmes religieux se trouve en grand danger de sacrifier son indépendance morale et de perdre sa liberté spirituelle. Une telle âme est destinée à devenir un perroquet intellectuel, un automate social et l'esclave de l'autorité religieuse.

132:2.5 La bonté grandit toujours vers des niveaux supérieurs où se trouve accrue la liberté de s'épanouir moralement et d'atteindre la personnalité spirituelle - la découverte de l'Ajusteur intérieur et l'identification avec lui. Une expérience est bonne quand elle élève l'appréciation de la beauté, accroit la volonté morale, rehausse le discernement de la vérité, développe l'aptitude à aimer et à servir ses semblables, exalte les idéaux spirituels et unifie les suprêmes mobiles humains du temps avec les plans éternels de l'Ajusteur intérieur. Tout cela conduit directement au désir accru de faire la volonté du Père, ce qui entretient la passion divine de trouver Dieu et de devenir davantage semblable à lui.

132:2.6 À mesure que vous vous élèverez sur l'échelle universelle de développent des créatures, vous trouverez un accroissement de la bonté et une diminution du mal en parfaite conformité avec votre capacité de faire l'expérience de la bonté et de discerner la vérité. L'aptitude à entretenir l'erreur ou à faire l'expérience du mal ne se perdra pas entièrement avant que l'âme humaine ascendante atteigne les niveaux spirituels finals.

132:2.7 La bonté est vivante, relative, toujours en progrès ; elle est invariablement une expérience personnelle et perpétuellement liée au discernement de la vérité et de la beauté. La bonté se trouve dans la récognition des valeurs positives de vérité du niveau spirituel qui doit, dans l'expérience humaine, faire contraste avec sa contrepartie négative - les ombres du mal potentiel.

132:2.8 Jusqu'à ce que vous atteigniez les niveaux du Paradis, la bonté sera toujours davantage une recherche qu'une possession, plus un but qu'une expérience d'aboutissement. Mais, alors même que vous avez faim et soif de droiture, vous retirez une satisfaction croissante de l'accès partiel à la bonté. La présence du bien et du mal dans le monde est par elle-même une preuve positive de l'existence et de la réalité de la volonté morale de l'homme, la personnalité, qui identifie ainsi ces valeurs et se trouve également capable de choisir entre elles.

132:2.9 À l'époque où un ascendeur mortel atteint le Paradis, son aptitude à identifier le moi avec les vraies valeurs d'esprit s'est amplifiée au point qu'il a atteint la possession parfaite de la lumière de la vie. Une telle personnalité spirituelle, parvenue à la perfection, devient si complètement, divinement et spirituellement unifiée aux qualités positives et suprêmes de bonté, de beauté et de vérité qu'il ne reste aucune possibilité, à un esprit aussi droit, de projeter une ombre négative quelconque de mal potentiel lorsqu'il est exposé à l'éclat pénétrant de la lumière divine des Souverains infinis du Paradis. Chez toutes ces personnalités spirituelles, la bonté a cessé d'être partielle, opposée à un contraire et relative ; elle est devenue divinement complète et spirituellement parachevée ; elle s'approche de la pureté et de la perfection du Suprême.

132:2.10 La possibilité du mal est nécessaire au choix moral, mais l'actualisation du mal ne l'est pas. Une ombre n'a qu'une réalité relative. Le mal actuel n'est pas nécessaire en tant qu'expérience personnelle. Le mal potentiel agit tout aussi bien comme stimulant de la décision dans les domaines du progrès moral aux niveaux inférieurs du développement spirituel. Le mal ne devient une réalité d'expérience personnelle que lorsqu'un mental doué de sens moral en fait le choix.

132.3  La Vérité et la Foi

132:3.1 Nabon était un Juif grec tenant le premier rang parmi les chefs du principal culte des mystères à Rome, le culte mithriaque. Ce grand-prêtre eut de nombreux entretiens avec le scribe de Damas, mais ce fut la discussion qu'ils eurent, un soir, sur la vérité et la foi qui exerça sur lui l'influence la plus durable. Nabon avait songé à convertir Jésus et lui avait même suggéré de retourner en Palestine comme éducateur mithriaque. Il ne se doutait guère que Jésus le préparait à devenir l'un des premiers convertis à l'évangile du royaume. Voici, transcrite en terminologie moderne, la substance de l'enseignement de Jésus :

132:3.2 La vérité ne peut se définir par des mots, mais seulement en la vivant. La vérité est toujours plus que la connaissance. La connaissance concerne les choses observées, mais la vérité transcende ces niveaux purement matériels, en ce sens qu'elle s'allie à la sagesse et englobe des impondérables tels que l'expérience humaine, et même les réalités spirituelles et vivantes. La connaissance prend origine dans la science ; la sagesse, dans la vraie philosophie ; la vérité, dans l'expérience religieuse de la vie spirituelle. La connaissance traite des faits ; la sagesse traite des relations ; la vérité traite des valeurs de la réalité.

132:3.3 L'homme tend à cristalliser la science, à formuler la philosophie et à dogmatiser la vérité, parce qu'il fait montre de paresse mentale dans l'adaptation aux luttes progressives pour la vie, et qu'il a aussi terriblement peur de l'inconnu. L'homme est naturellement lent à inaugurer des changements dans ses habitudes de pensée et dans ses techniques de vie.

132:3.4 La vérité révélée, la vérité découverte personnellement, est la suprême volupté de l'âme humaine. Elle est la création conjointe du mental matériel et de l'esprit intérieur. Le salut éternel d'une âme qui discerne la vérité et aime la beauté est assuré par cette faim et cette soif de bonté qui conduisent ce mortel à se proposer un but unique, celui de faire la volonté du Père, de trouver Dieu et de devenir semblable à lui. Il n'y a jamais de conflit entre la véritable connaissance et la vérité. Il peut y avoir conflit entre la connaissance et les croyances humaines, les croyances teintées de préjugés, déformées par la peur et dominées par la crainte d'affronter de nouveaux faits dans les découvertes matérielles ou les progrès spirituels.

132:3.5 Cependant, jamais l'homme ne peut posséder la vérité sans exercer sa foi. Ceci est vrai parce que les pensées, la sagesse, l'éthique et les idéaux d'un homme ne peuvent s'élever plus haut que sa foi, son espoir sublime. Et toute véritable foi de cette sorte est basée sur une réflexion profonde, sur une autocritique sincère et sur une conscience morale intransigeante. La foi est l'inspiration de l'imagination créatrice imprégnée de l'esprit.

132:3.6 La foi agit pour libérer les activités suprahumaines de l'étincelle divine, le germe immortel qui vit dans le mental humain et qui est le potentiel de survie éternelle. Les plantes et les animaux survivent dans le temps par la technique consistant à transmettre, d'une génération à la suivante, des particules identiques d'eux-mêmes. L'âme humaine (la personnalité) survit à la mort du corps en associant son identité à cette immortelle étincelle intérieure de divinité, qui agit pour perpétuer la personnalité humaine sur un niveau supérieur de continuité d'existence universelle et progressive. Le germe caché de l'âme humaine est un esprit immortel. La seconde génération de l'âme est la première des manifestations successives de la personnalité dans des existences spirituelles et progressives qui ne prennent fin qu'au moment où l'entité divine atteint la source de son existence, la source personnelle de toute existence, Dieu, le Père Universel.

132:3.7 La vie humaine continue - survit - parce qu'elle a une fonction dans l'univers, la tâche de trouver Dieu. Animée par la foi, l'âme de l'homme ne peut s'arrêter avant d'avoir atteint ce but de la destinée et, quand elle a atteint ce but divin, elle ne peut plus prendre fin, car elle est devenue semblable à Dieu - éternelle.

132:3.8 L'évolution spirituelle est une expérience du choix croissant et volontaire de la bonté, accompagnée d'une diminution égale et progressive de la possibilité du mal. Quand on a atteint la finalité du choix de la bonté et la pleine capacité d'apprécier la vérité, il naît une perfection de beauté et de sainteté dont la droiture inhibe éternellement même la possibilité de l'émergence du concept du mal potentiel. L'âme qui connaît ainsi Dieu ne projette aucune ombre de mal qui sème le doute quand elle opère sur un niveau d'esprit aussi élevé de divine bonté.

132:3.9 La présence de l'esprit du Paradis dans le mental de l'homme constitue la promesse de révélation et l'engagement de foi d'une existence éternelle de progression divine pour toute âme cherchant à atteindre l'identité avec ce fragment d'esprit, immortel et intérieur du Père Universel.

132:3.10 La caractéristique du progrès dans l'univers est une liberté croissante de la personnalité, parce que cette liberté est associée au franchissement progressif de niveaux de plus en plus élevés de compréhension de soi, et de maitrise de soi volontaire qui en est la conséquence. L'atteinte de la perfection dans la maitrise spirituelle de soi équivaut au parachèvement de l'indépendance dans l'univers et de la liberté personnelle. La foi nourrit et maintient l'âme de l'homme au milieu de la confusion de son orientation initiale dans un univers aussi vaste. Quant à la prière, elle devient la grande unificatrice des diverses inspirations provenant de l'imagination créatrice et des impulsions de foi d'une âme essayant de s'identifier avec les idéaux spirituels de la divine présence intérieure et associée.

132:3.11 Nabon fut grandement impressionné par ces paroles, comme il l'était d'ailleurs par chacun de ses entretiens avec Jésus. Ces vérités continuèrent à bruler dans son coeur, et Nabon fut d'un grand secours pour ceux qui vinrent plus tard prêcher l'évangile de Jésus.

132.4  Ministère Personnel

132:4.1 Pendant son séjour à Rome, Jésus ne consacra pas tous ses loisirs au travail de préparation des hommes et des femmes à devenir de futurs disciples dans le royaume à venir. Il passa beaucoup de temps à acquérir une connaissance intime d'hommes de toutes races et de toutes classes qui vivaient dans cette ville, la plus grande et la plus cosmopolite du monde. Dans chacun de ces nombreux contacts humains, Jésus avait un double dessein : il désirait connaître la réaction de ses interlocuteurs à leur vie dans la chair, et il était également enclin à dire ou à faire quelque chose qui rende cette vie plus riche et plus digne d'être vécue. Au cours de ces semaines, ses enseignements religieux ne différèrent pas de ceux qui caractérisèrent sa vie ultérieure en tant qu'éducateur des douze apôtres et prédicateur auprès des foules.

132:4.2 La substance de son message était toujours le fait de l'amour du Père céleste et la vérité de sa miséricorde, joint à la bonne nouvelle que l'homme est fils par la foi de ce même Dieu d'amour. La technique habituelle des contacts sociaux de Jésus consistait à poser des questions pour faire sortir les gens de leur réserve et les amener à converser avec lui. Au début de l'entretien, c'était généralement lui qui posait des questions et, à la fin, c'étaient eux qui l'interrogeaient. Il était aussi expert à enseigner en posant des questions qu'en y répondant. En règle générale, c'est à ceux qu'il enseignait le plus qu'il en disait le moins. Ceux qui tirèrent le plus grand profit de son ministère personnel étaient des gens surmenés, anxieux et déprimés, à qui l'occasion d'épancher leur âme à un auditeur sympathique et compréhensif apportait un grand soulagement ; Jésus était cet auditeur, et plus encore. Quand ces êtres humains mal adaptés lui avaient parlé de leurs ennuis, il était toujours en mesure de leur offrir des suggestions pratiques et immédiatement utiles visant à aplanir leurs véritables difficultés, sans négliger de prononcer des paroles de réconfort pour le présent et de consolation immédiate. À ces affligés, il parlait invariablement de l'amour de Dieu et, par des méthodes diverses et variées, il les informait qu'ils étaient les enfants de ce Père céleste qui les aimait.

132:4.3 De cette manière, durant son séjour à Rome, Jésus prit un contact amical et vivifiant avec plus de cinq-cents mortels du royaume. Il parvint ainsi à une connaissance des diverses races de l'humanité, qu'il n'aurait jamais pu acquérir à Jérusalem ni même à Alexandrie. Il considéra toujours ces six mois à Rome comme l'une des périodes les plus enrichissantes et les plus instructives de sa vie terrestre.

132:4.4 Comme on peut s'y attendre, un homme aussi dynamique et doué de talents aussi variés ne pouvait vivre six mois ainsi dans la métropole du monde sans être abordé par un grand nombre de personnes désireuses de s'assurer ses services pour certaines affaires ou, plus souvent, pour des projets d'enseignement, de réformes sociales ou de mouvements religieux. Il reçut plus d'une douzaine de propositions de cet ordre et tira profit de chacune d'elles comme une occasion pour transmettre quelques pensées spirituellement ennoblissantes, soit par des mots bien choisis, soit par un service obligeant. Jésus aimait beaucoup faire quelque chose - même de peu d'importance - pour toutes sortes de gens.

132:4.5 Il s'entretint de politique et de gouvernement avec un sénateur romain, et cet unique contact avec Jésus fit une telle impression sur ce législateur que celui-ci passa le reste de sa vie à essayer vainement d'inciter ses collègues à changer le cours de la politique en vigueur en substituant l'idée d'un peuple entretenant le gouvernement à celle d'une gouvernement entretenant et nourrissant le peuple. Jésus passa une soirée avec un riche propriétaire d'esclaves et lui parla de l'homme en tant que fils de Dieu ; le lendemain, cet homme nommé Claudius affranchit cent-dix-sept esclaves. Jésus alla diner chez un médecin grec et lui exposa que ses patients avaient non seulement un corps, mais aussi un mental et une âme ; il amena ainsi cet habile praticien à donner à ses semblables des soins plus approfondis. Jésus s'entretint avec toutes sortes de gens de tous les milieux sociaux. Les bains publics furent le seul endroit de Rome qu'il ne visita pas. Il refusa d'y accompagner ses amis à cause de la promiscuité sexuelle qui y régnait.

132:4.6 Marchant le long du Tibre avec un soldat romain, il dit : « Que ton coeur soit aussi courageux que ton bras. Ose faire justice et sois de taille à te montrer miséricordieux. Oblige ta nature inférieure à obéir à ta nature supérieure, comme toi tu obéis à tes supérieurs. Révère la bonté et exalte la vérité. Choisis le beau à la place du laid. Aime ton prochain et recherche Dieu de tout ton coeur, car Dieu est ton Père dans les cieux. »

132:4.7 À l'orateur du forum, Jésus dit : « Ton éloquence est plaisante, ta logique est admirable, ta voix est agréable, mais ton enseignement n'est guère conforme à la vérité. Si seulement tu pouvais jouir de la satisfaction vivifiante de connaître Dieu comme ton Père spirituel, alors tu pourrais employer ta puissance d'élocution à libérer tes semblables de la servitude des ténèbres et de l'esclavage de l'ignorance. » Cet homme appelé Marcus fut celui qui entendit plus tard Pierre prêcher à Rome et devint son successeur. Lors de la crucifixion de Simon Pierre, ce fut lui qui défia les persécuteurs romains et continua audacieusement à prêcher le nouvel évangile.

132:4.8 Rencontrant un pauvre homme qui avait été accusé à tort, Jésus l'accompagna devant le magistrat et reçut l'autorisation spéciale de comparaître en son lieu et place. Il fit alors le superbe discours dans lequel il dit : « La justice assure la grandeur d'une nation, et plus une nation est grande, plus elle doit être soucieuse que l'injustice n'atteigne pas même son plus humble citoyen. Malheur à une nation où seuls ceux qui possèdent de l'argent et de l'influence peuvent obtenir promptement justice devant les tribunaux ! Un magistrat a le devoir sacré d'acquitter l'innocent aussi bien que de punir le coupable. La survie d'une nation dépend de l'impartialité, de l'équité et de l'intégrité de ses tribunaux. Le gouvernement civil est fondé sur la justice, de même que la vraie religion est basée sur la miséricorde. » Le juge reconsidéra le cas et, après passage au crible des témoignages, il libéra le prévenu. Parmi toutes les activités de Jésus au cours de cette époque de ministère personnel, cet incident fut celui où il fut le plus près d'intervenir publiquement.

132.5  Conseils à l'Homme Riche

132:5.1 Un homme riche, citoyen romain et stoïcien, vint à beaucoup s'intéresser aux enseignements de Jésus, à qui il avait été présenté par Angamon. Après plusieurs entretiens particuliers, ce riche citoyen demanda à Jésus ce qu'il ferait d'une fortune s'il la possédait, et Jésus lui répondit : « Je consacrerais la richesse matérielle à élever le niveau de la vie matérielle, de même que j'offrirais ma connaissance, ma sagesse et mes services spirituels pour enrichir la vie intellectuelle, ennoblir la vie sociale et faire progresser la vie spirituelle. J'administrerais les biens matériels comme un sage et efficace dépositaire des ressources d'une génération pour le profit et l'ennoblissement des générations suivantes. »

132:5.2 Cependant l'homme riche ne fut pas entièrement satisfait de la réponse de Jésus et s'enhardit à demander de nouveau : « Mais que crois-tu qu'un homme dans ma position devrait faire de sa fortune ? Dois-je la garder ou la distribuer ? » Et, lorsque Jésus se rendit compte que cet homme désirait réellement mieux connaître la vérité au sujet de sa fidélité envers Dieu et de ses devoirs envers les hommes, il développa sa réponse en lui disant : « Mon bon ami, je discerne que tu cherches sincèrement la sagesse et que tu aimes honnêtement la vérité ; je suis donc disposé à t'exposer mon point de vue sur la solution de tes problèmes concernant les responsabilités de la fortune. Je le fais parce que tu m'as demandé conseil et, en te donnant cet avis, je ne m'occupe de la fortune d'aucun autre homme riche. Je ne donne ces conseils qu'à toi, et pour ta gouverne personnelle. Si tu désires honnêtement considérer ta fortune comme un dépôt, si tu souhaites réellement devenir un gérant sage et efficace de tes capitaux accumulés, alors je te conseille de faire l'analyse suivante des sources de tes richesses. Demande-toi, en faisant de ton mieux pour trouver la réponse honnête, d'où elles viennent ? Pour t'aider à analyser l'origine de ta grande fortune, je suggèrerais que tu gardes présentes à la mémoire les dix méthodes différentes suivantes pour amasser des biens matériels :

132:5.3 « 1. La fortune héritée - les richesses provenant des parents et autres ancêtres.

132:5.4 « 2. La fortune découverte - les richesses tirées des ressources inexploitées de la terre nourricière.

132:5.5 « 3. La fortune commerciale - les richesses obtenues comme bénéfice équitable dans l'échange et le troc des biens matériels.

132:5.6 « 4. La fortune injuste - les richesses tirées de l'exploitation inéquitable de ses semblables ou de leur réduction à l'esclavage.

132:5.7 « 5. La fortune des intérêts - le revenu tiré des possibilités de rendement juste et équitable des capitaux investis.

132:5.8 « 6. La fortune due au génie - les richesses récompensant les dons créatifs et inventifs du mental humain.

132:5.9 « 7. La fortune fortuite - les richesses tirées de la générosité de ses semblables ou prenant origine dans les circonstances de la vie.

132:5.10 « 8. La fortune volée - les richesses obtenues par injustice, malhonnêteté, vol ou fraude.

132:5.11 « 9. Les fonds en dépôt - la fortune placée entre tes mains par tes semblables pour un usage spécifique présent ou futur.

132:5.12 « 10. La fortune gagnée - les richesses tirées directement de ton propre travail personnel, la juste et équitable rémunération de tes propres efforts quotidiens, mentaux et physiques.

132:5.13 « Donc, mon ami, si tu veux être, devant Dieu et au service des hommes, un fidèle et juste gérant de ta grande fortune, il faut la diviser approximativement entre ces dix grandes catégories, et administrer ensuite chaque portion conformément à l'interprétation sage et honnête des lois de la justice, de l'équité, de la loyauté et de la véritable efficacité. Cependant le Dieu du ciel ne te condamnerait pas si, dans des situations douteuses, tu te trompais parfois par considération miséricordieuse et désintéressée pour la détresse des victimes souffrant des circonstances malheureuses de la vie mortelle. Lorsque tu éprouves honnêtement des doutes sur l'équité et la justice de certaines situations matérielles, que tes décisions favorisent ceux qui sont dans le besoin. Efforce-toi d'aider les personnes qui, par malheur, souffrent de privations imméritées. »

132:5.14 Après avoir discuté ces sujets pendant plusieurs heures, l'homme riche demanda des instructions plus complètes et plus détaillées, et Jésus développa ses conseils en disant en substance : « En t'offrant de nouvelles suggestions concernant ton attitude envers ta fortune, je te recommande de recevoir mes avis comme donnés exclusivement pour toi et pour ta gouverne personnelle. Je ne parle que pour mon compte et à toi comme à un ami interrogateur. Je te conjure de ne pas dicter à d'autres hommes riches la manière dont ils doivent considérer leur fortune. Je te donne les conseils suivants :

132:5.15 « 1. Comme gérant d'une fortune héritée, il faut considérer son origine. Tu es moralement obligé de représenter la génération passée dans la transmission honnête de la fortune légitime aux générations suivantes après en avoir déduit un péage équitable au profit de la génération présente. Mais tu n'es pas obligé de perpétuer une malhonnêteté ou une injustice impliquée dans l'accumulation non équitable d'une fortune par tes ancêtres. Si une partie de ta fortune héritée se révèle provenir de fraude ou d'injustices, tu peux la débourser conformément à tes convictions sur la justice, la générosité et la restitution. Quant au reste de ta fortune légitimement héritée, tu peux en disposer équitablement et la transmettre sans crainte en tant que dépositaire d'une génération pour le compte de la suivante. Une sage discrimination et un jugement sain devraient dicter tes dispositions testamentaires.

132:5.16 « 2. Toute personne qui jouit d'une fortune provenant de découvertes devrait se rappeler que chaque individu ne vit sur terre que pendant un court laps de temps ; en conséquence,il devrait prendre des dispositions adéquates pour partager le bénéfice de ses découvertes d'une manière utile avec le plus grand nombre possible de ses semblables. Le prospecteur ne doit pas se voir refuser toute récompense pour ses efforts de découverte, mais il ne doit pas non plus prétendre égoïstement s'arroger tous les avantages et bienfaits provenant de la mise à jour des ressources accumulées par la nature.

132:5.17 « 3. Tant que les hommes choisissent de mener les affaires du monde par le commerce et le troc, ils ont le droit d'en tirer un bénéfice équitable et légitime. Tout commerçant mérite une rémunération pour ses services ; tout marchand a droit à son salaire. La loyauté commerciale et le traitement honnête accordés aux membres des affaires organisées du monde créent toutes sortes de fortunes par bénéfices ; ces sources de richesse doivent être jugées d'après les principes supérieurs de justice, d'honnêteté et d'équité. Un commerçant honnête ne doit pas hésiter à prendre pour une opération donnée le bénéfice qu'il accorderait volontiers à un collègue dans une affaire analogue. Bien que cette sorte de profits, quand les affaires se traitent sur une grande échelle, ne soit pas identique aux revenus gagnés individuellement, une fortune ainsi accumulée honnêtement confère à son possesseur un droit considérable à faire entendre sa voix quand il s'agit de la répartir.

132:5.18 « 4. Nul mortel connaissant Dieu et cherchant à faire la volonté divine ne peut s'abaisser à exercer des contraintes au moyen de sa fortune. Nul homme noble ne s'efforcera d'accumuler des richesses et d'amasser une puissance financière par l'esclavage ou l'exploitation injuste de ses frères dans la chair. Quand la richesse est tirée du labeur d'humains opprimés, elle est une malédiction morale et un stigmate spirituel. Toute fortune de cet ordre devrait être restituée à ceux qui ont été ainsi dépossédés, ou à leurs enfants et à leurs petits-enfants. On ne peut bâtir une civilisation durable sur la pratique consistant à frustrer les travailleurs de leur salaire.

132:5.19 « 5. Le capital honnête a droit à des intérêts. Tant que les hommes empruntent et prêtent, ils peuvent percevoir un intérêt équitable, pourvu que la somme prêtée ait été acquise légitimement. Apure d'abord ton capital avant de prétendre à des intérêts. Ne deviens pas mesquin et cupide au point de t'abaisser à pratiquer l'usure. Ne te permets jamais d'être assez égoïste pour employer le pouvoir de l'argent à gagner un avantage injuste sur tes semblables qui se débattent. Ne cède pas à la tentation d'exiger des intérêts usuraires de ton frère s'il a des embarras financiers.

132:5.20 « 6. Si par hasard tu gagnes une fortune par des traits de génie, si les richesses représentent la rémunération de tes dons inventifs, ne réclame pas une portion injuste de cette rémunération. Un génie est redevable de quelque chose aussi bien à ses ancêtres qu'à sa progéniture ; de même il encourt des obligations envers la race, la nation et l'entourage de ses découvertes originales ; il ne doit pas oublier que c'est en tant qu'homme parmi les hommes qu'il a travaillé à ses inventions et les a mises au point. Par contre, il serait injuste de priver un génie de toutes les plus-values de sa fortune. D'ailleurs il sera toujours impossible aux hommes d'établir des lois et des règlements uniformément applicables à tous les problèmes de distribution équitable des richesses. Il faut d'abord reconnaître les hommes comme tes frères. Si tu désires honnêtement les traiter comme tu souhaiterais toi-même être traité, les impératifs ordinaires d'honnêteté et d'équité te guideront dans le règlement juste et impartial de tous les problèmes périodiques concernant les rémunérations économiques et la justice sociale.

132:5.21 « 7. Sauf pour les honoraires justes et légitimes gagnés dans l'administration de ses biens, nul homme ne devrait émettre de prétentions personnelles sur la fortune que le temps et la chance peuvent avoir placée entre ses mains. Il faut un peu considérer les richesses accidentelles comme un dépôt de confiance à dépenser au profit de votre groupe économique ou social. Les possesseurs de cette fortune devraient avoir une voix majoritaire pour déterminer la distribution sage et efficace de ces biens non gagnés. Les hommes civilisés cesseront un jour de considérer tout ce qu'ils contrôlent comme leur propriété personnelle et privée.

132:5.22 « 8. Si une portion quelconque de ta fortune provient sciemment de fraudes, si une fraction de tes biens a été amassée par des pratiques malhonnêtes ou par des méthodes inéquitables, si tes richesses sont le produit d'affaires traitées injustement avec tes semblables, hâte-toi de restituer tous ces gains mal acquis à leurs légitimes propriétaires. Répare entièrement les torts et épure ainsi ta fortune de tous ses éléments malhonnêtes.

132:5.23 « 9. La gestion des biens par une personne pour le compte de certaines autres est une responsabilité solennelle et sacrée. Ne hasarde pas ce dépôt, ne le mets pas en péril. N'en prélève pour toi-même que la fraction reconnue équitable par tous les honnêtes gens.

132:5.24 « 10. La partie de ta fortune qui représente les gains dus à tes propres efforts physiques et mentaux - si tu as travaillé loyalement et équitablement - est véritablement à toi. Nul ne peut contester ton droit de détenir et d'utiliser cette fortune à ta convenance, pourvu que l'exercice de ce droit ne nuise pas à tes semblables. »

132:5.25 Quand Jésus eut fini de lui donner ces avis, le riche Romain se leva de son divan et, en souhaitant le bonsoir à Jésus, il lui fit la promesse suivante : « Mon cher ami, je perçois que tu es un homme de grande sagesse et de grande bonté ; dès demain, je commencerai à administrer toute ma fortune conformément à tes conseils. »

132.6  Ministère Social

132:6.1 C'est également à Rome que se passa l'incident touchant où le Créateur d'un univers passa plusieurs heures à rendre un enfant perdu à sa mère angoissée. Ce petit garçon s'était égaré en s'éloignant de sa maison, et Jésus le trouva pleurant de désespoir. Jésus et Ganid avaient prévu de se rendre à la bibliothèque, mais ils se dévouèrent pour ramener l'enfant chez lui. Ganid n'oublia jamais le commentaire de Jésus : « Tu sais Ganid, la plupart des êtres humains ressemblent à cet enfant égaré. Ils perdent beaucoup de temps à pleurer dans la crainte et à souffrir dans le chagrin, alors qu'en vérité ils se trouvent tout près du salut et de la sécurité, de même que cet enfant n'était pas loin de sa maison. Tous ceux qui connaissent le chemin de la vérité et jouissent de l'assurance de connaître Dieu devraient considérer comme un privilège, et non comme un devoir, d'offrir leurs conseils à leurs semblables pour les seconder dans leurs efforts pour trouver les satisfactions de la vie. N'avons-nous pas ressenti une joie suprême à rendre cet enfant à sa mère ? De même, ceux qui conduisent les hommes à Dieu éprouvent la satisfaction suprême du service humain. » À partir de ce jour-là et durant le reste de sa vie sur terre, Ganid fut toujours à l'affut d'enfants perdus qu'il pourrait ramener à leur foyer.

132:6.2 Il y avait une veuve avec cinq enfants dont le mari avait été tué dans un accident. Jésus raconta à Ganid comment il avait lui-même perdu son père dans un accident. Ils allèrent maintes fois réconforter cette mère et ses enfants, et Ganid demanda de l'argent à son père pour leur fournir des vivres et des vêtements. Ils ne cessèrent pas leurs efforts avant d'avoir trouvé un emploi pour le fils ainé, de manière qu'il puisse contribuer à l'entretien de la famille.

132:6.3 Ce soir-là, tandis que Gonod écoutait le récit de ces expériences, il dit avec bonhomie à Jésus : « Je me propose de faire de mon fils un érudit ou un homme d'affaires, et maintenant tu commences à en faire un philosophe ou un philanthrope. » Jésus répondit en souriant : « Peut-être ferons-nous de lui tous les quatre. Il pourra alors jouir d'une quadruple satisfaction dans la vie, car son oreille subtile destinée à reconnaître la mélodie humaine pourra discerner quatre toniques au lieu d'une seule. » Alors Gonod dit : « Je perçois que tu es réellement un philosophe. Il faut que tu écrives un livre pour les générations futures. » Et Jésus répondit : « Pas un livre - ma mission est de vivre une vie dans cette génération et pour toutes les générations. Je... » Mais il s'arrêta et dit à Ganid : « Mon fils, il est l'heure d'aller se coucher. »

132.7  Voyages autour de Rome

132:7.1 Jésus, Gonod et Ganid firent cinq voyages en partant de Rome vers des points intéressants du territoire environnant. Au cours de leur visite de la région des lacs italiens du nord, Jésus eut un long entretien avec Ganid sur l'impossibilité de donner à un homme des enseignements sur Dieu si cet homme ne désire pas connaître Dieu. Au cours de leur trajet vers les lacs, ils avaient rencontré par hasard un païen borné, et Ganid fut surpris de voir que Jésus, contrairement à sa manière de faire habituelle, n'entrainait pas cet homme dans une conversation qui aurait naturellement conduit à discuter des questions spirituelles. Lorsque Ganid demanda à son Maitre pourquoi il portait si peu d'intérêt à ce païen, Jésus répondit :

132:7.2 « Ganid, cet homme n'avait pas soif de vérité. Il n'était pas mécontent de lui-même. Il n'était pas prêt à appeler à l'aide, et les yeux de son mental n'étaient pas ouverts pour recevoir la lumière destinée à l'âme. Cet homme n'était pas mûr pour la moisson du salut. Il faut lui accorder un délai pour que les épreuves et les difficultés de la vie le préparent à recevoir la sagesse et la connaissance supérieure. Ou bien encore, s'il pouvait venir vivre avec nous, nous pourrions par notre vie lui montrer le Père qui est aux cieux ; nos vies, en tant que fils de Dieu, pourraient l'attirer au point de l'obliger à s'enquérir de notre Père. On ne peut révéler Dieu à ceux qui ne le cherchent pas, ni conduire des âmes réticentes aux joies du salut. Il faut que les expériences de la vie aient donné à l'homme la soif de la vérité ou bien qu'il désire connaître Dieu par suite du contact avec la vie de ceux qui connaissent le divin Père avant qu'un autre être humain puisse agir comme intermédiaire pour conduire un tel compagnon mortel à croire au Père qui est aux cieux. Si nous connaissons Dieu, notre véritable travail sur terre consiste à vivre de manière à permettre au Père de se révéler à travers notre vie. Ainsi, toutes les personnes qui recherchent Dieu verront le Père et recourront à notre aide pour mieux connaître le Dieu qui réussit à s'exprimer de cette manière dans notre vie. »

132:7.3 Ce fut dans la montagne, au cours de leur voyage en Suisse, que Jésus eut, avec le père et le fils, un entretien de toute une journée sur le bouddhisme. Ganid avait bien des fois posé à Jésus des questions directes sur Bouddha, mais avait toujours reçu des réponses plus ou moins évasives. Ce jour-là, en présence de son fils, le père posa à Jésus une question directe concernant Bouddha et reçut une réponse directe. Gonod dit : « Je voudrais réellement savoir ce que tu penses de Bouddha. » Et Jésus répondit :

132:7.4 « Votre Bouddha fut très supérieur à votre bouddhisme. Bouddha fut un grand homme, et même un prophète pour son peuple, mais un prophète orphelin. Je veux dire par là que, de bonne heure, il perdit de vue son Père spirituel, le Père qui est aux cieux. Son expérience fut tragique. Il essaya de vivre et d'enseigner en tant que messager de Dieu, mais sans Dieu. Bouddha dirigea son navire sauveur droit vers le port de sécurité, jusqu'à l'entrée du havre de salut des mortels, et,là, à cause de plans de navigation erronés, le bon navire s'échoua à la côte. Il y est resté pendant de nombreuses générations, immobile et presque irrémédiablement bloqué. Beaucoup de vos compatriotes sont restés sur ce bateau pendant toutes ces années. Ils vivent à portée de voix des eaux tranquilles du havre, mais refusent d'y entrer parce que la noble embarcation du bon Bouddha a eu la malchance d'échouer juste à côté du port. Les peuples bouddhistes n'entreront jamais dans cette rade à moins d'abandonner le navire philosophique de leur prophète et de saisir son noble esprit. Si votre peuple était resté fidèle à l'esprit de Bouddha, il y a longtemps que vous seriez entrés dans votre havre de tranquillité d'esprit, de repos d'âme et d'assurance de salut.

132:7.5 « Tu vois, Gonod, Bouddha connaissait Dieu en esprit, mais ne réussit pas à le découvrir clairement en pensée ; les Juifs découvrirent Dieu en pensée, mais manquèrent dans une large mesure de le connaître en esprit. Aujourd'hui, les Bouddhistes pataugent dans une philosophie sans Dieu, tandis que mon peuple est pitoyablement enchainé à la crainte d'un Dieu et dépourvu d'une philosophie révélatrice de vie et de liberté. Vous avez une philosophie sans Dieu ; les Juifs ont un Dieu, mais sont largement dépourvus d'une philosophie de vie qui y soit reliée. Faute d'avoir la vision de Dieu en tant qu'esprit et Père, Bouddha n'a pas réussi à apporter dans son enseignement l'énergie morale et la force motrice spirituelle qu'une religion doit posséder pour changer une race et élever une nation. »

132:7.6 Alors Ganid s'écria : « Maitre, instituons, toi et moi, une nouvelle religion qui soit assez bonne pour l'Inde et assez grande pour Rome ; peut-être pourrons-nous l'apporter aux Juifs en échange de Yahweh » . Jésus répondit : « Ganid, les religions des hommes ne s'instituent pas. Elles se développent au cours de longues périodes de temps, tandis que les révélations de Dieu éclatent comme des éclairs sur terre dans la vie des hommes qui révèlent Dieu à leurs semblables » . Mais ni Gonod ni Ganid ne comprirent la signification de ces paroles prophétiques.

132:7.7 Cette nuit-là, après s'être couché, Ganid ne put dormir. Il parla longuement à son père et finit par dire : « Tu sais, père, je crois parfois que Joshua est un prophète. » Et son père répondit seulement d'un ton somnolent : « Mon fils, il y en a d'autres... »

132:7.8 À partir de ce jour-là et pendant le reste de sa vie terrestre, Ganid continua à élaborer une religion à lui. Il était mentalement très impressionné par la largeur d'esprit, l'équité et la tolérance de Jésus. Dans toutes leurs discussions philosophiques et religieuses, jamais le jeune homme n'éprouva de ressentiments, ni de réactions d'antagonismes.

132:7.9 Quelle scène à contempler pour les intelligences célestes que ce spectacle d'un adolescent hindou proposant au Créateur d'un univers d'instituer avec lui une nouvelle religion ! Or, bien que le jeune homme ne le sût pas, ils étaient bel et bien en train d'établir une religion nouvelle et éternelle - une nouvelle voie de salut, la révélation de Dieu aux hommes par Jésus et en Jésus. Ce que le jeune homme souhaitait faire le plus au monde, il était inconsciemment occupé à le faire. Il en fut et il en est toujours ainsi. Quand l'imagination humaine éclairée et réfléchie, spirituellement instruite et guidée, cherche, de tout coeur et avec désintéressement, à faire ou à être quelque chose, elle devient créative dans une mesure appréciable selon le degré de consécration du mortel à faire divinement la volonté du Père. Quand l'homme s'associe à Dieu, de grands évènements peuvent se produire et se produisent effectivement.

133. Le Retour de Rome

133:0.1 EN SE préparant à quitter Rome, Jésus ne fit d'adieux à aucun de ses amis. Le scribe de Damas était apparu à Rome sans être annoncé et en disparut de la même manière. Il fallut une année entière avant que ceux qui le connaissaient et l'aimaient renoncent à l'espoir de le revoir. Avant la fin de la seconde année, de petits groupes de ceux qui l'avaient connu se trouvèrent réunis en raison de leur intérêt commun pour ses enseignements et de leur souvenir mutuel des bons moments passés avec lui. Ces petits groupes de stoïciens, de cyniques et d'adeptes des cultes des mystères continuèrent à tenir ces réunions sporadiques et officieuses jusqu'à l'époque même où apparurent, à Rome, les premiers prédicateurs de la religion chrétienne.

133:0.2 Gonod et Ganid avaient fait tant d'achats à Alexandrie et à Rome qu'ils envoyèrent tous leurs bagages d'avance à Tarente par un convoi de bêtes de somme, tandis que les trois voyageurs traversaient paisiblement l'Italie à pied par la grande Voie Appienne. Au cours de ce voyage, ils rencontrèrent toutes sortes d'êtres humains. Beaucoup de nobles citoyens romains et de colons grecs vivaient le long de cette route, mais déjà la progéniture d'un grand nombre d'esclaves de souche inférieure commençait à faire son apparition.

133:0.3 Un jour où il s'arrêtèrent pour déjeuner, à peu près à moitié chemin de Tarente, Ganid posa à Jésus une question directe sur ce qu'il pensait du système des castes aux Indes. Jésus répondit : « Bien que les êtres humains diffèrent les uns des autres sous beaucoup de rapports, tous les mortels se trouvent sur un pied d'égalité devant Dieu et le monde spirituel. Aux yeux de Dieu, il n'y a que deux groupes de mortels, ceux qui désirent faire sa volonté et ceux qui ne le désirent pas. Quand l'univers contemple un monde habité, il discerne également deux grandes classes d'hommes, ceux qui connaissent Dieu et ceux qui ne le connaissent pas. Ceux qui ne peuvent pas connaître Dieu sont comptés parmi les animaux dudit royaume. On peut, à juste titre, diviser les hommes en de nombreuses classes selon leurs différentes qualifications, car on peut les considérer du point de vue physique, mental, social, professionnel ou moral ; mais, devant la barre du tribunal de Dieu, ces différentes classes de mortels apparaissent sur un pied d'égalité. En vérité, Dieu ne fait pas acception de personnes. Bien que l'on ne puisse éviter de reconnaître, chez les hommes, des aptitudes et des dons diversifiés en matière intellectuelle, sociale et morale, il ne faudrait faire aucune distinction de cet ordre dans la fraternité spirituelle des hommes quand ils sont réunis pour adorer en présence de Dieu. »

133.1  Miséricorde et Justice

133:1.1 Un incident très intéressant se produisit un après-midi au bord de la route alors qu'ils approchaient de Tarente. Ils virent un jeune garçon grossier et brutal attaquer un garçon plus petit. Jésus se hâta d'aider la jeune victime et, quand il l'eut tiré de ce mauvais pas, il maintint étroitement l'agresseur jusqu'à ce que le petit garçon se fût échappé. Dès que Jésus eut lâché le jeune brutal, Ganid fonça sur lui et se mit à lui infliger une bonne correction. Au grand étonnement de Ganid, Jésus intervint promptement. Il refréna Ganid et permit au garçon effrayé de s'enfuir. Aussitôt qu'il eut repris son souffle, Ganid s'écria avec agitation : « Maitre, je n'arrive pas à te comprendre. Si la miséricorde demande que tu sauves le petit garçon, la justice n'exige-t-elle pas que l'agresseur plus fort soit puni ? » Au cours de sa réponse, Jésus dit :

133:1.2 « Ganid, il est bien vrai que tu ne comprends pas. Le ministère de la miséricorde est toujours une affaire individuelle, tandis que la justice et ses châtiments sont la fonction de groupes administratifs de la société, du gouvernement ou de l'univers. En tant qu'individu, je suis tenu de montrer de la miséricorde ; il fallait que j'aille au secours du garçon attaqué, et, en toute logique, j'ai le droit d'employer la force suffisante pour paralyser l'agresseur. C'est précisément ce que j'ai fait. J'ai délivré le garçon attaqué, et là se terminait le ministère de miséricorde. Ensuite, j'ai maintenu, par la force, l'agresseur assez longtemps pour permettre à sa victime plus faible de s'enfuir, après quoi je me suis retiré de l'affaire. Je ne me suis pas mis en à juger l'attaquant en évaluant ses mobiles - à apprécier tous les éléments que comportait son attaque - puis à infliger la punition que mon mental aurait pu dicter pour la juste rétribution de son méfait. Ganid, la miséricorde peut être prodigue, mais la justice est précise. Rends-toi compte qu'il y a peu de chances de voir deux personnes se mettre d'accord sur la sanction susceptible de satisfaire les exigences de la justice. L'une voudra imposer quarante coups de fouet, une autre vingt, tandis qu'une troisième recommandera la réclusion comme juste punition. Ne peux-tu voir que, sur cette terre, il vaut mieux que de telles responsabilités retombent sur la collectivité ou qu'elles soient administrées par des représentants choisis de cette collectivité ? Dans l'univers, le droit de juger appartient à ceux qui connaissent pleinement les antécédents de tous les méfaits aussi bien que leurs motifs. Dans une société civilisée et dans un univers organisé, l'administration de la justice présuppose le prononcé d'une juste sentence après un jugement équitable, et ces prérogatives sont dévolues aux corps judiciaires des mondes et aux administrateurs omniscients des univers supérieurs de toute la création. »

133:1.3 Durant des jours, ils s'entretinrent du problème consistant à manifester la miséricorde et à administrer la justice. Ganid comprit, au moins dans une certaine mesure, pourquoi Jésus ne voulait pas se battre personnellement, mais il posa une dernière question à laquelle il ne reçut jamais de réponse entièrement satisfaisante. Il demanda : « Maitre, si une créature plus forte que toi et méchante t'attaquait et menaçait de te détruire, comment agirais-tu ? Ne ferais-tu aucun effort pour te défendre ? » Jésus ne pouvait répondre d'une manière complète et satisfaisante à la question du jeune homme, car il ne voulait pas lui révéler que lui (Jésus) vivait sur terre pour donner à un univers qui le contemplait l'exemple de l'amour du Père du Paradis. Il répondit néanmoins ceci :

133:1.4 « Ganid, je comprends bien à quel point certains de ces problèmes te rendent perplexe, et je vais m'efforcer de répondre à ta question. D'abord, dans toute attaque éventuelle dirigée contre ma personne, je déterminerais si l'agresseur est ou non un fils de Dieu - mon frère dans la chair. Si j'estimais que cette créature est dépourvue de jugement moral et de raison spirituelle, je me défendrais sans hésitation jusqu'à la limite de ma force de résistance, sans me préoccuper des conséquences pour l'attaquant. Mais, si ce compagnon avait statut de fils, je ne me battrais pas ainsi contre lui, même en cas de légitime défense. Autrement dit, je ne le punirais pas d'avance et sans jugement pour m'avoir attaqué. Par tous les artifices possibles, je chercherais à l'empêcher et à le dissuader de lancer son attaque, et à la modérer au cas où je ne réussirais pas à la faire avorter. Ganid, j'ai une confiance absolue dans la surveillance supérieure exercée par mon Père qui est aux cieux. Je suis consacré à faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Je ne crois pas que l'on puisse réellement me nuire, ni que l'oeuvre de ma vie puisse vraiment être mise en péril par un effort quelconque de mes ennemis contre moi, et par ailleurs nous n'avons certainement à craindre aucune violence de la part de nos amis. Je suis absolument convaincu que l'univers entier est bien disposé à mon égard - et je persiste à croire à cette toute-puissante vérité avec une confiance totale, malgré toutes les apparences contraires. »

133:1.5 Mais Ganid n'était pas entièrement satisfait. Il revint maintes fois sur le sujet. Jésus lui raconta certaines de ses expériences d'enfant et lui parla également de Jacob, le fils du maçon. En apprenant comment Jacob s'était érigé lui-même en défenseur de Jésus, Ganid dit : « Oh, je commence à comprendre ! Tout d'abord, il est très peu probable qu'un être humain normal veuille attaquer une personne aussi bonne que toi. Même si quelqu'un était assez fou pour le faire, il est à peu près sûr qu'il y aurait à proximité quelqu'autre mortel pour voler à ton secours, comme tu le fais toujours toi-même pour toute personne que tu vois dans la détresse. Maitre, je suis d'accord avec toi dans mon coeur, mais, dans ma tête, je pense encore que, si j'avais été Jacob, j'aurais pris plaisir à punir ces grossiers personnages qui prétendaient t'attaquer simplement parce qu'ils croyaient que tu ne te défendrais pas. Je suppose que tu voyages assez en sécurité à travers la vie, car tu passes beaucoup de temps à aider autrui et à secourir tes semblables en détresse - eh bien, il est fort probable qu'il y aura toujours quelqu'un à portée de la main pour te défendre. » Et Jésus répondit : « Cette épreuve n'est pas encore arrivée, Ganid, et, quand elle viendra, il faudra nous conformer à la volonté du Père. » Ce fut à peu près tout ce que le jeune homme réussit à tirer de son maitre sur le sujet difficile de l'autodéfense et de la non-résistance. En une autre occasion, Ganid obtint de Jésus l'opinion que la société organisée avait parfaitement le droit d'employer la force pour faire exécuter ses justes ordonnances.

133.2  L'Embarquement à Tarente

133:2.1 Tandis qu'ils s'attardaient au point d'accostage du bateau en attendant le déchargement d'une partie de sa cargaison, les voyageurs remarquèrent un homme qui maltraitait sa femme. Selon son habitude, Jésus intervint en faveur de la personne attaquée. Il s'avança derrière le mari furieux, lui tapa gentiment sur l'épaule et lui dit : « Mon ami, puis-je te parler en tête-à-tête pendant quelques instants ? » L'homme en colère fut interloqué par cette approche et, après un moment d'hésitation embarrassée, il balbutia : « Euh - pourquoi - oui, que me veux-tu ? » Jésus le conduisit à l'écart et lui dit : « Mon ami, j'imagine qu'il a dû t'arriver quelque chose de terrible. Je désire vivement t'entendre raconter ce qui a pu advenir à un homme fort comme toi pour l'amener à se livrer à des voies de fait sur sa femme, la mère de ses enfants, et cela aux yeux de tous. Je suis certain que tu as le sentiment d'avoir une bonne raison pour justifier cette attaque. Qu'est-ce que ta femme a fait pour mériter pareil traitement de la part de son mari ? En te regardant, je crois discerner sur ton visage l'amour de la justice, sinon le désir de montrer de la miséricorde. Je m'aventure à dire que, si tu me trouvais sur le côté de la route, attaqué par des voleurs, tu te précipiterais sans hésitation à mon secours. J'ose affirmer que tu as accompli bien des actes de bravoure de cet ordre au cours de ta vie. Maintenant, mon ami, dis-moi de quoi il s'agit. Ta femme a-t-elle fait quelque chose de mal, ou bien as-tu sottement perdu la tête et l'as-tu frappée d'une manière irréfléchie ? » Le coeur de l'homme fut touché, moins par les paroles de Jésus que par le regard affectueux et le sourire compatissant accompagnant la conclusion de ses remarques. L'homme dit : « Je perçois que tu es un prêtre des cyniques et je te suis reconnaissant de m'avoir refréné. Ma femme n'a pas fait grand-chose de mal, elle est une brave femme, mais elle m'irrite par la manière dont elle me cherche noise en public, et je perds alors mon sang-froid. Je suis désolé de mon manque de contrôle sur moi-même, et je promets d'essayer de remplir l'engagement que j'avais pris envers l'un de tes frères qui m'avait enseigné la meilleure voie, il y a bien des années. Je te le promets. »

133:2.2 Alors, en lui disant adieu, Jésus ajouta : « Mon frère, n'oublie jamais que l'homme n'a pas d'autorité sur la femme à moins que la femme ne lui ait spontanément et volontairement donné cette autorité. Ton épouse s'est engagée à traverser la vie avec toi, à t'aider dans les luttes que cette vie comporte et à assumer la majeure partie du fardeau consistant à mettre au monde et à élever tes enfants. En retour de cette prestation spéciale, il est simplement équitable qu'elle reçoive de toi cette protection spéciale que l'homme peut donner à la femme en tant que partenaire obligée de porter, de mettre au monde et de nourrir les enfants. La considération et les soins affectueux qu'un homme est disposé à accorder à sa femme et à ses enfants indiquent la mesure dans laquelle cet homme a atteint les niveaux supérieurs de conscience de soi, créative et spirituelle. Ne sais-tu pas que les hommes et les femmes sont partenaires de Dieu, en ce sens qu'ils coopèrent pour créer des êtres qui grandissent jusqu'à posséder le potentiel d'âmes immortelles ? Le Père qui est aux cieux traite comme un égal l'Esprit-Mère des enfants de l'univers. C'est ressembler à Dieu que de partager ta vie et tout ce qui s'y rapporte sur un pied d'égalité avec la mère et compagne qui partage pleinement avec toi cette expérience divine de vous reproduire dans la vie de vos enfants. Si seulement tu peux aimer tes enfants comme Dieu t'aime, tu aimeras et tu chériras ta femme comme le Père qui est aux cieux honore et exalte l'Esprit Infini, mère de tous les enfants de l'esprit d'un vaste univers. »

133:2.3 En montant à bord du voilier, ils se retournèrent pour contempler la scène du couple qui, les larmes aux yeux, se tenait silencieusement enlacé. Ayant entendu la dernière partie du message de Jésus à cet homme, Gonod passa toute la journée à méditer sur le sujet et résolut de réorganiser son foyer dès son retour aux Indes.

133:2.4 Le voyage jusqu'à Nicopolis fut agréable mais lent, car le vent n'était pas favorable. Les trois compagnons passèrent de nombreuses heures à raconter leurs expériences à Rome et à se remémorer tout ce qui leur était arrivé depuis leur première rencontre à Jérusalem. Ganid se pénétrait de l'esprit de ministère personnel. Il commença à l'exercer sur le cambusier, mais, le second jour, quand il s'engagea dans les eaux profondes de la religion, il appela Joshua à la rescousse pour s'en tirer.

133:2.5 Ils passèrent plusieurs jours à Nicopolis, la ville fondée par Auguste une cinquantaine d'années auparavant comme « cité de victoire » pour commémorer la bataille d'Actium ; c'était le lieu où Auguste avait campé avec son armée avant la bataille. Ils logèrent dans la maison d'un certain Jéramy, un prosélyte grec de la foi juive qu'ils avaient rencontré à bord. Plus tard, l'apôtre Paul passa tout l'hiver avec le fils de Jéramy, dans cette maison, au cours de son troisième voyage missionnaire. De Nicopolis, Jésus, Gonod et Ganid firent voile sur le même bateau pour Corinthe, capitale de la province romaine d'Achaïe.

133.3  À Corinthe

133:3.1 Dès avant leur arrivée à Corinthe, Ganid commençait à s'intéresser beaucoup à la religion juive. Il n'y eut donc rien d'anormal à ce qu'un jour, en passant devant la synagogue et en voyant les gens y entrer, il demandât à Jésus de l'emmener à l'office. Ce jour-là, ils entendirent un savant rabbi discourir sur la « Destinée d'Israël » . Après le service, ils rencontrèrent un certain Crispus, principal chef de cette synagogue. Ils retournèrent maintes fois aux offices de la synagogue, mais surtout pour rencontrer Crispus. Ganid se prit d'une grande affection pour lui, sa femme et leur famille de cinq enfants. Il prit grand plaisir à observer comment un Juif menait sa vie de famille.

133:3.2 Tandis que Ganid étudiait la vie de famille, Jésus enseignait à Crispus les meilleures voies de la vie religieuse. Jésus eut plus de vingt entretiens avec ce Juif progressiste. Des années plus tard, Paul prêcha dans cette même synagogue, et les juifs rejetèrent son message et interdirent par un vote la poursuite de ses prédications à la synagogue. Il se rendit alors auprès des Gentils, et il n'y a rien de surprenant à ce que Crispus et toute sa famille aient embrassé la nouvelle religion. Crispus devint l'un des principaux soutiens de l'Église chrétienne que Paul organisa ensuite à Corinthe.

133:3.3 Au cours des dix-huit mois où Paul prêcha à Corinthe et où il fut rejoint plus tard par Silas et Timothée, il rencontra beaucoup d'autres personnes qui avaient été instruites par le « précepteur juif du fils d'un marchand hindou » .

133:3.4 À Corinthe, Jésus, Gonod et Ganid rencontrèrent des gens de toutes les races venant de trois continents. Après Alexandrie et Rome, Corinthe était la ville la plus cosmopolite de l'empire méditerranéen. Bien des spectacles y attiraient l'attention, et Ganid ne se lassa jamais de visiter la citadelle qui se dressait à près de six-cents mètres au-dessus de la mer. Il passa aussi une grande partie de ses loisirs dans la synagogue et au foyer de Crispus. Ganid fut d'abord choqué, puis séduit par le statut de la femme dans les foyers juifs ; ce fut une révélation pour ce jeune Hindou.

133:3.5 Jésus et Ganid furent souvent les hôtes d'un autre foyer juif, celui de Justus, un pieux marchand, qui vivait dans une maison contiguë à la synagogue. L'apôtre Paul séjourna plus tard dans cette maison et entendit maintes fois raconter ces rencontres avec le jeune Hindou et son précepteur juif. Paul et Justus se demandaient ce qu'il avait bien pu advenir de ce sage et brillant éducateur hébreu.

133:3.6 Au cours de leur séjour à Rome, Ganid avait remarqué que Jésus refusait de les accompagner aux bains publics. Le jeune homme essaya plusieurs fois ensuite, d'inciter Jésus à donner son opinion sur les relations entre sexes. Jésus répondait aux questions du garçon, mais ne paraissait jamais enclin à s'étendre sur ce sujet. Un soir, tandis qu'ils se promenaient à Corinthe, près de l'endroit où le mur de la citadelle descendait jusqu'à la mer, ils furent accostés par deux filles publiques. Ganid était à juste titre imbu de l'idée que Jésus était un homme de haut idéal abhorrant tout ce qui touchait à l'impureté ou avait un relent de mal ; en conséquence, il parla sèchement à ces femmes en les invitant grossièrement à s'en aller. Voyant cela, Jésus dit à Ganid : « Tu as de bonnes intentions, mais tu ne devrais pas te permettre de parler ainsi aux enfants de Dieu, même s'ils se trouvent être ses enfants dévoyés. Qui sommes-nous pour juger ces femmes ? Connais-tu toutes les circonstances qui les ont amenées à recourir à de pareilles méthodes pour se procurer leur subsistance ? Reste ici avec moi ; et discutons de ces choses. » Les prostituées furent encore plus étonnées que Ganid par ses paroles.

133:3.7 Le groupe se tenait debout, éclairé par la lune, et Jésus poursuivit : « Dans chaque mental humain vit un esprit divin, don du Père qui est aux cieux. Ce bon esprit s'efforce toujours de nous conduire à Dieu, de nous aider à trouver Dieu et à connaître Dieu. Mais les mortels sont également soumis à bien des tendances physiques naturelles que le Créateur a placées en eux pour servir le bien-être individuel et racial. Or, les hommes et les femmes s'embrouillent bien souvent dans leurs efforts pour se comprendre et attaquer les multiples difficultés rencontrées pour gagner leur vie dans un monde si largement dominé par l'égoïsme et le péché. Ganid, je perçois que ni l'une ni l'autre de ces femmes n'est volontairement dépravée. Je peux dire, d'après leur visage, qu'elles ont subi de grands chagrins ; elles ont beaucoup souffert sous les coups d'un destin apparemment cruel ; elles n'ont pas choisi intentionnellement cette sorte de vie. Dans un découragement frisant le désespoir, elles ont succombé à la pression du moment et accepté ce procédé déplaisant pour gagner de quoi vivre, comme meilleur moyen de se tirer d'une situation qui leur paraissait désespérée. Ganid, certaines personnes sont réellement perverses dans leur coeur et choisissent délibérément de faire des choses méprisables. Mais dis-moi, en regardant ces visages maintenant inondés de larmes, y vois-tu quelque chose de mauvais ou de méchant ? » Tandis que Jésus attendait sa réponse, la voix de Ganid s'étouffait dans un balbutiement. « Non, Maitre, je ne vois rien de tel et je m'excuse de ma grossièreté - je les supplie de me pardonner. » Alors, Jésus dit : « Je t'annonce, de leur part, qu'elles t'ont pardonné, de même que je dis, de la part de mon Père qui est aux cieux, que lui leur a pardonné. Maintenant, accompagnez-moi tous les trois vers la maison d'un ami où nous trouverons du repos et ferons des plans pour la vie nouvelle et meilleure qui est devant nous. » Jusque-là, les femmes stupéfaites n'avaient pas dit un mot ; elles se regardèrent et suivirent silencieusement les hommes qui montraient le chemin.

133:3.8 Imaginez la surprise de la femme de Justus quand, à cette heure tardive, Jésus apparut avec Ganid et les deux étrangères en disant : « Nous nous excusons d'arriver à cette heure, mais Ganid et moi, nous aimerions manger un morceau et le partager avec ces nouvelles amies qui ont également besoin de nourriture. En outre, nous venons vers toi avec l'idée que cela t'intéressera de tenir conseil avec nous sur la meilleure manière d'aider ces deux femmes à prendre un nouveau départ dans la vie. Elles peuvent te raconter leur histoire, mais je suppose qu'elles ont eu bien des difficultés ; leur présence même dans la maison témoigne combien sérieusement elles désirent connaître des gens de bien, et combien volontiers elles saisiront l'occasion de montrer au monde entier - et même aux anges du ciel - qu'elles peuvent devenir de braves et nobles femmes. »

133:3.9 Lorsque Marthe, la femme de Justus, eut disposé la nourriture sur la table, Jésus prit congé d'une manière inattendue en disant : « Il est tard, et le père du jeune homme va nous attendre ; veuillez bien nous excuser de vous laisser ensemble - trois femmes - les filles bien-aimées du Très Haut. Je prierai pour votre gouverne spirituelle pendant que vous allez faire des plans pour leur vie nouvelle et meilleure sur terre et pour leur vie éternelle dans le grand au-delà. »

133:3.10 Jésus et Ganid prirent donc congé des dames. Jusque-là, les deux prostituées n'avaient rien dit, et Ganid était également incapable de parler. Pendant quelques instants, il en fut de même pour Marthe, mais elle s'éleva bientôt à la hauteur des circonstances et fit, pour ces étrangères, tout ce que Jésus avait espéré. La plus âgée des deux mourut, peu de temps après, avec de brillantes espérances de survie éternelle ; la plus jeune travailla avec Justus au siège de ses affaires et devint plus tard, pour toute sa vie, membre de la première Église chrétienne à Corinthe.

133:3.11 Dans la maison de Crispus, Jésus et Ganid rencontrèrent plusieurs fois un certain Gaïus, qui devint plus tard un fidèle soutien de Paul. Durant ces deux mois à Corinthe, ils eurent des conversations familières avec des dizaines de personnes dignes d'intérêt. À la suite de ces contacts, apparemment dus au hasard, plus de la moitié des intéressés devinrent ultérieurement membres de la communauté chrétienne.

133:3.12 Lors de son premier passage à Corinthe, Paul n'avait pas eu l'intention d'y rester longtemps, mais il ne savait pas à quel point le précepteur juif avait bien préparé la voie pour ses travaux. Il découvrit en outre qu'Aquilas et Priscilla avaient déjà suscité un grand intérêt pour sa doctrine. Aquilas était l'un des cyniques avec qui Jésus était entré en contact à Rome ; lui et sa femme étaient des réfugiés juifs de Rome, et ils se rallièrent rapidement aux enseignements de Paul, qui vécut et travailla avec eux, car ils étaient aussi des fabricants de tentes. Ce fut en raison de ces circonstances que Paul prolongea son séjour à Corinthe.

133.4  Travail Personnel à Corinthe

133:4.1 Jésus et Ganid firent de nombreuses autres expériences intéressantes à Corinthe. Ils eurent des discussions intimes avec un grand nombre de personnes qui profitèrent grandement des exposés de Jésus.

133:4.2 À un meunier, Jésus apprit à moudre les grains de vérité dans le moulin de l'expérience vivante, de manière à rendre les choses difficiles de la vie divine aisément acceptables, même par des compagnons mortels faibles et débiles. Jésus dit : « Donne le lait de la vérité à ceux qui sont dans l'enfance de la perception spirituelle. Dans ta vie et dans ton affectueux ministère, sers la nourriture spirituelle sous forme attrayante et adaptée à la capacité de réception de chacun de ceux qui t'interrogent. »

133:4.3 Au centurion romain, Jésus dit : « Rends à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Il n'y a pas de conflit entre le sincère service de Dieu et le loyal service de César, à moins que César n'ait la prétention de s'arroger l'hommage auquel seule la Déité peut prétendre. La loyauté envers Dieu, si tu parviens à le connaître, te rendra d'autant plus loyal et fidèle dans ta dévotion à un empereur digne de ce nom. »

133:4.4 Au chef sincère du culte mithriaque, Jésus dit : « Tu fais bien de rechercher une religion de salut éternel, mais tu te trompes en espérant trouver cette glorieuse vérité dans les mystères établis par les hommes et dans les philosophies humaines. Ne sais-tu pas que le mystère du salut éternel réside dans ta propre âme ? Ne sais-tu pas que le Dieu du ciel a envoyé son esprit vivre en toi, et que tous les hommes qui aiment la vérité et servent Dieu seront conduits par cet esprit hors de cette vie, par les portes de la mort, jusqu'aux hauteurs éternelles de lumière, où Dieu attend de recevoir ses enfants ? Et n'oublie jamais que vous, qui connaissez Dieu, êtes les fils de Dieu si vous aspirez véritablement à être semblables à lui.

133:4.5 Au maitre épicurien, il dit : « Tu fais bien de choisir le meilleur et d'apprécier ce qui est bon, mais es-tu sage quand tu omets de discerner les grands facteurs de la vie mortelle incorporés dans les royaumes spirituels issus de la conscience de la présence de Dieu dans le coeur humain ? Dans toute expérience humaine, le facteur important est la conscience de connaître le Dieu dont l'esprit vit en toi et cherche à te faire avancer dans le long et presque interminable voyage pour atteindre la présence personnelle de notre Père commun, le Dieu de toute la création, le Seigneur des univers. »

133:4.6 À l'entrepreneur et constructeur grec, il dit : « Mon ami, en même temps que tu construis les édifices matériels des hommes, développe un caractère spirituel ressemblant à l'esprit divin intérieur de ton âme. Ne laisse pas ta réussite comme constructeur temporel l'emporter sur tes accomplissements comme fils spirituel du royaume des cieux. Pendant que tu bâtis les maisons du temps pour autrui, ne néglige pas de t'assurer ton propre droit de séjour dans les maisons de l'éternité. Souviens-toi toujours qu'il existe une cité dont les fondements sont la droiture et la vérité, et dont le constructeur et créateur est Dieu. »

133:4.7 Au juge romain, Jésus dit : « Pendant que tu juges des hommes, rappelle-toi que tu comparaîtras aussi, un jour, devant le tribunal des Souverains d'un univers. Juge avec justice, et même avec miséricorde, car de même, un, jour tu souhaiteras ardemment la considération miséricordieuse de la part de l'Arbitre Suprême. Juge comme tu voudrais être jugé dans des circonstances semblables, et tu seras ainsi guidé par l'esprit de la loi aussi bien que par sa lettre. De même que tu accordes une justice dominée par l'équité, et à la lumière des besoins de ceux qui sont amenés devant toi, de même tu auras le droit de t'attendre à une justice tempérée par la miséricorde quand tu te trouveras, un jour, devant le Juge de toute la terre. »

133:4.8 À la tenancière de l'auberge grecque, il dit : « Offre ton hospitalité comme une personne qui reçoit les enfants du Très Haut. Élève la corvée de ton travail quotidien au niveau élevé d'un art par la conscience croissante que tu sers Dieu en servant les personnes que Dieu habite par son esprit venu vivre dans le coeur des hommes. Cherche ainsi à transformer leur mental et à conduire leur âme à la connaissance du Père Paradisiaque qui a octroyé tous ces dons d'esprit divin. »

133:4.9 Jésus eut de nombreuses rencontres avec un marchand chinois. En prenant congé de lui, il lui fit les recommandations suivantes : « N'adore que Dieu, qui est ton véritable ancêtre spirituel. Souviens-toi que l'esprit du Père vit toujours en toi et oriente toujours ton âme vers le ciel. Si tu suis les directives inconscientes de cet esprit immortel, tu es certain de gravir le chemin élevé qui conduit à trouver Dieu. Quand tu réussiras à atteindre le Père qui est aux cieux, ce sera parce qu'en le cherchant tu t'es mis à lui ressembler de plus en plus. Donc, adieu Chang, mais seulement pour un temps, car nous nous rencontrerons de nouveau dans des mondes de lumière, où le Père des âmes spirituelles a ménagé de nombreux points d'arrêt charmants pour ceux qui se dirigent vers le Paradis. »

133:4.10 Au voyageur venant d'Angleterre, il dit : « Mon frère, je perçois que tu es à la recherche de la vérité. Je suggère la possibilité que l'esprit du Père de toute vérité demeure en toi. As-tu jamais sincèrement essayé de parler à l'esprit de ta propre âme ? Assurément la chose est difficile, et il est rare qu'elle procure la conscience d'une réussite ; mais toute tentative honnête du mental matériel pour communiquer avec son esprit intérieur aboutit à un succès certain, bien que la majorité de ces magnifiques expériences humaines doive rester longtemps des enregistrements superconscients dans les âmes de ces mortels connaissant Dieu. »

133:4.11 Au garçon fugueur, Jésus dit : « Rappelle-toi qu'il y a deux êtres auxquels tu ne peux échapper - Dieu et toi-même. Où que tu ailles, tu t'emmènes toi-même et tu emmènes l'esprit du Père céleste qui vit dans ton coeur. Mon fils, n'essaye plus de te tromper toi-même ; attelle-toi à la pratique courageuse de faire face aux évènements de la vie ; appuie-toi fermement sur l'assurance de ta filiation avec Dieu et sur la certitude de la vie éternelle, comme je te l'ai indiqué. Aie dorénavant pour objectif d'être réellement un homme, un homme décidé à affronter bravement et intelligemment la vie. »

133:4.12 Au criminel condamné, il dit à la dernière heure : « Mon frère, tu as passé par de mauvais moments. Tu t'es égaré, tu t'es empêtré dans le filet du crime. D'après ce que tu m'as dit, je sais que tu n'avais pas projeté de faire la chose qui est sur le point de te couter la vie temporelle. Mais tu as commis cette mauvaise action, et tes concitoyens t'ont jugé coupable ; ils ont décidé que tu devais mourir. Ni toi ni moi, nous ne pouvons contester à l'État le droit de se défendre de la manière qu'il choisit. Il ne paraît pas y avoir d'échappatoire humaine au châtiment de tes méfaits. Tes semblables sont obligés de te juger d'après ce que tu as fait, mais il existe un Juge auprès de qui tu peux faire appel pour être pardonné, et qui te jugera d'après tes vrais mobiles et tes meilleures intentions. Tu ne dois pas craindre le jugement de Dieu si ton repentir est authentique et ta foi sincère. Le fait que ton erreur entraine la peine de mort imposée par les hommes ne préjuge pas des chances que conserve ton âme d'obtenir justice et miséricorde devant les tribunaux célestes. »

133:4.13 Jésus prit plaisir à de multiples entretiens familiers avec un grand nombre d'âmes assoiffées, trop nombreuses pour être mentionnées dans cet exposé. Les trois voyageurs apprécièrent beaucoup leur séjour à Corinthe. À l'exception d'Athènes, qui était plus renommée comme centre d'éducation, Corinthe était la plus importante ville de Grèce à cette époque de l'empire romain. Leur séjour de deux mois dans ce centre commercial florissant leur procura à tous trois l'occasion de gagner une très précieuse expérience. Leur séjour dans cette ville fut l'un des arrêts les plus intéressants sur la route de retour de Rome.

133:4.14 Gonod avait de multiples intérêts commerciaux à Corinthe, mais, enfin, il termina ses affaires, et ils se préparèrent à faire voile pour Athènes. Ils voyagèrent sur un petit bateau que l'on pouvait transporter par voie terrestre de l'un des ports de Corinthe à l'autre, sur une distance de seize kilomètres.

133.5  À Athènes - Discours sur la Science

133:5.1 Ils arrivèrent peu après à l'antique centre de l'éducation et de la science grecques. Le coeur de Ganid battait à l'idée de se trouver à Athènes, d'être en Grèce, au centre culturel de l'ancien empire d'Alexandre qui avait étendu ses frontières jusqu'à son propre pays des Indes. Il y avait peu d'affaires à traiter, de sorte que Gonod passa la majeure partie de son temps avec Jésus et Ganid, visitant les nombreux endroits intéressants et écoutant les discussions passionnantes entre le garçon et son maitre aux talents variés.

133:5.2 Une grande université florissait encore à Athènes, et le trio fit de fréquentes visites à ses salles d'enseignement. Jésus et Ganid avaient déjà discuté à fond les enseignements de Platon quand ils avaient assisté à des conférences au musée d'Alexandrie. Les trois hommes apprécièrent grandement les arts grecs, dont on pouvait encore trouver des traces éparses dans la ville.

133:5.3 Le père et le fils, tous les deux, goutèrent beaucoup la discussion sur la science qui eut lieu, un soir, à leur auberge entre Jésus et un philosophe grec. Après que ce pédant eut parlé durant près de trois heures et qu'il eut terminé son discours, Jésus dit - en termes conformes à la pensée moderne :

133:5.4 Peut-être les savants mesureront-ils un jour l'énergie ou les manifestations de force de la gravitation, de la lumière ou de l'électricité, mais ces mêmes savants ne pourront jamais dire, scientifiquement parlant, ce que sont ces phénomènes universels. La science traite des activités physicoénergétiques, la religion traite des valeurs éternelles. La vraie philosophie est issue de la sagesse, qui fait de son mieux pour mettre en corrélation ces observations quantitatives et qualitatives. Il existe toujours un danger, c'est que le savant, traitant de choses purement physiques, puisse être affligé d'orgueil mathématique et d'égoïsme statistique, sans mentionner l'aveuglement spirituel.

133:5.5 La logique est valable dans le monde matériel, et l'on peut se fier aux mathématiques quand leur application se limite aux choses physiques, mais aucune des deux ne doit être considérée comme entièrement digne de confiance ou infaillible quand on les applique aux problèmes de la vie. La vie englobe des phénomènes qui ne sont pas entièrement matériels. L'arithmétique dit que, si l'homme peut tondre un mouton en dix minutes, dix hommes peuvent le faire en une minute. C'est un calcul exact, mais ce n'est pas vrai, car les dix hommes n'y parviendraient pas ; ils se gêneraient tellement les uns les autres que le travail serait considérablement ralenti.

133:5.6 Les mathématiques affirment que, si une personne représente une certaine unité de valeur intellectuelle et morale, dix personnes semblables représenteront dix fois cette valeur. Mais, en traitant de la personnalité humaine, il serait plus exact de dire que la valeur d'une telle association de personnalité est égale au carré du nombre de personnalités figurant dans l'équation plutôt qu'à leur simple somme arithmétique. Un groupe social d'êtres humains opérant dans une harmonie coordonnée représente une force beaucoup plus grande que la simple somme de ses éléments.

133:5.7 On peut identifier la quantité comme un fait ; elle devient alors un facteur scientifique uniforme. La qualité, étant une affaire d'interprétation mentale, représente une estimation de valeurs ; et doit donc demeurer une expérience de l'individu. Quand la science et la religion deviendront toutes deux moins dogmatiques et tolèreront mieux la critique, la philosophie commencera alors à s'unifier dans la compréhension intelligente de l'univers.

133:5.8 Il y a unité dans l'univers cosmique, si vous parveniez seulement à discerner ses manifestations dans les faits. L'univers réel est amical pour chaque enfant du Dieu éternel. Le vrai problème est le suivant : comment le mental humain peut-il aboutir à une unité de pensée logique, véritable et correspondant à l'unité du cosmos ? Cet état mental de connaissance de l'univers ne peut être acquis qu'en concevant les faits quantitatifs et les valeurs qualitatives comme ayant une cause commune - le Père du Paradis. Une telle conception de la réalité donne des vues plus larges sur l'unité intentionnelle des phénomènes de l'univers ; elle révèle même un but spirituel d'accomplissement de personnalité progressif ; et c'est là un concept d'unité qui peut percevoir l'arrière-plan invariant d'un univers vivant où les relations impersonnelles changent sans cesse et où les relations personnelles évoluent continuellement.

133:5.9 La matière, l'esprit et l'état intermédiaire entre eux sont trois niveaux reliés et associés de l'unité véritable de l'univers réel. Si divergents que puissent apparaître les phénomènes universels des faits et des valeurs, ils sont en fin de compte unifiés dans le Suprême.

133:5.10 La réalité de l'existence matérielle s'attache aux énergies non reconnues aussi bien qu'à la matière visible. Quand les énergies de l'univers sont freinées au point d'atteindre le ralentissement nécessaire, alors, dans des conditions favorables, ces mêmes énergies deviennent des masses. N'oubliez pas que le mental, seul capable de percevoir la présence des réalités apparentes, est lui-même réel. La cause fondamentale de cet univers d'énergie-masse, de mental et d'esprit est éternelle - elle existe et consiste dans la nature et les réactions du Père Universel et de ses coordonnés absolus.

133:5.11 Les auditeurs furent plus que stupéfaits en entendant ces paroles de Jésus. Quand le philosophe grec prit congé de lui, il dit : « Enfin, mes yeux ont vu un Juif qui pense à autre chose qu'à la supériorité raciale et parle d'autre chose que de la religion. » Et ils se retirèrent pour la nuit.

133:5.12 Le séjour à Athènes fut plaisant et profitable, mais pas particulièrement fécond pour les contacts humains. Trop d'Athéniens de ce temps-là étaient soit intellectuellement orgueilleux de leur réputation d'antan, soit mentalement stupides et ignorants, parce qu'ils étaient les descendants des esclaves inférieurs amenés au cours des époques antérieures, où il y avait de la gloire en Grèce et de la sagesse dans le mental de ses habitants. Néanmoins, on rencontrait encore bien des intelligences pénétrantes parmi les citoyens d'Athènes.

133.6  À Éphèse - Discours sur l'Âme

133:6.1 En quittant Athènes, les voyageurs passèrent par la Troade pour se rendre à Éphèse, capitale de la province romaine d'Asie. Ils allèrent souvent jusqu'au fameux temple d'Artémis des Éphésiens, à environ trois kilomètres de la ville. Artémis était la plus célèbre déesse de toute l'Asie Mineure et la perpétuation de la déesse mère encore plus ancienne de l'antique époque anatolienne. La grossière idole exposée dans l'immense temple consacré à son adoration était censée être tombée du ciel. On avait enseigné à Ganid, dans sa jeunesse, à respecter des statues comme symboles de la divinité, et les vestiges de cette éducation n'avaient pas été entièrement extirpés ; il crut bien faire en achetant un petit reliquaire d'argent en l'honneur de cette déesse de la fécondité d'Asie Mineure. Ce soir-là, les voyageurs s'entretinrent longuement de l'adoration des objets faits de main d'homme.

133:6.2 Le troisième jour de leur séjour, ils descendirent à pied, le long de la rivière, pour observer le dragage du port à son embouchure. À midi, ils parlèrent à un jeune Phénicien fort découragé qui avait le mal du pays, mais qui était surtout envieux d'un jeune homme promu au-dessus de lui. Jésus lui adressa des paroles d'encouragement et cita l'ancien proverbe hébreu : « Ce sont les qualités d'un homme qui lui valent une situation et l'amènent au contact des grands hommes. »

133:6.3 Parmi toutes les villes importantes qu'ils visitèrent dans leur tour de la Méditerranée, c'est ici que leur passage fut le moins profitable pour le travail ultérieur des missionnaires chrétiens. C'est largement grâce aux efforts de Paul que le christianisme prit son essor à Éphèse. Paul y résida plus de deux ans, fabriquant des tentes pour gagner sa vie et faisant, chaque soir, des conférences sur la religion et la philosophie dans la principale salle d'audience de l'école de Tyrannus.

133:6.4 Un penseur progressif avait des liens avec cette école locale de philosophie. Jésus eut avec lui plusieurs entretiens profitables au cours desquels il employa, à maintes reprises, le mot « âme » . Ce Grec érudit finit par lui demander ce qu'il entendait par « âme » , et Jésus répondit :

133:6.5 « L'âme est la fraction de l'homme qui reflète son moi, qui discerne la vérité et qui perçoit l'esprit ; elle élève à jamais l'être humain au-dessus du niveau du monde animal. La conscience de soi, en elle-même et par elle-même, n'est pas l'âme. La conscience du moi moral est la réalisation du vrai moi humain et constitue le fondement de l'âme humaine. L'âme est la partie de l'homme qui représente la valeur potentielle de survie de l'expérience humaine. Le choix moral et l'accomplissement spirituel, l'aptitude à connaître Dieu et l'impulsion à être semblable à lui, sont les caractéristiques de l'âme. L'âme de l'homme ne peut exister sans pensée morale et sans activité spirituelle. Une âme stagnante est une âme mourante. L'âme de l'homme est distincte de l'esprit divin qui habite son mental. L'esprit divin arrive au moment où le mental de l'homme manifeste sa première activité morale, et c'est l'occasion de la naissance de l'âme.

133:6.6 « Le salut ou la perte d'une âme dépendent du fait que la conscience morale a atteint, ou non, le statut de survie par alliance éternelle avec l'esprit immortel associé qui lui a été donné. Le salut est la spiritualisation de sa propre réalisation de la conscience morale, qui acquiert ainsi une valeur de survie. Toutes les formes de conflits psychiques consistent en un manque d'harmonie entre la conscience de soi, morale ou spirituelle, et la conscience de soi purement intellectuelle.

133:6.7 « Quand l'âme humaine est mûrie, ennoblie et spiritualisée, elle approche du statut céleste, en ce sens qu'elle est proche d'être une entité intermédiaire entre le matériel et le spirituel, entre le moi matériel et l'esprit divin. L'âme évoluante d'un être humain est difficile à décrire, et son existence est encore plus difficile à démontrer, car on ne peut la découvrir ni par les méthodes d'investigation physiques ni par celles de la preuve spirituelle. La science matérielle ne peut prouver l'existence d'une âme, et les épreuves purement spirituelles non plus. Malgré l'impuissance de la science matérielle et des critères spirituels à découvrir l'existence de l'âme humaine, tout individu moralement conscient connaît l'existence de son âme en tant qu'expérience personnelle réelle et effective. »

133.7  Le Séjour à Chypre - Discours sur le Mental

133:7.1 Peu après, les voyageurs firent voile pour Chypre, avec un arrêt à Rhodes. Ils prirent plaisir à ce long voyage maritime et arrivèrent à destination le corps reposé et l'esprit détendu.

133:7.2 Ils avaient formé le projet de jouir d'une période de vrai repos et de récréation au cours de cette visite à Chypre, alors que leur tour de Méditerranée tirait à sa fin. Ils débarquèrent à Paphos et commencèrent aussitôt à rassembler des provisions pour un séjour de plusieurs semaines dans les montagnes voisines. Le troisième jour après leur arrivée, ils partirent pour les hauteurs avec leurs bêtes de somme bien chargées.

133:7.3 Durant une quinzaine de jours, le trio s'en donna à coeur joie, puis, à l'improviste, le jeune Ganid tomba gravement malade. Il souffrit pendant deux semaines d'une forte fièvre, allant souvent jusqu'au délire. Jésus et Gonod eurent fort à faire pour s'occuper de lui. Jésus soigna habilement et tendrement le garçon, et Gonod fut stupéfait de la gentillesse et de la science que Jésus manifestait dans tous ses soins au jeune malade. Ils étaient loin de toute habitation, et le jeune homme était intransportable ; ils prirent donc leurs dispositions au mieux pour le soigner jusqu'à ce qu'il guérisse sur place dans la montagne.

133:7.4 Durant les trois semaines de convalescence de Ganid, Jésus lui raconta nombre d'histoires intéressantes sur la nature et ses diverses fantaisies. Ils se divertirent grandement en faisant des excursions dans les montagnes ; Ganid posant des questions, Jésus y répondant et Gonod s'émerveillant de tout ce qu'il entendait.

133:7.5 Au cours de la dernière semaine de leur séjour à la montagne, Jésus eut avec Ganid une longue conversation sur les fonctions du mental humain. Après plusieurs heures de discussion, le garçon posa la question suivante : « Maitre, que signifie ton affirmation quand tu dis que l'homme éprouve une forme de conscience de soi plus élevée que celle des animaux supérieurs ? » Jésus lui fit la réponse suivante que nous transposons en langage moderne :

133:7.6 Mon fils, je t'ai déjà beaucoup parlé du mental de l'homme et de l'esprit divin qui y habite, mais, maintenant, j'insiste sur le fait que la conscience de soi est une réalité. Quand un animal prend conscience de lui-même, il devient un homme primitif. Cet aboutissement résulte d'une coordination fonctionnelle entre l'énergie impersonnelle et le mental qui conçoit l'esprit ; c'est ce phénomène qui justifie, pour une personnalité humaine, le don d'un point focal absolu, l'esprit du Père qui est aux cieux.

133:7.7 Les idées ne sont pas simplement un enregistrement de sensations, les idées sont des sensations conjuguées avec des interprétations réfléchies du moi personnel ; et le moi est plus que la somme de ses sensations. Une individualité qui évolue commence à manifester des symptômes approchant de l'unité, et cette unité est dérivée de la présence intérieure d'un fragment d'unité absolue qui anime spirituellement un tel mental conscient de soi d'origine animale.

133:7.8 Un simple animal ne peut avoir conscience de soi dans le temps. Les animaux possèdent une coordination physiologique de sensations et de récognitions associées, et la mémoire correspondante ; mais aucun d'eux ne reconnaît de sensation ayant pour lui une signification ; aucun d'eux ne fait montre d'une association intentionnelle de ces expériences physiques conjuguées, telle qu'on en voit manifester dans les conclusions des interprétations humaines intelligentes et réfléchies. Le fait de son existence autoconsciente, associé à la réalité de son expérience spirituelle subséquente, fait de l'homme un fils potentiel de l'univers et laisse prévoir qu'il atteindra finalement l'Unité Suprême de l'univers.

133:7.9 Le moi humain n'est pas non plus simplement la somme de ses états de conscience successifs. Sans le fonctionnement efficace d'un facteur qui trie et associe les états de conscience, il n'existerait pas une unité suffisante pour justifier la dénomination d'individualité. Un mental non unifié de cet ordre ne pourrait guère atteindre les niveaux conscients de statut humain. Si les associations de conscience étaient simplement un accident, on constaterait, dans le mental de tous les hommes, la présence d'associations incontrôlées faites à tort et à travers, comme on en observe dans certaines phases d'aliénation mentale.

133:7.10 Un mental humain basé exclusivement sur la conscience de sensations physiques ne saurait jamais atteindre les niveaux spirituels. Cette sorte de mental matériel manquerait totalement du sens des valeurs morales et serait dépourvu du sens directeur de domination spirituelle, qui est si essentiel pour unifier harmonieusement la personnalité dans le temps, et qui est inséparable de la survie de la personnalité dans l'éternité.

133:7.11 Le mental humain commence précocement à manifester des qualités supramatérielles. L'intellect humain vraiment réflexif n'est pas entièrement lié par les limites du temps. Le fait que les individus diffèrent tellement dans les actes de leur vie n'indique pas seulement les dons héréditaires variés et les influences différentes de l'entourage ; il dénote aussi le degré d'unification avec l'esprit intérieur du Père atteint par le moi ; la mesure de l'identification de l'un avec l'autre.

133:7.12 Le mental humain ne supporte pas bien le conflit de double allégeance. Quand une âme subit l'expérience d'un effort pour servir à la fois le bien et le mal, elle éprouve une tension extrême. Le mental suprêmement heureux et efficacement unifié est entièrement consacré à faire la volonté du Père qui est aux cieux. Les conflits non résolus détruisent l'unité et peuvent aboutir au dérangement mental. Toutefois, le caractère de survie d'une âme n'est pas favorisé par la tendance à s'assurer la paix mentale à tout prix, par l'abandon des nobles aspirations et par des compromis avec les idéaux spirituels. On atteint plutôt cette paix en affirmant résolument le triomphe de ce qui est vrai, et l'on obtient cette victoire en triomphant du mal par la puissante force du bien.

133:7.13 Les trois voyageurs partirent le lendemain pour Salamine, d'où ils s'embarquèrent pour Antioche, un port de la côte syrienne.

133.8  À Antioche

133:8.1 Antioche était la capitale de la province romaine de Syrie, et le gouverneur impérial y avait sa résidence. Antioche avait un demi-million d'habitants ; c'était la troisième ville de l'empire en importance et la première par la dépravation et la flagrante immoralité. Gonod avait des affaires considérables à traiter, de sorte que Jésus et Ganid furent souvent laissés à eux-mêmes. Ils visitèrent tout dans cette ville polyglotte, sauf le bocage de Daphné. Gonod et Ganid se rendirent seuls à ce haut lieu d'infamie, car Jésus refusa de les y accompagner. Les scènes n'étaient pas trop choquantes pour des Hindous, mais elles étaient répugnantes pour un Hébreu idéaliste.

133:8.2 Jésus devenait plus calme et pensif à mesure qu'il se rapprochait de la Palestine et de la fin de leur voyage. Il s'entretint avec peu de gens à Antioche et se promena rarement dans la ville. Après beaucoup de questions sur les raisons pour lesquelles son maitre manifestait si peu d'intérêt pour Antioche, Ganid finit par amener Jésus à dire : « Cette ville n'est pas loin de la Palestine ; peut-être y reviendrai-je un jour. »

133:8.3 Ganid fit une expérience très intéressante à Antioche. Le jeune homme s'était montré un élève capable et avait commencé déjà à appliquer pratiquement certains enseignements de Jésus. Un certain Hindou engagé dans les affaires de son père à Antioche était devenu si désagréable et maussade que son renvoi avait été envisagé. Lorsque Ganid en eut vent, il se rendit au siège des affaires de son père et eut une longue conversation avec son compatriote. Cet homme avait le sentiment d'avoir été placé à un poste qui ne lui convenait pas. Ganid lui parla du Père qui est aux cieux et amplifia sous bien des rapports ses vues sur la religion. Mais, dans tout ce que Ganid put dire, ce fut un proverbe hébreu qui fit le plus de bien à son interlocuteur, et voici cette parole de sagesse : « Quoi que ta main trouve à faire, fais-le avec toute ta puissance. »

133:8.4 Après avoir préparé leurs bagages pour la caravane de chameaux, les trois compagnons continuèrent leur route en descendant jusqu'à Sidon puis, de là, à Damas, et, trois jours plus tard, ils se préparèrent à faire la longue étape à travers les sables du désert.

133.9  En Mésopotamie

133:9.1 Le passage de la caravane à travers le désert n'était pas une expérience nouvelle pour ces grands voyageurs. Après avoir observé son maitre aidant à charger leurs vingt chameaux et remarqué qu'il se portait volontaire pour conduire leur propre animal, Ganid s'écria : « Maitre, y a-t-il une chose que tu ne puisses faire ? » Jésus se borna à sourire et dit : « Un élève assidu rend sûrement hommage à son maitre. » Et ils partirent ainsi pour l'ancienne ville d'Ur.

133:9.2 Jésus fut très intéressé par l'histoire primitive d'Ur, lieu de naissance d'Abraham, et fut également fasciné par les ruines et les traditions de Suse, au point que Gonod et Ganid prolongèrent de trois semaines leur séjour dans ces regions afin de donner plus de temps à Jésus pour poursuivre ses investigations ; ils cherchaient aussi à trouver la meilleure occasion de le persuader de rentrer aux Indes avec eux.

133:9.3 Ce fut à Ur que Ganid eut un long entretien avec Jésus au sujet de la différence entre la connaissance, la sagesse et la vérité. Il fut très séduit par les paroles du sage Hébreu : « La sagesse est la chose principale ; donc, acquiers la sagesse. Avec toute ta recherche de la connaissance, acquiers la compréhension. Exalte la sagesse, et elle te fera avancer. Elle te conduira aux honneurs pourvu que tu la pratiques. »

133:9.4 Enfin arriva le jour de la séparation. Ils furent tous courageux, spécialement le garçon, mais ce fut une rude épreuve. Ils avaient les larmes aux yeux, mais du courage dans le coeur. En prenant congé de son maitre, Ganid dit « Adieu, Maitre, mais pas pour toujours. Quand je reviendrai à Damas, je te chercherai. Je t'aime, car je crois que le Père qui est aux cieux doit un peu te ressembler ; au moins, je sais que tu ressembles beaucoup à ce que tu m'as raconté de lui. Je me rappellerai ton enseignement, mais c'est toi surtout que je n'oublierai jamais. » Quant à Gonod, il dit : « Adieu à un grand éducateur, à un Maitre qui nous a rendus meilleurs et nous a aidés à connaître Dieu. » Et Jésus répondit : « Que la paix soit sur vous, et puisse la bénédiction du Père qui est aux cieux demeurer toujours avec vous. » Jésus se tint debout sur le rivage et regarda la petite barque les emmener vers le bateau à l'ancre. Le Maitre quitta ainsi ses amis hindous à Charax, pour ne plus jamais les revoir en ce monde. Eux non plus, ici-bas, ne surent jamais que l'homme apparu plus tard comme Jésus de Nazareth était l'ami même qu'ils venaient de quitter - Joshua leur instructeur.

133:9.5 Aux Indes, Ganid grandit et devint un homme influent, digne successeur de son éminent père ; il répandit de tous côtés bien des nobles vérités qu'il avait apprises de Jésus, son maitre bien-aimé. Plus tard dans la vie, lorsque Ganid entendit parler de l'étrange éducateur de Palestine qui termina sa vie sur une croix, il reconnut bien la similitude entre l'évangile de ce Fils de l'Homme et les enseignements de son précepteur juif, mais il n'eut jamais l'idée que les deux étaient une seule et même personne.

133:9.6 Ainsi prit fin le chapitre de la vie du Fils de l'Homme que l'on pourrait intituler : La mission de Joshua l'éducateur.

134. Les Années de Transition

134:0.1 DURANT son voyage méditerranéen, Jésus avait soigneusement étudié les personnes rencontrées et les pays traversés, et c'est à peu près à cette époque qu'il parvint à sa décision finale concernant le reste de sa vie sur terre. Il avait pleinement considéré et désormais définitivement approuvé le plan prévoyant qu'il naîtrait de parents juifs en Palestine. Il revint donc délibérément en Galilée pour attendre le commencement de son oeuvre d'instructeur public de la vérité. Il se mit à faire des projets en vue d'une carrière publique dans le pays du peuple de son père Joseph, et agit en l'espèce selon son propre libre arbitre.

134:0.2 Par expérience personnelle et humaine, Jésus était arrivé à la conclusion que, dans tout le monde romain, la Palestine était le meilleur endroit pour développer les derniers chapitres de sa vie terrestre et en jouer les scènes finales. Pour la première fois, il fut pleinement satisfait du programme consistant à manifester ouvertement sa vraie nature et à révéler son identité divine parmi les Juifs et les Gentils de sa Palestine natale. Il décida catégoriquement de terminer sa vie terrestre et de parachever sa carrière d'existence mortelle dans le pays même où il avait commencé son expérience humaine en tant que bébé sans défense. Sa carrière sur Urantia avait débuté parmi les Juifs de Palestine ; il choisit de terminer également sa vie en Palestine et parmi les Juifs.

134.1  La Trentième Année (An 24)

134:1.1 Après avoir pris congé de Gonod et de Ganid à Charax (en décembre de l'an 23), Jésus revint par Ur à Babylone, où il se joignit à une caravane du désert qui faisait route vers Damas. De Damas, il alla à Nazareth s'arrêtant à Capharnaüm quelques heures seulement pour rendre visite à la famille de Zébédée. Il y rencontra son frère Jacques, venu quelque temps auparavant travailler à sa place au chantier naval de Zébédée. Après s'être entretenu avec Jacques et Jude (qui se trouvait aussi par hasard à Capharnaüm) et après avoir remis à son frère Jacques la petite maison que Jean Zébédée avait réussi à acheter, Jésus continua son chemin vers Nazareth.

134:1.2 À la fin de son voyage méditerranéen, Jésus avait reçu assez d'argent pour faire face à son entretien presque jusqu'au commencement de son ministère public. Mais, en dehors de Zébédée à Capharnaüm et des gens que Jésus rencontra au cours de cette tournée extraordinaire, le monde ne sut jamais qu'il avait fait ce voyage. Sa famille crut toujours qu'il avait passé son temps à étudier à Alexandrie. Jésus ne confirma jamais cette croyance et ne réfuta pas non plus ouvertement ce malentendu.

134:1.3 Durant son séjour de quelques semaines à Nazareth, Jésus s'entretint avec sa famille et ses amis, passa quelque temps à l'atelier de réparations avec son frère Joseph, mais se consacra, en majeure partie, à Marie et à Ruth. Ruth approchait de ses quinze ans, et c'était la première occasion pour Jésus de causer longuement avec elle depuis qu'elle était devenue jeune femme.

134:1.4 Depuis quelque temps, Simon et Jude désiraient tous deux se marier, mais il leur avait déplu de le faire sans le consentement de Jésus. Ils avaient donc retardé l'évènement, espérant le prochain retour de leur frère ainé. Bien que tous aient considéré Jacques comme le chef de la famille dans la plupart des affaires, quand il s'était agi de se marier, ils voulaient la bénédiction de Jésus. Le double mariage de Simon et de Jude fut donc célébré, en une seule cérémonie, au début de mars de l'an 24. Tous les ainés étaient maintenant mariés ; seule Ruth la cadette restait à la maison avec Marie.

134:1.5 Jésus s'entretint tout naturellement et normalement avec les divers membres de sa famille, mais, quand ils étaient tous réunis, il avait si peu de choses à dire qu'ils en firent la remarque entre eux. Marie surtout était déconcertée par la conduite particulièrement étrange de son fils ainé.

134:1.6 Au moment où Jésus se préparait à quitter Nazareth, le conducteur d'une importante caravane qui passait par la ville tomba gravement malade, et Jésus, connaissant les langues étrangères, s'offrit pour le remplacer. Ce voyage nécessitait son absence pendant une année ; puisque tous ses frères étaient mariés et que sa mère vivait seule au foyer avec Ruth, Jésus réunit un conseil de famille auquel il proposa que sa mère et Ruth aillent vivre à Capharnaüm dans la maison qu'il avait tout récemment donnée à Jacques. En conséquence, quelques jours après que Jésus fut parti avec la caravane, Marie et Ruth allèrent s'installer à Capharnaüm, où elles vécurent durant le reste de la vie de Marie dans la maison fournie par Jésus. Joseph et sa famille emménagèrent dans la vieille maison familiale de Nazareth.

134:1.7 Cette année fut l'une des plus exceptionnelles dans l'expérience intérieure du Fils de l'Homme ; il fit de grands progrès dans la réalisation d'une harmonie fonctionnelle entre son mental humain et son Ajusteur intérieur. L'Ajusteur avait été activement occupé à réorganiser les pensées de Jésus et à apprêter sa mentalité en vue des grands évènements qui se situaient alors dans le proche avenir. La personnalité de Jésus se préparait à son grand changement d'attitude envers le monde. C'était la période intermédiaire, le stade de transition entre l'être ayant commencé sa vie en tant que Dieu apparaissant comme un homme, et qui s'apprêtait maintenant à parachever sa carrière terrestre en tant qu'homme apparaissant comme Dieu.

134.2  Le Voyage par Caravane à la Mer Caspienne

134:2.1 Ce fut au premier avril de l'an 24 que Jésus quitta Nazareth pour le voyage en caravane qui devait le mener jusqu'à la région de la mer Caspienne. La caravane à laquelle Jésus s'était joint comme conducteur partait de Jérusalem pour la région située au sud-est de la mer Caspienne en passant par Damas et le lac Urmia, et en traversant l'Assyrie, la Médie et la Parthie. Il s'écoula une année entière avant qu'il ne revînt de cette expédition.

134:2.2 Pour Jésus, ce voyage en caravane était une nouvelle aventure d'exploration et de ministère personnel. Il eut une expérience intéressante avec la famille formée par les membres de sa caravane - passagers, gardes et conducteurs de chameaux. Des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants habitant aux abords de la route suivie par la caravane vécurent une vie plus riche par suite de leur contact avec Jésus, pour eux, le chef extraordinaire d'une caravane ordinaire. Ceux qui bénéficièrent de son ministère personnel en ces occasions n'en tirèrent pas tous profit, mais, en grande majorité, ceux qui le rencontrèrent et lui parlèrent furent améliorés pour le restant de leur vie terrestre.

134:2.3 Parmi tous ses voyages dans le monde, cette expédition vers la mer Caspienne fut celle qui amena Jésus le plus près de l'Orient et lui permit d'acquérir une meilleure compréhension des peuples d'Extrême-Orient. Il prit des contacts intimes et personnels avec des membres de chacune des races survivantes sur Urantia, sauf la rouge. Son ministère personnel lui procura le même plaisir auprès de chacune de ces races variées et de ces peuplades mélangées, et toutes furent réceptives à la vérité vivante qu'il leur apportait. Les Européens d'Extrême-Occident aussi bien que les Asiatiques d'Extrême-Orient prêtèrent attention à ses paroles d'espoir et de vie éternelle ; ils furent tous également influencés par la vie de service affectueux et de ministère spirituel qu'il vivait parmi eux avec tant de bienveillance.

134:2.4 Le voyage de la caravane fut réussi à tous points de vue. Ce fut un épisode des plus intéressants dans la vie humaine de Jésus, car, durant cette année, il joua un rôle exécutif en étant responsable des biens matériels confiés à sa charge et de la sauvegarde des voyageurs de la caravane. Il accomplit ses multiples devoirs avec une fidélité, une efficacité et une sagesse extrêmes.

134:2.5 À son retour de la région Caspienne, Jésus abandonna la direction de la caravane après être arrivé au lac Urmia, où il s'arrêta un peu plus de deux semaines. Il revint à Damas comme voyageur avec une autre caravane dont les propriétaires des chameaux lui demandèrent de rester à leur service. Déclinant cette offre, il continua son voyage avec le train de la caravane jusqu'à Capharnaüm, où il arriva le 1er avril de l'an 25. Il ne considérait plus Nazareth comme son foyer. Capharnaüm était devenu le foyer de Jésus, Jacques, Marie et Ruth, mais Jésus ne vécut plus jamais avec sa famille. Quand il se trouvait à Capharnaüm, il habitait chez les Zébédée.

134.3  Les Conférences d'Urmia

134:3.1 Sur la route d'aller vers la mer Caspienne, Jésus s'était arrêté à la vieille ville persane d'Urmia, sur la rive ouest du lac du même nom, pour laisser à sa caravane quelques jours de repos et de récupération. Sur la plus grande ile d'un petit archipel proche de la côte au voisinage d'Urmia, se trouvait un vaste bâtiment - un amphithéâtre de conférences - consacré à « l'esprit de la religion » . Cet édifice était en réalité un temple de la philosophie des religions.

134:3.2 Ce temple de la religion avait été bâti par un riche négociant nommé Cymboyton et ses trois fils. Ce citoyen d'Urmia comptait, parmi ses ancêtres, des gens de souches très variées.

134:3.3 Dans cette école de religion, les conférences et les discussions commençaient tous les jours de la semaine à 10 heures du matin. Les sessions de l'après-midi débutaient à 3 heures, et les débats du soir s'ouvraient à 8 heures. Cymboyton, ou l'un de ses trois fils, présidait toujours ces réunions d'enseignement, de discussions et de débats. Le fondateur de cette extraordinaire école religieuse vécut et mourut sans jamais avoir révélé ses croyances religieuses personnelles.

134:3.4 À plusieurs reprises, Jésus participa aux discussions et, avant son départ d'Urmia, Cymboyton convint avec Jésus qu'à son voyage de retour, il séjournerait deux semaines à Urmia et ferait vingt-quatre conférences sur « La Fraternité des Hommes » . Jésus devait aussi diriger douze sessions du soir comportant des questions, des discussions et des débats sur ses conférences en particulier, et sur la fraternité des hommes en général.

134:3.5 Conformément à cet arrangement, Jésus s'arrêta à son voyage de retour et fit ces conférences. De tous les enseignements donnés par le Maitre sur Urantia, ceux-ci furent les plus systématiques et les plus formels. Jamais auparavant, ni plus tard, il ne développa un sujet aussi longuement qu'au cours de ces conférences et discussions sur la fraternité des hommes. En réalité, ces conférences concernaient le « Royaume de Dieu » et les « Royaumes des Hommes. »

134:3.6 Plus de trente religions et cultes religieux étaient représentés à la faculté de ce temple de philosophie religieuse. Les éducateurs étaient choisis, entretenus et pleinement accrédités par leurs groupes religieux respectifs. À ce moment-là, il y avait environ soixante-quinze maitres à la faculté, et ils vivaient dans des chalets abritant chacun une douzaine de personnes. À chaque nouvelle lune, on changeait les groupes par tirage au sort. L'intolérance, l'esprit de chicane ou toute autre tendance à contrecarrer la bonne marche de la communauté provoquaient le congédiement prompt et sommaire de l'enseignant fautif. On le renvoyait sans cérémonie et l'on installait immédiatement le suivant à sa place.

134:3.7 Ces instructeurs des diverses religions faisaient un grand effort pour montrer la similitude de leurs religions en ce qui concernait les éléments fondamentaux de la vie présente et de la vie future. Pour obtenir un siège à cette faculté, il suffisait d'accepter une seule doctrine - chaque maitre devait représenter une religion qui reconnaissait Dieu - une sorte de Déité suprême. Il y avait cinq maitres indépendants qui ne représentaient aucune religion organisée, et c'est à ce titre que Jésus apparut devant la faculté.

134:3.8 [Lorsque nous, les médians, eûmes préparé le résumé des enseignements de Jésus à Urmia, il s'éleva un désaccord entre les séraphins des Églises et les séraphins du progrès sur l'opportunité d'inclure ces enseignements dans la Révélation d'Urantia. Les conditions qui prévalent au vingtième siècle, tant dans les religions que dans les gouvernements humains, sont si différentes de celles de l'époque de Jésus qu'il était, en vérité, difficile d'adapter les enseignements du Maitre à Urmia aux problèmes du royaume de Dieu et des royaumes des hommes tels que ces fonctions mondiales existent au vingtième siècle. Nous ne fûmes jamais capables de formuler les enseignements du Maitre d'une manière acceptable simultanément par ces deux groupes de séraphins du gouvernement planétaire. Finalement, le Melchizédek président de la commission de révélation nomma un comité de trois médians de notre ordre pour présenter notre point de vue sur les enseignements du Maitre à Urmia adaptés aux conditions religieuses et politiques du vingtième siècle sur Urantia. En conséquence, les trois médians secondaires, que nous sommes, parachevèrent cette adaptation des enseignements de Jésus en reformulant ses déclarations de la manière dont nous les appliquerions aux conditions du monde d'aujourd'hui. Nous donnons maintenant ces exposés tels qu'ils se présentent après avoir été revus par le Melchizédek président de la commission de révélation.]

134.4  La Souveraineté - Divine et Humaine

134:4.1 La fraternité des hommes est fondée sur la paternité de Dieu. La famille de Dieu tire son origine de l'amour de Dieu - Dieu est amour. Dieu le Père aime divinement ses enfants, sans en excepter aucun.

134:4.2 Le royaume des cieux, le gouvernement divin, est fondé sur le fait de la souveraineté divine - Dieu est esprit. Puisque Dieu est esprit, ce royaume est spirituel. Le royaume des cieux n'est ni matériel ni purement intellectuel ; il est une relation spirituelle entre Dieu et l'homme.

134:4.3 Si des religions différentes reconnaissent la souveraineté spirituelle de Dieu le Père, alors toutes ces religions demeureront en paix. C'est seulement quand une religion prétend avoir une certaine supériorité sur toutes les autres et posséder une autorité exclusive sur elles qu'elle se permet de ne pas tolérer les autres religions ou qu'elle ose persécuter leurs fidèles.

134:4.4 La paix religieuse - la fraternité - ne peut jamais exister sans que toutes les religions soient disposées à se dépouiller de toute autorité ecclésiastique et à abandonner entièrement tout concept de souveraineté spirituelle. Dieu seul est esprit souverain.

134:4.5 Pour qu'il y ait égalité entre les religions (liberté religieuse) sans guerres de religion, il faut que toutes les religions consentent à transférer la souveraineté religieuse à un niveau suprahumain, à Dieu lui-même.

134:4.6 Le royaume des cieux dans le coeur des hommes créera l'unité religieuse (mais pas nécessairement l'uniformité) parce que chaque collectivité religieuse composée de tels fidèles sera dégagée de toute notion d'autorité ecclésiastique - de souveraineté religieuse.

134:4.7 Dieu est esprit, et Dieu donne un fragment de son être spirituel pour habiter le coeur de l'homme. Spirituellement, tous les hommes sont égaux. Le royaume des cieux est dépourvu de castes, de classes, de niveaux sociaux et de groupes économiques. Vous êtes tous frères.

134:4.8 Mais, dès le moment où vous perdrez de vue la souveraineté spirituelle de Dieu le Père, une religion donnée commencera à affirmer sa supériorité sur toutes les autres. Alors, au lieu de paix sur terre et de bonne volonté parmi les hommes, commenceront les dissensions, les récriminations et même les guerres de religion, ou du moins les guerres entre fidèles de diverses religions.

134:4.9 À moins qu'ils ne se reconnaissent mutuellement comme soumis à une certaine supersouveraineté, à une certaine autorité qui les dépasse, des êtres doués de libre arbitre et se considérant comme des égaux sont, tôt ou tard, tentés de mettre à l'essai leur aptitude à gagner pouvoir et autorité sur d'autres personnes et d'autres groupes. Le concept d'égalité n'apporte jamais la paix, sauf dans la récognition mutuelle d'une supersouveraineté dont l'influence est dominante.

134:4.10 Les hommes religieux d'Urmia vivaient ensemble dans une paix et une tranquillité relatives parce qu'ils avaient totalement renoncé à toutes leurs notions de souveraineté religieuse. Spirituellement, ils croyaient tous en un Dieu souverain ; socialement, ils se soumettaient à l'autorité entière et incontestable de leur président Cymboyton. Ils savaient bien ce qui arriverait à tout enseignant qui chercherait à en imposer à ses collègues. Aucune paix religieuse durable ne peut s'établir sur Urantia avant que toutes les collectivités religieuses ne renoncent librement à leurs notions de faveur divine, de peuple élu et de souveraineté religieuse. C'est seulement quand Dieu le Père deviendra suprême que les hommes deviendront des frères en religion et vivront ensemble sur terre dans la paix religieuse.

134.5  La Souveraineté Politique

134:5.1 [Alors que l'enseignement du Maitre concernant la souveraineté de Dieu est une vérité - mais compliquée par l'apparition subséquente d'une religion à propos de lui parmi les religions humaines - par contre, ses exposés concernant la souveraineté politique sont immensément compliqués par l'évolution de la politique de la vie des nations durant les dix-neuf derniers siècles. À l'époque de Jésus, il n'y avait que deux grandes puissances mondiales - l'Empire Romain en Occident et l'Empire de Han en Orient - et elles étaient largement séparées par le royaume des Parthes et par d'autres contrées interposées des régions de la Caspienne et du Turkestan. Dans l'exposé qui suit, nous nous sommes donc écartés davantage de la substance des enseignements du Maitre à Urmia concernant la souveraineté politique ; en même temps, nous nous sommes efforcés de décrire l'importance de ces enseignements tels qu'ils sont applicables au stade particulièrement critique de l'évolution de la souveraineté politique au vingtième siècle de l'ère chrétienne.]

134:5.2 La guerre sur Urantia ne prendra jamais fin tant que les nations s'attacheront à la notion illusoire de souveraineté nationale illimitée. Il n'existe que deux niveaux de souveraineté relative sur un monde habité : le libre arbitre spirituel de chaque individu mortel et la souveraineté collective de l'ensemble de l'humanité. Entre le niveau de l'être humain individu et celui de l'humanité en bloc, tous les groupements et associations sont relatifs, transitoires et n'ont de valeur que dans la mesure où ils accroissent le bonheur, le bien-être et le progrès des individus et du grand ensemble planétaire - de l'homme et de l'humanité.

134:5.3 Les éducateurs religieux ne doivent jamais oublier que la souveraineté spirituelle de Dieu l'emporte sur tous les loyalismes spirituels intermédiaires et interposés. Les chefs civils apprendront, un jour, que les Très Hauts règnent dans les royaumes des hommes.

134:5.4 Ce règne des Très Hauts dans les royaumes des hommes n'est pas établi au bénéfice spécial d'un groupe de mortels particulièrement favorisés. Il n'y a nulle part de « peuple élu » . Le règne des Très Hauts, des supercontrôleurs de l'évolution politique, est destiné à promouvoir, parmi tous les hommes, le plus grand bien pour le plus grand nombre et pour une durée aussi longue que possible.

134:5.5 La souveraineté est le pouvoir ; elle grandit par organisation. La croissance de l'organisation du pouvoir politique est bonne et souhaitable, car elle tend à englober des secteurs toujours plus vastes de l'ensemble de l'humanité. Mais cette même croissance des organisations politiques crée un problème à chaque stade intermédiaire entre l'organisation initiale et naturelle du pouvoir politique - la famille - et le couronnement final de la croissance politique - le gouvernement de toute l'humanité par toute l'humanité et pour toute l'humanité.

134:5.6 Partant du pouvoir parental dans le groupe familial, la souveraineté politique évolue par organisation à mesure que les familles s'imbriquent en clans consanguins qui s'unissent, pour diverses raisons, en unités tribales - en groupements politiques super-consanguins. Ensuite, par le négoce, le commerce et la conquête, les tribus s'unifient en une nation, tandis que les nations elles-mêmes sont parfois unifiées en un empire.

134:5.7 À mesure que la souveraineté passe des petits groupes à des collectivités plus vastes, les guerres se font plus rares. Nous voulons dire que les guerres mineures entre petites nations diminuent, mais le potentiel des grandes guerres s'accroit à mesure que les nations exerçant la souveraineté deviennent de plus en plus grandes. Bientôt, quand le monde entier aura été exploré et occupé, quand les nations seront peu nombreuses, fortes et puissantes, quand ces grandes nations se prétendant souveraines en viendront à posséder des frontières communes, quand elles ne seront séparées que par les océans, alors le cadre sera prêt pour des guerres majeures, des conflits mondiaux. Les nations dites souveraines ne peuvent se coudoyer sans engendrer des conflits et provoquer des guerres.

134:5.8 La difficulté pour faire évoluer la souveraineté politique depuis la famille jusqu'à l'humanité entière réside dans l'inertie-résistance rencontrée à tous les niveaux intermédiaires. À l'occasion, des familles ont défié leur clan et, de leur côté, des clans et des tribus ont souvent refusé de se soumettre à la souveraineté de l'État territorial. Chaque nouveau progrès évolutif de la souveraineté politique est (et a toujours été) embarrassé et gêné par les « stades d'échafaudage » des développements antérieurs de l'organisation politique. Cela est vrai parce que les loyalismes humains, une fois mobilisés, sont difficiles à modifier. Le même loyalisme qui rend possible l'évolution de la tribu rend difficile l'évolution de la « supertribu » - l'État territorial. Et le même loyalisme (le patriotisme) qui rend possible l'évolution de l'État territorial complique immensément le développement évolutionnaire du gouvernement de l'ensemble de l'humanité.

134:5.9 La souveraineté politique est créée grâce à l'abandon de l'autodétermination, d'abord par l'individu à l'intérieur de la famille, et ensuite par les familles et clans par rapport à la tribu et aux collectivités plus étendues. Ce transfert progressif de l'autodétermination à des organisations politiques toujours plus vastes s'est généralement poursuivi sans répit en Orient depuis l'établissement des dynasties Ming et Mogol. En Occident, il a prévalu, pendant plus de mille ans, jusqu'à la fin de la guerre mondiale ; un malencontreux mouvement rétrograde inversa ensuite temporairement cette tendance normale en rétablissant la souveraineté politique effondrée de nombreuses petites collectivités européennes.

134:5.10 Urantia ne jouira pas d'une paix durable avant que les nations dites souveraines ne remettent intelligemment et pleinement leurs pouvoirs souverains à la fraternité des hommes - au gouvernement de l'humanité. L'internationalisme - les ligues des nations - est impuissant à amener une paix permanente parmi les hommes. Les confédérations mondiales de nations empêcheront efficacement les guerres mineures et contrôleront acceptablement les petites nations, mais elles ne réussiront ni à empêcher les guerres mondiales, ni à contrôler les trois, quatre ou cinq gouvernements les plus puissants. En face de conflits réels, l'une de ces puissances mondiales se retirera de la Ligue et déclarera la guerre. On ne peut empêcher les nations de se lancer dans la guerre tant qu'elles restent contaminées par le virus illusoire de la souveraineté nationale. L'internationalisme est un pas dans la bonne direction. Une force de police internationale empêchera bien des guerres mineures, mais elle sera inefficace pour empêcher les guerres majeures, les conflits entre les grands gouvernements militaires de la terre.

134:5.11 À mesure que décroit le nombre des nations vraiment souveraines (des grandes puissances), l'opportunité et le besoin d'un gouvernement de l'humanité s'accroissent. Quand il n'y aura plus que quelques puissances réellement souveraines (grandes), il faudra soit qu'elles s'embarquent dans une lutte à mort pour la suprématie nationale (impériale), soit qu'en abandonnant volontairement certaines prérogatives de souveraineté, elles créent le noyau essentiel d'un pouvoir supranational qui servira de commencement à la souveraineté réelle de toute l'humanité.

134:5.12 La paix ne viendra pas sur Urantia avant que chaque nation dite souveraine n'abandonne son pouvoir de faire la guerre entre les mains d'un gouvernement représentatif de toute l'humanité. La souveraineté politique est innée chez les peuples du monde. Quand tous les peuples d'Urantia créeront un gouvernement mondial, ils auront le droit et le pouvoir de le rendre SOUVERAIN. Et, quand une telle puissance mondiale représentative ou démocratique contrôlera les forces terrestres, aériennes et navales du monde, la paix sur terre et la bonne volonté parmi les hommes pourront prévaloir - mais pas avant cela.

134:5.13 Citons un exemple marquant du dix-neuvième et du vingtième siècle. Les quarante-huit États de l'Union fédérale américaine jouissent de la paix depuis longtemps. Ils n'ont plus de guerres entre eux. Ils ont abandonné leur souveraineté au gouvernement fédéral et, par la force des armes, ils ont renoncé à toute prétention aux illusions de l'autodétermination. Chaque État règle ses affaires intérieures, mais ne s'occupe pas des affaires étrangères, des tarifs de douane, de l'immigration, des questions militaires, ni du commerce entre États. Les États individuels ne s'occupent pas non plus des questions de citoyenneté. Les quarante-huit États ne souffrent des ravages de la guerre que si la souveraineté du gouvernement fédéral est soumise à quelque danger.

134:5.14 Ayant abandonné les sophismes jumeaux de la souveraineté et de l'autodétermination, ces quarante-huit États jouissent entre eux de la paix et de la tranquillité. De même, les nations d'Urantia commenceront à jouir de la paix quand elles abandonneront librement leurs souverainetés respectives entre les mains d'un gouvernement global - la souveraineté de la fraternité des hommes. Dans ces conditions mondiales, les petites nations seront aussi puissantes que les grandes, de même que le petit État de Rhode Island a ses deux sénateurs au congrès américain exactement comme l'État populeux de New York ou le vaste État du Texas.

134:5.15 La souveraineté (d'État) limitée de ces quarante-huit États fut créée par les hommes et pour les hommes. La souveraineté superétatique (nationale) de l'Union fédérale américaine fut créée par les treize premiers de ces États dans leur propre intérêt et dans l'intérêt des hommes. Un jour, la souveraineté supranationale du gouvernement planétaire de l'humanité sera créée d'une manière similaire par des nations dans leur propre intérêt et dans l'intérêt de tous les hommes.

134:5.16 Les citoyens ne naissent pas dans l'intérêt des gouvernements ; ce sont les gouvernements qui sont créés et établis dans l'intérêt des hommes. L'évolution de la souveraineté politique ne saurait avoir d'autre fin que l'apparition du gouvernement de la souveraineté de tous les hommes. Toutes les autres souverainetés ont des valeurs relatives, des significations intermédiaires et un statut subordonné.

134:5.17 Avec le progrès scientifique, les guerres vont devenir de plus en plus dévastatrices jusqu'à équivaloir presque à un suicide racial. Combien faudra-t-il faire de guerres mondiales, et combien faudra-t-il voir échouer de ligues des nations avant que les hommes soient disposés à établir le gouvernement de l'humanité, à commencer à jouir des bénédictions d'une paix permanente et à prospérer grâce à la tranquillité due à la bonne volonté - la bonne volonté mondiale - parmi les hommes ?

134.6  La Loi, la Liberté et la Souveraineté

134:6.1 Si un homme désire ardemment son indépendance - la liberté - il doit se rappeler que tous les autres hommes souhaitent vivement la même indépendance. Des groupes de mortels aimant ainsi la liberté ne peuvent vivre ensemble en paix qu'en se soumettant aux lois, règles et règlements qui assureront à chacun le même degré d'indépendance, tout en sauvegardant ce même degré d'indépendance pour tous leurs semblables mortels. Si un homme devait être absolument libre, alors il faudrait qu'un autre devienne absolument esclave. La nature relative de la liberté est vraie dans les domaines sociaux, économiques et politiques. La liberté est le don de la civilisation rendu possible par l'application de la LOI.

134:6.2 La religion rend spirituellement possible de réaliser la fraternité des hommes, mais il faudra un gouvernement de l'humanité pour régler les problèmes sociaux, économiques et politiques associés à ce but d'efficacité et de bonheur humains.

134:6.3 Il y aura des guerres et des rumeurs de guerres - une nation s'élèvera contre une nation - tant que la souveraineté politique du monde sera divisée et injustement détenue par un groupe d'États nationaux. L'Angleterre, l'Écosse et le Pays de Galles furent constamment en guerre les uns contre les autres jusqu'au jour où ils abandonnèrent leurs souveraineté respectives en les confiant au Royaume-Uni.

134:6.4 Une nouvelle guerre mondiale va enseigner aux nations soi-disant souveraines à former une sorte de fédération, ce qui créera un mécanisme permettant d'éviter les petites guerres, les guerres entre nations secondaires ; mais les guerres générales se poursuivront jusqu'à la création du gouvernement de l'humanité. La souveraineté globale empêchera les guerres globales - rien d'autre ne peut le faire.

134:6.5 Les quarante-huit États américains libres vivent ensemble en paix, et cependant ils abritent des citoyens de toutes les races et nationalités alors que, chez les nations européennes, celles-ci sont perpétuellement en guerre. Ces Américains représentent à peu près toutes les religions, toutes les sectes religieuses et tous les cultes de l'ensemble du vaste monde, et cependant ils vivent ensemble en paix en Amérique du Nord. Tout ceci est rendu possible parce que ces quarante-huit États ont renoncé à leur souveraineté et abandonné toute notion de prétendus droits à l'autodétermination.

134:6.6 Ce n'est pas une question d'armement ou de désarmement. La question de conscription ou de service militaire volontaire n'entre pas non plus en ligne de compte dans ces problèmes pour maintenir la paix mondiale. Si l'on enlevait aux grandes nations toutes les formes d'armement mécanique moderne et tous les types d'explosifs, elles se battraient à coups de poing, avec des pierres et avec des bâtons tant qu'elles resteraient accrochées à leurs illusions sur le droit divin à la souveraineté nationale.

134:6.7 La guerre n'est pas la grande et terrible maladie de l'homme ; elle est un symptôme, un résultat. La vraie maladie est le virus de la souveraineté nationale.

134:6.8 Les nations d'Urantia n'ont pas possédé de souveraineté réelle ; elles n'ont jamais disposé d'une souveraineté capable de les protéger des ravages et dévastations des guerres mondiales. En formant le gouvernement global de l'humanité, il ne s'agit pas, pour les nations, d'abandonner leur souveraineté, mais plutôt de créer effectivement une souveraineté mondiale, réelle, durable et de bonne foi, qui sera désormais pleinement capable de les protéger de toutes les guerres. Les affaires locales seront traitées par les gouvernements locaux, et les affaires nationales par les gouvernements nationaux ; les affaires internationales seront administrées par le gouvernement planétaire.

134:6.9 La paix mondiale ne saurait être maintenue par des traités, par la diplomatie, par des politiques étrangères, par des alliances ou des équilibres de puissances ni par tout autre type d'expédient jonglant avec la souveraineté du nationalisme. Il faut faire éclore la loi mondiale et la faire appliquer par un gouvernement mondial - par la souveraineté de toute l'humanité.

134:6.10 Sous un gouvernement mondial, les individus jouiront d'une liberté beaucoup plus étendue. Aujourd'hui, les citoyens des grandes puissances sont taxés, réglementés et contrôlés d'une manière presque oppressive. Une grande partie des immixtions actuelles dans les libertés individuelles disparaîtra quand les gouvernements nationaux seront disposés, en matière d'affaires internationales, à confier leur souveraineté à un gouvernement général de la planète.

134:6.11 Sous un gouvernement planétaire, les collectivités nationales auront réellement l'occasion de réaliser les libertés personnelles d'une démocratie authentique et d'en jouir. Ce sera la fin du leurre de l'autodétermination. Avec une règlementation globale des monnaies et du commerce, viendra l'ère nouvelle d'une paix à l'échelle mondiale. Un langage commun en sortirait peut-être bientôt, et au moins on aura l'espoir d'avoir, un jour, une religion mondiale, ou des religions ayant un point de vue planétaire.

134:6.12 La sécurité collective n'assurera jamais la paix avant que la collectivité n'englobe toute l'humanité.

134:6.13 La souveraineté politique du gouvernement représentatif de l'humanité amènera une paix durable sur terre, et la fraternité spirituelle de l'homme assurera définitivement la bonne volonté parmi tous les hommes. Il n'existe aucun autre moyen d'obtenir la paix sur terre et la bonne volonté parmi les hommes.

* * * * *

134:6.15 Après la mort de Cymboyton, ses fils rencontrèrent de grandes difficultés pour maintenir la paix dans leur université. Les répercussions des enseignements de Jésus auraient été beaucoup plus grandes si les éducateurs chrétiens ultérieurs qui professèrent à la faculté d'Urmia avaient fait preuve de plus de sagesse et exercé plus de tolérance.

134:6.16 Le fils ainé de Cymboyton avait appelé à l'aide Abner, de Philadelphie, mais le choix des éducateurs par Abner fut très malheureux, en ce sens qu'ils se montrèrent inflexibles et intransigeants. Ces enseignants cherchèrent à faire dominer leur religion sur les autres croyances. Ils ne soupçonnèrent jamais que les conférences du conducteur de caravane auxquelles on se référait si souvent avaient été faites par Jésus lui-même.

134:6.17 Comme la confusion s'accrut au sein de la faculté, les trois frères retirèrent leur appui financier, et, au bout de cinq ans, l'école ferma. Elle rouvrit plus tard en tant que temple mithriaque et fut finalement incendiée à l'occasion d'une de leurs célébrations orgiaques.

134.7  La Trente-et-unième Année (An 25)

134:7.1 Quand Jésus revint de son voyage à la mer Caspienne, il savait que ses déplacements à travers le monde étaient à peu près terminés. Il ne fit plus qu'un voyage hors de Palestine, et ce fut en Syrie. Après un bref séjour à Capharnaüm, il se rendit à Nazareth, où il resta quelques jours pour faire des visites. Au milieu d'avril, il quitta Nazareth pour Tyr. De là, il se dirigea vers le nord en s'arrêtant quelques jours à Sidon, mais sa destination était Antioche.

134:7.2 Ce fut l'année des promenades solitaires de Jésus à travers la Palestine et la Syrie. Au cours de ces pérégrinations, il fut connu sous divers noms dans différentes parties du pays : le charpentier de Nazareth, le constructeur de bateaux de Capharnaüm, le scribe de Damas et l'éducateur d'Alexandrie.

134:7.3 Le Fils de l'Homme vécut plus de deux mois à Antioche, travaillant, observant, étudiant, causant, rendant des services et, pendant tout ce temps, apprenant comment vivent les hommes, comment ils pensent, sentent et réagissent à tout ce qui touche à l'existence humaine. Durant trois semaines de cette période, il travailla comme fabricant de tentes. Au cours de son périple, il resta à Antioche plus longtemps que dans toute autre ville. Dix ans plus tard, quand l'apôtre Paul prêcha à Antioche et entendit ses disciples parler des doctrines du scribe de Damas, il ne soupçonna pas que ses élèves avaient entendu la voix et écouté les enseignements du Maitre lui-même.

134:7.4 Quittant Antioche, Jésus descendit le long de la côte vers le sud jusqu'à Césarée, où il s'arrêta quelques semaines, puis il continua le long de la côte jusqu'à Joppé. De Joppé, il se dirigea vers l'intérieur, passant à Jamnia, Ashdod et Gaza. De Gaza, il prit la piste intérieure vers Béershéba, où il resta une semaine.

134:7.5 Jésus entama ensuite son dernier déplacement, en tant que personnalité privée à travers la Palestine, allant de Béershéba dans le sud jusqu'à Dan dans le nord. Au cours de ce trajet vers le nord, il s'arrêta à Hébron, Bethléem (où il vit son lieu de naissance), Jérusalem (il ne visita pas Béthanie), Béeroth, Lébona, Sychar, Shéchem, Samarie, Géba, En-Gannim, Endor et Madon. Traversant Magdala et Capharnaüm, il continua vers le nord, passa à l'est des Eaux de Mérom et se rendit, par Karahta, à Dan ou Césarée de Philippe.

134:7.6 L'Ajusteur de Pensée intérieur conduisit alors Jésus à abandonner les lieux d'habitation des hommes et à séjourner sur le mont Hermon pour y achever de maitriser son mental humain et pour parachever sa consécration totale au reste de l'oeuvre de sa vie sur terre.

134:7.7 Ce fut l'une des époques inhabituelles et extraordinaires de la vie du Maitre sur Urantia. Une autre expérience très similaire fut celle par laquelle il passa, seul dans les collines voisines de Pella, tout de suite après son baptême. Cette période d'isolement sur le mont Hermon marqua la fin de sa carrière purement humaine, c'est-à-dire la terminaison technique de son effusion mortelle, tandis que l'isolement ultérieur marqua le commencement de la phase plus divine de son effusion. Jésus vécut seul avec Dieu durant six semaines sur les pentes du mont Hermon.

134.8  Le Séjour sur le Mont Hermon

134:8.1 Après avoir passé quelque temps à proximité de Césarée de Philippe, Jésus prépara des provisions, se procura une bête de somme, embaucha un garçon nommé Tiglath et suivit la route de Damas jusqu'à un village autrefois connu sous le nom de Beth-Jenn, sur les premières hauteurs du mont Hermon. C'est là qu'un peu avant le milieu d'aout de l'an 25, il établit son camp, laissa ses provisions à la garde de Tiglath et fit l'ascension des pentes inhabitées de la montagne. Au cours de ce premier jour, Tiglath accompagna Jésus dans sa montée jusqu'à un point déterminé situé à environ 2.000 mètres au-dessus du niveau de la mer ; ils y construisirent une niche de pierre dans laquelle Tiglath devait déposer de la nourriture deux fois par semaine.

134:8.2 Le lendemain du jour où il quitta Tiglath, Jésus n'avait effectué qu'un court trajet vers le sommet lorsqu'il s'arrêta pour prier. Entre autres choses, il demanda à son Père d'envoyer son gardien séraphique « accompagner Tiglath » . Il sollicita la permission de monter seul vers sa dernière lutte avec les réalités de l'existence mortelle, et sa requête fut exaucée. Il entra dans la grande épreuve, accompagné uniquement de son Ajusteur intérieur pour le guider et le soutenir.

134:8.3 Jésus mangea frugalement durant son séjour sur la montagne ; il ne s'abstint de toute nourriture qu'un jour ou deux de suite. Les êtres suprahumains qui lui firent front sur cette montagne, avec lesquels il lutta en esprit et qu'il vainquit en puissance, étaient réels ; c'étaient ses ennemis implacables du système de Satania ; ils n'étaient nullement des phantasmes de l'imagination issus des divagations intellectuelles d'un mortel affaibli et mourant de faim, incapable de distinguer la réalité d'avec les visions d'un mental dérangé.

134:8.4 Jésus passa les trois dernières semaines d'août et les trois premières de septembre sur le mont Hermon. Durant ces semaines, il acheva la tâche de mortel d'atteindre les cercles de compréhension mentale et de contrôle de la personnalité. Pendant toute cette période de communion avec son Père céleste, l'Ajusteur intérieur paracheva également les services qui lui avaient été assignés. Le but humain de cette créature terrestre fut alors atteint. Il ne restait qu'à consommer la phase finale d'harmonisation de son mental avec l'Ajusteur.

134:8.5 Après plus de cinq semaines de communion ininterrompue avec son Père du Paradis, Jésus fut absolument assuré de sa nature et convaincu de son triomphe sur les niveaux matériels de manifestation de la personnalité dans l'espace-temps. Il crut pleinement à l'ascendant de sa nature divine sur sa nature humaine et n'hésita pas à l'affirmer.

134:8.6 Vers la fin de son séjour sur la montagne, Jésus demanda à son Père l'autorisation de tenir une conférence avec ses ennemis de Satania en tant que Fils de l'Homme, en tant que Joshua ben Joseph. Cette permission fut accordée. Durant la dernière semaine sur le mont Hermon, la grande tentation, l'épreuve de l'univers, eut lieu. Satan (représentant Lucifer) et Caligastia, le Prince Planétaire rebelle, étaient présents auprès de Jésus et lui furent rendus pleinement visibles. Cette « tentation » , cette épreuve finale de loyalisme humain en face des exposés fallacieux de personnalités rebelles, ne concernait ni la nourriture, ni des pinacles de temples ni des actes présomptueux ; elle ne concernait pas les royaumes de ce monde, mais la souveraineté d'un puissant et glorieux univers. Le symbolisme de vos écrits était destiné aux âges arriérés de la pensée infantile du monde. Les générations suivantes devraient comprendre la grande lutte que le Fils de l'Homme livra durant cette journée mouvementée sur le mont Hermon.

134:8.7 Aux nombreuses propositions et contre-propositions des émissaires de Lucifer, Jésus ne fit qu'une seule réponse : « Puisse la volonté de mon Père du Paradis prévaloir et, quant à toi, mon fils rebelle, que les Anciens des Jours te jugent divinement. Je suis ton Créateur-père ; je ne puis guère te juger justement, et tu as déjà méprisé ma miséricorde. Je te remets au jugement des Juges d'un plus grand univers. »

134:8.8 À tous les expédients et compromis suggérés par Lucifer, à toutes les propositions spécieuses au sujet de l'effusion en incarnation, Jésus se borna à répondre : « Que la volonté de mon Père du Paradis soit faite » . Et, lorsque la sévère épreuve fut terminée, le séraphin gardien détaché revint auprès de Jésus et lui apporta son ministère.

134:8.9 Un après-midi de fin d'été, au milieu des arbres et du silence de la nature, Micaël de Nébadon gagna la souveraineté indiscutée de son univers. Ce jour-là, il paracheva la tâche imposée aux Fils Créateurs de vivre pleinement une vie incarnée dans la similitude de la chair mortelle sur les mondes évolutionnaires du temps et de l'espace. Cet accomplissement capital ne fut pas annoncé à l'univers avant son baptême, quelques mois plus tard, mais prit réellement place ce jour-là sur la montagne. Quand Jésus descendit de son séjour sur le mont Hermon, la rébellion de Lucifer dans Satania et la sécession de Caligastia sur Urantia étaient pratiquement réglées. Jésus avait payé le prix ultime exigé de lui pour obtenir la souveraineté de son univers. Ce qui, en soi, règle le statut de tous les rebelles et détermine que tout soulèvement de cet ordre (s'il s'en produit jamais) pourra être traité sommairement et efficacement. En conséquence, on peut voir que ce qu'on a coutume de nommer la « grande tentation » de Jésus eut lieu quelque temps avant son baptême et non immédiatement après.

134:8.10 À la fin de son séjour sur la montagne, tandis que Jésus en redescendait, il rencontra Tiglath montant au rendez-vous avec la nourriture. Lui faisant faire demi-tour, il dit : « Ma période de repos est terminée ; il faut que je retourne aux affaires de mon Père. » Il était un homme silencieux bien changé en faisant le trajet de retour vers Dan, où il prit congé du garçon en lui faisant cadeau de l'âne. Il se dirigea ensuite vers le sud par le chemin qu'il avait pris pour venir, et se rendit à Capharnaüm.

134.9  Le Temps d'Attente

134:9.1 On était maintenant presque à la fin de l'été, à peu près l'époque du jour des propitiations et de la fête des tabernacles. Jésus eut une réunion de famille à Capharnaüm pendant le sabbat. Le lendemain, il partit pour Jérusalem avec Jean, fils de Zébédée, en passant par l'est du lac et Gérasa, et en descendant la vallée du Jourdain. Tandis qu'en cours de route, il s'entretenait avec son compagnon, Jean remarqua qu'un grand changement s'était opéré en Jésus.

134:9.2 Jésus et Jean s'arrêtèrent pour la nuit à Béthanie, chez Lazare et ses soeurs, et partirent de bonne heure, le lendemain matin, pour Jérusalem. Les deux compagnons, ou tout au moins Jean, passèrent presque trois semaines à Jérusalem et aux environs de la ville. En effet, Jean alla souvent seul à Jérusalem, pendant que Jésus parcourait les collines avoisinantes et s'engageait dans de nombreuses périodes de communion spirituelle avec son Père qui est aux cieux.

134:9.3 Tous deux assistèrent au service solennel du jour des propitiations. Jean fut très impressionné par les cérémonies de cette journée majeure dans le rituel religieux juif, mais Jésus demeura un spectateur pensif et silencieux. Pour le Fils de l'Homme, ce spectacle était pitoyable et pathétique. Il le voyait comme une fausse représentation du caractère et des attributs de son Père céleste. Il considérait les évènements de cette journée comme une parodie des faits de la justice divine et des vérités de la miséricorde infinie. Il brulait du désir de proclamer la vérité au sujet du caractère aimant et du comportement miséricordieux de son Père dans l'univers, mais son fidèle Moniteur le prévint que son heure n'était pas encore venue. Cependant, ce soir-là, à Béthanie, Jésus glissa de nombreuses remarques qui troublèrent beaucoup Jean, lequel ne comprit jamais complètement la véritable signification de ce que Jésus avait dit au cours de leur entretien de cette soirée.

134:9.4 Jésus projeta de rester avec Jean pendant toute la semaine de la fête des tabernacles. Cette fête était le congé annuel de toute la Palestine, l'époque des vacances juives. Jésus ne participa point aux réjouissances de circonstance, mais il était évident qu'il éprouvait du plaisir et de la satisfaction à voir l'allégresse et la joie des jeunes et des vieux se donner libre cours.

134:9.5 Au milieu de la semaine de célébration et avant la fin des festivités, Jésus prit congé de Jean en disant qu'il désirait se retirer dans la montagne, où il pourrait mieux communier avec son Père du Paradis. Jean l'aurait volontiers accompagné, mais Jésus insista pour qu'il demeure jusqu'à la fin des festivités en disant : « Il ne t'est pas demandé de porter le fardeau du Fils de l'Homme ; seul le gardien doit veiller pendant que la ville dort en paix. » Jésus ne revint pas à Jérusalem. Après une semaine presque entière de solitude dans les collines proches de Béthanie, il partit pour Capharnaüm. Sur son chemin de retour, il passa un jour et une nuit, seul, sur les pentes du mont Gilboa, près de l'endroit où le roi Saül s'était suicidé ; quand il arriva à Capharnaüm, il paraissait plus serein qu'en quittant Jean à Jérusalem.

134:9.6 Le lendemain matin, Jésus alla au coffre contenant ses effets personnels, qui étaient restés à l'intérieur de l'atelier de Zébédée, il mit son tablier et se présenta au travail en disant : « Il m'incombe de rester actif en attendant que vienne mon heure. » Et il travailla plusieurs mois au chantier naval, jusqu'en janvier de l'année suivante, aux côtés de son frère Jacques. Après cette période de travail avec Jésus, Jacques n'abandonna plus jamais réellement et entièrement sa foi dans la mission de Jésus, quels que fussent les doutes venus obscurcir sa compréhension de l'oeuvre de la vie du Fils de l'Homme.

134:9.7 Durant cette période finale de travail au chantier naval, Jésus passa la majeure partie de son temps à la finition intérieure de quelques grands bateaux. Il mettait tous ses soins à son travail manuel et paraissait éprouver la satisfaction des accomplissements humains quand il avait terminé une belle pièce. Il ne perdait pas de temps à des détails, mais, quand il s'agissait de l'essentiel dans une entreprise donnée, il était un ouvrier méticuleux.

134:9.8 Le temps passant, des rumeurs parvinrent à Capharnaüm au sujet d'un certain Jean qui prêchait en baptisant des pénitents dans le Jourdain. Jean disait : « Le royaume des cieux est à portée de la main ; repentez-vous et soyez baptisés. » Jésus prêta l'oreille à ces comptes rendus, tandis que Jean remontait lentement la vallée du Jourdain depuis le gué de la rivière la plus proche de Jérusalem. Mais Jésus continua à travailler à la construction des bateaux, jusqu'au moment où Jean eut remonté la rivière jusqu'à un endroit proche de Pella, au mois de janvier de l'an 26. Alors, Jésus déposa ses outils en déclarant « Mon heure est venue » , et il se présenta bientôt à Jean pour être baptisé.

134:9.9 Un grand changement s'était opéré en Jésus. Rares furent les gens qui, ayant bénéficié de ses visites et de son aide pendant qu'il parcourait le pays de long en large, reconnurent ultérieurement, dans l'éducateur public, la même personne qu'ils avaient connue et aimée comme particulier au cours des années précédentes. Il y avait une raison pour empêcher ses premiers obligés de le reconnaître dans son rôle subséquent d'éducateur public ayant autorité : pendant de longues années la transformation de son mental et de son esprit s'était poursuivie et elle s'était achevée durant le séjour mouvementé sur le mont Hermon.

135. Jean le Baptiste

135:0.1 JEAN le Baptiste naquit le 25 mars de l'an 7 avant l'ère chrétienne, conformément à la promesse que Gabriel avait faite à Élisabeth en juin de l'année précédente. Durant cinq mois, Élisabeth garda le secret sur la visitation de Gabriel et, lorsqu'elle en parla à son mari Zacharie, il fut très troublé ; il ne crut pleinement au récit qu'après avoir eu un rêve insolite environ six semaines avant la naissance de Jean. En dehors de la visite de Gabriel à Élisabeth et du rêve de Zacharie, il n'y eut rien d'anormal ni de surnaturel en liaison avec la naissance de Jean le Baptiste.

135:0.2 Au huitième jour, Jean fut circoncis conformément à la coutume juive. Il grandit comme un enfant ordinaire, jour après jour et année après année, dans le petit village connu à cette époque sous le nom de cité de Juda, à sept kilomètres environ à l'ouest de Jérusalem.

135:0.3 L'évènement le plus mémorable de la première enfance de Jean fut la visite qu'il fit avec ses parents à Jésus et à la famille de Nazareth. Cette visite eut lieu au mois de juin de l'an 1 avant l'ère chrétienne, alors que Jean avait un peu plus de six ans.

135:0.4 Après leur retour de Nazareth, les parents de Jean commencèrent l'éducation systématique du jeune garçon. Il n'y avait pas d'école de synagogue dans ce petit village, mais Zacharie était prêtre, donc assez instruit, et Élisabeth était beaucoup plus cultivée que la moyenne des femmes de Judée. Elle aussi appartenait au monde ecclésiastique, car elle était une descendante des « filles d'Aaron » . Jean étant enfant unique, ses parents consacrèrent beaucoup de temps à son éducation mentale et spirituelle. Zacharie n'avait que de courtes périodes de service au temple de Jérusalem de sorte qu'il passait une grande partie de son temps à instruire son fils.

135:0.5 Zacharie et Élisabeth possédaient une petite ferme où ils élevaient des moutons. Ce domaine n'assurait pas entièrement leur subsistance, mais Zacharie recevait des appointements réguliers prélevés sur les fonds du temple destinés à la prêtrise.

135.1  Jean devient un Naziréen

135:1.1 Il n'y avait pas, sur place, d'école d'où Jean pût sortir, à l'âge de quatorze ans, avec un diplôme, mais ses parents avaient choisi cette année comme appropriée pour qu'il prononce les voeux officiels du naziréat. En conséquence, Zacharie et Élisabeth emmenèrent leur fils à Engaddi près de la Mer Morte. C'était le quartier général de la confrérie naziréenne dans le sud, et c'est là que le garçon fut dument et solennellement admis dans cet ordre comme membre à vie. Après ces cérémonies et après avoir fait voeu de s'abstenir de toute boisson enivrante, de laisser pousser ses cheveux et de ne pas toucher les morts, la famille se rendit à Jérusalem où, devant le temple, Jean acheva de faire les offrandes exigées de ceux qui prononçaient les voeux du naziréat.

135:1.2 Jean prononça les mêmes voeux perpétuels que ses illustres prédécesseurs, Samson et le prophète Samuel. Un naziréen pour la vie était considéré comme une personnalité sacrosainte. Les Juifs lui accordaient à peu près le même respect et la même vénération qu'au grand-prêtre, et cela n'avait rien d'étonnant, car les naziréens consacrés pour la vie étaient, avec les grands-prêtres, les seules personnes ayant le droit d'entrer dans le saint des saints du temple.

135:1.3 Jean revint de Jérusalem chez lui pour garder les moutons de son père. Il grandit et devint un homme vigoureux doué d'un noble caractère.

135:1.4 À seize ans, à la suite de lectures au sujet d'Élie, Jean fut très impressionné par le prophète du Mont Carmel et décida d'adopter sa façon de s'habiller. À partir de ce jour-là, Jean porta toujours un vêtement de poil et une ceinture de cuir. À cet âge, Jean avait une taille de plus de six pieds et avait presque atteint son plein développement. Avec ses cheveux flottants et le style particulier de son vêtement, c'était vraiment un jeune homme pittoresque. Ses parents plaçaient de grands espoirs en leur fils unique, un enfant de la promesse et un naziréen pour la vie.

135.2  La Mort de Zacharie

135:2.1 Après une maladie de plusieurs mois, Zacharie mourut en juillet de l'an 12, alors que Jean venait d'avoir dix-huit ans. Jean fut très embarrassé, car le voeu du naziréat interdisait le contact avec les morts, même de sa propre famille. Bien que Jean se fût efforcé de se conformer aux astreintes de son voeu concernant la contamination par les morts, il doutait d'avoir pleinement obéi aux exigences de l'ordre naziréen. Après l'enterrement de son père, il se rendit donc à Jérusalem où, dans le coin naziréen de la cour des femmes, il offrit les sacrifices requis pour sa purification.

135:2.2 En septembre de cette année-là, Élisabeth et Jean firent un voyage à Nazareth pour rendre visite à Marie et à Jésus. Jean s'était à peu près décidé à entreprendre l'oeuvre de sa vie, mais il fut rappelé, non seulement par les paroles de Jésus mais par son exemple, au devoir de rentrer au foyer, de prendre soin de sa mère et d'attendre la « venue de l'heure du Père » . Après avoir dit au revoir à Jésus et à Marie à la fin de cette agréable visite, Jean ne revit plus Jésus avant le jour de son baptême dans le Jourdain.

135:2.3 Jean et Élisabeth retournèrent chez eux et commencèrent à faire des projets d'avenir. Du fait que Jean refusait l'allocation des prêtres qui lui était due sur les fonds du temple, au bout de deux ans, ils n'eurent plus de quoi conserver leur foyer ; ils décidèrent donc de se diriger vers le sud avec leur troupeau de moutons. En conséquence, durant l'été où Jean eut vingt ans, ils déménagèrent pour aller à Hébron. Au lieu dénommé « désert de Judée » , Jean garda ses moutons près d'un ruisseau tributaire d'un cours d'eau plus important qui se jetait dans la Mer Morte à Engaddi. La colonie d'Engaddi comprenait non seulement des naziréens consacrés pour la vie ou pour une durée déterminée, mais de nombreux autres bergers ascétiques, qui se rassemblaient dans cette région avec leurs troupeaux et fraternisaient avec les naziréens. Ils vivaient de l'élevage de leurs moutons et des dons que des Juifs fortunés faisaient à l'ordre.

135:2.4 Avec le temps, Jean retourna moins souvent à Hébron et fit des visites plus fréquentes à Engaddi. Il était si complètement différent de la majorité des naziréens qu'il trouvait très difficile de s'incorporer à leur confrérie. Mais il aimait beaucoup Abner, chef et dirigeant reconnu de la colonie d'Engaddi.

135.3  La Vie d'un Berger

135:3.1 Le long de la vallée du petit ruisseau, Jean ne bâtit pas moins d'une douzaine d'abris et de parcs pour la nuit, consistant en empilages de pierres d'où il pouvait surveiller et protéger ses troupeaux de moutons et de chèvres. La vie de berger de Jean lui laissait de grands loisirs pour penser. Il avait de longues conversations avec un orphelin de Beth-çour nommé Ezda, qu'il avait en quelque sorte adopté. Ezda gardait les troupeaux quand Jean allait à Hébron pour voir sa mère et vendre des moutons, et aussi quand il se rendait à Engaddi pour les services de sabbat. Jean et ce jeune garçon vivaient très simplement, se nourrissant de viande de mouton, de lait de chèvre, de miel sauvage et de sauterelles comestibles de cette région. Ce menu régulier était complété par des provisions apportées de temps en temps d'Hébron et d'Engaddi.

135:3.2 Élisabeth tenait Jean au courant des affaires de Palestine et du monde. Jean était de plus en plus profondément convaincu que le moment approchait rapidement où l'ancien ordre de choses devait prendre fin, et que lui-même allait devenir l'annonciateur de l'arrivée d'un nouvel âge, « le royaume des cieux » . Ce berger bourru avait une grande prédilection pour les écrits du prophète Daniel. Il avait lu mille fois la description de la grande statue dont Zacharie lui avait dit qu'elle représentait l'histoire des puissants royaumes du monde, depuis Babylone jusqu'à Rome en passant par la Perse et la Grèce. Jean percevait que le monde romain était déjà composé de peuples et de races tellement polyglottes qu'il ne pourrait jamais devenir un empire fortement cimenté et fermement consolidé. Il considérait que cet empire était déjà divisé en Égypte, Palestine, Syrie et autres provinces. En poursuivant sa lecture, il voyait « qu'au temps de ces rois, le Dieu du ciel établira un royaume qui ne sera jamais détruit ; et ce royaume ne sera pas abandonné à d'autres peuples, mais mettra en pièces et consumera tous ces royaumes et subsistera éternellement » . « Et il lui fut donné une domination, une gloire et un royaume afin que tous les peuples, nations et langues le servent. Sa domination est une domination perpétuelle qui ne disparaîtra jamais, et son royaume ne sera jamais détruit. » « Et le règne, et la domination, et la grandeur du royaume sous le ciel entier seront donnés au peuple des saints du Très Haut, de qui le royaume est éternel, et toutes les dominations le serviront et lui obéiront. »

135:3.3 Jean ne fut jamais tout à fait capable de s'élever au-dessus de la confusion produite par les dires de ses parents sur Jésus et par les passages cités qu'il trouvait dans les Écritures. Dans Daniel, il lisait : « J'ai eu des visions nocturnes, et voici, quelqu'un de semblable au Fils de l'Homme venait sur les nuées du ciel, et on lui donnait la domination, la gloire et un royaume. » Mais ces paroles du prophète ne cadraient pas avec ce que ses parents lui avaient enseigné. Ses conversations avec Jésus, quand il lui avait rendu visite à l'âge de dix-huit ans, ne correspondaient pas non plus avec ces affirmations des Écritures. Nonobstant cette confusion, sa mère lui affirma, durant toute la période où il était dans la perplexité, que son lointain cousin Jésus de Nazareth était le véritable Messie, qu'il était venu pour siéger sur le trône de David et que lui (Jean) deviendrait son premier précurseur et son principal soutien.

135:3.4 À la suite de tout ce qu'il avait entendu dire du vice et de la perversité de Rome, des moeurs dissolues et de la stérilité morale de l'empire, et aussi par suite de ce qu'il savait des mauvaises actions d'Hérode Antipas et des gouverneurs de la Judée, Jean avait tendance à croire que la fin de l'âge était imminente. Il semblait à ce rude et noble enfant de la nature que le monde était mûr pour la fin de l'âge de l'homme et l'aurore de l'âge nouveau et divin - le royaume des cieux. Jean eut, dans son coeur, le sentiment croissant qu'il serait le dernier des anciens prophètes et le premier des nouveaux. Il se sentait vibrer sous l'impulsion grandissante de se montrer et de proclamer à tous les hommes : « Repentez-vous ! Mettez-vous en règle avec Dieu ! Soyez prêts pour la fin ; préparez-vous à l'apparition de l'ordre nouveau et éternel des affaires terrestres, le royaume des cieux. »

135.4  La Mort d'Élisabeth

135:4.1 Le 17 août de l'an 22, alors que Jean était âgé de vingt-huit ans, sa mère mourut subitement. Connaissant les interdictions naziréennes au sujet du contact avec les morts, même dans sa propre famille, les amis d'Élisabeth prirent toutes les dispositions pour l'enterrement avant d'envoyer chercher Jean. Lorsqu'il reçut la nouvelle de la mort de sa mère, il ordonna à Ezda de conduire ses troupeaux à Engaddi et partit pour Hébron.

135:4.2 À son retour à Engaddi après les funérailles de sa mère, il fit don de ses troupeaux à la confrérie et se détacha du monde extérieur pour une période de jeûne et de prière. Jean ne connaissait que les anciennes méthodes pour approcher la divinité ; il ne connaissait que l'histoire de personnalités telles qu'Élie, Samuel et Daniel. Élie était son idéal comme prophète. Élie avait été le premier éducateur d'Israël considéré comme un prophète et Jean croyait sincèrement que lui-même devait être le dernier de cette longue et illustre série de messagers du ciel.

135:4.3 Durant deux ans et demi, Jean vécut à Engaddi ; il persuada la majeure partie de la confrérie que « la fin de l'âge était toute proche » et que « le royaume des cieux était sur le point d'apparaître » . Tout son enseignement primitif était basé sur l'idée et le concept juifs courants du Messie promis à la nation juive pour la libérer de la domination de ses chefs Gentils.

135:4.4 Durant toute cette période, Jean lut assidument les écrits sacrés qu'il trouva au foyer naziréen d'Engaddi. Il fut spécialement impressionné par Isaïe, et aussi par Malachie, le dernier en date des prophètes à cette époque. Il lut et relut les cinq derniers chapitres d'Isaïe et crut à leurs prophéties. Après quoi, il allait lire dans Malachie : « Voici, je vous enverrai Élie, le prophète, avant le grand et terrible jour du Seigneur. Il tournera le coeur des pères vers les enfants et le coeur des enfants vers leurs pères, de crainte que je ne vienne frapper la terre d'une malédiction. » Ce fut uniquement cette promesse du retour d'Élie faite par Malachie qui retint Jean d'aller prêcher en public au sujet du royaume imminent, et d'exhorter ses compatriotes juifs à fuir le courroux à venir. Jean était mûr pour proclamer le message du royaume à venir, mais cette attente de la venue d'Élie le retint pendant plus de deux ans. Il savait qu'il n'était pas Élie. Que voulait dire Malachie ? Sa prophétie était-elle littérale ou symbolique ? Comment pouvait-il connaître la vérité ? Finalement, il osa penser que, du moment que le premier prophète s'était appelé Élie, le dernier devait finalement être connu sous le même nom. Il avait néanmoins des doutes, et ces doutes étaient suffisants pour l'empêcher de s'appeler lui-même Élie.

135:4.5 Ce fut l'influence d'Élie qui fit adopter à Jean ses méthodes d'attaque directe et brusquée contre les péchés et les vices de ses contemporains. Il essaya de se vêtir comme Élie et s'efforça de parler comme Élie. Sous tous ses aspects extérieurs, il ressemblait au prophète de jadis. Il était un enfant de la nature tout aussi résolu et pittoresque, un prédicateur de la droiture tout aussi intrépide et audacieux. Jean n'était pas illettré ; il connaissait bien les écrits sacrés juifs, mais il était peu cultivé. Il avait des idées claires, il était un puissant orateur et un accusateur enflammé. Il n'était guère un exemple pour son époque, mais un reproche éloquent.

135:4.6 À la fin, il élabora une méthode pour proclamer le nouvel âge, le royaume de Dieu. Il décida qu'il allait devenir le précurseur du Messie. Il balaya tous ses doutes et partit d'Engaddi, un jour de mars de l'an 25, pour débuter dans sa courte mais brillante carrière de prédicateur public.

135.5  Le Royaume de Dieu

135:5.1 Pour comprendre le message de Jean, il faut tenir compte du statut du peuple juif au moment où Jean apparut sur la scène de l'action. Pendant près de cent ans, tout Israël avait été dans une impasse. Les Juifs étaient embarrassés pour expliquer leur continuelle soumission à des suzerains Gentils. Moïse n'avait-il pas enseigné que la droiture était toujours récompensée par la prospérité et le pouvoir ? N'étaient-ils pas le peuple élu de Dieu ? Pourquoi le trône de David était-il abandonné et vacant ? À la lumière des doctrines mosaïques et des préceptes des prophètes, les Juifs trouvaient difficile d'expliquer la longue continuité de leurs malheurs nationaux.

135:5.2 Environ cent ans avant l'époque de Jésus et de Jean, une nouvelle école d'éducateur religieux apparut en Palestine, celle des apocalyptistes. Ces nouveaux éducateurs élaborèrent un système de croyance qui expliquait les souffrances et les humiliations des Juifs par le motif qu'ils payaient les conséquences des péchés de la nation. Ils retombaient sur les raisons bien connues destinées à expliquer leur captivité antérieure à Babylone et ailleurs. Mais, enseignaient les apocalyptistes, Israël devait reprendre courage ; les temps de son affliction étaient à peu près passés ; le châtiment disciplinaire du peuple élu de Dieu touchait à sa fin ; la patience de Dieu envers les étrangers Gentils était presque à bout. La fin de la souveraineté romaine était synonyme de la fin de l'âge et, dans un certain sens, de la fin du monde. Ces nouveaux éducateurs s'appuyaient fortement sur les prédictions de Daniel et enseignaient avec persistance que la création était sur le point d'arriver à son stade final ; les royaumes de ce monde étaient sur le point de devenir le royaume de Dieu. Tel était, pour les penseurs juifs de cette époque, le sens de l'expression « le royaume des cieux » constamment employé dans les enseignements de Jean et de Jésus. Pour les Juifs de Palestine, les mots « royaume des cieux » n'avaient qu'une seule signification : un État absolument juste dans lequel Dieu (le Messie) gouvernerait les nations de la terre avec la même perfection de pouvoir qu'il gouvernait dans le ciel - « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »

135:5.3 À l'époque de Jean, tous les Juifs se demandaient avec anxiété : « Quand donc le royaume viendra-t-il enfin ? » Ils avaient le sentiment général que la fin du gouvernement par les Gentils était proche. Le monde juif tout entier espérait vivement et s'attendait ardemment à voir la réalisation du désir des âges se produire durant la vie de cette génération.

135:5.4 Alors que les Juifs différaient grandement dans leurs appréciations de la nature du royaume à venir, ils partageaient la croyance commune que l'évènement était imminent, à portée de la main et même en cours. Nombre de ceux qui lisaient l'Ancien Testament espéraient littéralement voir un nouveau roi en Palestine régnant sur une nation juive régénérée, délivrée de ses ennemis et présidée par le successeur du roi David, le Messie, qui serait rapidement reconnu comme le juste et légitime souverain du monde entier. Un autre groupe de Juifs pieux, moins nombreux, avait un point de vue immensément différent sur ce royaume de Dieu. Il enseignait que le royaume à venir n'était pas de ce monde, que le monde approchait de sa fin certaine et que « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » devaient annoncer l'établissement du royaume de Dieu ; que ce royaume serait une domination perpétuelle, que l'état du péché devait prendre fin et que les citoyens du nouveau royaume deviendraient immortels dans la jouissance de cette félicité qui n'aurait pas de fin.

135:5.5 Ils étaient tous d'accord sur le point qu'une purge radicale ou une discipline purifiante devaient nécessairement précéder l'établissement du nouveau royaume sur terre. Ceux qui s'attachaient à la lettre enseignaient qu'une guerre mondiale s'ensuivrait et que tous les incroyants seraient anéantis, tandis que les fidèles remporteraient une victoire universelle et éternelle. Les spiritualistes enseignaient que le royaume serait inauguré par le grand jugement de Dieu qui relèguerait les impies à leur châtiment bien mérité et à leur destruction finale, et qui élèverait en même temps les saints croyants du peuple élu à de hautes places d'honneur et d'autorité auprès du Fils de l'Homme, lequel régnerait au nom de Dieu sur les nations rachetées. Ce dernier groupe croyait même que beaucoup de pieux Gentils pourraient être admis dans la communauté du nouveau royaume.

135:5.6 Quelques Juifs s'en tenaient à l'opinion que Dieu pourrait peut-être établir ce nouveau royaume par intervention divine et directe, mais la grande majorité croyait que Dieu interposerait un truchement représentatif, le Messie. C'était la seule signification possible que le mot Messie pouvait avoir dans le mental des Juifs de la génération de Jésus et de Jean. Messie ne pouvait absolument pas désigner un homme qui se bornerait à enseigner la volonté de Dieu ou à proclamer la nécessité d'une vie de droiture. À tous les saints personnages de cette sorte, les Juifs donnaient le nom de prophètes. Le Messie devait être plus qu'un prophète ; le Messie devait amener l'établissement du nouveau royaume, le royaume de Dieu. Nulle personnalité échouant dans cette entreprise ne pouvait être le Messie au sens juif traditionnel.

135:5.7 Qui serait ce Messie ? De nouveau, les éducateurs juifs différaient d'opinion. Les anciens s'accrochaient à la doctrine du Fils de David. Les nouveaux enseignaient que le prochain souverain pourrait aussi être une personnalité divine ayant longtemps siégé au ciel à la droite de Dieu, puisque le royaume à venir était un royaume céleste. Si étrange que cela paraisse, ceux qui concevaient ainsi le souverain du nouveau royaume ne l'imaginaient pas comme un Messie humain, comme simplement un homme, mais comme « le Fils de l'Homme » - un Fils de Dieu - un Prince céleste longtemps maintenu en attente pour assumer ainsi la souveraineté sur la terre rendue nouvelle. Tel était l'arrière-plan religieux du monde juif au moment où Jean entra en scène en proclamant : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est à portée de la main ! »

135:5.8 Il devient donc clair que l'annonce par Jean du royaume à venir n'avait pas moins d'une demi-douzaine de significations différentes dans le mental des auditeurs de ses sermons passionnés. Mais, quel que fût le sens qu'ils attachaient aux expressions employées par Jean, chacun des divers groupes qui attendait le royaume des Juifs était intrigué par les proclamations de ce prédicateur de droiture et de repentir, sincère, enthousiaste et expéditif, qui exhortait si solennellement son auditoire à « fuir le courroux à venir » .

135.6  Jean Commence à Prêcher

135:6.1 Aux premiers jours du mois de mars de l'an 25, Jean fit le tour de la côte occidentale de la Mer Morte et remonta le cours du Jourdain jusqu'en face de Jéricho, à l'ancien gué par lequel Josué et les enfants d'Israël avaient passé lorsqu'ils entrèrent, pour la première fois, dans la terre promise. Jean alla sur l'autre rive, s'installa près de l'accès du gué, et commença à prêcher aux passants qui traversaient le fleuve dans un sens ou dans l'autre. C'était le gué le plus fréquenté du Jourdain.

135:6.2 Tous ceux qui écoutaient Jean se rendaient compte qu'il était plus qu'un prédicateur. La grande majorité des auditeurs de cet homme étrange, surgi du désert de Judée, repartait en croyant avoir entendu la voix d'un prophète. Il n'y avait rien d'étonnant à ce que les âmes de ces Juifs lassés, mais pleins d'espoir, fussent profondément remuées par un tel phénomène. Dans toute l'histoire juive, jamais les pieux enfants d'Abraham n'avaient autant désiré la « consolation d'Israël » , ni plus ardemment anticipé la « restauration du royaume » . À aucune époque de la vie du peuple juif, le message de Jean - le royaume des cieux est à la portée de la main - n'aurait pu exercer un attrait aussi profond et aussi universel qu'au moment même où Jean apparut si mystérieusement sur la rive de ce gué méridional du Jourdain.

135:6.3 Il était pâtre, comme Amos. Il était vêtu, comme jadis Élie ; il fulminait ses recommandations et lançait ses avertissements avec « l'esprit et le pouvoir d'Élie » . Il n'est pas surprenant que cet étonnant prédicateur ait créé de puissants remous dans toute la Palestine à mesure que les voyageurs apportaient au loin la nouvelle de sa prédication au bord du Jourdain.

135:6.4 Le travail de ce naziréen comportait encore une autre caractéristique nouvelle : il baptisait chacun de ses fidèles dans le Jourdain « pour la rémission des péchés » . Bien que le baptême ne fût pas une cérémonie nouvelle chez les Juifs, ils ne l'avaient jamais vu pratiquer à la manière de Jean. Depuis longtemps, il était courant de baptiser ainsi les prosélytes Gentils pour les admettre dans la communauté de la cour extérieure du temple, mais jamais on n'avait demandé aux Juifs eux-mêmes de se soumettre au baptême de repentance. Quinze mois seulement s'écoulèrent entre le moment où Jean commença à prêcher et à baptiser, et l'époque de son arrestation et de son emprisonnement à l'instigation d'Hérode Antipas, mais, durant ce court laps de temps, il baptisa bien plus de cent-mille pénitents.

135:6.5 Jean prêcha quatre mois au gué de Béthanie avant de partir vers le nord en remontant le Jourdain. Des dizaines de milliers d'auditeurs, dont quelques curieux, mais la plupart sincères et sérieux, venaient l'écouter de toutes les parties de la Judée, de Pérée et de la Samarie. Quelques-uns vinrent même de Galilée.

135:6.6 En mai de cette année, tandis que Jean s'attardait encore au gué de Béthanie, les prêtres et les lévites envoyèrent une délégation pour lui demander s'il prétendait être le Messie et en vertu de quelle autorité il prêchait. Jean répondit à ces enquêteurs en disant : « Allez dire à vos maitres que vous avez entendu `la voix de quelqu'un qui crie dans le désert', comme le prophète l'a annoncé en disant : `Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez une route pour notre Dieu. Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les terrains accidentés seront changés en plaines et les passages rocailleux en vallons unis, et toute chair verra le salut de Dieu.' »

135:6.7 Jean était un prédicateur héroïque, mais manquant de doigté. Un jour qu'il prêchait et baptisait sur la rive occidentale du Jourdain, un groupe de pharisiens et un certain nombre de sadducéens s'avancèrent et se présentèrent au baptême. Avant de les faire descendre dans l'eau, Jean s'adressa collectivement à eux en ces termes : « Qui vous a avertis de fuir la colère à venir, telles des vipères devant le feu ? Je vous baptiserai, mais je vous préviens qu'il vous faudra produire les fruits dignes d'un repentir sincère si vous voulez recevoir la rémission de vos péchés. Ne venez pas me dire qu'Abraham est votre père. Je vous déclare que, des douze pierres qui sont devant vous, Dieu peut faire surgir de dignes enfants d'Abraham. Déjà la cognée est mise à la racine même des arbres. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est destiné à être coupé et jeté au feu. » (Les douze pierres auxquelles il faisait allusion étaient les célèbres pierres commémoratives dressées par Josué en souvenir du passage des « douze tribus » à ce même gué où elles entrèrent, pour la première fois, dans la terre promise.)

135:6.8 Jean donnait, pour ses disciples, des cours dans lesquels il leur enseignait les détails de leur nouvelle vie et s'efforçait de répondre à leurs nombreuses questions. Il conseillait aux éducateurs d'enseigner l'esprit aussi bien que la lettre de la loi. Il ordonnait aux riches de nourrir les pauvres. Aux collecteurs d'impôts, il disait : « N'extorquez pas plus que les sommes qui vous sont assignées. » Aux soldats, il disait : « N'exercez pas de violence et n'exigez rien indument - contentez-vous de votre solde. » Et, à tout le monde, il conseillait : « Préparez-vous pour la fin de l'âge - le royaume des cieux est à portée de la main. »

135.7  Jean Voyage vers le Nord

135:7.1 Jean avait encore des idées confuses sur le royaume à venir et sur son roi. Plus il prêchait et plus il s'embrouillait ; mais jamais son incertitude intellectuelle au sujet de la nature du royaume attendu ne diminua, le moins du monde, sa conviction que l'avènement du royaume dans l'immédiat était certain. Jean pouvait être confus en pensée, mais jamais en esprit. Il ne doutait nullement de la venue du royaume, mais il était loin d'être certain que Jésus devait être ou non le souverain de ce royaume. Tant que Jean s'attachait à l'idée de la restauration du trône de David, ce que ses parents lui avaient enseigné, à savoir que Jésus, né dans la cité de David, devait être le libérateur longtemps attendu, lui paraissait logique. Mais, dans les moments où il penchait davantage vers la doctrine d'un royaume spirituel et de la fin de l'âge temporel sur terre, il était cruellement dans le doute au sujet du rôle que Jésus jouerait dans ces évènements. Parfois, il remettait tout en question, mais pas pour longtemps. Il désirait réellement faire le tour du problème avec son cousin, mais cela était contraire à l'accord établi entre eux.

135:7.2 Tandis que Jean voyageait vers le nord, il pensait beaucoup à Jésus. Il s'arrêta dans plus d'une douzaine d'endroits en remontant le Jourdain. Ce fut au village d'Adam qu'il fit, pour la première fois, référence à un « autre qui doit venir après moi » en réponse à la question directe que lui posaient ses disciples : « Es-tu le Messie ? » Il poursuivit en disant : « Il en viendra un autre après moi qui est plus grand que moi, et devant qui je ne suis pas digne de me baisser pour délacer ses sandales. Je vous baptise d'eau, mais lui vous baptisera du Saint-Esprit. Il a sa pelle à la main pour nettoyer complètement son aire de battage. Il engrangera le blé, mais il brulera la paille au feu du jugement » .

135:7.3 En réponse aux questions de ses disciples, Jean continua à amplifier ses enseignements, ajoutant de jour en jour plus d'indications utiles et encourageantes par comparaison avec son énigmatique message initial : « Repentez-vous et soyez baptisés. » À cette époque, des foules arrivaient de Galilée et de la Décapole. Des dizaines de disciples sincères s'attardaient, jour après jour, auprès de leur maitre adoré.

135.8  La Rencontre de Jésus et de Jean

135:8.1 Au mois de décembre de l'an 25, lorsque Jean atteignit le voisinage de Pella dans sa remontée du Jourdain, sa réputation s'était répandue dans toute la Palestine et son oeuvre était devenue le principal sujet de conversation dans toutes les villes voisines du lac de Galilée. Jésus avait parlé favorablement du message de Jean, ce qui avait amené nombre d'habitants de Capharnaüm à se joindre au culte de repentance et de baptême de Jean. Jacques et Jean, les pêcheurs fils de Zébédée, étaient descendus au gué en décembre, peu après que Jean se fut installé pour prêcher à proximité de Pella, et s'étaient offerts au baptême. Ils allaient voir Jean une fois par semaine et rapportaient à Jésus des comptes rendus directs et récents sur l'oeuvre de l'évangéliste.

135:8.2 Jacques et Jude, les frères de Jésus, avaient parlé d'aller trouver Jean pour être baptisés. Maintenant que Jude était venu à Capharnaüm pour les offices du sabbat, et après que tous deux eurent écouté le discours de Jésus dans la synagogue, il décida avec Jacques de demander conseil à Jésus au sujet de leurs plans. Ceci se passait le samedi soir 12 janvier de l'an 26. Jésus les pria de retarder la discussion jusqu'au lendemain, où il leur donnerait sa réponse. Il dormit très peu cette nuit-là, étant en communion étroite avec le Père qui est aux cieux. Il avait pris des dispositions pour déjeuner à midi avec ses frères et leur donner son avis sur le baptême par Jean. Ce dimanche matin, Jésus travaillait comme d'habitude au chantier naval. Jacques et Jude avaient apporté le déjeuner et l'attendaient dans le hangar des bois, car l'heure de la pause de midi n'avait pas encore sonné, et ils savaient que Jésus était fort ponctuel en ces matières.

135:8.3 Juste avant le repos de midi, Jésus déposa ses outils, enleva son tablier de travail et annonça simplement aux trois ouvriers travaillant dans la même pièce que lui : « Mon heure est venue. » Il alla trouver ses frères Jacques et Jude en répétant : « Mon heure est venue - allons voir Jean. » Ils partirent immédiatement pour Pella en mangeant leur déjeuner en cours de route. C'était le dimanche 13 janvier. Ils s'arrêtèrent pour la nuit dans la vallée du Jourdain et arrivèrent le lendemain vers midi sur les lieux où Jean donnait le baptême.

135:8.4 Jean venait de commencer à baptiser les candidats du jour. Des dizaines de repentants faisaient la queue en attendant leur tour lorsque Jésus et ses deux frères prirent position dans cette file d'hommes et de femmes sincères qui s'étaient mis à croire aux prédications de Jean sur le royaume à venir. Jean s'était enquis de Jésus auprès des fils de Zébédée. Il avait appris les commentaires de Jésus au sujet de ses sermons. Jour après jour, il s'attendait à le voir arriver sur les lieux ; mais il ne pensait pas l'accueillir dans la file des candidats au baptême.

135:8.5 Absorbé par les détails du baptême rapide d'un aussi grand nombre de convertis, Jean ne leva pas les yeux pour voir Jésus avant que le Fils de l'Homme ne fût en face de lui. Lorsque Jean reconnut Jésus, il interrompit les cérémonies pendant un moment tandis qu'il saluait son cousin dans la chair et lui demandait : « Mais pourquoi descends-tu dans l'eau pour me saluer ? » Jésus répondit : « Pour me soumettre à ton baptême. » Jean répliqua : « Mais c'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi. Pourquoi viens-tu à moi ? » Jésus lui murmura : « Supporte de me baptiser maintenant, car il convient que nous donnions cet exemple à mes frères qui se tiennent ici avec moi, et aussi pour que les gens puissent savoir que mon heure est venue. »

135:8.6 Jésus avait parlé péremptoirement et avec autorité. Jean tremblait d'émotion en se préparant à baptiser Jésus de Nazareth dans le Jourdain, à midi, ce 14 janvier de l'an 26. C'est ainsi que Jean baptisa Jésus et ses deux frères Jacques et Jude ; et, quand Jean les eut baptisés tous les trois, il renvoya les autres postulants en annonçant qu'il reprendrait les baptêmes le lendemain, à midi. Tandis que les gens s'en allaient, les quatre hommes encore debout dans l'eau entendirent un son étrange. Bientôt une apparition se montra quelques instants, immédiatement au-dessus de la tête de Jésus, et ils entendirent une voix qui disait : « Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir. » Un grand changement se produisit dans l'expression du visage de Jésus. Sortant de l'eau en silence, il prit congé d'eux et se dirigea vers les collines de l'est. Nul ne le revit pendant quarante jours.

135:8.7 Jean suivit Jésus sur une distance suffisante pour lui raconter l'histoire de la visitation de Gabriel à sa mère avant leur naissance à tous deux, telle qu'il l'avait entendue si souvent de la bouche de sa mère. Il laissa Jésus poursuivre sa route après lui avoir dit : « Maintenant, je sais avec certitude que tu es le Libérateur. » Mais Jésus ne répondit pas.

135.9  Quarante Jours de Prédication

135:9.1 Lorsque Jean revint vers ses disciples (il en avait maintenant vingt-cinq ou trente qui demeuraient constamment avec lui), il les trouva en sérieuse conférence, en train de discuter ce qui venait d'arriver en liaison avec le baptême de Jésus. Ils furent encore plus étonnés lorsque Jean leur apprit la visitation de Gabriel à Marie avant la naissance de Jésus, et le fait que Jésus ne lui avait pas répondu un mot quand il lui en avait parlé. Il ne pleuvait pas ce soir-là, et le groupe d'au moins trente personnes s'entretint longtemps dans la nuit étoilée. Les membres de ce groupe se demandaient où Jésus était allé et quand ils le reverraient.

135:9.2 Après l'expérience de ce jour, la prédication de Jean prit un nouveau ton de certitude dans ses proclamations concernant le royaume à venir et le Messie attendu. Ces quarante jours passés dans l'attente de Jésus furent une période de tension, mais Jean continuait à prêcher avec une grande puissance. À cette époque, ses disciples commencèrent aussi à prêcher aux foules débordantes qui se pressaient autour de Jean sur la rive du Jourdain.

135:9.3 Au cours de ces quarante jours d'attente, de nombreuses rumeurs se répandirent dans le pays, et même jusqu'à Tibériade et Jérusalem. Des milliers de personnes venaient au camp de Jean, pour voir la nouvelle attraction, le prétendu Messie, mais Jésus n'était pas visible. Quand les disciples de Jean affirmaient que l'étrange homme de Dieu s'en était allé dans les montagnes, beaucoup de visiteurs mettaient toute l'histoire en doute.

135:9.4 Environ trois semaines après que Jésus les eut quittés, une nouvelle députation de prêtres et de pharisiens de Jérusalem arriva sur les lieux à Pella. Ils demandèrent directement à Jean s'il était Élie ou le prophète promis par Moïse, et, lorsque Jean leur dit qu'il ne l'était pas, ils s'enhardirent jusqu'à lui demander : « Es-tu le Messie ? » Et Jean répondit : « Je ne le suis pas. » Alors, ces hommes de Jérusalem lui dirent : « Si tu n'es ni Élie, ni le prophète, ni le Messie, alors, pourquoi baptises-tu les gens et crées-tu toute cette agitation ? » Et Jean répliqua : « Il appartient à ceux qui m'ont entendu et ont reçu mon baptême de dire qui je suis, mais je vous déclare que, si je baptise d'eau, il y a eu quelqu'un parmi nous qui reviendra vous baptiser du Saint-Esprit. »

135:9.5 Ces quarante jours furent une période difficile pour Jean et ses disciples. Quels devaient être les rapports entre Jean et Jésus ? Cent questions surgirent à la discussion. La politique et les ambitions égoïstes commencèrent à faire leur apparition. Des discussions acharnées s'élevèrent autour des diverses idées et conceptions du Messie. Deviendrait-il un chef militaire et un roi comme David ? Frapperait-il les armées romaines comme Josué avait frappé les Cananéens ? Ou bien viendrait-il établir un royaume spirituel ? Jean se ralliait plutôt à l'avis de la minorité, que Jésus était venu établir le royaume des cieux, bien qu'il n'eût pas de notions tout à fait claires sur ce que devait comporter la mission d'établir le royaume des cieux.

135:9.6 Ce furent des journées ardues dans l'expérience de Jean, et il pria pour le retour de Jésus. Certains disciples de Jean organisèrent des groupes d'éclaireurs pour partir à la recherche de Jésus, mais Jean le leur interdit en disant : « Notre époque est entre les mains du Dieu du ciel ; il dirigera son Fils élu. »

135:9.7 Ce fut de bonne heure, le matin du sabbat du 23 février, que les disciples de Jean, qui prenaient leur repas du matin, en regardant vers le nord, virent Jésus venant vers eux. Pendant qu'il s'approchait, Jean monta sur un grand rocher, éleva sa voix sonore et dit : « Voici le Fils de Dieu, le libérateur du monde ! C'est de lui que j'ai dit : `Après moi, il en viendra un qui me sera préféré, car il existait avant moi.' C'est pour cela que je suis sorti du désert afin de prêcher la repentance et baptiser d'eau en proclamant que le royaume des cieux est à portée de la main. Maintenant vient celui qui va vous baptiser du Saint-Esprit. J'ai vu l'esprit divin descendre sur cet homme et j'ai entendu la voix de Dieu déclarer : `Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir.' »

135:9.8 Jésus les pria de continuer leur repas et s'assit pour manger avec Jean, car ses frères Jacques et Jude étaient retournés à Capharnaüm.

135:9.9 Le lendemain matin de bonne heure, il prit congé de Jean et de ses disciples, et repartit pour la Galilée. Il ne leur donna aucune indication sur le moment où ils le reverraient. Aux demandes de Jean sur ses propres prédicateurs et sa propre mission, il se borna à répondre : « Mon Père te guidera maintenant et dans l'avenir comme il l'a fait dans le passé. » Et ces deux grands hommes se séparèrent ce matin-là sur la rive du Jourdain pour ne jamais plus se revoir dans la chair.

135.10  Jean Voyage vers le Sud

135:10.1 Puisque Jésus était allé vers le nord en Galilée, Jean se sentit conduit à retourner sur ses pas vers le sud. En conséquence, le dimanche matin 3 mars, Jean et le reste de ses disciples se mirent en route vers le sud. Entretemps, environ un quart des fidèles les plus proches de Jean étaient partis pour la Galilée à la recherche de Jésus. Une atmosphère de tristesse confuse entourait Jean. Jamais plus il ne prêcha comme avant de baptiser Jésus. Il sentait qu'en un certain sens, la responsabilité du royaume à venir avait cessé de reposer sur ses épaules. Il avait le sentiment que son oeuvre était à peu près achevée. Il était triste et solitaire, mais il prêchait, baptisait et continuait sa marche vers le sud.

135:10.2 Jean s'arrêta plusieurs semaines près du village d'Adam, et c'est de là qu'il lança son attaque mémorable contre Hérode Antipas pour avoir pris illégalement la femme d'un autre homme. Vers le mois de juin de cette année (l'an 26), Jean était de retour au gué de Béthanie sur le Jourdain, où il avait commencé plus d'un an auparavant à prêcher sur le royaume à venir. Au cours des semaines qui suivirent le baptême de Jésus, le caractère des sermons de Jean avait graduellement changé ; il proclamait maintenant la miséricorde pour les gens du commun, tandis qu'il dénonçait, avec un renouveau de véhémence, la corruption des chefs politiques et religieux.

135:10.3 Hérode Antipas, sur le territoire de qui Jean avait fait ses sermons, s'alarma à l'idée de voir Jean et ses disciples provoquer une rébellion. Hérode tenait également rigueur à Jean de ses critiques publiques sur ses affaires de famille. Tout ceci considéré, il décida de mettre Jean en prison. En conséquence, très tôt dans la matinée du 12 juin, avant l'arrivée des multitudes venues pour écouter les sermons et assister aux baptêmes, les agents d'Hérode placèrent Jean sous mandat d'arrêt. Tandis que les semaines passaient et qu'on ne le relâchait pas, ses disciples s'éparpillèrent dans toute la Palestine ; beaucoup d'entre eux allèrent en Galilée pour se joindre aux partisans de Jésus.

135.11  Jean en Prison

135:11.1 Jean eut une expérience solitaire et quelque peu amère en prison. Peu de ses disciples étaient autorisés à lui rendre visite. Il désirait ardemment voir Jésus, mais dut se contenter d'entendre parler de son travail par ceux de ses propres disciples qui étaient devenus des croyants au Fils de l'Homme. Il était souvent tenté de douter de Jésus et de sa mission divine. Si Jésus était le Messie, pourquoi ne faisait-il rien pour le délivrer de cet intolérable emprisonnement ? Durant plus d'un an et demi, cet homme rude aimant l'air libre de Dieu languit dans une horrible geôle. Cette expérience fut une grande épreuve pour sa foi en Jésus et sa fidélité envers lui. En vérité, l'ensemble de cette aventure fut même une grande épreuve pour la foi de Jean en Dieu. Maintes fois, il fut tenté de douter de l'authenticité même de sa propre mission et de son expérience.

135:11.2 Après qu'il eut passé plusieurs mois en prison, un groupe de ses disciples vint le voir et, après lui avoir fait rapport sur les activités publiques de Jésus, lui dit : « Ainsi, Maitre, tu vois que celui qui était près de toi en amont du Jourdain prospère et reçoit tous ceux qui viennent vers lui. Il festoie même avec des publicains et des pêcheurs. Tu as courageusement témoigné pour lui, et pourtant il ne fait rien pour obtenir ta délivrance. » Mais Jean répondit à ses amis : « Cet homme ne peut rien faire sans que cela lui ait été donné par son Père qui est aux cieux. Vous vous rappelez bien ce que j'ai dit : `Je ne suis pas le Messie, mais j'ai été envoyé avant lui pour lui préparer le chemin.' C'est bien cela que j'ai fait. La fiancée appartient au fiancé, mais l'ami du fiancé, qui se tient dans le voisinage se réjouit grandement d'entendre la voix du fiancé. C'est ainsi, ma joie est donc parfaite. Il faut que lui grandisse et que moi, je diminue. J'appartiens à cette terre et j'ai proclamé mon message. Jésus de Nazareth est venu du ciel sur la terre et il est au-dessus de nous tous. Le Fils de l'Homme est descendu d'auprès de Dieu, et ce sont les paroles de Dieu qu'il vous annoncera, car le Père qui est aux cieux ne mesure pas l'esprit qu'il donne à son propre Fils. Le Père aime le Fils et remettra bientôt toutes choses entre ses mains. Quiconque croit au Fils a la vie éternelle. Et les paroles que je prononce sont véritables et immuables. »

135:11.3 Ces disciples furent stupéfaits à un tel point de la déclaration de Jean qu'ils partirent en silence. De son côté, Jean était fort agité, car il percevait qu'il venait d'émettre une prophétie. Jamais plus il ne douta complètement de la mission et de la divinité de Jésus, mais il était affreusement déçu que Jésus ne lui fasse rien dire, ne vienne pas le voir et n'exerce aucun de ses grands pouvoirs pour le délivrer de la prison. Or, Jésus était au courant de tout ceci. Il avait beaucoup d'amour pour Jean, mais il se rendait maintenant compte de sa nature divine, et connaissait pleinement les grands évènements qui se préparaient pour Jean quand il quitterait ce monde. Sachant également que l'oeuvre terrestre de Jean était achevée, il se contraignit à ne pas intervenir dans l'aboutissement naturel de la carrière de ce grand prédicateur-prophète.

135:11.4 Cette longue incertitude en prison était humainement intolérable. À peine quelques jours avant sa mort, Jean envoya de nouveau à Jésus des messagers de confiance pour lui demander : « Mon travail est-il fait ? Pourquoi dois-je languir en prison ? Es-tu vraiment le Messie ou devons-nous en chercher un autre ? » Lorsque les deux disciples eurent remis le message à Jésus, le Fils de l'Homme répondit : « Retournez vers Jean et dites-lui que je n'ai pas oublié, mais qu'il supporte encore cela, car il convient que nous accomplissions tout ce qu'impose la droiture. Dites à Jean ce que vous avez vu et entendu - que la bonne nouvelle est prêchée aux pauvres - et, finalement, dites au bien-aimé précurseur de ma mission terrestre qu'il sera abondamment béni dans l'âge à venir s'il ne lui arrive pas de douter ou de trébucher à propos de moi » Ce fut la dernière communication que Jean reçut de Jésus. Ce message le réconforta grandement et contribua beaucoup à stabiliser sa foi et à le préparer à la fin tragique de sa vie dans la chair, fin qui devait suivre de si près ce jour mémorable.

135.12  La Mort de Jean le Baptiste

135:12.1 Du fait que Jean oeuvrait en Pérée méridionale lors de son arrestation, il fut immédiatement emmené dans la prison de la forteresse de Macharée, où il resta incarcéré jusqu'à son exécution. Hérode gouvernait la Pérée et la Galilée, et entretenait à cette époque, des résidences en Pérée, à la fois à Juliade et à Macharée. En Galilée, sa résidence avait été déplacée de Sepphoris à Tibériade, la nouvelle capitale.

135:12.2 Hérode avait peur de relâcher Jean de crainte qu'il ne provoque une rébellion. Il redoutait de le mettre à mort par crainte d'émeutes populaires dans la capitale, car des milliers de Péréens croyaient que Jean était un saint, un prophète. Hérode gardait donc le prophète naziréen en prison, ne sachant que faire de lui. Jean avait plusieurs fois comparu devant Hérode, mais n'avait jamais voulu accepter de quitter la zone de juridiction d'Hérode ni de s'abstenir de toute activité publique s'il était libéré. En même temps, cette nouvelle agitation, constamment croissante au sujet de Jésus de Nazareth, avertissait Hérode que le moment était mal choisi pour relâcher Jean. En outre, Jean était victime de la haine implacable et acharnée d'Hérodiade, la femme illégitime d'Hérode.

135:12.3 En de nombreuses occasions, Hérode s'entretint avec Jean du royaume des cieux. Il était parfois sérieusement impressionné par le message, mais craignait de faire sortir Jean de prison.

135:12.4 Hérode passait une grande partie de son temps dans ses résidences de Pérée, parce que l'on construisait encore beaucoup à Tibériade et qu'il avait une prédilection pour la place-forte de Macharée. Il s'écoula encore plusieurs années avant que la construction de tous les bâtiments publics et de la résidence officielle de Tibériade ait été achevée.

135:12.5 Pour célébrer son anniversaire, Hérode donna une grande fête au palais de Macharée pour ses principaux officiers et pour d'autres personnalités haut placées dans les conseils des gouvernements de Galilée et de Pérée. N'ayant pas réussi à obtenir l'exécution de Jean par appel direct à Hérode, Hérodiade s'attela maintenant à la tâche d'obtenir, par ruse, sa mise à mort.

135:12.6 Au cours des festivités et distractions du soir, Hérodiade présenta sa fille en la faisant danser devant les convives. Hérode fut charmé par la chorégraphie de la demoiselle et l'appela devant lui en disant : « Tu es charmante et je suis très satisfait de toi. C'est mon anniversaire. Quelle que soit la chose que tu désires, demande-la-moi et je te la donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. » En faisant cette proposition, Hérode était fortement sous l'influence de ses nombreuses libations. La jeune fille se retira pour s'enquérir auprès de sa mère de ce qu'elle devait demander à Hérode. Hérodiade lui dit : « Va vers Hérode et demande-lui la tête de Jean le Baptiste. » La jeune fille retourna à la table du banquet et dit à Hérode : « Je te demande de me donner immédiatement la tête de Jean le Baptiste sur un plateau. »

135:12.7 Hérode fut rempli de crainte et de tristesse, mais, à cause de son serment et de tous les témoins qui banquetaient avec lui, il ne voulut pas refuser la requête. Et Hérode Antipas envoya alors un soldat avec l'ordre de lui apporter la tête de Jean. C'est ainsi que Jean fut décapité dans sa prison cette nuit-là. Le soldat apporta la tête du prophète sur un plateau et la donna à la jeune fille dans le fond de la salle du banquet. Et la jeune fille donna le plateau à sa mère. Quand les disciples de Jean eurent vent de l'histoire, ils se rendirent à la prison demander le corps de Jean. Après l'avoir couché dans un tombeau, ils allèrent en rendre compte à Jésus.

136. Le Baptème et les Quarante Jours

136:0.1 JÉSUS commença son oeuvre publique au moment où l'intérêt populaire pour la prédication de Jean était à son apogée et où les Juifs de Palestine espéraient ardemment la venue du Messie. Il y avait un grand contraste entre Jésus et Jean. Jean était un ouvrier ardent et sévère, tandis que Jésus était un travailleur calme et heureux ; au cours de toute sa vie, il ne manifesta de la hâte qu'en de rares occasions. Jésus était un consolateur encourageant pour le monde et en quelque sorte un exemple. On ne pouvait dire de Jean qu'il fut un réconfort ou un exemple ; il prêchait le royaume des cieux, mais ne participait guère au bonheur de ce royaume. Bien que Jésus ait parlé de Jean comme du plus grand prophète de l'âge écoulé, il disait aussi que le moindre de ceux qui voyaient la grande lumière du nouveau chemin et entraient par là dans le royaume des cieux était en vérité plus grand que Jean.

136:0.2 Lorsque Jean prêchait le royaume à venir, l'essentiel de son message était : « Repentez-vous ! fuyez la colère imminente. » Lorsque Jésus commença à prêcher, il conserva l'exhortation à la repentance, mais ce message était toujours suivi de l'évangile, la bonne nouvelle de la joie et de la liberté du nouveau royaume.

136.1  Concepts du Messie Attendu

136:1.1 Les Juifs nourrissaient de nombreuses idées sur le libérateur attendu, et chacune des diverses écoles d'enseignement messianique pouvait citer des passages des Écritures hébraïques à l'appui de ses affirmations. D'une manière générale, les Juifs considéraient que leur histoire nationale commençait avec Abraham et atteindrait son point culminant avec le Messie et le nouvel âge du royaume de Dieu. Ils avaient jadis envisagé ce libérateur comme « le serviteur du Seigneur » , puis comme « le Fils de l'Homme » , tandis que, plus tard, certains étaient allés jusqu'à qualifier le Messie de « Fils de Dieu » . Mais qu'ils l'appelassent « la semence d'Abraham » , ou « le fils de David » , tous convenaient que le libérateur devait être le Messie, « l'oint du Seigneur » . L'évolution du concept alla donc de « serviteur de Seigneur » à « fils de David » , puis à « Fils de l'Homme » et à « Fils de Dieu » .

136:1.2 À l'époque de Jean et de Jésus, les Juifs les plus instruits s'étaient fait une idée du Messie à venir sous forme d'un Israélite accompli et représentatif, combinant en lui-même en tant que « serviteur du Seigneur » , le triple rôle de prophète, de prêtre et de roi.

136:1.3 Les Juifs croyaient pieusement qu'à l'instar de Moïse, qui avait délivré leurs pères de la servitude égyptienne par des prodiges miraculeux, le Messie attendu délivrerait le peuple juif de la domination romaine par des miracles de pouvoir encore plus grands et par des merveilles de triomphe racial. Les rabbins avaient réuni plus de cinq-cents passages des Écritures dont, malgré les contradictions apparentes, ils affirmaient qu'ils prophétisaient la venue du Messie. Au milieu de tous ces détails de temps, de techniques et de fonctions, ils perdaient à peu près complètement de vue la personnalité du Messie promis. Ils espéraient une restauration de la gloire nationale juive, l'exaltation temporelle d'Israël plutôt que le salut du monde. Il devient donc évident que Jésus de Nazareth ne pouvait jamais répondre à ce concept messianique matérialiste de la pensée juive. Si les Juifs avaient seulement vu ces sentences prophétiques sous un jour différent, beaucoup de leurs prétendues prédictions messianiques auraient tout naturellement préparé leur mental à reconnaître en Jésus celui qui mettrait fin à un âge et inaugurerait une nouvelle et meilleure dispensation de miséricorde et de salut pour toutes les nations.

136:1.4 Les Juifs avaient été élevés dans la croyance à la doctrine de la Shékinah, mais ce symbole légendaire de la Présence Divine n'était pas visible dans le temple. Ils croyaient que la venue du Messie en effectuerait le rétablissement. Ils avaient des idées confuses sur le péché racial et la nature supposée mauvaise de l'homme. Certains enseignaient que le péché d'Adam avait fait maudire la race humaine, et que le Messie ôterait cette malédiction et remettrait les hommes en faveur auprès de Dieu. D'autres enseignaient qu'en créant l'homme, Dieu avait introduit dans cet être à la fois une bonne et une mauvaise nature, et qu'ensuite, en observant le fonctionnement de cette combinaison, il avait été fort déçu et « s'était repenti d'avoir ainsi créé l'homme » . Ceux qui enseignaient cela croyait que le Messie devait venir pour racheter les hommes de cette mauvaise nature innée.

136:1.5 En majorité, les Juifs croyaient qu'ils continueraient à languir sous la suzeraineté romaine à cause de leurs péchés nationaux et de la tiédeur des prosélytes Gentils. La nation juive ne s'était pas sincèrement repentie ; c'est pourquoi le Messie tardait à venir. On parlait beaucoup de repentance, d'où l'attrait puissant et immédiat de la prédication de Jean : « Repentez-vous et soyez baptisés, car le royaume des cieux est à portée de la main. » Et, pour un Juif pieux, le royaume des cieux ne pouvait avoir qu'une signification : la venue du Messie.

136:1.6 L'effusion de Micaël comportait une caractéristique totalement étrangère à la conception juive du Messie ; cette caractéristique était l'union des deux natures, l'humaine et la divine. Les Juifs avaient diversement conçu le Messie comme humain accompli, comme suprahumain et même comme divin, mais jamais ils n'avaient pris en considération le concept de l'union de l'humain et du divin. Ce fut la grande pierre d'achoppement des premiers disciples de Jésus. Ils saisissaient le concept humain du Messie en tant que fils de David, tel qu'il avait été présenté par les premiers prophètes ; ils comprenaient aussi le Messie en tant que Fils de l'Homme, l'idée suprahumaine de Daniel et de quelques-uns des derniers prophètes et même en tant que Fils de Dieu, comme l'auteur du Livre d'Énoch et certains de ses contemporains l'ont décrit ; mais, pas un seul instant, ils n'avaient pris en considération le vrai concept de l'union en une seule personnalité terrestre des deux natures, l'humaine et la divine. L'incarnation du Créateur sous forme de créature n'avait pas été révélée d'avance. Elle ne fut révélée qu'en Jésus ; le monde ne connaissait rien de ces choses avant que le Fils Créateur ne se soit fait chair et n'ait habité parmi les mortels du royaume.

136.2  Le Baptème de Jésus

136:2.1 Jésus fut baptisé à l'apogée de la prédication de Jean, alors que la Palestine était enflammée d'espoir par le message - « le royaume de Dieu est à portée de la main » - et alors que le monde juif était engagé dans un sérieux et solennel examen de conscience. Le sens juif de solidarité raciale était très profond. Non seulement les Juifs croyaient que le péché d'un père pouvait affecter ses enfants, mais aussi ils croyaient fermement que le péché d'un individu pouvait faire maudire sa nation. En conséquence, ceux qui se soumettaient au baptême de Jean ne se considéraient pas tous comme coupables des péchés spécifiques dénoncés par Jean. Nombre d'âmes pieuses furent baptisées par Jean pour le bien d'Israël ; elles craignaient qu'un péché d'ignorance de leur part ne retardât la venue du Messie. Elles se sentaient appartenir à une nation coupable et maudite par le péché, et se présentaient au baptême afin de manifester, par cet acte, les fruits d'une pénitence raciale. Il est donc évident que Jésus ne reçut le baptême de Jean en aucune manière comme un rite de repentance ou pour la rémission des péchés. En acceptant le baptême des mains de Jean, Jésus ne faisait que suivre l'exemple de nombreux Israélites pieux.

136:2.2 Lorsque Jésus de Nazareth descendit dans le Jourdain pour être baptisé, il était un mortel du royaume ayant atteint le pinacle de l'ascension évolutionnaire humaine pour tout ce qui concernait la conquête du mental et l'identification de soi avec l'esprit. Il se tenait, ce jour-là, dans le Jourdain comme un homme accompli des mondes évolutionnaires du temps et de l'espace. Un parfait synchronisme et une pleine communication s'étaient établis entre le mental humain de Jésus et son Ajusteur esprit intérieur, le don divin de son Père du Paradis. Depuis l'ascension de Micaël à la souveraineté de son univers, un Ajusteur exactement du même ordre habite tous les êtres normaux vivant sur Urantia, sauf que, dans le cas de Jésus, son Ajusteur avait été préparé auparavant à cette mission spéciale en habitant similairement Machiventa Melchizédek, un autre suprahumain incarné dans la similitude de la chair mortelle.

136:2.3 Ordinairement, quand la personnalité d'un mortel du royaume atteint d'aussi hauts niveaux de perfection, on voit se produire les phénomènes préliminaires d'élévation spirituelle qui se terminent, en fin de compte, par la fusion définitive de l'âme mûrie du mortel avec son divin Ajusteur associé. Un tel changement aurait apparemment dû se produire dans l'expérience de la personnalité de Jésus de Nazareth le jour même où il descendit dans le Jourdain avec ses deux frères pour être baptisé par Jean. Cette cérémonie était l'acte final de sa vie purement humaine sur Urantia, et beaucoup d'observateurs suprahumains s'attendaient à être témoins de la fusion de l'Ajusteur avec le mental qu'il habitait, mais ils allaient tous être déçus. Quelque chose de nouveau et d'encore plus grandiose se produisit. Tandis que Jean imposait les mains sur Jésus pour le baptiser, l'Ajusteur intérieur prit définitivement congé de l'âme humaine devenue parfaite de Joshua ben Joseph. Quelques instants plus tard, cette entité divine revint de Divinington en tant qu'Ajusteur Personnalisé et chef de ses semblables dans tout l'univers local de Nébadon. Jésus put ainsi observer son propre esprit divin antérieur redescendant vers lui sous forme personnalisée, et il entendit alors ce même esprit originaire du Paradis prendre la parole et dire : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir. » Jean, ainsi que les deux frères de Jésus, entendirent également ces paroles. Les disciples de Jean, se tenant au bord de l'eau, n'entendirent pas ces mots et ne virent pas non plus l'apparition de l'Ajusteur Personnalisé. Seuls les yeux de Jésus l'aperçurent.

136:2.4 Quand l'Ajusteur Personnalisé, revenu et désormais exalté, eut ainsi parlé, tout fut silence. Et, tandis que les quatre intéressés s'attardaient dans l'eau, Jésus leva les yeux vers l'Ajusteur tout proche et pria : « Mon Père qui règnes dans le ciel, que ton nom soit sanctifié. Que ton règne arrive ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Lorsqu'il eut prié, les « cieux furent ouverts » et le Fils de l'Homme vit, présentée par l'Ajusteur désormais personnalisé, l'image de lui-même en tant que Fils de Dieu, tel qu'il était avant de venir sur terre dans la similitude de la chair mortelle, et tel qu'il serait quand sa vie d'incarnation aurait pris fin. Jésus fut seul à apercevoir cette vision céleste.

136:2.5 Ce fut la voix de l'Ajusteur Personnalisé, parlant au nom du Père Universel, que Jean et Jésus entendirent, car l'Ajusteur provient du Père du Paradis et lui est semblable. Pendant tout le reste de la vie terrestre de Jésus, cet Ajusteur Personnalisé fut associé à tous ses travaux ; Jésus resta en communion constante avec cet Ajusteur exalté.

136:2.6 Lors de son baptême, Jésus ne se repentit d'aucune mauvaise action et ne fit nulle confession de péché. Il s'agissait d'un baptême de consécration à l'accomplissement de la volonté du Père céleste. À son baptême, il entendit l'appel indubitable de son Père, l'invitation finale à s'occuper des affaires de son Père, et il partit s'isoler durant quarante jours pour méditer sur ces multiples problèmes. En se retirant ainsi pendant un certain temps de tout contact personnel actif avec ses compagnons terrestres, Jésus, tel qu'il était et vivait sur Urantia, suivait précisément le même processus qui prévaut, sur les mondes morontiels, chaque fois qu'un mortel ascendant fusionne avec la présence intérieure du Père Universel.

136:2.7 Ce jour de baptême marqua la fin de la vie purement humaine de Jésus. Le Fils divin a trouvé son Père, le Père Universel a trouvé son Fils incarné, et ils s'entretiennent l'un avec l'autre.

136:2.8 (Jésus avait près de trente-et-un ans et demi quand il fut baptisé. Bien que Luc dise qu'il fut baptisé dans la quinzième année du règne de Tibère César, ce qui représenterait l'an 29 puisqu'Auguste mourut en l'an 14, il faut se rappeler que Tibère fut coempereur avec Auguste durant deux ans et demi avant la mort de ce dernier. Des monnaies furent frappées en son honneur en octobre de l'an 11. La quinzième année du règne effectif de Tibère fut donc cette année 26, celle du baptême de Jésus. Ce fut également en l'an 26 que Ponce Pilate commença à régner en tant que gouverneur de la Judée.)

136.3  Les Quarante Jours

136:3.1 C'est avant son baptême, durant les six semaines où il avait été mouillé par les rosées du mont Hermon, que Jésus avait subi la grande tentation de son effusion en tant que mortel. Sur cette montagne, en tant que mortel du royaume et sans aide, il avait rencontré et vaincu Caligastia, le prince de ce monde prétendant à la souveraineté sur Urantia. Lors de ce jour mémorable, les annales de l'univers avaient enregistré que Jésus de Nazareth était devenu Prince Planétaire d'Urantia. Et ce Prince d'Urantia, qui devait si prochainement être proclamé Souverain suprême de Nébadon, se retirait maintenant dans une solitude de quarante jours pour élaborer les plans et déterminer la technique de proclamation du royaume nouveau de Dieu dans le coeur des hommes.

136:3.2 Après son baptême, il consacra ces quarante jours à son adaptation aux changements de relation avec le monde et l'univers occasionnés par la personnalisation de son Ajusteur. Durant sa solitude dans les collines de Pérée, il fixa la ligne de conduite à suivre et les méthodes à employer dans la nouvelle phase modifiée de vie terrestre qu'il était sur le point d'inaugurer.

136:3.3 Jésus ne fit pas cette retraite pour jeuner et affliger son âme. Il n'était pas un ascète ; il venait pour détruire définitivement toutes les notions d'ascétisme concernant l'approche de Dieu. Ses raisons pour rechercher la solitude étaient entièrement différentes de celles qui avaient fait agir Moïse, Élie et même Jean le Baptiste. Jésus était alors pleinement conscient de lui-même concernant ses relations avec l'univers qu'il avait créé, et aussi avec l'univers des univers supervisé par le Père du Paradis, son Père céleste. Il se rappelait maintenant entièrement sa mission d'effusion et les instructions données par son frère ainé Emmanuel avant le début de son incarnation sur Urantia. Il comprenait désormais clairement et totalement toutes ces vastes relations et désirait rester à l'écart pour une période de méditation paisible. Il pourrait ainsi élaborer les plans et décider de la procédure à suivre dans le déroulement de son oeuvre publique en faveur de ce monde et de tous les autres mondes de son univers local.

136:3.4 Tandis qu'il errait à l'aventure, dans les montagnes, à la recherche d'un abri favorable, Jésus rencontra le chef administratif de son univers, Gabriel, la Radieuse Étoile du Matin de Nébadon. Gabriel rétablit alors ses communications personnelles avec le Fils Créateur de l'univers ; c'était leur premier contact direct depuis que Micaël avait pris congé de ses associés sur Salvington en partant pour Édentia en vue de se préparer à l'effusion sur Urantia. Par ordre d'Emmanuel et sous l'autorité des Anciens des Jours d'Uversa, Gabriel donna maintenant à Jésus des renseignements indiquant que son expérience d'effusion sur Urantia était pratiquement achevée, dans la mesure où elle concernait l'acquisition de la parfaite souveraineté de son univers et la fin de la rébellion de Lucifer. La souveraineté avait été atteinte le jour de son baptême quand la personnalisation de son Ajusteur démontra la perfection et le parachèvement de son effusion dans la similitude de la chair mortelle. La fin de la rébellion était devenue un fait historique le jour où Jésus était descendu du mont Hermon à la rencontre de Tiglath, le jeune garçon qui l'attendait. Sur la foi des plus hautes autorités de l'univers local et du superunivers, Jésus fut ensuite informé que son travail d'effusion était achevé, dans la mesure où il affectait son statut personnel par rapport à la souveraineté et à la rébellion. Il avait déjà reçu cette assurance, directement du Paradis, par sa vision baptismale et par le phénomène de la personnalisation de son Ajusteur de Pensée intérieur.

136:3.5 Tandis que Jésus s'attardait sur la montagne en causant avec Gabriel, le Père de la Constellation, venant d'Édentia, apparut en personne à Jésus et à Gabriel et dit : « Les formalités sont remplies. La souveraineté du Micaël no 611.121 sur son univers de Nébadon repose parachevée à la droite du Père Universel. Je te libère de ton effusion de la part d'Emmanuel, ton frère, garant de l'incarnation sur Urantia. Tu es libre de terminer ton effusion d'incarnation, maintenant ou à tout autre moment, et de la manière que tu auras toi-même choisie, puis de monter à la droite de ton Père, de recevoir ta souveraineté et d'assumer le gouvernement inconditionnel bien mérité de tout Nébadon. Avec l'autorisation des Anciens des Jours, je témoigne également que les formalités superuniverselles sont parachevées en ce qui concerne la cessation de tout péché de rébellion dans ton univers ; tu reçois une autorité entière et illimitée pour prendre des mesures envers tout soulèvement éventuel de cet ordre dans l'avenir. Techniquement, ton oeuvre sur Urantia et dans la chair d'une créature mortelle, est achevée. Ta ligne de conduite dépend désormais de ton propre choix. »

136:3.6 Quand le Très-Haut Père d'Édentia eut pris congé, Jésus s'entretint longuement, avec Gabriel, du bien-être de l'univers et envoya ses salutations à Emmanuel. Il lui donna en même temps l'assurance que, dans le travail qu'il était sur le point d'entreprendre sur Urantia, il se rappellerait toujours les conseils reçus en connexion avec les recommandations qui lui avaient été faites sur Salvington préalablement à son effusion.

136:3.7 Pendant ces quarante jours de solitude, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'étaient lancés à la recherche de Jésus. Maintes fois, ils furent tout proches de son lieu de retraite, mais ils ne le découvrirent jamais.

136.4  Plans pour l'Oeuvre Publique

136:4.1 Jour après jour, dans les collines, Jésus élabora les plans pour le reste de son effusion sur Urantia. Il décida d'abord de ne pas enseigner en même temps que Jean. Il projeta de rester dans une retraite relative jusqu'à ce que l'oeuvre de Jean ait atteint son but, ou jusqu'à ce qu'elle soit soudainement interrompue par l'incarcération de Jean. Jésus savait bien que les sermons de Jean, intrépides et dépourvus de tact, susciteraient bientôt les craintes et l'inimitié des chefs civils. Compte tenu de la situation précaire de Jean, Jésus commença nettement à préparer son programme d'intervention publique en faveur de son peuple et du monde, en faveur de chaque monde habité dans tout son vaste univers. L'effusion mortelle de Micaël eut lieu sur Urantia, mais pour tous les mondes de Nébadon.

136:4.2 Après avoir conçu le plan général de coordination de son programme avec le mouvement de Jean, la première chose que fit Jésus fut de repasser, dans son mental, les instructions d'Emmanuel. Il réfléchit soigneusement aux conseils qui lui avaient été donnés concernant ses méthodes de travail et le fait qu'il ne devait laisser aucun document écrit permanent sur la planète. Jésus n'écrivit jamais plus, sauf sur le sable. Lors de sa visite suivante à Nazareth, et au grand chagrin de son frère Joseph, Jésus détruisit tout ce qu'il avait écrit et qui était conservé sur des tablettes dans l'atelier de charpentier ou apposé sur les murs de son ancienne maison. Jésus réfléchit beaucoup aussi aux conseils d'Emmanuel concernant son comportement en matière économique, sociale et politique envers le monde tel qu'il le trouverait.

136:4.3 Jésus ne jeuna pas durant ces quarante jours de solitude. Ses deux premiers jours dans les collines furent la plus longue période pendant laquelle il s'abstint de toute nourriture, car il s'absorba tellement dans ses réflexions qu'il oublia complètement de se restaurer ; mais, le troisième jour, il se mit en quête d'aliments. Il ne fut pas non plus tenté, durant cette période, par de mauvais esprits, ni par des personnalités rebelles stationnées sur ce monde ou provenant d'autres mondes.

136:4.4 Ces quarante jours furent l'occasion d'une confrontation finale entre son mental humain et son mental divin, ou plutôt le premier mouvement de fonctionnement simultané de ces deux facultés mentales désormais réunies en une seule. Les résultats de cette importante période de méditation démontrent péremptoirement que son mental divin avait triomphalement et spirituellement dominé son intellect humain. Le mental de l'homme est dorénavant devenu le mental de Dieu et, bien que le moi-mental humain soit toujours présent, ce mental humain spiritualisé dit toujours : « Que ta volonté soit faite et non la mienne. »

136:4.5 Les évènements de cette période mémorable ne furent pas les visions fantastiques d'un mental famélique et affaibli, ni les symbolismes confus et puérils qui gagnèrent ultérieurement droit de cité en tant que « tentations de Jésus dans le désert » . Ce fut plutôt une période de tour d'horizon complet sur la carrière mouvementée et variée de l'effusion sur Urantia, et sur l'établissement minutieux de plans pour le ministère futur qui serait le plus utile pour ce monde, tout en contribuant aussi quelque peu à améliorer toutes les autres sphères isolées pour cause de rébellion. Jésus récapitula toute l'histoire de la vie humaine sur Urantia, depuis les jours d'Andon et de Fonta, en passant par la faute d'Adam et jusqu'au ministère du Melchizédek de Salem.

136:4.6 Gabriel avait rappelé à Jésus qu'il pouvait se manifester au monde de deux manières différentes, au cas où il choisirait de rester encore quelque temps sur Urantia. Il fut clairement indiqué à Jésus que son choix en cette matière n'influencerait en rien sa souveraineté sur son univers, ni la fin de la rébellion de Lucifer. Les deux manières de servir le monde étaient les suivantes :

136:4.7 1. Sa propre voie - la voie qui pourrait lui sembler la plus agréable et la plus utile du point de vue des besoins immédiats de ce monde et de l'édification présente de son propre univers.

136:4.8 2. La voie du Père - la démonstration, par l'exemple, d'un idéal, à longue échéance, de la vie des créatures tel qu'il est vu par les hautes personnalités du Paradis administrant l'univers des univers.

136:4.9 Il fut ainsi clairement indiqué à Jésus qu'il avait deux manières d'ordonner le reste de sa vie terrestre. À la lumière de la situation immédiate, il y avait des arguments en faveur de chacune d'elles. Le Fils de l'Homme voyait clairement que son choix entre ces deux modes de conduite n'aurait aucune répercussion sur l'attribution de sa souveraineté sur son univers ; l'affaire était déjà réglée et scellée dans les archives de l'univers des univers et n'attendait plus que sa demande personnelle. Mais il fut indiqué à Jésus que son frère paradisiaque, Emmanuel, éprouverait une grande satisfaction si Jésus estimait opportun de terminer sa carrière terrestre d'incarnation comme il l'avait si noblement commencée, en restant toujours soumis à la volonté du Père. Le troisième jour de son isolement, Jésus se promit qu'il retournerait dans le monde pour achever sa carrière terrestre et que, dans toute situation impliquant une alternative, il choisirait toujours la volonté du Père. Et il vécut le reste de sa vie terrestre en restant constamment fidèle à cette résolution. Même jusqu'à la dernière extrémité, il subordonna invariablement sa volonté souveraine à celle de son Père céleste.

136:4.10 Les quarante jours dans la solitude des montagnes ne furent pas une période de grandes tentations, mais plutôt la période des grandes décisions du Maitre. Durant ces jours de communion solitaire avec lui-même et avec la présence immédiate de son Père - l'Ajusteur Personnalisé (Jésus n'avait plus de gardien séraphique personnel), il parvint, une à une, aux grandes décisions qui devaient gouverner sa politique et sa conduite durant le reste de sa carrière terrestre. La tradition d'une grande tentation fut liée ultérieurement à cette période d'isolement, par confusion avec les récits fragmentaires des luttes sur le mont Hermon et, en outre, parce que la coutume voulait que tous les grands prophètes et conducteurs d'hommes commencent leur carrière publique en subissant des périodes analogues de jeûne et de prière. Quand Jésus était confronté à une décision nouvelle ou grave, il avait l'habitude de se retirer pour communier avec son propre esprit et chercher ainsi à connaître la volonté de Dieu.

136:4.11 Dans tous ces projets pour le reste de sa vie, Jésus était toujours déchiré, dans son coeur humain, entre deux lignes de conduite opposées :

136:4.12 1. Il éprouvait un fort désir d'amener son peuple - et la terre entière - à croire en lui et à accepter son nouveau royaume spirituel. Et il connaissait bien les idées de ses compatriotes sur le Messie à venir.

136:4.13 2. Vivre et agir d'une manière qu'il savait approuvée par son Père, conduire son travail en faveur des autres mondes dans le besoin, et continuer, dans l'établissement du royaume, à révéler le Père et à manifester son divin caractère d'amour.

136:4.14 Durant ces journées mémorables, Jésus vécut dans une vieille caverne rocheuse, un abri au flanc d'une montagne, proche d'un village autrefois appelé Beit Adis. Il buvait l'eau de la petite source qui jaillissait à flanc du coteau près de cet abri rocheux.

136.5  La Première Grande Décision

136:5.1 Le troisième jour après le commencement de cette confrontation entre lui-même et son Ajusteur Personnalisé, Jésus fut gratifié de la vision des armées célestes de Nébadon rassemblées et envoyées par leurs commandants pour se tenir à la disposition de leur Souverain bien-aimé. Cette puissante armée comportait douze légions de séraphins et des quantités proportionnelles de tous les ordres d'intelligences de l'univers. La première grande décision de Jésus dans sa solitude concernait le point de savoir s'il utiliserait ou non ces puissantes personnalités dans le programme ultérieur de son ministère public sur Urantia.

136:5.2 Jésus décida qu'il n'utiliserait pas une seule personnalité de cette vaste assemblée, à moins qu'il ne devienne évident que ce soit la volonté de son Père. Nonobstant cette décision d'ordre général, cette nombreuse armée l'accompagna durant le reste de sa vie terrestre, toujours prête à obéir à la moindre expression de la volonté de son Souverain. Jésus n'apercevait pas constamment, avec ses yeux humains, ces personnalités accompagnatrices, mais son Ajusteur Personnalisé associé les voyait tout le temps et pouvait communiquer avec chacune d'elles.

136:5.3 Avant de descendre de sa retraite de quarante jours dans la montagne, Jésus confia le commandement immédiat de cette armée de personnalités de l'univers à son Ajusteur récemment personnalisé. Durant plus de quatre ans du temps d'Urantia, ces personnalités sélectionnées de chaque département des intelligences universelles opérèrent avec obéissance et respect sous la sage gouverne de ce Moniteur de Mystère Personnalisé. Cet Ajusteur expérimenté et supérieur avait jadis fait partie intégrante du Père et en possédait la nature. En prenant le commandement de la puissante assemblée, il donna à Jésus l'assurance qu'en aucun cas, il ne permettrait à ces agents suprahumains de servir ou de se manifester en liaison avec sa carrière terrestre ou en sa faveur, à moins qu'il ne soit manifeste que le Père souhaitait cette intervention. Ainsi, par une seule grande décision, Jésus se priva volontairement de toute coopération suprahumaine dans les affaires concernant le reste de sa carrière mortelle, à moins que le Père ne choisisse de son propre chef de participer à tel ou tel acte ou épisode des travaux terrestres du Fils.

136:5.4 En acceptant le commandement des armées de l'univers au service de Christ Micaël, l'Ajusteur Personnalisé prit grand soin de faire remarquer à Jésus que, par l'autorité déléguée du Créateur de ces personnalités de l'univers, il pouvait limiter les activités de leur assemblée dans l'espace, mais que ces restrictions seraient sans effet quant aux fonctions de ces créatures dans le temps. Cette restriction provenait du fait que les Ajusteurs sont des êtres indépendants du temps une fois qu'ils sont personnalisés. En conséquence, Jésus fut averti que le contrôle de toutes les intelligences vivantes placées sous le commandement de l'Ajusteur serait complet et parfait en tout ce qui concernait l'espace, mais qu'il n'était pas possible d'imposer des limitations aussi parfaites quant au temps. L'Ajusteur lui dit : « Comme tu me l'as commandé, j'interdirai, à cette armée d'intelligences universelles qui t'escorte, d'intervenir en quoi que ce soit dans ta carrière terrestre, sauf dans les cas où le Père du Paradis m'ordonnera de laisser opérer ces agents pour permettre d'accomplir sa volonté divine telle que tu l'auras choisie. La même exception s'appliquera dans les circonstances où ta volonté divine-humaine se sera engagée dans un choix ou dans un acte impliquant des dérogations à l'ordre terrestre naturel uniquement quant au temps. Dans tous les évènements dépendant du temps, je suis impuissant, et les créatures assemblées ici en perfection et en unité de pouvoir sont également impuissantes. Si tes deux natures unies éprouvent un jour de tels désirs, les manifestations de ton choix seront exécutées aussitôt. Ton souhait en toutes ces matières constituera l'abrègement du temps et la chose projetée est. Sous mon commandement, cela constitue la plus grande limitation qui puisse être imposée à ta souveraineté potentielle. Dans ma propre conscience, le temps n'existe pas, et c'est pourquoi je ne peux limiter tes créatures en rien qui s'y rapporte. »

136:5.5 Jésus fut ainsi informé des conséquences de sa résolution de continuer à vivre comme un homme parmi les hommes. Par une seule décision, il avait exclu, de toute participation à son ministère public ultérieur, toutes les armées des intelligences universelles qui l'escortaient, sauf dans les affaires concernant uniquement le temps. Il devient donc évident que toute manifestation qui pouvait accessoirement accompagner le ministère de Jésus de façon surnaturelle ou supposée suprahumaine, ne concernait que l'élimination du temps, à moins que le Père céleste n'en ait spécifiquement ordonné autrement. Nul miracle, nul ministère de miséricorde, nul autre évènement possible, survenant en liaison avec le reste de l'oeuvre terrestre de Jésus, ne pouvait avoir la nature ou le caractère d'un acte qui transcende les lois naturelles régissant normalement les affaires des hommes tels qu'ils vivent sur Urantia, excepté dans cette question expressément citée du temps. Bien entendu, aucune limite ne pouvait être imposée aux manifestations de « la volonté du Père » . L'élimination du temps, en liaison avec le désir exprimé de ce Souverain potentiel d'un univers, ne pouvait être évitée que par l'action directe et explicite de la volonté de cet homme-Dieu décidant que le temps lié à l'acte ou à l'évènement en question ne devait pas être abrégé ou éliminé. En vue d'empêcher la survenance de ce qui apparaîtrait comme des miracles liés au temps, Jésus devait rester constamment conscient du temps. Toute interruption de sa part dans sa conscience du temps, en liaison avec l'entretien d'un désir précis, équivalait à l'exécution de la chose conçue dans le mental de ce Fils Créateur, et cela sans intervention du temps.

136:5.6 Grâce au contrôle de supervision de son Ajusteur Personnalisé et associé, Micaël pouvait parfaitement limiter ses activités terrestres personnelles par rapport à l'espace, mais il n'était pas possible au Fils de l'Homme de limiter de la même manière par rapport au temps, son nouveau statut terrestre de Souverain potentiel de Nébadon. Tel était, en effet, le statut de Jésus de Nazareth lorsqu'il inaugura son ministère public sur Urantia.

136.6  La Seconde Décision

136:6.1 Ayant fixé sa politique au sujet de toutes les personnalités de toutes les classes de ses intelligences créées, dans la mesure où il pouvait la déterminer compte tenu du potentiel inhérent à son nouveau statut de divinité, Jésus orienta ensuite ses pensées sur lui-même. Maintenant qu'il était tout à fait autoconscient d'être le créateur de toutes les choses et créatures existant dans cet univers, qu'allait-il faire de ces prérogatives de créateur dans les situations de vie récurrentes qu'il allait rencontrer immédiatement quand il retournerait en Galilée pour reprendre son travail parmi les hommes ? En fait, et précisément là où il était, dans ces collines solitaires, ce problème s'était déjà imposé par la nécessité de se procurer de la nourriture. Le troisième jour de ses méditations solitaires, son corps humain eut faim. Jésus devait-il se mettre en quête d'aliments comme un homme ordinaire l'aurait fait, ou devait-il simplement exercer ses pouvoirs créatifs normaux et produire une nourriture corporelle convenable et toute préparée à portée de la main ? Cette grande décision du Maitre vous a été décrite comme une tentation - comme un défi lancé par des ennemis imaginaires pour qu'il « commande à ces pierres de se changer en pains » .

136:6.2 Jésus se fixa donc une nouvelle politique cohérente pour le reste de son oeuvre terrestre. Dans la mesure où cela concernait ses besoins personnels, et même en général dans ses relations avec d'autres personnalités, il choisit délibérément de poursuivre désormais le sentier de l'existence terrestre normale ; il prit nettement position contre une ligne de conduite qui transcenderait, outragerait ou violerait les lois naturelles établies par lui-même. Toutefois, comme il en avait déjà été averti par son Ajusteur Personnalisé, il ne pouvait s'engager à ce qu'en certaines circonstances concevables, ces lois naturelles ne soient susceptibles d'être grandement accélérées. Jésus décida qu'en principe, l'oeuvre de sa vie serait organisée et poursuivie conformément aux lois de la nature et en harmonie avec l'organisation sociale existante. Le Maitre choisit ainsi un programme de vie équivalant à une décision de s'opposer à avoir recours aux miracles et aux prodiges. De nouveau, il décida en faveur de « la volonté du Père » ; à nouveau, il remit toutes choses entre les mains de son Père du Paradis.

136:6.3 La nature humaine de Jésus lui dictait que son premier devoir était de préserver sa vie ; c'est le comportement normal de l'homme naturel sur les mondes de l'espace et du temps, donc une réaction légitime chez un mortel d'Urantia. Mais Jésus ne se préoccupait pas seulement de ce monde et de ses créatures. Il vivait une vie destinée à instruire et à inspirer les multiples créatures d'un vaste univers.

136:6.4 Avant l'illumination de son baptême, il avait vécu parfaitement soumis à la volonté et à la gouverne de son Père céleste. Il prit la décision énergique de continuer à vivre humainement dans la même dépendance implicite de la volonté du Père. Il décida de suivre une ligne de conduite antinaturelle en ne cherchant pas à préserver sa vie. Il choisit de continuer la politique consistant à refuser de se défendre. Il formula ses conclusions par les paroles des Écritures familières à son mental humain : « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » En arrivant à cette conclusion sur l'appétit de la nature physique se traduisant par la faim, le Fils de l'Homme fit son ultime déclaration au sujet de tous les autres besoins de la chair et des impulsions naturelles de la nature humaine.

136:6.5 Il pourrait peut-être utiliser son pouvoir suprahumain en faveur d'autrui, mais jamais pour lui-même. Il poursuivit cette politique avec persistance jusqu'à la dernière extrémité, lorsqu'un témoin de la crucifixion dit de lui d'un air moqueur : « Il a sauvé les autres, mais ne peut se sauver lui-même » - parce qu'il ne le voulait pas.

136:6.6 Les Juifs s'attendaient à un Messie qui accomplirait des prodiges encore plus grands que Moïse, qui était censé avoir fait jaillir de l'eau d'un rocher dans un lieu aride et avoir nourri leurs ancêtres dans le désert avec la manne. Jésus connaissait le genre de Messie que ses compatriotes espéraient, et il disposait de tous les pouvoirs et prérogatives pour être à la hauteur de leurs espérances les plus folles, mais il prit position contre ce magnifique programme de puissance et de gloire. Jésus considérait le programme attendu, celui de faire des miracles, comme un retour aux temps anciens de la magie ignorante et des pratiques barbares des guérisseurs sauvages. Peut-être, pour le salut de ses créatures, pourrait-il accélérer le jeu des lois naturelles, mais il ne voulait, en aucun cas, transcender ses propres lois, soit à son propre profit, soit pour inspirer un excès de crainte respectueuse à ses semblables. Et cette décision du Maitre fut définitive.

136:6.7 Jésus s'attrista pour ses compatriotes ; il comprenait pleinement comment ils avaient été conduits à espérer le Messie, à escompter l'époque où « la terre produira ses fruits par myriades, où il y aura mille sarments sur une vigne, où chaque sarment produira mille grappes, où chaque grappe produira mille raisins et où chaque raisin produira une outre de vin » . Les Juifs croyaient que le Messie inaugurerait une ère d'abondance miraculeuse. Les Hébreux avaient été longtemps élevés dans des traditions de miracles et des légendes de prodiges.

136:6.8 Mais Jésus n'était pas un Messie venant multiplier les pains et le vin. Il ne venait pas pourvoir uniquement aux besoins temporels. Il venait révéler son Père céleste à ses enfants terrestres, tout en cherchant à amener ses enfants terrestres à se joindre à lui dans un effort sincère pour vivre selon la volonté du Père qui est aux cieux.

136:6.9 Par cette décision, Jésus de Nazareth dépeignit aux spectateurs d'un univers la folie et le péché de prostituer des talents divins et des aptitudes données par Dieu à des ambitions personnelles ou à des profits et glorifications purement égoïstes. C'était là le péché de Lucifer et de Caligastia.

136:6.10 Cette grande décision de Jésus décrit, de façon saisissante, la vérité que, seuls et par eux-mêmes, les plaisirs sensuels et les satisfactions égoïstes sont incapables d'apporter le bonheur aux êtres humains évoluants. Dans l'existence mortelle, il existe des valeurs supérieures - maitrise intellectuelle et accomplissements spirituels - qui transcendent de loin la satisfaction nécessaire des appétits et besoins purement physiques de l'homme. Les dons humains naturels de talents et d'aptitudes devraient être principalement consacrés à développer et à ennoblir les pouvoirs humains supérieurs du mental et de l'esprit.

136:6.11 Jésus révéla ainsi, aux créatures de son univers, la technique de la voie nouvelle et meilleure, les valeurs morales supérieures de la vie, et les satisfactions spirituelles plus profondes de l'existence évolutionnaire humaine sur les mondes de l'espace.

136.7  La Troisième Décision

136:7.1 Après que Jésus eut pris ses décisions sur la manière de se nourrir, de pourvoir aux besoins de son corps physique et de veiller à sa santé et à celle de ses associés, il restait encore d'autres problèmes à résoudre. Comment se comporterait-il en face d'un danger personnel ? Il décida d'exercer une surveillance normale sur sa sécurité physique et de prendre des précautions raisonnables pour éviter la fin prématurée de sa carrière dans la chair, mais de s'abstenir de toute intervention suprahumaine au moment où la crise de sa vie incarnée se produirait. Tandis qu'il prenait cette décision, Jésus était assis à l'ombre d'un arbre sur un rebord rocheux surplombant un précipice droit devant lui. Il se rendit parfaitement compte que de cette corniche, il pouvait se jeter dans le vide sans qu'il lui arrive aucun mal, à condition de revenir sur sa première grande décision (de ne pas invoquer l'intervention de ses intelligences célestes pour accomplir l'oeuvre de sa vie sur Urantia) et à condition d'abroger sa seconde décision concernant son comportement au sujet de la préservation de sa vie.

136:7.2 Jésus savait que ses compatriotes attendaient un Messie qui transcenderait les lois naturelles. On lui avait bien enseigné le passage des Écritures disant : « Il ne t'adviendra aucun mal et nulle plaie n'approchera de ta demeure, car il te confiera aux soins de ses anges pour qu'ils te gardent dans toutes tes voies. Ils te porteront dans leurs mains de crainte que tu ne heurtes ton pied contre une pierre. » Cette sorte de présomption, ce défi à la loi de gravitation de son Père, seraient-ils justifiés en vue de se protéger d'un mal possible, ou peut-être de gagner la confiance de son peuple mal instruit et égaré ? Si satisfaisante qu'elle pût être pour les Juifs recherchant des signes, cette ligne de conduite ne constituerait pas une révélation de son Père, mais une douteuse manipulation des lois établies de l'univers des univers.

136:7.3 Comprenant tout cela, et sachant que le Maitre refusait d'oeuvrer au mépris des lois de la nature qu'il avait établies, dans la mesure où il s'agissait de sa conduite personnelle, vous savez avec certitude qu'il ne marcha jamais sur les eaux et ne fit jamais rien qui ait violé l'ordre matériel de l'administration du monde. Bien entendu, il faut toujours garder présent à la pensée le fait qu'aucun procédé n'avait encore été découvert pour le délivrer entièrement du manque de contrôle sur l'élément temps en liaison avec les affaires confiées à la juridiction de l'Ajusteur Personnalisé.

136:7.4 Durant toute sa vie terrestre, Jésus resta constamment fidèle à cette décision. Ainsi, quand les pharisiens lui reprochèrent avec mépris de ne pas donner un signe, ou que ceux qui l'observaient au Calvaire le mirent au défi de descendre de la croix, il maintint fermement la décision prise à cette heure sur le flanc de la montagne.

136.8  La Quatrième Décision

136:8.1 Le grand problème suivant dont eut à débattre cet homme-Dieu, et qu'il résolut bientôt conformément à la volonté du Père céleste, concernait la question de savoir s'il devait ou non employer ses pouvoirs suprahumains pour attirer l'attention et gagner l'adhésion de ses contemporains. Devait-il, dans une mesure quelconque, laisser ses pouvoirs universels satisfaire la nostalgie des Juifs pour le spectaculaire et le merveilleux ? Jésus décida qu'il ne ferait rien de tel. Pour porter sa mission à la connaissance des hommes, il fixa son choix sur une méthode éliminant toutes ces pratiques, et il vécut de façon constante suivant cette grande décision. Même dans les nombreux cas où il autorisa des manifestations de miséricorde comportant un raccourcissement du temps, il recommanda presque invariablement aux bénéficiaires de son ministère curatif de ne raconter à personne le profit qu'ils en avaient tiré. Il refusa toujours le défi sarcastique de ses ennemis lui disant « montre-nous un signe » comme preuve et démonstration de sa divinité.

136:8.2 Jésus prévoyait fort sagement que l'accomplissement de miracles et l'exécution de prodiges n'évoqueraient qu'une allégeance extérieure en provoquant un excès de crainte dans le mental matériel ; de telles performances ne révéleraient pas Dieu et ne sauveraient pas les hommes. Il refusa de devenir un simple faiseur de prodiges. Il résolut de se limiter à une tâche unique - l'établissement du royaume des cieux.

136:8.3 Durant tout cet important dialogue de Jésus communiant avec lui-même, l'élément humain d'interrogation frisant le doute faisait sentir sa présence, car Jésus était un homme aussi bien qu'un Dieu. Il était évident que les Juifs ne l'accepteraient jamais comme Messie s'il ne faisait pas de prodiges. En outre, s'il voulait consentir à faire seulement une chose surnaturelle, le mental humain saurait avec certitude que c'était par subordination à un mental vraiment divin. Pour le mental divin, serait-ce compatible avec « la volonté du Père » de faire cette concession à la nature dubitative du mental humain ? Jésus décida que ce serait incompatible et cita la présence de l'Ajusteur Personnalisé comme preuve suffisante de divinité associée à l'humanité.

136:8.4 Jésus avait beaucoup voyagé. Il se rappelait Rome, Alexandrie et Damas. Il connaissait les méthodes du monde - la manière dont les gens parviennent à leurs fins, en politique et dans les affaires, par compromis et diplomatie. Utiliserait-il cette connaissance pour l'avancement de sa mission dans le monde ? Non ! Il prit également parti contre tout compromis avec la sagesse du monde et avec l'influence des richesses pour l'établissement du royaume. De nouveau, il choisit de dépendre exclusivement de la volonté du Père.

136:8.5 Jésus se rendait pleinement compte qu'il pouvait exercer l'un de ses pouvoirs par une voie directe plus courte. Il connaissait nombre de procédés permettant de focaliser immédiatement sur lui l'attention de la nation et du monde entier. La Pâque allait bientôt être célébrée à Jérusalem ; la ville serait bondée de visiteurs. Jésus pouvait monter sur le pinacle du temple et, devant la multitude ahurie, marcher dans les airs. C'était le genre de Messie que les Juifs recherchaient, mais ultérieurement il les décevrait, car il n'était pas venu pour rétablir le trône de David. Et il connaissait la futilité de la méthode de Caligastia consistant à essayer d'anticiper sur la manière naturelle, lente et sûre, d'accomplir le dessein divin. De nouveau, le Fils de l'Homme s'inclina avec obéissance devant la voie du Père, la volonté du Père.

136:8.6 Jésus choisit d'établir le royaume des cieux dans le coeur des hommes par des méthodes naturelles, ordinaires, difficiles et éprouvantes, simplement par les procédés que ses enfants terrestres devront suivre ultérieurement dans leurs travaux pour élargir et étendre ce royaume des cieux. Le Fils de l'Homme savait parfaitement que ce serait « par bien des tribulations que de nombreux enfants de tous les temps entreraient dans le royaume » . Jésus passait maintenant par la grande épreuve des hommes civilisés, consistant à détenir le pouvoir et à refuser fermement de s'en servir pour des desseins purement égoïstes ou personnels.

136:8.7 En étudiant la vie et l'expérience du Fils de l'Homme, il faut toujours se souvenir que le Fils de Dieu était incarné dans le mental d'un être humain du premier siècle, et non dans le mental d'un mortel du vingtième siècle ou d'un autre siècle. En cela, nous cherchons à communiquer l'idée que les dons humains de Jésus avaient été acquis par la voie naturelle. Jésus était le produit des facteurs héréditaires et ambiants de son temps, accrus de l'influence de son éducation et de son instruction. Son humanité était authentique et naturelle ; elle dérivait entièrement des antécédents du statut intellectuel d'alors et des conditions sociales et économiques de cette époque et de cette génération, et elle était entretenue par eux. Dans l'expérience de cet homme-Dieu, il subsistait toujours la possibilité que le mental divin transcenderait l'intellect humain ; néanmoins, dans les circonstances où ce mental humain fonctionnait, c'était comme le ferait un véritable mental temporel dans les conditions de l'entourage humain de l'époque.

136:8.8 Jésus dépeignit à tous les mondes de son vaste univers, la folie de créer des situations artificielles dans le dessein de faire montre d'une autorité arbitraire, ou encore de se laisser aller à se servir d'un pouvoir exceptionnel en vue de rehausser des valeurs morales ou d'accélérer des progrès spirituels. Jésus décida qu'au cours de sa mission terrestre, il ne se prêterait pas à répéter la déception du règne des Macchabées. Il refusa de prostituer ses attributs divins à l'acquisition d'une popularité imméritée ou à un gain de prestige politique. Il ne voulut pas sanctionner la transmutation d'énergie divine et créative en puissance nationale ou en prestige international. Jésus de Nazareth refusa tout compromis avec le mal, et encore plus toute association avec le péché. Le Maitre plaça triomphalement la fidélité à la volonté de son Père au-dessus de toute autre considération terrestre et temporelle.

136.9  La Cinquième Décision

136:9.1 Ayant réglé les questions de politique concernant ses relations personnelles avec les lois de la nature et le pouvoir spirituel, il tourna son attention sur le choix des méthodes à employer pour proclamer et établir le royaume de Dieu. Jean avait déjà commencé cette oeuvre ; comment Jésus pouvait-il continuer le message ? Comment devait-il prendre la suite de la mission de Jean ? Comment fallait-il organiser son groupe de fidèles en vue d'un effort efficace et d'une coopération intelligente ? Jésus en arrivait maintenant à la décision finale qui lui interdirait de se considérer désormais comme le Messie des Juifs, tout au moins selon la conception populaire du Messie à cette époque.

136:9.2 Les Juifs envisageaient un libérateur qui viendrait avec un pouvoir miraculeux abattre les ennemis d'Israël et établir les Juifs, libérés de la misère et de l'oppression, comme dirigeants du monde. Jésus savait que cet espoir ne se réaliserait jamais. Il savait que le royaume des cieux concerne la victoire sur le mal dans le coeur des hommes, et qu'il est purement une affaire d'ordre spirituel. Il médita sur l'opportunité d'inaugurer le royaume spirituel par une brillante et éblouissante démonstration de pouvoir - cette ligne de conduite aurait été admissible et entièrement conforme à la juridiction de Micaël - mais il prit complètement position contre ce plan. Il ne voulait pas de compromis avec les techniques révolutionnaires de Caligastia. Jésus avait potentiellement gagné le monde en se soumettant à la volonté du Père ; il se proposa d'achever son oeuvre comme il l'avait commencée, et en tant que Fils de l'Homme.

136:9.3 On ne peut guère s'imaginer ce qui se serait passé sur Urantia si cet homme-Dieu, désormais potentiellement investi de tout pouvoir dans le ciel et sur terre, s'était décidé à déployer une fois l'étendard de la souveraineté, à disposer en ordre de bataille ces légions opérant des prodiges ! Mais il refusa le compromis. Il ne voulait pas servir le mal en laissant supposer que l'adoration de Dieu puisse en résulter. Il resterait fidèle à la volonté du Père. Il proclamerait à un univers qui l'observait : « Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. »

136:9.4 À mesure que les jours passaient, Jésus percevait de plus en plus clairement quelle sorte de révélateur de vérité il allait devenir. Il discerna que les voies de Dieu n'allaient pas être le chemin facile. Il commença à se rendre compte que le reste de son expérience humaine pourrait être une coupe amère, mais il décida de la boire.

136:9.5 Même son mental humain dit adieu au trône de David. Pas à pas, il suit le sentier du mental divin ; il pose encore des questions, mais accepte invariablement les réponses divines comme règle finale dans cette double existence où il vit comme un homme dans le monde, tout en se soumettant constamment, sans réserve, à l'accomplissement de l'éternelle et divine volonté du Père.

136:9.6 Rome était maitresse du monde occidental. Le Fils de l'Homme, maintenant dans sa solitude, prenant ces mémorables décisions, avec les armées du ciel à ses ordres, représentait, pour les Juifs, la dernière chance de parvenir à dominer le monde ; mais ce Juif de naissance, qui possédait une sagesse et un pouvoir aussi prodigieux, ne voulut employer ses dons universels ni pour s'élever personnellement ni pour mettre son peuple sur le trône. Il voyait pour ainsi dire « les royaumes du monde » et avait le pouvoir de s'en emparer. Les Très Hauts d'Édentia avaient remis tous ces pouvoirs entre ses mains, mais il n'en voulut pas. Les royaumes terrestres étaient trop futiles pour intéresser le Créateur et Souverain d'un univers. Il n'avait qu'un seul objectif, poursuivre la révélation de Dieu aux hommes et l'établissement du royaume des cieux, le règne du Père céleste, dans le coeur des hommes.

136:9.7 Les idées de batailles, de luttes, de massacres répugnaient à Jésus. Il ne voulait rien de tout cela. Il voulait se montrer sur terre en tant que Prince de la Paix pour révéler un Dieu d'amour. Avant son baptême, il avait refusé une seconde fois l'offre de diriger les zélotes dans leur rébellion contre les oppresseurs romains. Maintenant, Jésus prit sa décision finale se rapportant à certains passages des Écritures que sa mère lui avait enseignés, tels que : « Le Seigneur m'a dit : `tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui. Demande-moi et je te donnerai les païens pour héritage et les confins de la terre pour possession. Tu les briseras avec un sceptre de fer ; tu les mettras en pièces comme un vase de potier.' »

136:9.8 Jésus de Nazareth parvint à la conclusion que ces citations ne le concernaient pas. Enfin, et une fois pour toutes, le mental humain du Fils de l'Homme balaya complètement toutes ces difficultés et contradictions messianiques - Écritures hébraïques, éducation par les parents, instruction des chazans, espoirs des Juifs et ambitieux désirs humains. Une fois pour toutes, il décida de sa ligne de conduite : il retournerait en Galilée et y commencerait tranquillement la proclamation du royaume ; il ferait confiance à son Père (l'Ajusteur Personnalisé) pour élaborer les détails quotidiens d'exécution.

136:9.9 Par ces décisions, Jésus donna un noble exemple, pour toutes les personnes de tous les mondes d'un vaste univers, en refusant de faire usage d'épreuves matérielles comme preuves dans des problèmes spirituels, en refusant de défier présomptueusement les lois naturelles. Et, quand il refusa de s'emparer du pouvoir temporel comme prélude à la gloire spirituelle, il donna un exemple inspirant de loyalisme universel et de noblesse morale.

136:9.10 Si le Fils de l'Homme avait eu des doutes sur sa mission et la nature de celle-ci quand il alla dans les collines après son baptême, il n'en avait plus aucun lorsqu'il revint vers ses compagnons après les quarante jours de solitude et de décisions.

136:9.11 Jésus avait formulé un programme pour établir le royaume du Père ; il n'allait pas pourvoir aux satisfactions physiques du peuple. Il ne distribuerait pas de pain aux foules comme il l'avait vu faire si récemment à Rome. Il n'attirerait pas l'attention sur lui en faisant des prodiges, même si c'était précisément cela que les Juifs attendaient d'un libérateur. Il ne chercherait pas non plus à faire accepter son message spirituel par un étalage d'autorité politique ou de pouvoir temporel.

136:9.12 En rejetant ces méthodes susceptibles de rehausser le royaume à venir aux yeux des Juifs qui l'attendaient, Jésus était sûr que ces mêmes Juifs rejetteraient certainement et définitivement toutes ses prétentions à l'autorité et à la divinité. Sachant tout cela, Jésus chercha longtemps à empêcher ses premiers disciples de parler de lui comme du Messie.

136:9.13 Durant tout son ministère public, il fut obligé de faire face à trois situations constamment récurrentes : la clameur pour être nourri, l'insistance pour voir des miracles et la requête finale de ses partisans demandant la permission de le faire roi. Mais Jésus ne s'écarta jamais des décisions qu'il avait prises durant ces jours de solitude dans les montagnes de Pérée.

136.10  La Sixième Décision

136:10.1 Le dernier jour de cet isolement mémorable, avant de descendre des collines pour rejoindre Jean et ses disciples, le Fils de l'Homme prit son ultime décision. Il la communiqua à son Ajusteur Personnalisé en ces termes : « Pour toutes les autres questions, comme pour celles dont la décision est maintenant enregistrée, je m'engage envers toi à me soumettre à la volonté de mon Père. » Après avoir ainsi parlé, il redescendit de la montagne avec un visage rayonnant de la gloire des victoires spirituelles et des accomplissements moraux.

137. Séjour d'attente en Galilée

137:0.1 DE BONNE heure le samedi matin 23 février de l'an 26, Jésus descendit des collines pour rejoindre le groupe des fidèles de Jean qui campaient à Pella. Toute la journée Jésus se mêla à la foule. Il soigna un garçon qui s'était blessé en faisant une chute et se rendit à Pella, le village voisin, pour remettre l'enfant en toute sécurité aux mains de ses parents.

137.1  Le Choix des Quatre Premiers Apôtres

137:1.1 Durant ce sabbat, deux des principaux disciples de Jean passèrent beaucoup de temps avec Jésus. De tous les partisans de Jean, un dénommé André fut le plus profondément impressionné par Jésus ; il l'accompagna à Pella avec le garçon blessé. Sur le chemin de retour vers le lieu où Jean baptisait, il posa de nombreuses questions à Jésus. Juste avant d'arriver à destination, ils s'arrêtèrent tous deux pour un bref entretien durant lequel André dit : « Je t'ai constamment observé depuis que tu es venu à Capharnaüm, et je crois que tu es le nouvel Instructeur. Bien que je ne comprenne pas tout ton enseignement, je suis pleinement décidé à te suivre. Je voudrais m'asseoir à tes pieds et apprendre toute la vérité au sujet du nouveau royaume. » Avec une chaleureuse confiance, Jésus accueillit André comme premier apôtre de ce groupe des douze qui devaient travailler avec lui à établir le nouveau royaume de Dieu dans le coeur des hommes.

137:1.2 André avait silencieusement observé le travail de Jean le Baptiste et croyait sincèrement en lui. Il avait un frère très capable et enthousiaste, nommé Simon, qui était au premier rang des disciples de Jean ; on peut même dire que Simon était l'un des principaux soutiens de Jean.

137:1.3 Peu après le retour de Jésus et d'André au camp, André chercha son frère Simon et le prit à part ; il l'informa qu'il était personnellement convaincu que Jésus était le grand Instructeur, et qu'il s'était engagé à être son disciple. Il poursuivit en disant que Jésus avait accepté son offre de service et suggéra que lui (Simon) aille également trouver Jésus et se propose comme compagnon au service du nouveau royaume. Simon répondit : « Depuis le moment où cet homme est venu travailler à l'atelier de Zébédée, j'ai pensé qu'il était envoyé par Dieu, mais que faire vis-à-vis de Jean ? Devons-nous l'abandonner ? Est-ce vraiment juste ? » Ils décidèrent alors, sur-le-champ, d'aller consulter Jean. Jean fut attristé à la pensée de perdre deux de ses conseillers les plus capables et de ses disciples les plus prometteurs, mais il répondit courageusement à leur demande en disant : « Nous n'en sommes qu'au commencement. Mon travail va bientôt prendre fin, et nous deviendrons tous ses disciples. » Alors, André fit signe à Jésus de venir et lui annonça en aparté que son frère désirait entrer au service du nouveau royaume. En accueillant Simon comme son second apôtre, Jésus dit : « Simon, ton enthousiasme est louable, mais dangereux pour le travail du royaume. Je te préviens qu'il faut être réfléchi dans tes paroles. Je vais changer ton nom en celui de Pierre. »

137:1.4 Les parents du garçonnet blessé, qui vivaient à Pella, avaient demandé à Jésus de passer la nuit chez eux et de s'y considérer comme chez lui, et Jésus avait promis de venir. Avant de quitter André et son frère, il leur dit : « Tôt demain matin, nous irons en Galilée. »

137:1.5 Après que Jésus fut retourné à Pella pour la nuit, et tandis qu'André et Simon discutaient encore la nature de leur service dans l'établissement du prochain royaume, Jacques et Jean, les fils de Zébédée arrivèrent sur les lieux. Ils venaient de rentrer de leur longue et vaine recherche de Jésus dans les collines. Lorsqu'ils entendirent Simon Pierre leur raconter comment lui et son frère André étaient devenus les premiers conseillers agréés du nouveau royaume et qu'ils devaient partir, le lendemain matin, avec leur nouveau Maitre pour la Galilée, Jacques et Jean furent tous deux attristés. Ils connaissaient Jésus depuis assez longtemps et l'aimaient. Ils l'avaient cherché plusieurs jours dans les collines et, maintenant, ils revenaient pour apprendre que d'autres avaient été choisis avant eux. Ils demandèrent où était allé Jésus et se hâtèrent de le rejoindre.

137:1.6 Jésus dormait lorsqu'ils atteignirent sa demeure, mais ils le réveillèrent en disant : « Pendant que nous, qui avons si longtemps vécu avec toi, nous explorions les collines à ta recherche, comment se fait-il que tu aies donné la préférence à d'autres et choisi André et Simon comme les premiers associés pour le nouveau royaume ? » Jésus répondit : « Ayez le coeur calme et demandez-vous qui vous a ordonné de rechercher le Fils de l'Homme pendant qu'il vaquait aux affaires de son Père. » Après qu'ils lui eurent raconté les détails de leur longue recherche dans les collines, Jésus poursuivit ses instructions : « Vous devriez apprendre à chercher dans votre coeur, et non dans les collines, le secret du nouveau royaume. Ce que vous cherchiez était déjà présent dans votre âme. Vous êtes en vérité mes frères - vous n'aviez pas besoin que je vous agrée - vous apparteniez déjà au royaume. Ayez bon courage et préparez-vous aussi à nous accompagner demain matin en Galilée. » Jean s'enhardit alors à demander : « Mais, Maitre, Jacques et moi serons-nous tes associés dans le nouveau royaume au même titre qu'André et Simon ? » Jésus posa une main sur l'épaule de chacun d'eux et dit : « Mes frères, vous étiez déjà avec moi dans l'esprit du royaume, même avant que les deux autres aient demandé à y être admis. Vous, mes frères, vous n'avez pas besoin de présenter une requête pour entrer dans le royaume ; vous y avez été avec moi depuis le commencement. Devant les hommes, d'autres peuvent avoir priorité sur vous, mais, dans mon coeur, je vous admettais aussi dans les conseils du royaume avant même que vous ayez songé à me le demander. Vous auriez même pu être les premiers devant les hommes si vous ne vous étiez pas absentés pour la tâche bien intentionnée, mais fixée par vous-mêmes, de rechercher quelqu'un qui n'était nullement perdu. Dans le royaume à venir, ne vous occupez pas des choses qui entretiennent votre anxiété, mais plutôt occupez-vous en tout temps de faire la volonté du Père qui est aux cieux. »

137:1.7 Jacques et Jean acceptèrent de bonne grâce la réprimande et ne furent plus jamais envieux d'André et de Simon. Ils se préparèrent à partir le lendemain matin pour la Galilée avec les deux autres apôtres. À partir de ce jour-là, le mot apôtre fut employé pour distinguer la famille élue des conseillers de Jésus d'avec la vaste multitude des disciples croyants qui le suivirent ultérieurement.

137:1.8 Tard dans la soirée, Jacques, Jean, André et Simon eurent un entretien avec Jean le Baptiste. Avec des larmes aux yeux mais une voix ferme, le vaillant prophète judéen abandonna deux de ses principaux disciples pour leur permettre de devenir les apôtres du Prince galiléen du royaume à venir.

137.2  Le Choix de Philippe et de Nathanael

137:2.1 Le dimanche matin 24 février de l'an 26, Jésus prit congé de Jean le Baptiste au bord du fleuve près de Pella, et ne le revit plus jamais dans la chair.

137:2.2 Ce jour-là, tandis que Jésus et ses quatre disciples-apôtres partaient pour la Galilée, un grand tumulte s'éleva dans le camp des fidèles de Jean. La première grande division allait avoir lieu. La veille, Jean avait positivement annoncé à André et à Ezra que Jésus était le Libérateur. André décida de suivre Jésus, mais Ezra récusa le charpentier de Nazareth aux manières affables en disant à ses compagnons : « Le prophète Daniel déclare que le Fils de l'Homme viendra sur les nuées du ciel, en puissance et en grande gloire. Ce charpentier de Galilée, ce constructeur de bateaux de Capharnaüm, ne saurait être le Libérateur. Un tel don de Dieu peut-il sortir de Nazareth ? Ce Jésus est un cousin de Jean, et notre maitre a été trompé par excès de sentimentalité. Restons à l'écart de ce faux Messie. » Lorsque Jean le réprimanda pour ces propos, Ezra se retira avec de nombreux disciples et partit hâtivement vers le sud. Ce groupe continua à baptiser au nom de Jean et fonda finalement une secte dont les membres avaient foi en Jean, mais refusaient d'accepter Jésus. Un reste de ce groupe persiste encore aujourd'hui en Mésopotamie.

137:2.3 Tandis que ces troubles couvaient parmi les partisans de Jean, Jésus et ses quatre disciples-apôtres avançaient rapidement vers la Galilée. Avant de traverser le Jourdain pour aller à Nazareth par Naïn, Jésus regarda devant lui la route montante et vit venir vers lui un certain Philippe de Bethsaïde, accompagné d'un ami. Jésus avait connu Philippe autrefois, et les quatre nouveaux apôtres le connaissaient également. Philippe faisait route avec son ami Nathanael pour voir Jean à Pella et pour mieux s'informer de l'avènement annoncé du royaume de Dieu ; il fut enchanté de saluer Jésus, qu'il avait toujours admiré depuis la première visite de celui-ci à Capharnaüm. Par contre, Nathanael, qui vivait à Cana en Galilée, ne connaissait pas Jésus. Philippe s'avança pour saluer ses amis, tandis que Nathanael se reposait à l'ombre d'un arbre sur le bord de la route.

137:2.4 Pierre prit Philippe à part et entreprit de lui expliquer que lui-même, André, Jacques et Jean étaient tous devenus des associés de Jésus dans le nouveau royaume ; il incita vivement Philippe à s'enrôler au service de la cause. Philippe se trouva dans une impasse. Que devait-il faire ? Ici, sans le moindre préavis - sur le bord de la route voisine du Jourdain - se posait la plus importante question de la vie d'un homme, et il fallait prendre une décision immédiate. Tandis que Philippe se trouvait engagé dans une sérieuse conversation avec Pierre, André et Jean, Jésus esquissait à Jacques la route à suivre à travers la Galilée jusqu'à Capharnaüm. Finalement, André suggéra à Philippe : « Pourquoi ne pas demander au Maitre ? »

137:2.5 Philippe se rendit subitement compte que Jésus était réellement un grand homme, peut-être le Messie, et il décida de se conformer à la décision de Jésus en la matière. Il alla droit à lui et lui demanda : « Maitre, dois-je aller vers Jean ou me joindre à mes amis qui te suivent ? » Et Jésus répondit : « Suis-moi. » Philippe fut galvanisé par la certitude qu'il avait découvert le Libérateur.

137:2.6 Philippe fit alors signe au groupe de rester sur place, tandis qu'il courait annoncer sa décision à son ami Nathanael, resté en arrière sous le murier et réfléchissant à tout ce qu'il avait entendu, au sujet de Jean le Baptiste, du royaume à venir et du Messie attendu. Philippe fit irruption dans cette méditation en s'écriant : « J'ai trouvé le Libérateur, celui dont Moïse et les prophètes ont parlé et que Jean a proclamé. » Nathanael leva les yeux et s'enquit : « D'où vient ce maitre ? » Et Philippe répliqua : « C'est Jésus de Nazareth, le fils de Joseph, le charpentier, venu plus récemment demeurer à Capharnaüm. » Alors Nathanael, quelque peu choqué, demanda : « Une chose aussi bonne peut-elle sortir de Nazareth ? » Philippe, le prenant par le bras, dit : « Viens et vois. »

137:2.7 Philippe conduisit Nathanael à Jésus, qui regarda en face avec bienveillance cet homme sincère qui doutait et dit : « Voici un véritable Israélite en qui il n'y a pas de fausseté. Suis-moi. » Nathanael se tourna vers Philippe et dit : « Tu as raison. Il est en vérité un conducteur d'hommes. Je le suivrai aussi si j'en suis digne. » Jésus fit un signe de tête affirmatif à Nathanael et répéta : « Suis-moi. »

137:2.8 Jésus avait maintenant rassemblé la moitié de son futur corps de collaborateurs intimes, cinq qui le connaissaient depuis un certain temps et un étranger, Nathanael. Sans plus attendre, ils traversèrent le Jourdain, passèrent par le village de Naïn et arrivèrent tard, dans la soirée, à Nazareth.

137:2.9 Ils passèrent tous la nuit chez Joseph dans la maison d'enfance de Jésus. Les compagnons de Jésus ne comprirent pas très bien pourquoi leur maitre récemment découvert était si préoccupé de détruire complètement tous les vestiges de son écriture qui subsistaient dans la maison sous la forme des dix commandements et d'autres devises et préceptes. Mais cette façon d'agir, ajoutée au fait qu'ils ne le virent plus jamais écrire - sauf dans la poussière ou sur le sable - fit une profonde impression sur leur mental.

137.3  La Visite à Capharnaüm

137:3.1 Le lendemain, Jésus envoya ses apôtres à Cana, car ils étaient tous invités au mariage d'une jeune fille très en vue de cette ville, tandis que lui-même se préparait à rendre une visite hâtive à sa mère à Capharnaüm, en s'arrêtant à Magdala pour voir son frère Jude.

137:3.2 Avant de quitter Nazareth, les nouveaux associés de Jésus racontèrent, à Joseph et à d'autres membres de la famille de Jésus, les merveilleux évènements de ce récent passé et exprimèrent franchement leur croyance que Jésus était le libérateur longtemps attendu. Ces membres de la famille de Jésus débattirent la question, et Joseph dit : « Après tout, il se peut que Mère ait eu raison - que notre étrange frère soit le roi à venir. »

137:3.3 Jude avait assisté au baptême de Jésus et, avec son frère Jacques, il s'était mis à croire fermement à la mission terrestre de Jésus. Jacques et Jude étaient tous deux très perplexes au sujet de la nature de la mission de leur frère ; par contre, l'ancienne espérance que Jésus était le Messie, le fils de David, renaissait chez sa mère, et elle encourageait ses fils à avoir foi en leur frère en tant que libérateur d'Israël.

137:3.4 Jésus arriva le lundi soir à Capharnaüm, mais ne se rendit pas à son propre foyer, où vivaient Jacques et sa mère ; il alla directement chez Zébédée. Tous ses amis de Capharnaüm virent un grand et agréable changement en lui. Une fois de plus, il paraissait relativement gai et plus semblable à ce qu'il avait été durant ses premières années à Nazareth. Pendant des années avant son baptême et pendant les périodes d'isolement qui l'avaient immédiatement précédé et suivi, Jésus était devenu de plus en plus grave et réservé. Maintenant, pour eux tous, il semblait être redevenu comme autrefois. Il y avait en lui quelque chose de majestueux, d'imposant et d'un aspect supérieur, mais il était de nouveau allègre et joyeux.

137:3.5 Marie frémissait d'espérance. Elle croyait que la promesse de Gabriel était près de se réaliser. Elle s'attendait à voir bientôt toute la Palestine saisie et frappée de stupeur par la révélation miraculeuse de son fils en tant que roi surnaturel des Juifs. Mais, aux nombreuses questions que lui posèrent sa mère, Jacques, Jude et Zébédée, Jésus se borna à répondre en souriant : « Il est préférable que je reste ici pendant un temps ; il faut que je fasse la volonté de mon Père qui est aux cieux. »

137:3.6 Le lendemain mardi, ils allèrent tous à Cana pour le mariage de Naomi, qui devait avoir lieu le jour suivant. Malgré les avertissements réitérés de Jésus de ne parler de lui à personne « jusqu'à ce que l'heure du Père soit venue » , ils persistèrent à répandre discrètement la nouvelle qu'ils avaient trouvé le Libérateur. Chacun d'eux s'attendait avec confiance à ce que Jésus assume pour la première fois son autorité messianique lors du prochain mariage à Cana, et à ce qu'il le fasse avec une grande puissance et une sublime grandeur. Ils se rappelaient ce qu'on leur avait dit des phénomènes qui avaient accompagné son baptême, et ils croyaient que sa future carrière sur terre serait marquée par des manifestations croissantes de merveilles surnaturelles et de démonstrations miraculeuses. En conséquence, tout le pays se prépara à se réunir à Cana pour les noces de Naomi et de Johab, fils de Nathan.

137:3.7 Marie n'avait pas été aussi joyeuse depuis des années. Elle se rendit à Cana dans l'état d'esprit d'une reine-mère allant assister au couronnement de son fils. Depuis que Jésus avait eu treize ans, jamais sa famille et ses amis ne l'avaient vu aussi insouciant et heureux, aussi prévenant et compréhensif des voeux et désirs de ses compagnons, aussi touchant de sympathie. Ils chuchotaient donc par petits groupes, se demandant ce qui allait arriver. Quel serait le prochain acte de cet étrange personnage ? Comment inaugurerait-il la gloire du royaume à venir ? Et ils étaient tous surexcités à l'idée qu'ils allaient être présents pour assister à la révélation de la puissance et du pouvoir du Dieu d'Israël.

137.4  Les Noces de Cana

137:4.1 Le mercredi vers midi, près d'un millier de convives étaient arrivés à Cana, plus de quatre fois le nombre des invités aux noces. Les Juifs avaient coutume de célébrer les mariages le mercredi, et les invitations avaient été envoyées un mois d'avance. Dans la matinée et au début de l'après-midi, la fête ressembla plus à une réception publique pour Jésus qu'à des noces. Chacun voulait saluer ce Galiléen presque célèbre, qui les accueillait tous si cordialement, jeunes et vieux, Juifs et Gentils. Tout le monde se réjouit lorsque Jésus accepta de conduire la procession précédant le mariage.

137:4.2 Jésus était désormais tout à fait conscient de soi au sujet de son existence humaine, de sa préexistence divine, et du statut de ses natures humaine et divine conjuguées ou fusionnées. Avec un parfait équilibre, il pouvait, à tout moment, jouer le rôle humain ou reprendre immédiatement les prérogatives personnelles de la nature divine.

137:4.3 Tandis que la journée s'avançait, Jésus se rendit de plus en plus compte que les convives s'attendaient à le voir accomplir quelque miracle ; il comprit plus spécialement que sa famille et ses six disciples-apôtres comptaient sur lui pour annoncer son prochain royaume d'une manière appropriée par une manifestation saisissante et surnaturelle.

137:4.4 Tôt dans l'après-midi, Marie appela Jacques, et ensemble ils s'enhardirent à interroger Jésus pour lui demander s'il voulait les mettre dans sa confidence et les renseigner sur le lieu et le moment de la cérémonie du mariage où il avait projeté de se manifester en tant que « l'être surnaturel » . Aussitôt qu'ils eurent abordé cette question avec Jésus, ils virent qu'ils avaient suscité son indignation caractéristique. Il répondit simplement : « Si vous m'aimez, ayez la patience de demeurer avec moi tandis que je suis au service de la volonté de mon Père qui est aux cieux. » Mais l'éloquence de son reproche résidait dans l'expression de son visage.

137:4.5 Jésus fut humainement très déçu par cette initiative de sa mère, et il fut dégrisé par sa propre réaction à la suggestion de se prêter au caprice de quelque manifestation extérieure de sa divinité. C'était précisément l'une des choses qu'au cours de son récent isolement dans les collines, il avait décidé de ne pas faire. Durant plusieurs heures, Marie fut très déprimée. Elle dit à Jacques : « Je ne puis le comprendre. Que signifie tout cela ? N'y aura-t-il pas de fin à son étrange conduite ? » Jacques et Jude tentèrent de consoler leur mère, tandis que Jésus se retirait pour une heure de solitude. Mais il revint à la réunion, de nouveau allègre et joyeux.

137:4.6 Le mariage eut lieu dans une atmosphère d'attente silencieuse, mais, à la fin de la cérémonie, l'hôte d'honneur n'avait ni fait un geste ni dit un mot. Alors, on chuchota que le charpentier et constructeur de bateaux, proclamé par Jean comme « le Libérateur » , abattrait son jeu durant les fêtes du soir, peut-être au diner de noces. Mais Jésus ôta toute espérance d'une démonstration de cet ordre du mental de ses six disciples-apôtres en les réunissant juste avant le diner pour leur dire très sérieusement : « Ne croyez pas que je sois venu en ce lieu pour accomplir quelque prodige, pour satisfaire les curieux, ou convaincre ceux qui doutent. Nous sommes plutôt ici au service de la volonté de notre Père qui est aux cieux. » Lorsque Marie et les autres le virent en consultation avec ses associés, ils furent au contraire persuadés qu'un évènement extraordinaire était imminent. Ils s'assirent tous à la table du diner pour jouir en bonne compagnie du repas et de la soirée de fête.

137:4.7 Le père du marié avait fourni du vin en abondance pour tous les hôtes invités aux noces, mais comment aurait-il pu savoir que le mariage de son fils allait devenir un évènement aussi étroitement lié à la manifestation attendue de Jésus en tant que libérateur messianique ? Il était enchanté d'avoir l'honneur de compter le célèbre Galiléen parmi ses hôtes, mais, avant la fin du diner, les serviteurs lui apportèrent la nouvelle déconcertante que l'on se trouvait à court de vin. Lorsque le diner officiel fut terminé et que les invités commençaient à se répandre dans le jardin, la mère du marié fit à Marie la confidence que la provision de vin était épuisée. Marie lui répondit avec confiance : « Ne vous faites pas de souci - je vais parler à mon fils. Il nous aidera. » Et elle osa le faire, malgré le blâme reçu quelques heures auparavant.

137:4.8 Pendant bien des années, Marie s'était toujours tournée vers Jésus pour être aidée dans chacune des crises de leur vie de famille à Nazareth, de sorte qu'elle avait tout naturellement pensé à lui dans les circonstances présentes. Mais cette mère ambitieuse avait encore d'autres raisons pour faire appel à son fils ainé en cette occasion. Jésus se tenait seul dans un coin du jardin. Sa mère s'approcha de lui et dit : « Mon fils, ils n'ont plus de vin. » Et Jésus répondit : « Ma bonne mère, en quoi cela me concerne-t-il ? » Marie dit : « Mais je crois que ton heure est venue. Ne peux-tu nous aider ? » Jésus répliqua : « De nouveau, je déclare que je ne suis pas venu pour agir de cette manière. Pourquoi me déranges-tu encore avec de pareilles affaires ? » Alors, fondant en larmes, Marie le supplia : « Mais, mon fils, je leur ai promis que tu nous aiderais. Ne veux-tu, s'il te plaît, faire quelque chose pour moi ? » Et Jésus dit alors : « Femme, pourquoi te permets-tu de faire de telles promesses ? Veille à ne pas recommencer. En toutes choses, il faut que nous servions la volonté du Père qui est aux cieux. »

137:4.9 Marie, la mère de Jésus, fut accablée ; elle était abasourdie ! Tandis qu'elle se tenait immobile devant lui et qu'un flot de larmes coulait sur son visage, le coeur humain de Jésus fut ému d'une profonde compassion pour la femme qui l'avait porté dans son sein. Il se pencha vers elle, posa tendrement sa main sur sa tête et lui dit : « Allons, allons, Maman Marie, ne te chagrine pas de mes paroles apparemment dures. Ne t'ai-je pas dit maintes fois que je suis venu uniquement pour faire la volonté de mon Père céleste ? Je ferais avec joie ce que tu me demandes si cela faisait partie de la volonté du Père... » Et Jésus s'arrêta court. Il hésitait. Marie parut avoir le sentiment qu'il se produisait quelque chose. Se relevant d'un bond, elle jeta ses bras autour du cou de Jésus, l'embrassa et se précipita dans la salle des serviteurs en leur disant : « Quoi que mon fils vous dise, faites-le. » Mais Jésus ne dit rien. Il se rendait maintenant compte qu'il en avait déjà trop dit - ou plutôt qu'il avait trop désiré en pensée.

137:4.10 Marie dansait de joie. Elle ne savait pas comment le vin serait produit, mais elle croyait fermement avoir finalement persuadé son fils premier-né d'affirmer son autorité, d'oser se mettre en avant pour réclamer la place qui lui revenait et faire montre de son pouvoir messianique. À cause de la présence et de l'association de certaines puissances et personnalités de l'univers, totalement ignorées de tous les convives, elle ne devait pas être déçue. Le vin que Marie désirait et que Jésus, l'homme-Dieu, souhaitait humainement par sympathie, était en route.

137:4.11 Il y avait, à proximité, six jarres de pierre remplies d'eau et contenant une centaine de litres chacune. Cette eau était destinée à servir dans les cérémonies finales de purification de la célébration du mariage. L'agitation des serviteurs autour de ces énormes récipients de pierre, sous la direction active de sa mère, attira l'attention de Jésus. Il s'approcha et vit qu'ils en tiraient du vin à pleins brocs.

137:4.12 Jésus se rendait graduellement compte de ce qui était arrivé. De toutes les personnes présentes aux noces de Cana, c'est lui qui fut le plus surpris. Les autres s'attendaient tous à le voir accomplir un prodige, mais c'était précisément ce qu'il avait l'intention de ne pas faire. Alors, le Fils de l'Homme se souvint de l'avertissement de son Ajusteur de Pensée Personnalisé, dans les collines. Il se rappela comment l'Ajusteur l'avait prévenu que nulle puissance ou personnalité ne pouvait le priver de sa prérogative de créateur qui le rendait indépendant du temps. En cette occasion, des transformateurs de pouvoir, des médians et toutes les autres personnalités utiles étaient assemblés près de l'eau et des autres matériaux nécessaires ; en face du souhait exprimé par le Souverain Créateur de l'Univers, l'apparition immédiate de vin était inéluctable. La certitude de cet évènement était doublée par le fait que l'Ajusteur Personnalisé avait signifié que l'exécution du désir du Fils ne contrevenait en aucune manière à la volonté du Père.

137:4.13 Mais ce ne fut en aucun sens un miracle. Nulle loi de la nature ne fut modifiée, abrogée, ou même transcendée. Rien d'autre ne se produisit que l'abrogation du temps en liaison avec l'assemblage céleste des éléments chimiques indispensables pour élaborer du vin. À Cana, en cette occasion, les agents du Créateur firent du vin exactement comme ils le font par le processus naturel ordinaire, sauf qu'ils le firent indépendamment du temps et avec l'intervention d'agents suprahumains pour réunir dans l'espace les ingrédients chimiques nécessaires.

137:4.14 De plus, il était évident que l'accomplissement de ce prétendu miracle n'était pas contraire à la volonté du Père du Paradis ; autrement il ne se serait pas produit, puisque Jésus s'était déjà soumis en toutes choses à la volonté du Père.

137:4.15 Lorsque les serviteurs tirèrent ce nouveau vin et l'apportèrent au garçon d'honneur « ordonnateur du festin » , il le gouta puis appela l'époux en lui disant : « La coutume est de servir d'abord le bon vin et ensuite, quand les convives ont bien bu, on apporte le fruit inférieur de la vigne ; mais toi, tu as gardé le meilleur vin jusqu'à la fin des réjouissances. »

137:4.16 Marie et les disciples de Jésus se réjouirent grandement du miracle supposé, qu'ils croyaient avoir été accompli intentionnellement, mais Jésus se retira dans un coin abrité du jardin et s'engagea dans une brève et sérieuse méditation. Il conclut finalement que l'incident dépassait, en la circonstance, son contrôle personnel et qu'il était inévitable puisqu'il n'était pas contraire à la volonté de son Père. Lorsqu'il retourna vers les convives, ils le regardèrent avec une crainte respectueuse ; ils le prenaient tous pour le Messie. Mais Jésus était cruellement embarrassé. Il savait qu'ils croyaient en lui uniquement à cause de l'évènement insolite dont le hasard les avait rendus témoins. De nouveau, Jésus se retira pendant un bon moment sur la terrasse de la maison pour méditer sur tout cela.

137:4.17 Jésus comprit alors qu'il devait se tenir constamment sur ses gardes, de crainte qu'en se laissant trop aller à la compassion et à la pitié, il ne devienne responsable d'autres incidents de cet ordre. Néanmoins, bien des évènements similaires se produisirent avant que le Fils de l'Homme eût quitté définitivement sa vie mortelle dans la chair.

137.5  Retour à Capharnaüm

137:5.1 Alors que de nombreux invités restèrent à Cana durant toute la semaine des festivités du mariage, Jésus, avec ses disciples-apôtres nouvellement choisis - Jacques, Jean, André, Pierre, Philippe et Nathanael - partit de très bonne heure, le lendemain matin, pour Capharnaüm sans prendre congé de personne. La famille de Jésus et tous ses amis de Cana furent désolés de la soudaineté de son départ, et Jude, le plus jeune frère de Jésus, partit à sa recherche. Jésus et ses apôtres allèrent directement à la maison de Zébédée à Bethsaïde. Au cours du trajet, Jésus discuta, avec ses associés récemment choisis, de nombreuses questions importantes pour le royaume à venir ; il leur recommanda spécialement de ne pas faire mention de la transformation de l'eau en vin. Il leur conseilla aussi d'éviter, dans leurs futures activités, les villes de Sepphoris et de Tibériade.

137:5.2 Ce soir-là, après le souper, au foyer de Zébédée et de Salomé, Jésus tint l'une des plus importantes conférences de toute sa carrière terrestre. Seuls les six apôtres assistaient à cette réunion ; Jude arriva au moment où ils allaient se séparer. Ces six hommes sélectionnés avaient voyagé avec Jésus, de Cana à Bethsaïde, en marchant pour ainsi dire sans fouler le sol. Ils vivaient dans l'attente et se passionnaient à l'idée d'avoir été choisis comme associés immédiats du Fils de l'Homme. Mais, lorsque Jésus se mit à leur expliquer clairement qui il était, ce que devait être sa mission sur la terre et comment elle risquait de se terminer, ils furent abasourdis. Ils ne pouvaient saisir ce qu'il leur racontait. Ils en restaient muets ; Pierre lui-même était écrasé au delà de toute expression. Seul André, le profond penseur, osa répondre quelque chose aux recommandations de Jésus. Quand Jésus perçut qu'ils ne comprenaient pas son message, quand il vit que leurs idées sur le Messie juif étaient si complètement cristallisées, il les envoya se reposer tandis que lui-même allait se promener et s'entretenir avec son frère Jude. Avant de prendre congé de Jésus, Jude lui dit avec beaucoup d'émotion : « Mon frère-père, je ne t'ai jamais compris. Je ne sais pas avec certitude si tu es ce que ma mère nous a enseigné. Je ne comprends pas pleinement le royaume à venir, mais ce que je sais, c'est que tu es un puissant homme de Dieu. J'ai entendu la voix au Jourdain, et je crois en toi, qui que tu sois. » Après avoir ainsi parlé, Jude partit pour se rendre à Magdala dans son propre foyer.

137:5.3 Cette nuit-là, Jésus ne dormit pas. S'enveloppant dans ses couvertures, il alla s'asseoir au bord du lac en réfléchissant, et il réfléchit jusqu'à l'aube du lendemain. Au cours des longues heures de cette nuit de méditation, Jésus en vint à comprendre clairement qu'il ne pourrait jamais amener ses disciples à le voir sous un autre jour que celui du Messie longtemps attendu. Enfin, il reconnut qu'il n'y avait pas moyen de lancer son message au sujet du royaume autrement qu'en accomplissant la prédiction de Jean et en tant que celui que les Juifs cherchaient. Après tout, bien qu'il ne fût pas le Messie du type davidique, il représentait vraiment l'accomplissement des prophéties des clairvoyants les plus spirituellement orientés de jadis. Jamais plus il ne nia formellement qu'il était le Messie. Il décida de laisser à la volonté du Père le soin de débrouiller, en fin de compte, cette situation compliquée.

137:5.4 Le lendemain matin, Jésus rejoignit ses amis au petit déjeuner, mais ils formaient un groupe sans entrain. Il s'entretint avec eux et, à la fin du repas, il les groupa autour de lui en disant : « C'est la volonté de mon Père que nous restions dans le voisinage durant un certain temps. Vous avez entendu Jean dire qu'il était venu préparer le chemin du royaume. Il convient donc que nous attendions l'achèvement des prédications de Jean. Quand le précurseur du Fils de l'Homme aura achevé son oeuvre, nous commencerons à proclamer la bonne nouvelle du royaume. » Il ordonna à ses apôtres de retourner à leurs filets, tandis que lui-même se préparait à accompagner Zébédée au chantier naval. Il leur promit de les revoir à la synagogue où il devait parler le lendemain, jour de sabbat, et leur fixa un rendez-vous pour une conférence l'après-midi de ce même sabbat.

137.6  Les Évènements d'un Jour de Sabbat

137:6.1 La première apparition en public de Jésus, après son baptême eut lieu dans la synagogue de Capharnaüm, le 2 mars de l'an 26, un jour de sabbat. La synagogue était bondée. À l'histoire du baptême dans le Jourdain s'ajoutaient maintenant les récentes nouvelles de Cana au sujet de l'eau et du vin. Jésus donna des sièges d'honneur à ses six apôtres et fit asseoir avec eux ses frères de sang Jacques et Jude. Sa mère était revenue à Capharnaüm avec Jacques la veille au soir et se trouvait également là, assise dans la section de la synagogue réservée aux femmes. Une grande tension régnait dans l'auditoire ; ils s'attendaient à voir quelque manifestation extraordinaire de pouvoir surnaturel, un témoignage approprié de la nature et de l'autorité de celui qui allait leur parler ce jour-là ; mais ils allaient au-devant d'une déception.

137:6.2 Lorsque Jésus se leva, le chef de la synagogue lui tendit le rouleau des Écritures et il lut dans le livre du prophète Isaïe : « Ainsi dit le Seigneur : `Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied. Où est la maison que vous avez bâtie pour moi ? Et où est le lieu de ma demeure ? Toutes ces choses, mes mains les ont faites,' dit le Seigneur. `Je porterai mes regards sur celui qui est humble et repentant en esprit et qui tremble à ma voix.' Entendez la parole du Seigneur, vous qui tremblez de frayeur. `Vos frères vous ont haïs et rejetés à cause de mon nom.' Mais que le Seigneur soit glorifié. Il vous apparaîtra dans la joie, et tous les autres seront confondus. Une voix de la ville, une voix du temple, une voix du Seigneur dit : `Avant d'éprouver les douleurs, elle a enfanté ; avant la venue des souffrances, elle a donné le jour à un enfant mâle.' Qui a jamais entendu pareille chose ? Fera-t-on produire ses fruits à la terre en un seul jour ? Une nation peut-elle naître en un instant ? Car ainsi parle le Seigneur : `Voici, je déploierai la paix comme un fleuve, et la gloire des Gentils eux-mêmes ressemblera à un torrent. Tel un homme que sa mère console, je vous consolerai. Vous serez consolés même dans Jérusalem ; et, quand vous verrez ces choses, votre coeur se réjouira.' »

137:6.3 Après avoir terminé cette lecture, Jésus rendit le rouleau au conservateur. Avant de se rasseoir, il dit simplement : « Soyez patients, et vous verrez la gloire de Dieu. Il en sera ainsi pour tous ceux qui demeureront avec moi et qui apprendront de la sorte à faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » Et les gens retournèrent chez eux se demandant ce que signifiait tout cela.

137:6.4 Le même après-midi, Jésus et ses apôtres montèrent dans un bateau avec Jacques et Jude. Ils longèrent le rivage sur une certaine distance et jetèrent l'ancre pendant que Jésus leur parlait du royaume à venir. Ils le comprirent mieux que durant la soirée du jeudi précédent.

137:6.5 Jésus leur donna pour directive de reprendre leur travail régulier jusqu'à ce que « l'heure du royaume soit arrivée » . Pour les encourager, il leur donna l'exemple en retournant régulièrement travailler au chantier naval. Il leur expliqua qu'ils devaient consacrer, tous les soirs, trois heures à étudier et à préparer leur futur travail et ajouta : « Nous resterons tous dans le voisinage jusqu'à ce que mon Père me demande de vous appeler. Il faut que chacun de vous retourne maintenant à son travail accoutumé, exactement comme si rien ne s'était passé. Ne racontez rien sur moi à personne, et rappelez-vous que mon royaume ne doit pas arriver avec fracas et prestige, mais plutôt grâce au grand changement que mon Père aura opéré dans votre coeur et dans le coeur de ceux qui seront appelés à se joindre à vous dans les conseils du royaume. Vous êtes désormais mes amis ; j'ai confiance en vous et je vous aime ; vous deviendrez bientôt mes associés personnels. Soyez patients, soyez doux. Obéissez toujours à la volonté du Père. Préparez-vous à l'appel du royaume. Vous éprouverez de grandes joies au service de mon Père, mais il faut également que vous soyez prêts à affronter des difficultés, car je vous préviens que beaucoup n'entreront dans le royaume qu'en passant par de grandes tribulations. Pour ceux qui auront trouvé le royaume, leur joie sera parfaite ; on les appellera les bienheureux de la terre. Mais ne nourrissez pas de faux espoirs, le monde va trébucher sur mes paroles. Même vous, mes amis, vous ne percevez pas pleinement ce que j'expose à votre mental confus. Ne vous y trompez pas, nous allons oeuvrer pour une génération qui recherche des signes. Elle exigera l'accomplissement de prodiges comme preuve que je suis envoyé par mon Père, et elle sera lente à reconnaître dans la révélation de l'amour de mon Père, la justification de ma mission. »

137:6.6 Ce soir-là, quand ils eurent débarqué et avant de se séparer, Jésus se tint au bord de l'eau et pria : « Mon Père, je te remercie pour ces petits qui croient déjà, malgré leurs doutes. Par égard pour eux, je me suis mis à part pour faire ta volonté. Puissent-ils maintenant apprendre à ne faire qu'un, comme nous ne faisons qu'un. »

137.7  Quatre Mois de Formation

137:7.1 Durant quatre longs mois - mars, avril, mai et juin - ce temps d'attente se prolongea. Jésus tint plus de cent réunions longues et sérieuses, mais gaies et joyeuses, avec ces six associés et son propre frère Jacques. Par suite de maladies dans sa famille, Jude fut rarement en mesure d'assister à ces séances. Jacques ne perdit pas confiance en son frère Jésus, mais, durant ces mois de retard et d'inaction, Marie désespéra presque de son fils. Sa foi, qui s'était élevée à de telles hauteurs à Cana, sombra maintenant dans une nouvelle dépression. Elle en revenait toujours à son exclamation maintes fois répétée : « Je ne parviens pas à le comprendre. Je ne parviens pas à m'expliquer ce que tout cela signifie. » Mais la femme de Jacques contribua grandement à soutenir le courage de Marie.

137:7.2 Durant ces quatre mois, ces sept croyants, dont l'un était son frère de sang, firent plus ample connaissance avec Jésus ; ils s'habituèrent à l'idée de vivre avec cet homme-Dieu. Ils l'appelaient Rabbi, mais ils apprenaient à ne pas le craindre. Jésus possédait ce charme incomparable de personnalité qui lui permettait de vivre parmi eux sans qu'ils fussent désemparés par sa divinité. Ils trouvaient vraiment faciles d'être « amis avec Dieu » , avec Dieu incarné dans la similitude de la chair mortelle. Ce temps d'attente mit tout le groupe de fidèles à rude épreuve. Rien, absolument rien de miraculeux ne se produisait. Jour après jour, ils vaquaient à leurs travaux coutumiers et, nuit après nuit, ils s'asseyaient aux pieds de Jésus. Le groupe était cimenté par l'incomparable personnalité du Maitre et par les paroles de grâce qu'il leur adressait soir après soir.

137:7.3 Cette période d'attente et d'enseignement fut spécialement dure pour Simon Pierre. Il chercha maintes fois à persuader Jésus de se lancer dans la prédication du royaume en Galilée pendant que Jean continuait à prêcher en Judée. Mais Jésus répondait toujours à Pierre : « Simon, sois patient. Fais des progrès. Nous ne serons pas trop prêts quand le Père appellera. » Et André calmait Pierre de temps en temps par des conseils modérés et philosophiques. L'absence d'affectation de Jésus impressionnait prodigieusement André. Il ne se lassait jamais de contempler comment une personne qui pouvait vivre si près de Dieu pouvait aussi avoir tant d'amitié et de considération pour des hommes.

137:7.4 Au cours de toute cette période, Jésus ne prit que deux fois la parole dans la synagogue. Vers la fin de ces nombreuses semaines d'attente, les commentaires sur son baptême et sur le vin de Cana avaient commencé à s'apaiser. Jésus veilla à ce qu'il ne se produisit plus de pseudo-miracles durant cette période. Cependant, malgré leur vie si tranquille à Bethsaïde, les étranges actions de Jésus avaient été rapportées à Hérode Antipas, qui, à son tour, envoya des espions pour savoir de quoi il s'agissait. Mais Hérode était plus préoccupé par les prédications de Jean. Il décida de ne pas molester Jésus, dont l'oeuvre se poursuivait si paisiblement à Capharnaüm.

137:7.5 Jésus employa ce temps d'attente à enseigner, à ses associés, l'attitude qu'ils devaient adopter vis-à-vis des divers groupes religieux et partis politiques de Palestine. Jésus disait toujours : « Nous cherchons à les gagner tous, mais nous n'appartenons à aucun. »

137:7.6 On appelait pharisiens les scribes et les rabbis pris dans leur ensemble. Eux-mêmes se dénommaient « les associés » . Sous beaucoup de rapports, ils représentaient le groupe progressiste parmi les Juifs. En effet, ils avaient adopté de nombreux enseignements ne figurant pas clairement dans les Écritures hébraïques, tels que la croyance à la résurrection des morts, doctrine qui avait simplement été mentionnée par Daniel, l'un des derniers prophètes.

137:7.7 Le groupe des sadducéens se composait de la prêtrise et de certains Juifs fortunés. Ils n'étaient pas aussi rigoristes sur les détails d'application de la loi. En réalité, les pharisiens et les sadducéens étaient des partis religieux plutôt que des sectes.

137:7.8 Les esséniens formaient une véritable secte religieuse ayant pris naissance durant la révolte des Macchabées. Sous certains aspects, leurs exigences étaient plus astreignantes que celles des pharisiens. Ils avaient adopté de nombreuses croyances et pratiques persanes ; ils vivaient en confrérie dans des monastères, pratiquaient le célibat et possédaient tout en commun. Ils se spécialisaient dans l'enseignement concernant les anges.

137:7.9 Les zélotes étaient un groupe de Juifs ardemment patriotes. Ils soutenaient que n'importe quelle méthode était justifiée dans la lutte pour échapper à la servitude du joug romain.

137:7.10 Les hérodiens étaient un parti purement politique qui préconisait de s'émanciper du gouvernement direct des Romains par une restauration de la dynastie d'Hérode.

137:7.11 Au milieu même de la Palestine vivaient les Samaritains, avec qui « les Juifs n'avaient pas d'affaires » , bien qu'ils eussent de nombreux points de vue semblables à ceux des enseignements des Juifs.

137:7.12 Tous ces partis et sectes, y compris la petite confrérie naziréenne, croyaient à la venue du Messie. Ils cherchaient tous un libérateur national. Mais Jésus proclamait sans équivoque que lui et ses disciples ne s'allieraient à aucune de ces écoles de pensée ou d'application. Le Fils de l'Homme ne devait être ni un naziréen ni un essénien.

137:7.13 Bien que Jésus eût plus tard invité les apôtres à partir, comme l'avait fait Jean, pour prêcher l'évangile et instruire les croyants, il mettait l'accent sur la proclamation « de la bonne nouvelle du royaume des cieux » . Il répétait inlassablement à ses associés qu'ils devaient « manifester amour, compassion et sympathie » . Il enseigna de bonne heure à ses partisans que le royaume des cieux était une expérience spirituelle concernant l'intronisation de Dieu dans le coeur des hommes.

137:7.14 Tandis que Jésus et ses sept compagnons s'attardaient ainsi avant de s'engager dans leur prédication publique active, ils passaient deux soirées par semaine à la synagogue à étudier les Écritures hébraïques. Quelques années plus tard, après des périodes de travail intensif en public, les apôtres regardèrent rétrospectivement ces quatre mois comme les plus précieux et les plus profitables dans toute leur association avec le Maitre. Jésus enseigna à ces hommes tout ce qu'ils pouvaient assimiler. Il ne commit pas la faute de les instruire à l'excès. Il ne provoqua pas la confusion en présentant des vérités dépassant par trop leur capacité de compréhension.

137.8  Sermon sur le Royaume

137:8.1 Le 22 juin, jour de sabbat, peu avant le départ de son groupe pour sa première tournée de prédication, et une dizaine de jours après l'emprisonnement de Jean, Jésus occupa la chaire de la synagogue pour la deuxième fois depuis qu'il avait amené ses apôtres à Capharnaüm.

137:8.2 Quelques jours avant le prêche de ce sermon sur « le Royaume » , tandis que Jésus travaillait au chantier naval, Pierre lui apporta la nouvelle de l'arrestation de Jean. Jésus déposa une fois de plus ses outils, enleva son tablier et dit à Pierre : « L'heure du Père a sonné. Préparons-nous à proclamer l'évangile du royaume. »

137:8.3 Ce mardi 18 juin de l'an 26 fut le dernier jour où Jésus travailla à un établi de charpentier. Pierre se précipita hors de l'atelier et, dès le milieu de l'après-midi, il avait réuni tous ses compagnons. Il les laissa dans un bosquet près du rivage et partit à la recherche de Jésus, mais ne put le trouver, car le Maitre était allé dans un autre bosquet pour prier. Ils ne le virent qu'à une heure avancée de la soirée, lorsqu'il revint à la maison de Zébédée et demanda de la nourriture. Le lendemain, Jésus envoya son frère Jacques demander le privilège de prendre la parole dans la synagogue lors du prochain sabbat. Le chef de la synagogue fut très heureux que Jésus veuille bien de nouveau diriger le service.

137:8.4 Avant que Jésus ne prêchât son mémorable sermon sur le royaume de Dieu, premier effort ostensible de sa carrière publique, il lut, dans les Écritures, les passages suivants : « Vous serez pour moi un royaume de prêtres, un peuple saint, Yahweh est notre juge, Yahweh est notre législateur, Yahweh est notre roi ; il nous sauvera. Yahweh est mon roi et mon Dieu. Il est un grand roi qui règne sur toute la terre. L'amour et la bonté sont le lot d'Israël dans ce royaume. Bénie soit la gloire du Seigneur, car il est notre Roi. »

137:8.5 Quand Jésus eut fini de lire, il dit :

137:8.6 « Je suis venu proclamer l'établissement du royaume du Père. Ce royaume inclura les âmes adoratrices des Juifs et des Gentils, des riches et des pauvres, des hommes libres et des esclaves, car mon Père ne fait pas acception de personnes ; son amour et sa miséricorde s'étendent sur tous.

137:8.7 « Le Père qui est aux cieux envoie son esprit habiter le mental des hommes. De même, quand j'aurai achevé mon oeuvre terrestre, l'Esprit de Vérité sera répandu sur toute chair. L'esprit de mon Père et l'Esprit de Vérité vous établiront dans le royaume à venir de compréhension spirituelle et de droiture divine. Mon royaume n'est pas de ce monde. Le Fils de l'Homme ne conduira pas des armées à la bataille pour établir un trône de pouvoir ou un royaume de gloire temporelle. À l'avènement de mon royaume, vous connaîtrez le Fils de l'Homme comme Prince de la Paix, comme révélation du Père éternel. Les enfants de ce monde luttent pour établir et agrandir les royaumes de ce monde, mais mes disciples entreront dans le royaume des cieux grâce à leurs décisions morales et à leurs victoires en esprit ; et, quand ils y pénétreront, ils y trouveront la joie, la droiture et la vie éternelle.

137:8.8 « Quiconque cherche d'abord à entrer dans le royaume, et s'efforce ainsi d'acquérir une noblesse de caractère semblable à celle de mon Père, possèdera bientôt tout ce qui est nécessaire. Mais je vous le dis en toute franchise : à moins de chercher à entrer dans le royaume avec la foi et la confiance d'un petit enfant, vous n'y serez admis d'aucune façon.

137:8.9 « Ne vous laissez pas tromper par ceux qui viennent vous dire : le royaume est ici ou le royaume est là, car le royaume de mon Père ne concerne pas les choses visibles et matérielles. Ce royaume est déjà maintenant parmi vous, car là où l'esprit de Dieu enseigne, là où il guide l'âme de l'homme, là est en réalité le royaume des cieux. Et ce royaume de Dieu est droiture, paix et joie dans le Saint-Esprit.

137:8.10 « Jean vous a en vérité baptisés en signe de repentance et pour la rémission de vos péchés, mais, quand vous entrerez dans le royaume céleste, vous recevrez le baptême du Saint-Esprit.

137:8.11 « Dans le royaume de mon Père, il n'y aura ni Juifs ni Gentils, mais seulement ceux qui cherchent la perfection en servant, car je déclare que quiconque veut être grand dans le royaume de mon Père doit d'abord devenir le serviteur de tous. Si vous acceptez de servir vos semblables, vous siègerez avec moi dans mon royaume, de même que je siègerai bientôt auprès de mon Père dans son royaume pour avoir servi dans la similitude de la créature.

137:8.12 « Ce nouveau royaume ressemble à une graine qui pousse dans la bonne terre d'un champ. Il n'atteint pas rapidement sa pleine maturité. Il y a un intervalle de temps entre l'établissement du royaume dans l'âme d'un homme et l'heure où le royaume murit dans sa plénitude pour devenir le fruit épanoui de droiture perpétuelle et de salut éternel.

137:8.13 « Et ce royaume que je proclame n'est pas un règne de puissance et d'abondance. Le royaume des cieux ne consiste ni en aliments ni en boissons, mais plutôt en une vie de droiture progressive et de joie croissante dans l'accomplissement grandissant du service de mon Père qui est aux cieux. Car le Père n'a-t-il pas dit de ses enfants du monde : `Ma volonté est qu'ils finissent par devenir parfaits, comme moi-même je suis parfait.'

137:8.14 « Je suis venu prêcher la bonne nouvelle de l'avènement du royaume. Je ne suis pas venu accroitre les lourds fardeaux de ceux qui voudraient entrer dans ce royaume. Je proclame le chemin nouveau et meilleur, et ceux qui sont capables d'entrer dans le royaume à venir jouiront du repos divin. Quoi qu'il vous en coute en biens matériels, quel que soit le prix que vous aurez payé pour entrer dans le royaume des cieux, vous recevrez en ce monde beaucoup plus que l'équivalent en joie, en avancement spirituel et la vie éternelle dans l'âge à venir.

137:8.15 « L'entrée dans le royaume du Père ne dépend ni d'armées en marche, ni du renversement de royaumes de ce monde, ni du fait de briser le joug de captifs. Le royaume du ciel est à portée de la main ; tous ceux qui y entrent y trouveront une abondante liberté et un joyeux salut.

137:8.16 « Ce royaume est une domination perpétuelle. Ceux qui entrent dans le royaume monteront jusqu'à mon Père ; ils atteindront certainement sa droite en gloire au Paradis. Toux ceux qui entrent dans le royaume des cieux deviendront fils de Dieu, et, dans les temps à venir aussi, ils s'élèveront jusqu'au Père. Je ne suis pas venu appeler les prétendus justes, mais les pécheurs et tous ceux qui ont faim et soif de la droiture de la perfection divine.

137:8.17 « Jean est venu, prêchant la repentance pour vous préparer au royaume ; maintenant, je viens, proclamant que la foi, le don de Dieu, est le prix à payer pour entrer dans le royaume des cieux. Il vous suffit de croire que mon Père vous aime d'un amour infini, et dès lors vous vous trouvez dans le royaume de Dieu. »

137:8.18 Après avoir ainsi parlé, Jésus s'assit. Toux ceux qui l'entendirent furent étonnés de ses paroles. Ses disciples s'émerveillaient. Mais le peuple n'était pas prêt à recevoir la bonne nouvelle de la bouche de cet homme-Dieu. Environ un tiers de ses auditeurs crut au message, même sans l'avoir tout à fait compris ; un autre tiers se prépara dans son coeur à rejeter un tel concept purement spirituel du royaume attendu, tandis que le tiers restant était incapable de saisir cet enseignement, beaucoup, parmi ce dernier tiers, croyant sincèrement que l'orateur « n'avait plus son bon sens. »

138. La Formation des Messagers du Royaume

138:0.1 APRÈS avoir prêché le sermon sur « le Royaume » , Jésus réunit ses six apôtres le même après-midi et commença à leur exposer ses plans pour visiter les villes situées autour et aux environs de la mer de Galilée. Ses frères Jacques et Jude furent très froissés de n'avoir pas été convoqués à cette conférence. Jusque-là, ils s'étaient considérés comme faisant partie du cercle intérieur des associés de Jésus. Mais Jésus entendait n'introduire aucun de ses proches parents dans ce corps de directeurs apostoliques du royaume. Le fait de ne pas inclure Jacques et Jude parmi les quelques élus, ainsi que son apparente indifférence pour sa mère depuis l'épisode de Cana, fut le point de départ d'un abime toujours plus profond entre Jésus et sa famille. Cette situation continua durant tout son ministère public - ils furent tout près de le désavouer - et ces différends ne furent complètement aplanis qu'après sa mort et sa résurrection. Sa mère oscillait constamment entre des attitudes fluctuantes de foi et d'espérance, et des réactions émotives croissantes de déception, d'humiliation et de désespoir. Seule Ruth, la plus jeune, demeurait indéfectiblement fidèle à son frère-père.

138:0.2 Jusqu'après la résurrection, la famille entière de Jésus participa très peu à son ministère. Un prophète reçoit des honneurs, mais ailleurs que dans son pays ; il est compris et apprécié, mais autre part que dans sa propre famille.

138.1  Instructions Finales

138:1.1 Le lendemain, dimanche 23 juin de l'an 26, Jésus communiqua aux six ses instructions finales. Il leur ordonna de partir deux par deux pour répandre la bonne nouvelle du royaume. Il leur défendit de baptiser. Il leur déconseilla de prêcher en public, mais leur expliqua que, plus tard, il leur permettrait de prêcher en public. Pour l'instant et pour bien des raisons, il désirait les voir acquérir une expérience pratique dans leurs rapports personnels avec leurs semblables. Jésus se proposait de consacrer leur première tournée entièrement à un travail personnel. Bien que cette décision apportât une certaine déception aux apôtres, ils percevaient, au moins en partie, les raisons qui poussaient Jésus à commencer ainsi la proclamation du royaume ; ils partirent avec courage et un enthousiasme confiant. Jésus les envoya deux par deux, Jacques et Jean allant à Khérésa, André et Pierre à Capharnaüm tandis que Philippe et Nathanael partaient pour Tarichée.

138:1.2 Avant le début de ces deux premières semaines de service, Jésus leur annonça qu'il désirait ordonner douze apôtres, pour continuer le travail du royaume après son départ, et il autorisa chacun d'eux à choisir, parmi ses premiers convertis, un homme destiné à faire partie du corps apostolique qu'il voulait constituer. Jean prit la parole pour demander : « Mais, Maitre, ces six hommes viendront-ils au milieu de nous, et partageront-ils toutes choses sur un pied d'égalité avec nous, qui t'avons accompagné depuis le Jourdain et avons entendu tout ton enseignement préparatoire à notre premier travail pour le royaume ? » Et Jésus répliqua : « Oui, Jean, les hommes que vous choisirez ne feront qu'un avec nous, et vous leur enseignerez tout ce qui concerne le royaume, comme moi-même je vous l'ai enseigné. » Après avoir ainsi parlé, Jésus les quitta.

138:1.3 Les six ne se séparèrent pas pour commencer leur oeuvre sans avoir longuement discuté l'ordre, donné à chacun par Jésus, de choisir un nouvel apôtre. L'avis d'André finit par prévaloir, et ils se rendirent à leurs travaux. André avait dit en substance : « Le Maitre a raison ; nous sommes trop peu nombreux pour faire tout ce travail. Il y a besoin de plus d'éducateurs, et le Maitre nous a témoigné une grande confiance en nous chargeant de choisir les six nouveaux apôtres. » Ce matin-là, alors qu'ils se séparaient pour aller à leur travail, il y avait un peu de dépression secrète dans le coeur de chacun. Ils savaient que Jésus allait leur manquer et, outre leur crainte et leur timidité, ce n'était pas la manière dont ils avaient imaginé l'inauguration du royaume des cieux.

138:1.4 Il avait été convenu que les six devraient travailler deux semaines, après quoi ils devraient revenir pour une conférence à la maison de Zébédée. Entre temps, Jésus alla à Nazareth pour s'entretenir avec Joseph, Simon et d'autres membres de sa famille vivant dans ces parages. Pour conserver la confiance et l'affection de sa famille, Jésus fit tout ce qui était humainement possible, et compatible avec sa consécration à faire la volonté de son Père. En l'espèce, il fit tout son devoir, et même davantage.

138:1.5 Pendant que les apôtres étaient en mission, Jésus pensa beaucoup à Jean, qui était alors en prison. Il fut très tenté d'utiliser ses pouvoirs potentiels pour le libérer, mais il se résigna une fois de plus à « attendre la volonté du Père » .

138.2  Le Choix des Six

138:2.1 Cette première tournée missionnaire des six fut éminemment réussie. Ils découvrirent tous la grande valeur du contact direct et personnel avec les hommes. Ils revinrent vers Jésus bien plus conscients du fait qu'après tout, la religion est purement et totalement une affaire d'expérience personnelle. Ils commencèrent à sentir combien les gens du peuple avaient soif d'entendre des paroles de consolation religieuse et d'encouragement spirituel. Lorsqu'ils se rassemblèrent autour de Jésus, ils voulurent tous parler à la fois, mais André prit le commandement et les appela l'un après l'autre pour faire leur rapport officiel au Maitre et proposer les six nouveaux apôtres de leur choix.

138:2.2 Après que chacun eut présenté son candidat, Jésus demanda à tous les autres d'entériner les nominations par un vote ; ainsi, les six nouveaux apôtres furent officiellement acceptés à l'unanimité par les six anciens. Ensuite, Jésus annonça qu'ils iraient tous rendre visite aux postulants afin de leur confirmer l'appel au service.

138:2.3 Les six apôtres nouvellement choisis étaient :

138:2.4 1. Matthieu Lévi, receveur des douanes de Capharnaüm, qui avait son bureau juste à l'est de la ville, en bordure de Batanée. Il avait été choisi par André.

138:2.5 2. Thomas Didyme, un pêcheur de Tarichée, jadis charpentier et maçon à Gadara. Il avait été choisi par Philippe.

138:2.6 3. Jacques Alphée, pêcheur et fermier à Khérésa, avait été choisi par Jacques Zébédée.

138:2.7 4. Judas Alphée, frère jumeau de Jacques Alphée, et également pêcheur, avait été choisi par Jean Zébédée.

138:2.8 5. Simon Zélotès occupait un poste élevé dans l'organisation des zélotes, poste qu'il abandonna pour se joindre aux apôtres de Jésus. Avant de faire partie des zélotes, Simon était commerçant. Il fut choisi par Pierre.

138:2.9 6. Judas Iscariot était le fils unique de parents juifs fortunés vivant à Jéricho. Il s'était attaché à Jean le Baptiste, et ses parents sadducéens l'avaient désavoué. Il cherchait un emploi dans ces parages quand les apôtres de Jésus le rencontrèrent. Nathanael l'invita à se joindre à eux principalement à cause de son expérience financière. Judas Iscariot était le seul Judéen parmi les douze apôtres.

138:2.10 Jésus passa une journée entière avec les six, répondant à leurs questions et écoutant les détails de leurs comptes rendus, car ils avaient de nombreuses expériences intéressantes et profitables à raconter. Ils percevaient maintenant la sagesse du plan du Maitre les envoyant évangéliser d'une manière discrète et personnelle avant de se lancer dans des efforts publics plus ambitieux.

138.3  L'Appel de Mathieu et Simon

138:3.1 Le lendemain, Jésus et les six rendirent visite à Matthieu, le receveur des douanes. Matthieu les attendait ; il avait réglé ses comptes et s'était préparé à passer les affaires de son bureau à son frère. Près de la maison des péages, André s'avança avec Jésus, qui regarda Matthieu en face et lui dit : « Suis-moi. » Matthieu se leva et conduisit Jésus et les apôtres chez lui.

138:3.2 Matthieu parla à Jésus du banquet qu'il avait organisé pour le soir, disant qu'il désirait au moins offrir ce diner à sa famille et à ses amis, si Jésus était d'accord et acceptait d'être l'invité d'honneur. Jésus approuva d'un signe de tête. Pierre prit alors Matthieu à part ; il lui expliqua qu'il avait offert à un certain Simon de se joindre aux apôtres et s'assura que Matthieu consentait à ce que Simon fût lui aussi invité à la fête.

138:3.3 Après un déjeuner chez Matthieu, ils allèrent tous avec Pierre pour rencontrer Simon le Zélote. Ils le trouvèrent au siège de ses anciennes affaires, maintenant dirigées par son neveu. Lorsque Pierre eut conduit Jésus à Simon, le Maitre salua le fougueux patriote et dit simplement : « Suis-moi. »

138:3.4 Ils retournèrent tous chez Matthieu, où ils parlèrent beaucoup de politique et de religion jusqu'à l'heure du repas du soir. La famille de Lévi était depuis longtemps dans les affaires et s'occupait de la collecte des impôts. Nombre des convives invités par Matthieu à ce banquet auraient donc été qualifiés de « publicains et de pécheurs » par les pharisiens.

138:3.5 À cette époque, quand un diner d'apparat de cet ordre était offert à une personnalité en vue, toutes les personnes qui s'y intéressaient avaient coutume de flâner autour de la salle du banquet pour regarder manger les convives et pour écouter la conversation et les allocutions des invités d'honneur. En conséquence, la plupart des pharisiens de Capharnaüm étaient présents à cette occasion pour observer la conduite de Jésus à cette réunion sociale inhabituelle.

138:3.6 Au cours du diner, la joie des convives s'éleva à un haut diapason d'allégresse ; tout le monde s'en donnait tellement à coeur joie que les observateurs pharisiens commencèrent à critiquer Jésus dans leur coeur pour sa participation à une distraction aussi frivole. Plus tard dans la soirée, au moment des discours, l'un des pharisiens parmi les plus malveillants alla jusqu'à faire des critiques à Pierre sur la conduite de Jésus en disant : « Comment oses-tu enseigner que cet homme est juste, puisqu'il mange avec des publicains et des pécheurs, et prête ainsi sa présence à de pareilles scènes d'insouciance dans les plaisirs. » Pierre répéta cette critique à voix basse à Jésus avant qu'il ne prononçât la bénédiction de départ sur les hôtes assemblés. Lorsque Jésus commença à parler, il dit : « En venant ici ce soir pour accueillir Matthieu et Simon dans notre communauté, je suis heureux de constater votre allégresse et vos bonnes dispositions sociales, mais vous devriez vous réjouir encore plus de ce que beaucoup d'entre vous entreront dans le royaume de l'esprit qui vient et où vous jouirez plus abondamment des bonnes choses du royaume des cieux. Quant à ceux qui se tiennent autour de nous en me critiquant dans leur coeur parce que je suis ici pour me divertir avec ces amis, laissez-moi dire que je suis venu proclamer la joie aux opprimés de la société et la liberté aux captifs moraux. Est-il nécessaire de vous rappeler que les bien-portants n'ont pas besoin d'un médecin, mais plutôt les malades ? Je suis venu non pour appeler les justes, mais les pécheurs. »

138:3.7 C'était réellement un spectacle étrange pour toute la société juive que de voir un homme de caractère droit et de sentiments nobles se mêler librement et joyeusement aux gens du peuple, et même à une foule irréligieuse de pécheurs avérés et de publicains à la recherche du plaisir. Simon Zélotès désirait faire un discours à cette réunion chez Matthieu, mais André, sachant que Jésus ne voulait pas que le royaume à venir fût confondu avec le mouvement des zélotes, obtint de Simon qu'il s'abstînt de faire des commentaires en public.

138:3.8 Jésus et les apôtres passèrent la nuit chez Matthieu. En rentrant chez eux, les gens n'avaient qu'un seul sujet de conversation : la bonté et la bienveillance de Jésus.

138.4  L'Appel des Jumeaux

138:4.1 Le lendemain matin, ils allèrent tous les neuf, par bateau, à Khérésa pour procéder à l'appel officiel des deux apôtres suivants, Jacques et Judas, les fils jumeaux d'Alphée, candidats choisis par Jacques et Jean Zébédée. Les jumeaux pêcheurs comptaient sur la venue de Jésus et de ses apôtres, et les attendaient donc sur le rivage. Jacques Zébédée présenta le Maitre aux pêcheurs de Khérésa, et Jésus, les enveloppant du regard, approuva de la tête et dit : « Suivez-moi. »

138:4.2 Ils passèrent l'après-midi tous ensemble, et Jésus les instruisit pleinement au sujet de leur participation à des festivités. Il conclut ses remarques en disant : « Tous les hommes sont mes frères. Mon Père céleste ne méprise aucun être créé par nous. Le royaume des cieux est ouvert à tous les hommes et à toutes les femmes. Nul ne peut fermer la porte de la miséricorde au visage d'une âme assoiffée cherchant à y entrer. Nous nous assiérons à table avec tous ceux qui désirent entendre parler du royaume. Lorsque d'en haut mon Père céleste regarde les hommes, ils sont tous semblables. Ne refusez donc pas de rompre le pain avec un pharisien ou un pécheur, un sadducéen ou un publicain, un Romain ou un Juif, un riche ou un pauvre, un homme libre ou un esclave. La porte du royaume est grande ouverte à tous ceux qui désirent connaître la vérité et trouver Dieu. »

138:4.3 Ce soir-là, à un simple souper chez Alphée, les frères jumeaux furent reçus dans la famille apostolique. Plus tard dans la soirée, Jésus fit à ses apôtres sa première leçon sur l'origine, la nature et la destinée des esprits impurs, mais ils ne purent comprendre le sens de ce qu'il leur disait. Ils trouvaient très facile d'aimer et d'admirer Jésus, mais très difficile de comprendre beaucoup de ses enseignements.

138:4.4 Après une nuit de repos, tout le groupe, maintenant composé de onze membres, se rendit, par bateau, à Tarichée.

138.5  L'Appel de Thomas et de Judas

138:5.1 Thomas le pêcheur et Judas l'errant rencontrèrent Jésus et les apôtres à l'appontement des bateaux de pêche à Tarichée, et Thomas conduisit le groupe à son domicile voisin. Philippe présenta alors Thomas comme son candidat à l'apostolat, et Nathanael présenta Judas Iscariot, le Judéen, pour un honneur similaire. Jésus regarda Thomas et lui dit : « Thomas, tu manques de foi ; néanmoins je te reçois. Suis-moi. » Et, à Judas Iscariot, le Maitre dit : « Judas, nous sommes tous d'une même chair et, en te recevant au milieu de nous, je prie pour que tu sois toujours loyal envers tes frères galiléens. Suis-moi. »

138:5.2 Quand ils se furent restaurés, Jésus emmena, pendant un certain temps, les douze dans un lieu écarté pour prier avec eux et les instruire sur la nature et le travail du Saint-Esprit, mais, de nouveau, ils ne réussirent à comprendre qu'une minime partie de la signification des merveilleuses vérités que le Maitre s'efforçait de leur inculquer. L'un saisissait un point, son voisin en comprenait un autre, mais aucun ne pouvait saisir l'ensemble de son enseignement. Ils commettaient toujours l'erreur de vouloir faire cadrer le nouvel évangile de Jésus avec leurs anciennes formes de croyance religieuse. Ils ne pouvaient pas saisir l'idée que Jésus était venu proclamer un nouvel évangile de salut et établir une nouvelle manière de trouver Dieu ; ils ne percevaient pas qu'il était une nouvelle révélation du Père qui est aux cieux.

138:5.3 Le lendemain, Jésus laissa ses douze apôtres seuls. Il voulait qu'ils fassent plus ample connaissance entre eux et désirait qu'ils discutent, sans lui, ce qu'il leur avait enseigné. Le Maitre revint pour le repas du soir et, après le diner, il leur parla du ministère des séraphins ; quelques-uns des apôtres comprirent son enseignement. Ils se reposèrent une nuit et repartirent le lendemain, par bateau, pour Capharnaüm.

138:5.4 Zébédée et Salomé étaient allés vivre avec leur fils David, de sorte que leur grande maison pouvait être mise à la disposition de Jésus et de ses douze apôtres. Jésus y passa un sabbat paisible avec ses messagers choisis. Il leur exposa soigneusement ses plans pour proclamer le royaume et leur expliqua pleinement l'importance qu'il y avait à éviter tout conflit avec les autorités civiles, disant : « Si les chefs civils doivent être blâmés, laissez-moi le soin de le faire. Veillez à ne pas porter d'accusations contre César ou ses serviteurs. » Ce fut ce même soir que Judas Iscariot prit Jésus à part pour lui demander pourquoi l'on ne faisait rien pour tirer Jean de prison. Et Judas ne fut pas entièrement satisfait de l'attitude de Jésus.

138.6  La Semaine d'Entrainement Intensif

138:6.1 La semaine suivante fut consacrée à un programme de formation intensive. Chaque jour, les six nouveaux apôtres furent confiés aux soins de ceux qui les avaient respectivement recrutés, pour récapituler tout ce qu'ils avaient appris et expérimenté, afin de les préparer à oeuvrer pour le royaume. Les six premiers apôtres analysaient soigneusement, au profit des six nouveaux, les enseignements antérieurement donnés par Jésus. Le soir, ils se rassemblaient tous dans le jardin de Zébédée pour être instruits par Jésus.

138:6.2 Ce fut alors que Jésus institua le jour de congé du milieu de la semaine pour le repos et la récréation. Ils poursuivirent ce plan de détente, un jour par semaine, durant le reste de la vie matérielle de Jésus. En règle générale, ils ne vaquaient pas à leurs occupations régulières le mercredi. Durant ce jour de congé hebdomadaire, Jésus avait l'habitude de se retirer en les laissant seuls et en disant : « Mes enfants, allez vous distraire durant une journée. Reposez-vous des travaux ardus du royaume et jouissez du délassement que procure le retour à vos anciennes vocations ou la découverte de nouvelles sortes d'activités récréatives. » Durant cette période de sa vie terrestre, Jésus n'avait pas réellement besoin de ce jour de repos, mais il se conformait à ce plan parce qu'il le savait meilleur pour ses associés humains. Jésus était l'éducateur - le Maitre. Ses compagnons étaient ses élèves - des disciples.

138:6.3 Jésus s'efforça d'établir clairement, pour ses apôtres, la différence entre ses enseignements et sa vie parmi eux d'une part, et les enseignements qui pourraient ultérieurement surgir à son propos d'autre part. Jésus leur dit : « Mon royaume et l'évangile qui s'y rapporte seront l'essentiel de votre message. Ne vous laissez pas entrainer à prêcher à propos de moi ou à propos de mes enseignements. Proclamez l'évangile du royaume et décrivez ma révélation du Père qui est aux cieux, mais ne déviez pas dans des voies détournées en créant des légendes ou en bâtissant un culte consacré à des croyances et à des enseignements à propos de mes croyances et enseignements. » Mais, de nouveau, les disciples ne comprirent pas ses raisons de parler ainsi, et nul n'osa lui demander pourquoi il les instruisait de la sorte.

138:6.4 Dans ses premiers enseignements, Jésus cherchait à éviter autant que possible les controverses avec ses apôtres, sauf celles qui impliquaient de fausses conceptions de son Père qui est aux cieux. En toutes ces matières, il n'hésitait jamais à corriger des croyances erronées. Il n'y avait qu'une seule motivation dans la vie de Jésus sur Urantia après son baptême, c'était d'apporter une révélation meilleure et plus véridique de son Père du Paradis ; il était le pionnier du nouveau et meilleur chemin vers Dieu, la voie de la foi et de l'amour. Son exhortation à ses apôtres était toujours : « Recherchez les pécheurs, trouvez les découragés et réconfortez les inquiets. »

138:6.5 Jésus saisissait parfaitement la situation. Il possédait un pouvoir illimité qu'il aurait pu utiliser pour accomplir sa mission, mais il se contentait entièrement de moyens et de personnalités que la plupart des gens auraient considérés comme inadéquats et estimés insignifiants. Il était engagé dans une mission comportant d'immenses possibilités spectaculaires, mais il persista à s'occuper des affaires de son Père de la manière la plus simple et la moins théâtrale, en évitant soigneusement tout étalage de pouvoir. Il se proposa maintenant de travailler tranquillement avec ses douze apôtres, au moins pendant plusieurs mois, au voisinage de la mer de Galilée.

138.7  Une Nouvelle Déception

138:7.1 Jésus avait projeté une paisible campagne missionnaire de cinq mois de travail personnel. Il ne dit pas à ses apôtres combien de temps elle devait durer ; ils travaillaient de semaine en semaine. De bonne heure le premier jour de la semaine, alors qu'il était sur le point de s'en ouvrir à ses douze apôtres, Simon Pierre, Jacques Zébédée et Judas Iscariot vinrent lui parler en privé. Prenant Jésus à part, Pierre s'enhardit jusqu'à lui dire : « Maitre, nous venons, à la demande de nos compagnons, nous enquérir si le moment n'est pas maintenant venu d'entrer dans le royaume. Vas-tu proclamer le royaume à Capharnaüm, ou bien irons-nous jusqu'à Jérusalem ? Et quand saurons-nous chacun les postes que nous devrons occuper auprès de toi dans l'établissement du royaume... » Et Pierre aurait continué à poser d'autres questions, mais Jésus leva une main réprobatrice et l'arrêta ; et, faisant signe d'approcher aux autres apôtres qui attendaient dans le voisinage, il leur dit : « Mes petits enfants, combien de temps vous supporterai-je ? Ne vous ai-je pas expliqué que mon royaume n'est pas de ce monde ? Je vous ai maintes fois dit que je ne suis pas venu siéger sur le trône de David ; alors, comment se fait-il que vous me demandiez la place que chacun de vous occupera dans le royaume du Père ? Ne pouvez-vous percevoir que je vous ai appelés comme ambassadeurs d'un royaume spirituel ? Ne comprenez-vous pas que bientôt, très bientôt, vous aurez à me représenter dans le monde et à proclamer le royaume, de même que je représente maintenant mon Père qui est aux cieux ? Est-il possible que je vous aie choisis et instruits comme messagers du royaume, et que pourtant vous ne compreniez ni la nature ni la signification de ce royaume à venir, où Dieu prédominera dans le coeur des hommes ? Mes amis, écoutez-moi encore une fois. Bannissez de vos pensées l'idée que mon royaume est une souveraineté de puissance ou un règne de gloire. En vérité, tous pouvoirs dans le ciel et sur terre seront bientôt remis entre mes mains, mais la volonté du Père n'est pas que nous utilisions ce don divin pour nous glorifier durant cet âge. Dans un autre âge, vous siègerez en effet avec moi en puissance et en gloire, mais, présentement, il convient de nous soumettre à la volonté du Père et d'obéir humblement en allant exécuter ses commandements sur terre. »

138:7.2 Une fois de plus, ses compagnons furent choqués et abasourdis. Jésus les renvoya deux par deux pour prier, leur demandant de venir le retrouver à midi. En ce matin décisif, chacun d'eux chercha à trouver Dieu, et chacun s'efforça d'encourager et d'affermir son compagnon, puis ils revinrent vers Jésus comme celui-ci le leur avait recommandé.

138:7.3 Jésus leur raconta alors la venue de Jean, le baptême dans le Jourdain, les noces de Cana, le récent choix des six et la mise à l'écart de ses propres frères dans la chair. Il les prévint que l'ennemi du royaume chercherait aussi à les écarter. Après ce bref mais sérieux entretien, tous les apôtres se levèrent, sous la conduite de Pierre, pour proclamer leur dévotion impérissable à leur Maitre et promettre leur fidélité indéfectible au royaume - selon l'expression de Thomas, « à ce royaume à venir, quel qu'il soit, même si je ne le comprends pas pleinement » . Ils croyaient tous en Jésus sincèrement, bien qu'ils ne comprissent pas entièrement son enseignement.

138:7.4 Jésus leur demanda alors combien à eux tous ils avaient d'argent ; il s'enquit aussi des dispositions qu'ils avaient prises pour leurs familles. Lorsqu'il fut clair qu'ils avaient à peine assez de fonds pour s'entretenir pendant deux semaines, Jésus dit : « Ce n'est pas la volonté de mon Père que nous commencions à travailler dans ces conditions. Nous allons rester ici quinze jours près de la mer et pêcher ou faire les travaux manuels que nous trouverons. Entre temps, sous la direction d'André, premier apôtre choisi, vous vous organiserez de manière à vous procurer tout ce dont vous aurez besoin dans votre futur ministère, aussi bien dans votre présent travail personnel que dans la période ultérieure, où je vous confèrerai l'ordination pour prêcher l'évangile et instruire les croyants. » Ils furent tous ragaillardis par ces paroles ; c'était la première fois que Jésus leur indiquait, d'une manière claire et positive, son intention d'entreprendre plus tard des efforts publics plus dynamiques et plus spectaculaires.

138:7.5 Les apôtres passèrent le reste de la journée à mettre au point leur organisation et à se procurer bateaux et filets pour aller pêcher le lendemain matin, car ils avaient tous décidé de se consacrer à la pêche ; la plupart d'entre eux avaient été des pêcheurs, et Jésus lui-même était un marin et un pêcheur expérimenté. Nombre de bateaux qu'ils utilisèrent au cours des années suivantes avaient été construits des propres mains de Jésus, et c'étaient de bons bateaux dignes de confiance.

138:7.6 Jésus enjoignit aux apôtres de se consacrer à la pêche durant deux semaines et ajouta : « Ensuite, vous partirez pour devenir pêcheurs d'hommes. » Ils se séparèrent en trois groupes Jésus accompagnant, chaque nuit, un groupe différent. Ils éprouvaient tous un immense plaisir à sa compagnie. Il était bon pêcheur, joyeux compagnon et un ami inspirant. Plus les apôtres travaillaient avec lui, plus ils l'aimaient. Matthieu dit un jour : « Plus vous comprenez certaines personnes, moins vous les admirez, mais avec cet homme, moins je le comprends plus je l'aime. »

138:7.7 Ce plan, consistant à pêcher deux semaines et à sortir ensuite deux semaines pour faire du travail personnel en faveur du royaume, fut suivi pendant plus de cinq mois jusqu'à la fin de cette année 26, et même après la cessation des persécutions spécialement dirigées contre les disciples de Jean à la suite de son emprisonnement.

138.8  Premiers Travaux des Douze

138:8.1 Quand il eut vendu les prises de poisson de deux semaines, Judas Iscariot, choisi pour trésorier des douze, divisa les fonds apostoliques en six parts égales après avoir prélevé, au préalable, les sommes nécessaires aux familles qui étaient à la charge des apôtres. Puis, vers le milieu d'août de l'an 26, ils partirent deux par deux dans les régions de travail assignées par André. Durant la première quinzaine, Jésus accompagna André et Pierre, durant la seconde, Jacques et Jean, et ainsi de suite pour les autres paires, dans l'ordre où ils avaient été choisis. De la sorte, il put sortir au moins une fois avec chaque paire avant de les réunir pour inaugurer leur ministère public.

138:8.2 Jésus leur apprit à prêcher le pardon des péchés par la foi en Dieu sans pénitence ni sacrifice, et de déclarer que le Père qui est aux cieux aime tous ses enfants du même amour éternel. Il enjoignit à ses apôtres de s'abstenir de toute discussion sur :

138:8.3 1. Le travail et l'emprisonnement de Jean le Baptiste.

138:8.4 2. La voix venant du ciel à son baptême. Jésus dit : « Seuls ceux qui ont entendu la voix ont le droit d'y faire allusion. Proclamez seulement ce que vous m'avez entendu dire ; ne parlez pas par ouï-dire. »

138:8.5 3. Le changement de l'eau en vin à Cana. Jésus les invita formellement à « ne raconter à personne l'histoire de l'eau et du vin » .

138:8.6 Les apôtres eurent des moments merveilleux pendant ces cinq ou six mois, durant lesquels ils travaillèrent, une quinzaine sur deux, comme pêcheurs, gagnant ainsi assez d'argent pour subvenir à leurs besoins et pouvoir consacrer la quinzaine suivante au travail missionnaire du royaume.

138:8.7 Les gens du peuple s'émerveillaient des enseignements et du ministère de Jésus et de ses apôtres. Les rabbins avaient depuis longtemps enseigné aux Juifs que les ignorants ne pouvaient être ni pieux ni justes. Or, les apôtres de Jésus étaient à la fois pieux et justes, et pourtant ils ignoraient allègrement une bonne partie de la science des rabbins et de la sagesse du monde.

138:8.8 Jésus expliqua clairement à ses apôtres la différence entre la repentance par les soi-disant bonnes oeuvres, comme l'enseignaient les Juifs, et le changement mental par la foi - la nouvelle naissance - qu'il exigeait comme prix d'admission au royaume. Il enseigna à ses apôtres que la foi est la seule condition nécessaire pour entrer dans le royaume du Père. Jean leur avait enseigné « la repentance - à fuir la colère à venir » . Jésus enseignait que « la foi est la porte ouverte pour entrer dans l'amour de Dieu présent, parfait et éternel » . Jésus ne parlait pas comme un prophète venu proclamer la parole de Dieu. Il semblait parler de lui-même comme quelqu'un ayant autorité. Jésus cherchait à détourner leur mental de la recherche des miracles vers la découverte d'une expérience réelle et personnelle dans la satisfaction et l'assurance de la présence intérieure de l'esprit d'amour de Dieu et de sa grâce salvatrice.

138:8.9 Les disciples apprirent de bonne heure que le Maitre avait un profond respect et une estime compatissante pour chaque être humain qu'il rencontrait. Ils étaient prodigieusement impressionnés par la considération uniforme et invariable qu'il accordait si constamment à toutes sortes d'hommes, de femmes et d'enfants. Il s'arrêtait au milieu d'un profond exposé pour sortir sur la route et dire quelques mots d'encouragement à une passante chargée du fardeau de son corps et de son âme. Il s'interrompait au milieu d'une importante conférence avec ses apôtres pour fraterniser avec un enfant importun. Rien ne semblait jamais aussi important à Jésus que l'humain individuel qui se trouvait en sa présence immédiate. Il était maitre et instructeur, mais plus encore - il était aussi un ami et un proche, un camarade compréhensif.

138:8.10 Bien que l'enseignement public de Jésus consistât principalement en paraboles et en brefs discours, il instruisait invariablement ses apôtres par questions et réponses. Durant ses conférences publiques ultérieures, il s'interrompait toujours pour répondre aux questions sincères.

138:8.11 Les apôtres furent d'abord choqués par la manière dont il traitait les femmes, mais ils s'y accoutumèrent très tôt. Il leur expliqua clairement que, dans le royaume, il fallait accorder aux femmes des droits égaux à ceux des hommes.

138.9  Cinq Mois d'Essai

138:9.1 Cette période quelque peu monotone de pêche alternant avec du travail personnel se révéla une expérience épuisante pour les douze apôtres, mais ils supportèrent l'épreuve. Malgré tous leurs murmures, leurs doutes et leurs mécontentements passagers, ils restèrent fidèles à leur voeu de dévotion et d'attachement au Maitre. Leur association personnelle avec Jésus durant ces mois d'essai le leur rendit si cher que tous (sauf Judas Iscariot) lui restèrent loyaux et fidèles, même durant les heures sombres du jugement et de la crucifixion. De vrais hommes ne pouvaient pas purement et simplement abandonner réellement un éducateur révéré, qui avait vécu aussi près d'eux et leur avait été aussi dévoué que Jésus. Durant les heures sombres de la mort du Maitre, tout raisonnement, tout jugement et toute logique s'effacèrent du coeur des apôtres devant une seule émotion humaine extraordinaire - le sentiment suprême d'amitié et de fidélité. Ces cinq mois de travail avec Jésus conduisirent ces apôtres, tous autant qu'ils étaient, à le considérer comme le meilleur ami qu'ils eussent au monde. Ce fut ce sentiment humain, et non ses enseignements magnifiques ou ses actes merveilleux, qui les maintint unis jusqu'après la résurrection et le renouvellement de la proclamation de l'évangile du royaume.

138:9.2 Non seulement ces mois de travail paisible furent pour les apôtres une grande épreuve à laquelle ils survécurent, mais cette période d'inactivité publique fut aussi une grande épreuve pour la famille de Jésus. Au moment où Jésus fut prêt à commencer son oeuvre publique, tous les membres de sa famille (à l'exception de Ruth) l'avaient pratiquement abandonné. Ils n'essayèrent d'établir un contact avec lui qu'en de rares occasions ultérieures, et, alors, ce fut pour le persuader de revenir au foyer avec eux, car ils n'étaient pas loin de le considérer comme n'ayant plus tout son bon sens. Ils étaient simplement incapables de sonder sa philosophie ou de saisir son enseignement ; c'en était trop pour ceux de sa chair et de son sang.

138:9.3 Les apôtres poursuivirent leur travail personnel à Capharnaüm, Bethsaïde-Julias, Chorazin, Gérasa, Hippos, Magdala, Cana, Bethléem de Galilée, Jotapata, Rama, Safed, Gischala, Gadara et Abila. Outre ces villes, ils exercèrent leur apostolat dans de nombreux villages et aussi dans la campagne. Vers la fin de cette période, les douze avaient élaboré des plans assez satisfaisants pour l'entretien de leurs familles respectives. La plupart des apôtres étaient mariés, certains avaient plusieurs enfants, mais, pour le soutien de leur foyer, ils avaient pris des dispositions telles qu'avec une légère assistance des fonds apostoliques, ils pouvaient consacrer toute leur énergie à l'oeuvre du Maitre sans avoir à se soucier du bien-être financier de leur famille.

138.10  L'Organisation des Douze

138:10.1 Les apôtres s'organisèrent de bonne heure de la manière suivante :

138:10.2 1. André, le premier choisi, fut nommé président et directeur général des douze.

138:10.3 2. Pierre, Jacques et Jean furent désignés comme compagnons personnels de Jésus. Ils devaient s'occuper de lui jour et nuit, pourvoir à ses besoins matériels et divers, et l'accompagner les nuits où il veillait et priait dans une mystérieuse communion avec le Père céleste.

138:10.4 3. Philippe devint l'intendant du groupe. Il avait la charge d'assurer le ravitaillement et de veiller à ce que les visiteurs, ou parfois même les foules d'auditeurs, eussent quelque chose à manger.

138:10.5 4. Nathanael veillait aux besoins des familles des douze. Il recevait des comptes rendus réguliers sur les besoins de la famille de chaque apôtre, et envoyait, chaque semaine, des fonds à ceux qui en avaient besoin, après les avoir requis de Judas le trésorier.

138:10.6 5. Matthieu était l'agent comptable du corps apostolique. Il devait veiller à l'équilibre du budget et à l'alimentation de la trésorerie. Si les fonds de soutien mutuel ne rentraient pas, si l'on ne recevait pas de dons suffisants pour entretenir le groupe, Matthieu avait pouvoir d'ordonner aux douze de retourner à leurs filets pour un certain temps. Toutefois, ce ne fut jamais nécessaire après le commencement de leur campagne publique ; il y eut alors assez de fonds entre les mains du trésorier pour financer leurs activités.

138:10.7 6. Thomas était l'organisateur de l'itinéraire. Il lui était dévolu de prévoir le logement et, d'une manière générale, de choisir les lieux de prêche et d'enseignement de manière à assurer un programme des déplacements sans heurts ni contretemps.

138:10.8 7. Jacques et Judas, les fils jumeaux d'Alphée, furent affectés au contrôle des multitudes. Ils avaient pour tâche de déléguer des pouvoirs à des surveillants auxiliaires en nombre suffisant pour leur permettre de maintenir l'ordre parmi les foules assistant aux sermons.

138:10.9 8. Simon Zélotès reçut la responsabilité des récréations et des divertissements. Il arrangeait les programmes du mercredi et cherchait aussi à procurer, chaque jour, quelques heures de détente et de diversion.

138:10.10 9. Judas Iscariot fut nommé trésorier. Il portait la bourse, payait toutes les dépenses et tenait les comptes. Il établissait un projet de budget chaque semaine pour Matthieu, et faisait aussi des rapports hebdomadaires à André. Judas versait les fonds sur autorisation d'André.

138:10.11 L'organisation primitive des douze fonctionna de cette manière jusqu'au moment où une réorganisation fut rendue nécessaire par la désertion de Judas, le traitre. Le Maitre et ses apôtres-disciples continuèrent de cette simple façon jusqu'au dimanche 12 janvier de l'an 27, où il les réunit et leur conféra formellement l'ordination comme ambassadeurs du royaume et prédicateurs de sa bonne nouvelle. Bientôt après, ils se préparèrent à partir pour Jérusalem et la Judée pour leur première tournée de prédication publique.

139. Les Douze Apôtres

139:0.1 LE CHARME et la droiture de la vie terrestre de Jésus comportent un éloquent témoignage : bien qu'il n'eût cessé de briser les espoirs de ses apôtres et de mettre en pièces chacune de leurs ambitions d'élévation personnelle, il ne fut abandonné que par un seul d'entre eux.

139:0.2 Les apôtres apprirent beaucoup de Jésus sur le royaume du ciel, et Jésus apprit beaucoup d'eux sur le royaume des hommes, sur la nature humaine telle qu'elle existe sur Urantia et sur les autres mondes évolutionnaires du temps et de l'espace. Ces douze hommes représentaient de nombreux types différents de tempéraments humains, et l'instruction ne les avait pas rendus semblables. Beaucoup de ces pêcheurs galiléens avaient une forte ascendance de sang gentil, par suite de la conversion forcée des Gentils de Galilée un siècle auparavant.

139:0.3 Ne commettez pas l'erreur de considérer les apôtres comme complètement ignorants et dépourvus d'instruction. Tous, sauf les jumeaux Alphée, avaient pris leurs grades dans les écoles des synagogues, ayant reçu une formation complète dans les Écritures hébraïques et les connaissances courantes de l'époque. Sept d'entre eux étaient diplômés des écoles de la synagogue de Capharnaüm, et il n'existait pas de meilleure école juive dans toute la Galilée.

139:0.4 Quand vos archives qualifient ces messagers du royaume « d'ignorants et d'illettrés » , l'intention de leurs auteurs était de transmettre l'idée qu'il s'agissait de laïcs, non instruits dans la science des rabbins et non éduqués dans les méthodes d'interprétation rabbinique des Écritures. Ils manquaient de ce qu'on a coutume d'appeler l'instruction supérieure. Dans les temps modernes, on les considèrerait certainement comme dépourvus d'instruction et même, dans certains cercles sociaux, comme dépourvus de culture. Une chose est certaine : ils n'avaient pas tous passé par le même programme d'études rigide et stéréotypé. Depuis leur adolescence, chacun d'eux était passé par des expériences différentes d'apprentissage de la vie.

139.1  André, le Premier Choisi

139:1.1 André, président du corps apostolique du royaume, naquit à Capharnaüm. Il était l'ainé d'une famille de cinq - lui-même, son frère Simon et trois soeurs. Son défunt père avait été un associé de Zébédée dans une affaire de séchage de poisson à Bethsaïde, le port de pêche de Capharnaüm. Lorsqu'André devint apôtre, il n'était pas marié, mais il vivait chez son frère marié Simon Pierre. Ils étaient tous deux pêcheurs et associés de Jacques et Jean, fils de Zébédée.

139:1.2 En l'an 26, où il fut choisi comme apôtre, André avait 33 ans, un an de plus que Jésus et il était le plus âgé des apôtres. Issu d'une excellente lignée d'ancêtres, il était le plus capable des douze. Sauf pour le don de la parole, il était l'égal de ses compagnons dans presque toutes les aptitudes imaginables. Jamais Jésus ne donna à André de surnom, de désignation familière. De même que les apôtres ne tardèrent pas à appeler Jésus Maitre, ils désignèrent également André par un nom équivalent à Chef.

139:1.3 André était un bon organisateur, mais encore meilleur administrateur. Il faisait partie du cercle intérieur de quatre apôtres, mais sa nomination, par Jésus, comme chef du groupe apostolique rendait sa présence nécessaire auprès de ses frères pendant que les trois autres bénéficiaient d'une communion très étroite avec le Maitre. Jusqu'au bout, André resta le doyen du corps apostolique.

139:1.4 Bien qu'il ne fût pas bon prédicateur, André faisait un travail personnel efficace. Il était le missionnaire pionnier du royaume, en ce sens qu'ayant été le premier apôtre choisi, il amena immédiatement à Jésus son frère Simon, qui devint ultérieurement l'un des plus grands prédicateurs du royaume. André fut le principal soutien de la politique de Jésus, utilisant le programme de travail personnel comme moyen d'éduquer les douze en tant que messagers du royaume.

139:1.5 Soit que Jésus enseignât les apôtres en privé, soit qu'il prêchât aux foules, André était généralement au courant de ce qui se passait. Il était un exécutant intelligent et un administrateur efficace. Il prenait de promptes décisions sur toutes les affaires portées à son attention, sauf quand il estimait que le problème dépassait le domaine de son autorité, auquel cas il le soumettait directement à Jésus.

139:1.6 André et Pierre étaient fort dissemblables de caractère et de tempérament, mais il faut inscrire éternellement à leur crédit qu'ils s'entendaient magnifiquement. André ne fut jamais jaloux des dons oratoires de Pierre. Il est rare de voir un homme plus âgé du type d'André exercer une influence aussi profonde sur un frère plus jeune et bien doué. André et Pierre ne semblaient jamais, le moins du monde, jaloux des talents ou des accomplissements l'un de l'autre. Tard dans la soirée du jour de la Pentecôte, lorsque deux-mille âmes furent ajoutées au royaume principalement à cause du sermon énergique et inspirant de Pierre, André dit à son frère : « J'aurais été incapable de cela, mais je suis heureux d'avoir un frère capable de l'avoir fait. » À quoi Pierre répondit : « Si tu ne m'avais pas amené au Maitre, et sans ta persévérance à me maintenir auprès de lui, je n'aurais pas été ici pour faire cela. » André et Pierre étaient les exceptions à la règle. Ils démontraient que même des frères peuvent vivre paisiblement et travailler efficacement ensemble.

139:1.7 Après la Pentecôte, Pierre fut célèbre, mais son ainé André ne s'irrita jamais de passer le reste de sa vie à être présenté comme « le frère de Simon Pierre » .

139:1.8 De tous les apôtres, c'était André qui jugeait le mieux les hommes. Il savait que des conflits germaient dans le coeur de Judas Iscariot, même avant qu'aucun des autres ne soupçonnât que quelque chose n'allait pas chez leur trésorier ; mais il ne parla à personne de ses craintes. Le grand service rendu par André au royaume fut de conseiller Pierre, Jacques et Jean sur le choix des premiers missionnaires envoyés pour proclamer l'évangile, et aussi de donner, à ces premiers dirigeants, des avis sur l'organisation des affaires administratives du royaume. André avait un grand don pour découvrir les ressources cachées et les qualités latentes des jeunes.

139:1.9 Très tôt après l'ascension céleste de Jésus, André commença à écrire un récit personnel des dires et des actes de son Maitre disparu. Après la mort d'André, on fit d'autres copies de ce récit privé, qui circulèrent largement parmi les premiers éducateurs de l'Église chrétienne. Les notes officieuses d'André furent ultérieurement corrigées, amendées, adultérées et complétées, jusqu'à faire un récit assez continu de la vie terrestre du Maitre. La dernière de ces quelques copies adultérées et corrigées fut détruite par le feu à Alexandrie, une centaine d'années après la rédaction de l'original par le premier choisi des douze apôtres.

139:1.10 André était un homme de vision claire, de pensée logique et de décision ferme. La grande force de son caractère résidait dans sa superbe stabilité. Le handicap de son tempérament était son manque d'enthousiasme ; il omit maintes fois d'encourager ses compagnons par des éloges judicieux. Cette réticence à louer les accomplissements méritoires de ses amis venait de son horreur de la flatterie et de l'hypocrisie. André était un homme complet, de modeste envergure, d'humeur égale et parvenant au succès par ses propres efforts.

139:1.11 Chacun des douze apôtres aimait Jésus, mais il reste vrai que chacun d'eux était attiré vers lui par un trait caractéristique différent de la personnalité du Maitre, trait qui exerçait individuellement sur cet apôtre un attrait spécial. André admirait Jésus à cause de sa constante sincérité, de sa dignité sans affectation. Les hommes qui avaient une fois rencontré Jésus éprouvaient le besoin de le faire connaître aussi à leurs amis ; ils souhaitaient réellement que le monde entier le connaisse.

139:1.12 Quand les persécutions ultérieures dispersèrent les apôtres hors de Jérusalem, André voyagea en Arménie, en Asie Mineure et en Macédoine. Et, après avoir amené au Royaume des milliers de gens, il fut finalement arrêté et crucifié à Patras, en Achaïe. Cet homme robuste mit deux jours entiers à mourir sur la croix et, durant ces heures tragiques, il continua efficacement à proclamer la bonne nouvelle du salut du royaume des cieux.

139.2  Simon Pierre

139:2.1 Lorsque Simon se joignit aux apôtres, il avait trente ans. Il était marié, avait trois enfants et vivait à Bethsaïde près de Capharnaüm. Son frère André et la mère de sa femme vivaient avec lui. Pierre et André étaient tous deux associés pour la pêche aux fils de Zébédée.

139:2.2 Le Maitre connaissait Simon depuis quelque temps avant qu'André le lui présentât comme second apôtre. Lorsque Jésus donna à Simon le nom de Pierre, il le fit avec un sourire ; cela devait être une sorte de surnom. Simon était bien connu de tous ses amis comme un compagnon fantasque et impulsif. Il est vrai que, plus tard, Jésus attacha une importance nouvelle et significative à ce surnom donné à la légère.

139:2.3 Simon Pierre était un impulsif, un optimiste. Il avait grandi en se permettant de manifester librement de vigoureux sentiments. Il se mettait constamment en difficulté parce qu'il persistait à parler sans réfléchir. Cette sorte d'étourderie amenait aussi des ennuis incessants à tous ses amis et associés, et fut la cause de nombreuses réprimandes amicales qu'il reçut de son Maitre. La seule raison pour laquelle ses paroles irréfléchies ne le plongèrent pas dans des difficultés pires fut qu'il apprit de bonne heure à discuter beaucoup de ses plans et projets avec son frère André avant de s'aventurer à faire des propositions publiques.

139:2.4 Pierre était un orateur disert, éloquent et théâtral. Par naturel, il était aussi un entraineur d'hommes doué d'inspiration, un penseur rapide, mais sans raisonnements profonds. Il posait beaucoup de questions, plus que tous les apôtres réunis et, bien que ces questions fussent en majorité bonnes et pertinentes, beaucoup étaient sottes et inconsidérées. Pierre n'était pas un penseur profond, mais il connaissait assez bien son mental. Il était donc un homme de décision rapide et d'action brusquée. Tandis que les autres discutaient avec étonnement en voyant Jésus sur le rivage, Pierre sauta à l'eau et nagea à la rencontre du Maitre.

139:2.5 Le trait que Pierre admirait le plus dans le caractère de Jésus était sa divine tendresse. Pierre ne se lassa jamais d'observer la longanimité de Jésus. Il n'oublia jamais la leçon consistant à pardonner aux méchants non seulement sept fois, mais soixante-dix-sept fois. Il médita longuement ces impressions sur le caractère indulgent du Maitre durant les jours sombres et mornes qui suivirent son reniement irréfléchi et involontaire dans la cour du grand-prêtre.

139:2.6 Simon Pierre vacillait d'une manière affligeante ; il passait soudainement d'un extrême à l'autre. D'abord il refusa de laisser Jésus lui laver les pieds et ensuite, en entendant la réplique du Maitre, il lui pria de lui laver le corps tout entier. Après tout, Jésus savait que les fautes de Pierre venaient de la tête et non du coeur. Pierre représentait l'une des combinaisons les plus inexplicables de courage et de lâcheté que l'on ait jamais vues sur terre. La plus grande force de son caractère était la loyauté, l'amitié. Pierre aimait réellement et sincèrement Jésus et cependant, malgré cette sublime force de dévotion, il était si instable et inconstant qu'il laissa une servante le taquiner jusqu'à lui faire renier son Seigneur et Maitre. Pierre pouvait supporter la persécution et toute autre forme d'attaque directe, mais il était désemparé et s'effondrait devant le ridicule. Il était un vaillant soldat quand on l'attaquait de front, mais un lâche, courbant l'échine de frayeur, quand il était surpris par derrière.

139:2.7 Pierre fut le premier apôtre de Jésus à se mettre en avant pour défendre l'oeuvre de Philippe chez les Samaritains et celle de Paul chez les Gentils. Cependant, plus tard à Antioche, il se rétracta lorsqu'il fut confronté avec des judaïsants qui le ridiculisaient ; il se retira temporairement de chez les Gentils, sans autre résultat que d'attirer sur sa tête le désavoeu intrépide de Paul.

139:2.8 Il fut le premier apôtre à reconnaître tout entier la combinaison d'humanité et de divinité de Jésus, et le premier - après Judas - à le renier. Pierre n'était pas spécialement un rêveur, mais il n'aimait pas descendre des nuées de l'extase et de l'enthousiasme de ses rêveries théâtrales pour se retrouver dans le simple monde des réalités terrestres.

139:2.9 En suivant Jésus (au propre et au figuré), ou bien il était en tête de la procession, ou bien il trainait à la queue - « suivant loin en arrière » . Mais il était le plus remarquable prédicateur des douze. Il contribua plus que n'importe qui, sauf Paul, à établir le royaume et, en l'espace d'une génération, à envoyer ses messagers aux quatre coins de la terre.

139:2.10 Après avoir étourdiment renié le Maitre, il se ressaisit et, sous la direction sympathique et compréhensive d'André, il fut le premier à retourner à ses filets de pêche, tandis que les apôtres s'attardaient pour voir ce qui allait arriver après la crucifixion. Quand il fut pleinement assuré que Jésus lui avait pardonné et qu'il se sut réintégré dans le giron du Maitre, les feux du royaume brulèrent si vivement dans son âme qu'il devint une grande lumière de salut pour des multitudes errant dans les ténèbres.

139:2.11 Après avoir quitté Jérusalem, et avant que Paul ne devînt l'esprit dirigeant dans les Églises chrétiennes des Gentils, Pierre voyagea énormément, visitant toutes les Églises depuis Babylone jusqu'à Corinthe. Il rendit visite et apporta même son ministère à beaucoup d'Églises fondées par Paul. Bien que Pierre et Paul fussent très différents de tempérament et d'éducation, et même du point de vue théologique, ils travaillèrent harmonieusement ensemble, durant leurs dernières années, à constituer les Églises.

139:2.12 Le style et l'enseignement de Pierre ressortent quelque peu dans les sermons partiellement transcrits par Luc, et dans l'évangile de Marc. Son style vigoureux apparaît mieux dans sa lettre connue sous le titre de Première Épitre de Pierre ; c'était du moins vrai avant qu'elle ne fût altérée plus tard par un disciple de Paul.

139:2.13 Mais Pierre persista dans son erreur de vouloir convaincre les Juifs qu'après tout, Jésus était réellement et véritablement le Messie Juif. Jusqu'au jour même de sa mort, Simon Pierre continua à confondre dans son mental les trois concepts de Jésus en tant que Messie des Juifs, que Christ rédempteur du monde, et que Fils de l'Homme révélant Dieu, le Père aimant de toute l'humanité.

139:2.14 L'épouse de Pierre était une femme très capable. Pendant des années, elle travailla utilement en tant que membre du corps évangélique féminin et, lorsque Pierre fut chassé de Jérusalem, elle l'accompagna dans toutes ses visites aux Églises et dans tous ses voyages missionnaires. Le jour où son illustre mari perdit la vie, elle fut jetée en pâture aux bêtes féroces dans l'arène de Rome.

139:2.15 C'est ainsi que cet homme, Pierre, un intime de Jésus, un membre du cercle intérieur, partit de Jérusalem en proclamant avec puissance et gloire la bonne nouvelle du royaume, jusqu'à ce que la plénitude de son ministère eût été accomplie. Il considéra qu'on lui faisait un grand honneur lorsque ceux qui s'étaient emparés de lui l'informèrent qu'il devait mourir comme son Maitre était mort - sur la croix. C'est ainsi que Simon Pierre fut crucifié à Rome.

139.3  Jacques Zébédée

139:3.1 Jacques, l'ainé des deux apôtres fils de Zébédée que Jésus surnommait « les fils du tonnerre » , avait trente ans quand il devint apôtre. Il était marié, avait quatre enfants et vivait près de ses parents à Behtsaïde, faubourg de Capharnaüm. Il était pêcheur et exerçait son métier en compagnie de son jeune frère Jean, et en association avec André et Simon. Jacques et son frère Jean avaient, sur tous les autres apôtres, l'avantage de connaître Jésus depuis plus longtemps qu'eux.

139:3.2 Cet apôtre compétent avait un tempérament contradictoire ; il semblait réellement posséder deux natures, toutes deux mues par de forts sentiments. Il était particulièrement véhément quand son indignation était à son comble. Il manifestait une humeur fougueuse quand il était sérieusement provoqué. Quand l'orage était passé, il avait toujours l'habitude de justifier et d'excuser son comportement en alléguant que c'était entièrement une manifestation de juste indignation. Sauf pour ces accès périodiques de colère, la personnalité de Jacques ressemblait beaucoup à celle d'André. Il n'avait ni la discrétion, ni la perspicacité d'André pour scruter la nature humaine, mais il parlait beaucoup mieux que lui en public. Après Pierre, et peut-être Matthieu, Jacques était le meilleur tribun parmi les douze.

139:3.3 Bien que Jacques ne fût aucunement maussade, il pouvait être tranquille et taciturne un jour, puis le lendemain un très bon causeur et conteur d'histoires. Il parlait habituellement sans contrainte avec Jésus, mais, parmi les douze, il était l'homme silencieux, parfois durant plusieurs jours consécutifs. Ses périodes de silence inexplicable constituaient sa grande faiblesse.

139:3.4 Le trait le plus remarquable de la personnalité de Jacques était son aptitude à voir tous les aspects d'un problème. Il était celui des douze qui fut le plus près de saisir l'importance et la signification réelles de l'enseignement de Jésus. Lui aussi fut d'abord lent à comprendre ce que voulait dire le Maitre, mais, avant la fin de leur formation, il avait acquis un concept supérieur du message de Jésus. Jacques était capable de comprendre un vaste domaine de la nature humaine. Il s'entendait bien avec le souple André, avec l'impétueux Pierre et avec son peu communicatif frère Jean.

139:3.5 Bien que Jacques et Jean eussent leurs difficultés en essayant de travailler ensemble, il était réconfortant d'observer leur bon accord. Ils ne réussirent pas tout à fait aussi bien qu'André et Pierre, mais ils firent un travail bien meilleur que l'on ne peut ordinairement l'espérer de deux frères, et surtout de deux frères entêtés et résolus. Si étrange que cela paraisse, les deux fils de Zébédée se supportaient bien mieux qu'ils ne supportaient les étrangers ; ils avaient une grande affection l'un pour l'autre ; ils avaient toujours été d'heureux compagnons de jeu. Ce furent ces « fils du tonnerre » qui voulurent faire descendre le feu du ciel afin d'anéantir les Samaritains assez présomptueux pour manquer de respect à leur Maitre. La mort prématurée de Jacques modifia considérablement le caractère véhément de son jeune frère Jean.

139:3.6 Le trait de caractère de Jésus que Jacques admirait le plus était l'affection compatissante du Maitre. L'intérêt compréhensif de Jésus pour les petits et les grands, les riches et les pauvres, exerçait sur lui un grand attrait.

139:3.7 Jacques Zébédée était un penseur et un organisateur bien équilibré. Avec André, il était l'un des membres les plus pondérés du groupe apostolique. Il était énergique, mais jamais pressé. Il formait un excellent contrepoids pour Pierre.

139:3.8 Il était modeste et peu emphatique, un serviteur quotidien, un travailleur sans prétention, ne recherchant aucune récompense spéciale lorsqu'il eut quelque peu saisi la signification réelle du royaume. Même dans l'histoire de la mère de Jacques et de Jean demandant que des places fussent accordées à ses fils à droite et à gauche de Jésus, il ne faut pas oublier que ce fut leur mère qui présenta cette requête. En déclarant qu'ils étaient prêts à accepter ces responsabilités, il faut reconnaître qu'ils étaient au courant des dangers inhérents à la prétendue révolte du Maitre contre le pouvoir romain et qu'ils acceptaient aussi d'en payer le prix. Lorsque Jésus leur demanda s'ils étaient prêts à boire la coupe, ils répondirent affirmativement. En ce qui concerne Jacques, ce fut littéralement vrai - il but la coupe avec le Maitre, vu qu'il fut le premier apôtre à subir le martyre, car Hérode Agrippa le fit bientôt périr par l'épée. Jacques fut donc le premier des douze à sacrifier sa vie sur le nouveau front de bataille du royaume. Hérode Agrippa redoutait Jacques plus que tous les autres apôtres. En vérité, Jacques était souvent tranquille et silencieux, mais il était courageux et résolu quand ses convictions étaient stimulées et mises au défi.

139:3.9 Jacques vécut sa vie avec plénitude et, lorsque la fin arriva, il se comporta avec tant de grâce et de force morale que même son accusateur et dénonciateur, témoin de son jugement et de son exécution, fut touché au point que, fuyant précipitamment le spectacle de la mort de Jacques, il alla se joindre aux disciples de Jésus.

139.4  Jean Zébédée

139:4.1 Lorsque Jean devint apôtre, il avait vingt-quatre ans et il était le plus jeune des douze. Il était célibataire et vivait avec ses parents à Bethsaïde. Il était pêcheur et travaillait avec son frère Jacques en association avec André et Pierre. Avant et après son ordination comme apôtre, Jean opéra comme agent personnel de Jésus pour s'occuper de la famille du Maitre, et il assuma cette responsabilité aussi longtemps que vécut Marie, mère de Jésus.

139:4.2 Du fait que Jean était le plus jeune des douze et en contact aussi étroit avec Jésus pour les affaires de famille de ce dernier, il était très cher au Maitre, mais on ne saurait dire en vérité qu'il était « le disciple que Jésus aimait » . On ne peut guère suspecter une personnalité aussi magnanime que Jésus d'être coupable d'avoir fait montre de favoritisme et d'avoir aimé un de ses apôtres plus que les autres. Le fait que Jean était l'un des trois auxiliaires personnels de Jésus donna plus de vraisemblance à cette idée fausse, sans compter que Jean, ainsi que son frère Jacques, avaient connu Jésus depuis plus longtemps que les autres apôtres.

139:4.3 Pierre, Jacques et Jean furent affectés comme auxiliaires personnels de Jésus peu après être devenus ses apôtres. Peu après que les douze eurent été choisis, et au moment où Jésus nomma André directeur du groupe, il lui dit : « Maintenant, je désire que tu désignes deux ou trois de tes compagnons pour être avec moi et rester à mes côtés, me réconforter et veiller à mes besoins quotidiens. » André estima que, pour cette mission spéciale, le mieux était de choisir trois apôtres dans l'ordre où ils avaient été admis au groupe. Lui-même aurait aimé se porter volontaire pour ce service béni, mais le Maitre lui avait déjà donné sa mission. André ordonna donc immédiatement que Pierre, Jacques et Jean s'attachent à la personne de Jésus.

139:4.4 Jean Zébédée avait de nombreux traits de caractère charmants, mais un trait beaucoup moins gracieux était sa vanité démesurée, généralement bien dissimulée. Sa longue association avec Jésus provoqua de nombreux et importants changements dans son caractère. Sa vanité diminua considérablement, mais, quand il eut vieilli et fut un peu retombé en enfance, cet amour-propre réapparut dans une certaine mesure. Ainsi, tandis qu'il guidait Nathan dans la rédaction de l'Évangile qui porte maintenant son nom, le vieil apôtre n'hésita pas à se désigner lui-même, maintes fois, comme « le disciple que Jésus aimait » . Jean fut plus près que tout autre mortel d'être le copain de Jésus ; du fait qu'il était son représentant personnel pour tant de questions, il n'est pas étonnant qu'il en soit venu à se considérer comme « le disciple que Jésus aimait » , car il savait parfaitement qu'il était le disciple à qui Jésus faisait si souvent confiance.

139:4.5 Le trait le plus notable du caractère de Jean était le fait qu'on pouvait lui faire confiance. Il était prompt et courageux, fidèle et dévoué. Son plus grand défaut était sa vanité caractéristique. Dans la famille de son père et dans le groupe apostolique, il était le plus jeune. Peut-être avait-il été un peu gâté, ou un peu trop ménagé. Mais le Jean de la maturité était un personnage fort différent du jeune homme autoritaire et satisfait de lui-même qui entra dans les rangs des apôtres de Jésus à l'âge de vingt-quatre ans.

139:4.6 Les traits de caractère de Jésus que Jean appréciait le plus étaient son amour et son désintéressement. Ces traits firent une telle impression sur lui que toute sa vie ultérieure fut dominée par un sentiment d'amour et de dévotion fraternelle. Il parla d'amour et écrivit sur l'amour. Ce « fils du tonnerre » devint « l'apôtre de l'amour » . À Éphèse, quand le vieil évêque qu'il était devenu ne pouvait plus se tenir debout en chaire et prêcher, il devait être porté à l'église sur une chaise et, quand, à la fin du service, on lui demandait de dire quelques mots pour les croyants, pendant des années il se borna à répéter : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. »

139:4.7 Jean était peu loquace, sauf quand il perdait son sang-froid. Il pensait beaucoup, mais parlait peu. Avec l'âge, son humeur devint plus contrôlée et il se domina mieux, mais il ne surmonta jamais sa répugnance à parler ; il ne vainquit jamais complètement cette réticence. Par contre, il était doué d'une remarquable imagination créatrice.

139:4.8 Jean avait un autre trait de caractère que l'on ne se serait pas attendu à trouver chez ce type d'homme tranquille et introspectif. Il était quelque peu sectaire et extrêmement intolérant. Sous ce rapport, il ressemblait beaucoup à Jacques - tous deux voulaient faire descendre le feu du ciel sur la tête des Samaritains irrévérencieux. Lorsque Jean rencontrait des étrangers enseignant au nom de Jésus, il le leur interdisait aussitôt. Mais il n'était pas le seul des douze à être imbu de cette sorte de suffisance et de cette conscience de supériorité.

139:4.9 La vie de Jean fut prodigieusement influencée quand il vit Jésus aller son chemin sans avoir de foyer, car il savait combien fidèlement Jésus avait pris des dispositions pour assurer le bien-être de sa mère et de sa famille. Jean sympathisait profondément aussi avec Jésus parce que le Maitre était incompris par sa famille. Jean se rendait compte que la famille de Jésus s'éloignait graduellement de lui. L'ensemble de cette situation, de même que le fait de voir Jésus soumettre ses moindres désirs à la volonté de son Père céleste et d'observer sa vie journalière de confiance implicite, produisirent sur Jean une impression si profonde qu'elle provoqua des changements marqués et permanents dans son caractère ; ces changements se manifestèrent durant toute sa vie ultérieure.

139:4.10 Jean avait un courage froid et audacieux que peu d'autres apôtres possédaient. Il fut le seul apôtre qui suivit constamment Jésus durant la nuit de son arrestation et qui osa accompagner son Maitre jusque dans les bras de la mort. Il fut présent et à portée de la main jusqu'à la dernière heure, exécutant fidèlement sa mission concernant la mère de Jésus et prêt à recevoir les ultimes instructions qui pourraient lui être données durant les derniers moments de l'existence mortelle du Maitre. Une chose reste certaine : Jean était entièrement digne de confiance. Il était généralement assis à la droite de Jésus quand les douze étaient à table. Il fut le premier des douze à croire réellement et pleinement à la résurrection, et le premier à reconnaître le Maitre venant vers eux sur le rivage de la mer après sa résurrection.

139:4.11 Ce fils de Zébédée fut très étroitement associé à Pierre dans les premières activités du mouvement chrétien et devint l'un des principaux soutiens de l'Église de Jérusalem. Il fut le principal auxiliaire de Pierre le jour de la Pentecôte.

139:4.12 Plusieurs années après le martyre de Jacques, Jean épousa la veuve de son frère. L'une de ses petites-filles affectueuses s'occupa de lui durant les vingt dernières années de sa vie.

139:4.13 Jean fut emprisonné plusieurs fois et banni pour quatre ans dans l'Ile de Patmos, jusqu'à ce qu'un nouvel empereur prit le pouvoir à Rome. Si Jean n'avait pas été plein de tact et de sagacité, il aurait indubitablement été tué comme le fut son frère Jacques, qui s'exprimait plus carrément. Les années passant, Jean ainsi que Jacques (le frère du Seigneur) apprirent à pratiquer une sage conciliation quand ils comparaissaient devant les magistrats civils. Ils découvrirent « qu'une réponse douce détourne la fureur » . Ils apprirent également à présenter l'Église comme une « fraternité spirituelle consacrée au service social de l'humanité » , plutôt que comme « le royaume des cieux » . Ils enseignèrent le service par amour plutôt que le pouvoir souverain - avec royaume et roi.

139:4.14 Durant son exil temporaire à Patmos, Jean écrivit l'Apocalypse, que vous possédez actuellement sous une forme abrégée et déformée. Ce livre de la révélation contient les vestiges d'une grande révélation dont de nombreuses parties furent perdues et d'autres supprimées après leur rédaction par Jean. Elle n'est conservée que sous forme fragmentaire et adultérée.

139:4.15 Jean voyagea beaucoup, travailla sans cesse et s'installa à Éphèse après être devenu évêque des Églises d'Asie. Alors qu'il était à Éphèse, âgé de 99 ans, il guida son collaborateur Nathan dans la rédaction de ce que l'on appelle « l'Évangile selon Jean » . Il devint finalement le plus remarquable théologien de tous les apôtres. Jean Zébédée mourut de mort naturelle à Éphèse en l'an 103, âgé de cent-un ans.

139.5  Philippe le Curieux

139:5.1 Philippe fut le cinquième apôtre choisi, et fut appelé pendant que Jésus et les quatre premiers apôtres faisaient route entre le lieu de rendez-vous où Jean baptisait sur le Jourdain, et Cana en Galilée. Vivant à Bethsaïde, Philippe avait entendu parler de Jésus depuis quelque temps, mais il ne lui était pas venu à l'idée que Jésus était réellement un grand homme avant le jour où, dans la vallée du Jourdain, il lui dit : « Suis-moi. » Philippe était aussi quelque peu influencé par le fait qu'André, Pierre, Jacques et Jean avaient accepté Jésus en tant que Libérateur.

139:5.2 Philippe avait 27 ans quand il se joignit aux apôtres ; il s'était marié récemment, mais n'avait pas encore d'enfants. Le surnom que les apôtres lui donnèrent signifiait « curiosité » . Philippe voulait toujours qu'on lui montre. Il ne semblait jamais voir bien loin dans une proposition quelconque. Il n'était pas nécessairement obtus, mais il manquait d'imagination. Ce défaut d'imagination était la grande faiblesse de son caractère. Il était quelqu'un d'ordinaire et de terre à terre.

139:5.3 Quand les apôtres furent organisés pour leur mission, Philippe fut nommé intendant ; il avait pour charge de veiller à ce qu'il y ait, à tout moment, des provisions de bouche. Il fut un bon intendant. Sa plus forte caractéristique était son esprit consciencieux et méthodique ; il était à la fois mathématique et systématique.

139:5.4 Philippe était le second d'une famille de sept enfants, trois garçons et quatre filles. Après la résurrection, il fit entrer tous les membres de sa famille dans le royaume en les baptisant. Les membres de la famille de Philippe étaient des pêcheurs. Son père était un homme très capable, un profond penseur, mais sa mère venait d'une famille très médiocre. Philippe n'était pas un homme capable d'accomplir de grandes choses, mais il pouvait faire de petites choses avec grandeur, les faire bien et d'une manière agréable. Sauf en de rares occasions au cours des quatre années vécues avec Jésus, il eut toujours sous la main assez de vivres pour faire face aux besoins de tous. Il fut même rarement pris au dépourvu par les nombreuses demandes d'urgence résultant de la vie qu'ils menaient. Le service de l'intendance de la famille apostolique fut géré avec intelligence et efficacité.

139:5.5 Le point fort de Philippe était son caractère méthodique digne de confiance. Le point faible de sa formation était son manque total d'imagination, l'absence d'aptitude à réunir deux et deux pour faire quatre. Il était calculateur dans l'abstrait, mais pas constructif dans son imagination. Il manquait à peu près totalement de certains types d'imagination. Il était l'homme moyen typique et ordinaire. Les foules qui venaient écouter Jésus prêcher et enseigner comportaient un grand nombre d'hommes et de femmes de cet ordre, qui éprouvaient un grand réconfort à voir un de leurs pareils élevé à un poste d'honneur dans les conseils du Maitre ; ils étaient encouragés par le fait qu'un des leurs occupait déjà une situation importante dans les affaires du royaume. Quant à Jésus, en écoutant patiemment les sottes questions de Philippe et en obtempérant si souvent aux requêtes de son intendant demandant « qu'on lui montre » , il apprit beaucoup sur le fonctionnement d'un certain type de mental humain.

139:5.6 La principale qualité de Jésus que Philippe admirait constamment était l'inlassable générosité du Maitre. Jamais Philippe ne put trouver en Jésus quelque chose de petit, de parcimonieux ou de mesquin, et il adorait cette libéralité intarissable et toujours active.

139:5.7 La personnalité de Philippe faisait peu d'impression. On l'appelait souvent « Philippe de Bethsaïde, la ville où vivent André et Pierre. » Il était pratiquement dénué de discernement dans sa vision des choses ; il était incapable de saisir les possibilités spectaculaires d'une situation donnée. Il n'était pas pessimiste, mais simplement prosaïque. Il manquait également beaucoup de clairvoyance spirituelle. Il n'hésitait pas à interrompre Jésus au milieu de l'un de ses plus profonds discours pour poser une question apparemment stupide. Mais Jésus ne le réprimandait jamais pour de telles étourderies ; il était patient avec lui et prenait en considération son inaptitude à saisir les sens profonds de l'enseignement. Jésus savait bien que, s'il reprochait une seule fois à Philippe de poser ces questions ennuyeuses, non seulement il blesserait cette âme honnête, mais que sa réprimande froisserait Philippe au point qu'il ne se sentirait plus jamais libre de poser des questions. Jésus savait que, sur les mondes de l'espace de son univers, il y avait des myriades de mortels de cet ordre ayant de la lenteur de pensée ; il voulait les encourager tous à se tourner vers lui et à toujours se sentir libres de lui soumettre leurs questions et leurs problèmes. Après tout, les sottes questions de Philippe intéressaient davantage Jésus que le sermon qu'il pouvait prêcher. Jésus s'intéressait suprêmement aux hommes, à toutes les sortes d'hommes.

139:5.8 L'intendant apostolique ne parlait pas bien en public, mais, en tête à tête, il était très persuasif et obtenait de très bons résultats. Il ne se décourageait pas facilement. Il travaillait avec persévérance et grande ténacité dans tout ce qu'il entreprenait. Il possédait le grand don exceptionnel de savoir dire : « Venez » . Lorsque Nathanael, son premier converti, voulut discuter des mérites et démérites de Jésus et de Nazareth, la réponse efficace de Philippe fut : « Viens et vois. » Il n'était pas un prêcheur dogmatique exhortant ses auditeurs à « allez » - faites ceci et faites cela. Il faisait face à toutes les situations à mesure qu'elles se présentaient dans son travail en disant : « Venez - venez avec moi, je vous montrerai le chemin. » C'est toujours la technique la plus efficace dans toutes les formes et phases de l'enseignement. Même des parents peuvent apprendre de Philippe la meilleure manière de ne pas dire à leurs enfants : « allez faire ceci et allez faire cela » , mais plutôt : « Venez avec nous, nous allons vous montrer la meilleure route à suivre et y cheminer avec vous. »

139:5.9 L'inaptitude de Philippe à s'adapter à une nouvelle situation ressort bien dans l'anecdote des Grecs qui vinrent vers lui, à Jérusalem, en lui disant : « Monsieur, nous désirons voir Jésus. » À tout Juif lui posant cette question, Philippe aurait répondu : « Venez » . Mais ces hommes étaient des étrangers, et Philippe n'avait souvenir d'aucune instruction de ses supérieurs en pareille matière ; la seule chose qui lui vint à la pensée fut de consulter le chef André et, ensuite, tous deux accompagnèrent les Grecs investigateurs auprès de Jésus. De même, quand il alla en Samarie prêcher et baptiser des croyants comme son Maitre l'en avait chargé, il s'abstint d'imposer les mains sur ses convertis pour signifier qu'ils avaient reçu l'Esprit de Vérité. Ce geste fut exécuté par Pierre et Jean, qui vinrent bientôt de Jérusalem pour observer son activité au nom de l'Église mère.

139:5.10 Philippe continua son travail durant les heures éprouvantes de la mort du Maitre, participa à la réorganisation des douze et fut le premier à partir pour gagner des âmes au royaume en dehors de la communauté juive immédiate. Il réussit fort bien dans son oeuvre auprès des Samaritains et dans tous ses travaux ultérieurs en faveur de l'évangile.

139:5.11 La femme de Philippe, qui était un membre efficace du corps évangélique féminin, s'associa activement à son mari dans son oeuvre après qu'ils eurent fui les persécutions de Jérusalem. Elle était intrépide. Elle se tint au pied de la croix de Philippe et l'encouragea à proclamer la bonne nouvelle même à ses meurtriers. Quand les forces de Philippe faiblirent, elle commença à raconter l'histoire du salut par la foi en Jésus, et ne fut réduite au silence qu'au moment où les Juifs furieux se ruèrent sur elle et la lapidèrent à mort. Leur fille ainée Léa poursuivit leur oeuvre et devint, plus tard, la célèbre prophétesse d'Hiérapolis.

139:5.12 Philippe, jadis intendant des douze, était un homme puissant dans le royaume, gagnant des âmes partout où il passait. Il fut finalement crucifié pour sa foi et enterré à Hiérapolis.

139.6  L'Honnête Nathanael

139:6.1 Nathanael, le sixième et dernier apôtre choisi personnellement par le Maitre, fut amené à Jésus par son ami Philippe. Il avait été l'associé de Philippe dans plusieurs entreprises commerciales, et il l'accompagnait pour aller voir Jean le Baptiste quand ils rencontrèrent Jésus.

139:6.2 Lorsque Nathanael se joignit aux apôtres, il avait vingt-cinq ans et était le plus jeune du groupe après Jean. Nathanael était le dernier d'une famille de sept enfants ; il était célibataire et le seul soutien de parents âgés et infirmes, avec lesquels il vivait à Cana. Ses frères et soeurs étaient tous mariés ou décédés, et aucun d'eux ne vivait là. Nathanael et Judas Iscariot étaient les deux hommes les plus instruits parmi les douze. Nathanael avait songé à s'établir commerçant.

139:6.3 Jésus ne donna pas lui-même un surnom à Nathanael, mais les douze ne tardèrent pas à parler de lui en termes qui signifiaient honnêteté, sincérité. Il était « sans artifice » et c'était sa principale vertu ; il était à la fois honnête et sincère ; le point faible de son caractère était son orgueil ; il était très fier de sa famille, de sa ville, de sa réputation et de sa nation, ce qui est louable quand ce n'est pas poussé à l'excès. Mais, avec ses propres préjugés, Nathanael avait un penchant à aller aux extrêmes. Il avait tendance à préjuger des individus selon ses opinions personnelles. Même avant de rencontrer Jésus, il n'avait pas été long à poser la question ; « Quelque chose de bon peut-il sortir de Nazareth ? » Mais Nathanael, tout en ayant de l'amour-propre, n'était pas entêté. Dès qu'il eut regardé le visage de Jésus, il changea d'avis.

139:6.4 Sous bien des rapports, Nathanael était le génie original des douze. Il était le philosophe et le rêveur apostolique, mais un rêveur d'une espèce très pratique. Il alternait entre des moments de profonde philosophie et des périodes d'humour rare et drolatique. Quand son humeur s'y prêtait, il était probablement le meilleur conteur d'histoires parmi les douze. Jésus aimait beaucoup entendre Nathanael discourir sur des choses graves et sur des choses frivoles. Nathanael considéra peu à peu Jésus et le royaume avec plus de sérieux, mais ne se prit jamais lui-même au sérieux.

139:6.5 Tous les apôtres aimaient et respectaient Nathanael, et il s'entendait magnifiquement avec tous, sauf avec Judas Iscariot. Judas estimait que Nathanael ne prenait pas son apostolat suffisamment au sérieux ; il eut, une fois, la témérité d'aller trouver Jésus secrètement et de porter plainte contre lui. Jésus lui dit : « Judas, prends bien garde à ce que tu fais ; ne surestime pas ta charge. Qui de nous est qualifié pour juger son frère ? La volonté du Père n'est pas que ses enfants partagent seulement les choses sérieuses de la vie. Permets-moi de répéter que je suis venu pour que mes frères dans la chair puissent avoir, en plus grande abondance, de la joie, du bonheur et une vie plus épanouie. Allons, va Judas, et fais bien ce qui t'a été confié, mais laisse ton frère Nathanael rendre compte de lui-même à Dieu. » Le souvenir de cette expérience, ainsi que bien d'autres de ce genre, vécurent longtemps dans le coeur de Judas Iscariot, artisan de ses propres désillusions.

139:6.6 Bien souvent, pendant que Jésus était parti dans la montagne avec Pierre, Jacques et Jean, que la situation devenait tendue et embrouillée entre les apôtres, et qu'André lui-même doutait de ce qu'il fallait dire à ses frères désolés, Nathanael détendait l'atmosphère par un peu de philosophie ou un trait d'humour ; c'était aussi un humour de qualité.

139:6.7 Nathanael avait la charge de veiller sur les familles des douze. Il était souvent absent des conseils apostoliques, car, lorsqu'il apprenait que la maladie ou un évènement sortant de l'ordinaire était survenu à l'une des personnes à sa charge, il ne perdait pas de temps pour se rendre au foyer en question. Les douze vivaient en sécurité, sachant que le bien-être des leurs était en bonnes mains, grâce à Nathanael.

139:6.8 Nathanael révérait surtout Jésus pour sa tolérance. Il ne se lassa jamais d'observer la largeur d'esprit et la généreuse compassion du Fils de l'Homme.

139:6.9 Le père de Nathanael (Bartholomé) mourut peu après la Pentecôte. Ensuite, l'apôtre se rendit en Mésopotamie et aux Indes pour proclamer la bonne nouvelle du royaume et baptiser les croyants. Ses frères ne surent jamais ce qu'était devenu leur philosophe, poète et humoriste de jadis. Lui aussi fut un grand homme dans le royaume et contribua largement à répandre l'enseignement de son Maitre, bien qu'il n'ait pas participé à l'organisation ultérieure de l'Église chrétienne. Nathanael mourut aux Indes.

139.7  Matthieu Lévi

139:7.1 Matthieu, le septième apôtre, fut choisi par André. Matthieu appartenait à une famille de collecteurs d'impôts, ou publicains ; il était lui-même receveur des douanes à Capharnaüm, où il habitait. Il avait trente-et-un ans, était marié et avait quatre enfants. Il possédait une petite fortune et se trouvait le seul membre du corps apostolique disposant de quelques ressources. Il était un homme d'affaires capable, s'adaptant bien à tous les milieux sociaux, il était doué de l'aptitude à se faire des amis et à bien s'entendre avec toutes sortes de personnes.

139:7.2 André nomma Matthieu agent financier des apôtres. Il était en quelque sorte le gérant et le publiciste de l'organisation apostolique. Il était un bon juge de la nature humaine et un propagandiste très efficace. Il est difficile de se faire une idée de sa personnalité, mais il était un disciple très sincère. Il crut de plus en plus à la mission de Jésus et à la certitude du royaume. Jésus ne donna jamais de surnom à Lévi, mais les apôtres l'appelaient communément « le collecteur d'argent » .

139:7.3 Le point fort de Lévi était sa dévotion de tout coeur à la cause. Le fait que lui, un publicain, ait été enrôlé par Jésus et ses apôtres suscita une reconnaissance débordante chez l'ancien collecteur de taxes. Il fallut toutefois un peu de temps au reste des apôtres, surtout à Simon Zélotès et à Judas Iscariot, pour admettre la présence du publicain parmi eux. La faiblesse de Matthieu était sa conception matérialiste et à courte vue de la vie, mais, à mesure que les mois s'écoulaient, il fit de grands progrès dans ce domaine. Bien entendu, il était obligé de manquer un grand nombre des séances d'instruction les plus précieuses puisqu'il avait la charge d'alimenter la trésorerie.

139:7.4 C'était la disposition au pardon que Matthieu appréciait le plus chez le Maitre. Matthieu ne cessait de répéter que la foi seule est nécessaire dans l'effort pour trouver Dieu. Il aimait toujours à parler du royaume comme de « cette affaire de trouver Dieu » .

139:7.5 Bien que Matthieu fût un homme ayant un passé de publicain, il s'acquitta admirablement de sa tâche et, le temps s'écoulant, ses compagnons s'enorgueillirent des accomplissements du publicain. Il fut l'un des apôtres qui prirent d'amples notes sur l'enseignement de Jésus. Ces notes servirent plus tard de base à la rédaction par Isadore des paroles et actes de Jésus, ultérieurement connue sous le nom d'Évangile selon Matthieu.

139:7.6 La grande et utile vie de Matthieu, l'homme d'affaires et le receveur des douanes de Capharnaüm, a servi à amener des milliers et des milliers d'autres hommes d'affaires, de fonctionnaires et de politiciens, durant les âges subséquents, à entendre aussi la voie engageante du Maitre disant : « Suis-moi. » Matthieu était réellement un habile politicien, mais il était intensément fidèle à Jésus et suprêmement dévoué à la tâche de veiller à ce que les messagers du royaume à venir disposent des ressources financières appropriées.

139:7.7 La présence de Matthieu parmi les douze fut le moyen de garder les portes du royaume grandes ouvertes pour une foule d'âmes découragées et déshéritées qui s'étaient considérées depuis longtemps comme exclues de la consolation religieuse. Des hommes et des femmes rejetés et désespérés s'attroupaient pour entendre Jésus, qui n'en repoussa jamais aucun.

139:7.8 Matthieu recevait des dons librement offerts par des disciples croyants et des auditeurs directs de l'enseignement du Maitre, mais il ne sollicita jamais ouvertement la contribution des foules. Il accomplit tout son travail financier d'une manière tranquille et personnelle, et se procura la majeure partie de l'argent parmi la classe relativement aisée des croyants engagés. Il consacra pratiquement la totalité de sa modeste fortune au travail du Maitre et de ses apôtres, mais ils ne connurent jamais sa générosité, sauf Jésus qui était au courant de tout. Matthieu hésitait à contribuer ouvertement aux fonds apostoliques, de crainte que Jésus et ses collaborateurs ne risquent de considérer son argent comme souillé ; en conséquence, il fit beaucoup de dons au nom d'autres croyants. Durant les premiers mois, alors que Matthieu se rendait compte que sa présence parmi les apôtres était plus ou moins une épreuve, il fut fortement tenté de leur faire savoir que leur pain quotidien était bien souvent acheté de ses propres deniers. Mais il ne céda pas à cette tentation. Quand la preuve du dédain pour le publicain devenait manifeste, Lévi brulait de leur révéler sa générosité, mais il parvint toujours à garder le silence.

139:7.9 Quand les fonds pour la semaine étaient insuffisants pour le budget prévu, Lévi avait souvent recours à ses ressources personnelles pour des montants importants. Parfois aussi, lorsqu'il prenait un grand intérêt aux enseignements de Jésus, il préférait rester là et écouter ses leçons, même en sachant qu'il lui faudrait compenser personnellement les fonds nécessaires qu'il n'était pas allé solliciter. Mais Lévi souhaitait tellement que Jésus sache qu'une bonne part de l'argent sortait de sa propre poche ! Il ne réalisait guère que le Maitre était au courant de tout. Les apôtres moururent tous sans savoir que Matthieu avait été leur bienfaiteur dans une mesure telle qu'au moment où il partit proclamer l'évangile du royaume après le commencement des persécutions, il était pratiquement sans ressources.

139:7.10 Quand les persécutions amenèrent les croyants à quitter Jérusalem, Matthieu se dirigea vers le nord, prêchant l'évangile du royaume et baptisant les croyants. Ces anciens associés apostoliques perdirent le contact avec lui, mais il continua à prêcher et à baptiser en Syrie, en Cappadoce, en Galatie, en Bithynie et en Thrace. Ce fut en Thrace, à Lysimachie, que certains Juifs incroyants conspirèrent avec les soldats romains pour consommer sa mort. Ce publicain régénéré mourut triomphant dans la foi d'un salut qu'il avait acquis avec tant de certitude des enseignements du Maitre durant son récent séjour sur terre.

139.8  Thomas Didyme

139:8.1 Thomas était le huitième apôtre et fut choisi par Philippe. Plus tard, on l'appela « Thomas l'incrédule » , mais ses compagnons apôtres ne le considéraient guère comme un incrédule invétéré. Il est vrai que son type de mental était logique et sceptique, mais il avait une forme de loyauté courageuse qui interdisait à ceux qui le connaissaient intimement de le regarder comme un sceptique sans intérêt.

139:8.2 Lorsque Thomas se joignit aux apôtres, il avait 29 ans, était marié et avait quatre enfants. Il avait jadis été charpentier et maçon, mais plus récemment il était devenu pêcheur. Il résidait à Tarichée, localité située sur la rive occidentale du Jourdain à sa sortie de la mer de Galilée, et il était considéré comme le premier citoyen de ce petit village. Il avait peu d'instruction, mais il possédait un mental pénétrant et qui raisonnait bien. Il était le fils d'excellents parents qui vivaient à Tibériade. Parmi les douze, Thomas était le seul à posséder un mental vraiment analytique ; il était l'homme réellement scientifique du groupe apostolique.

139:8.3 La vie de famille de Thomas avait débuté d'une façon malheureuse ; ses parents n'étaient pas entièrement heureux dans leur vie conjugale, et cela eut sa répercussion dans la vie d'adulte de Thomas. Il grandit avec un caractère désagréable et querelleur. Même sa femme fut heureuse de le voir se joindre aux apôtres ; elle fut soulagée à l'idée que son pessimiste mari serait, la plupart du temps, loin de son foyer. Thomas avait aussi une tendance à la suspicion qui rendait très difficile de s'entendre paisiblement avec lui. Pierre fut d'abord très démonté par Thomas et se plaignit à son frère André de ce que Thomas était « mesquin, disgracieux et toujours soupçonneux » . Mais plus ses compagnons connurent Thomas, plus ils l'aimèrent. Ils découvrirent qu'il était magnifiquement honnête et indéfectiblement loyal. Il était parfaitement sincère et indubitablement véridique, mais il avait une tendance innée à découvrir des défauts. Il avait grandi en devenant réellement pessimiste. Son mental analytique était affligé de suspicion. Il était en train de perdre rapidement foi en ses semblables quand il s'associa aux douze et entra ainsi en contact avec le noble caractère de Jésus. Cette association avec le Maitre commença immédiatement à transformer tout le caractère de Thomas et à effectuer de grands changements dans ses réactions mentales envers ses semblables.

139:8.4 La grande force de Thomas était son superbe mental analytique associé à un indomptable courage - une fois qu'il avait pris ses décisions. Sa grande faiblesse était son doute soupçonneux, dont il ne triompha jamais complètement durant toute son incarnation.

139:8.5 Dans l'organisation des douze, Thomas avait la charge d'établir et d'ordonner l'itinéraire, et il dirigeait fort bien le travail et les déplacements du corps apostolique. Il était un bon exécutant, un excellent homme d'affaires, mais il était handicapé par ses sautes d'humeur ; il n'était pas le même homme d'un jour à l'autre. Il avait un penchant pour de sombres et mélancoliques méditations quand il se joignit aux apôtres, mais son contact avec eux et avec Jésus le guérit, dans une large mesure, de cette introspection morbide.

139:8.6 Jésus prenait beaucoup de plaisir à la compagnie de Thomas et eut de nombreuses et longues conversations personnelles avec lui. La présence de Thomas, parmi les apôtres, était un grand réconfort pour tous les sceptiques honnêtes ; elle encouragea nombre de personnes au mental tourmenté à entrer dans le royaume, même si elles ne pouvaient comprendre entièrement tous les aspects spirituels et philosophiques des enseignements de Jésus. L'admission de Thomas parmi les douze était une proclamation permanente que Jésus aimait même ceux qui doutaient honnêtement.

139:8.7 Les autres apôtres révéraient Jésus à cause de quelque trait spécial et remarquable de sa personnalité si riche, mais Thomas révérait son Maitre pour son caractère superbement équilibré. Thomas admirait et honorait de plus en plus un être qui était miséricordieux avec tant d'amour, et cependant juste et équitable avec tant d'inflexibilité ; qui était si ferme, mais jamais obstiné ; si calme, mais jamais indifférent ; si secourable et si compatissant, sans jamais se mêler de tout et faire le dictateur ; si fort, mais en même temps si doux ; si positif, mais jamais brutal ni impoli ; si tendre sans jamais chanceler ; si pur et innocent, mais en même temps si viril, dynamique et énergique ; si véritablement courageux, mais jamais téméraire ni imprudent ; si amoureux de la nature, mais si dégagé de toute tendance à la révérer ; si plein d'humour et enjoué, mais si dépourvu de légèreté et de frivolité. C'était cette incomparable harmonie de personnalité qui charmait particulièrement Thomas. Parmi les douze, c'était probablement lui qui, intellectuellement, comprenait le mieux Jésus et appréciait le mieux sa personnalité.

139:8.8 Dans les conseils des douze, Thomas était toujours prudent et recommandait la politique de « sécurité d'abord » . Mais, si l'on avait voté contre son conservatisme ou passé outre, il était toujours le premier à se lancer avec intrépidité dans l'exécution du programme décidé. Maintes et maintes fois, il s'opposa à certains projets qu'il considérait comme téméraires ou présomptueux, et les discuta avec acharnement jusqu'au bout. Mais, quand André mettait la proposition aux voix et quand les douze choisissaient d'adopter le projet auquel il s'était si vigoureusement opposé, Thomas était le premier à dire : « Allons-y ! » Il était beau joueur. Il ne tenait pas rancune et n'était pas susceptible. Maintes et maintes fois, il s'opposa à laisser Jésus s'exposer à un danger, mais, quand le Maitre décidait de prendre le risque, c'était toujours Thomas qui ralliait les apôtres avec ses paroles courageuses : « Venez, camarades, allons mourir avec lui. »

139:8.9 Sous certains rapports, Thomas ressemblait à Philippe ; il voulait aussi « qu'on lui montre » , mais ses expressions extérieures de doute étaient fondées sur un mécanisme intellectuel entièrement différent. Thomas était analytique et pas seulement sceptique. Quant au courage physique personnel, il était l'un des plus braves parmi les douze.

139:8.10 Thomas passa par de très mauvais moments ; il était parfois sombre et abattu. La perte de sa soeur jumelle, lorsqu'il avait neuf ans, lui avait causé un grand chagrin de jeunesse et avait compliqué les problèmes de caractère de toute sa vie ultérieure. Quand Thomas devenait morose, c'était tantôt Nathanael qui l'aidait à se remettre d'aplomb, tantôt Pierre, et même assez souvent l'un des jumeaux Alphée. Malheureusement, il essayait toujours d'éviter le contact avec Jésus durant les périodes où il était le plus déprimé ; mais le Maitre était au courant de tout cela et, durant les moments de dépression de son apôtre harassé de doutes, il avait pour lui une sympathie compréhensive.

139:8.11 Thomas obtenait parfois d'André la permission de s'absenter seul, pour un jour ou deux, mais il apprit bientôt que cette manière de faire était peu sage, et qu'il était préférable, quand il était abattu, de s'attacher étroitement à son travail et de rester près de ses compagnons. Mais, quels que fussent les évènements de sa vie émotionnelle, il restait fermement un apôtre. Quand le moment arrivait d'aller de l'avant, c'était toujours Thomas qui disait : « Allons-y ! »

139:8.12 Thomas est le grand exemple d'un être humain qui a des doutes, qui y fait face et qui en triomphe. Il était un grand penseur et non un critique malveillant. Il avait une pensée logique et il était la pierre de touche de Jésus et de ses compagnons. Si Jésus et son oeuvre n'avaient pas été authentiques, jamais le groupe n'aurait pu retenir, depuis le commencement jusqu'à la fin, un homme comme Thomas. Il avait un sens aigu et sûr des faits. À la première trace de fraude ou de tromperie, Thomas les aurait tous abandonnés. Les savants peuvent ne pas comprendre pleinement tout ce qui concerne Jésus et son oeuvre terrestre, mais là vivait et travaillait, avec le Maitre et ses associés humains, un homme dont le mental était celui d'un véritable homme de science - Thomas Didyme - et il croyait en Jésus de Nazareth.

139:8.13 Thomas eut de durs moments à passer durant les journées du procès et de la crucifixion. Pendant quelque temps, il fut plongé dans un abime de désespoir, mais il reprit courage, resta solidaire des apôtres, et fut parmi eux pour accueillir Jésus au bord de la mer de Galilée. Pendant un moment, il succomba à la dépression due à son incrédulité, mais retrouva finalement sa foi et son courage. Il donna de sages conseils aux apôtres après la Pentecôte et, quand les persécutions dispersèrent les croyants, il alla à Chypre, en Crète, sur la côte de l'Afrique du Nord et en Sicile, prêchant la bonne nouvelle du royaume et baptisant les croyants. Thomas continua à prêcher et à baptiser jusqu'au moment où il fut appréhendé par les agents du gouvernement romain et mis à mort à Malte. Quelques semaines seulement avant sa fin, il avait commencé à écrire la vie et les enseignements de Jésus.

139.9  Jacques et Judas Alphée

139:9.1 Jacques et Judas les fils d'Alphée, les pêcheurs jumeaux habitant près de Khérésa, furent les neuvième et dixième apôtres, et furent choisis par Jacques et Jean Zébédée. Ils avaient 26 ans et étaient mariés ; Jacques avait trois enfants et Judas en avait deux.

139:9.2 Il n'y a pas grand-chose à dire sur ces deux pêcheurs ordinaires. Ils aimaient leur Maitre et Jésus les aimait, mais ils n'interrompaient jamais ses discours par des questions. Ils comprenaient très peu les discussions philosophiques ou les débats théologiques de leurs compagnons apôtres, mais se réjouissaient de se trouver incorporés dans un tel groupe d'hommes puissants. Quant à leur apparence personnelle, à leurs caractéristiques mentales et à l'étendue de leur perception spirituelle, ces deux hommes étaient à peu près identiques. Ce que l'on peut dire de l'un, on peut le dire de l'autre.

139:9.3 André les chargea du maintien de l'ordre parmi les foules. Ils étaient les principaux huissiers durant les heures de sermon et, en fait, les serviteurs généraux du groupe, dont ils faisaient les commissions. Ils aidaient Philippe au ravitaillement et Nathanael en portant de l'argent aux familles, et ils se tenaient toujours disposés à prêter une main secourable à n'importe quel apôtre.

139:9.4 Les multitudes de gens du peuple étaient très encouragées de voir deux de leurs semblables honorés d'une place parmi les apôtres. Par leur seule admission comme apôtres, ces médiocres jumeaux furent le truchement permettant de faire entrer dans le royaume une quantité de croyants craintifs. En outre, les gens du peuple acceptaient plus volontiers l'idée d'être conduits et dirigés par des surveillants officiels très semblables à eux-mêmes.

139:9.5 Jacques et Judas, que l'on appelait aussi Thaddée et Lébbée, n'avaient ni points forts ni points faibles. Les surnoms que leur donnèrent les disciples étaient de bienveillantes appellations de médiocrité. Ils étaient « les moindres de tous les apôtres » ; ils le savaient, et cela les mettait de bonne humeur.

139:9.6 Jacques Alphée aimait particulièrement Jésus à cause de la simplicité du Maitre. Ces jumeaux ne pouvaient comprendre le mental de Jésus, mais ils saisissaient le lien de sympathie entre eux et le coeur de leur Maitre. Leur mental n'était pas d'un ordre élevé et, révérence parler, on pourrait même les qualifier de stupides, mais ils firent, dans leur nature spirituelle, une réelle expérience. Ils croyaient en Jésus ; il étaient des fils de Dieu et des citoyens du royaume.

139:9.7 Judas Alphée était attiré par Jésus à cause de l'humilité sans ostentation du Maitre. Une pareille humilité jointe à une pareille dignité personnelle exerçait un grand attrait sur Judas. Le fait que Jésus recommandait toujours le silence sur ses actes extraordinaires faisait grande impression sur ce simple enfant de la nature.

139.10  Les jumeaux Alphée

139:10.1 Les jumeaux étaient des assistants au caractère heureux et à l'esprit simple, et tout le monde les aimait. Jésus confia à ces jeunes gens, qui n'avaient qu'un seul talent, des postes d'honneur dans son état-major personnel du royaume parce qu'il existe des myriades d'autres âmes semblables, simples et craintives, sur les mondes de l'espace ; le Maitre désire également accueillir ces âmes dans une communion active et croyante avec lui-même et avec l'Esprit de Vérité qu'il a répandu. Jésus ne dédaigne pas la petitesse, mais seulement le mal et le péché. Jacques et Judas étaient humbles, mais ils étaient également fidèles. Ils étaient simples et ignorants, mais avaient aussi un grand coeur, de la bonté et de la générosité.

139:10.2 On peut imaginer la fierté reconnaissante de ces humbles, le jour où le Maitre refusa d'accepter un certain riche comme évangéliste, à moins qu'il ne consente à vendre ses biens et à venir en aide aux pauvres. Quand le public entendit cela et vit les jumeaux parmi ses conseillers, on sut avec certitude que Jésus ne faisait pas acception de personnes. Mais seule une institution divine - le royaume des cieux - pouvait s'ériger sur des fondements humains aussi médiocres !

139:10.3 Au cours de toute leur association avec Jésus, les jumeaux ne se hasardèrent qu'une fois ou deux à poser des questions en public. Judas fut, une fois, intrigué au point de poser une question à Jésus après que le Maitre eut parlé de se révéler ouvertement au monde. Il se sentait un peu déçu à l'idée que les douze ne détiendraient plus de secrets et s'enhardit à demander : « Mais alors, Maitre, quand tu te proclameras ainsi au monde, comment nous favoriseras-tu par des manifestations spéciales de ta bonté ? »

139:10.4 Les jumeaux servirent fidèlement jusqu'au bout, jusqu'aux jours sombres du jugement, de la crucifixion et du désespoir. Ils ne perdirent jamais la foi de leur coeur en Jésus et (exception faite de Jean Zébédée) ils furent les premiers à croire à sa résurrection ; mais ils ne purent comprendre l'établissement du royaume. Peu après la crucifixion de leur Maitre, ils retournèrent à leur famille et à leurs filets ; leur tâche était achevée. Ils n'étaient pas aptes à s'engager dans les batailles plus complexes du royaume, mais ils vécurent et moururent conscients d'avoir été honorés et bénis par quatre années d'association étroite et personnelle avec un Fils de Dieu, créateur souverain d'un univers.

139.11  Simon le Zélote

139:11.1 Simon Zélotès le onzième apôtre, fut choisi par Simon Pierre. C'était un homme capable, de bonne souche, qui vivait avec sa famille à Capharnaüm. Il avait 28 ans lorsqu'il fut adjoint aux apôtres. Il était un fougueux agitateur et aussi un homme qui parlait beaucoup sans réfléchir. Il avait été commerçant à Capharnaüm avant de porter toute son attention sur l'organisation patriotique des zélotes.

139:11.2 Simon Zélotès fut chargé des divertissements et de la détente du groupe apostolique. Il organisa très efficacement les distractions et les activités récréatives des douze.

139:11.3 La force de Simon était sa fidélité entrainante. Quand les apôtres rencontraient un homme ou une femme se débattant dans l'indécision au sujet de leur entrée dans le royaume, ils envoyaient chercher Simon. En général, cet avocat enthousiaste du salut par la foi en Dieu n'avait guère besoin de plus d'un quart d'heure pour calmer tous les doutes et ôter toute indécision, pour voir une nouvelle âme naître dans « la liberté de la foi et la joie du salut » .

139:11.4 La grande faiblesse de Simon était sa mentalité matérialiste. Ce Juif nationaliste ne put se transformer rapidement en un internationaliste à mentalité spirituelle. Un délai de quatre ans était insuffisant pour effectuer une telle transformation intellectuelle et émotionnelle, mais Jésus fut toujours patient avec lui.

139:11.5 La qualité de Jésus que Simon admirait plus particulièrement était le calme du Maitre, son assurance, son équilibre et son inexplicable sérénité.

139:11.6 Bien que Simon fût un révolutionnaire enragé, un intrépide brandon d'agitation, il vainquit graduellement sa fougueuse nature jusqu'à devenir un puissant et efficace prédicateur « de paix sur terre et de bonne volonté parmi les hommes » . Simon brillait dans les débats ; il aimait discuter. Quand on avait à faire face à la mentalité procédurière des Juifs instruits ou aux arguties intellectuelles des Grecs, la tâche était toujours attribuée à Simon.

139:11.7 Il était un rebelle par nature et un iconoclaste par entrainement, mais Jésus le gagna aux concepts supérieurs du royaume des cieux. Simon s'était toujours identifié au parti protestataire, mais maintenant il adhérait au parti progressiste, celui de la progression illimitée et éternelle de l'esprit et de la vérité. Simon était un homme de fidélité ardente, de chaud dévouement personnel, et il aimait profondément Jésus.

139:11.8 Jésus ne craignait pas de s'identifier à des hommes d'affaires, des ouvriers, des optimistes, des pessimistes, des philosophes, des sceptiques, des publicains, des politiciens et des patriotes.

139:11.9 Le Maitre eut de nombreux entretiens avec Simon, mais ne réussit jamais pleinement à transformer cet ardent nationaliste juif en un internationaliste. Jésus répéta souvent à Simon qu'il était légitime de souhaiter l'amélioration du système social, économique et politique, mais il ajoutait toujours : « Ce n'est pas l'affaire du royaume des cieux. Il faut que nous soyons consacrés à faire la volonté du Père. Notre affaire consiste à être les ambassadeurs d'un gouvernement spirituel d'en haut, et nous ne devons pas nous occuper immédiatement d'autre chose que de représenter la volonté et le caractère du Père divin qui se trouve à la tête du gouvernement dont nous portons les lettres de créance. » Tout cela était difficile à comprendre pour Simon, mais il parvint graduellement à saisir quelque peu la signification de l'enseignement du Maitre.

139:11.10 Après la dispersion causée par les persécutions de Jérusalem, Simon prit une retraite temporaire, il était littéralement accablé. En tant que patriote nationaliste, il avait abandonné sa position par déférence pour les enseignements de Jésus ; maintenant, tout était perdu. Il était dans le désespoir, mais, au bout de quelques années, il reprit espoir et partit proclamer l'évangile du royaume.

139:11.11 Il se rendit à Alexandrie et, après avoir oeuvré en remontant le Nil, il pénétra au coeur de l'Afrique, prêchant partout l'évangile de Jésus et baptisant les croyants. Il travailla ainsi jusqu'à ce qu'il fût devenu vieux et faible. Il mourut et fut enterré au coeur de l'Afrique.

139.12  Judas Iscariot

139:12.1 Judas Iscariot, le douzième apôtre, fut choisi par Nathanael. Il était né à Kérioth, petite ville de la Judée méridionale. Quand il était un petit garçon, ses parents s'étaient installés à Jéricho, où il vécut et fut employé dans les diverses affaires commerciales de son père jusqu'au moment où il s'intéressa aux sermons et à l'oeuvre de Jean le Baptiste. Ses parents étaient des sadducéens et, lorsque Judas se joignit aux disciples de Jean, ils le renièrent.

139:12.2 Quand Nathanael le rencontra à Tarichée, Judas cherchait un emploi dans une sècherie de poisson à l'extrémité aval de la mer de Galilée. Il avait 30 ans quand il se joignit aux apôtres, et il était célibataire. Il était le seul Judéen dans la famille apostolique du Maitre, et probablement le plus instruit des douze. Judas n'avait aucun trait saillant de force personnelle, bien qu'il eût apparemment de nombreux traits extérieurs de culture et de bonne éducation. Il était un bon penseur, mais pas toujours un penseur vraiment honnête. Judas ne se comprenait réellement pas lui-même ; il n'était pas franchement sincère envers lui-même.

139:12.3 André nomma Judas trésorier des douze, poste qu'il était éminemment qualifié pour occuper. Jusqu'au moment où il trahit son Maitre, il assuma honnêtement, fidèlement et très efficacement les responsabilités de sa charge.

139:12.4 Judas n'admirait aucun trait spécial chez Jésus, si ce n'était la personnalité généralement attirante et délicatement charmante du Maitre. Judas ne fut jamais capable de s'élever au-dessus de ses préjugés de Judéen contre ses compagnons galiléens. Il allait même jusqu'à critiquer, dans sa pensée, bien des manières de faire de Jésus. Ce Judéen prétentieux osait souvent critiquer, dans son coeur, le Maitre que les onze autres considéraient comme l'homme parfait, « le seul digne d'être aimé et le plus éminent parmi dix-mille » . Judas entretenait réellement la notion que Jésus était timide et quelque peu effrayé d'affirmer son pouvoir et son autorité.

139:12.5 Judas était un homme d'affaires valable. Il fallait du tact, de l'habileté et de la patience, aussi bien qu'un dévouement assidu, pour diriger les affaires financières d'un idéaliste tel que Jésus, sans parler de la lutte contre les méthodes désordonnées de certains apôtres dans la conduite des affaires. Judas était réellement un grand agent exécutif, un financier prévoyant et capable, et un rigoriste pour l'organisation. Nul apôtre ne critiqua jamais Judas. Autant qu'ils pouvaient voir, Judas Iscariot était un trésorier incomparable, un homme instruit, un apôtre loyal (bien que parfois critique) et, dans tous les sens du mot, un grand succès. Les apôtres aimaient Judas : il était réellement l'un d'eux. Il doit avoir cru en Jésus, mais nous doutons qu'il ait réellement aimé le Maitre de tout son coeur. Le cas de Judas illustre la vérité du proverbe : « Il existe une voie qui paraît juste à un homme, mais la fin en est la mort. » Il est tout à fait possible de tomber dans le piège insidieux de l'agréable adaptation aux voies du péché et de la mort. Soyez assuré que Judas fut toujours financièrement loyal envers son Maitre et ses collègues apôtres. Jamais l'argent n'aurait pu être un motif l'incitant à trahir le Maitre.

139:12.6 Judas était le fils unique de parents peu sages, qui le choyèrent et le dorlotèrent durant son enfance. Il était un enfant gâté. En grandissant, il se fit une idée exagérée de son importance personnelle. Il n'était pas beau joueur. Il avait des idées vagues et déformées sur l'équité, et il était enclin à la haine et à la suspicion. Il était habile à interpréter de travers les paroles et les actes de ses amis. Durant toute sa vie, Judas avait cultivé l'habitude de rendre la pareille à ceux qu'il imaginait l'avoir maltraité. Son sens des valeurs et du loyalisme était défectueux.

139:12.7 Pour Jésus, Judas était une aventure de la foi. Dès le commencement, le Maitre avait parfaitement compris la faiblesse de cet apôtre et connaissait bien les dangers de l'admettre dans la communauté. Mais il est dans la nature des Fils de Dieu de donner à tout être créé une chance entière et égale de salut et de survie. Jésus voulait que non seulement les mortels de ce monde, mais aussi les observateurs sur d'innombrables autres mondes, sachent que, s'il existe des doutes sur la sincérité et la franchise de la dévotion d'une créature au royaume, la pratique invariable des Juges des hommes consiste à recevoir pleinement le candidat douteux. La porte de la vie éternelle est grande ouverte à tous ; « quiconque le veut peut entrer » ; il n'y a ni restriction ni qualification, sauf la foi de celui qui vient.

139:12.8 C'est précisément la raison pour laquelle Jésus permit à Judas de continuer jusqu'au bout, en faisant toujours tout son possible pour transformer et sauver cet apôtre faible et tourmenté. Mais, si la lumière n'est pas reçue de bonne foi et si l'on ne s'y conforme pas dans la vie, elle tend à devenir ténèbres à l'intérieur de l'âme. En ce qui concerne les enseignements de Jésus sur le royaume, Judas grandit intellectuellement, mais ne progressa pas comme les autres apôtres dans l'acquisition d'un caractère spirituel. Il ne réussit pas à faire des progrès personnels satisfaisants en expérience spirituelle.

139:12.9 Judas s'adonna de plus en plus à de sombres méditations sur ses déceptions personnelles et devint finalement victime de sa propre rancune. Ses sentiments avaient été maintes fois blessés ; il devint anormalement soupçonneux de ses meilleurs amis, et même du Maitre. Il fut bientôt obsédé par l'idée de leur rendre la pareille, de faire n'importe quoi pour se venger, oui, même de trahir ses compagnons et son Maitre.

139:12.10 Mais ces idées perverses et dangereuses ne prirent pas aisément corps avant le jour où une femme reconnaissante brisa un couteux vase d'encens aux pieds de Jésus. Cela parut un gaspillage à Judas et, lorsque sa protestation publique fut aussitôt désavouée par Jésus au vu et au su de tout le monde, c'en fut trop pour lui. Cet évènement déclencha la mobilisation de tout ce qu'il avait accumulé de haine, de froissements, de méchanceté, de préjugés, de jalousie et de désirs de revanche durant toute sa vie, et il résolut de rendre la pareille à il ne savait trop qui. Mais il cristallisa tout le mal de sa nature sur l'unique personne innocente dans tout le drame sordide de sa vie malheureuse, simplement parce que Jésus s'était trouvé l'acteur principal dans l'épisode qui marqua son passage du royaume progressif de lumière au domaine de ténèbres, qu'il avait lui-même choisi.

139:12.11 En public et en privé, le Maitre avait, maintes fois, prévenu Judas qu'il déviait, mais les avertissements divins sont généralement inutiles quand ils s'adressent à une nature humaine aigrie. Jésus fit tout ce qui était possible et compatible avec le libre arbitre moral des hommes pour empêcher Judas de choisir la mauvaise voie. La grande épreuve finit par arriver. Le fils de la rancune échoua. Il céda aux directives acariâtres et sordides d'un mental orgueilleux et vengeur résultant de l'importance exagérée qu'il attribuait à sa personne, et plongea rapidement dans le désordre, le désespoir et la dépravation.

139:12.12 Judas entra alors dans la vile et honteuse intrigue destinée à trahir son Seigneur et Maitre, et mit rapidement en oeuvre son projet néfaste. Durant l'exécution de ses plans de trahison conçus dans la colère, il éprouva des moments de regret et de honte. Au cours de ces intervalles de lucidité, il conçut timidement, comme justification dans son propre mental, l'idée que Jésus pourrait peut-être exercer son pouvoir et se délivrer au dernier moment.

139:12.13 Quand cette affaire immonde et impie fut terminée, ce mortel renégat, qui avait attaché peu d'importance à vendre son ami pour trente pièces d'argent afin de satisfaire le désir de revanche qu'il nourrissait depuis longtemps, se sauva précipitamment et commit l'acte final du drame consistant à fuir les réalités de l'existence terrestre - il se suicida.

139:12.14 Les onze apôtres furent horrifiés et abasourdis. Jésus se borna à regarder le traitre avec pitié. Les mondes ont trouvé difficile d'absoudre Judas, et l'on s'abstient de prononcer son nom dans tout un vaste univers.

140. L'Ordination des Douze

140:0.1 UN PEU avant midi, le dimanche 12 janvier de l'an 27, Jésus réunit les apôtres pour leur ordination comme prédicateurs publics de l'évangile du royaume. Les douze s'attendaient à être appelés d'un jour à l'autre ; ce matin-là, ils ne s'éloignèrent donc pas beaucoup du rivage pour pêcher. Plusieurs d'entre eux étaient restés au bord de l'eau, réparant leurs filets et bricolant avec leur attirail de pêche.

140:0.2 Lorsque Jésus descendit au rivage pour réunir les apôtres, il appela d'abord André et Pierre, qui pêchaient assez près du bord. Il fit signe ensuite à Jacques et Jean, qui s'entretenaient avec leur père Zébédée sur un bateau peu éloigné et raccommodaient leurs filets. Il rassembla deux par deux les autres apôtres et, lorsqu'il eut réuni tous les douze, il partit avec eux pour les hautes terres au nord de Capharnaüm et se mit à les instruire pour les préparer à leur ordination officielle.

140:0.3 Pour une fois, les douze apôtres étaient silencieux ; même Pierre était d'humeur à réfléchir. Enfin, l'heure si longtemps attendue était arrivée ! Ils partaient seuls avec le Maitre pour participer à une sorte de cérémonie solennelle de consécration personnelle et d'engagement collectif de dévouement à l'oeuvre sacrée de représenter leur Maitre dans la proclamation de la venue du royaume de son Père.

140.1  Instruction Préliminaire

140:1.1 Avant le service officiel d'ordination, Jésus parla aux douze assis autour de lui. Il leur dit : « Mes frères, l'heure du royaume est arrivée. Je vous ai amenés ici, seuls avec moi, pour vous présenter au Père comme ambassadeurs du royaume. Certains d'entre vous m'ont entendu parler de ce royaume dans la synagogue au moment où vous fûtes appelés pour la première fois. Chacun de vous en a appris davantage sur le royaume du Père depuis que vous m'avez accompagné en travaillant dans les villes qui entourent la Mer de Galilée. Mais, à présent, j'ai quelque chose de plus à vous dire en ce qui concerne ce royaume.

140:1.2 « Le nouveau royaume que mon Père est sur le point d'établir dans le coeur de ses enfants terrestres est destiné à être un empire éternel. Il n'y aura point de fin à ce règne de mon Père dans le coeur de ceux qui désirent faire sa volonté divine. Je vous déclare que mon Père n'est pas le Dieu des Juifs ou des Gentils. Beaucoup viendront de l'orient et de l'occident siéger avec nous dans le royaume du Père, tandis que bien des enfants d'Abraham refuseront d'entrer dans cette nouvelle fraternité où l'esprit du Père règne dans le coeur des enfants des hommes.

140:1.3 « La puissance de ce royaume ne consistera ni dans la force des armées, ni dans le pouvoir des richesses, mais plutôt dans la gloire de l'esprit divin qui viendra enseigner le mental et diriger le coeur des citoyens, nés à nouveau, de ce royaume céleste - les fils de Dieu. C'est la fraternité de l'amour où règne la droiture, et dont le cri de ralliement sera : Paix sur terre et bonne volonté à tous les hommes. Ce royaume, que vous allez si prochainement proclamer, est le désir des hommes de bien de tous les âges, l'espoir de toute la terre et l'accomplissement des sages promesses de tous les prophètes.

140:1.4 « Mais, pour vous, mes enfants, et pour tous ceux qui voudront vous suivre dans ce royaume, une sévère épreuve est instaurée : la foi seule vous permettra de franchir ses portes et il vous faudra produire les fruits de l'esprit de mon Père si vous souhaitez poursuivre l'ascension dans la vie progressive de la communauté divine. En vérité, en vérité, je vous le dis, ceux qui disent `Seigneur, Seigneur' n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais plutôt ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux.

140:1.5 « Votre message au monde sera : Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa droiture et, quand vous les aurez trouvés, tous les autres éléments essentiels à la survie éternelle vous seront assurés en même temps. Maintenant, je voudrais vous faire comprendre clairement que ce royaume de mon Père ne viendra ni avec un étalage extérieur de pouvoir, ni avec des démonstrations malséantes. Il ne faut pas partir d'ici et proclamer le royaume en disant : `il est ici' ou `il est là', car le royaume que vous prêchez est Dieu en vous.

140:1.6 « Quiconque veut être grand dans le royaume de mon Père doit devenir un ministre pour tous ; et, si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il devienne le serviteur de ses frères. Une fois que vous êtes reçus comme citoyens du royaume céleste, vous n'êtes plus des serviteurs, mais des fils, des fils du Dieu vivant. C'est ainsi que ce royaume progressera dans le monde jusqu'à ce qu'il rompe toutes les barrières et amène tous les hommes à connaître mon Père et à croire à la vérité salvatrice que je suis venu proclamer. Dès maintenant, le royaume est à portée de la main, et plusieurs d'entre vous ne mourront pas sans avoir vu le règne de Dieu advenir en grande puissance.

140:1.7 « Ce que vos yeux aperçoivent maintenant, ce petit début de douze hommes ordinaires, se multipliera et croitra jusqu'à ce que, finalement, toute la terre soit remplie des louanges de mon Père. C'est moins par les paroles que vous prononcerez, mais plutôt par la vie que vous vivrez, que les hommes sauront que vous avez été avec moi et que vous avez appris les réalités du royaume. Je ne voudrais imposer à votre mental aucun fardeau trop lourd, mais je vais charger vos âmes de la responsabilité solennelle de me représenter dans le monde quand je vous quitterai bientôt, de même que je représente mon Père dans ma présente vie incarnée. » Et, lorsque Jésus eut fini de parler, il se leva.

140.2  L'Ordination

140:2.1 Jésus commanda ensuite aux douze mortels, qui venaient d'écouter sa déclaration au sujet du royaume, de s'agenouiller en cercle autour de lui. Le Maitre posa alors ses mains sur la tête de chaque apôtre en commençant par Judas Iscariot et en finissant par André. Après les avoir bénis, il étendit les mains et pria :

140:2.2 « Mon Père, je t'amène maintenant ces hommes, mes messagers. Parmi nos enfants sur terre, j'ai choisi ces douze pour aller me représenter comme je suis venu te représenter. Aime-les et accompagne-les comme tu m'as aimé et accompagné. Et maintenant, mon Père, donne-leur la sagesse tandis que je place toutes les affaires du royaume à venir entre leurs mains. Si telle est ta volonté, je voudrais rester quelque temps sur terre pour les aider dans leurs travaux pour le royaume. De nouveau, mon Père, je te remercie pour ces hommes et je les confie à ta garde, tandis que je vais achever l'oeuvre que tu m'as donnée à accomplir. »

140:2.3 Lorsque Jésus eut fini de prier, les apôtres restèrent chacun incliné à sa place. Il s'écoula plusieurs minutes avant que même Pierre osât lever les yeux pour regarder le Maitre. Un à un, ils embrassèrent Jésus, mais aucun d'eux ne dit mot. Un grand silence envahit la place, tandis qu'une foule d'êtres célestes contemplait d'en haut cette scène solennelle et sacrée - le Créateur d'un univers plaçant les affaires de la fraternité divine des hommes sous la direction de penseurs humains.

140.3  Le Sermon d'Ordination

140:3.1 Jésus reprit alors la parole et dit : « Maintenant que vous êtes ambassadeurs du royaume de mon Père, vous êtes devenus une classe d'hommes séparés et distincts de tous les autres habitants de la terre. Vous n'existez plus en tant qu'hommes parmi les hommes, mais en tant que citoyens éclairés d'un autre pays céleste parmi les créatures ignorantes de ce monde enténébré. Il ne suffit plus que vous viviez comme avant cette heure ; il vous faut, désormais, vivre comme ceux qui ont gouté les gloires d'une vie meilleure et ont été renvoyés sur terre comme ambassadeurs du Souverain de ce monde nouveau et meilleur. On attend davantage du professeur que de l'élève ; on exige plus du maitre que du serviteur. On demande plus aux citoyens du royaume céleste qu'à ceux du règne terrestre. Certaines choses que je vais vous dire pourront vous sembler dures, mais vous avez choisi de me représenter dans le monde comme moi-même je représente actuellement le Père. Étant mes agents sur terre, vous serez obligés de vous conformer aux enseignements et aux pratiques qui reflètent mes idéaux de vie mortelle sur les mondes de l'espace, et dont je donne l'exemple dans ma vie terrestre révélant le Père qui est aux cieux.

140:3.2 « Je vous envoie dans le monde pour annoncer la liberté aux captifs spirituels et la joie aux prisonniers de la crainte, et pour guérir les malades en conformité avec la volonté de mon Père céleste. Quand vous trouverez certains de mes enfants dans la détresse, parlez-leur d'une manière encourageante en disant :

140:3.3 « Heureux les pauvres en esprit, les humbles, car les trésors du royaume des cieux sont à eux.

140:3.4 « Heureux ceux qui ont faim et soif de droiture, car ils seront rassasiés.

140:3.5 « Heureux les débonnaires, car ils hériteront de la terre.

140:3.6 « Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.

140:3.7 « Et dites encore à mes enfants ces paroles supplémentaires de consolation spirituelle et de promesse :

140:3.8 « Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux ceux qui pleurent, car ils recevront l'esprit d'allégresse.

140:3.9 « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

140:3.10 « Heureux les pacificateurs, car on les appellera fils de Dieu.

140:3.11 « Heureux les persécutés à cause de leur droiture, car le royaume des cieux leur appartient. Soyez heureux quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront et diront faussement toutes sortes de méchancetés contre vous. Réjouissez-vous et soyez dans un bonheur extrême, car votre récompense sera grande dans les cieux.

140:3.12 « Mes frères, tandis que je vous envoie au-dehors, vous êtes le sel de la terre, un sel ayant un gout de salut. Mais, si ce sel a perdu sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? Il n'est désormais plus bon à rien d'autre qu'à être jeté et foulé aux pieds par les hommes.

140:3.13 « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Les hommes n'allument pas non plus une chandelle pour la mettre sous un boisseau, mais sur un chandelier ; et elle donne de la lumière à tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu'ils puissent voir vos bonnes oeuvres et être amenés à glorifier votre Père qui est aux cieux.

140:3.14 « Je vous envoie dans le monde pour me représenter et agir comme ambassadeurs du royaume de mon Père. En allant proclamer la bonne nouvelle, mettez votre confiance dans le Père dont vous êtes les messagers. Ne résistez pas à l'injustice par la force ; ne mettez pas votre confiance dans votre vigueur corporelle. Si votre prochain vous frappe sur la joue droite, tendez-lui aussi la gauche. Acceptez l'injustice plutôt que de recourir à la loi entre vous. Occupez-vous avec tendresse et miséricorde de tous ceux qui sont dans le malheur et le besoin.

140:3.15 « Je vous le dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, et priez pour ceux qui se servent de vous avec dédain. Faites aux hommes tout ce que vous croyez que je leur aurais fait.

140:3.16 « Votre Père qui est aux cieux fait briller le soleil sur les méchants aussi bien que sur les bons ; de même, il envoie la pluie sur les justes et les injustes. Vous êtes les fils de Dieu et plus encore, vous êtes maintenant les ambassadeurs du royaume de mon Père. Soyez miséricordieux comme Dieu est miséricordieux et, dans l'éternel futur du royaume, vous serez parfaits, de même que votre Père qui est aux cieux est parfait.

140:3.17 « Vous êtes chargés de sauver les hommes, non de les juger. À la fin de votre vie terrestre, vous espèrerez tous être traités avec miséricorde. Je vous demande donc, durant votre vie mortelle, de témoigner de la miséricorde à tous vos frères dans la chair. Ne commettez pas la faute d'essayer d'ôter une paille de l'oeil de votre frère alors qu'il y a une poutre dans le vôtre. Après avoir rejeté la poutre de votre propre oeil, vous verrez d'autant plus clair pour ôter la paille de l'oeil de votre frère.

140:3.18 « Discernez clairement la vérité ; vivez avec intrépidité la vie de droiture ; c'est ainsi que vous serez mes apôtres et les ambassadeurs de mon Père. Vous avez entendu dire que, si l'aveugle conduit l'aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. Si vous voulez guider d'autres hommes vers le royaume, il faut vous-mêmes marcher dans la claire lumière de la vérité vivante. Dans toutes les affaires du royaume, je vous exhorte à montrer un juste jugement et une sagesse pénétrante. N'offrez pas les choses saintes aux chiens et ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de crainte qu'ils ne piétinent vos joyaux et ne se retournent pour vous déchirer.

140:3.19 « Je vous mets en garde contre les faux prophètes qui viendront vers vous habillés en moutons, alors qu'à l'intérieur ils ressemblent à des loups dévorants. Vous les connaîtrez à leurs fruits. Les hommes cueillent-ils des raisins sur des épines ou des figues sur des chardons ? Ainsi, tout bon arbre produit de bons fruits, mais l'arbre mauvais porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits ni un arbre mauvais produire de bons fruits. Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est bientôt abattu et jeté au feu. Pour mériter l'accès du royaume des cieux, c'est le mobile qui compte. Mon Père regarde dans le coeur des hommes et juge selon leurs désirs intérieurs et leurs intentions sincères.

140:3.20 « Au grand jour du jugement du royaume, beaucoup me diront : `N'avons-nous pas prophétisé en ton nom et accompli, par ton nom, bien des oeuvres merveilleuses ?' Mais je serai obligé de leur dire : `Je ne vous ai jamais connus ; éloignez-vous de moi, vous, qui êtes de faux éducateurs.' Mais quiconque entend ces instructions et exécute sincèrement sa mission de me représenter devant les hommes comme j'ai représenté mon Père devant vous, trouvera une large entrée à mon service et dans le royaume du Père qui est aux cieux. »

140:3.21 Jamais auparavant les apôtres n'avaient entendu Jésus s'expliquer de cette manière, car il leur avait parlé comme quelqu'un disposant de l'autorité suprême. Ils descendirent de la montagne au coucher du soleil, mais aucun d'eux ne posa de question à Jésus.

140.4  Vous êtes le Sel de la Terre

140:4.1 Ce que l'on appelle le « Sermon sur la Montagne » n'est pas l'évangile de Jésus. Ce sermon contient nombre d'instructions utiles, mais c'étaient les instructions d'ordination de Jésus aux douze apôtres. C'était la délégation personnelle du Maitre à ceux qui devaient continuer à prêcher l'évangile et qui aspiraient à représenter Jésus dans le monde des hommes, comme lui-même représentait son Père avec tant d'éloquence et de perfection.

140:4.2 « Vous êtes le sel de la terre, un sel ayant un gout de salut. Mais, si ce sel a perdu sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? Il n'est désormais plus bon à rien d'autre qu'à être jeté et foulé aux pieds par les hommes. »

140:4.3 Au temps de Jésus, le sel était précieux. On l'utilisait même comme monnaie. Le mot moderne « salaire » dérive étymologiquement de sel. Non seulement le sel donne du gout à la nourriture, mais encore il la conserve. Il donne plus de saveur à d'autres aliments et ainsi il sert en étant dépensé.

140:4.4 « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur la montagne ne peut être cachée. Les hommes n'allument pas non plus une chandelle pour la mettre sous un boisseau, mais sur un chandelier ; alors elle donne de la lumière à tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et soient amenés à glorifier votre Père qui est aux cieux. »

140:4.5 Bien que la lumière dissipe les ténèbres, elle peut aussi devenir « aveuglante » au point de troubler et de décevoir. Nous sommes exhortés à laisser notre lumière briller ainsi afin que que nos semblables soient guidés dans de nouveaux sentiers divins de vie rehaussée. Notre lumière ne doit pas briller de manière à attirer l'attention sur nous-mêmes. Vous pouvez aussi utiliser votre activité comme « réflecteur » efficace pour diffuser cette lumière de vie.

140:4.6 Les caractères forts ne se forment pas en ne faisant pas le mal, mais plutôt en faisant réellement le bien. Le désintéressement est l'insigne de la grandeur humaine. Les plus hauts niveaux de réalisation de soi sont atteints par l'adoration et le service. La personne heureuse et efficace est motivée par l'amour de bien faire et non par la peur de mal faire.

140:4.7 « Vous les connaîtrez à leurs fruits. » La personnalité est fondamentalement invariante. Ce qui change - ce qui grandit - c'est le caractère moral. L'erreur majeure des religions modernes est le négativisme. L'arbre qui ne porte pas de fruits est « abattu et jeté au feu » . La valeur morale ne peut provenir d'une simple répression, de l'obéissance à l'injonction « Tu ne feras pas » . La peur et la honte sont des mobiles sans valeur pour la vie religieuse. La religion n'est valable que si elle révèle la paternité de Dieu et rehausse la fraternité des hommes.

140:4.8 Une personne se forme une philosophie efficace de la vie en conjuguant la clairvoyance cosmique avec la somme de ses propres réactions émotionnelles envers son entourage social et économique. Rappelez-vous ceci : les tendances héréditaires ne peuvent pas être fondamentalement modifiées, mais les réactions émotives à ces tendances peuvent être changées. Il est donc possible de modifier la nature morale, d'améliorer le caractère. Dans un caractère fort, les réactions émotives sont intégrées et coordonnées, ce qui produit une personnalité unifiée. Le manque d'unification affaiblit la nature morale et engendre le malheur.

140:4.9 À défaut de but méritoire, la vie devient sans intérêt et sans profit, et il en résulte beaucoup de malheurs. Le discours de Jésus à l'ordination des douze constitue une philosophie magistrale de la vie. Jésus exhorta ses disciples à exercer une foi expérientielle. Il les avertit qu'il ne fallait pas se borner à dépendre d'un assentiment intellectuel, de la crédulité ou de l'autorité établie.

140:4.10 L'éducation devrait être une technique pour apprendre (découvrir) les meilleures méthodes de satisfaire nos impulsions naturelles et héréditaires. Le bonheur est la résultante finale de ces techniques améliorées de satisfaction émotive. Le bonheur dépend peu du milieu, bien qu'une ambiance agréable puisse beaucoup y contribuer.

140:4.11 Tout mortel désire ardemment devenir un être complet, parfait comme le Père qui est aux cieux est parfait, et une telle réalisation est possible parce qu'en dernière analyse, « l'univers est vraiment paternel » .

140.5  Amour Paternel et Amour Fraternel

140:5.1 Depuis le Sermon sur la Montagne jusqu'au Discours du Dernier Souper, Jésus apprit à ses disciples à manifester un amour paternel plutôt qu'un amour fraternel. L'amour fraternel consiste à aimer votre prochain comme vous-même, ce qui serait une application adéquate de la « règle d'or » ; mais l'affection paternelle exige que vous aimiez vos compagnons mortels comme Jésus vous aime.

140:5.2 Jésus aime l'humanité d'une double affection. Il a vécu sur terre sous une double personnalité - humaine et divine. En tant que Fils de Dieu, il aime les hommes d'un amour paternel - il est leur Créateur, leur Père dans l'univers. En tant que Fils de l'Homme, Jésus aime les mortels comme un frère - il était vraiment un homme parmi les hommes.

140:5.3 Jésus n'escomptait pas que ses disciples parviennent à une manifestation impossible d'amour fraternel, mais il comptait qu'ils s'efforceraient d'être semblables à Dieu - d'être parfaits comme le Père qui est aux cieux est parfait. Ils pourraient ainsi commencer à regarder les hommes comme Dieu regarde ses créatures - donc à commencer à les aimer comme Dieu les aime - à manifester les débuts d'une affection paternelle. Au cours de ces exhortations aux douze apôtres, Jésus chercha à révéler ce nouveau concept d'amour paternel tel qu'il se rapporte à certaines attitudes émotives impliquées dans l'établissement de nombreux ajustements sociaux au milieu ambiant.

140:5.4 Le Maitre commença ce très important discours en attirant l'attention sur quatre attitudes de foi, comme prélude à la description subséquente des quatre réactions transcendantes et suprêmes d'amour paternel, en contraste avec les limitations du simple amour fraternel.

140:5.5 Il parla d'abord de ceux qui étaient pauvres en esprit, qui avaient soif de droiture, qui persistaient dans la mansuétude et qui avaient le coeur pur. On pouvait espérer que ces mortels discernant l'esprit atteindraient des niveaux suffisants d'altruisme divin pour être capables de tenter le prestigieux exercice de l'affection paternelle ; que, même dans les afflictions, ils auraient le pouvoir de témoigner de la miséricorde, de promouvoir la paix, de supporter des persécutions ; au cours de toutes ces situations éprouvantes, on pouvait escompter qu'ils aimeraient d'un amour paternel une humanité même peu digne d'être aimée. L'affection d'un père peut atteindre des niveaux de dévouement qui transcendent immensément l'affection d'un frère.

140:5.6 La foi et l'amour ressortant de ces béatitudes renforcent le caractère moral et créent le bonheur. La peur et la colère affaiblissent le caractère et détruisent le bonheur. Cet important sermon débuta sur une note de bonheur.

140:5.7 1. « Heureux les pauvres en esprit, les humbles. » Pour un enfant, le bonheur est la satisfaction d'un désir de plaisir immédiat. L'adulte est disposé à semer des graines de renoncement pour récolter des moissons ultérieures de bonheur accru. À l'époque de Jésus et depuis lors, le bonheur a été bien trop souvent associé à l'idée de posséder de la fortune. Dans l'histoire du pharisien et du publicain qui priaient dans le temple, l'un se sentait riche en esprit - égocentrique, l'autre se sentait « pauvre en esprit » - humble. L'un se suffisait à lui-même, l'autre était enseignable et cherchait la vérité. Les pauvres en esprit recherchent des buts de richesse spirituelle - recherchent Dieu. De tels chercheurs de vérité n'ont pas besoin d'attendre leurs récompenses dans un lointain futur ; ils sont récompensés dès maintenant. Ils trouvent le royaume des cieux dans leur propre coeur et font l'expérience de ce bonheur dès maintenant.

140:5.8 2. « Heureux ceux qui ont faim et soif de droiture, car ils seront rassasiés. » Seuls ceux qui se sentent pauvres en esprit auront soif de droiture. Seuls les humbles recherchent la force divine et désirent ardemment le pouvoir spirituel. Il est fort dangereux, cependant, de pratiquer sciemment le jeûne spirituel en vue d'accroitre votre faim de dons spirituels. Le jeûne physique devient dangereux après quatre ou cinq jours, car on risque de perdre tout désir de nourriture. Le jeûne prolongé, soit physique soit spirituel, tend à détruire la faim.

140:5.9 L'expérience de la droiture est un plaisir, et non un devoir. La droiture de Jésus est un amour dynamique, une affection paternelle-fraternelle. Ce n'est pas une droiture négative du type « tu ne feras pas » . Comment pourrait-on avoir soif de quelque chose de négatif - de quelque chose à ne pas faire ?

140:5.10 Il n'est pas facile d'enseigner ces deux premières béatitudes à un mental d'enfant, mais un mental adulte devrait en saisir la signification.

140:5.11 3. « Heureux les débonnaires, car ils hériteront de la terre. » La mansuétude authentique n'a aucun rapport avec la peur. Elle est plutôt une attitude de l'homme coopérant avec Dieu. « Que ta volonté soit faite. » Elle englobe la patience et la longanimité, et elle est motivée par une foi inébranlable en un univers amical obéissant à des lois. Elle domine toute tentation de se rebeller contre la gouverne divine. Jésus était le débonnaire idéal d'Urantia, et il hérita d'un vaste univers.

140:5.12 4. « Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu. » La pureté spirituelle n'est pas une qualité négative, sauf par défaut d'esprit de suspicion et de revanche. En discutant de la pureté, Jésus n'avait pas l'intention de traiter exclusivement des attitudes humaines à l'égard du sexe. Il se référait davantage à la foi que les hommes devraient avoir en leurs semblables, cette foi que les parents ont en leurs enfants et qui leur permet d'aimer leurs semblables comme un père les aimerait. Un amour de père n'a pas besoin de cajoleries et ne cherche pas d'excuses au mal, mais il est toujours opposé au cynisme. L'amour paternel a une intention unique et recherche toujours ce qu'il y a de meilleur dans l'homme ; c'est l'attitude des véritables parents.

140:5.13 Voir Dieu - par la foi - signifie acquérir la vraie clairvoyance spirituelle. La clairvoyance spirituelle intensifie la gouverne de l'Ajusteur, et les deux réunies vous rendent, en fin de compte, plus conscient de Dieu. Quand vous connaissez le Père, vous êtes confirmé dans l'assurance de votre filiation divine ; vous pouvez alors aimer de plus en plus vos frères incarnés, non seulement comme un frère - d'un amour fraternel - mais aussi comme un père - d'une affection paternelle.

140:5.14 Il est facile d'enseigner cette exhortation même à un enfant. Les enfants sont naturellement confiants, et les parents devraient veiller à ce qu'ils ne perdent pas cette simple foi. Dans les rapports avec les enfants, évitez toute tromperie et abstenez-vous de suggérer la suspicion. Aidez-les sagement à choisir leurs héros et à sélectionner le travail de leur vie.

140:5.15 Jésus continua ensuite à instruire ses disciples sur le principal but de toutes les luttes humaines - la perfection - jusqu'à l'aboutissement divin. Il leur disait toujours : « Soyez parfaits comme votre Père qui est aux cieux est parfait. » Il n'exhortait pas les douze à aimer leur prochain comme ils s'aimaient eux-mêmes. Cela eût été un accomplissement méritoire qui aurait dénoté la réalisation de l'amour fraternel. Jésus recommandait plutôt à ses apôtres d'aimer les hommes comme lui-même les avait aimés - d'une affection paternelle aussi bien que fraternelle. Il illustra sa thèse en citant quatre réactions suprêmes d'amour paternel :

140:5.16 1. « Heureux les affligés, car ils seront consolés. » Ce que l'on appelle le bon sens ou la meilleure logique ne suggèrerait jamais que le bonheur puisse dériver de l'affliction. Jésus ne se référait pas aux signes extérieurs ou ostentatoires d'affliction. Il faisait allusion à une attitude émotive de tendresse de coeur. C'est une grande erreur que d'enseigner aux garçons et aux jeunes hommes qu'il n'est pas viril de montrer de la tendresse ou de laisser voir qu'on éprouve des émotions ou des souffrances physiques. La compassion est un attribut méritoire aussi bien masculin que féminin. Il n'est pas nécessaire d'être insensible pour être viril ; c'est la mauvaise manière de créer des hommes courageux. Les grands hommes de ce monde n'ont pas eu peur de s'attrister. Moïse, l'affligé, était un plus grand homme que Samson ou Goliath. Moïse était un chef magnifique, mais il était aussi plein de mansuétude. Le fait d'être attentif et sensible aux besoins humains crée un bonheur authentique et durable ; en même temps, cette attitude bienveillante protège l'âme des influences destructives de la colère, de la haine et de la suspicion.

140:5.17 2. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. » La miséricorde dénote ici la hauteur, la profondeur et la largeur de l'amitié la plus sincère - la bienveillance affectueuse. La miséricorde est parfois passive, mais ici elle est active et dynamique - la suprême qualité d'un père. Des parents aimants éprouvent peu de difficulté à absoudre leurs enfants, même à maintes reprises. Chez un enfant non gâté, le besoin de soulager la souffrance est naturel. Les enfants sont normalement bons et compatissants quand ils sont assez âgés pour apprécier les situations réelles.

140:5.18 3. « Heureux les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu. » Les auditeurs de Jésus souhaitaient ardemment un libérateur militaire, et non des pacificateurs. Mais la paix de Jésus n'est pas une sorte de pacifisme négatif. Confronté aux épreuves et aux persécutions, il disait : « Je vous laisse ma paix. » « Que votre coeur ne se trouble pas, et n'ayez point de crainte. » Voilà la paix qui empêche les conflits ruineux. La paix personnelle intègre la personnalité. La paix sociale empêche la peur, la convoitise et la colère. La paix politique empêche les antagonismes de race, les suspicions nationales et la guerre. La pacification est la cure de la méfiance et de la suspicion.

140:5.19 Il est facile d'apprendre aux enfants à agir comme pacificateurs. Ils aiment les activités d'équipe, ils ont plaisir à jouer ensemble. À un autre moment, le Maitre a dit : « Quiconque cherche à sauver sa vie la perdra, mais quiconque accepte de perdre sa vie la trouvera. »

140:5.20 4. « Heureux ceux qui sont persécutés à cause de leur droiture, car le royaume des cieux leur appartient. Soyez heureux quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront et diront faussement toutes sortes de méchancetés contre vous. Réjouissez-vous et ressentez un bonheur extrême, car votre récompense est grande dans les cieux. »

140:5.21 Bien souvent, la persécution suit la paix. Mais les jeunes gens et les adultes courageux ne fuient jamais les difficultés et les dangers. « Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Un amour paternel peut librement faire toutes ces choses - qui ne font guère partie de l'amour fraternel. Le progrès a toujours été le résultat final de la persécution.

140:5.22 Les enfants répondent toujours au défi du courage. La jeunesse est toujours prête à « relever un défi » . Et chaque enfant devrait apprendre de bonne heure à se sacrifier.

140:5.23 Il est donc révélé que les béatitudes du Sermon sur la Montagne sont fondées sur la foi et l'amour, et non sur la loi (l'éthique et le devoir).

140:5.24 L'amour paternel se complaît à rendre le bien pour le mal - à faire du bien en réponse à l'injustice.

140.6  Le Soir de l'Ordination

140:6.1 Le dimanche soir, en arrivant des hautes terres du nord de Capharnaüm chez Zébédée, Jésus et les douze prirent un repas frugal. Ensuite, tandis que Jésus allait se promener le long du rivage, les douze parlèrent entre eux. Après une brève conférence, et tandis que les jumeaux allumaient un petit feu pour les réchauffer et les éclairer, André sortit à la recherche de Jésus. Après l'avoir rejoint, il dit : « Maitre, mes frères sont incapables de comprendre ce que tu as dit sur le royaume. Nous ne nous sentons pas en mesure d'entreprendre le travail avant que tu nous aies donné des instructions supplémentaires. Je suis venu te demander de nous rejoindre dans le jardin et de nous aider à comprendre le sens de tes paroles. » Et Jésus accompagna André pour rejoindre les apôtres.

140:6.2 Lorsqu'il fut entré dans le jardin, il les rassembla autour de lui et poursuivit leur instruction en disant : « Vous trouvez difficile de recevoir mon message parce que vous voudriez bâtir le nouvel enseignement directement sur l'ancien, mais je déclare qu'il vous faut renaître. Il vous faut recommencer depuis le début comme de petits enfants, être disposés à faire confiance à mon enseignement et croire en Dieu. Le nouvel évangile du royaume ne peut être rendu conforme à ce qui existe. Vous avez des idées fausses sur le Fils de l'Homme et sa mission sur terre. Ne commettez pas l'erreur de croire que je sois venu pour rejeter la loi et les prophètes. Je ne suis pas venu pour détruire, mais pour accomplir, élargir et illuminer. Je ne suis pas venu pour transgresser la loi, mais plutôt pour écrire ces nouveaux commandements sur les tablettes de votre coeur.

140:6.3 « J'exige de vous une droiture qui surpassera la droiture de ceux qui cherchent à obtenir la faveur du Père en donnant des aumônes, en priant et en jeunant. Si vous voulez entrer dans le royaume, il faut avoir une droiture qui consiste en amour, en miséricorde et en vérité - le désir sincère de faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. »

140:6.4 Alors, Simon Pierre dit : « Maitre, si tu as un nouveau commandement, nous voudrions l'entendre. Révèle-nous la nouvelle voie » . Jésus répondit à Pierre : « Vous avez entendu dire par ceux qui enseignent la loi : `Tu ne tueras point, et quiconque tuera sera traduit en jugement'. Mais je regarde au delà de l'acte pour découvrir le mobile. Je vous déclare que quiconque se met en colère contre son frère est en danger d'être condamné. Celui qui nourrit de la haine dans son coeur et des plans de vengeance dans sa pensée est en danger d'être jugé. Vous devez juger vos compagnons à leurs actes ; le Père qui est aux cieux juge d'après les intentions.

140:6.5 « Vous avez entendu les Maitres de la loi dire : `Tu ne commettras pas d'adultère.' Moi, je vous dis que quiconque regarde une femme avec concupiscence a déjà commis dans son coeur un adultère avec elle. Vous ne pouvez juger les hommes qu'à leurs actes, mais mon Père regarde dans le coeur de ses enfants et les juge en miséricorde selon leurs intentions et leurs désirs réels. »

140:6.6 Jésus avait l'intention d'analyser les autres commandements lorsque Jacques Zébédée l'interrompit en demandant : « Maitre, qu'allons-nous enseigner au peuple sur le divorce ? Permettrons-nous à un homme de divorcer de sa femme comme Moïse l'a ordonné ? » Quand Jésus entendit cette question, il dit : « Je ne suis pas venu pour légiférer, mais pour éclairer. Je ne suis pas venu pour réformer les royaumes de ce monde, mais plutôt pour établir le royaume des cieux. Ce n'est pas la volonté du Père que je cède à la tentation de vous enseigner des règles de gouvernement, de commerce ou de conduite sociale ; elles pourraient être bonnes pour aujourd'hui, mais loin de convenir à la société d'une autre époque. Je suis sur terre uniquement pour réconforter le mental, libérer l'esprit et sauver l'âme des hommes. Je vous dirai, cependant, au sujet de cette question du divorce, que, si Moïse regardait avec faveur ces procédés, il n'en était pas ainsi du temps d'Adam et dans le jardin d'Éden. »

140:6.7 Après que les apôtres eurent échangé leurs vues entre eux durant un bref moment, Jésus poursuivit : « Il vous faut toujours reconnaître les deux points de vue de toute conduite des mortels - l'humain et le divin, les voies de la chair et la voie de l'esprit, l'estimation du temps et le point de vue de l'éternité. » Bien que les douze n'aient pu comprendre tout ce que le Maitre leur enseignait, ils furent vraiment aidés par cette instruction.

140:6.8 Ensuite, Jésus dit : « Vous trébucherez sur mon enseignement parce que vous avez coutume d'interpréter mon message à la lettre ; vous êtes lents à discerner l'esprit de mon enseignement. Il faut aussi vous rappeler que vous êtes mes messagers. Vous êtes obligés de vivre votre vie comme j'ai vécu la mienne en esprit. Vous êtes mes représentants personnels, mais ne vous trompez pas en espérant que tous les hommes vivront en tous points comme vous. N'oubliez jamais que j'ai des brebis qui ne font pas partie de ce troupeau, et que je suis également tenu de leur fournir le modèle pour la manière de faire la volonté de Dieu tout en vivant la vie de la nature mortelle. »

140:6.9 Alors, Nathanael demanda : « Maitre, ne donnerons-nous aucune place à la justice ? La loi de Moïse dit : `œil pour œil et dent pour dent.' Que dirons-nous ? » Jésus répondit : « Vous rendrez le bien pour le mal. Mes messagers ne doivent pas lutter avec les hommes, mais être doux envers tous. Votre règle ne sera pas mesure pour mesure. Les chefs des hommes peuvent avoir de telles lois, mais il n'en est pas ainsi dans le royaume ; la miséricorde déterminera toujours votre jugement, et l'amour votre conduite. Si ces préceptes sont sévères, vous pouvez encore rebrousser chemin. Si vous trouvez que les exigences de l'apostolat sont trop dures, vous pouvez reprendre le sentier moins rigoureux des disciples. »

140:6.10 Ayant entendu ces paroles saisissantes, les apôtres se réunirent entre eux durant un moment, mais ne tardèrent pas à revenir, et Pierre dit : « Maitre, nous voulons continuer avec toi ; aucun de nous ne voudrait revenir en arrière. Nous sommes tous prêts à payer le prix supplémentaire ; nous boirons la coupe. Nous voulons être des apôtres et pas seulement des disciples. »

140:6.11 Quand Jésus entendit ceci, il dit : « Alors, soyez décidés à prendre vos responsabilités et à me suivre. Accomplissez vos bonnes actions en secret ; quand vous donnerez une aumône, que la main gauche ne sache pas ce qu'a fait la main droite. Quand vous prierez, allez seuls à l'écart et n'employez ni vaines répétitions ni phrases dépourvues de sens. Rappelez-vous toujours que le Père sait ce dont vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez. Ne vous adonnez pas au jeûne avec une triste figure à montrer aux hommes. En tant que mes apôtres choisis et mis à part maintenant pour le service du royaume, n'amassez pas pour vous-mêmes des trésors sur terre, mais, par votre service désintéressé, accumulez des trésors au ciel, car là où sont vos trésors, là sera aussi votre coeur.

140:6.12 « La lampe du corps est l'oeil ; si donc votre oeil est généreux, tout votre corps sera rempli de lumière, mais si votre oeil est égoïste, tout votre corps sera plein de ténèbres. Si la lumière même qui est en vous est changée en ténèbres, combien profondes seront ces ténèbres ! »

140:6.13 Alors Thomas demanda à Jésus si les apôtres devaient « continuer d'avoir tout en commun » . Le Maitre répondit : « Oui, mes frères, je voudrais que nous vivions ensemble comme une famille qui se comprend. Une grande oeuvre vous est confiée, et je désire ardemment votre service indivis. Vous savez qu'il a été dit à juste titre : `nul ne peut servir deux maitres à la fois'. Vous ne pouvez sincèrement adorer Dieu et en même temps servir mammon de tout votre coeur. Maintenant que vous vous êtes engagés sans réserve au service du royaume, ne craignez pas pour votre vie, et souciez-vous encore bien moins de ce que vous mangerez et boirez, ou des vêtements que vous porterez. Déjà, vous avez appris qu'avec de bons bras et un coeur fidèle, on ne souffre pas de la faim. Maintenant que vous vous préparez à consacrer toutes vos énergies au travail du royaume, soyez assurés que le Père ne sera pas oublieux de vos besoins. Cherchez d'abord le royaume de Dieu et, quand vous en aurez trouvé l'entrée, toutes les choses nécessaires vous seront données par surcroit. Donc, ne vous souciez pas indument du lendemain. À chaque jour suffit sa peine. »

140:6.14 Voyant qu'ils étaient disposés à veiller toute la nuit pour poser des questions, Jésus leur dit : « Mes frères, vous êtes soumis aux lois terrestres ; il vaut mieux que vous alliez vous reposer afin d'être dispos pour le travail de demain. » Mais le sommeil avait fui leurs paupières. Pierre s'aventura à demander à son Maitre « juste un petit entretien privé avec toi, non que j'aie des secrets pour mes frères, mais je suis troublé et, si par hasard je dois recevoir une réprimande de mon Maitre, je la supporterai mieux en tête-à-tête. » Jésus dit : « Viens avec moi, Pierre » , et il le précéda dans la maison. Lorsque Pierre revint de l'entretien avec son Maitre, tout réconforté et très encouragé, Jacques décida à son tour d'aller parler à Jésus. Et ainsi de suite, jusqu'aux premières heures du matin, les autres apôtres allèrent un à un s'entretenir avec le Maitre. Quand ils eurent tous conversé personnellement avec lui, sauf les jumeaux qui s'étaient endormis, André retourna vers Jésus et dit : « Maitre, les jumeaux se sont endormis près du feu dans le jardin. Dois-je les réveiller pour leur demander s'ils veulent aussi te parler ? » Jésus répondit en souriant à André : « Ils font bien - ne les dérange pas. » La nuit s'achevait et l'aurore d'un nouveau jour apparaissait.

140.7  La Semaine après l'Ordination

140:7.1 Après quelques heures de sommeil, alors que les douze étaient réunis pour un petit déjeuner tardif, Jésus leur dit : « Il faut maintenant que vous commenciez à prêcher la bonne nouvelle et à instruire les croyants. Préparez-vous à aller à Jérusalem. » Après que Jésus eut parlé, Thomas rassembla son courage pour dire : « Je sais, Maitre, que nous devrions être prêts à entreprendre le travail, mais je crains que nous ne soyons pas encore capables d'accomplir cette grande oeuvre. Voudrais-tu consentir que nous restions quelques jours de plus dans les parages avant d'aborder les tâches du royaume ? » Voyant que tous ses apôtres étaient saisis de la même crainte, Jésus leur dit : « Il sera fait comme vous l'avez demandé ; nous resterons ici jusqu'au lendemain du sabbat. »

140:7.2 Pendant des semaines et des semaines, de petits groupes de fervents chercheurs de la vérité, ainsi que des spectateurs curieux, étaient venus à Bethsaïde pour voir Jésus. Déjà, sa réputation s'était répandue dans le pays ; des groupes d'enquêteurs étaient venus de villes aussi éloignées que Tyr, Sidon, Damas, Césarée et Jérusalem. Jusque-là, Jésus avait accueilli ces visiteurs et les avait instruits au sujet du royaume, mais le Maitre confia désormais ce travail aux douze. André choisissait l'un des apôtres et l'affectait à un groupe de visiteurs ; les douze étaient parfois tous engagés à la fois.

140:7.3 Durant deux jours, ils travaillèrent, enseignant dans la journée et tenant des conférences privées jusque tard dans la nuit. Le troisième jour, Jésus s'entretint avec Zébédée et Salomé, tandis qu'il renvoyait ses apôtres en disant : « Allez à la pêche, cherchez à vous distraire sans souci, ou peut-être allez voir vos familles. » Le jeudi, ils revinrent pour trois journées d'enseignement complémentaire.

140:7.4 Durant cette semaine de préparation, Jésus répéta maintes fois à ses apôtres les deux grands mobiles de sa mission sur terre après son baptême :

140:7.5 1. Révéler le Père aux hommes.

140:7.6 2. Amener les hommes à être conscients de leur filiation - réaliser par la foi qu'ils sont les enfants du Très Haut.

140:7.7 Une semaine de ces expériences variées fit faire beaucoup de progrès aux douze ; certains acquirent même trop de confiance en eux-mêmes. À la dernière conférence, durant la soirée consécutive au sabbat, Pierre et Jacques s'approchèrent de Jésus en lui disant : « Nous sommes prêts ; allons maintenant nous emparer du royaume. » À quoi Jésus répondit : « Puisse votre sagesse égaler votre zèle, et votre courage compenser votre ignorance. »

140:7.8 Bien que les apôtres ne comprissent pas grand-chose à l'enseignement du Maitre, ils saisissaient parfaitement la signification de la vie de charme et de beauté qu'il vivait avec eux.

140.8  Le Jeudi après-midi sur le Lac

140:8.1 Jésus savait bien que ses apôtres n'assimilaient pas entièrement ses enseignements. Il décida de donner une instruction spéciale à Pierre, Jacques et Jean, espérant qu'ils seraient ensuite capables de clarifier les idées de leurs compagnons. Il voyait que les douze comprenaient certaines caractéristiques de l'idée d'un royaume spirituel, mais persistaient obstinément à rattacher directement ces nouveaux enseignements spirituels à leurs vieilles conceptions littérales et enracinées du royaume céleste en tant que restauration du trône de David et rétablissement d'Israël comme puissance temporelle sur terre. En conséquence, Jésus s'éloigna du rivage ce jeudi après-midi en emmenant Pierre, Jacques et Jean sur un bateau pour leur parler des affaires du royaume. Ce fut une conférence éducative de quatre heures, embrassant des dizaines de questions et de réponses, qui peut, de manière très profitable, être insérée dans cet exposé en recomposant le résumé de cet important après-midi, tel que Simon Pierre le raconta le lendemain matin à son frère André.

140:8.2 1. Faire la volonté du Père. L'enseignement de Jésus de se confier aux soins supérieurs du Père qui est aux cieux n'était pas un fatalisme aveugle et passif. Jésus cita, ce jour-là, en l'approuvant, un vieux dicton hébreu disant : « Celui qui ne veut pas travailler ne mangera pas. » Il fit remarquer que sa propre expérience était un commentaire suffisant de ses enseignements. Ses préceptes sur la confiance à témoigner au Père ne doivent pas être jugés d'après les conditions sociales ou économiques des temps modernes ni de toute autre époque. Cet enseignement embrasse les principes idéaux d'une vie proche du Père dans tous les âges et sur tous les mondes.

140:8.3 Jésus fit bien comprendre, à ses trois apôtres, les différences d'exigences entre les fonctions d'apôtre et celles de disciple. Même alors, il n'interdit pas aux douze l'exercice de la prudence et de la prévision. Il ne prêchait pas contre la prévoyance, mais contre l'anxiété et les soucis. Il enseignait la soumission alerte et active à la volonté de Dieu. En réponse aux nombreuses questions des trois apôtres sur la frugalité et l'épargne, il attira simplement leur attention sur sa vie de charpentier, de constructeur de bateaux et de pêcheur, et sur sa minutieuse organisation des douze. Il chercha à leur expliquer que le monde ne doit pas être considéré comme un ennemi, et que les circonstances de la vie constituent une dispensation divine travaillant de concert avec les enfants de Dieu.

140:8.4 Jésus éprouva de grandes difficultés à leur faire comprendre sa pratique personnelle de non-résistance. Il refusait absolument de se défendre, et il semblait aux apôtres que Jésus les verrait avec plaisir suivre la même politique. Il leur apprenait à ne pas résister au mal, à ne pas combattre les injustices et les blessures, mais non à tolérer passivement la malfaisance. Il rendit clair, cet après-midi-là, qu'il approuvait le châtiment social des malfaiteurs et des criminels, et que le gouvernement civil devait parfois employer la force pour maintenir l'ordre social et exécuter les décisions de la justice.

140:8.5 Il ne cessa jamais de mettre ses disciples en garde contre la fâcheuse pratique des représailles ; il ne tolérait pas l'idée de revanche, de régler ses comptes. Il déplorait que l'on gardât rancune, il rejetait l'idée d'oeil pour oeil, dent pour dent. Il désapprouvait tout le concept de revanche privée et personnelle ; il laissait ces questions au gouvernement civil d'une part, et au jugement de Dieu d'autre part. Il fit bien comprendre aux trois apôtres que ses enseignements s'appliquaient aux individus et non à l'État. Il résuma les instructions qu'il avait données jusque-là sur ces questions de la manière suivante :

140:8.6 Aimez vos ennemis - rappelez-vous les prétentions morales de la fraternité humaine.

140:8.7 La futilité du mal : un tort ne se redresse pas par une vengeance. Ne commettez pas la faute de combattre le mal avec ses propres armes.

140:8.8 Ayez la foi - ayez confiance dans le triomphe final de la justice divine et de la bonté éternelle.

140:8.9 2. Attitude politique. Jésus recommanda à ses apôtres d'être prudents dans leurs remarques concernant les relations, alors tendues, entre le peuple juif et le gouvernement romain ; il leur défendit de se laisser impliquer en aucune manière dans ces difficultés. Il prenait toujours soin d'éviter les pièges politiques de ses ennemis, répondant toujours : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Il refusait de laisser détourner son attention de sa mission, qui était d'établir une nouvelle voie de salut : il ne se permettait pas de se soucier d'autre chose. Dans sa vie personnelle, il observait toujours dument toutes les lois et règles civiles ; dans ses enseignements publics, il laissait de côté les questions civiques, économiques et sociales. Il dit aux trois apôtres qu'il se souciait uniquement des principes de la vie spirituelle intérieure et personnelle des hommes.

140:8.10 Jésus n'était donc pas un réformateur politique. Il ne venait pas pour réorganiser le monde ; même s'il l'avait fait, cela n'eût été applicable qu'à cette époque et à cette génération. Néanmoins, il montra bien aux hommes la meilleure manière de vivre, et nulle génération n'est dispensée de la tâche de découvrir la meilleure façon d'adapter l'exemple de la vie de Jésus à ses propres problèmes. Mais ne commettez jamais l'erreur d'identifier les enseignements de Jésus à une théorie politique ou économique, ni à un système social ou industriel quelconque.

140:8.11 3. Attitude sociale. Les rabbins juifs avaient longtemps débattu la question : Qui est mon prochain ? Jésus vint en présentant l'idée d'une bonté active et spontanée, un amour si sincère du prochain qu'il amplifiait la notion de voisinage jusqu'à y inclure le monde entier, ce qui fait de chaque homme votre prochain. Ceci dit, Jésus s'intéressait uniquement aux individus, et non à la masse. Il n'était pas un sociologue, mais il travailla à briser toutes les formes d'isolement égoïste. Il enseignait la pure sympathie, la compassion. Micaël de Nébadon est un Fils dominé par la miséricorde. La compassion est l'essence même de sa nature.

140:8.12 Le Maitre n'a pas dit que les hommes ne devaient jamais recevoir leurs amis à des repas, mais il a dit que ses disciples devraient organiser des festins pour les pauvres et les malheureux. Jésus avait un solide sens de la justice, mais toujours tempéré de miséricorde. Il n'enseigna pas à ses apôtres qu'ils devaient se laisser abuser par des parasites sociaux ou des mendiants professionnels. Le moment où il fut le plus près de faire des proclamations sociologiques fut celui où il dit : « Ne jugez pas, pour n'être pas jugés » .

140:8.13 Il fit bien comprendre qu'une prévenance sans discernement pouvait être considérée comme responsable de nombreux maux de la société. Le lendemain, Jésus interdit franchement à Judas de prélever aucune aumône sur les fonds apostoliques, sauf à sa requête ou à la demande conjointe de deux apôtres. En toutes ces matières, Jésus avait coutume de dire : « Soyez prudents comme des serpents, mais aussi inoffensifs que des colombes. » Il semblait que, dans toutes les situations sociales, il avait pour dessein d'enseigner la patience, la tolérance et le pardon.

140:8.14 Pour Jésus, la philosophie de la vie - sur terre et dans l'au-delà - était centrée sur la famille. Il fonda sur la famille ses enseignements au sujet de Dieu, tout en cherchant à corriger la tendance des Juifs à rendre des honneurs excessifs à leurs ancêtres. Il loua la vie de famille comme le plus haut devoir humain, mais fit comprendre que les relations de famille ne doivent pas intervenir dans les obligations religieuses. Il attira l'attention sur le fait que la famille est une institution temporelle et ne survit pas à la mort. Jésus n'hésita pas à abandonner sa famille lorsqu'elle alla à l'encontre de la volonté du Père. Il enseigna la nouvelle et plus large fraternité des hommes - des fils de Dieu. À l'époque de Jésus, les pratiques concernant le divorce étaient très relâchées en Palestine et dans tout l'empire romain. Jésus refusa, à maintes reprises, de formuler des lois sur le mariage et le divorce, mais nombre des premiers partisans de Jésus avaient des opinions très arrêtées sur le divorce et n'hésitèrent pas à les lui attribuer. Tous les écrivains du Nouveau Testament, sauf Jean Marc, partageaient ces opinions plus strictes et évoluées sur le divorce.

140:8.15 4. Attitude économique. Jésus travailla, vécut et commerça dans le monde tel qu'il le trouva. Il n'était pas un réformateur économique, bien qu'il ait fréquemment attiré l'attention sur l'injustice de la distribution inégale des richesses, mais il n'offrit aucune suggestion comme remède. Il expliqua à Pierre, Jacques et Jean que, si ses apôtres ne devaient pas détenir de biens, il ne prêchait pas contre la fortune et la propriété, mais seulement contre leur distribution inégale et inéquitable. Il reconnaissait le besoin de justice sociale et d'équité industrielle, mais ne proposa aucune règle pour y parvenir.

140:8.16 Il n'enseigna jamais à ses disciples le renoncement aux possessions terrestres, mais seulement à ses douze apôtres. Luc, le médecin, croyait fermement à l'égalité sociale et contribua beaucoup à interpréter les dires de Jésus conformément à ses croyances personnelles. Jésus n'ordonna jamais à ses partisans d'adopter un mode de vie communautaire ; il ne fit aucune proclamation d'aucune sorte concernant ces questions.

140:8.17 Jésus mit fréquemment ses auditeurs en garde contre la cupidité en déclarant que « le bonheur d'un homme ne consiste pas dans l'abondance de ses possessions matérielles » . Il réitérait constamment sa formule : « À quoi sert-il à un homme de gagner le monde entier et de perdre sa propre âme ? » Il ne lança pas d'attaques directes contre la possession des biens, mais il insista sur le fait qu'il est éternellement essentiel de donner priorité aux valeurs spirituelles. Dans ses enseignements ultérieurs, il chercha à corriger beaucoup de points de vue urantiens erronés sur la vie, en racontant de nombreuses paraboles qu'il présenta au cours de son ministère public. Jésus n'eut jamais l'intention de formuler des théories économiques ; il savait bien que chaque époque doit élaborer ses propres remèdes aux difficultés existantes. Si Jésus était sur terre aujourd'hui, vivant sa vie incarnée, il décevrait grandement la majorité des hommes et des femmes de bien, pour la simple raison qu'il refuserait de prendre parti dans les débats politiques, sociaux et économiques du jour. Il resterait majestueusement sur la réserve, tout en vous enseignant à perfectionner votre vie spirituelle intérieure de manière à vous rendre infiniment plus compétents pour attaquer la solution de vos problèmes purement humains.

140:8.18 Jésus voulait rendre tous les hommes semblables à Dieu, et ensuite veiller avec sympathie pendant que ces fils de Dieu résoudraient leurs propres problèmes politiques, sociaux et économiques. Ce n'était pas la fortune qu'il condamnait, mais ce que fait la fortune à la majorité de ses adeptes. Ce jeudi après-midi, Jésus dit pour, la première fois, à ses disciples « qu'il y a plus de bénédiction à donner qu'à recevoir » .

140:8.19 5. Religion personnelle. Pour vous comme pour les apôtres, la meilleure manière de comprendre les enseignements de Jésus est d'observer sa vie. Il vécut une vie parfaite sur Urantia, et l'on ne peut comprendre ses enseignements exceptionnels qu'en se représentant sa vie dans son arrière-plan immédiat. C'est sa vie, et non ses leçons aux douze ou ses sermons aux foules, qui aidera le plus à révéler le caractère divin et la personnalité aimante du Père.

140:8.20 Jésus n'attaqua pas les enseignements des prophètes hébreux ou des moralistes grecs. Le Maitre reconnaissait les nombreux éléments valables que ces grands éducateurs représentaient, mais il était descendu sur terre pour enseigner quelque chose de supplémentaire, « la conformité volontaire de la volonté de l'homme à la volonté de Dieu » . Jésus ne cherchait pas simplement à créer des hommes religieux, des mortels entièrement occupés de sentiments religieux et uniquement mus par des impulsions spirituelles. Si vous aviez pu jeter seulement un regard sur lui, vous auriez su qu'il était véritablement un homme de grande expérience dans les choses de ce monde. Les enseignements de Jésus sous ce rapport ont été grossièrement dénaturés et très souvent faussement présentés tout au long des siècles de l'ère chrétienne. Vous vous êtes aussi attachés à des idées déformées sur la mansuétude et l'humilité du Maitre. Le but qu'il recherchait dans sa vie paraît avoir été un magnifique respect de soi. Il recommandait aux hommes de s'humilier uniquement pour leur permettre d'être vraiment grands ; le but qu'il visait réellement était une vraie humilité envers Dieu. Il attribuait une grande valeur à la sincérité - au coeur pur. La fidélité était une vertu cardinale dans son évaluation d'un caractère, alors que le courage était l'essence même de ses enseignements. « N'ayez aucune crainte » était son mot de passe, et la patiente endurance était son idéal de la force de caractère. Les enseignements de Jésus constituent une religion de vaillance, de courage et d'héroïsme. C'est précisément pourquoi il choisit, comme représentants personnels, douze hommes du commun, qui étaient en majorité de rudes et virils pêcheurs.

140:8.21 Jésus parla peu des vices sociaux de son époque ; il fit rarement allusion à la culpabilité morale. Il enseigna la vraie vertu d'une manière positive. Il évita soigneusement la méthode négative de donner des instructions ; il refusa toute publicité pour le mal. Il n'était même pas un réformateur moral. Il savait bien et enseignait à ses apôtres que les besoins sensuels de l'humanité ne sont supprimés ni par des reproches religieux ni par des prohibitions légales. Ses rares condamnations étaient surtout dirigées contre l'orgueil, la cruauté, l'oppression et l'hypocrisie.

140:8.22 Jésus ne critiqua même pas les pharisiens avec véhémence comme le fit Jean le Baptiste. Il savait que bien des scribes et des pharisiens avaient un coeur honnête ; il comprenait l'emprise qui les rendait esclaves des traditions religieuses. Jésus insistait beaucoup sur la nécessité de « commencer par assainir l'arbre » . Il fit bien comprendre au trio qu'il attachait de la valeur à la vie entière, et pas seulement à quelques vertus particulières.

140:8.23 La seule leçon que Jean Zébédée tira de l'enseignement de cette journée fut que le fond de la religion de Jésus consistait à acquérir un caractère compatissant doublé d'une personnalité mue par le désir de faire la volonté du Père qui est aux cieux.

140:8.24 Pierre saisit l'idée que l'évangile, qu'ils étaient sur le point de proclamer, était réellement une nouvelle base de départ pour la race humaine tout entière. Il transmit plus tard cette impression à Paul, qui s'en servit pour formuler sa doctrine du Christ en tant que « le second Adam » .

140:8.25 Quant à Jacques, il comprit la passionnante vérité que Jésus voulait voir vivre ses enfants sur terre comme s'ils étaient déjà des citoyens du royaume céleste parachevé.

140:8.26 Jésus savait que tous les hommes étaient différents, et il l'enseigna à ses apôtres. Il les exhortait constamment à s'abstenir de toute tentative pour former les disciples et les croyants selon un modèle préétabli. Il cherchait à permettre à chaque âme de se développer à sa propre manière, à titre individuel, en se perfectionnant au regard de Dieu. En réponse à l'une des nombreuses questions de Pierre, le Maitre dit : « Je veux libérer les hommes de manière qu'ils puissent repartir comme de petits enfants dans une vie nouvelle et meilleure. » Jésus insistait toujours sur le fait que la vraie bonté doit être inconsciente, et qu'en faisant la charité, on ne doit pas permettre à la main gauche de savoir ce que fait la droite.

140:8.27 Cet après-midi, les trois apôtres furent choqués de constater que la religion de leur Maitre ne prévoyait pas d'introspection spirituelle. Toutes les religions qui ont précédé et suivi l'époque de Jésus, même le christianisme, prévoient soigneusement une introspection religieuse. Ce n'est pas le cas pour la religion de Jésus de Nazareth ; sa philosophie de la vie est dépourvue d'introspection religieuse. Le fils du charpentier n'enseigna jamais la formation des caractères, mais leur croissance, déclarant que le royaume des cieux ressemble à un grain de sénevé. Mais Jésus ne dit rien qui puisse proscrire l'analyse de soi comme moyen de prévention contre un égotisme prétentieux.

140:8.28 Le droit d'entrer dans le royaume est conditionné par la foi, la croyance personnelle. Ce qu'il en coute pour se maintenir dans l'ascension progressive du royaume est la perle de grand prix ; pour la posséder, un homme vend tout ce qu'il a.

140:8.29 L'enseignement de Jésus est une religion pour tous et pas seulement pour les débiles et les esclaves. Sa religion ne se cristallisa jamais (durant son incarnation) en credo et en lois théologiques ; il ne laissa pas une ligne d'écriture derrière lui. Sa vie et ses enseignements furent légués à l'univers comme un héritage d'inspiration et d'idéal convenant à la gouverne spirituelle et à l'instruction morale de tous les âges sur tous les mondes. Même aujourd'hui, les enseignements de Jésus se tiennent en dehors de toutes les religions, bien qu'ils constituent l'espoir vivant de chacune d'elles.

140:8.30 Jésus n'enseigna pas à ses apôtres que la religion est la seule occupation terrestre digne des hommes, ce qui était la conception des Juifs sur le service de Dieu ; mais il affirma avec insistance que les douze devaient s'occuper exclusivement de religion. Jésus n'enseigna rien pour détourner ses fidèles de la poursuite d'une véritable culture ; il rabaissa seulement le mérite des écoles religieuses de Jérusalem prisonnières de la tradition. Il était libéral, généreux, instruit et tolérant. La piété consciente de soi n'avait nulle place dans sa philosophie pour mener une vie de droiture.

140:8.31 Le Maitre n'offrit pas de solutions pour les problèmes non religieux de son temps ou de tout autre âge ultérieur. Jésus souhaitait développer la clairvoyance spirituelle dans les réalités éternelles et stimuler l'initiative dans l'originalité de la vie. Il s'occupa exclusivement des besoins spirituels sous-jacents et permanents de la race humaine. Il révéla une bonté égale à celle de Dieu. Il exalta l'amour - la vérité, la beauté et la bonté - comme idéal divin et réalité éternelle.

140:8.32 Le Maitre vint pour créer chez l'homme un nouvel esprit, une nouvelle volonté - pour lui communiquer une nouvelle capacité de connaître la vérité, d'éprouver de la compassion et de choisir la bonté - la volonté d'être en harmonie avec la volonté de Dieu, doublée de l'impulsion éternelle de devenir parfait comme le Père qui est aux cieux est parfait.

140.9  Le Jour de la Consécration

140:9.1 Jésus consacra la journée du sabbat suivant à ses apôtres, retournant dans les hautes terres où il leur avait conféré l'ordination. Là, après un long message personnel d'encouragement magnifiquement touchant, il entreprit la consécration solennelle des douze. Au cours de cet après-midi de sabbat, Jésus réunit les apôtres autour de lui, à flanc de coteau, et les remit aux mains de son Père qui est aux cieux en vue du jour où il serait obligé de les laisser seuls dans le monde. Il n'y eut pas de nouvel enseignement à cette occasion, mais simplement des entretiens et une communion.

140:9.2 Jésus passa en revue de nombreux points du sermon d'ordination qu'il avait fait au même endroit, puis il appela les apôtres devant lui, un par un, et les chargea d'aller dans le monde comme ses représentants. La mission de consécration donnée par le Maitre fut la suivante : « Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle du royaume. Libérez les prisonniers spirituels, consolez les opprimés et donnez vos soins aux affligés. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. »

140:9.3 Jésus leur recommanda de n'emporter ni argent ni vêtements de rechange, disant : « le bon ouvrier mérite son salaire. » Et finalement il dit : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc aussi prudents que des serpents et aussi inoffensifs que des colombes. Mais prenez garde, car vos ennemis vous amèneront devant leurs conseils et vous critiqueront sévèrement dans leurs synagogues. Vous serez trainés devant des gouverneurs et des chefs parce que vous croyez à cet évangile, et votre témoignage même témoignera pour moi auprès d'eux. Quand ils vous feront passer en jugement, ne vous inquiétez pas de ce que vous direz, car l'esprit de mon Père vous habite et parlera pour vous à ces moments-là. Quelques-uns d'entre vous seront mis à mort et, avant que vous établissiez le royaume sur terre, vous serez haïs par bien des peuples à cause de cet évangile ; mais n'ayez aucune crainte ; je serai auprès de vous et mon esprit vous précèdera dans le monde entier. La présence de mon Père demeurera avec vous pendant que vous irez d'abord vers les Juifs et ensuite vers les Gentils. »

140:9.4 Après être descendus de la montagne, ils retournèrent à leur foyer dans la maison de Zébédée.

140.10  Le Soir après la Consécration

140:10.1 Ce soir-là, Jésus enseigna dans la maison parce que la pluie commençait à tomber ; il parla très longuement aux douze pour essayer de leur montrer ce qu'ils devaient être, et non ce qu'ils devaient faire. Les apôtres connaissaient seulement une religion qui imposait de faire certaines choses comme moyen d'atteindre la droiture - le salut. Mais Jésus répétait : « Dans le royaume, il faut être droit pour faire le travail. » Bien des fois, il réitéra : « Soyez donc parfaits comme votre Père qui est aux cieux est parfait. » Le Maitre expliquait tout le temps à ses apôtres désorientés que le salut qu'il était venu apporter au monde ne pouvait s'obtenir qu'en croyant, par une foi simple et sincère. Jésus dit : « Jean a prêché un baptême de repentance, une affliction pour l'ancienne manière de vivre. Vous allez proclamer le baptême de communion avec Dieu. Prêchez la repentance à ceux qui ont besoin de cet enseignement, mais, à ceux qui cherchent déjà sincèrement l'entrée du royaume, ouvrez largement les portes et dites-leur d'entrer dans la joyeuse communauté des fils de Dieu. » Mais c'était une tâche difficile de persuader ces pêcheurs de Galilée que, dans le royaume, il faut d'abord être droit, par la foi, avant d'agir avec droiture dans la vie quotidienne des mortels de la terre.

140:10.2 Un autre grand handicap dans cette oeuvre d'enseignement des douze était leur tendance à s'emparer de principes hautement idéalistes et spirituels de la vérité religieuse, et de les transformer en règles concrètes de conduite personnelle. Jésus leur présentait le magnifique esprit de l'attitude de l'âme, mais les apôtres insistaient pour traduire cet enseignement en préceptes de comportement personnel. Bien des fois, quand ils étaient sûrs de bien se rappeler ce que le Maitre avait dit, ils étaient presque assurés d'oublier ce que le Maitre n'avait pas dit. Mais ils assimilaient lentement son enseignement, parce que Jésus était tout ce qu'il enseignait. Ce qu'ils ne purent gagner par ses instructions verbales, ils l'acquirent progressivement en vivant avec lui.

140:10.3 Les apôtres ne percevaient pas que leur Maitre s'occupait de vivre une vie d'inspiration spirituelle pour toutes les personnes de toutes les époques sur tous les mondes d'un vaste univers. Malgré ce que Jésus leur disait de temps en temps, les apôtres ne saisissaient pas l'idée qu'il accomplissait une oeuvre sur ce monde, mais pour tous les autres mondes de son immense création. Jésus vécut sa vie terrestre sur Urantia, non pour établir un exemple de vie temporelle pour les hommes et les femmes de ce monde, mais plutôt pour créer un idéal hautement spirituel et une source d'inspiration pour tous les êtres mortels sur tous les mondes.

140:10.4 Le même soir, Thomas demanda à Jésus : « Maitre, tu dis qu'il nous faut devenir comme des petits enfants avant de pouvoir gagner l'entrée dans le royaume du Père, et cependant tu nous as prévenus de ne pas nous laisser tromper par de faux prophètes et de ne pas nous rendre coupables de jeter nos perles aux pourceaux. Franchement, je suis déconcerté. Je n'arrive pas à comprendre ton enseignement. » Jésus répondit à Thomas : « Combien de temps vous supporterai-je ! Vous insistez toujours pour prendre à la lettre tout ce que j'enseigne. Quand je vous ai demandé de devenir semblables à de petits enfants comme prix de votre entrée dans le royaume, je ne parlais ni de la facilité à se laisser tromper, ni de la simple bonne volonté de croire ni de la rapidité à faire confiance à d'agréables étrangers. Ce que je désirais que vous retiriez de cet exemple, c'était la relation entre enfant et père. Tu es l'enfant, et c'est dans le royaume de ton Père que tu cherches à entrer. Il existe, entre tout enfant normal et son père, une affection naturelle qui assure des relations compréhensives et affectueuses, et qui exclut perpétuellement toute tendance à négocier pour obtenir l'amour et la miséricorde du Père. L'évangile que vous allez prêcher concerne un salut provenant de la réalisation, par la foi, de cette même et éternelle relation d'enfant à père. »

140:10.5 La caractéristique majeure de l'enseignement de Jésus était que la moralité de sa philosophie dérivait des relations personnelles entre l'individu et Dieu - précisément cette relation d'enfant à père. Jésus mettait l'accent sur l'individu, et non sur la race ou sur la nation. C'est au cours du souper que Jésus eut avec Matthieu l'entretien où il lui expliqua que la moralité d'un acte quelconque est déterminée par le mobile de son auteur. La moralité de Jésus était toujours positive. La règle d'or reformulée par Jésus exige des contacts sociaux actifs ; l'ancienne règle négative pouvait être suivie dans l'isolement. Jésus dépouilla la moralité de toutes les règles et cérémonies, et l'éleva aux hauteurs majestueuses de la pensée spirituelle et de la vie véritablement droite.

140:10.6 La nouvelle religion de Jésus n'était pas dépourvue de portée pratique ; mais tout ce qui peut se trouver dans son enseignement, ayant valeur pratique à un point de vue politique, social ou économique, découle naturellement de cette expérience intérieure de l'âme manifestant les fruits de l'esprit dans le ministère quotidien spontané d'une expérience religieuse personnelle authentique.

140:10.7 Après que Jésus et Matthieu eurent achevé de parler, Simon Zélotès demanda : « Maitre, les hommes sont-ils tous fils de Dieu ? » Jésus répondit : « Oui, Simon, tous les hommes sont fils de Dieu, et c'est la bonne nouvelle que vous allez proclamer. » Mais les apôtres ne parvenaient pas à comprendre une telle doctrine qui était pour eux une annonce nouvelle, étrange et stupéfiante. Et c'était à cause de son désir d'inculquer cette vérité à ses disciples que Jésus leur apprenait à traiter tous les hommes comme leurs frères.

140:10.8 En réponse à une question posée par André, le Maitre expliqua que la moralité de son enseignement était inséparable de sa manière religieuse de vivre. Il enseignait la moralité non en partant de la nature de l'homme, mais en partant de la relation de l'homme avec Dieu.

140:10.9 Jean demanda à Jésus : « Maitre, qu'est ce que le royaume des cieux ? » Et Jésus répondit : « Le royaume des cieux se compose de trois éléments essentiels : premièrement la reconnaissance du fait de la souveraineté de Dieu ; deuxièmement la croyance à la vérité de la filiation avec Dieu ; et troisièmement la foi dans l'efficacité du suprême désir humain de faire la volonté de Dieu - d'être semblable à Dieu. Et voici la bonne nouvelle de l'évangile : par la foi, chaque mortel peut posséder tous ces éléments essentiels du salut. »

140:10.10 Maintenant que la semaine d'attente était écoulée, ils se préparèrent à partir le lendemain pour Jérusalem.

141. Le Commencement de l'Oeuvre Publique

141:0.1 LE 19 janvier de l'an 27, premier jour de la semaine, Jésus et les douze apôtres se préparèrent à quitter leur quartier général de Bethsaïde. Les douze ne savaient rien des plans de leur Maitre, sinon qu'ils monteraient à Jérusalem pour assister à la fête de la Pâque d'avril, et que l'itinéraire projeté passait par la vallée du Jourdain. Ils ne partirent guère avant midi de la maison de Zébédée, parce que les familles des apôtres et d'autres disciples étaient venues leur dire adieu et leur souhaiter bonne chance dans la nouvelle tâche qu'ils étaient sur le point d'entreprendre.

141:0.2 Au moment du départ, les apôtres ne virent pas le Maitre, et André partit à sa recherche. Il ne tarda pas à le trouver assis dans un bateau sur la plage, et Jésus pleurait. Les douze avaient souvent vu leur Maitre à des moments où il semblait triste et ils avaient été témoins de ses brèves périodes de graves préoccupations mentales, mais aucun ne l'avait jamais vu verser des larmes. André fut quelque peu surpris de voir le Maitre ainsi affecté au moment de leur départ pour Jérusalem, et il osa s'approcher de Jésus et lui demanda : « En ce grand jour, Maitre, au moment où nous allons nous rendre à Jérusalem pour proclamer le royaume du Père, pourquoi pleures-tu ? Qui de nous t'a offensé ? » Et Jésus, revenant avec André vers les douze, lui répondit : « Aucun de vous ne m'a causé de chagrin. Je suis attristé seulement parce qu'aucun membre de la famille de mon père Joseph n'a songé à venir nous souhaiter bon voyage. » À ce moment-là, Ruth était en visite chez son frère Joseph à Nazareth ; les autres membres de la famille s'étaient tenus à l'écart par orgueil, déception, incompréhension et mesquine rancune à laquelle ils se laissaient aller parce que leurs sentiments avaient été froissés.

141.1  Départ de Galilée

141:1.1 Capharnaüm n'était pas loin de Tibériade ; la renommée de Jésus avait commencé à se répandre largement à travers toute la Galilée, et même au delà. Jésus savait qu'Hérode ne tarderait pas à prêter attention à son oeuvre ; il estima donc qu'il valait mieux se diriger vers le sud et entrer en Judée avec ses apôtres. Une compagnie de plus de cent croyants désirait faire route avec eux, mais Jésus leur parla et les pria de ne pas accompagner le groupe apostolique sur le chemin descendant le Jourdain. Ils consentirent à rester en arrière, mais, au bout de quelques jours, nombre d'entre eux suivirent le Maitre.

141:1.2 Le premier jour, Jésus et les apôtres n'allèrent pas plus loin que Tarichée, où ils se reposèrent pour la nuit. Le lendemain, ils voyagèrent jusqu'à un point du Jourdain proche de Pella, où Jean avait prêché environ un an auparavant et où Jésus avait reçu le baptême. Ils s'arrêtèrent là, durant plus de deux semaines, enseignant et prêchant. À la fin de la première semaine, plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées dans un camp proche de l'endroit où demeuraient Jésus et les douze ; cette foule était venue de Galilée, de Phénicie, de Syrie, de la Décapole, de Pérée et de Judée.

141:1.3 Jésus ne prêcha pas en public. André divisait la foule et désignait les prédicateurs pour les réunions du matin et de l'après-midi. Après le repas du soir, Jésus s'entretenait avec les douze. Il ne leur enseignait rien de nouveau, mais passait en revue son enseignement antérieur et répondait à leurs nombreuses questions. Au cours de l'une de ces soirées, il donna aux douze quelques indications sur les quarante jours qu'il avait passés dans les collines à proximité de ce lieu.

141:1.4 Bien des auditeurs venus de Pérée et de Judée avaient été baptisés par Jean et voulaient en apprendre davantage sur les enseignements de Jésus. Les apôtres firent beaucoup de progrès en instruisant les disciples de Jean, en ce sens qu'ils ne déprécièrent en aucune manière les prédications de Jean et qu'à cette époque, ils ne baptisaient même pas leurs nouveaux disciples. Mais ce fut toujours une pierre d'achoppement pour les partisans de Jean de voir que Jésus, s'il était vraiment tout ce que Jean avait annoncé, ne faisait rien pour le tirer de prison. Les disciples de Jean ne purent jamais comprendre pourquoi Jésus n'empêcha pas la mort cruelle de leur chef bien-aimé.

141:1.5 Soirée après soirée, André enseignait avec soin à ses compagnons apôtres la tâche délicate et difficile de bien s'entendre avec les disciples de Jean le Baptiste. Durant cette première année du ministère public de Jésus, plus des trois quarts de ses disciples avaient antérieurement suivi Jean et reçu son baptême. Toute cette année 27 se passa à prendre tranquillement la suite de l'oeuvre de Jean en Pérée et en Judée.

141.2  La Loi de Dieu et la Volonté du Père

141:2.1 Le soir avant leur départ de Pella, Jésus donna aux apôtres quelques enseignements supplémentaires sur le nouveau royaume. Le Maitre dit : « On vous a appris à attendre la venue du royaume de Dieu, et maintenant je viens vous annoncer que ce royaume longtemps attendu est à portée de la main, qu'il est même déjà ici, au milieu de nous. Dans tout royaume, il faut un roi siégeant sur son trône et décrétant les lois du royaume. Vous avez donc conçu le royaume des cieux comme une souveraineté glorifiée du peuple juif sur tous les peuples de la terre, avec le Messie siégeant sur le trône de David et, de ce lieu de pouvoir miraculeux, promulguant les lois du monde entier. Mais, mes enfants, vous ne voyez pas avec l'oeil de la foi et vous n'entendez pas avec l'intelligence de l'esprit. Je déclare que le royaume des cieux est la réalisation et la récognition de la loi de Dieu dans le coeur des hommes. Il est vrai qu'il y a un Roi dans ce royaume ; ce Roi est mon Père et votre Père. Nous sommes en vérité ses sujets loyaux mais, transcendant de loin ce fait, est la vérité transformatrice que nous sommes ses fils. Dans ma vie, cette vérité doit devenir manifeste pour tous. Notre Père siège aussi sur un trône, mais sur un trône que nulle main n'a façonné. Le trône de l'Infini est la résidence éternelle du Père dans les cieux des cieux ; il remplit toutes les choses et proclame ses lois à tous les univers. Et le Père règne aussi dans le coeur de ses enfants terrestres par l'esprit qu'il a envoyé vivre dans l'âme des mortels.

141:2.2 « Quand vous êtes les sujets de ce royaume, il vous faut en vérité entendre la loi du Souverain de l'Univers. Mais, quand, à cause de l'évangile du royaume que je suis venu proclamer, vous découvrez par la foi que vous êtes des fils, vous ne vous considérez plus comme des créatures soumises à la loi d'un roi tout-puissant, mais comme des fils privilégiés d'un Père aimant et divin. En vérité, en vérité, je vous le dis, quand la volonté du Père est votre loi, vous n'êtes guère dans le royaume. Mais, quand la volonté du Père devient vraiment votre volonté, alors vous êtes en toute vérité dans le royaume, parce que le royaume est devenu de ce fait une expérience établie en vous. Quand la volonté de Dieu est votre loi, vous êtes de nobles sujets esclaves ; mais, quand vous croyez à ce nouvel évangile de filiation divine, la volonté de mon Père devient votre volonté, et vous êtes élevés à la haute position de libres enfants de Dieu, de fils affranchis du royaume. »

141:2.3 Certains apôtres saisirent quelque peu cet enseignement, mais aucun d'eux ne comprit la pleine signification de cette prodigieuse déclaration, sauf peut-être Jacques Zébédée. Toutefois, ces paroles pénétrèrent leur coeur et en rejaillirent pour égayer leur ministère pendant leurs années ultérieures de service.

141.3  Le Séjour à Amathus

141:3.1 Le Maitre et ses apôtres restèrent aux environs d'Amathus pendant près de trois semaines. Les apôtres continuèrent à prêcher deux fois par jour devant la foule, et Jésus prêcha tous les après-midi de sabbat. Il devint impossible de poursuivre les récréations du mercredi ; alors, André décida que deux apôtres se reposeraient chacun des six jours de la semaine, par roulement, et que tous seraient de service durant les cérémonies du sabbat.

141:3.2 Pierre, Jacques et Jean firent la plupart des sermons publics. Philippe, Nathanael, Thomas et Simon firent une grande partie du travail personnel et dirigèrent des classes pour des groupes spéciaux d'investigateurs. Les jumeaux continuèrent leur supervision générale de la police, tandis qu'André, Matthieu et Judas s'organisèrent en un comité d'administration générale de trois membres, mais chacun des trois effectuait aussi un travail religieux considérable.

141:3.3 André était fort occupé à régler les malentendus et les désaccords perpétuellement renouvelés entre les disciples de Jean et les plus récents disciples de Jésus. Des crises sérieuses éclataient presque chaque jour, mais André, avec l'aide de ses collègues apostoliques, s'arrangeait pour amener les parties en conflit à conclure un accord quelconque, au moins temporairement. Jésus refusa de participer à aucune de ces conférences ; il ne voulut pas non plus donner le moindre conseil pour le règlement approprié des différends. Pas une seule fois il n'offrit de suggestion sur la manière dont les apôtres devaient résoudre ces difficultés de façon appropriée. Quand André abordait ces questions, Jésus disait toujours : « Il est malavisé pour l'hôte de participer aux querelles de famille de ses invités ; un parent sage ne prend jamais parti dans les mesquines querelles de ses propres enfants. »

141:3.4 Le Maitre déployait une grande sagesse et manifestait une parfaite équité dans tous ses rapports avec ses apôtres, ainsi qu'avec tous ses disciples. Jésus était vraiment un conducteur d'hommes. Il exerçait une grande influence sur ses semblables à cause de la combinaison de charme et de force de sa personnalité. De sa rude vie de nomade sans foyer, il se dégageait une subtile influence de commandement. Il y avait une attirance intellectuelle et un pouvoir d'attraction spirituelle dans sa manière d'enseigner pleine d'autorité, dans sa logique lucide, dans sa force de raisonnement, dans sa clairvoyance sagace, dans la vivacité de son mental, dans son équilibre incomparable et dans sa sublime tolérance. Jésus était simple, viril, honnête et sans peur. Accompagnant toute l'influence physique et intellectuelle manifestée dans la présence du Maitre, il y avait aussi tous les charmes spirituels de l'être désormais attachés à sa personnalité - la patience, la tendresse, la mansuétude, la douceur et l'humilité.

141:3.5 Jésus de Nazareth était vraiment une personnalité vigoureuse et énergique ; il était une puissance intellectuelle et une forteresse spirituelle. Non seulement sa personnalité attirait, parmi ses disciples, des femmes enclines à la spiritualité, mais aussi Nicodème, homme instruit et intellectuel, et le hardi soldat romain, le capitaine de garde auprès de la croix, qui, après avoir assisté aux derniers moments du Maitre, dit : « En vérité, c'était un Fils de Dieu. » Et les robustes et rudes pêcheurs Galiléens l'appelaient Maitre.

141:3.6 Les portraits de Jésus ont été fort malencontreux. Ces tableaux peints du Christ ont exercé une influence nuisible sur la jeunesse. Les marchands du temple n'auraient guère fui devant Jésus s'il avait été un homme tel que vos artistes le dépeignent généralement. Il avait une nature humaine pleine de dignité ; il était bon, mais naturel. Jésus ne posait pas au mystique doux, agréable, gentil et aimable. Son enseignement avait un dynamisme galvanisant. Non seulement la bonté animait ses intentions, mais il parcourait le pays en faisant réellement le bien.

141:3.7 Le Maitre n'a jamais dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes indolents et rêveurs. » Mais il a dit à maintes reprises : « Venez à moi, vous tous qui peinez et je vous donnerai du repos, de la force spirituelle. » En vérité, le joug du Maitre est léger, mais, même ainsi, il ne l'impose jamais ; chaque individu doit prendre ce joug de son propre gré.

141:3.8 Jésus décrivit la conquête par sacrifice, le sacrifice de l'orgueil et de l'égoïsme. En montrant de la miséricorde, il voulait dépeindre la manière spirituelle de se libérer de toutes les rancunes, des griefs, de la colère et de la soif de vengeance et de pouvoir personnel. Lorsqu'il dit : « Ne résistez pas au mal » , il expliqua, plus tard, qu'il n'entendait pas trouver des excuses pour le péché ni conseiller de fraterniser avec l'iniquité. Il avait davantage l'intention d'enseigner à pardonner, à « ne pas résister aux mauvais traitements infligés à votre personnalité, aux mauvaises blessures infligées à vos sentiments de dignité personnelle. »

141.4  Enseignement au Sujet du Père

141:4.1 Durant son séjour à Amathus, Jésus passa beaucoup de temps à enseigner aux apôtres le nouveau concept de Dieu. Maintes et maintes fois, il leur inculqua que Dieu est un Père, et non un grand et suprême comptable, principalement occupé à inscrire, au compte débiteur de ses enfants terrestres égarés, des enregistrements de leurs péchés et de leurs mauvaises actions pour les utiliser ultérieurement contre eux quand il les jugera en tant que juste Juge de toute la création. Les Juifs avaient, depuis longtemps, conçu Dieu comme un souverain universel, et même comme un Père de la nation, mais jamais auparavant un nombre important d'hommes mortels n'avait conçu Dieu en tant que Père aimant de chaque individu.

141:4.2 En réponse à la question de Thomas : « Qui est ce Dieu du royaume ? » Jésus répliqua : « Dieu est ton Père, et la religion - mon évangile - n'est rien de plus ou de moins que de reconnaître, en y croyant, la vérité que tu es son fils. Je suis incarné ici, parmi vous, pour clarifier ces deux idées par ma vie et mes enseignements. »

141:4.3 Jésus chercha aussi à libérer le mental de ses apôtres de l'idée que les sacrifices d'animaux étaient un devoir religieux. Mais ces hommes élevés dans la religion du sacrifice quotidien étaient lents à comprendre ce qu'il voulait dire. Néanmoins le Maitre ne se lassa pas d'enseigner. Quand il ne réussissait pas à atteindre le mental de tous les apôtres par un seul exemple, il reformulait son message en employant un autre type de parabole pour les éclairer.

141:4.4 En même temps, Jésus commença à instruire plus complètement les douze sur leur mission « de consoler les affligés et de soigner les malades » . Le Maitre leur parla longuement de l'homme total - de l'union du corps, du mental et de l'esprit pour former l'individu, homme ou femme. Jésus exposa, à ses associés, les trois formes d'affliction qu'ils allaient rencontrer, et poursuivit en leur expliquant comment ils devraient apporter leur ministère à tous ceux qui endurent les douleurs des maladies humaines. Il leur apprit à reconnaître :

141:4.5 1. Les maux de la chair - les afflictions communément considérées comme les maladies physiques.

141:4.6 2. Les troubles du mental - les afflictions non physiques, ultérieurement considérées comme des difficultés et des dérangements émotionnels et mentaux.

141:4.7 3. La possession par de mauvais esprits.

141:4.8 En plusieurs occasions, Jésus expliqua à ses apôtres la nature de ces mauvais esprits et leur donna quelques indications sur leur origine ; à cette époque, on les appelait souvent esprits impurs. Le Maitre connaissait bien la différence entre la possession par de mauvais esprits et la démence, mais les apôtres l'ignoraient. Vu leur connaissance limitée de l'histoire primitive d'Urantia, Jésus ne pouvait pas non plus entreprendre de leur rendre cette question pleinement compréhensible. Mais il leur dit, à maintes reprises, en faisant allusion à ces mauvais esprits : « Ils ne molesteront plus les hommes quand je serai monté au ciel auprès de mon Père et que j'aurai répandu mon esprit sur toute chair, à l'époque où le royaume viendra en grande puissance et en gloire spirituelle. »

141:4.9 De semaine en semaine et de mois en mois, durant toute cette année, les apôtres tournèrent de plus en plus leur attention à secourir les malades.

141.5  Unité Spirituelle

141:5.1 L'une des conférences du soir les plus mouvementées d'Amathus fut la session où l'on discuta de l'unité spirituelle. Jacques Zébédée avait demandé : « Maitre, comment apprendrons-nous à avoir le même point de vue et à jouir ainsi d'une plus grande harmonie entre nous ? » Lorsque Jésus entendit cette question, son esprit fut tellement ému qu'il répliqua : « Jacques, Jacques, quand t'ai-je enseigné que vous deviez tous avoir le même point de vue ? Je suis venu dans le monde pour proclamer la liberté spirituelle afin que les mortels aient le pouvoir de vivre des vies individuelles originales et libres devant Dieu. Je ne désire pas que l'harmonie sociale et la paix fraternelle soient achetées par le sacrifice de la libre personnalité et de l'originalité spirituelle. Ce que je vous demande, mes apôtres, c'est l'unité spirituelle - dont vous pouvez faire l'expérience dans la joie de l'union de votre consécration à faire, de tout coeur, la volonté de mon Père qui est aux cieux. Vous n'avez pas besoin d'avoir le même point de vue, les mêmes sentiments, ni même des pensées semblables, pour être spirituellement semblables. L'unité spirituelle dérive de la conscience que chacun de vous est habité, et de plus en plus dominé, par le don d'esprit du Père céleste. Votre harmonie apostolique doit naître du fait que l'espoir spirituel de chacun de vous est identique par son origine, sa nature et sa destinée.

141:5.2 « De cette manière, vous pouvez faire l'expérience d'une unité parfaite d'intention d'esprit et de compréhension d'esprit provenant de la conscience mutuelle de l'identité de chacun des esprits du Paradis qui vous habitent ; et vous pouvez jouir de la totalité de cette profonde unité spirituelle même devant la plus extrême diversité de vos attitudes individuelles dans les domaines de la réflexion intellectuelle, des sentiments innés et de la conduite sociale. Vos personnalités peuvent avoir une plaisante diversité et des différences marquées, en même temps que vos natures spirituelles et les fruits spirituels de votre adoration divine et de votre amour fraternel peuvent être si bien unifiés que tous ceux qui observent votre vie prendront certainement acte de cette identité d'esprit et de cette unité d'âme. Ils reconnaîtront que vous avez vécu auprès de moi et que vous avez ainsi appris à faire d'une manière acceptable la volonté du Père qui est aux cieux. Vous pouvez atteindre l'unité dans le service de Dieu, même pendant que vous accomplissez ce service selon la technique de vos propres dons originaux de mental, de corps et d'âme.

141:5.3 « Votre unité spirituelle implique deux facteurs qui s'harmonisent toujours dans la vie individuelle des croyants ; premièrement, vous possédez un motif commun pour une vie de service ; chacun de vous désire par-dessus tout faire la volonté du Père qui est aux cieux. Et, deuxièmement, vous avez tous un but commun d'existence ; vous avez tous le dessein de trouver le Père qui est aux cieux, et de prouver, par là, à l'univers que vous êtes devenus semblables à lui. »

141:5.4 Jésus revint bien des fois sur ce thème durant l'éducation des douze. À maintes reprises, il leur répéta qu'il ne désirait pas voir ceux qui croyaient en lui devenir dogmatiques et uniformisés conformément aux interprétations religieuses, même des gens de bien. Il ne cessa de mettre ses apôtres en garde contre l'élaboration de credo et l'établissement de traditions comme moyen de guider et de contrôler les croyants dans l'évangile du royaume.

141.6  La Dernière Semaine à Amathus

141:6.1 Vers la fin de la dernière semaine à Amathus, Simon Zélotès amena à Jésus un certain Téherma, un Persan qui faisait des affaires à Damas. Ayant entendu parler de Jésus, Téherma était venu à Capharnaüm pour le voir. Apprenant que Jésus était parti avec les apôtres pour Jérusalem en descendant le Jourdain, il partit à sa recherche. André avait présenté Téherma à Simon afin qu'il l'instruise. Simon considérait le Persan comme un « adorateur du feu » , bien que Téherma ait pris grand soin de lui expliquer que le feu n'était que le symbole visible de l'Être Pur et Saint. Après un entretien avec Jésus, le Persan signifia son intention de rester plusieurs jours à écouter l'enseignement et les prédications.

141:6.2 Quand Simon Zélotès et Jésus furent seuls, Simon demanda au Maitre : « Comment se fait-il que je n'aie pas réussi à le persuader ? Pourquoi m'a-t-il tant résisté et t'écoute-t-il si volontiers ? » Jésus répondit : « Simon, Simon, combien de fois t'ai-je recommandé de t'abstenir de tout effort pour retirer quelque chose du coeur de ceux qui cherchent le salut ? Combien souvent je t'ai dit de ne travailler que pour faire pénétrer quelque chose dans ces âmes assoiffées. Conduis les hommes dans le royaume, et ensuite les grandes vérités vivantes du royaume ne tarderont pas à éliminer toute erreur sérieuse. Une fois que tu as annoncé à un mortel la bonne nouvelle que Dieu est son Père, tu peux d'autant plus facilement le persuader qu'il est en réalité un fils de Dieu. Ayant fait cela, tu as apporté la lumière du salut à un être plongé dans les ténèbres. Simon, la première fois que le Fils de l'Homme est venu vers toi, a-t-il condamné Moïse et les prophètes pour proclamer une nouvelle et meilleure manière de vivre ? Non. Je ne suis pas venu pour enlever ce que vous tenez de vos ancêtres, mais pour vous montrer la vision complète de ce que vos pères n'ont vu qu'en partie. Donc, Simon, va enseigner et prêcher le royaume, et, quand tu y auras conduit un homme sain et sauf, alors il sera temps, s'il vient vers toi avec des questions, de lui communiquer un enseignement relatif à l'avancement progressif de l'âme à l'intérieur du royaume divin. »

141:6.3 Simon fut étonné par ces paroles, mais fit ce que Jésus lui avait recommandé, et Téherma le Persan compta au nombre de ceux qui entrèrent dans le royaume.

141:6.4 Ce soir-là, Jésus fit aux apôtres un discours sur la nouvelle vie dans le royaume. Il dit notamment : « Lorsque vous entrez dans le royaume, vous êtes nés à nouveau. Vous ne pouvez enseigner les choses profondes de l'esprit à ceux qui sont seulement nés de la chair. Veillez d'abord à ce que les hommes soient nés de l'esprit avant de chercher à les instruire dans les voies avancées de l'esprit. N'entreprenez pas de leur montrer les beautés du temple avant de les avoir d'abord fait entrer dans le temple. Amenez les hommes à la connaissance de Dieu, et ce, en tant que fils de Dieu, avant de discourir sur les doctrines de la paternité de Dieu et de la filiation des hommes. Ne luttez pas avec les hommes - soyez toujours patients. Il ne s'agit pas de votre royaume, vous n'en êtes que des ambassadeurs. Contentez-vous d'aller proclamer : Voici le royaume des cieux - Dieu est votre Père et vous êtes ses fils, et, si vous croyez de tout coeur à cette bonne nouvelle, elle est votre salut éternel. »

141:6.5 Les apôtres firent de grands progrès durant leur séjour à Amathus, mais ils furent très déçus que Jésus n'ait voulu leur faire aucune suggestion au sujet des rapports avec les disciples de Jean. Même sur l'importante question du baptême, Jésus se borna à dire : « En vérité, Jean a baptisé d'eau, mais, quand vous entrerez dans le royaume des cieux, vous serez baptisés d'esprit. »

141.7  À Béthanie au Delà du Jourdain

141:7.1 Le 26 février, Jésus, ses apôtres et un groupe nombreux de disciples suivirent le Jourdain en descendant jusqu'au gué proche de Béthanie en Pérée, à l'endroit où Jean avait fait sa première proclamation du royaume à venir. Jésus resta là quatre semaines avec ses apôtres avant de repartir pour monter à Jérusalem.

141:7.2 Durant la seconde semaine du séjour à Béthanie au delà du Jourdain, Jésus emmena Pierre, Jacques et Jean se reposer trois jours dans les collines situées de l'autre côté du fleuve, au sud de Jéricho. Le Maitre enseigna à ces trois hommes de nombreuses vérités nouvelles et d'un niveau plus élevé sur le royaume des cieux. Nous les avons remises en ordre et classées de la manière suivante pour la clarté de notre exposé :

141:7.3 Jésus s'efforça d'expliquer qu'il désirait que ses disciples, ayant gouté des bonnes réalités d'esprit du royaume, vivent dans le monde de telle sorte que les hommes, en voyant leur vie, deviennent conscients du royaume et soient ainsi amenés à s'enquérir auprès des croyants sur les voies du royaume. De tels sincères chercheurs de vérité sont toujours heureux d'entendre les bonnes nouvelles annonçant le don de foi, qui assure l'admission dans le royaume avec ses réalités spirituelles éternelles et divines.

141:7.4 Le Maitre cherchait à inculquer à tous ceux qui enseignaient l'évangile du royaume que leur seule affaire consistait à révéler individuellement à l'homme que Dieu est son Père - à amener cet homme à devenir personnellement conscient de sa filiation ; ensuite de présenter cet homme à Dieu comme son fils par la foi. Ces deux révélations essentielles étaient accomplies en Jésus. Il devint réellement « le chemin, la vérité et la vie » . La religion de Jésus était entièrement fondée sur la manière de vivre sa vie d'effusion sur terre. Lorsque Jésus quitta ce monde, il ne laissa derrière lui ni livres, ni lois, ni autres formes d'organisation humaine affectant la vie religieuse des individus.

141:7.5 Jésus expliqua clairement qu'il était venu pour établir avec les hommes des relations personnelles et éternelles qui auraient définitivement préséance sur toutes les autres relations humaines. Il fit ressortir que cette communion spirituelle intime devait être étendue à tous les hommes de tous les âges et de toutes les conditions sociales chez tous les peuples. La seule récompense qu'il faisait miroiter à ses enfants était : dans ce monde, la joie spirituelle et la communion divine - et, dans l'autre monde, la vie éternelle avec l'assimilation progressive des réalités d'esprit divines du Père du Paradis.

141:7.6 Jésus insista beaucoup sur ce qu'il appelait les deux vérités de première importance dans les enseignements du royaume, à savoir : l'obtention du salut par la foi et la foi seule, associée à l'enseignement révolutionnaire de l'obtention de la liberté humaine par la récognition de la vérité. « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. » Jésus était la vérité manifestée dans la chair, et il promit d'envoyer son Esprit de Vérité dans le coeur de tous ses enfants après son retour auprès du Père qui est aux cieux.

141:7.7 Le Maitre enseignait aux apôtres les éléments essentiels de la vérité pour tout un âge terrestre. Souvent, ils écoutaient ses enseignements alors qu'en réalité ce qu'il disait était destiné à inspirer et à édifier d'autres mondes. Il donna l'exemple d'un plan de vie nouveau et original. Du point de vue humain, il était véritablement un Juif, mais il vécut sa vie comme un mortel du royaume pour l'édification du monde entier.

141:7.8 Pour être sûr que son Père serait reconnu au cours du développement du plan du royaume, Jésus expliqua qu'il avait volontairement ignoré « les grands de la terre » . Il commença son travail avec les pauvres, la classe même qui avait été si négligée par la plupart des religions évolutionnaires des époques précédentes. Il ne méprisait personne ; son plan était à l'échelle de la planète, et même de l'univers. Jésus montrait tant d'audace et d'énergie dans ces déclarations que même Pierre, Jacques et Jean furent tentés de croire qu'il n'avait plus tout son bon sens.

141:7.9 Il chercha doucement à faire comprendre à ses apôtres qu'il accomplissait cette mission d'effusion non pour donner un exemple à quelques créatures de la terre, mais pour établir et démontrer un critère de vie humaine pouvant servir à tous les peuples de tous les mondes de tout son univers. Ce modèle de vie approchait de la plus haute perfection, et même de la bonté suprême du Père Universel, mais les apôtres ne pouvaient saisir la signification de ses paroles.

141:7.10 Il annonça qu'il était venu opérer comme instructeur, un instructeur envoyé du ciel pour présenter la vérité spirituelle au mental matériel. Or, c'est exactement ce qu'il fit ; il était un instructeur et non un prédicateur. Du point de vue humain, Pierre était un prédicateur beaucoup plus efficace que Jésus. Si la prédication de Jésus était si efficace, c'est qu'elle était due à sa personnalité extraordinaire bien plus qu'à un irrésistible attrait oratoire ou émotionnel. Jésus parlait directement à l'âme des hommes. Il instruisait l'esprit par l'intermédiaire du mental. Il vivait avec les hommes.

141:7.11 Ce fut à cette occasion que Jésus signifia à Pierre, Jacques et Jean que son oeuvre sur terre devait, sous certains rapports, être limitée conformément au mandat reçu de son « associé céleste » . Il faisait allusion aux instructions données avant son effusion par son frère paradisiaque Emmanuel. Il leur dit qu'il était venu faire la volonté de son Père et uniquement la volonté de son Père. En raison de ce dessein unique qui était son mobile sincère, il ne se tourmentait pas de l'emprise du mal dans le monde.

141:7.12 Les apôtres commençaient à reconnaître l'amitié spontanée de Jésus. Bien que le Maitre fut d'un abord facile, il vivait toujours indépendamment de tous les êtres humains et au-dessus d'eux. Jamais il ne fut dominé, même un instant, par une influence purement terrestre, ni sujet à la fragilité du jugement humain. Il ne prêtait aucune attention à l'opinion publique et il ne se laissait pas influencer par les louanges. Il s'interrompait rarement pour corriger des malentendus ou pour s'offenser d'une présentation erronée des faits. Il ne demanda jamais conseil à personne ; il ne réclama jamais de prières.

141:7.13 Jacques s'étonnait de la manière dont Jésus semblait voir la fin dès le commencement. Le Maitre paraissait rarement surpris. Il n'était jamais agité, vexé ou déconcerté. Il ne présenta jamais d'excuses à personne. Il était parfois attristé, mais jamais découragé.

141:7.14 Jean comprit plus clairement que, malgré tous ses dons divins, Jésus était après tout un homme. Il vivait en homme parmi les hommes, il les comprenait, les aimait et savait les diriger. Dans sa vie personnelle, il était si humain et pourtant si irréprochable. Et il était toujours désintéressé.

141:7.15 Bien que Pierre, Jacques et Jean n'aient pu comprendre grand-chose à ce que Jésus leur dit en cette occasion, ses paroles bienveillantes se gravèrent dans leur coeur. Et, après la crucifixion et la résurrection, elles resurgirent pour enrichir et réjouir considérablement leur ministère ultérieur. Il n'y a rien d'étonnant à ce que ces apôtres n'aient pas pleinement compris les explications du Maitre, car il projetait devant eux le plan d'un nouvel âge.

141.8  Travail à Jéricho

141:8.1 Durant leurs quatre semaines de séjour à Béthanie au delà du Jourdain, André envoya, plusieurs fois par semaine, deux apôtres ensemble à Jéricho pour un jour ou deux. Jean le Baptiste avait de nombreux fidèles à Jéricho, et la majorité d'entre eux accueillait volontiers les enseignements supérieurs de Jésus et de ses apôtres. Lors de ces visites à Jéricho, les apôtres commencèrent à exécuter plus strictement les instructions de Jésus concernant les soins aux malades ; ils entrèrent dans chacune des maisons de la ville et cherchèrent à consoler tous les affligés.

141:8.2 Les apôtres exercèrent quelque peu leur apostolat en public à Jéricho, mais ils opérèrent surtout en privé d'une manière plus discrète. Ils firent alors la découverte que l'évangile du royaume apportait beaucoup de réconfort aux malades et que leur message amenait la guérison des affligés. Ce fut à Jéricho que les douze mirent pleinement en pratique, pour la première fois, la recommandation de Jésus de prêcher la bonne nouvelle du royaume et de soigner les affligés.

141:8.3 Ils s'arrêtèrent à Jéricho sur le chemin allant à Jérusalem et y furent rattrapés par une délégation de Mésopotamiens, qui étaient venus conférer avec Jésus. Les apôtres avaient projeté de passer seulement un jour à Jéricho, mais, lorsque ces Orientaux à la recherche de la vérité arrivèrent, Jésus passa trois jours avec eux. Ils retournèrent à leurs diverses demeures de la vallée de l'Euphrate, heureux de connaître les nouvelles vérités du royaume des cieux.

141.9  Départ pour Jérusalem

141:9.1 Le dernier jour de mars, un lundi, Jésus et les douze entreprirent de gravir les collines pour se rendre à Jérusalem. Lazare de Béthanie était descendu deux fois au Jourdain pour voir Jésus, et toutes les dispositions avaient été prises pour que le Maitre et ses apôtres installent leur quartier général à Béthanie, chez Lazare et ses soeurs, aussi longtemps qu'ils désireraient séjourner à Jérusalem.

141:9.2 Les disciples de Jean restèrent à Béthanie au delà du Jourdain, enseignant et baptisant les foules, de sorte que Jésus était accompagné seulement par les douze lorsqu'il arriva chez Lazare. Jésus et les apôtres s'attardèrent là, durant cinq jours, à se reposer et à se délasser avant d'aller à Jérusalem pour la Pâque. Ce fut un grand évènement dans la vie de Marthe et de Marie que de recevoir le Maitre et ses apôtres dans la maison de leur frère, où elles étaient en mesure de pourvoir à leurs besoins.

141:9.3 Le dimanche matin 6 avril, Jésus et les apôtres descendirent à Jérusalem. C'était la première fois que le Maitre et les douze s'y trouvaient tous ensemble.

142. La Pâque à Jérusalem

142:0.1 DURANT le mois d'avril, Jésus et les apôtres travaillèrent à Jérusalem, sortant de la ville tous les soirs pour passer la nuit à Béthanie. Jésus passait une ou deux nuits par semaine à Jérusalem, chez Flavius, un Juif grec, chez qui beaucoup de Juifs éminents venaient le consulter en secret.

142:0.2 Au cours de sa première journée à Jérusalem, Jésus rendit visite à l'ancien grand-prêtre Annas, son ami d'autrefois, un parent de Salomé, femme de Zébédée. Annas avait entendu parler de Jésus et de ses enseignements, et, lorsque Jésus se présenta chez le grand-prêtre, il fut reçu avec beaucoup de réserve. Quand Jésus perçut la froideur d'Annas, il prit immédiatement congé et lui dit en partant : « C'est principalement la peur qui rend l'homme esclave et l'orgueil qui est sa grande faiblesse. Te livreras-tu toi-même pour être l'esclave de ces deux destructeurs de la joie et de la liberté ? » Mais Annas ne répondit rien, et le Maitre ne le revit plus jusqu'au moment où Annas siégea avec son gendre pour juger le Fils de l'Homme.

142.1  Enseignement dans le Temple

142:1.1 Durant tout ce mois, Jésus ou l'un de ses apôtres enseignèrent quotidiennement dans le temple. Quand les foules de la Pâque étaient trop nombreuses pour avoir accès à l'enseignement du temple, les apôtres organisaient de nombreux groupes éducatifs en dehors de l'enceinte sacrée. Voici l'essentiel de leur message :

142:1.2 1. Le royaume des cieux est à portée de la main.

142:1.3 2. En ayant foi dans la paternité de Dieu, vous pouvez entrer dans le royaume des cieux et devenir ainsi les fils de Dieu.

142:1.4 3. L'amour est la règle de vie dans le royaume - être suprêmement dévoué à Dieu, tout en aimant son prochain comme soi-même.

142:1.5 4. L'obéissance à la volonté du Père produisant les fruits de l'esprit dans votre vie personnelle ; voilà la loi du royaume.

142:1.6 Les multitudes qui venaient célébrer la Pâque entendaient cet enseignement de Jésus, et des centaines d'auditeurs se réjouissaient de la bonne nouvelle. Les chefs civils et religieux des Juifs commencèrent à se préoccuper sérieusement de l'activité de Jésus et de ses apôtres ; ils examinèrent entre eux la conduite à tenir à leur égard.

142:1.7 En plus de leur enseignement dans le temple et au-dehors, les apôtres et autres croyants faisaient beaucoup de travail personnel parmi les foules de la Pâque. Ces hommes et ces femmes, touchés par le message de Jésus répandirent la nouvelle de son message à l'occasion de cette célébration pascale, jusqu'aux frontières les plus lointaines de l'empire romain, et aussi en Orient. Ce fut le commencement de la diffusion de l'évangile dans le monde extérieur. L'oeuvre de Jésus n'allait plus être limitée à la Palestine.

142.2  La Colère de Dieu

142:2.1 Il y avait à Jérusalem, assistant aux festivités de la Pâque, un riche négociant juif de Crète, nommé Jacob, qui aborda André et lui demanda de voir Jésus en privé. André arrangea cette rencontre secrète chez Flavius pour le lendemain soir. Ce Jacob ne pouvait comprendre les enseignements du Maitre et venait par désir de se renseigner plus complètement sur le royaume de Dieu. Il dit à Jésus : « Rabbi, Moïse et les anciens prophètes nous disent que Yahweh est un Dieu jaloux, un Dieu aux grandes colères et aux emportements impétueux. Les prophètes disent qu'il hait ceux qui font le mal et se venge de ceux qui n'obéissent pas à sa loi. Toi et tes disciples, vous nous enseignez, au contraire, que Dieu est un Père compatissant et bon, qui aime tellement les hommes qu'il voudrait les accueillir tous dans ce nouveau royaume des cieux, que tu proclames si proche. »

142:2.2 Lorsque Jacob eut fini de parler, Jésus répondit : « Jacob, tu as bien exposé les enseignements des prophètes de jadis, qui instruisirent les enfants de leur génération conformément aux lumières de leur temps. Notre Père au Paradis est invariant, mais le concept de sa nature s'est élargi et accru depuis l'époque de Moïse jusqu'à l'époque d'Amos, et même jusqu'à la génération du prophète Isaïe. Maintenant, je me suis incarné pour révéler le Père dans une nouvelle gloire et manifester son amour et sa miséricorde à tous les hommes sur tous les mondes. À mesure que l'évangile de ce royaume se répandra sur terre avec son message de courage et de bonne volonté à tous les hommes, il s'établira des relations meilleures chez les familles de toutes les nations. Le temps passant, les pères et les enfants s'aimeront davantage les uns les autres, ce qui amènera une meilleure compréhension de l'amour du Père qui est aux cieux pour ses enfants terrestres. Rappelle-toi, Jacob, qu'un père sincère et bon non seulement aime sa famille collectivement - en tant que famille - mais aussi qu'il en aime vraiment individuellement chaque membre et prend de lui un soin affectueux. »

142:2.3 Après une discussion prolongée sur le caractère du Père qui est aux cieux, Jésus s'arrêta pour dire : « Toi, Jacob, qui es père d'une famille nombreuse, tu connais bien la vérité de mes paroles. » Et Jacob dit : « Mais, Maitre, qui t'a dit que j'étais le père de six enfants ? Comment as-tu su cela à mon sujet ? » Et le Maitre répliqua : « Il suffit de dire que le Père et le Fils connaissent toutes choses, car en vérité ils voient tout. Aimant les enfants comme un père terrestre, il faut maintenant que tu acceptes comme une réalité l'amour du Père céleste pour toi - non pas simplement pour tous les enfants d'Abraham, mais pour toi, pour ton âme individuelle.

142:2.4 Jésus poursuivit : « Quand tes enfants sont très jeunes, qu'ils manquent de maturité et que tu dois les punir, ils peuvent penser que leur père est courroucé, plein de colère rancunière. Leur immaturité ne leur permet pas de pénétrer au delà de la punition pour discerner l'affection prévoyante et corrective du père. Mais, quand ces mêmes enfants deviennent des hommes et des femmes adultes, ne serait-il pas insensé de leur part de s'attacher à ces anciennes et fausses conceptions au sujet de leur père ? En tant qu'hommes et femmes, ils devraient maintenant discerner l'amour de leur père dans toutes ces mesures disciplinaires de leur enfance. À mesure que les siècles s'écoulent, l'humanité ne devrait-elle pas arriver à mieux comprendre la vraie nature et le caractère aimant du Père qui est aux cieux ? Quel profit tires-tu de l'illumination spirituelle des générations successives si tu persistes à envisager Dieu comme Moïse et les prophètes ? Je te dis, Jacob, qu'à la brillante lumière de cette heure, tu devrais voir le Père comme aucun de tes prédécesseurs ne l'a jamais perçu. En le voyant ainsi, tu devrais te réjouir d'entrer dans le royaume où règne un Père aussi miséricordieux, et tu devrais veiller à ce que sa volonté d'amour domine désormais ta vie. »

142:2.5 Et Jacob répondit : « Rabbi, je crois ; je désire que tu me conduises dans le royaume du Père. »

142.3  Le Concept de Dieu

142:3.1 Ce soir-là, les douze apôtres, dont la plupart avaient écouté cette analyse du caractère de Dieu, posèrent à Jésus de nombreuses questions sur le Père qui est aux cieux. La meilleure manière de présenter les réponses du Maitre à ces questions consiste à les résumer en terminologie moderne.

142:3.2 Jésus réprimanda doucement les douze en leur disant en substance : « Ne connaissez-vous pas les traditions d'Israël se rapportant à la croissance de l'idée de Yahweh, et ignorez-vous l'enseignement des Écritures concernant la doctrine de Dieu ? » Puis le Maitre se mit à instruire les apôtres sur l'évolution du concept de la Déité tout au long du développement du peuple juif. Il attira leur attention sur les phases suivantes de la croissance de l'idée de Dieu.

142:3.3 1. Yahweh - le dieu des clans du Sinaï. C'était le concept primitif de la Déité que Moïse éleva au niveau supérieur de Seigneur Dieu d'Israël. Le Père qui est aux cieux ne manque jamais d'accepter l'adoration sincère de ses enfants terrestres, si rudimentaire que soit leur concept de la Déité ou le nom par lequel ils symbolisent sa divine nature.

142:3.4 2. Le Très Haut. Ce concept du Père qui est aux cieux fut proclamé à Salem par Melchizédek à Abraham, et transmis au loin par ceux qui crurent ultérieurement à cette idée agrandie et élargie de la Déité. Abraham et son frère avaient quitté Ur parce que l'adoration du soleil y avait été instaurée. Ils crurent à El Élyon - le Dieu Très Haut - enseigné par Melchizédek. Ils avaient une conception mixte de Dieu, consistant en un mélange de leurs anciennes idées mésopotamiennes et de la doctrine du Très Haut.

142:3.5 3. El Shaddaï. À cette époque reculée, beaucoup d'Hébreux adoraient El Shaddaï, le concept égyptien du Dieu du ciel, concept qu'ils avaient appris à connaître durant leur captivité dans le territoire du Nil. Longtemps après l'époque de Melchizédek, ces trois conceptions de Dieu se fondirent en une seule et formèrent la doctrine de la Déité créatrice, le Seigneur Dieu d'Israël.

142:3.6 4. Élohim. Depuis l'époque d'Adam, l'enseignement de la Trinité du Paradis a subsisté. Rappelez-vous que les Écritures commencent par affirmer que « Au commencement, les Dieux créèrent les cieux et la terre. » Cela dénote qu'au moment où ce passage fut rédigé, le concept trinitaire de trois Dieux en un avait trouvé place dans le religion de nos ancêtres.

142:3.7 5. Le Suprême Yahweh. À l'époque d'Isaïe, ces croyances au sujet de Dieu s'étaient élargies en un concept du Créateur Universel à la fois tout-puissant et infiniment miséricordieux. Ce concept évoluant et grandissant de Dieu supplanta pratiquement toutes les idées antérieures sur la Déité dans la religion de nos pères.

142:3.8 6. Le Père qui est aux cieux. Maintenant, nous connaissons Dieu comme notre Père qui est aux cieux. Notre enseignement fournit une religion où le croyant est un fils de Dieu. Telle est la bonne nouvelle de l'évangile du royaume des cieux. Le Fils et l'Esprit coexistent avec le Père, et la révélation de la nature et du ministère de ces Déités du Paradis continuera à s'élargir et à s'éclaircir au cours des âges sans fin de la progression spirituelle éternelle des fils ascendants de Dieu. En tous temps et au long des âges, l'adoration sincère de tout être humain - quant au progrès spirituel individuel - est reconnue par l'esprit intérieur comme un hommage rendu au Père qui est aux cieux.

142:3.9 Jamais auparavant les apôtres n'avaient été aussi choqués qu'en entendant raconter cette croissance du concept de Dieu dans la pensée juive des générations antérieures ; ils étaient trop désemparés pour poser des questions. Tandis qu'ils restaient assis en silence devant Jésus, le Maitre poursuivit : « Vous auriez connu ces vérités si vous aviez lu les Écritures. N'avez-vous pas lu le passage de Samuel disant : `Et la colère du Seigneur s'embrasa contre les Israélites, au point qu'il excita David contre eux en disant : Va dénombrer Israël et Juda ?' Ce n'était pas étonnant, car, à l'époque de Samuel, les enfants d'Abraham croyaient réellement que Yahweh créait à la fois le bien et le mal. Mais, lorsqu'un écrivain ultérieur narra ces évènements après l'agrandissement du concept juif de la nature de Dieu, il n'osa pas attribuer le mal à Yahweh, et c'est pourquoi il dit : `Et Satan s'éleva contre Israël et incita David à dénombrer les Israélites.' Ne pouvez-vous discerner que ces passages des Écritures montrent clairement comment le concept de la nature de Dieu continua à grandir de génération en génération ?

142:3.10 « Vous devriez aussi avoir discerné la croissance de la compréhension de la loi divine en parfaite harmonie avec ces conceptions grandissantes de la divinité. Quand les enfants d'Israël sortirent d'Égypte, à une date antérieure à la révélation élargie de Yahweh, ils avaient reçu dix commandements qui leur servirent de loi jusqu'à l'époque où ils campèrent devant le Sinaï, et voici ces dix commandements :

142:3.11 « 1. Vous n'adorerez aucun autre dieu, car le Seigneur est un Dieu jaloux.

142:3.12 « 2. Vous ne fondrez pas de statues des dieux.

142:3.13 « 3. Vous ne négligerez pas d'observer la fête des pains sans levain.

142:3.14 « 4. Tous les mâles premiers-nés des hommes et du bétail sont à moi, dit le Seigneur.

142:3.15 « 5. Vous pouvez travailler six jours, mais, le septième jour, vous vous reposerez.

142:3.16 « 6. Vous ne manquerez pas d'observer la fête des premiers fruits et la fête des moissons à la fin de l'année.

142:3.17 « 7. Vous n'offrirez le sang d'aucun sacrifice avec du pain levé.

142:3.18 « 8. Le sacrifice de la fête de la Pâque ne sera pas laissé sur place jusqu'au matin.

142:3.19 « 9. Vous apporterez, à la maison du Seigneur votre Dieu, les premiers des premiers fruits de la terre.

142:3.20 « 10. Vous ne ferez pas bouillir un chevreau dans le lait de sa mère.

142:3.21 « Ensuite, au milieu des tonnerres et des éclairs du Sinaï, Moïse leur donna les dix nouveaux commandements, et vous serez tous d'accord qu'ils sont des expressions plus dignes d'accompagner l'élargissement des concepts de la Déité de Yahweh. N'avez-vous jamais remarqué le double enregistrement de ces commandements dans les Écritures ? La première fois, la délivrance du joug égyptien est donnée comme raison pour observer le sabbat, mais, dans une rédaction ultérieure, les croyances religieuses évoluantes de nos ancêtres exigèrent que ce texte soit changé pour reconnaître le fait de la création comme motif d'observer le sabbat.

142:3.22 « Ensuite, vous vous souviendrez qu'une fois de plus, aux temps d'Isaïe - temps de plus grande illumination spirituelle - ces dix commandements négatifs furent changés en la grande loi positive d'amour, l'injonction d'aimer Dieu suprêmement et d'aimer votre prochain comme vous-même. Moi aussi, je proclame que c'est cette loi suprême d'amour pour Dieu et pour les hommes qui constitue tout le devoir des hommes. »

142:3.23 Quand le Maitre eut fini de parler, aucun des apôtres ne lui posa de questions. Ils allèrent chacun se reposer pour la nuit.

142.4  Flavius et la Culture Grecque

142:4.1 Flavius, le Juif grec, était un prosélyte n'ayant pas accès au temple, car il n'avait été ni circoncis ni baptisé. Comme il appréciait beaucoup la beauté dans l'art et la sculpture, la maison qu'il occupait durant ses séjours à Jérusalem était un bâtiment magnifique. Elle était délicieusement ornée de trésors sans prix qu'il avait acquis çà et là, au cours de ses voyages dans le monde. Quand il eut, pour la première fois, l'idée d'inviter Jésus, il craignit que le Maitre ne s'offensât de voir ces « images » . Mais, lorsque Jésus entra chez lui, Flavius fut également surpris de voir qu'au lieu de le réprimander pour avoir ces objets soi-disant idolâtres un peu partout dans la maison, le Maitre manifestait un grand intérêt pour toute la collection. Jésus montra son appréciation en posant maintes questions sur chaque objet, tandis que Flavius l'accompagnait de pièce en pièce en lui montrant ses statues favorites.

142:4.2 Le Maitre vit que son hôte était désorienté par son attitude favorable à l'égard des arts ; en conséquence, quand ils eurent fini d'inspecter toute la collection, Jésus lui dit : « Parce que tu apprécies la beauté des choses créées par mon Père et façonnées par des mains d'artistes humains, pourquoi t'attendrais-tu à recevoir des reproches ? Parce que Moïse a jadis cherché à combattre l'idolâtrie et l'adoration des faux dieux, pourquoi tous les hommes devraient-ils réprouver la reproduction de la grâce et de la beauté ? Je te dis, Flavius, que les enfants de Moïse l'ont mal compris, et maintenant ils transforment en faux dieux sa prohibition même des statues et des images des choses célestes et terrestres. Mais, même si Moïse a enseigné ces restrictions au mental enténébré de jadis, en quoi cela concerne-t-il notre temps où le Père qui est aux cieux est révélé en tant que Souverain Spirituel universel au-dessus de tout ? Flavius, je te déclare que, dans le royaume à venir, on n'enseignera plus `n'adorez pas ceci et n'adorez pas cela' ; on ne s'occupera plus de commandements pour s'abstenir de ceci et pour prendre garde d'éviter cela, mais tout le monde s'occupera plutôt d'un seul devoir suprême. Ce devoir des hommes s'exprime en deux grands privilèges ; l'adoration sincère du Créateur infini, le Père Paradisiaque, et le service aimant rendu à nos semblables. Si tu aimes ton prochain comme toi-même, tu sais réellement que tu es un fils de Dieu.

142:4.3 « À une époque où mon Père n'était pas bien compris, Moïse avait raison d'essayer de résister à l'idolâtrie, mais, dans l'âge à venir, le Père aura été révélé dans la vie du Fils, et cette nouvelle révélation de Dieu rendra définitivement vain de confondre le Père Créateur avec des idoles de pierre ou des statues d'or et d'argent. Désormais, les hommes intelligents peuvent jouir des trésors de l'art sans confondre cette appréciation matérielle de la beauté avec l'adoration et le service du Père du Paradis, le Dieu de toutes les choses et de tous les êtres. »

142:4.4 Flavius crut tout ce que Jésus lui enseigna. Le lendemain, il alla à Béthanie au delà du Jourdain se faire baptiser par les disciples de Jean. Il le fit parce que les apôtres de Jésus ne baptisaient pas encore les croyants. Lors de son retour à Jérusalem, Flavius donna un grand festin pour Jésus et invita soixante de ses amis. Et, parmi ces invités, beaucoup se mirent aussi à croire au message du royaume à venir.

142.5  Le Discours sur l'Assurance

142:5.1 L'un des grands sermons que Jésus prêcha dans le temple, durant cette semaine de la Pâque, fut une réponse à une question posée par un de ses auditeurs, un habitant de Damas. Cet homme demanda à Jésus : « Rabbi, comment saurons-nous avec certitude que tu es envoyé par Dieu et que nous pouvons vraiment entrer dans ce royaume dont toi et tes disciples vous proclamez qu'il est à portée de la main ? » Et Jésus répondit :

142:5.2 « Quant à mon message et à l'enseignement de mes disciples, vous devriez les juger à leurs fruits. Si nous vous proclamons les vérités de l'esprit, l'esprit témoignera dans votre coeur que notre message est authentique. Quant au royaume et à votre assurance d'être acceptés par le Père qui est aux cieux, je vous demande s'il y aurait parmi vous un père, digne de ce nom et ayant du coeur, qui laisserait son fils dans l'anxiété ou dans le doute au sujet de son statut dans sa famille ou de sa sécurité dans l'affection de son père ? Vous autres pères terrestres, prenez-vous plaisir à torturer vos enfants en les laissant dans le doute sur la permanence de l'amour que vous leur portez dans votre coeur humain ? Votre Père qui est aux cieux ne laisse pas non plus ses enfants, nés d'esprit par la foi, dans l'incertitude sur leur position dans le royaume. Si vous recevez Dieu en tant que Père, alors, en vérité, vous êtes vraiment les fils de Dieu. Et, si vous êtes ses fils, alors vous êtes en sécurité dans la position et la situation de tout ce qui concerne la filiation divine et éternelle. Si vous croyez à mes paroles, vous croyez par là même à Celui qui m'a envoyé et, en croyant ainsi au Père, vous avez rendu certain votre statut dans la citoyenneté céleste. Si vous faites la volonté du Père qui est aux cieux, vous ne manquerez jamais de parvenir à la vie éternelle de progrès dans le royaume divin.

142:5.3 « L'Esprit Suprême témoignera avec votre esprit que vous êtes vraiment les enfants de Dieu. Si vous êtes les fils de Dieu, alors vous êtes nés de l'esprit de Dieu, et quiconque est né de l'esprit a en lui-même le pouvoir de vaincre tous les doutes ; c'est cela la victoire qui triomphe de toute incertitude, c'est votre foi elle-même.

142:5.4 « Le prophète Isaïe a dit, en parlant de cette époque : `Quand l'esprit sera répandu d'en haut sur nous, alors l'oeuvre de droiture deviendra la paix, la tranquillité et l'assurance pour toujours.' Pour tous ceux qui croient sincèrement à cet évangile, je deviendrai une garantie de leur admission dans la miséricorde éternelle et la vie perpétuelle du royaume de mon Père. Vous donc, qui entendez ce message et croyez à cet évangile du royaume, vous êtes les fils de Dieu et vous avez la vie éternelle. La preuve pour le monde entier que vous êtes nés d'esprit est que vous vous aimez sincèrement les uns les autres. »

142:5.5 La foule des visiteurs resta de longues heures avec Jésus, lui posant des questions et écoutant attentivement ses réponses encourageantes. L'enseignement de Jésus enhardit même les apôtres à prêcher l'évangile du royaume avec plus de force et d'assurance. Cette expérience à Jérusalem fut une grande inspiration pour les douze. C'était leur premier contact avec des foules aussi nombreuses, et ils apprirent bien des leçons profitables qui leur furent fort utiles pour leur travail ultérieur.

142.6  L'Entretien avec Nicodème

142:6.1 Un soir, chez Flavius, un certain Nicodème vint voir Jésus ; il était un membre riche et assez âgé du sanhédrin juif. Il avait beaucoup entendu parler des enseignements du Galiléen, si bien qu'il alla, un jour, l'écouter pendant qu'il enseignait dans la cour du temple. Il aurait voulu aller souvent écouter les leçons de Jésus, mais il craignait d'être vu parmi les auditeurs assistant à son enseignement. En effet, les dirigeants des Juifs étaient déjà tellement en désaccord avec Jésus que nul membre du sanhédrin n'aurait accepté d'être identifié ouvertement d'une manière quelconque avec lui. En conséquence, Nicodème avait pris des dispositions avec André pour voir Jésus en privé et, précisément ce soir-là, après la tombée de la nuit. Pierre, Jacques et Jean se trouvaient dans le jardin de Flavius lorsque l'entretien commença, mais plus tard ils entrèrent tous dans la maison, où le discours se poursuivit.

142:6.2 En recevant Nicodème, Jésus ne fit pas montre d'une déférence spéciale. En parlant avec lui, il ne fit ni compromis ni tentative indue de persuasion. Le Maitre n'essaya pas de repousser son interlocuteur recherchant le secret, et ne fut pas sarcastique. Dans tous ses rapports avec le distingué visiteur, Jésus fut calme, grave et digne. Nicodème n'était pas délégué officiellement par le sanhédrin ; il venait voir Jésus essentiellement à cause du sincère intérêt qu'il portait personnellement à l'enseignement du Maitre.

142:6.3 Après avoir été présenté par Flavius, Nicodème dit : « Rabbi, nous savons que tu es un instructeur envoyé par Dieu, car nul homme ne pourrait enseigner de la sorte si Dieu n'était pas avec lui. Je désirerais en savoir plus long sur tes enseignements au sujet du royaume à venir. »

142:6.4 Jésus répondit à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te dis, Nicodème, qu'à moins d'être né d'en haut, un homme ne peut voir le royaume de Dieu. » Alors Nicodème répondit : « Mais comment un homme peut-il naître de nouveau quand il est vieux ? Il ne peut entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour renaître. »

142:6.5 Jésus dit : « Néanmoins, je te déclare qu'à moins de naître de l'esprit, un homme ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit. Ne t'étonne pas que j'aie dit qu'il fallait naître d'en haut. Quand le vent souffle, tu entends le bruissement des feuilles, mais tu ne vois pas le vent - ni d'où il vient ni où il va - et il en est ainsi pour quiconque est né de l'esprit. Avec les yeux de la chair, on peut apercevoir les manifestations de l'esprit, mais on ne peut effectivement discerner l'esprit. »

142:6.6 Nicodème répondit : « Mais je ne comprends pas - comment cela peut-il être ? » Jésus dit : « Est-il possible que tu sois un éducateur d'Israël et que tu ignores tout cela ? Ceux qui connaissent les réalités de l'esprit ont donc le devoir de révéler ces choses à ceux qui discernent seulement les manifestations du monde matériel. Nous croiras-tu si nous te parlons des vérités célestes ? As-tu le courage, Nicodème, de croire en quelqu'un qui est descendu du ciel, au Fils de l'Homme lui-même ? »

142:6.7 Nicodème dit alors : « Mais comment puis-je commencer à saisir cet esprit qui doit me recréer en me préparant à entrer dans le royaume ? » Jésus répondit : « L'esprit du Père qui est aux cieux demeure déjà en toi. Si tu veux te laisser conduire par cet esprit d'en haut, tu commenceras très bientôt à voir avec les yeux de l'esprit ; ensuite, si tu choisis de tout coeur la gouverne de l'esprit, tu naîtras d'esprit, car le dessein unique de ta vie sera de faire la volonté de ton Père qui est aux cieux. En te trouvant ainsi né de l'esprit et heureux dans le royaume de Dieu, tu commenceras à produire, dans la vie quotidienne, les abondants fruits de l'esprit. »

142:6.8 Nicodème était entièrement sincère. Il fut profondément impressionné, mais repartit désorienté. Il était un homme accompli quant au développement de soi, à la maitrise de soi, et même quant aux hautes qualités morales. Il était raffiné, égocentrique et altruiste, mais il ne savait pas comment soumettre sa volonté à celle du divin Père, comme un petit enfant accepte de se soumettre aux directives d'un père terrestre sage et aimant, et devenir ainsi en réalité un fils de Dieu, un héritier progressif du royaume éternel.

142:6.9 Mais Nicodème rassembla assez de foi pour prendre possession du royaume. Il protesta timidement lorsque ses collègues du sanhédrin cherchèrent à condamner Jésus sans l'entendre. Plus tard, avec Joseph d'Arimathie, il reconnut audacieusement sa foi et réclama le corps de Jésus, même au moment où la plupart des disciples avaient fui, terrorisés, la scène des souffrances et de la mort finale de leur Maitre.

142.7  La Leçon sur la Famille

142:7.1 Après la période active d'enseignement et de travail personnel de la semaine de la Pâque à Jérusalem, Jésus passa le mercredi suivant à se reposer à Béthanie avec ses apôtres. Cet après-midi-là, Thomas posa une question qui provoqua une longue et instructive réponse. Thomas dit : « Maitre, le jour où nous avons été mis à part comme ambassadeurs du royaume, tu nous as dit beaucoup de choses et tu nous as donné des instructions sur notre mode personnel de vie, mais qu'allons-nous enseigner aux foules ? Comment ces gens devront-ils vivre après que le royaume se sera davantage manifesté ? Tes disciples possèderont-ils des esclaves ? Tes fidèles rechercheront-ils la pauvreté et fuiront-ils la richesse ? La miséricorde sera-t-elle seule à prévaloir, de sorte que nous n'aurons plus de lois ni de tribunaux ? » Jésus et les douze passèrent tout l'après-midi et toute la soirée après le souper à discuter les questions de Thomas. Pour la clarté de notre exposé, nous présentons le résumé suivant des instructions du Maitre :

142:7.2 Jésus chercha d'abord à faire comprendre à ses apôtres que lui-même vivait sur terre une vie unique d'incarnation, et qu'eux, les douze, avaient été appelés à participer à cette expérience d'effusion du Fils de l'Homme. En tant que collaborateurs, eux aussi devaient participer à bien des restrictions et obligations spéciales de l'entière expérience d'effusion. Il y eut une indication voilée que le Fils de l'Homme était la seule personne ayant jamais vécu sur terre qui pouvait simultanément voir dans le coeur même de Dieu et jusque dans les profondeurs de l'âme humaine.

142:7.3 Jésus expliqua très clairement que le royaume des cieux était une expérience évolutionnaire, commençant ici sur terre et progressant par étapes successives de vie jusqu'au Paradis. Au cours de la soirée, il affirma nettement qu'à un certain stade futur de développement du royaume, il reviendrait visiter ce monde avec puissance spirituelle et gloire divine.

142:7.4 Il expliqua ensuite que « l'idée du royaume » n'était pas la meilleure manière d'illustrer les relations de l'homme avec Dieu, mais qu'il employait cette métaphore parce que le peuple juif était dans l'attente du royaume et que Jean avait prêché en parlant du royaume à venir. Jésus dit : « Les gens d'une autre époque comprendront mieux l'évangile du royaume s'il est présenté en termes exprimant les relations de famille - quand l'homme comprendra la religion comme l'enseignement de la paternité de Dieu et de la fraternité humaine, la filiation avec Dieu. » Ensuite, le Maitre discourut assez longuement sur la famille terrestre comme une illustration de la famille céleste et reformula les deux lois fondamentales de la vie : le premier commandement d'amour pour le père, chef de famille, et le second commandement d'amour mutuel entre les enfants, tu aimeras ton frère comme toi-même. Il expliqua ensuite que cette qualité d'affection fraternelle se manifesterait invariablement par un service social désintéressé et plein d'amour.

142:7.5 Vint ensuite la discussion mémorable des caractéristiques fondamentales de la vie de famille et de leur application aux relations existant entre Dieu et l'homme. Jésus exposa qu'une vraie famille se fonde sur les sept faits suivants :

142:7.6 1. Le fait de l'existence. Les rapports naturels et les phénomènes de ressemblance physique se combinent dans la famille : les enfants héritent certains traits de leurs parents. Les enfants tirent leur origine de leurs parents ; l'existence de leur personnalité dépend de l'acte des parents. La relation de père à enfant est inhérente à toute la nature et imprègne toutes les existences vivantes.

142:7.7 2. Sécurité et plaisir. Les pères dignes de ce nom prennent grand plaisir à pourvoir aux besoins de leurs enfants. Beaucoup de pères ne se contentent pas de leur fournir simplement le nécessaire, mais aiment aussi à veiller à leurs plaisirs.

142:7.8 3. Instruction et éducation. Les pères avisés font soigneusement des plans pour instruire et éduquer convenablement leurs fils et leurs filles. Ils les préparent dès leur jeunesse aux responsabilités plus grandes de leur vie d'adulte.

142:7.9 4. Discipline et contrainte. Les pères prévoyants prennent aussi des dispositions pour la discipline, la gouverne, la correction et parfois la contrainte nécessaires à leurs jeunes enfants dépourvus de maturité.

142:7.10 5. Camaraderie et loyauté. Un père affectueux entretient des rapports intimes et aimants avec ses enfants. Il prête toujours une oreille attentive à leurs demandes ; il est toujours prêt à partager leurs épreuves et à les aider dans leurs difficultés. Le père porte un intérêt suprême au bien-être progressif de sa progéniture.

142:7.11 6. Amour et miséricorde. Un père compatissant pardonne généreusement. Les pères ne nourrissent pas d'idées de vengeance contre leurs enfants. Ils ne ressemblent ni à des juges, ni à des ennemis, ni à des créanciers. Les vraies familles sont fondées sur la tolérance, la patience et le pardon.

142:7.12 7. Dispositions pour l'avenir. Les pères temporels aiment laisser un héritage à leurs fils. La famille continue d'une génération à la suivante. La mort ne met fin à une génération que pour marquer le début d'une autre. La mort termine une vie individuelle, mais non nécessairement la vie d'une famille.

142:7.13 Pendant des heures, le Maitre discuta de l'application de ces caractéristiques de la vie de famille aux relations de l'homme (l'enfant terrestre) avec Dieu (le Père au Paradis), et voici sa conclusion : « Je connais à la perfection la totalité des relations d'un fils avec le Père, car j'ai déjà atteint maintenant, dans le domaine de la filiation, tout ce que vous devrez atteindre dans l'éternel futur. Le Fils de l'Homme est prêt pour son ascension à la droite du Père, de sorte qu'en moi le chemin est encore plus largement ouvert à chacun de vous pour voir Dieu et, avant que vous ayez achevé la glorieuse progression, pour devenir parfaits comme votre Père qui est aux cieux est parfait. »

142:7.14 Lorsque les apôtres entendirent ces paroles saisissantes, ils se rappelèrent les déclarations que Jean avait faites à l'époque du baptême de Jésus ; ils gardèrent aussi un souvenir très vif de cette expérience en liaison avec leurs prédications et leurs enseignements après la mort et la résurrection du Maitre.

142:7.15 Jésus est un fils divin à qui le Père Universel fait pleine confiance. Il avait été avec le Père et le comprenait totalement. Il avait maintenant vécu sa vie terrestre à la pleine satisfaction du Père, et son incarnation dans la chair lui avait permis de comprendre pleinement les hommes. Jésus était la perfection de l'homme ; il avait atteint précisément la même perfection que tous les croyants sincères sont destinés à atteindre en lui et par lui. Jésus révéla aux hommes un Dieu de perfection et se présenta lui-même à Dieu comme fils accompli des mondes.

142:7.16 Bien que Jésus eût discouru durant des heures, Thomas n'était pas encore satisfait, car il dit : « Maitre, nous ne trouvons pas que le Père qui est aux cieux nous traite toujours avec bonté et miséricorde. Bien des fois, nous souffrons amèrement sur terre, et nos prières ne sont pas toujours exaucées. Sur quels points manquons-nous de saisir le sens de ton enseignement ? »

142:7.17 Jésus répondit : « Thomas, Thomas, combien de temps faudra-t-il pour que tu acquières l'aptitude à écouter avec l'oreille de l'esprit ? Combien de temps faudra-t-il avant que tu discernes que ce royaume est un royaume spirituel et que mon Père est aussi un être spirituel ? Ne comprends-tu pas que je vous enseigne en tant qu'enfants de l'esprit dans la famille spirituelle des cieux, dont le chef paternel est un esprit infini et éternel ? Ne me laisseras-tu pas utiliser la famille terrestre pour illustrer les relations divines, sans appliquer aussi littéralement mon enseignement aux affaires matérielles ? Ne peux-tu séparer mentalement les réalités spirituelles du royaume d'avec les problèmes matériels, sociaux, économiques et politiques de ce temps ? Quand je parle le langage de l'esprit, pourquoi persistes-tu à traduire ma pensée dans le langage de la chair, simplement parce que je me permets d'employer des comparaisons avec le monde physique de la vie courante pour illustrer mes propos ? Mes enfants, je vous supplie de cesser d'appliquer l'enseignement du royaume de l'esprit aux sordides affaires d'esclavage, de misère, de maisons et de terres, et aux problèmes matériels d'équité et de justice humaines. Ces questions temporelles concernent les hommes de ce monde et, bien que d'une certaine manière elles affectent tous les hommes, vous avez été appelés à me représenter dans le monde comme je représente mon Père. Vous êtes les ambassadeurs spirituels d'un royaume spirituel, les représentants spéciaux du Père spirituel. Il devrait déjà m'être possible de vous instruire comme des adultes du royaume de l'esprit. Faudra-t-il toujours que je vous parle comme à des enfants ? Ne croitrez-vous jamais en perception spirituelle ? Néanmoins, je vous aime et vous supporterai jusqu'au bout de notre association dans la chair. Et, même après cela, mon esprit vous précèdera dans le monde entier. »

142.8  En Judée Méridionale

142:8.1 Vers la fin d'avril, l'opposition contre Jésus était devenue si prononcée chez les pharisiens et les sadducéens que le Maitre et ses apôtres décidèrent de quitter Jérusalem pour un temps et d'aller vers le sud oeuvrer à Bethléem et à Hébron. Tout le mois de mai fut employé à l'action personnelle dans ces villes et chez les habitants des villages environnants. Au cours de ce déplacement, ils ne firent aucune prédication en public, mais seulement des visites de maison en maison. Pendant que les apôtres enseignaient l'évangile et soignaient les malades, Jésus et Abner passèrent une partie du temps à Engaddi à visiter la colonie naziréenne. Jean le Baptiste était parti de là et Abner avait été chef de ce groupe. Beaucoup de membres de la confrérie naziréenne se mirent à croire en Jésus, mais la majorité de ces hommes ascétiques et originaux refusa de l'accepter comme un instructeur envoyé du ciel, parce qu'il n'enseignait ni le jeûne ni d'autres formes de renoncement.

142:8.2 Les habitants de cette région ne savaient pas que Jésus était né à Bethléem. Comme la majorité des disciples, ils supposaient toujours que le Maitre était venu au monde à Nazareth, mais les douze apôtres connaissaient les faits.

142:8.3 Ce séjour en Judée méridionale fut une période de travail utile et reposante ; le royaume s'accrut de nombreuses âmes. Au début de juin, l'agitation contre Jésus s'était si bien calmée à Jérusalem que le Maitre et les apôtres y retournèrent pour instruire et encourager les croyants.

142:8.4 Bien que Jésus et les apôtres eussent passé tout le mois de juin à Jérusalem ou aux environs, ils ne prêchèrent pas publiquement durant cette période. Ils vécurent, la plupart du temps, sous des tentes qu'ils plantaient dans un parc ou jardin ombragé, connu à cette époque sous le nom de Gethsémani, situé sur la pente ouest du Mont des Oliviers, non loin du ruisseau Cédron. Ils passaient généralement les sabbats de fin de semaine chez Lazare et ses soeurs à Béthanie. Jésus ne pénétra que quelques fois à l'intérieur des murs de Jérusalem, mais un grand nombre d'investigateurs intéressés allèrent jusqu'à Gethsémani pour s'entretenir avec lui. Un vendredi soir, Nicodème et un certain Joseph d'Arimathie s'aventurèrent à rendre visite à Jésus, mais, alors qu'ils se trouvaient déjà devant l'entrée de la tente du Maitre, ils rebroussèrent chemin par peur. Bien entendu, ils ne se rendaient pas compte que Jésus avait connaissance de tous leurs agissements.

142:8.5 Quand les dirigeants juifs apprirent que Jésus était revenu à Jérusalem, ils se préparèrent à l'arrêter ; mais, remarquant qu'il ne faisait pas de sermons publics, ils conclurent qu'il était devenu craintif du fait de leur campagne antérieure et décidèrent de le laisser poursuivre son enseignement de cette manière privée, sans le molester davantage. Les affaires suivirent donc tranquillement leur cours jusqu'aux derniers jours de juin, lorsqu'un certain Simon, membre du sanhédrin, se rallia publiquement aux enseignements de Jésus, après l'avoir annoncé au préalable aux chefs des Juifs. Immédiatement, une nouvelle campagne s'organisa pour appréhender Jésus, et elle devint si forte que le Maitre décida de se retirer dans les villes de la Samarie et de la Décapole.

143. Traversée de la Samarie

143:0.1 À LA fin de juin de l'an 27, à cause de l'opposition croissante des chefs religieux juifs, Jésus et les douze quittèrent Jérusalem après avoir envoyé leurs tentes et leurs maigres effets personnels à la garde de Lazare, à Béthanie. Allant vers le nord en Samarie, ils s'arrêtèrent à Béthel pour le sabbat. Ils prêchèrent là durant plusieurs jours aux gens qui venaient de Gophna et d'Éphraïm. Un groupe de citoyens d'Arimathie et de Thamna vint inviter Jésus à visiter leurs villages. Le Maitre et ses apôtres passèrent plus de quinze jours à enseigner les Juifs et les Samaritains de cette région, dont beaucoup venaient d'aussi loin qu'Antipatris pour entendre la bonne nouvelle du royaume.

143:0.2 Les populations du sud de la Samarie écoutèrent Jésus avec joie et, à l'exception de Judas Iscariot, les apôtres réussirent à vaincre une grande partie de leurs préjugés contre les Samaritains. Il était très difficile à Judas d'aimer ces Samaritains. La dernière semaine de juillet, Jésus et ses associés se préparèrent à partir pour les nouvelles villes grecques de Phasaélis et d'Archélaïs, proches du Jourdain.

143.1  Prédication à Archélaïs

143:1.1 Durant la première quinzaine d'aout, le groupe apostolique établit son quartier général dans les villes grecques d'Archélaïs et Phasaélis ; il y fit sa première expérience de prédication à des rassemblements composés presque exclusivement de Gentils - Grecs, Romains et Syriens - car il y avait peu d'habitants Juifs dans ces deux villes grecques. Au contact de ces citoyens romains, les apôtres rencontrèrent de nouvelles difficultés à proclamer le message du royaume à venir, et de nouvelles objections aux enseignements de Jésus. À l'une des nombreuses conférences du soir avec ses apôtres, Jésus écouta attentivement ces objections à l'évangile du royaume alors que les douze rapportaient leurs expériences avec les gens touchés par leur travail personnel.

143:1.2 Une question posée par Philippe décrivait typiquement leurs difficultés. Philippe dit : « Maitre, ces Grecs et ces Romains prennent notre message à la légère et disent que ces enseignements ne conviennent qu'à des chétifs et à des esclaves. Ils affirment que la religion des païens est supérieure à notre enseignement parce qu'elle incite à acquérir un caractère fort, robuste et dynamique. Ils disent que nous cherchons à convertir tous les hommes en spécimens débiles de non-résistants passifs, qui périraient rapidement et disparaîtraient de la face de la terre. Ils t'aiment, Maitre, et ils admettent largement que ton enseignement est céleste et idéal, mais ils refusent de nous prendre au sérieux. Ils affirment que ta religion n'est pas pour ce monde, que les hommes ne peuvent pas vivre selon ton enseignement. Maintenant, Maitre, qu'allons-nous dire à ces Gentils ? »

143:1.3 Après avoir entendu des objections similaires contre l'évangile du royaume présentées par Thomas, Nathanael, Simon Zélotès et Matthieu, Jésus dit aux douze :

143:1.4 « Je suis venu dans ce monde pour faire la volonté de mon Père et pour révéler, à toute l'humanité, son caractère aimant. Cela, mes frères, c'est ma mission, et cette chose-là, je la ferai sans me soucier que mes enseignements risquent d'être mal compris par les Juifs et les Gentils de notre époque ou d'une autre génération. Il ne devrait pas vous échapper que même l'amour divin a ses disciplines sévères. L'amour d'un père pour son fils oblige souvent le père à mettre un frein aux activités malencontreuses de son rejeton étourdi. L'enfant ne comprend pas toujours les motifs sages et affectueux de la discipline restrictive du père. Mais je vous déclare que mon Père au Paradis gouverne effectivement un univers d'univers par le pouvoir contraignant de son amour. L'amour est la plus grande de toutes les réalités spirituelles. La vérité est une révélation libératrice, mais l'amour est la relation suprême. Quelles que soient les bévues de vos contemporains dans l'administration actuelle de leur monde, l'évangile que je vous proclame gouvernera ce même monde dans un âge à venir. Le but ultime du progrès humain consiste à reconnaître respectueusement la paternité de Dieu et à matérialiser avec amour la fraternité des hommes.

143:1.5 « Qui vous a dit que mon évangile était destiné seulement à des esclaves et à des débiles ? Vous, mes apôtres choisis, ressemblez-vous à des débiles ? Jean avait-il une apparence chétive ? Remarquez-vous que je sois esclave de la peur ? Il est vrai que l'évangile est prêché aux pauvres et aux opprimés de cette génération. Les religions de ce monde les ont négligés, mais mon Père ne fait pas acception de personnes. En outre, les pauvres d'aujourd'hui sont les premiers à prêter attention à l'appel à la repentance et à accepter la filiation. L'évangile du royaume doit être prêché à tous les hommes - Juifs et Gentils, Grecs et Romains, riches et pauvres, libres et esclaves - et également aux jeunes et aux vieux, aux hommes et aux femmes.

143:1.6 « Parce que mon Père est un Dieu d'amour et se réjouit de pratiquer la miséricorde, ne vous imprégnez pas de l'idée que le service du royaume doit être d'une facilité monotone. L'ascension au Paradis est la suprême aventure de tous les temps, le rude accomplissement de l'éternité. Le service du royaume sur terre fera appel à toute la courageuse virilité que vous et vos collaborateurs pourrez rassembler. Beaucoup d'entre vous seront mis à mort à cause de votre fidélité à l'évangile de ce royaume. Il est facile de mourir au champ de bataille, dans une guerre matérielle, quand votre courage est renforcé par la présence de vos camarades de combat, mais il faut une forme supérieure et plus profonde de courage humain et de dévouement pour sacrifier sa vie, calmement et tout seul, pour l'amour d'une vérité enchâssée dans votre coeur de mortel.

143:1.7 « Aujourd'hui les incroyants peuvent vous reprocher avec mépris de prêcher un évangile de non-résistance et de vivre une vie de non-violence, mais vous êtes les premiers volontaires d'une longue lignée de croyants sincères à l'évangile de ce royaume, qui étonneront toute l'humanité par leur consécration héroïque à ces enseignements. Aucune armée n'a jamais déployé plus de courage et de bravoure que vous et vos loyaux successeurs n'en montreront en allant proclamer au monde entier la bonne nouvelle - la paternité de Dieu et la fraternité des hommes. Le courage de la chair est la forme inférieure de bravoure. La bravoure mentale est un type plus élevé de courage humain, mais la bravoure supérieure et suprême est une fidélité intransigeante aux convictions éclairées concernant les réalités spirituelles profondes. Un tel courage constitue l'héroïsme des hommes qui connaissent Dieu. Or, vous êtes tous des hommes qui connaissez Dieu ; vous êtes même, en toute vérité, les associés personnels du Fils de l'Homme. »

143:1.8 Ceci n'est pas la totalité de ce que Jésus dit en cette occasion, mais c'est l'introduction de son discours. Il s'étendit ensuite longuement sur cette déclaration pour l'amplifier et l'illustrer. Ce fut l'une des allocutions les plus passionnées que Jésus ait jamais adressées aux douze. Le Maitre parlait rarement à ses apôtres en laissant apparaître de la véhémence dans ses sentiments, mais ce fut une des rares occasions où il parla avec une gravité manifeste accompagnée d'une émotion marquée.

143:1.9 Le résultat sur la prédication publique et le ministère personnel des apôtres fut immédiat ; à partir de ce jour-là, leur message prit un nouveau ton de maitrise courageuse. Les douze continuèrent à acquérir l'esprit positivement dynamique du nouvel évangile du royaume. Désormais, il ne s'occupèrent plus autant de prêcher les vertus négatives et les injonctions passives de l'enseignement aux multiples facettes donné par leur Maitre.

143.2  Leçon sur la Maitrise de Soi

143:2.1 Le Maitre était un exemple, devenu parfait, d'un homme maitre de soi. Quand il fut injurié, il n'injuria pas ; quand il souffrit, il ne proféra aucune menace contre ses tortionnaires ; quand il fut accusé par ses ennemis, il s'en remit simplement au juste jugement du Père qui est aux cieux.

143:2.2 À l'une des conférences du soir, André demanda à Jésus : « Maitre, devons-nous pratiquer le renoncement à soi comme Jean nous l'a enseigné, ou devons-nous rechercher la maitrise de soi comme tu l'enseignes ? En quoi ton enseignement diffère-t-il de celui de Jean ? » Jésus répondit : « En vérité, Jean vous a enseigné la voie de la droiture conforme à la lumière et aux lois de ses ancêtres ; c'était la religion de l'examen de conscience et du renoncement à soi. Mais je viens avec un nouveau message d'oubli de soi et de maitrise de soi. Je vous montre le chemin de la vie tel que mon Père qui est aux cieux me l'a révélé.

143:2.3 « En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commande sa propre personnalité est plus grand que celui qui s'empare d'une ville. La maitrise de soi est la mesure de la nature morale d'un homme et l'indice de son développement spirituel. Dans l'ancien ordre, vous pratiquiez le jeûne et la prière. En tant que nouvelle créature de la re-naissance de l'esprit, vous apprenez à croire et à vous réjouir. Dans le royaume du Père, vous deviendrez de nouvelles créatures ; les anciennes choses doivent disparaître ; voici, je vous montre comment toutes choses doivent devenir nouvelles. Par votre amour réciproque, vous allez convaincre le monde que vous êtes passés de l'esclavage à la liberté, de la mort à la vie éternelle.

143:2.4 « Par l'ancienne voie, vous cherchez à supprimer, à obéir et à vous conformer à des règles de vie ; par la nouvelle voie, vous êtes d'abord transformés par l'Esprit de Vérité et, par là même, fortifiés dans la profondeur de votre âme par le constant renouvellement spirituel de votre mental ; vous êtes, alors, doués du pouvoir d'accomplir avec certitude et joie la gracieuse, acceptable et parfaite volonté de Dieu. Ne l'oubliez pas - c'est votre foi personnelle dans les promesses extrêmement grandes et précieuses de Dieu qui vous garantit de recevoir en partage la nature divine. Ainsi, par votre foi et la transformation de l'esprit, vous devenez en réalité les temples de Dieu, et son esprit habite réellement en vous. Si donc l'esprit demeure en vous, vous n'êtes plus des esclaves liés à la chair, mais des fils de l'esprit, libres et affranchis. La nouvelle loi de l'esprit vous dote de la liberté due à la maitrise de soi, qui remplace l'ancienne loi de la peur d'être esclave de soi et de l'esclavage du renoncement à soi.

143:2.5 « Maintes fois, quand vous avez mal agi, vous avez pensé à attribuer la responsabilité de vos actes à l'influence du malin, alors qu'en réalité vous vous êtes simplement laissés égarer par vos propres tendances naturelles. Le prophète Jérémie ne vous a-t-il pas dit jadis que le coeur humain est plus trompeur que tout, et même parfois désespérément pervers ? Combien il est facile de vous tromper vous-mêmes et de vous adonner ainsi à des craintes stupides, des convoitises de toutes sortes, à des plaisirs assujettissants, à la méchanceté, à l'envie et même à une haine vengeresse !

143:2.6 « Le salut vient par la régénération de l'esprit et non par les actes pharisaïques de la chair. Vous êtes justifiés par la foi et admis à la communion par la grâce, et non par la peur et le renoncement à la chair, bien que les enfants du Père qui sont nés d'esprit soient constamment et toujours maitres de leur moi et de tout ce qui concerne les désirs de la chair. Quand vous savez que vous êtes sauvés par la foi, vous possédez réellement la paix en Dieu. Tous ceux qui suivent la voie de cette paix céleste sont destinés à être sanctifiés dans le service éternel des fils toujours progressants du Dieu éternel. Dorénavant, ce n'est pas un devoir, mais plutôt votre privilège exalté, que de vous purifier de tous les maux du mental et du corps tandis que vous cherchez la perfection dans l'amour de Dieu.

143:2.7 « Votre filiation a son fondement dans la foi, et vous devez rester insensibles à la peur. Votre joie est née de la confiance dans la parole divine ; vous ne serez donc pas amenés à douter de la réalité de l'amour et de la miséricorde du Père. C'est la bonté même de Dieu qui conduit les hommes à un repentir sincère et authentique. Pour vous, le secret de la maitrise de soi est lié à votre foi en l'esprit qui vous habite et qui opère toujours par amour. Et même cette foi qui sauve, vous ne l'avez pas par vous-mêmes ; elle aussi est un don de Dieu. Si vous êtes les enfants de cette foi vivante, vous n'êtes plus les esclaves du moi, mais plutôt les maitres triomphants de vous-mêmes, les fils de Dieu affranchis.

143:2.8 « Si donc, mes enfants, vous êtes nés de l'esprit, vous êtes délivrés pour toujours de l'esclavage conscient d'une vie de renoncement et de surveillance attentive des désirs de la chair ; vous êtes transférés dans le joyeux royaume de l'esprit, d'où vous produisez spontanément les fruits de l'esprit dans votre vie quotidienne ; or, les fruits de l'esprit sont l'essence du type supérieur de contrôle de soi agréable et ennoblissant, allant jusqu'aux sommets de l'aboutissement des mortels terrestres - la véritable maitrise de soi. »

143.3  Diversion et Détente

143:3.1 Vers cette époque, un état de grande tension émotive et nerveuse se développa parmi les apôtres et parmi leurs disciples immédiatement associés. Ils ne s'étaient guère habitués à vivre et à travailler ensemble. Ils éprouvaient des difficultés croissantes à maintenir des relations harmonieuses avec les disciples de Jean. Le contact avec les Gentils et les Samaritains était une grande épreuve pour ces Juifs. En outre, les récents propos de Jésus avaient accru l'état de confusion de leur mental. André en perdait presque son bon sens ; ne sachant plus que faire, il alla trouver le Maitre avec ses problèmes et ses perplexités. Lorsque Jésus eut entendu le chef apostolique lui raconter ses difficultés, il dit : « André, tu ne peux tirer les hommes de leur confusion par des explications quand ils se trouvent engagés à un tel point et que tant de personnes, éprouvant des sentiments violents, sont impliquées. Je ne puis faire ce que tu me demandes - je ne me mêlerai pas de ces difficultés sociales personnelles - mais je me joindrai à vous pour jouir d'une période de trois jours de repos et de détente. Va vers tes frères, et annonce-leur que vous allez tous monter avec moi sur le mont Sartaba, où je désire me reposer un jour ou deux.

143:3.2 « Maintenant, tu devrais aller trouver individuellement tes onze frères et dire à chacun : `Le Maitre désire que nous prenions, seuls avec lui, une période de repos et de détente. Puisque nous avons tous éprouvé récemment beaucoup de contrariété d'esprit et de tension mentale, je suggère que, pendant ces vacances, nous ne fassions aucune mention de nos épreuves et de nos difficultés. Puis-je compter sur toi pour coopérer avec moi dans cette affaire ?' Prends ainsi contact avec chacun de tes frères personnellement et en privé. » Et André fit ce que le Maitre lui avait recommandé.

143:3.3 Ce fut un évènement merveilleux dans l'expérience de chacun d'eux ; ils n'oublièrent jamais cette journée d'ascension de la montagne. Durant tout le trajet, ils ne dirent presque rien de leurs difficultés. En arrivant au sommet de la montagne, Jésus les fit asseoir autour de lui et leur dit : « Mes frères, il faut que vous appreniez tous la valeur du repos et l'efficacité de la détente. Comprenez bien que la meilleure méthode pour résoudre certains problèmes embrouillés consiste à les laisser de côté pendant quelque temps. Ensuite, quand vous revenez rafraichis par le repos ou l'adoration, vous êtes en mesure d'attaquer vos difficultés avec une tête plus claire et une main plus ferme, sans mentionner un coeur plus résolu. Par ailleurs, vous trouverez bien souvent que l'importance et les proportions de votre problème se sont amenuisées pendant que vous reposiez votre mental et votre corps. »

143:3.4 Le lendemain, Jésus assigna, à chacun des douze, un thème de discussion. La journée entière fut consacrée à des souvenirs et à des conversations sur des sujets étrangers à leurs activités religieuses. Ils furent momentanément choqués lorsque Jésus négligea même - verbalement - de dire ses grâces en rompant le pain pour leur déjeuner de midi. C'était la première fois qu'ils le voyaient omettre cette formalité.

143:3.5 Au cours de leur ascension de la montagne, la tête d'André était farcie de problèmes. Jean était démesurément perplexe dans son coeur. Jacques était cruellement troublé dans son âme. Matthieu était très à court d'argent, d'autant que le groupe avait séjourné parmi les Gentils. Pierre était surmené et avait été récemment plus fantasque que d'habitude. Judas souffrait d'une attaque périodique de susceptibilité et d'égoïsme. Simon était anormalement bouleversé par ses efforts pour concilier son patriotisme avec l'amour de la fraternité humaine. Philippe était de plus en plus interloqué par la manière dont les évènements se déroulaient. Nathanael avait moins d'humour depuis son contact avec la population des Gentils, et Thomas traversait une période de profonde dépression. Seuls les jumeaux étaient dans un état normal et ne s'inquiétaient de rien. Tous étaient extrêmement perplexes sur la manière de s'entendre paisiblement avec les disciples de Jean.

143:3.6 Le troisième jour, lorsqu'ils se remirent en route pour descendre la montagne et revenir à leur camp, un grand changement s'était produit en eux. Ils avaient fait l'importante découverte que bien des perplexités humaines n'ont pas d'existence réelle, que beaucoup de difficultés pressantes sont les créations d'une peur exagérée et le résultat d'une appréhension accrue. Ils avaient appris que la meilleure manière de traiter tous les ennuis de ce genre consistait à les négliger. En s'en allant, ils avaient laissé ces problèmes se résoudre d'eux-mêmes.

143:3.7 Leur retour de ces vacances marqua le commencement d'une période de relations considérablement améliorées avec les partisans de Jean. Une grande partie des douze céda réellement à l'hilarité lorsqu'ils notèrent le changement mental de chacun et observèrent l'absence d'irritation nerveuse dont ils bénéficiaient par suite de leurs trois jours de vacances, loin de la routine des devoirs quotidiens de la vie. La monotonie des contacts humains risque toujours de multiplier sérieusement les perplexités et d'accroitre les difficultés.

143:3.8 Dans les deux villes grecques d'Archélaïs et de Phasaélis, le nombre des Gentils qui crurent en l'évangile fut restreint, mais les douze apôtres gagnèrent une précieuse expérience dans ce qui était leur premier travail important auprès de populations composées exclusivement de Gentils. Un lundi matin vers le milieu du mois, Jésus dit à André : « Pénétrons en Samarie. » Et les douze partirent, immédiatement, pour la ville de Sychar, près du puits de Jacob.

143.4  Les Juifs et les Samaritains

143:4.1 Depuis plus de six cents ans, les Juifs de Judée, et plus tard ceux de Galilée, avaient été en mauvais termes avec les Samaritains. Voici à peu près comment était née la discorde entre Juifs et Samaritains. Environ 700 ans avant J.-C., Sargon, roi d'Assyrie, réprima une révolte en Palestine centrale et emmena en captivité plus de vingt-cinq-mille Juifs du nord du royaume d'Israël. Il installa à leur place un nombre à peu près égal de descendants des Cuthites, des Sépharvites et des Hamathites. Plus tard, Assurbanipal envoya encore d'autres colonies habiter la Samarie.

143:4.2 L'inimitié religieuse entre Juifs et Samaritains datait du retour des Juifs de leur captivité à Babylone, quand les Samaritains essayèrent d'empêcher la reconstruction de Jérusalem. Plus tard, ils offensèrent les Juifs en prêtant assistance aux armées d'Alexandre. En remerciement de leur amitié, Alexandre octroya aux Samaritains la permission de bâtir un temple sur le mont Garizim ; ils y adorèrent Yahweh et leurs dieux tribaux, et offrirent des sacrifices très semblables à ceux des services du temple à Jérusalem. Du moins continuèrent-ils ce culte jusqu'à l'époque des Macchabées, où Jean Hyrkan détruisit leur temple du mont Garizim. Au cours de ses travaux en faveur des Samaritains après la mort de Jésus, l'apôtre Philippe tint de nombreuses réunions sur le lieu de cet ancien temple samaritain.

143:4.3 Les antagonismes entre Juifs et Samaritains étaient devenus historiques et consacrés par l'usage. Depuis l'époque d'Alexandre, les deux groupes avaient de moins en moins de rapports. Les douze apôtres ne répugnaient pas à prêcher dans les villes grecques et autres cités des Gentils de la Décapole et de la Syrie, mais ce fut pour eux une rude épreuve de fidélité envers leur Maitre quand celui-ci leur dit : « Allons en Samarie. » Toutefois, au cours du temps, plus d'une année, qu'ils avaient passé avec Jésus, ils avaient acquis une forme de loyauté personnelle qui transcendait même leur foi dans ses enseignements et leurs préjugés contre les Samaritains.

143.5  La Femme de Sychar

143:5.1 Lorsque le Maitre et les douze arrivèrent au puits de Jacob, Jésus était fatigué du voyage et s'arrêta près du puits, tandis que Philippe emmenait les apôtres à Sychar pour l'aider à rapporter des vivres et des tentes, car ils se proposaient de demeurer quelque temps dans le voisinage. Pierre et les fils de Zébédée auraient bien voulu rester avec Jésus, mais il les pria d'accompagner leurs collègues en disant : « Ne craignez rien pour moi. Les Samaritains seront amicaux. Ce sont seulement nos frères, les Juifs, qui cherchent à nous faire du mal. » Il était à peu près six heures, en cette soirée d'été, quand Jésus s'assit près du puits pour attendre le retour des apôtres.

143:5.2 L'eau du puits de Jacob était moins saline que celle des puits de Sychar ; elle était donc très appréciée comme boisson. Jésus avait soif, mais ne disposait d'aucun moyen pour tirer de l'eau du puits. Aussi, lorsqu'une femme de Sychar arriva avec sa cruche et se prépara à puiser, Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » Cette femme de Samarie savait que Jésus était un Juif à cause de son apparence et de ses vêtements, et elle supposa qu'il était un Juif de Galilée à cause de son accent. Elle s'appelait Nalda, et elle était une créature avenante. Elle fut très surprise de voir un homme juif lui parler ainsi près du puits et lui demander à boire, car, en ces temps-là on n'estimait pas convenable, pour un homme qui se respectait, de parler en public à une femme, et encore bien moins pour un Juif d'adresser la parole à une Samaritaine. Nalda demanda donc à Jésus : « Comment se fait-il que toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine ? » Jésus répondit : « En vérité, je t'ai demandé à boire, mais, si seulement tu pouvais comprendre, tu me demanderais une gorgée d'eau vivante. » Alors, Nalda dit : « Mais, Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où tirerais-tu donc cette eau vivante ? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous donna ce puits, qui y but lui-même et qui y fit aussi boire ses fils et son bétail ? »

143:5.3 Jésus répliqua : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif, mais quiconque boit de l'eau de l'esprit vivant n'aura jamais soif. Cette eau vivante deviendra en lui une source de rafraichissement qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » Nalda dit alors : « Donne-moi de cette eau pour que je n'aie pas soif et que je n'aie plus besoin de faire tout ce chemin pour puiser. En outre, tout ce qu'une Samaritaine pourrait recevoir d'un Juif aussi digne d'éloges que toi sera un plaisir. »

143:5.4 Nalda ne savait comment interpréter la bonne disposition de Jésus à lui parler. Elle voyait sur le visage du Maitre l'expression d'un homme intègre et saint, mais elle prit sa bienveillance pour une familiarité ordinaire et interpréta faussement son symbolisme comme une manière de lui faire des avances. Étant une femme de moralité peu sévère, elle se disposait à devenir ouvertement coquette lorsque Jésus, la regardant droit dans les yeux, lui dit d'une voix impérative : « Femme, va chercher ton mari et amène-le ici. » Ce commandement ramena Nalda au sens des réalités. Elle vit qu'elle avait mal jugé la bonté du Maitre et perçut qu'elle avait mal interprété le sens de ses paroles. Elle eut peur ; elle commença à comprendre qu'elle se trouvait en face d'une personne exceptionnelle et chercha, à l'aveuglette dans son mental, une réponse appropriée. En grande confusion, elle dit : « Mais, Seigneur, je ne puis appeler mon mari, car je n'ai pas de mari. » Alors, Jésus reprit : « Tu as dit la vérité, car tu as peut-être eu jadis un mari, mais l'homme avec qui tu vis maintenant n'est pas ton mari. Il vaudrait mieux que tu cesses de prendre mes paroles à la légère et que tu cherches l'eau vivante que je t'ai offerte aujourd'hui. »

143:5.5 Nalda était maintenant dégrisée, et son moi supérieur était éveillé. Ce n'était pas entièrement de son gré qu'elle était une femme immorale. Elle avait été brutalement et injustement rejetée par son mari et, dans cette situation désespérée, elle avait alors consenti à vivre avec un Grec, comme sa femme, mais sans mariage régulier. Nalda se sentait maintenant très honteuse d'avoir si étourdiment parlé à Jésus. Fort contrite, elle dit alors au Maitre : « Mon Seigneur, je me repens de la manière dont je t'ai parlé, car je perçois que tu es un saint homme ou peut-être un prophète. » Elle était sur le point de demander une aide directe et personnelle au Maitre lorsqu'elle fit ce que tant de personnes ont fait avant et après elle - elle éluda la question du salut personnel en s'orientant vers une discussion de théologie et de philosophie. Elle détourna rapidement la conversation ayant trait à ses propres besoins vers une controverse théologique. Montrant du doigt le mont Garizim, elle continua en disant : « Nos pères adoraient sur cette montagne et, cependant, toi, tu dis que le lieu où les hommes devraient adorer se trouve à Jérusalem ; où donc est le bon endroit pour adorer Dieu ? »

143:5.6 Jésus perçut la tentative de l'âme de la femme pour éviter un contact direct et scrutateur avec son Créateur, mais il vit aussi la présence, dans son âme, d'un désir de connaître la meilleure manière de vivre ? Après tout, il y avait, dans le coeur de Nalda, une véritable soif d'eau vive. Il la traita donc avec patience en disant : « Femme, laisse-moi te dire que le jour vient bientôt où tu n'adoreras le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. Tu adores actuellement quelque chose que tu ne connais pas, un mélange de la religion de nombreux dieux païens et des philosophies des Gentils. Les Juifs, au moins, savent qui ils adorent ; ils ont dissipé toute confusion en concentrant leur adoration sur un seul Dieu, Yahweh. Tu devrais me croire quand je dis que l'heure viendra bientôt - elle est même déjà venue - où tous les adorateurs sincères adoreront le Père en esprit et en vérité, car ce sont précisément de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. Tu n'obtiendras pas le salut en connaissant simplement un lieu de culte ou la manière dont les autres devraient adorer. Ton salut viendra quand tu recevras, dans ton propre coeur, cette eau vivante que je t'offre à l'instant même. »

143:5.7 Mais Nalda devait tenter encore un effort pour éluder la discussion du problème embarrassant de sa propre vie sur terre et du statut de son âme devant Dieu. Une fois de plus, elle recourut à des questions générales sur la religion en disant : « Oui, je sais, Seigneur, que Jean a prêché au sujet de la venue du `Convertisseur', celui que l'on appellera le Libérateur, et que, lors de sa venue, il nous annoncera toutes choses - » . Interrompant Nalda, Jésus lui dit avec une assurance impressionnante : « Moi, qui te parle, je suis celui-là. »

143:5.8 Ceci était la première proclamation directe, positive et franche de sa nature et filiation divine que Jésus ait faite sur terre. Et elle fut faite à une femme, à une Samaritaine, et à une femme dont la réputation était jusqu'alors douteuse aux yeux des hommes. Mais l'oeil divin voyait plus, en cette femme, une victime du péché des autres qu'une pécheresse volontaire ; elle était maintenant une âme humaine qui désirait le salut ; elle le souhaitait sincèrement et de tout coeur, et cela suffisait.

143:5.9 Nalda était sur le point d'exprimer son ardent désir personnel pour des choses meilleures et un mode de vie plus noble, mais, juste au moment où elle allait exposer le véritable désir de son coeur, les douze apôtres revinrent de Sychar. Arrivant sur la scène où Jésus parlait si intimement avec cette femme - une Samaritaine et seul à seule - ils furent plus qu'étonnés. Ils déposèrent rapidement leurs approvisionnements et s'écartèrent, nul n'osant lui faire d'observations, alors que Jésus disait à Nalda : « Femme, va ton chemin, Dieu t'a pardonné. Tu vivras désormais une nouvelle vie. Tu as reçu l'eau vivante ; une joie nouvelle jaillira dans ton âme et tu deviendras une fille du Très-Haut. » Percevant la désapprobation des apôtres, la femme abandonna sa cruche et s'enfuit vers la ville.

143:5.10 En y entrant, elle déclara à tous ceux qu'elle rencontra : « Sortez vers le puits de Jacob et allez-y vite, car vous y rencontrerez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait dans ma vie. Pourrait-il être le Convertisseur ? » Avant le coucher du soleil, une foule de gens s'était rassemblée au puits de Jacob pour entendre Jésus. Et le Maitre leur développa le sujet de l'eau vivante, le don de l'esprit intérieur.

143:5.11 Les apôtres ne cessèrent jamais d'être choqués par la bonne disposition de Jésus à parler aux femmes, à des femmes de réputation douteuse, ou même immorales. Il fut très difficile à Jésus d'enseigner à ses apôtres que les femmes, même qualifiées d'immorales, ont une âme qui peut choisir Dieu pour Père, et qu'elles peuvent devenir ainsi les filles de Dieu candidates à la vie éternelle. Même dix-neuf siècles plus tard, bien des gens montrent la même répugnance à saisir les enseignements du Maitre. La religion chrétienne elle-même a été bâtie avec persistance autour du fait de la mort du Christ au lieu de l'être autour de la vérité de sa vie. Le monde devrait s'occuper davantage de sa vie heureuse, révélatrice de Dieu, que de sa mort tragique et désolante.

143:5.12 Le lendemain, Nalda raconta toute l'histoire à l'apôtre Jean, mais il ne la révéla jamais entièrement aux autres apôtres, et Jésus n'en parla pas en détail aux douze.

143:5.13 Nalda informa Jean que Jésus lui avait dit « tout ce qu'elle avait fait dans sa vie » . Jean eut souvent envie d'interroger Jésus sur son entretien avec Nalda, mais ne le fit jamais. Jésus n'avait dit à la Samaritaine qu'une seule chose sur elle-même, mais son regard planté dans ses yeux et la manière dont il l'avait traitée avaient fait repasser, en un instant dans son mental, une revue panoramique de sa vie accidentée, si bien qu'elle associa toute cette autorévélation de sa vie passée avec le regard et les paroles du Maitre. Jésus ne lui avait jamais dit qu'elle avait eu cinq maris. Elle avait vécu avec quatre hommes différents depuis que son mari l'avait répudiée. Au moment où elle comprit clairement que Jésus était un homme de Dieu, ce fait et tout son passé lui revinrent à la mémoire avec tant de vivacité qu'elle répéta ultérieurement à Jean que Jésus lui avait réellement tout raconté sur elle-même.

143.6  Le Renouveau Religieux en Samarie

143:6.1 À la fin du jour où Nalda attira la foule hors de Sychar pour voir Jésus, les douze venaient d'arriver de Sychar avec le ravitaillement. Ils supplièrent Jésus de manger avec eux au lieu de parler à la population, car ils n'avaient rien pris de toute la journée et ils avaient faim. Mais Jésus savait que l'obscurité allait bientôt les envelopper, de sorte qu'il persista dans sa détermination de parler aux gens rassemblés avant de les renvoyer. Lorsqu'André essaya de le persuader de manger un morceau avant de parler à la foule, Jésus dit : « J'ai un aliment à manger que vous ne connaissez pas. » Quand les apôtres entendirent cela, ils se dirent entre eux : « Quelqu'un lui a-t-il apporté quelque chose à manger ? Se peut-il que la femme lui ait donné de la nourriture en même temps que de l'eau ? » Lorsque Jésus les entendit parler entre eux, il alla vers les douze, avant de haranguer la multitude, et leur dit : « Mon aliment est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et d'accomplir son travail. Vous devriez cesser de dire qu'il y a encore tant et tant de temps avant la moisson. Voyez ces gens qui sortent d'une ville de Samarie pour nous entendre ; je vous dis que les champs ont déjà blanchi pour la moisson. Celui qui récolte reçoit des gages et rassemble ce fruit pour la vie éternelle ; en conséquence, les semeurs et les moissonneurs se réjouissent ensemble, car c'est en ceci que réside la vérité du dicton : `l'un sème et l'autre récolte.' Je vous envoie maintenant pour faire une récolte à laquelle vous n'avez pas travaillé ; d'autres ont travaillé et vous allez entrer dans leur travail. » Il disait cela en se référant aux prédications de Jean le Baptiste.

143:6.2 Jésus et les apôtres allèrent à Sychar et prêchèrent deux jours avant d'établir leur camp sur le mont Garizim. Beaucoup d'habitants de Sychar crurent à l'évangile et demandèrent à être baptisés, mais les apôtres de Jésus ne baptisaient pas encore.

143:6.3 Lors de la première nuit de campement sur le mont Garizim, les apôtres s'attendaient à des reproches de Jésus en raison de leur attitude envers la femme au puits de Jacob, mais il ne fit aucune allusion à la question. Au lieu de cela, il leur fit la mémorable causerie sur « les réalités qui sont centrales dans le royaume de Dieu » . Dans chaque religion, il est très facile de laisser des valeurs devenir disproportionnées et de permettre à des faits d'occuper, dans sa théologie, la place de la vérité. Le fait de la croix est devenu le centre même du christianisme ultérieur, mais ce n'est pas la vérité centrale de la religion que l'on peut tirer de la vie et des enseignements de Jésus de Nazareth.

143:6.4 Le thème de l'enseignement de Jésus sur le mont Garizim fut le suivant : il désirait que tous les hommes voient Dieu comme un Père-ami, de même que lui (Jésus) est un frère-ami. Maintes et maintes fois, il leur inculqua que l'amour est la relation majeure dans le monde - dans l'univers - de même que la vérité est la plus grande proclamation de l'observance de ces relations divines.

143:6.5 Jésus se révéla si pleinement aux Samaritains parce qu'il pouvait le faire en sécurité, et parce qu'il savait qu'il ne reviendrait plus jamais au coeur de la Samarie prêcher l'évangile du royaume.

143:6.6 Jésus et les douze campèrent sur le mont Garizim jusqu'à la fin d'aout. Durant la journée, ils prêchaient la bonne nouvelle du royaume - la paternité de Dieu - aux Samaritains, dans les villes, et ils passaient la nuit au camp. Le travail que Jésus et les douze firent dans ces villes de Samarie amena quantité d'âmes au royaume et contribua grandement à préparer la voie à l'oeuvre merveilleuse de Philippe dans ces régions, après la mort et la résurrection de Jésus, et après la dispersion des apôtres aux confins de la terre par suite de la cruauté avec laquelle les croyants furent persécutés à Jérusalem.

143.7  Enseignement sur la Prière et l'Adoration

143:7.1 Aux conférences du soir sur le mont Garizim, Jésus enseigna nombre de grandes vérités ; il insista en particulier sur les suivantes :

143:7.2 La vraie religion est l'acte d'une âme individuelle dans ses relations autoconscientes avec le Créateur. Le religion organisée est la tentative des hommes pour socialiser l'adoration des personnes religieuses individuelles.

143:7.3 L'adoration - la contemplation du spirituel - doit alterner avec le service, le contact avec la réalité matérielle. Le travail devrait alterner avec les divertissements ; la religion devrait avoir l'humour pour contrepoids. La philosophie profonde devrait être allégée par la poésie rythmique. Le surmenage de la vie - la tension de la personnalité dans le temps - devrait être allégé par le repos que procure l'adoration. Le sentiment d'insécurité né de la peur de l'isolement de la personnalité dans l'univers devrait avoir pour antidote la contemplation du Père par la foi et la tentative de réalisation du Suprême.

143:7.4 La prière est destinée à faire penser moins les hommes et à leur faire réaliser plus. Elle n'est pas destinée à provoquer l'accroissement des connaissances, mais plutôt l'expansion de la clairvoyance.

143:7.5 L'adoration a pour but d'anticiper sur la vie meilleure qui nous attend, et d'en refléter ensuite les nouvelles significations spirituelles sur la vie actuelle. La prière est un soutien spirituel, mais l'adoration est divinement créative.

143:7.6 L'adoration est la technique consistant à se tourner vers l'Un pour recevoir l'inspiration permettant de servir la multitude. L'adoration est l'étalon qui mesure le degré auquel l'âme s'est détachée de l'univers matériel et s'est attachée simultanément en sécurité aux réalités spirituelles de toute la création.

143:7.7 La prière est un rappel du moi - une pensée sublime. L'adoration est l'oubli du moi - une superpensée. L'adoration est l'attention sans effort, le vrai repos idéal de l'âme, une forme d'exercice spirituel reposant.

143:7.8 L'adoration est l'acte d'une fraction qui s'identifie avec le Tout, le fini avec l'Infini, le fils avec le Père ; le temps, dans l'action consistant à emboiter le pas à l'éternité. L'adoration est l'acte de communion personnelle du fils avec le Père divin, l'adoption, par l'âme-esprit de l'homme, de comportements reposants, créatifs, fraternels et romanesques.

143:7.9 Quoique les apôtres ne comprirent qu'une faible partie des enseignements du Maitre au camp, d'autres mondes les comprirent, et d'autres générations sur terre les comprendront.

144. À Gilboa et dans la Décapole

144:0.1 PENDANT les mois de septembre et d'octobre ils se retirèrent dans un camp isolé sur les pentes du mont Gilboa. Jésus y passa le mois de septembre seul avec ses apôtres, les enseignant et les instruisant dans les vérités du royaume.

144:0.2 Il y avait bien des raisons pour que Jésus et ses apôtres se retirent, à ce moment-là, sur la frontière de la Samarie et de la Décapole. Les chefs religieux de Jérusalem étaient très hostiles. Hérode Antipas détenait toujours Jean en prison, craignant autant de le libérer que de l'exécuter, et il continuait à suspecter Jean et Jésus d'être d'une manière ou d'une autre de connivence. Ces conditions rendaient contrindiqué le projet d'une campagne active soit en Judée, soit en Galilée. Il y avait encore une troisième raison : la tension lentement croissante entre les chefs des disciples de Jean et les apôtres de Jésus, tension qui s'aggravait avec l'augmentation du nombre des croyants.

144:0.3 Jésus savait que les temps du travail préliminaire d'enseignement et de prédication étaient à peu près passés, et que ses prochains actes impliqueraient le commencement du plein effort final de sa vie terrestre ; il ne voulait pas que le déclenchement de cette entreprise fût en aucune manière éprouvant ou embarrassant pour Jean le Baptiste. C'est pourquoi Jésus avait décidé de passer quelque temps dans une retraite, à revoir son enseignement avec ses apôtres, et ensuite de travailler paisiblement dans les villes de la Décapole jusqu'à ce que Jean fût ou bien exécuté, ou bien libéré pour se joindre à eux dans un effort unifié.

144.1  Le Campement de Gilboa

144:1.1 À mesure que le temps passait, les douze étaient de plus en plus dévoués à Jésus et s'engageaient plus à fond dans le travail du royaume. Leur dévotion était surtout une affaire de loyauté personnelle. Ils ne saisissaient pas son enseignement complexe ; ils ne comprenaient pleinement ni la nature de Jésus, ni la signification de son effusion sur terre.

144:1.2 Jésus expliqua clairement à ses apôtres qu'ils se retiraient pour trois raisons :

144:1.3 1. Pour consolider leur compréhension de l'évangile du royaume et affermir leur foi envers cet évangile.

144:1.4 2. Pour permettre à l'opposition à leur oeuvre de se calmer, tant en Judée qu'en Galilée.

144:1.5 3. Pour attendre la décision sur le sort de Jean le Baptiste.

144:1.6 Durant leur séjour sur le mont Gilboa, Jésus donna aux douze beaucoup de détails sur sa jeunesse et sur ses expériences sur le mont Hermon. Il leur révéla également une partie de ce qui s'était passé dans les collines, durant les quarante jours qui suivirent immédiatement son baptême, et il les adjura instamment de ne parler à personne de ces expériences avant qu'il ne soit retourné vers le Père.

144:1.7 Au cours de ces semaines de septembre, les apôtres se reposèrent, eurent des entretiens, racontèrent leurs expériences depuis le moment où Jésus les avait appelés au service et s'engagèrent dans un sérieux effort pour coordonner ce que le Maitre leur avait enseigné jusqu'alors. Dans une certaine mesure, ils avaient tous le sentiment que ce serait leur dernière occasion de prendre un repos prolongé. Ils comprirent clairement que leur prochain effort public, soit en Judée, soit en Galilée, marquerait le commencement de la proclamation définitive du royaume à venir, mais ils n'avaient pas d'idées bien établies sur ce que serait ce royaume lors de sa venue. Jean et André pensaient que le royaume était déjà venu ; Pierre et Jacques croyaient qu'il était encore à venir ; Nathanael et Thomas confessaient franchement qu'ils étaient perplexes ; Matthieu, Philippe et Simon Zélotès étaient incertains et troublés ; les deux jumeaux étaient béatement ignorants de la controverse ; et Judas Iscariot était silencieux et très réservé.

144:1.8 Jésus passa une grande partie de ce temps seul dans la montagne près du camp. À l'occasion, il emmenait Pierre, Jacques ou Jean, mais, le plus souvent, il s'éloignait pour prier ou communier dans la solitude. Après le baptême de Jésus et ses quarante jours dans les collines de Pérée, il n'est guère exact de qualifier de prière ces périodes de communion avec son Père, et il n'est pas non plus logique de dire que Jésus était en adoration. Par contre, il est entièrement correct d'appeler ces périodes des moments de communion personnelle avec son Père.

144:1.9 Le thème central des discussions, durant tout le mois de septembre, fut la prière et l'adoration. Après avoir discuté de l'adoration pendant quelques jours, Jésus finit par prononcer son mémorable discours sur la prière, en réponse à la requête de Thomas : « Maitre, apprends-nous à prier. »

144:1.10 Jean avait enseigné une prière à ses disciples, une prière pour le salut dans le royaume à venir. Bien qu'il n'eût jamais interdit à ses disciples d'employer la forme de prière de Jean, les apôtres perçurent très tôt que Jésus n'approuvait pas entièrement la pratique de prononcer des prières immuables et officielles. Néanmoins, les croyants demandaient constamment qu'on leur apprenne à prier. Les douze désiraient ardemment connaître la forme de supplique que Jésus approuverait. Ce fut principalement à cause de ce besoin d'une supplique simple pour le commun du peuple que Jésus consentit alors, en réponse à la requête de Thomas, à leur enseigner une forme suggestive de prière. Jésus donna cette leçon un après-midi de la troisième semaine de leur séjour sur le mont Gilboa.

144.2  Le Discours sur la Prière

144:2.1 « Jean vous a, en vérité, appris une simple forme de prière : `O Père, purifie-nous du péché, montre-nous ta gloire, révèle ton amour, et laisse ton esprit sanctifier notre coeur à toujours. Amen !' Il a enseigné cette prière pour que vous ayez quelque chose à enseigner à la multitude. Il n'avait pas l'intention de vous voir utiliser cette supplique immuable et officielle comme expression de votre propre âme en prière.

144:2.2 « La prière est entièrement une expression personnelle et spontanée de l'attitude de l'âme envers l'esprit ; la prière devrait être la communion de filiation et l'expression de la fraternité. Quand elle est dictée par l'esprit, la prière mène au progrès spirituel coopératif. La prière idéale est une forme de communion spirituelle qui conduit à l'adoration intelligente. La vraie prière est l'attitude sincère d'un élan vers le ciel pour atteindre vos idéaux.

144:2.3 « La prière est le souffle de l'âme et devrait vous inciter à persévérer dans vos tentatives pour mieux connaître la volonté du Père. Si l'un de vous a un voisin et va le trouver à minuit en disant : `Ami, prête-moi trois miches, car un de mes amis en voyage est venu me voir et je n'ai rien à lui offrir', et si votre voisin répond : `Ne me dérange pas, car la porte est maintenant fermée et les enfants et moi sommes au lit ; je ne peux donc me lever pour te donner du pain', vous insisterez en expliquant que votre ami a faim et que vous n'avez pas de nourriture à lui offrir. Votre voisin ne se lèvera pas pour vous donner du pain par amitié pour vous, mais je vous dis qu'à cause de votre importunité, il se lèvera et vous donnera autant de miches qu'il vous en faut. Si donc la persistance gagne les faveurs même des hommes mortels, combien plus votre persistance dans l'esprit obtiendra-t-elle pour vous le pain de vie des mains bienveillantes du Père qui est aux cieux. Je vous le dis de nouveau : Demandez et l'on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et la porte du salut sera ouverte à celui qui frappe.

144:2.4 « Quel père d'entre vous, si son fils fait une demande inconsidérée, hésitera à donner selon la sagesse parentale plutôt que selon les termes de la demande malavisée de son fils ? Si l'enfant a besoin d'une miche, lui donnerez-vous une pierre simplement parce qu'il vous l'a étourdiment demandée ? Si votre fils a besoin d'un poisson, lui donnerez-vous un serpent d'eau simplement parce que vous en avez attrapé un dans vos filets avec les poissons, et que l'enfant vous demande sottement le serpent ? Si donc, étant mortels et finis, vous savez répondre aux prières et faire à vos enfants des présents bénéfiques, combien plus votre Père céleste donnera-t-il l'esprit et nombre de bénédictions supplémentaires à ceux qui les lui demanderont ? Les hommes devraient toujours prier et ne pas se laisser décourager.

144:2.5 « Laissez-moi vous raconter l'histoire d'un certain juge qui vivait dans une ville perverse. Ce juge ne craignait pas Dieu et n'avait pas de respect pour les hommes. Or il y avait dans cette ville une veuve nécessiteuse qui allait constamment chez ce juge injuste en lui disant : `Protège-moi de mon adversaire.' Pendant quelque temps, il ne voulut pas lui prêter attention, mais bientôt il se dit en lui-même : `Je ne crains pas Dieu et n'ai pas de considération pour les hommes, mais, parce que cette veuve ne cesse de me déranger, je ferai droit à sa revendication de peur qu'elle ne m'épuise par ses visites continuelles.' Je vous raconte ces histoires pour vous encourager à persévérer dans la prière, et non pour vous laisser croire que vos suppliques modifieront la justice et la droiture du Père céleste. Cependant votre persistance n'est pas destinée à gagner la faveur de Dieu, mais à changer votre attitude terrestre et à accroitre la capacité de votre âme à recevoir l'esprit.

144:2.6 « Mais, lorsque vous priez, votre foi est bien faible. Une foi authentique déplacera les montagnes de difficultés matérielles qui peuvent se trouver sur le sentier de l'expansion de l'âme et du progrès spirituel. »

144.3  La Prière du Croyant

144:3.1 Les apôtres n'étaient pas encore satisfaits ; ils désiraient que Jésus leur donne une prière modèle qu'ils puissent enseigner aux nouveaux disciples. Après avoir écouté ce discours sur la prière, Jacques Zébédée dit : « Très bien, Maitre, mais c'est moins pour nous que nous désirons une forme de prière que pour les nouveaux croyants qui nous demandent si souvent : Apprenez-nous à adresser des prières acceptables au Père qui est aux cieux. »

144:3.2 Lorsque Jacques eut fini de parler, Jésus dit : « Si donc vous désirez encore une telle prière, je vous offrirai celle que j'ai apprise à mes frères et soeurs à Nazareth. »

144:3.3 « Notre Père, qui es aux cieux,

144:3.4 « Que ton nom soit sanctifié.

144:3.5 « Que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite

144:3.6 « Sur terre comme elle l'est au ciel.

144:3.7 « Donne-nous aujourd'hui notre pain pour demain ;

144:3.8 « Rafraichis nos âmes avec l'eau de la vie.

144:3.9 « Et pardonne à chacun de nous ses offenses

144:3.10 « Comme nous avons pardonné à ceux qui nous ont offensés.

144:3.11 « Sauve-nous dans la tentation, délivre-nous du mal,

144:3.12 « Et rends-nous de plus en plus parfaits comme toi-même.

144:3.13 Il n'est pas étonnant que les apôtres aient désiré que Jésus leur apprenne une prière modèle pour les croyants. Jean le Baptiste avait enseigné plusieurs prières à ses disciples ; tous les grands instructeurs avaient formulé des prières pour leurs élèves. Les éducateurs religieux des Juifs avaient vingt-cinq ou trente prières immuables qu'ils récitaient dans les synagogues et même aux coins des rues. Jésus était particulièrement opposé à la prière en public. Jusqu'alors les douze ne l'avaient entendu prier qu'en de rares occasions. Ils le voyaient passer des nuits entières en prière ou en adoration, et ils étaient très curieux de connaître la nature ou la forme de ses suppliques. Ils étaient poussés dans leurs derniers retranchements pour répondre aux multitudes demandant qu'on leur apprenne à prier comme Jean l'avait appris à ses disciples.

144:3.14 Jésus enseigna aux douze à toujours prier en secret, à partir seuls dans les tranquilles paysages de la nature ou à aller dans leur chambre et à fermer les portes quand ils s'adonnaient à la prière.

144:3.15 Après la mort de Jésus et son ascension auprès du Père, la pratique s'établit chez beaucoup de croyants de finir cette prière appelée prière du Seigneur en y ajoutant : « Au nom du Seigneur Jésus-Christ. » Plus tard encore, deux lignes furent perdues dans les copies et l'on y ajouta la déclaration supplémentaire : « Car à toi appartiennent le royaume, le pouvoir et la gloire, pour l'éternité. »

144:3.16 Jésus donna aux apôtres sous forme collective la prière telle que sa famille la formulait au foyer de Nazareth. Il n'enseigna jamais de prière personnelle officielle, mais seulement des suppliques collectives, familiales ou sociales. Et il ne le fit jamais spontanément.

144:3.17 Jésus enseigna que la prière efficace doit être :

144:3.18 1. Désintéressée - pas seulement pour soi-même.

144:3.19 2. Croyante - conforme à la foi.

144:3.20 3. Sincère - honnête de coeur.

144:3.21 4. Intelligente - conforme à la lumière.

144:3.22 5. Confiante - en soumission à la volonté infiniment sage du Père.

144:3.23 Quand Jésus passait des nuits entières sur la montagne à prier, c'était surtout pour ses disciples, et en particulier pour les douze. Le Maitre priait très peu pour lui-même, mais il pratiquait beaucoup l'adoration, une adoration dont la nature était une communion compréhensive avec son Père du Paradis.

144.4  Compléments sur la Prière

144:4.1 Pendant les jours qui suivirent le discours sur la prière, les apôtres continuèrent à poser au Maitre des questions concernant cette pratique cultuelle d'une importance capitale. On peut résumer et reformuler comme suit, en langage moderne, les instructions sur la prière et l'adoration que Jésus donna aux apôtres durant ces journées.

144:4.2 La répétition sérieuse et fervente d'une supplique quelconque, quand cette prière est l'expression sincère d'un enfant de Dieu et qu'elle est formulée avec foi, si peu susceptible qu'elle soit de recevoir une réponse directe et si malavisée qu'elle puisse être, ne manque jamais d'accroitre la capacité de l'âme pour la réceptivité spirituelle.

144:4.3 Dans toutes vos prières, souvenez-vous toujours que la filiation est un don. Nul enfant ne doit s'occuper de gagner le statut de fils ou de fille. L'enfant terrestre vient à l'existence par la volonté de ses parents. De même, l'enfant de Dieu parvient à la grâce et acquiert la nouvelle vie de l'esprit par la volonté du Père qui est aux cieux. Il faut donc que le royaume des cieux - la filiation divine - soit reçu comme par un petit enfant. On gagne la droiture - le développement progressif du caractère - mais on reçoit la filiation par grâce et au moyen de la foi.

144:4.4 La prière éleva Jésus à la supercommunion de son âme avec les Chefs Suprêmes de l'univers des univers. La prière élèvera les mortels de la terre à la communion de la véritable adoration. La capacité de réception spirituelle de l'âme détermine la quantité de bénédictions célestes que l'on peut s'approprier personnellement et comprendre consciemment comme une réponse à la prière.

144:4.5 La prière, et l'adoration qui lui est associée, est une technique pour se détacher de la routine de la vie courante, des travaux monotones de l'existence matérielle. C'est une méthode pour s'épanouir spirituellement et acquérir l'individualité intellectuelle et religieuse.

144:4.6 La prière est un antidote contre l'introspection nuisible ; au moins, la prière, telle que le Maitre l'a enseignée, apporte ce bienfait à l'âme. Jésus employa avec persistance l'influence bénéfique de la prière pour autrui. Le Maitre priait en général au pluriel et non pas au singulier. C'est seulement dans les grandes crises de sa vie terrestre qu'il pria pour lui-même.

144:4.7 La prière est le souffle de la vie de l'esprit au milieu de la civilisation matérielle des races de l'humanité. L'adoration constitue le salut pour les générations de mortels qui recherchent le plaisir.

144:4.8 De même que l'on peut assimiler la prière à la recharge des batteries spirituelles de l'âme, de même on peut comparer l'adoration au fait d'accorder l'écoute de l'âme sur les émissions universelles de l'esprit infini du Père Universel.

144:4.9 La prière est le regard sincère et plein de désir jeté par l'enfant sur son Père spirituel ; c'est un processus psychologique consistant à échanger la volonté humaine contre la volonté divine. La prière fait partie du plan divin pour remodeler ce qui existe en ce qui devrait exister.

144:4.10 L'une des raisons pour lesquelles Pierre, Jacques et Jean, qui accompagnaient si souvent le Maitre dans ses longues veilles nocturnes, n'entendirent jamais Jésus prier, vient de ce que leur Maitre exprimait fort rarement ses prières en langage parlé. Pratiquement, toutes les prières de Jésus étaient faites dans son esprit et dans son coeur - en silence.

144:4.11 Parmi tous les apôtres, ce furent Pierre et Jacques qui furent le plus près de comprendre l'enseignement du Maitre sur la prière et l'adoration.

144.5  Autres Formes de Prière

144:5.1 Durant le reste de son séjour sur terre, Jésus attira de temps en temps l'attention des apôtres sur plusieurs autres formes de prière, mais il ne le fit que pour illustrer d'autres questions et enjoignit aux douze de ne pas enseigner aux foules ces « prières en paraboles » . Beaucoup d'entre elles venaient d'autres planètes habitées, mais Jésus ne révéla pas ce fait aux douze. Parmi elles se trouvaient les suivantes :

144:5.2 Notre Père en qui subsistent les royaumes de l'univers,

144:5.3 Que ton nom soit exalté et ton caractère glorifié.

144:5.4 Ta présence nous englobe et ta gloire est manifestée

144:5.5 Imparfaitement à travers nous, comme elle se montre en perfection au ciel.

144:5.6 Donne-nous aujourd'hui les forces vivifiantes de lumière,

144:5.7 Et ne nous laisse pas errer dans les mauvaises voies détournées de notre imagination.

144:5.8 Car à toi appartiennent la glorieuse présence intérieure, le pouvoir éternel.

144:5.9 Et à nous le don éternel de l'amour infini de ton Fils.

144:5.10 Ainsi soit-il, en vérité éternelle.

* * * * *

144:5.12 Notre Parent créateur, qui es au centre de l'univers,

144:5.13 Effuse sur nous ta nature et donne-nous ton caractère.

144:5.14 Fais de nous, par ta grâce, tes fils et tes filles

144:5.15 Et glorifie ton nom par notre accomplissement éternel.

144:5.16 Donne-nous ton esprit qui ajuste et contrôle nos pensées ; qu'il vive et demeure en nous

144:5.17 Pour nous permettre de faire ta volonté sur cette sphère comme les anges exécutent tes ordres dans la lumière.

144:5.18 Soutiens-nous aujourd'hui dans notre progression le long du sentier de la vérité.

144:5.19 Délivre-nous de l'inertie, du mal et de toute transgression impie.

144:5.20 Sois patient avec nous, De même que nous témoignons une bienveillance afectueuse à notre prochain.

144:5.21 Répands l'esprit de ta miséricorde dans notre coeur de créatures.

144:5.22 Conduis-nous de ta propre main, pas à pas, dans le dédale incertain de la vie,

144:5.23 Et, quand viendra notre fin, reçois dans ton sein nos esprits fidèles.

144:5.24 Ainsi soit-il, que ta volonté soit faite, et non nos désirs.

* * * * *

144:5.26 Notre Père céleste parfait et juste,

144:5.27 Guide et dirige aujourd'hui notre voyage.

144:5.28 Sanctifie nos pas et coordonne nos pensées.

144:5.29 Conduis-nous toujours dans les voies du progrès éternel.

144:5.30 Remplis-nous de sagesse jusqu'à la plénitude du pouvoir

144:5.31 Et vivifie-nous de ton énergie infinie.

144:5.32 Inspire-nous par la conscience divine

144:5.33 De la présence et de la gouverne des armées séraphiques.

144:5.34 Guide-nous toujours plus haut dans le sentier de lumière ;

144:5.35 Justifie-nous pleinement au jour du grand jugement.

144:5.36 Rends-nous semblables à toi en gloire éternelle

144:5.37 Et reçois-nous à perpétuité dans ton service exalté.

* * * * *

144:5.39 Notre Père, qui es dans le mystère,

144:5.40 Révèle-nous ton saint caractère.

144:5.41 Donne aujourd'hui à tes enfants terrestres

144:5.42 De voir le chemin, la lumière et la vérité.

144:5.43 Montre-nous le sentier du progrès éternel

144:5.441 Et donne-nous la volonté d'y marcher.

144:5.45 Établis en nous ta divine souveraineté

144:5.46 Et effuse ainsi sur nous la pleine maitrise du moi.

144:5.47 Ne nous laisse pas nous égarer dans des sentiers de ténèbres et de mort ;

144:5.48 Conduis-nous perpétuellement auprès des eaux vivantes.

144:5.49 Par égard pour toi-même, écoute les prières que nous faisons ;

144:5.50 Sois heureux de nous rendre de plus en plus semblables à toi.

144:5.51 À la fin, pour l'amour du divin Fils,

144:5.52 Reçois-nous dans les bras éternels.

144:5.53 Ainsi soit-il, que ta volonté soit faite, et non la nôtre.

* * * * *

144:5.55 Glorieux Père et Mère, unifiés en un seul ascendant,

144:5.56 Nous voudrions être fidèles à ta nature divine.

144:5.57 Que ta propre personne revive en nous et à travers nous

144:5.58 Par le don et l'effusion de ton esprit divin ;

144:5.59 Nous te copierons ainsi imparfaitement dans cette sphère

144:5.60 Tel que tu te montres en perfection et en majesté au ciel.

144:5.61 Donne-nous, jour après jour, ton doux ministère de fraternité

144:5.62 Et conduis-nous, d'instant en instant, dans la voie de l'entraide d'amour.

144:5.63 Sois toujours et infailliblement patient avec nous

144:5.64 Comme nous témoignons ta patience à nos enfants.

144:5.65 Donne-nous la divine sagesse qui accomplit bien toutes choses

144:5.66 Et l'amour infini qui est bienveillant envers toute créature.

144:5.67 Effuse sur nous ta patience et ta bienveillance affectueuse

144:5.68 Afin que notre charité enveloppe les faibles du royaume.

144:5.69 Et, quand notre carrière sera achevée, fais d'elle un honneur pour ton nom,

144:5.70 Un plaisir pour ton esprit de bonté et une satisfaction pour ceux qui soutiennent notre âme.

144:5.71 Que le bien éternel de tes enfants mortels ne soit pas celui que nous souhaitons, O notre Père aimant, mais celui que tu désires.

144:5.72 Ainsi soit-il.

* * * * *

144:5.74 Notre toute fidèle Source et notre Centre tout-puissant,

144:5.75 Que le nom de ton Fils plein de grâce soit saint et révéré.

144:5.76 Tes bontés et tes bénédictions sont descendues sur nous,

144:5.77 Nous donnant le pouvoir d'accomplir ta volonté et d'exécuter tes commandements.

144:5.78 Donne-nous, d'instant en instant, le soutien de l'arbre de vie ;

144:5.79 Rafraichis-nous, jour après jour, avec les eaux vives de ce fleuve.

144:5.80 Conduis-nous, pas à pas, hors des ténèbres et dans la lumière divine.

144:5.81 Renouvelle notre mental par les transformations de l'esprit intérieur,

144:5.82 Et, quand la fin mortelle finira par nous atteindre,

144:5.83 Reçois-nous près de toi et envoie-nous dans l'éternité.

144:5.84 Couronne-nous des diadèmes célestes du service fructueux,

144:5.85 Et nous glorifierons le Père, le Fils et la Sainte Influence.

144:5.86 Ainsi soit-il, dans tout un univers sans fin.

* * * * *

144:5.88 Notre Père, qui habites dans les lieux secrets de l'univers,

144:5.89 Que ton nom soit honoré, ta miséricorde révérée et ton jugement respecté.

144:5.90 Que le soleil de la droiture brille sur nous au milieu du jour,

144:5.91 Tandis que nous te supplions de guider nos pas indociles à l'approche de la nuit.

144:5.92 Conduis-nous par la main dans les voies que tu auras choisies,

144:5.93 Et ne nous abandonne pas quand la route est dure et les heures sombres.

144:5.94 Ne nous oublie pas comme nous t'oublions et te négligeons si souvent,

144:5.95 Mais sois miséricordieux et aime-nous comme nous souhaitons t'aimer.

144:5.96 Regarde-nous d'en haut avec bonté et pardonne-nous avec miséricorde

144:5.97 Comme nous pardonnons en justice à ceux qui nous chagrinent et nous blessent.

144:5.98 Puissent l'amour, le dévouement et l'effusion du Fils majestueux

144:5.99 Nous procurer la vie éternelle avec ta miséricorde et ton amour sans fin.

144:5.100 Puisse le Dieu des univers effuser sur nous la pleine mesure de son esprit ;

144:5.101 Donne-nous la grâce de nous plier aux directives de cet esprit.

144:5.102 Puisse le Fils nous guider et nous mener jusqu'à la fin de l'âge

144:5.103 Par le ministère aimant d'armées séraphiques dévouées.

144:5.104 Rends-nous toujours de plus en plus semblables à toi-même,

144:5.105 Et, lors de notre fin, reçois-nous dans l'embrassement éternel du Paradis.

144:5.106 Ainsi soit-il, au nom du Fils d'effusion

144:5.107 Et pour l'honneur et la gloire du Père Suprême.

144:5.108 Bien que les apôtres ne fussent pas libres de présenter ces leçons sur la prière dans leurs enseignements publics, ils profitèrent beaucoup de toutes ces révélations dans leur expérience religieuse personnelle. Jésus utilisa ces modèles de prière et d'autres encore comme exemples liés à l'instruction intime des douze. La permission de reproduire ces sept spécimens de prière dans le présent exposé a été spécifiquement accordée.

144.6  Conférence avec les Apôtres de Jean

144:6.1 Vers le 1er octobre, Philippe et plusieurs autres apôtres se trouvaient dans un village voisin, achetant des vivres, lorsqu'ils rencontrèrent quelques-uns des apôtres de Jean le Baptiste. Cette rencontre fortuite sur la place du marché eut pour résultat une conférence de trois semaines, au camp de Gilboa, entre les apôtres de Jésus et les apôtres de Jean, car Jean, imitant le précédent de Jésus, avait récemment nommé apôtres douze de ses principaux disciples. Il l'avait fait en réponse à la demande pressante d'Abner, chef de ses loyaux partisans. Jésus resta présent au camp de Gilboa durant toute la première semaine de cette conférence commune, mais s'absenta durant les deux dernières semaines.

144:6.2 Vers le début de la seconde semaine de ce mois, Abner avait rassemblé tous ses associés au camp de Gilboa et se trouvait prêt à conférer avec les apôtres de Jésus. Durant trois semaines, ces vingt-quatre hommes tinrent session trois fois par jour et six jours par semaine. La première semaine, Jésus se mêla à eux entre leurs sessions du matin, de l'après-midi et du soir. Ils voulaient que le Maitre se joigne à eux et préside leurs délibérations conjointes, mais il refusa fermement de participer à leurs discussions. Il consentit cependant à leur parler en trois occasions, et ces allocutions de Jésus aux vingt-quatre portèrent sur les sujets de la compassion, de la coopération et de la tolérance.

144:6.3 André et Abner prirent alternativement la présidence de ces réunions communes des deux groupes apostoliques. Ces hommes avaient bien des difficultés à débattre et de nombreux problèmes à résoudre. Maintes et maintes fois, ils voulurent soumettre leurs ennuis à Jésus, sans autre résultat que de l'entendre dire : « Je ne m'occupe que de vos problèmes personnels et purement religieux. Je suis le représentant du Père auprès des individus et non auprès des groupes. Si vous êtes personnellement en difficulté dans vos relations avec Dieu, venez à moi ; je vous écouterai et vous conseillerai dans la solution de votre problème. Mais, si vous entreprenez de coordonner des interprétations humaines divergentes relatives à des questions religieuses et à la socialisation de la religion, il vous faut résoudre tous ces problèmes en prenant vos propres décisions. Toutefois, je vous accompagnerai toujours de ma sympathie et de mon intérêt. Quand vous arriverez à des conclusions sur ces affaires dépourvues d'importance spirituelle, et pourvu que vous soyez tous d'accord, je vous garantis d'avance ma pleine approbation et ma sincère coopération. Maintenant, pour ne pas vous gêner dans vos délibérations, je vous quitte pour quinze jours. Ne vous inquiétez pas de moi, je reviendrai à vous. Je m'occuperai des affaires de mon Père, car nous avons d'autres royaumes en dehors de celui-ci. »

144:6.4 Après avoir ainsi parlé, Jésus descendit de la pente de la montagne, et ils ne le virent plus pendant deux semaines entières. Ils ne surent jamais où il était allé ni ce qu'il avait fait durant ces jours-là. Il fallut quelque temps aux vingt-quatre pour s'atteler sérieusement à l'étude de leurs problèmes, tant ils étaient déconcertés par l'absence du Maitre. Toutefois, au bout d'une semaine, ils se retrouvèrent au coeur de leurs discussions, sans pouvoir faire appel à l'aide de Jésus.

144:6.5 La première question sur laquelle le groupe se mit d'accord fut l'adoption de la prière que Jésus leur avait si récemment apprise. Ils votèrent à l'unanimité d'accepter cette prière comme celle qui devait être enseignée aux croyants par les deux groupes d'apôtres.

144:6.6 Ils décidèrent ensuite qu'aussi longtemps que Jean vivrait, soit en prison, soit en liberté, les deux groupes de douze apôtres poursuivraient leur propre travail et tiendraient, tous les trois mois, des réunions d'une semaine en des lieux à convenir de temps en temps.

144:6.7 De tous leurs problèmes, le plus sérieux était cependant la question du baptême. Leurs difficultés étaient d'autant plus graves que Jésus avait refusé de faire une déclaration quelconque sur le sujet. Ils parvinrent finalement à l'accord suivant : Tant que Jean vivrait, ou tant qu'ils n'auraient pas éventuellement modifié cette décision d'un commun accord, seuls les apôtres de Jean baptiseraient les croyants et seuls les apôtres de Jésus complèteraient l'instruction des nouveaux disciples. En conséquence, depuis ce moment-là et jusqu'après la mort de Jean, deux apôtres de Jean accompagnèrent Jésus et ses apôtres pour baptiser les croyants, car le conseil conjoint avait voté unanimement que le baptême deviendrait l'étape initiale comme signe extérieur de l'alliance avec les affaires du royaume.

144:6.8 Il fut ensuite convenu que, si Jean mourait, les apôtres de Jean se présenteraient à Jésus et se soumettraient à ses directives ; ils cesseraient alors de baptiser, à moins d'y être autorisés par Jésus ou ses apôtres.

144:6.9 Ils votèrent ensuite qu'au cas où Jean mourrait, les apôtres de Jésus commenceraient à baptiser avec de l'eau en symbole du baptême de l'Esprit divin. La repentance devait-elle ou non être attachée à la prédication du baptême ? La question fut laissée au choix de chacun, et aucune décision obligatoire pour le groupe ne fut prise. Les apôtres de Jean prêchaient : « Repentez-vous et soyez baptisés » et les apôtres de Jésus proclamaient : « Croyez et soyez baptisés. »

144:6.10 Telle est l'histoire de la première tentative des disciples de Jésus pour coordonner des efforts divergents, régler des différences d'opinion, organiser des entreprises collectives, légiférer sur des observances extérieures et rendre sociales les pratiques religieuses personnelles.

144:6.11 Ils étudièrent bien d'autres questions mineures et se mirent unanimement d'accord sur les solutions. Ces vingt-quatre hommes eurent une expérience vraiment remarquable pendant les deux semaines où ils furent obligés d'affronter les problèmes et de régler les difficultés sans Jésus. Ils apprirent à différer d'opinion, à discuter, à lutter, à prier et à transiger, tout en respectant le point de vue de l'interlocuteur et en maintenant au moins un certain degré de tolérance pour ses opinions sincères.

144:6.12 L'après-midi de leur discussion finale sur les questions financières, Jésus revint, entendit le récit de leurs délibérations, écouta leurs décisions et dit : « Telles sont donc vos conclusions ; j'aiderai chacun de vous à mettre en pratique l'esprit de vos décisions communes. »

144:6.13 Deux mois et demi plus tard, Jean fut exécuté. Durant tout ce temps, ses apôtres restèrent avec Jésus et les douze. Ils travaillèrent tous ensemble et baptisèrent des croyants au cours de cette période d'apostolat dans les villes de la Décapole. Le camp de Gilboa fut levé le 2 novembre de l'an 27.

144.7  Dans les Villes de la Décapole

144:7.1 Durant les mois de novembre et de décembre, Jésus et les vingt-quatre travaillèrent tranquillement dans les villes grecques de la Décapole, principalement à Scythopolis, Gérasa, Abila et Gadara. Ce fut réellement la fin de la période préliminaire de prise en mains de l'oeuvre et de l'organisation de Jean. L'organisation sociale de la religion d'une nouvelle révélation doit toujours payer le prix du compromis avec les formes et usages établis de la religion précédente qu'elle cherche à sauver. Les disciples de Jésus durent accepter le principe du baptême pour entrainer avec eux, en tant que groupe religieux social, les disciples de Jean le Baptiste. Quant aux disciples de Jean, en se joignant à ceux de Jésus, ils renoncèrent à presque tout, sauf au baptême avec de l'eau.

144:7.2 Jésus enseigna peu en public au cours de cette mission dans les villes de la Décapole. Il passa beaucoup de temps à instruire les vingt-quatre et tint de nombreuses sessions spéciales avec les douze apôtres de Jean. Avec le temps, ils comprirent mieux pourquoi Jésus n'allait pas visiter Jean en prison et ne faisait aucun effort pour assurer sa libération. Mais ils ne purent jamais comprendre pourquoi Jésus n'accomplissait pas d'oeuvres miraculeuses, pourquoi il refusait de manifester des signes extérieurs de son autorité divine. Avant de venir au camp de Gilboa, ils avaient surtout cru en Jésus à cause du témoignage de Jean, mais bientôt ils commencèrent à croire par suite de leur propre contact avec le Maitre et ses enseignements.

144:7.3 Durant ces deux mois, les membres du groupe travaillèrent, la plupart du temps, deux par deux, un apôtre de Jésus avec un apôtre de Jean. L'apôtre de Jean baptisait, l'apôtre de Jésus instruisait et tous deux prêchaient l'évangile du royaume tel qu'ils le comprenaient. Et ils gagnèrent beaucoup d'âmes parmi ces Juifs apostats et ces Gentils.

144:7.4 Abner, chef des apôtres de Jean, devint un dévoué croyant en Jésus et il fut nommé plus tard chef d'un groupe de soixante-dix éducateurs chargés par le Maitre de prêcher l'évangile.

144.8  Au Camp près de Pella

144:8.1 À la fin de décembre, ils allèrent tous près du Jourdain, à proximité de Pella, où ils recommencèrent à enseigner et à prêcher. Aussi bien les Juifs que les Gentils venaient à ce camp pour entendre l'évangile. Un aprèsmidi, pendant que Jésus enseignait la foule, certains amis intimes de Jean apportèrent au Maitre le dernier message qu'il devait recevoir du Baptiste.

144:8.2 Jean était maintenant en prison depuis un an et demi et, durant presque tout ce temps-là, Jésus avait travaillé très discrètement ; il n'était donc pas étonnant que Jean fut amené à s'inquiéter du royaume. Les amis de Jean interrompirent la leçon de Jésus en lui disant : « Jean le Baptiste nous a envoyés te demander si tu es vraiment le Libérateur ou si nous devons en chercher un autre. ? »

144:8.3 Jésus s'arrêta pour dire aux amis de Jean : « Retournez dire à Jean qu'il n'est pas oublié. Dites-lui ce que vous avez vu et entendu, que la bonne nouvelle est prêchée aux pauvres. » Après avoir dit encore quelques mots aux messagers de Jean, Jésus se tourna de nouveau vers la foule et dit : « Ne croyez pas que Jean mette en doute l'évangile du royaume. Il s'enquiert seulement pour rassurer ses disciples qui sont aussi mes disciples. Jean n'est pas faible. À vous qui avez entendu Jean prêcher avant qu'Hérode ne le mette en prison, laissez-moi vous demander ce que vous avez vu en lui. Un roseau secoué par le vent ? Un homme d'humeur changeante et habillé de vêtements douillets ? En règle générale, ceux qui sont vêtus somptueusement et vivent en sybarites se rencontrent dans les cours des rois et les demeures des riches. Mais qu'avez-vous aperçu en voyant Jean ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un prophète. Il a été écrit de Jean : `Voici, j'envoie mon messager devant ta face ; il préparera le chemin devant toi.'

144:8.4 « En vérité, en vérité, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s'en est pas élevé de plus grand que Jean le Baptiste ; pourtant, même le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui, parce qu'il est né d'esprit et sait qu'il est devenu un fils de Dieu. »

144:8.5 Beaucoup de ceux qui entendirent Jésus ce jour-là se soumirent au baptême de Jean, proclamant ainsi publiquement leur entrée dans le royaume. Et, depuis lors, les apôtres de Jean restèrent étroitement liés à Jésus. Cette circonstance marqua l'union réelle des disciples de Jean et de ceux de Jésus.

144:8.6 Après que les messagers se furent entretenus avec Abner, ils partirent pour Macharée raconter tout cela à Jean, qui fut très réconforté et fortifié dans sa foi par les paroles de Jésus et le message d'Abner.

144:8.7 Ce même après-midi, Jésus continua à enseigner, disant : « À quoi comparerai-je cette génération ? Beaucoup d'entre vous ne recevront ni le message de Jean ni mon enseignement. Vous ressemblez à des enfants jouant sur la place du marché, qui appellent leurs camarades et disent : `Nous avons joué de la flute pour vous et vous n'avez pas dansé ; nous avons gémi et vous ne vous êtes pas affligés.' Il en est de même pour certains d'entre vous. Jean est venu ne mangeant pas et ne buvant pas, et ils ont dit qu'il était possédé par un démon. Le Fils de l'Homme vient, mangeant et buvant, et les mêmes personnes disent : `Voyez, il est un gourmand et un buveur de vin, un ami des publicains et des pêcheurs !' En vérité, la sagesse est justifiée par ses enfants.

144:8.8 « Il semble que le Père céleste ait caché quelques-unes de ces vérités aux sages et aux arrogants, tandis qu'il les a dévoilées à de petits enfants. Mais le Père fait bien toutes choses ; il se révèle à l'univers par les méthodes de son propre choix. Venez donc, vous tous qui peinez et portez de lourds fardeaux, et vous trouverez du repos pour votre âme. Prenez sur vous le joug divin, et vous éprouverez la paix de Dieu, qui dépasse tout entendement. »

144.9  La Mort de Jean le Baptiste

144:9.1 Jean le Baptiste fut exécuté, par ordre d'Hérode Antipas, le soir du 10 janvier de l'an 28. Le lendemain, quelques disciples de Jean, qui étaient allés à Macharée, entendirent parler de son exécution. Ils allèrent trouver Hérode et réclamèrent le corps, qu'ils placèrent dans une sépulture. Plus tard, ils l'inhumèrent à Sébaste, le village où habitait Abner. Le lendemain 12 janvier, ils partirent vers le nord, en direction du camp des apôtres de Jean et de Jésus près de Pella, et racontèrent à Jésus la mort de Jean. Jésus écouta leur rapport, congédia la multitude, appela les vingt-quatre autour de lui et leur dit : « Jean est mort. Hérode l'a fait décapiter. Tenez ensemble, ce soir, une séance de conseil, et arrangez vos affaires en conséquence. Il n'y aura plus de délai. L'heure est venue de proclamer le royaume ouvertement et avec puissance. Demain, nous irons en Galilée. »

144:9.2 En conséquence de bonne heure le matin du 13 janvier de l'an 28, Jésus et les apôtres, accompagnés de quelque vingt-cinq disciples, se rendirent à Capharnaüm et logèrent pour la nuit dans la maison de Zébédée.

145. Quatre Journées Mémorables à Capharnaüm

145:0.1 JÉSUS et les apôtres arrivèrent à Capharnaüm le soir du mardi 13 janvier. Comme à l'habitude, ils installèrent leur quartier général dans la maison de Zébédée à Bethsaïde. Maintenant que Jean le Baptiste avait été mis à mort, Jésus se prépara à se lancer ouvertement dans sa première tournée de prédication publique en Galilée. La nouvelle du retour de Jésus se répandit rapidement dans la ville et, le lendemain matin de bonne heure, Marie, mère de Jésus, se hâta de partir pour rendre visite à son fils, Joseph, à Nazareth.

145:0.2 Jésus passa le mercredi, le jeudi et le vendredi chez Zébédée, instruisant ses apôtres et les préparant à leur première grande tournée de prédication publique. Il reçut et instruisit aussi, soit isolément, soit en groupes, un grand nombre d'investigateurs sérieux. Par l'intermédiaire d'André, il s'arrangea pour parler dans la synagogue le jour du sabbat suivant.

145:0.3 Tard dans la soirée de vendredi, Ruth, la plus jeune soeur de Jésus, lui rendit secrètement visite. Ils passèrent presque une heure ensemble dans un bateau ancré à courte distance du rivage. Nul être humain, sauf Jean Zébédée, ne connut jamais cette visite, et le Maitre lui recommanda de n'en parler à personne. Ruth était le seul membre de la famille de Jésus qui ait cru, avec constance et sans défaillance, à la divinité de la mission terrestre de son frère, dès sa première prise de conscience spirituelle et tout au long du ministère mouvementé de Jésus, de sa mort, de sa résurrection et de son ascension. Finalement, elle passa dans les mondes de l'au-delà sans avoir jamais douté du caractère surnaturel de la mission incarnée de son frère-père. En ce qui concerne sa famille terrestre, la petite Ruth fut la principale consolation de Jésus durant les cruelles épreuves de son jugement, de son rejet et de sa crucifixion.

145.1  Le Fructueux Coup de Filet

145:1.1 Le vendredi matin de la même semaine, tandis que Jésus enseignait sur le rivage, son auditoire le serra de tellement près au bord de l'eau qu'il fit signe à des pêcheurs, occupant un bateau voisin, de venir à son secours. Il monta dans le bateau et continua pendant plus de deux heures, à enseigner la foule assemblée. Cet esquif s'appelait « Simon » ; c'était l'ancien bateau de pêche de Simon Pierre, et il avait été construit des propres mains de Jésus. Ce matin-là, il était utilisé par David Zébédée et deux de ses associés, qui venaient de retourner vers la côte après une nuit de pêche infructueuse sur le lac. Ils nettoyaient et réparaient leurs filets au moment où Jésus fit appel à leur assistance.

145:1.2 Après que Jésus eut fini d'enseigner la foule, il dit à David : « Tu as perdu du temps en venant à mon aide, alors permets-moi de travailler avec toi. Allons pêcher. Dirige-toi vers les fonds qui sont là-bas, et jette tes filets pour une prise. » Mais Simon, l'un des aides de David, répondit : « Maitre, c'est inutile. Nous avons peiné toute la nuit et nous n'avons rien pris ; toutefois, puisque tu le demandes, nous allons sortir et lancer les filets. » Simon consentit à suivre les directives de Jésus parce que son patron, David, lui avait fait signe d'un geste. Quand ils furent arrivés à l'endroit désigné par Jésus, ils immergèrent leurs filets et prirent une telle quantité de poissons qu'ils craignirent de voir leurs filets se déchirer ; à tel point qu'ils firent signe à leurs associés, restés au bord du rivage, de venir à la rescousse. Lorsqu'ils eurent rempli les trois bateaux de poissons presque au point de les faire couler, Simon tomba aux genoux de Jésus en disant : « Écarte-toi de moi, Maitre, car je suis chargé de péchés. » Simon et tous les participants furent stupéfaits de ce fructueux coup de filet. À partir de ce jour, David Zébédée, son aide, Simon, et leurs associés abandonnèrent leurs filets et suivirent Jésus.

145:1.3 Mais ce ne fut en aucun sens une pêche miraculeuse. Jésus avait étudié de près la nature ; il était un pêcheur expérimenté et connaissait les habitudes des poissons dans la Mer de Galilée. En cette occasion, il avait simplement dirigé les pêcheurs vers l'endroit où les poissons se trouvaient généralement à cette heure-là de la journée. Mais les disciples de Jésus considérèrent toujours cet évènement comme un miracle.

145.2  L'Après-midi à la Synagogue

145:2.1 Lors du sabbat suivant, au service de l'après-midi dans la synagogue, Jésus prêcha son sermon sur « La Volonté du Père qui est aux Cieux » . Le matin, Pierre avait prêché sur « Le Royaume » . À la réunion du jeudi soir à la synagogue, André avait enseigné en prenant pour sujet : « La Nouvelle Voie » . À cette date, le nombre de personnes qui croyaient en Jésus était plus élevé à Capharnaüm que dans toute autre ville de la terre.

145:2.2 Cet après-midi de sabbat, tandis que Jésus enseignait dans la synagogue et prenait, conformément à la coutume, son premier texte dans la Loi, il lut dans le Livre de l'Exode : « Tu serviras le Seigneur, ton Dieu, et il bénira ton pain et ton eau, et toute maladie sera ôtée de toi. » Il choisit son second texte dans les Prophètes et lut dans Isaïe : « Lève-toi et resplendis, car ta lumière est venue et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. L'obscurité peut couvrir la terre, et de profondes ténèbres recouvrir le peuple, mais l'esprit du Seigneur se lèvera sur toi, et l'on verra la gloire divine t'accompagner. Même les Gentils viendront vers cette lumière, et beaucoup de grands penseurs s'abandonneront à son éclat. »

145:2.3 Ce sermon fut un effort de la part de Jésus pour exposer clairement le fait que la religion est une expérience personnelle. Entre autres choses, le Maitre dit :

145:2.4 « Vous savez bien que, si un père au coeur tendre aime sa famille comme un tout, il la considère comme un groupe à cause de sa solide affection pour chaque membre de cette famille. Il faut cesser d'approcher le Père en tant qu'enfant d'Israël, mais le faire comme enfant de Dieu. En tant que groupe, vous êtes en vérité les enfants d'Israël, mais, à titre individuel, chacun de vous est un enfant de Dieu. Je ne suis pas venu révéler le Père aux enfants d'Israël, mais plutôt apporter individuellement aux croyants la connaissance de Dieu et la révélation de son amour et de sa miséricorde, en tant qu'expérience personnelle authentique. Les prophètes vous ont tous enseigné que Yahweh prend soin de son peuple, que Dieu aime Israël. Moi, je suis venu parmi vous proclamer une vérité plus grande, une vérité que beaucoup des derniers prophètes avaient déjà saisie, la vérité que Dieu vous aime - chacun de vous - en tant qu'individus. Pendant toutes ces générations, vous avez eu une religion raciale ou nationale ; maintenant, je suis venu vous donner une religion personnelle.

145:2.5 « Mais, même ceci n'est pas une idée nouvelle. Parmi vous, bien des personnes spirituellement douées ont connu cette vérité, car certains prophètes vous l'ont enseignée. N'avez-vous pas lu dans les Écritures le passage où le Prophète Jérémie dit : `En ces jours, on ne dira plus : les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants ont été agacées. Chaque homme mourra pour sa propre iniquité ; tout homme qui mangera des raisins verts aura ses propres dents agacées. Voici, les jours viennent où je ferai une nouvelle alliance avec mon peuple, non selon l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères quand je les ai fait sortir de la terre d'Égypte, mais selon la nouvelle voie. J'écrirai même ma loi dans leur coeur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Ce jour-là, un homme ne dira plus à son voisin : Connais-tu le Seigneur ? Non ! Car ils me connaîtront tous personnellement depuis le plus humble jusqu'au plus grand.'

145:2.6 « N'avez-vous pas lu ces promesses ? Ne croyez-vous pas les Écritures ? Ne comprenez-vous pas que les paroles du prophète sont accomplies par ce que vous voyez aujourd'hui même ? Jérémie ne vous a-t-il pas exhortés à faire de la religion une affaire du coeur, à vous relier à Dieu en tant qu'individus ? Le prophète ne vous a-t-il pas dit que le Dieu du ciel sonderait le coeur de chacun ? Et n'avez-vous pas été avertis que, par nature, le coeur humain est plus trompeur que tout, et souvent désespérément pervers ?

145:2.7 « N'avez-vous pas lu aussi le passage où Ézéchiel a enseigné à vos pères que la religion doit devenir une réalité dans votre expérience individuelle ? Vous cesserez d'employer le proverbe qui dit : `Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants ont été agacées.' `Aussi sûrement que je suis vivant,' dit le Seigneur Dieu, `voici, toutes les âmes sont à moi, l'âme du père comme celle du fils. Seule mourra l'âme pécheresse.' Ensuite, Ézéchiel prévit même le présent jour lorsqu'il annonça de la part de Dieu : `Je vous donnerai aussi un nouveau coeur, et je mettrai en vous un nouvel esprit.'

145:2.8 « Vous devriez cesser de craindre que Dieu punisse une nation pour le péché d'un individu. Le Père qui est aux cieux ne punira pas non plus un de ses enfants croyants pour les péchés d'une nation, bien qu'un membre individuel d'une famille doive souvent supporter les conséquences matérielles des fautes familiales et des transgressions collectives. Ne saisissez-vous pas que l'espoir d'une nation meilleure - ou d'un monde meilleur - est lié au progrès et à l'éclairement de l'individu ? »

145:2.9 Ensuite, le Maitre expliqua que le Père qui est aux cieux (après que les hommes auront discerné cette liberté spirituelle) veut que ses enfants terrestres commencent l'ascension éternelle de la carrière du Paradis. Celle-ci consiste en une réponse consciente de la créature à l'incitation divine de l'esprit intérieur qui la pousse à trouver le Créateur, à connaître Dieu et à chercher à devenir semblable à lui.

145:2.10 Les apôtres furent grandement aidés par ce sermon. Ils comprirent tous plus pleinement que l'évangile du royaume est un message destiné à l'individu, et non à la nation.

145:2.11 Bien que les habitants de Capharnaüm fussent habitués à l'enseignement de Jésus, ils furent étonnés par son sermon de ce jour de sabbat. En vérité, il enseigna comme ayant autorité, et non comme les scribes.

145:2.12 Juste au moment où Jésus finissait de parler, un jeune homme de la congrégation, qui avait été très agité par ses paroles, fut saisi d'une violente attaque d'épilepsie et poussa de grands cris. À la fin de la crise, lorsqu'il reprit conscience, il parla dans un état de rêve et dit : « Qu'avons-nous à faire avec toi, Jésus de Nazareth ? Tu es le saint de Dieu ; es-tu venu pour nous détruire ? » Jésus pria l'assistance de rester tranquille, prit le jeune homme par la main, et dit : « Sors de cet état » - et le garçon fut immédiatement réveillé.

145:2.13 Ce jeune homme n'était pas possédé par un esprit impur, un démon ; il était victime d'une épilepsie ordinaire. Mais on lui avait fait croire que son infirmité provenait du fait qu'il était possédé par un démon. Il y croyait, et se comportait en conséquence dans tout ce qu'il pensait ou disait au sujet de sa maladie. Toute la population croyait que ces phénomènes étaient directement causés par la présence d'esprits impurs. Elle crut donc que Jésus avait chassé un démon de cet homme - mais ce n'est pas à ce moment-là que Jésus guérit cet épileptique. Ce n'est que plus tard, dans la même journée, après le coucher du soleil, que ce jeune homme fut réellement guéri. Longtemps après la Pentecôte, l'apôtre Jean, qui fut le dernier à relater par écrit les actes de Jésus, évita toute allusion à ces prétendues « expulsions de démons » , en raison du fait qu'après la Pentecôte, il ne se produisit plus jamais de cas de possession par des démons.

145:2.14 À la suite de cet incident banal, l'histoire se répandit rapidement dans Capharnaüm que Jésus avait chassé un démon d'un homme et qu'il l'avait miraculeusement guéri dans la synagogue, à la fin de son sermon de l'après-midi. Le sabbat était le moment propice pour la diffusion rapide et efficace de cette rumeur sensationnelle. L'histoire fut également transmise aux hameaux des environs de Capharnaüm, et une grande partie de la population y crut.

145:2.15 Dans la grande maison de Zébédée, où Jésus et les douze avaient établi leur quartier général, la majeure partie de la cuisine et du ménage était faite par la femme de Simon Pierre et la mère de celle-ci. La maison de Pierre était proche de celle de Zébédée. Jésus et ses amis s'y arrêtèrent en revenant de la synagogue, parce que la belle-mère de Pierre souffrait, depuis plusieurs jours, de refroidissement et de fièvre. Il se trouva, par hasard, que la fièvre la quitta au moment où Jésus était debout auprès d'elle, tenant sa main, lui caressant le front et lui prodiguant des paroles de consolation et d'encouragement. Jésus n'avait pas encore eu le temps d'expliquer à ses apôtres qu'il ne s'était produit aucun miracle à la synagogue. Ayant cet incident tout frais et vivace dans leur mémoire, et se rappelant l'eau et le vin de Cana, ils prirent cette coïncidence pour un nouveau miracle, et plusieurs d'entre eux sortirent précipitamment pour en répandre la nouvelle dans la ville.

145:2.16 Amatha, la belle-mère de Pierre, souffrait de malaria. Elle ne fut pas miraculeusement guérie par Jésus à ce moment-là. C'est seulement plusieurs heures plus tard, après le coucher du soleil, que sa guérison survint en relation avec l'évènement extraordinaire qui se produisit, dans la cour, devant la maison de Zébédée.

145:2.17 Ces cas sont typiques de la manière dont une génération, cherchant des prodiges, et un peuple, imaginant des miracles, saisirent infailliblement toutes ces coïncidences comme prétexte pour proclamer qu'un nouveau miracle avait été accompli par Jésus.

145.3  La Guérison au Coucher du Soleil

145:3.1 Au moment où Jésus et ses apôtres s'apprêtaient à prendre leur repas du soir, à la fin de ce mémorable jour de sabbat, tout Capharnaüm et ses environs étaient en émoi au sujet de ces prétendues guérisons miraculeuses. Tous les gens malades ou souffrants se préparèrent à aller trouver Jésus ou à se faire transporter près de lui, par leurs amis, dès que le soleil se serait couché. D'après les enseignements juifs, il était même interdit de rechercher la santé durant les heures sacrées du sabbat.

145:3.2 Donc, aussitôt que le soleil eut disparu à l'horizon, des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants souffrants commencèrent à se diriger vers la maison de Zébédée à Bethsaïde. Un homme partit avec sa fille paralysée dès que le soleil eut disparu derrière la maison de son voisin.

145:3.3 Les évènements de la journée avaient préparé le cadre de cette scène extraordinaire au coucher du soleil. Même le texte que Jésus avait employé pour son sermon de l'après-midi laissait entendre que la maladie devait être bannie. Et il avait parlé avec une puissance et une autorité sans précédent ! Son message était irrésistible ! Sans avoir fait appel à l'autorité humaine, il avait parlé directement à la conscience et à l'âme des gens. Il n'avait eu recours ni à la logique, ni à des arguties de la loi, ni à des explications ingénieuses, mais il avait fait un puissant appel, direct, clair et personnel, au coeur de chacun de ses auditeurs.

145:3.4 Ce sabbat fut un grand jour dans la vie terrestre de Jésus, et même dans la vie d'un univers. À tous égards, en ce qui concernait l'univers local, la petite ville juive de Capharnaüm fut alors la véritable capitale de Nébadon. La poignée de Juifs dans la synagogue de Capharnaüm ne représentait nullement les seuls êtres qui entendirent cette proclamation capitale clôturant le sermon de Jésus : « La haine est l'ombre de la peur ; la vengeance est le masque de la lâcheté. » Les auditeurs ne purent jamais oublier non plus ses paroles bénies proclamant que « l'homme est le fils de Dieu, et non un enfant du diable » .

145:3.5 Peu après le coucher du soleil, alors que Jésus et les apôtres s'attardaient encore autour de la table du souper, la femme de Pierre entendit des voix dans la cour de devant et alla regarder à la porte. Elle vit qu'un grand nombre de malades se rassemblait et que la route, venant de Capharnaüm, était encombrée d'arrivants qui venaient chercher la guérison des mains de Jésus. À ce spectacle, elle repartit immédiatement informer son mari, qui prévint Jésus.

145:3.6 Lorsque le Maitre arriva sur le perron de la maison de Zébédée, son regard rencontra des rangs serrés d'infirmes et d'affligés. Il aperçut près de mille êtres humains malades et souffrants ; c'était du moins le nombre de personnes assemblées devant lui, mais toutes n'étaient pas en mauvaises santé. Quelques-unes étaient venues assister celles qu'elles aimaient dans leur effort pour obtenir la guérison.

145:3.7 La vue de ces mortels accablés, hommes, femmes et enfants, souffrant, en grande partie, par suite des fautes et des transgressions commises par ses propres Fils auxquels il avait confié l'administration de l'univers, toucha particulièrement le coeur humain de Jésus et mit au défi la divine miséricorde de ce bienveillant Fils Créateur. Jésus savait bien qu'il ne pourrait jamais créer un mouvement spirituel durable en s'appuyant sur des prodiges purement matériels. Il avait poursuivi avec persévérance la ligne de conduite consistant à ne pas faire valoir ses prérogatives de créateur. Depuis Cana, rien de surnaturel ni de miraculeux n'avait accompagné son enseignement. Néanmoins, cette multitude affligée de maux toucha son coeur compatissant et fit un puissant appel à sa tendresse compréhensive.

145:3.8 De la cour de devant partit une voix criant : « Maitre, prononce la parole, rétablis notre santé, guéris nos maladies et sauve nos âmes. » À peine ces mots eurent-ils été prononcés qu'une immense légion de séraphins, de contrôleurs physiques, de Porteurs de Vie et de médians, ceux qui accompagnaient toujours ce Créateur incarné d'un univers, s'apprêtèrent à mettre en oeuvre leur pouvoir créatif si leur Souverain leur en donnait le signal. Ce fut l'un des moments de la carrière terrestre de Jésus où la sagesse divine et la compassion humaine se trouvèrent tellement enchevêtrées dans le jugement du Fils de l'Homme qu'il chercha refuge en faisant appel à la volonté de son Père.

145:3.9 Lorsque Pierre implora le Maitre de prêter l'oreille à ces cris de détresse, Jésus abaissa son regard sur la foule des malades et dit : « Je suis venu dans le monde pour révéler le Père et pour établir son royaume. J'ai vécu jusqu'à ce jour ma vie dans ce dessein. Si donc c'était la volonté de Celui qui m'a envoyé, et si ce n'était pas incompatible avec ma consécration à proclamer l'évangile du royaume des cieux, je désirerais voir mes enfants guéris - et... » le reste de ses paroles se perdit dans le tumulte.

145:3.10 Jésus avait transféré à son Père la responsabilité de la décision de guérir. De toute évidence, la volonté du Père n'opposa aucune objection, car à peine les paroles du Maitre eurent-elles été prononcées que l'ensemble des personnalités célestes, servant sous le commandement de l'Ajusteur de Pensée Personnalisé de Jésus, fut puissamment mobilisé. La vaste légion descendit au milieu de cette foule bigarrée de mortels souffrants et, en quelques instants, 683 hommes, femmes et enfants furent guéris, parfaitement guéris de toutes leurs maladies physiques et de leurs autres désordres organiques. Jamais on n'avait vu pareille scène sur terre avant ce jour, et jamais on n'en a revu depuis lors. Pour ceux d'entre nous qui étaient présents et virent ce flot d'énergie curative, ce fut vraiment un spectacle passionnant.

145:3.11 Parmi tous les êtres stupéfaits par cette explosion soudaine et inattendue de guérison surnaturelle, Jésus fut le plus surpris. À un moment où sa sympathie et son intérêt humains étaient centrés sur la scène de souffrance et d'affliction étalée devant lui, il avait négligé de garder présents à sa pensée humaine les avertissements de son Ajusteur Personnalisé au sujet du temps. L'Ajusteur l'avait averti que, sous certaines conditions et dans certaines circonstances, il était impossible de limiter l'élément temps dans les prérogatives créatrices d'un Fils Créateur. Jésus désirait voir ces malades rendus bien portants si cela n'était pas contraire à la volonté de son Père. L'Ajusteur Personnalisé de Jésus décida instantanément qu'un tel acte d'énergie créative accompli à ce moment-là ne transgresserait pas la volonté du Père du Paradis. Par cette décision - compte tenu de l'expression préalable du désir de guérison de Jésus - l'acte créatif fut. Ce qu'un Fils Créateur désire et que son Père veut, EST. Dans toute la vie ultérieure de Jésus sur terre, jamais plus une telle guérison physique massive de mortels n'eut lieu.

145:3.12 Comme on pouvait s'y attendre, la renommée de cette guérison au coucher du soleil à Bethsaïde, le port de Capharnaüm, se répandit dans toute la Galilée et la Judée, ainsi que dans des régions plus lointaines. Une fois de plus, les craintes d'Hérode furent éveillées ; il envoya des observateurs pour lui rendre compte de l'oeuvre et des enseignements de Jésus, et aussi pour savoir s'il était l'ancien charpentier de Nazareth, ou bien Jean le Baptiste ressuscité d'entre les morts.

145:3.13 Durant le reste de sa carrière terrestre, et principalement à cause de cette démonstration involontaire de guérison physique, Jésus devint, à dater de ce jour, autant un médecin qu'un prédicateur. Il est vrai qu'il continua son enseignement, mais son travail personnel consistait surtout à secourir les malades et les affligés, tandis que ses apôtres s'occupaient de prêcher en public et de baptiser les croyants.

145:3.14 La majorité de ceux qui profitèrent de la guérison physique surnaturelle, ou créative, lors de cette démonstration d'énergie divine au coucher du soleil, ne tirèrent pas un bénéfice spirituel permanent de cette extraordinaire manifestation de miséricorde. Un petit nombre d'entre eux furent vraiment édifiés par ce ministère physique, mais cette stupéfiante manifestation curative indépendante du temps ne fit aucunement progresser le royaume spirituel dans le coeur des hommes.

145:3.15 Les guérisons miraculeuses, qui accompagnèrent de temps à autre la mission de Jésus sur terre, ne faisaient pas partie de son plan pour proclamer le royaume. Elles furent incidentes et inhérentes à la présence, sur terre, d'un être divin jouissant de prérogatives créatrices pratiquement illimitées, en association avec une combinaison sans précédent de miséricorde divine et de compassion humaine. Toutefois, ces prétendus miracles valurent beaucoup de désagréments à Jésus, en se sens qu'ils lui procurèrent une publicité soulevant des préventions et lui apportèrent une notoriété qu'il ne désirait pas.

145.4  La Soirée qui Suivit

145:4.1 Durant toute la soirée qui suivit ce grand déchainement de guérisons, la foule heureuse et réjouie envahit la maison de Zébédée, et l'enthousiasme émotif des apôtres de Jésus s'éleva à son plus haut diapason. Du point de vue humain, ce fut probablement le plus grand jour de tous les grands jours de leur association avec Jésus. Jamais avant ni après, leurs espoirs ne s'élevèrent à de telles hauteurs d'expectative confiante. Quelques jours seulement auparavant, alors qu'ils étaient encore à l'intérieur des frontières de la Samarie, Jésus leur avait dit que l'heure était venue où le royaume devait être proclamé en puissance, et, maintenant, ils avaient vu de leurs propres yeux ce qu'ils supposaient être l'accomplissement de cette promesse. Ils étaient passionnés par la vision de ce qui allait arriver si cette stupéfiante manifestation de pouvoir curatif n'était qu'un commencement. Les doutes qui flottaient encore chez eux sur la divinité de Jésus furent bannis. Ils étaient stupéfaits et littéralement enivrés par l'extase de leur enchantement.

145:4.2 Mais, quand ils cherchèrent Jésus, ils ne purent le trouver. Le Maitre était fort troublé de ce qui s'était produit. Les hommes, femmes et enfants qui avaient été guéris de diverses maladies s'attardèrent longtemps dans la soirée, espérant que Jésus reviendrait et qu'ils pourraient le remercier. Voyant les heures passer et le Maitre rester dans l'isolement, les apôtres ne parvenaient pas à comprendre sa conduite ; sans la persistance de son absence, leur joie aurait été complète et parfaite. Lorsque Jésus revint enfin, il était tard, et pratiquement tous les bénéficiaires de la guérison étaient rentrés chez eux. Jésus refusa les félicitations et l'adoration des douze et de ceux qui étaient restés pour le saluer ; il se borna à dire : « Ne vous réjouissez pas de ce que mon Père ait le pouvoir de guérir le corps, mais plutôt de ce qu'il ait la puissance de sauver l'âme. Allons nous reposer, car, demain, il faudra nous occuper des affaires du Père. »

145:4.3 De nouveau déçus, perplexes et le coeur attristé, les douze hommes allèrent se coucher, mais, sauf les jumeaux, peu d'entre eux dormirent beaucoup cette nuit-là. À peine le Maitre faisait-il quelque chose pour encourager l'âme et réjouir le coeur de ses apôtres, qu'il semblait immédiatement mettre en pièces leurs espoirs et démolir complètement les fondements de leur courage et leur enthousiasme. Tandis que ces pêcheurs désorientés se regardaient les uns les autres dans les yeux, ils n'avaient qu'une pensée : « Nous ne pouvons le comprendre. Que signifie tout cela ? »

145.5  De Bonne Heure le Dimanche Matin

145:5.1 Jésus ne dormit pas non plus beaucoup cette nuit de samedi. Il se rendit compte que le monde était plein de détresse et de difficultés matérielles. Il prévit le grand danger qu'il y aurait à être obligé de consacrer, aux soins des malades et des affligés, une partie de son temps si importante que cela interfèrerait avec sa mission d'établir le royaume spirituel dans le coeur des hommes, ou tout au moins que cela subordonnerait sa mission au ministère de choses physiques. À cause de ces idées, et d'autres idées similaires, qui occupèrent le mental matériel de Jésus durant la nuit, il se leva, ce dimanche matin, bien avant l'aurore et se rendit seul dans un des sites retirés qu'il préférait pour communier avec le Père. En cette heure matinale, Jésus prit pour thème de prière la sagesse et le jugement ; il voulait empêcher sa compassion humaine, jointe à sa miséricorde divine, de l'influencer en présence des souffrances des mortels au point que tout son temps serait occupé à des secours physiques au détriment du ministère spirituel. Il ne souhaitait pas éviter complètement de soigner les malades, mais il savait qu'il lui faudrait également accomplir son oeuvre plus importante d'enseignement spirituel et d'éducation religieuse.

145:5.2 Jésus s'en allait si souvent prier dans les collines parce qu'il n'y avait pas de local isolé convenant à ses dévotions personnelles.

145:5.3 Pierre ne put dormir cette nuit-là ; peu après que Jésus fut sorti pour prier, il réveilla de très bonne heure Jacques et Jean, et tous trois allèrent trouver leur Maitre. Après plus d'une heure de recherches, ils découvrirent Jésus et le supplièrent de leur donner les raisons de son étrange conduite. Ils désiraient savoir pourquoi il était apparemment troublé par la puissante effusion de l'esprit de guérison, alors que tous les gens débordaient de joie et que ses apôtres se réjouissaient tellement.

145:5.4 Durant plus de quatre heures, Jésus s'efforça d'expliquer à ces trois apôtres ce qui était arrivé. Il leur apprit ce qui s'était passé et leur exposa les dangers de ce genre de manifestations. Jésus leur confia le motif pour lequel il était allé prier à l'écart. Il chercha à faire comprendre, à ses associés immédiats, les vraies raisons pour lesquelles on ne pouvait bâtir le royaume du Père ni sur l'accomplissement de prodiges, ni sur les guérisons physiques. Mais ils ne parvenaient pas à comprendre son enseignement.

145:5.5 Entre temps, tôt dans la matinée du dimanche, beaucoup d'autres âmes en peine ainsi que de nombreux curieux commencèrent à se réunir autour de la maison de Zébédée. Ils réclamaient Jésus à grands cris. Les apôtres étaient tellement désorientés qu'André et plusieurs de ses compagnons partirent à la recherche de Jésus en laissant Simon le Zélote parler à l'assemblée. Lorsqu'André eut trouvé Jésus en compagnie des trois, il dit : « Maitre, pourquoi nous laisses-tu seuls avec la foule ? Regarde, tout le monde te cherche ; jamais auparavant tant de personnes n'ont recherché ton enseignement. À cette heure même, la maison est entourée de gens venus de près et de loin à cause de tes oeuvres puissantes. Ne veux-tu pas revenir avec nous leur apporter ton ministère ? »

145:5.6 Quand Jésus entendit cela, il répondit : « André, ne t'ai-je pas appris, ainsi qu'aux autres, que ma mission sur terre consiste à révéler le Père, et mon message à proclamer le royaume des cieux ? Comment donc se fait-il que tu souhaites me détourner de mon travail pour contenter des curieux et satisfaire ceux qui cherchent des signes et des prodiges ? N'avons-nous pas été parmi eux durant tous ces mois ? Se sont-ils attroupés en foule pour entendre la bonne nouvelle du royaume ? Pourquoi viennent-ils maintenant nous assiéger ? N'est-ce pas plutôt pour la guérison de leur corps physique que parce qu'ils ont reçu la vérité spirituelle pour le salut de leur âme ? Quand les hommes sont attirés vers nous par des manifestations extraordinaires, la plupart ne vient pas chercher la vérité et le salut, mais plutôt la guérison de leurs maladies physiques et la délivrance de leurs difficultés matérielles.

145:5.7 « Tous ces temps-ci, j'ai été à Capharnaüm. Aussi bien dans la synagogue qu'au bord de la mer, j'ai proclamé la bonne nouvelle du royaume à ceux qui avaient des oreilles pour entendre et un coeur pour recevoir la vérité. La volonté de mon Père n'est pas que je revienne avec vous pour satisfaire ces curieux et m'occuper du ministère des choses physiques, à l'exclusion des affaires spirituelles. Je vous ai ordonnés pour prêcher l'évangile et soigner les malades, mais il ne faut pas que je me laisse absorber par les guérisons en laissant de côté mon enseignement. Non, André, je ne retournerai pas avec vous. Allez dire aux gens de croire à ce que nous leur avons enseigné et à se réjouir dans la liberté des fils de Dieu. Et apprêtez-vous à partir avec moi pour les autres villes de Galilée où le chemin a déjà été préparé pour la prédication de la bonne nouvelle du royaume. C'est dans ce but que je suis venu de chez le Père. Donc, allez et préparez notre départ immédiat pendant que j'attends ici votre retour. »

145:5.8 Après que Jésus eut ainsi parlé, André et les autres apôtres repartirent tristement vers la maison de Zébédée, renvoyèrent la foule assemblée, et s'apprêtèrent rapidement pour le voyage comme Jésus l'avait ordonné. Ainsi, ce dimanche après-midi 18 janvier de l'an 28, Jésus et ses apôtres partirent pour leur première tournée réellement publique et franche de prédication dans les villes de Galilée. Au cours de ce premier périple, ils prêchèrent l'évangile du royaume dans bien des villes, mais n'allèrent pas à Nazareth.

145:5.9 Ce dimanche après-midi, peu après que Jésus et ses apôtres furent partis pour Rimmon, ses frères Jacques et Jude arrivèrent à la maison de Zébédée pour le voir. Vers midi, Jude avait cherché son frère Jacques et insisté auprès de lui pour qu'ils rendent visite à Jésus, mais, lorsque Jacques consentit à accompagner Jude, Jésus était déjà parti.

145:5.10 Les apôtres répugnaient à quitter Capharnaüm où tant d'intérêt avait été suscité. Pierre calcula que mille croyants au moins auraient pu être baptisés dans le royaume. Jésus les écouta patiemment, mais refusa de retourner à Bethsaïde. Le silence régna pendant un certain temps, puis Thomas dit en s'adressant à ses compagnons : « Allons-y ! Le Maitre a parlé. Peu importe que nous ne puissions comprendre pleinement les mystères du royaume des cieux. Nous sommes certains d'une chose, c'est que nous suivons un instructeur qui ne cherche pas de gloire pour lui-même. » Et, à contre-coeur, ils s'en allèrent prêcher la bonne nouvelle dans les villes de Galilée.

146. La Première Tournée de Prédication en Galilée

146:0.1 LA première tournée de prédication publique en Galilée commença le dimanche 18 janvier de l'an 28 ; elle dura environ deux mois et se termina par un retour à Capharnaüm le 17 mars. Au cours de cette tournée, Jésus et les douze apôtres, assistés des anciens apôtres de Jean, prêchèrent l'évangile et baptisèrent des croyants à Rimmon, Jotapata, Rama, Zabulon, Iron, Gischala, Chorazin, Madon, Cana, Naïn et Endor. Ils demeurèrent dans ces villes pour y enseigner, tandis que, dans beaucoup de villes moins importantes, ils proclamaient l'évangile du royaume à leur passage.

146:0.2 C'était la première fois que Jésus permettait à ses associés de prêcher sans restriction. Au cours de cette tournée, il ne les mit en garde qu'en trois occasions ; il leur recommanda de ne pas aller à Nazareth et d'être discrets lors de leur passage à Capharnaüm et à Tibériade. Ce fut une source de grande satisfaction pour les apôtres de sentir qu'ils étaient enfin libres de prêcher et d'enseigner sans restriction. Ils se lancèrent avec beaucoup de sérieux et une grande joie dans la prédication de l'évangile, les soins aux malades et le baptême des croyants.

146.1  Prédication à Rimmon

146:1.1 La petite ville de Rimmon avait jadis été vouée à l'adoration de Ramman, un dieu babylonien de l'air. Beaucoup d'enseignements babyloniens primitifs et d'enseignements ultérieurs de Zoroastre étaient encore inclus dans les croyances des Rimmonites ; c'est pourquoi Jésus et les vingt-quatre consacrèrent beaucoup de temps à bien leur expliquer la différence entre ces anciennes croyances et le nouvel évangile du royaume. Pierre y prêcha sur « Aaron et le Veau d'Or » , l'un des grands sermons du début de sa carrière.

146:1.2 Beaucoup de citoyens de Rimmon se mirent à croire aux enseignements de Jésus, mais ils causèrent de grandes difficultés à leurs coreligionnaires quelques années plus tard. Dans le court espace d'une seule vie, il est malaisé de convertir des adorateurs de la nature à la pleine communion de l'adoration d'un idéal spirituel.

146:1.3 Un grand nombre des meilleures conceptions babyloniennes et persanes sur la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, le temps et l'éternité, furent incorporées, plus tard, dans les doctrines de ce que vous appelez le christianisme ; leur inclusion rendit les enseignements chrétiens plus immédiatement acceptables aux peuples du Proche-Orient. De la même manière, l'inclusion de nombreuses théories de Platon sur l'esprit idéal ou les archétypes invisibles de toutes les choses visibles et matérielles, telles que plus tard Philon les adapta à la théologie hébraïque, rendit les enseignements chrétiens de Paul plus faciles à accepter par les Grecs occidentaux.

146:1.4 Ce fut à Rimmon que Todan entendit, pour la première fois, l'évangile du royaume, et il porta, plus tard, ce message en Mésopotamie et plus loin encore. Il fut parmi les premiers à prêcher la bonne nouvelle aux habitants d'au delà de l'Euphrate.

146.2  À Jotapata

146:2.1 Bien que les gens du peuple de Jotapata aient écouté Jésus et ses apôtres avec bonheur et que beaucoup d'entre eux aient accepté l'évangile du royaume, ce fut le discours de Jésus aux vingt-quatre, le second soir de leur séjour dans cette petite ville, qui fut l'évènement marquant de la mission à Jotapata. Nathanael avait des idées confuses sur les enseignements du Maitre concernant la prière, les actions de grâces et l'adoration. En réponse à ses questions, Jésus parla très longuement pour mieux expliquer son enseignement. Résumé en langage moderne, ce discours peut être présenté comme mettant l'accent sur les points suivants :

146:2.2 1. Quand un homme éprouve, dans son coeur, une considération consciente et persistante pour l'iniquité, il détruit graduellement la liaison établie par l'âme en prière avec les circuits spirituels de communication entre l'homme et son Créateur. Naturellement, Dieu entend la supplique de son enfant, mais, si le coeur humain héberge, délibérément et avec persistance, des concepts d'iniquité, il s'ensuit que la communion personnelle, entre l'enfant terrestre et son Père céleste, se perd progressivement.

146:2.3 2. Les prières incompatibles avec les lois de Dieu connues et établies sont en abomination aux Déités du Paradis. Si les hommes ne veulent pas écouter les Dieux parlant à leur création par les lois de l'esprit, du mental et de la matière, un pareil acte de dédain conscient et délibéré des créatures détourne les personnalités spirituelles de prêter l'oreille aux requêtes personnelles de ces mortels anarchiques et désobéissants. Jésus cita, à ses apôtres, le passage suivant du prophète Zacharie : « Mais ils refusèrent d'écouter et opposèrent une épaule revêche, et se bouchèrent les oreilles pour ne pas entendre. Oui, ils rendirent leur coeur dur comme de la pierre, de crainte d'entendre ma loi et les paroles que mon esprit leur a envoyées par les prophètes ; c'est pourquoi, les résultats de leurs mauvaises pensées retombent comme un grand courroux sur leurs têtes coupables. Et il arriva qu'ils crièrent pour recevoir miséricorde, mais nulle oreille n'était ouverte pour les écouter. » Puis Jésus cita le proverbe du sage qui disait : « Si quelqu'un détourne son oreille d'écouter la loi divine, même sa prière sera une abomination. »

146:2.4 3. En ouvrant l'extrémité humaine du canal reliant Dieu à l'homme, les mortels rendent immédiatement disponible le flot constant du ministère divin auprès des créatures des mondes. Quand l'homme entend l'esprit de Dieu parler dans son coeur, une telle expérience implique que, simultanément, Dieu entend la prière de cet homme. Le pardon du péché opère lui aussi de la même façon infaillible. Le Père qui est aux cieux vous a pardonné avant même que vous ayez pensé à le lui demander, mais ce pardon n'est pas disponible dans votre expérience religieuse personnelle avant le moment où vous pardonnez à votre prochain. En fait, le pardon de Dieu n'est pas conditionné par votre pardon à vos semblables, mais, en expérience, il est précisément soumis à cette condition. Et ce fait de la synchronicité entre le pardon divin et le pardon humain était reconnu et inclus dans la prière enseignée par Jésus à ses apôtres.

146:2.5 4. Il existe, dans l'univers, une loi fondamentale de justice, que la miséricorde est impuissante à tourner. Les gloires désintéressées du Paradis ne peuvent être reçues par une créature complètement égoïste des royaumes du temps et de l'espace. Même l'amour infini de Dieu ne peut imposer le salut de la survie éternelle à une créature mortelle qui ne choisit pas de survivre. La miséricorde dispose d'une grande latitude d'effusion, mais, après tout, il y a des mandats de justice que l'amour, même conjugué à la miséricorde, ne peut efficacement abroger. Jésus cita de nouveau les Écritures hébraïques : « J'ai appelé, et vous avez refusé d'entendre ; j'ai tendu la main, mais nul n'y a pris garde. Vous avez réduit à néant tous mes conseils et refusé mes reproches. À cause de ce comportement rebelle, il devient inévitable que vous fassiez appel à moi et ne receviez pas de réponse. Ayant rejeté le chemin de la vie, vous pourrez me rechercher avec diligence à l'époque de vos souffrances, mais vous ne me trouverez point. »

146:2.6 5. Quiconque veut recevoir miséricorde doit montrer de la miséricorde ; ne jugez point afin de n'être pas jugés. C'est avec l'esprit dont vous jugez autrui que vous serez également jugés. La miséricorde n'abroge pas entièrement l'équité universelle. À la fin, il s'avèrera que « quiconque ferme son oreille au cri du pauvre criera à l'aide un jour à son tour, et nul ne l'entendra. » La sincérité d'une prière, quelle qu'elle soit, est l'assurance qu'elle sera entendue. La sagesse spirituelle et la compatibilité universelle d'une demande déterminent le moment, le mode et le degré de la réponse. Un père avisé ne répond pas à la lettre aux sottes prières de ses enfants ignorants et inexpérimentés, bien qu'en formulant des demandes absurdes, ces enfants puissent éprouver beaucoup de plaisir et réellement satisfaire leur âme.

146:2.7 6. Quand vous serez entièrement consacrés à faire la volonté du Père qui est aux cieux, toutes vos demandes seront exaucées, parce que vos prières seront pleinement conformes à la volonté du Père, et la volonté du Père est constamment manifeste dans tout son immense univers. Ce que le vrai fils désire et que le Père Infini veut, EST. Une telle prière ne peut rester sans réponse, et nulle autre sorte de requête ne peut être pleinement exaucée.

146:2.8 7. Le cri du juste est l'acte de foi de l'enfant de Dieu qui ouvre la porte de la maison du Père où sont tenues en réserve la bonté, la vérité et la miséricorde ; tous ces beaux présents attendent depuis longtemps que les fils s'approchent et se les approprient. La prière ne change pas l'attitude divine envers l'homme, mais elle change l'attitude de l'homme envers le Père invariant. C'est le mobile d'une prière qui lui donne le droit d'accès à l'oreille divine, et non le statut social, économique ou religieux extérieur de celui qui prie.

146:2.9 8. On ne doit employer la prière ni pour éluder les délais du temps, ni pour transcender les handicaps de l'espace. La prière n'est pas une technique destinée à accroitre son importance personnelle ou à obtenir des avantages injustes sur ses semblables. Une âme entièrement égoïste est incapable de prier au sens véritable du mot. Jésus dit : « Que votre délice suprême soit selon le caractère de Dieu, et il exaucera certainement les désirs sincères de votre coeur. » « Remettez vos voies au Seigneur, ayez confiance en lui, et il agira. » « Car le Seigneur entend le cri de l'indigent et il aura égard à la prière du miséreux. »

146:2.10 9. « Je suis sorti du Père. Si donc vous avez jamais un doute sur ce qu'il faut demander au Père, demandez-le en mon nom : je présenterai votre supplique en accord avec vos besoins et désirs réels, et conforme à la volonté de mon Père. » Gardez-vous contre le grand danger de devenir égocentriques dans vos prières. Évitez de prier beaucoup pour vous-mêmes ; priez davantage pour le progrès spirituel de vos frères. Évitez les prières matérialistes ; priez en esprit et pour l'abondance des dons de l'esprit.

146:2.11 10. Quand vous priez pour les malades et les affligés, ne vous attendez pas que vos suppliques remplacent les soins affectueux et intelligents nécessaires à ces affligés. Priez pour le bien-être de votre famille, de vos amis, de vos semblables, mais priez spécialement pour ceux qui vous maudissent, et faites des suppliques pleines d'amour pour ceux qui vous persécutent. « Quant au moment où il faut prier, je ne vous l'indiquerai pas. Seul l'esprit, qui demeure en vous, peut vous inciter à formuler les requêtes exprimant vos relations intérieures avec le Père des esprits. »

146:2.12 11. Nombre de personnes n'ont recours à la prière qu'au moment où elles se trouvent en difficulté. Une telle pratique est sotte et fallacieuse. Il est vrai que vous faites bien de prier quand vous êtes tourmentés, mais vous devriez également songer à parler à votre Père en tant que fils, même quand tout va bien pour votre âme. Que vos suppliques réelles soient toujours faites en secret. Ne laissez pas les hommes entendre vos prières personnelles. Les prières d'actions de grâces conviennent à des groupes d'adorateurs, mais la prière de l'âme est une affaire personnelle. Il n'existe qu'une seule forme de prière qui convienne à tous les enfants de Dieu, et c'est : « Néanmoins, que ta volonté soit faite. »

146:2.13 12. Tous les croyants à cet évangile devraient prier sincèrement pour l'expansion du royaume des cieux. Parmi toutes les prières des Écritures hébraïques, c'est sur la supplique suivante du psalmiste que Jésus fit les commentaires les plus approbateurs : « Crée en moi un coeur pur, ô Dieu, et renouvelle en moi un esprit droit. Débarrasse-moi de mes péchés secrets et préserve ton serviteur de toute transgression présomptueuse. » Jésus fit de longs commentaires sur les relations entre la prière et les paroles étourdies et offensantes. Il cita le passage : « Mets une garde à ma bouche, ô Seigneur, et veille sur la porte de mes lèvres. » Jésus dit : « La langue humaine est un organe que peu d'hommes savent dompter, mais l'esprit intérieur peut transformer ce membre indiscipliné en une aimable voix de tolérance et un inspirant ministère de miséricorde. »

146:2.14 13. Jésus enseigna que, dans l'ordre d'importance, la prière pour connaître la volonté du Père occupe la première place. La prière pour recevoir les directives divines sur le sentier de la vie terrestre vient immédiatement après. En réalité, cela signifie que l'on prie pour obtenir la sagesse divine. Jésus n'enseigna jamais que l'on pouvait gagner des connaissances humaines et une habileté spéciale par la prière, mais il enseigna que la prière est un facteur dans l'expansion de notre capacité à recevoir la présence de l'esprit divin. Quand Jésus apprenait à ses associés à prier en esprit et en vérité, il expliquait qu'il s'agissait de prier sincèrement et conformément aux lumières que l'on possède, de prier de tout coeur avec intelligence, sérieux et persévérance.

146:2.15 14. Jésus mit ses disciples en garde contre l'idée que leurs prières seraient rendues plus efficaces par des répétitions imagées, par une phraséologie éloquente, ou par des jeûnes, des pénitences et des sacrifices. Mais il exhorta ses partisans à employer la prière pour s'élever à la véritable adoration au moyen des actions de grâces. Jésus déplorait de trouver si peu d'esprit d'actions de grâce dans les prières et le culte de ses disciples. À cette occasion, il fit la citation suivante des Écritures : « C'est une bonne chose que de rendre grâces au Seigneur et de louer par des cantiques le nom du Très Haut, de reconnaître tous les matins sa bienveillance affectueuse et tous les soirs sa fidélité, car Dieu m'a rendu heureux par ses oeuvres. En toutes choses, je rendrai grâces conformément à la volonté de Dieu. »

146:2.16 15. Jésus dit ensuite : « Ne vous préoccupez pas constamment de vos besoins ordinaires. N'ayez pas d'appréhension au sujet du problème de votre existence terrestre. En toutes ces matières, par des prières et des suppliques, et dans un sincère esprit d'actions de grâces, exposez vos besoins au Père qui est aux cieux. » Puis il cita encore les Écritures : « Je louerai le nom du Seigneur par un cantique et je le magnifierai par mes actions de grâces. Cela plaira plus au Seigneur qu'un boeuf ou un taureau avec cornes et sabots. »

146:2.17 16. Jésus enseigna à ses disciples qu'après avoir fait leur prière au Père, ils devaient rester quelque temps dans un état de réceptivité silencieuse pour donner à l'esprit intérieur les meilleures chances de parler à l'âme attentive. C'est au moment où le mental humain est dans une attitude de sincère adoration que l'esprit du Père parle le mieux aux hommes. Nous adorons Dieu grâce à l'aide de l'esprit intérieur du Père et à l'illumination du mental humain par le ministère de la vérité. Jésus enseigna que l'adoration rend l'adorateur de plus en plus semblable à l'être qu'il adore. L'adoration est une expérience transformatrice par laquelle le fini s'approche graduellement de l'Infini et, en dernier lieu, atteint sa présence.

146:2.18 Jésus exposa à ses apôtres encore beaucoup d'autres vérités sur la communion de l'homme avec Dieu, mais peu d'entre eux purent assimiler complètement son enseignement.

146.3  L'Arrêt à Rama

146:3.1 C'est à Rama que Jésus eut la mémorable discussion avec le vieux philosophe grec qui enseignait que la science et la philosophie sont suffisantes pour satisfaire les besoins de l'expérience humaine. Jésus écouta avec patience et sympathie cet éducateur grec et reconnut la vérité de bon nombre de ses affirmations. Mais, lorsqu'il eut achevé son exposé, Jésus lui fit la remarque que, dans son analyse de l'existence humaine, il avait omis d'expliquer « d'où, pourquoi et vers quoi » . Jésus ajouta : « C'est à l'endroit où tu finis que nous commençons. La religion est une révélation à l'âme humaine traitant de réalités spirituelles que le mental seul ne pourrait jamais découvrir ni sonder complètement. Les efforts intellectuels peuvent révéler les faits de la vie, mais l'évangile du royaume dévoile les vérités de l'existence. Tu as discuté des ombres matérielles de la vérité ; veux-tu maintenant m'écouter pendant que je te parlerai des réalités éternelles et spirituelles qui projettent en ombres temporelles transitoires les faits matériels de l'existence de mortel ? » Durant plus d'une heure, Jésus enseigna à ce Grec les vérités salvatrices de l'évangile du royaume. Le vieux philosophe fut sensible au mode d'approche du Maitre et, étant sincèrement honnête de coeur, il crut très vite à cet évangile de salut.

146:3.2 Les apôtres étaient un peu déconcertés par la manière franche dont Jésus avait donné son assentiment à de nombreuses propositions du Grec, mais, un peu plus tard, Jésus leur dit en privé : « Mes enfants, ne vous étonnez pas de ma tolérance pour la philosophie du Grec. Une certitude intérieure véritable et authentique ne craint nullement une analyse extérieure, pas plus que la vérité n'est froissée par une critique honnête. N'oubliez jamais que l'intolérance est le masque couvrant des doutes entretenus dans le secret sur la véracité de ce que l'on croit. Nul n'est jamais dérangé par l'attitude de ses voisins s'il a parfaitement confiance dans la vérité de ce qu'il croit de tout coeur. Le courage est la confiance des gens d'une honnêteté à toute épreuve au sujet des choses qu'ils professent de croire. Les hommes sincères ne craignent pas l'examen critique de leurs convictions profondes et de leurs nobles idéaux. »

146:3.3 Le second soir à Rama, Thomas posa à Jésus la question suivante : « Maitre, comment un néophyte de ton enseignement peut-il vraiment savoir, être réellement certain de la vérité de cet évangile du royaume ? »

146:3.4 Jésus répondit à Thomas : « L'assurance que tu es entré dans la famille du royaume du Père, et que tu survivras éternellement avec les enfants du royaume, est entièrement une affaire d'expérience personnelle - de foi dans la parole de vérité. L'assurance spirituelle est l'équivalent de ton expérience religieuse personnelle dans les réalités éternelles de la vérité divine ; en d'autres termes, elle est égale à ta compréhension intelligente des réalités de la vérité, augmentée de ta foi spirituelle et diminuée de tes doutes honnêtes.

146:3.5 « Le Fils possède par nature la vie du Père. Vous avez été dotés de l'esprit vivant du Père ; vous êtes donc fils de Dieu. Vous survivrez à la vie incarnée du monde matériel parce que vous êtes identifiés à l'esprit vivant du Père, le don de la vie éternelle. En vérité, nombreux sont ceux qui avaient cette vie avant que je ne vienne ici de chez le Père, et de nombreux autres ont reçu cet esprit parce qu'ils ont cru à ma parole. Toutefois, je vous déclare qu'au moment où je retournerai auprès du Père, il enverra son esprit dans le coeur de tous les hommes.

146:3.6 « Vous ne pouvez observer l'esprit divin à l'oeuvre dans votre mental, mais il existe une méthode pratique pour découvrir le degré auquel vous avez abandonné le contrôle des pouvoirs de votre âme à l'enseignement et aux directives de l'esprit intérieur venu du Père qui est aux cieux : c'est le degré de votre amour pour vos semblables. Cet esprit du Père participe de l'amour du Père ; quand il domine l'homme, il le conduit infailliblement dans la direction de l'adoration divine et de la considération affectueuse pour son prochain. Au début, vous croyez que vous êtes fils de Dieu parce que mon enseignement vous a rendus plus conscients des directives intérieures de la présence de notre Père en vous ; mais l'Esprit de Vérité sera bientôt répandu sur toute chair : il vivra parmi les hommes et les enseignera tous, comme moi-même je vis maintenant parmi vous et vous adresse les paroles de vérité. Cet Esprit de Vérité, parlant pour les dons spirituels de votre âme, vous aidera à savoir que vous êtes les fils de Dieu. Il témoignera infailliblement avec la présence intérieure du Père, votre esprit, qui habitera alors tous les hommes, comme il en habite maintenant quelques-uns, et vous dira que vous êtes en réalité les fils de Dieu.

146:3.7 « Tout enfant terrestre qui suit les directives de cet esprit finira par connaître la volonté de Dieu, et quiconque s'abandonne à la volonté de mon Père vivra éternellement. Le chemin allant de la vie terrestre à l'état éternel ne vous a pas été décrit clairement. Il y a cependant un chemin, un chemin qui a toujours existé, et je suis venu le rendre nouveau et vivant. Quiconque entre dans le royaume a déjà la vie éternelle - il ne périra jamais. Vous comprendrez mieux une grande partie de cela quand je serai retourné vers mon Père et que vous serez capables d'examiner rétrospectivement les expériences que vous vivez présentement »

146:3.8 Tous ceux qui entendirent ces paroles bénies furent grandement encouragés. Les enseignements juifs au sujet de la survie des justes étaient confus et incertains. Il était donc agréable et vivifiant, pour les disciples de Jésus, d'entendre ces paroles très précises et positives promettant la survie éternelle à tous les croyants sincères.

146:3.9 Les apôtres continuèrent à prêcher et à baptiser les croyants, tout en conservant l'habitude d'aller, de porte en porte, réconforter les déprimés et apporter leur ministère aux malades et aux affligés. L'organisation apostolique fut agrandie, en ce sens que chaque apôtre de Jésus avait désormais pour associé un apôtre de Jean. Abner était l'associé d'André. Ce plan prévalut jusqu'au moment où ils descendirent à Jérusalem pour la Pâque suivante.

146:3.10 Durant leur séjour à Zabulon, l'instruction spéciale donnée par Jésus consista principalement en de nouvelles discussions sur les obligations réciproques dans le royaume. Elles comprenaient un enseignement destiné à clarifier les différences entre l'expérience religieuse personnelle et les bons rapports résultant des obligations religieuses sociales. Ce fut l'une des rares occasions où le Maitre ait jamais discuté des aspects sociaux de la religion. Durant toute son existence terrestre, Jésus donna très peu d'instructions à ses disciples au sujet de la socialisation de la religion.

146:3.11 À Zabulon, la population était de race mixte ; les habitants n'étaient ni des Juifs ni des Gentils, et peu d'entre eux crurent réellement en Jésus, bien qu'ils eussent entendu parler de la guérison des malades à Capharnaüm.

146.4  L'Évangile à Iron

146:4.1 À Iron, comme dans bien des villes de Galilée et de Judée, même les plus petites, il y avait une synagogue et, au début de son ministère, Jésus avait l'habitude de prendre la parole dans ces synagogues le jour du sabbat. Parfois, il prêchait à l'office du matin, et alors, Pierre, ou l'un des autres apôtres, faisait un sermon l'après-midi. Bien souvent, Jésus et les apôtres prêchaient et enseignaient également en semaine aux assemblées du soir à la synagogue. Bien que les chefs religieux eussent pris de plus en plus violemment parti contre Jésus à Jérusalem, ils n'exerçaient aucun contrôle direct sur les synagogues en dehors de cette ville. C'est seulement à une époque plus tardive du ministère public de Jésus qu'ils réussirent à faire naître contre lui une opposition suffisamment générale pour provoquer la fermeture à peu près complète des synagogues à son enseignement. En cette année 28, toutes les synagogues de Galilée et de Judée lui étaient ouvertes.

146:4.2 Il y avait, à Iron, des mines très importantes pour l'époque, et Jésus n'avait jamais partagé la vie des mineurs. Durant son séjour à Iron, il passa donc la majeure partie de son temps dans les mines. Il y travailla avec les mineurs du fond, pendant que les apôtres visitaient les foyers et prêchaient sur les places publiques. La réputation de Jésus comme guérisseur s'était répandue même jusqu'à ce village lointain, et de nombreux malades et affligés cherchèrent secours auprès de lui. Beaucoup d'entre eux tirèrent grand profit de son ministère de guérison, mais, dans aucun de ces cas, sauf dans celui du lépreux, le Maitre n'accomplit de guérison dite miraculeuse.

146:4.3 Tard dans l'après-midi du troisième jour à Iron, Jésus, revenant des mines et se dirigeant vers son logement, passa par hasard dans une ruelle latérale où se trouvait la misérable masure d'un certain lépreux. Alors qu'il en approchait, le malade, qui avait entendu parler de la réputation de Jésus comme guérisseur, osa l'accoster au passage devant sa porte et s'agenouilla devant lui en disant : « Seigneur, si seulement tu le voulais, tu pourrais me purifier. J'ai entendu le message de tes instructeurs et j'entrerais dans le royaume si je pouvais être purifié. » Le lépreux disait cela parce que, chez les Juifs, on interdisait aux lépreux d'assister aux offices de la synagogue ou de pratiquer tout autre culte public. Cet homme croyait réellement qu'il ne pouvait être reçu dans le royaume à venir avant d'avoir obtenu la guérison de sa lèpre. Lorsque Jésus le vit dans cette affliction et entendit ses paroles de foi opiniâtre, son coeur humain fut touché et son mental divin ému de compassion. Tandis que Jésus le regardait, l'homme tomba face contre terre en adoration. Alors, le Maitre étendit sa main, le toucha et dit : « Je le veux - sois pur. » Et l'homme fut immédiatement guéri ; la lèpre avait cessé de l'affliger.

146:4.4 Jésus releva l'homme et lui ordonna : « Prends garde de ne parler à personne de ta guérison, mais vaque plutôt en paix à tes affaires ; montre-toi au prêtre et offre les sacrifices commandés par Moïse en témoignage de ta purification. » Mais cet homme ne fit pas ce que Jésus lui avait ordonné ; il répandit, dans la localité, la nouvelle que Jésus avait guéri sa lèpre, et, comme il était connu dans tout le village, les gens pouvaient constater de visu qu'il avait été guéri de sa maladie. Il n'alla pas trouver les prêtres comme Jésus le lui avait prescrit. À la suite de la diffusion de la nouvelle que Jésus l'avait guéri, le Maitre fut assailli par des malades au point qu'il fut obligé de se lever de bonne heure le lendemain et de quitter le village. Il n'y revint pas, mais resta deux jours dans les faubourgs, près des mines, en continuant à enseigner les mineurs croyants au sujet de l'évangile du royaume.

146:4.5 Cette guérison du lépreux fut le premier prétendu miracle que Jésus ait accompli intentionnellement et délibérément jusqu'alors. Et il s'agissait d'un cas de lèpre réelle.

146:4.6 D'Iron, le groupe partit pour Gischala, où il passa deux jours à proclamer l'évangile, puis il se rendit à Chorazin, où il consacra près d'une semaine à prêcher la bonne nouvelle sans pouvoir y gagner beaucoup de croyants au royaume. En aucun endroit où Jésus avait enseigné, il n'avait rencontré un refus aussi général de son message. Le séjour à Chorazin fut très déprimant pour la plupart des apôtres ; André et Abner eurent beaucoup de peine à soutenir le courage de leurs associés. Puis ils traversèrent tranquillement Capharnaüm pour aller au village de Madon, où ils ne réussirent guère mieux. Dans la pensée de la plupart des apôtres, prévalait l'idée que leur manque de réussite dans les villes si récemment visitées provenait de l'insistance de Jésus pour que, ni dans leur enseignement ni dans leurs sermons, ils ne fassent allusion à lui en tant que guérisseur. Combien ils auraient désiré qu'il guérisse encore un lépreux ou manifeste son pouvoir d'une autre manière pour attirer l'attention de la population ! Mais le Maitre resta insensible à leurs instantes sollicitations.

146.5  De Retour à Cana

146:5.1 Le groupe apostolique fut grandement encouragé lorsque Jésus annonça : « Demain, nous irons à Cana. » Les apôtres savaient qu'ils y seraient écoutés avec sympathie, car Jésus y était bien connu. À Cana, ils réussissaient bien dans leurs efforts pour faire entrer des croyants dans le royaume lorsque Titus, un éminent citoyen de Capharnaüm, arriva le troisième jour. Il ne croyait que partiellement, et son fils était très gravement malade. Ayant appris que Jésus était à Cana, il se hâta d'aller l'y trouver. Les croyants de Capharnaüm estimaient que Jésus pouvait guérir n'importe quelle maladie.

146:5.2 Lorsque ce noble eut rejoint Jésus à Cana, il le supplia de venir en hâte à Capharnaüm et de guérir son fils malade. Tandis que les apôtres attendaient la réponse en retenant leur respiration, Jésus regarda le père de l'enfant malade et dit : « Combien de temps vous supporterai-je ? Le pouvoir de Dieu est au milieu de vous, mais, à moins de voir des signes et de contempler des prodiges, vous refusez de croire. » Mais le noble implora Jésus et dit : « Mon Seigneur, je crois, mais viens avant que mon enfant ne périsse, car, au moment où je l'ai quitté, il était déjà à l'article de la mort. » Jésus baissa la tête, en une méditation silencieuse, puis parla soudain : « Retourne chez toi, ton fils vivra. » Titus crut à la parole de Jésus et se hâta de retourner à Capharnaüm. Tandis qu'il était sur le chemin du retour, ses serviteurs sortirent à sa rencontre en lui disant : « Réjouis-toi, car l'état de ton fils s'est amélioré - il est vivant. » Alors, Titus leur demanda à quelle heure la convalescence avait commencé, et les serviteurs lui répondirent : « Hier, vers la septième heure, la fièvre l'a quitté. » Et le père se rappela que c'était à peu près l'heure où Jésus avait dit : « Ton fils vivra. » Titus crut désormais de tout coeur, et sa famille crut aussi. Son fils devint un puissant ministre du royaume et sacrifia plus tard sa vie avec ceux qui souffrirent à Rome. Toute la maisonnée de Titus, leurs amis et même les apôtres considérèrent cet épisode comme un miracle, mais ce n'en était pas un. Du moins, ce ne fut pas un miracle de guérison d'une maladie physique. C'était simplement un cas de préconnaissance concernant le jeu d'une loi naturelle, le genre de connaissance auquel Jésus eut fréquemment recours après son baptême.

146:5.3 De nouveau, Jésus fut obligé de quitter hâtivement Cana à cause de l'intérêt excessif soulevé par le second épisode de cette sorte accompagnant son ministère dans ce village. Les habitants se souvenaient de l'eau et du vin, et, maintenant que Jésus était supposé avoir guéri le fils du noble à une si grande distance, non seulement ils lui amenaient les malades et les affligés, mais ils lui envoyaient aussi des messagers lui demandant de guérir des malades à distance. Voyant que tout le pays était en effervescence, Jésus dit : « Allons à Naïn. »

146.6  Le Fils de la Veuve de Naïn

146:6.1 Ces gens croyaient aux signes ; c'était une génération cherchant des prodiges. À ce moment-là, les habitants de la Galilée centrale et méridionale s'étaient mis à penser à Jésus et à son ministère personnel en termes de miracles. Des dizaines, puis des centaines de personnes honnêtes, souffrant de désordres purement nerveux et affligés de troubles émotionnels, se présentaient devant Jésus puis retournaient chez elles en annonçant à leurs amis que Jésus les avaient guéries. Ces gens ignorants et simples d'esprit considéraient ces cas de guérison mentale comme des guérisons physiques, des cures miraculeuses.

146:6.2 Lorsque Jésus chercha à quitter Cana pour aller à Naïn, une grande multitude de croyants et une foule de curieux le suivirent. Ils voulaient absolument voir des miracles et des prodiges, et n'allaient pas être déçus. Tandis que Jésus et ses apôtres approchaient de la porte de la ville, ils rencontrèrent une procession funéraire se rendant au cimetière voisin pour y porter le fils unique d'une veuve de Naïn. Cette femme était très respectée, et la moitié du village suivait les porteurs de la civière du garçon supposé mort. Lorsque le cortège arriva à la hauteur de Jésus et de sa suite, la veuve et ses amis reconnurent le Maitre et le supplièrent de ramener le fils à la vie. Leur attente d'un miracle était portée à un tel degré qu'ils croyaient Jésus capable de guérir n'importe quelle maladie humaine ; pourquoi ce guérisseur ne pourrait-il pas aussi ressusciter les morts ? Importuné de la sorte, Jésus s'avança, souleva le drap qui couvrait la civière et examina le garçon. Il découvrit que le jeune homme n'était pas réellement mort et perçut la tragédie que sa présence pouvait éviter. Il se tourna donc vers la mère et dit : « Ne pleure pas. Ton fils n'est pas mort ; il dort. Il te sera rendu. » Puis il prit le jeune homme par la main et dit : « Réveille-toi et lève-toi. » Et le garçon censément mort ne tarda pas à s'assoir et à parler, et Jésus renvoya chacun chez soi.

146:6.3 Jésus s'efforça de calmer la multitude et tenta vainement d'expliquer que le garçon n'était pas réellement mort, qu'il ne l'avait pas ramené de la tombe, mais tout fut inutile. La foule qui le suivait et tout le village de Naïn furent excités, au plus haut degré, de frénésie émotive. Beaucoup furent saisis de peur, d'autres de panique, tandis que d'autres se mettaient à prier et à se lamenter sur leurs péchés. On ne put disperser que longtemps après la tombée de la nuit la foule qui poussait des clameurs. Bien entendu, malgré l'affirmation de Jésus que le garçon n'était pas mort, tout le monde répéta avec insistance qu'un miracle avait eu lieu et que le mort avait été ressuscité. Jésus eut beau leur dire que le garçon était simplement dans un état de profond sommeil, ils expliquèrent que c'était sa manière de parler et attirèrent l'attention sur le fait que sa grande modestie l'incitait toujours à dissimuler ses miracles.

146:6.4 La nouvelle que Jésus avait ressuscité d'entre les morts le fils de la veuve se répandit donc dans toute la Galilée et en Judée, et un grand nombre de ceux qui l'apprirent y crurent. Jamais Jésus ne réussit à faire entièrement comprendre, même à tous ses apôtres, que le fils de la veuve n'était pas réellement mort au moment où il l'invita à se réveiller et à se lever. Toutefois, Jésus les convainquit suffisamment pour faire supprimer l'épisode dans tous les écrits ultérieurs, sauf dans l'évangile de Luc qui le raconta tel qu'on le lui avait rapporté. De nouveau, Jésus fut tellement assiégé en tant que guérisseur qu'il partit de bonne heure le lendemain matin pour Endor.

146.7  À Endor

146:7.1 À Endor, Jésus échappa, pour quelques jours, aux clameurs des foules réclamant la guérison physique. Durant le séjour en ce lieu, le Maitre raconta, pour l'instruction des apôtres, l'histoire du roi Saül et de la sorcière d'Endor. Jésus exposa clairement à ses apôtres que les médians égarés et rebelles qui avaient si souvent personnifié les supposés esprits des morts, seraient bientôt maitrisés, de sorte qu'ils ne pourraient plus accomplir ces actes étranges. Il dit à ses disciples qu'après son retour auprès du Père, et après que le Père et lui auraient répandu leur esprit sur toute chair, ces êtres semi-spirituels - appelés esprits impurs - ne pourraient plus posséder les mortels ayant l'intelligence débile et tournée vers le mal.

146:7.2 Jésus expliqua en outre à ses apôtres que les esprits des humains trépassés ne reviennent pas sur le monde de leur origine pour communiquer avec les vivants. C'est seulement après l'écoulement d'un âge dispensationnel qu'il serait possible à l'esprit en évolution progressive de l'homme mortel de revenir sur terre, et, même alors, ce ne serait que dans des cas exceptionnels et en tant qu'agent de l'administration spirituelle de la planète.

146:7.3 Après deux jours de repos, Jésus dit à ses apôtres : « Retournons demain matin à Capharnaüm pour y demeurer et y enseigner pendant que les environs se calment. Entre temps, chez nous, ils se seront déjà partiellement remis de cette sorte d'excitation. »

147. L'Intermède de la Visite à Jérusalem

147:0.1 JÉSUS et les apôtres arrivèrent à Capharnaüm le mercredi 17 mars et passèrent deux semaines à leur quartier général de Bethsaïde avant de partir pour Jérusalem. Pendant ces deux semaines, les apôtres enseignèrent le peuple au bord de la mer, tandis que Jésus passait beaucoup de temps seul, dans les collines, à s'occuper des affaires de son Père. Au cours de cette période, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean Zébédée, fit deux voyages secrets à Tibériade où ils rencontrèrent les croyants et les instruisirent dans l'évangile du royaume.

147:0.2 De nombreux membres de la maison d'Hérode croyaient en Jésus et assistèrent à ces réunions. Ce fut l'influence de ces croyants parmi la famille officielle d'Hérode qui avait contribué à diminuer l'inimitié de ce chef envers Jésus. Ces croyants de Tibériade avaient clairement expliqué à Hérode que le « royaume » proclamé par Jésus était de nature spirituelle, et non une aventure politique. Hérode avait tendance à croire ces membres de sa propre maison ; il ne se laissa donc pas indument alarmer par la large diffusion des rapports concernant les enseignements et les guérisons de Jésus. Il n'avait pas d'objections contre les activités de Jésus en tant que guérisseur ou instructeur religieux. Nonobstant l'attitude favorable de bien des conseillers d'Hérode, et même d'Hérode en personne, un certain nombre de ses subordonnés étaient tellement influencés par les chefs religieux de Jérusalem qu'ils restaient des ennemis acharnés et menaçants de Jésus et des apôtres ; plus tard, ce groupe contribua beaucoup à gêner leurs activités publiques. C'étaient les chefs religieux de Jérusalem, et non Hérode, qui constituaient le plus grand danger pour Jésus. Et ce fut précisément pour cette raison que Jésus et les apôtres passèrent tant de temps en Galilée et y firent la plus grande partie de leur enseignement public, plutôt qu'à Jérusalem et en Judée.

147.1  Le Serviteur du Centurion

147:1.1 La veille du jour où ils se préparaient à partir pour la fête de la Pâque à Jérusalem, Mangus, un centurion ou capitaine de la garde romaine stationnée à Capharnaüm, vint trouver les chefs de la synagogue en disant : « Mon fidèle ordonnance est malade et à l'article de la mort. Voudriez-vous aller voir Jésus de ma part et le supplier de guérir mon serviteur ? » Le capitaine romain agissait ainsi parce qu'il croyait que les dirigeants juifs auraient plus d'influence sur Jésus. Les anciens allèrent donc trouver Jésus, et leur porte-parole lui dit : « Maitre, nous te demandons instamment de te rendre à Capharnaüm et de sauver le serviteur favori du centurion romain. Ce capitaine est digne de ton attention, car il aime notre nation, et c'est même lui qui a fait bâtir la synagogue où tu as si souvent pris la parole. »

147:1.2 Après les avoir entendus, Jésus leur dit : « Je vais vous accompagner. » Alors qu'il se rendait à la maison du centurion et avant que la compagnie ne soit entrée dans sa cour, le soldat romain envoya ses amis pour accueillir Jésus avec instruction de lui dire : « Seigneur, ne prends pas la peine d'entrer dans ma maison, car je ne suis pas digne que tu viennes sous mon toit. Je ne me suis pas non plus estimé digne de venir moi-même à toi, et c'est pourquoi je t'ai envoyé les anciens de ton propre peuple. Mais je sais que tu peux prononcer la parole à l'endroit où tu te trouves et que mon serviteur sera guéri. Car je suis moi-même sous les ordres d'autrui, et j'ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l'un d'aller et il va ; à un autre de venir, et il vient ; et à mes serviteurs de faire ceci ou cela, et ils le font. »

147:1.3 Lorsque Jésus entendit ces paroles, il se tourna vers ses apôtres et vers ceux qui les accompagnaient, et leur dit : « Je suis émerveillé de la croyance de ce Gentil. En vérité, en vérité, je vous le dis, je n'ai trouvé nulle part une si grande foi, non, pas même en Israël. » Jésus tourna ensuite le dos à la maison et dit : « Allons-nous-en. » Les amis du centurion entrèrent dans la maison et répétèrent à Mangus ce que Jésus avait dit. À partir de cet instant, le serviteur commença à se rétablir et retrouva finalement sa santé normale et ses capacités.

147:1.4 Nous n'avons jamais su exactement ce qui s'était passé en cette occasion. Nous relatons simplement l'histoire. Quant à savoir si des êtres invisibles apportèrent, ou non, la guérison au serviteur du centurion, cela ne fut pas révélé aux accompagnateurs de Jésus. Nous connaissons seulement le fait que le serviteur fut complètement rétabli.

147.2  Le Voyage à Jérusalem

147:2.1 De bonne heure dans la matinée du mardi 30 mars, Jésus et le groupe apostolique partirent pour assister à la Pâque à Jérusalem en prenant l'itinéraire de la vallée du Jourdain. Ils arrivèrent dans l'après-midi du vendredi 2 avril et établirent, comme d'habitude, leur quartier général à Béthanie. En passant à Jéricho, ils firent une pause pendant que Judas déposait une partie de leurs fonds communs à la banque d'un ami de sa famille. C'était la première fois que Judas transportait un excédent d'argent. Le dépôt resta intact jusqu'au moment où le groupe repassa par Jéricho, au cours de son dernier et mémorable voyage à Jérusalem, juste avant le jugement et la mort de Jésus.

147:2.2 Le trajet jusqu'à Jérusalem se passa sans incident, mais à peine le groupe s'était-il installé à Béthanie que, de loin et de près, commencèrent à s'assembler des gens qui cherchaient la guérison pour leur corps, la consolation pour leur mental troublé et le salut pour leur âme. Leur nombre était tel que Jésus n'avait guère le temps de se reposer. Son groupe alla donc planter ses tentes à Gethsémani, et le Maitre fit la navette entre Béthanie et Gethsémani pour éviter les foules qui le pressaient constamment. Ils passèrent près de trois semaines à Jérusalem, mais Jésus enjoignit ses apôtres de ne pas prêcher en public et de se limiter à l'enseignement privé et au travail personnel.

147:2.3 Ils célébrèrent paisiblement la Pâque à Béthanie, et ce fut la première fois que Jésus et les douze au complet mangèrent la Pâque sans effusion de sang. Les apôtres de Jean ne mangèrent pas la Pâque avec Jésus et ses apôtres ; ils célébrèrent la fête avec Abner et un grand nombre des premiers croyants aux prédications de Jean. C'était la seconde Pâque que Jésus observait avec ses apôtres à Jérusalem.

147:2.4 Quand Jésus et les douze repartirent pour Capharnaüm, les apôtres de Jean ne revinrent pas avec eux. Ils restèrent à Jérusalem et aux environs sous la direction d'Abner, travaillant tranquillement à l'expansion du royaume, tandis que Jésus et les douze retournaient oeuvrer en Galilée. Jamais plus les vingt-quatre ne furent tous réunis jusqu'au moment précédant de peu celui où les soixante-dix évangélistes reçurent leur mission et leur ordre de départ. Mais les deux groupes s'entraidaient et restaient dans les meilleurs termes malgré leurs divergences d'opinion.

147.3  À la Piscine de Béthesda

147:3.1 L'après-midi de leur second sabbat à Jérusalem, tandis que le Maitre et les apôtres allaient participer aux offices du temple, Jean dit à Jésus : « Viens avec moi, je voudrais te montrer quelque chose. » Jean fit sortir Jésus par l'une des portes de Jérusalem et le conduisit à une piscine appelée Béthesda. Sur ses bords, on avait édifié cinq porches, sous lesquels un grand nombre de malades trainaient en quête de guérison. Cette piscine était une source chaude dont les eaux rougeâtres bouillonnaient à des intervalles irréguliers par suite d'accumulations de gaz dans les cavernes rocheuses sous-jacentes. La perturbation périodique des eaux chaudes était considérée par beaucoup comme due à des influences surnaturelles, et la croyance populaire affirmait que la première personne entrant dans l'eau après une perturbation serait guérie de ses infirmités quelles qu'elles soient.

147:3.2 Sous l'effet des restrictions imposées par Jésus, les apôtres étaient quelque peu agités, et cette contrainte rendait Jean, le plus jeune des douze, particulièrement nerveux. Il avait amené Jésus à la piscine en pensant que la vue des malades assemblés ferait un tel appel à la compassion du Maitre, qu'il serait poussé à accomplir une guérison miraculeuse, et qu'ainsi tout Jérusalem serait stupéfait et amené à croire à l'évangile du royaume. Jean dit à Jésus : « Maitre, regarde tous ces gens qui souffrent ; n'y a-t-il rien que nous puissions faire pour eux ? » Jésus répondit : « Jean, pourquoi me soumets-tu à la tentation de m'écarter du chemin que j'ai choisi ? Pourquoi persistes-tu dans ton désir de substituer l'accomplissement de prodiges et la guérison des malades à la proclamation de l'évangile de la vérité éternelle ? Mon fils, il ne m'est pas permis de faire ce que tu désires, mais rassemble ces malades et ces affligés pour que je leur adresse des paroles d'encouragement et de consolation éternelle. »

147:3.3 S'adressant à ceux qui s'étaient rassemblés, Jésus dit : « Beaucoup d'entre vous sont ici, malades et affligés, parce que vous avez vécu de longues années dans de mauvaises voies. Les uns souffrent des accidents du temps, d'autres par suite des fautes de leurs ancêtres, alors que certains d'entre vous luttent sous les handicaps des conditions imparfaites de votre existence temporelle. Mais mon Père travaille, et je voudrais travailler aussi, à améliorer votre condition terrestre, et plus spécialement à assurer votre statut éternel. Aucun de nous ne peut largement contribuer à aplanir les difficultés de la vie, à moins de découvrir que le Père qui est aux cieux le veut ainsi. Après tout, nous sommes tous tenus de faire la volonté de l'Éternel. Si vous pouviez tous être guéris de vos afflictions physiques, vous vous émerveilleriez certainement, mais il est encore plus important que vous soyez purifiés de toute maladie spirituelle et que vous vous trouviez guéris de toutes les infirmités morales. Vous êtes tous les enfants de Dieu ; vous êtes les fils du Père céleste. Les liens du temps peuvent paraître vous affliger, mais le Dieu de l'éternité vous aime. Quand viendra le moment du jugement, ne craignez pas ; vous trouverez tous, non seulement la justice, mais une abondante miséricorde. En vérité, en vérité, je vous le dis : Quiconque entend l'évangile du royaume, et croit à cet enseignement de la filiation avec Dieu, possède la vie éternelle. Déjà ces croyants passent du jugement et de la mort à la lumière et à la vie. Et l'heure arrive où même ceux qui sont dans les tombes entendront la voix de la résurrection. »

147:3.4 Beaucoup de ceux qui l'entendirent crurent à l'évangile du royaume. Certains affligés furent tellement inspirés et spirituellement revivifiés qu'ils allèrent de ci de là en proclamant qu'ils avaient également été guéris de leurs maux physiques.

147:3.5 Un homme qui avait été déprimé durant de longues années et gravement atteint de troubles mentaux se réjouit aux paroles de Jésus. Il ramassa son lit et rentra chez lui, bien que ce fût un jour de sabbat. Durant des années, cet homme avait attendu que quelqu'un l'aide. Il était tellement victime du sentiment de sa propre impuissance qu'il n'avait pas eu une seule fois l'idée de s'aider lui-même ; or, c'était la seule chose qu'il avait à faire pour se remettre - ramasser son lit et marcher.

147:3.6 Jésus dit alors à Jean : « Partons d'ici avant que les chefs des prêtres et les scribes ne nous surprennent et ne s'offensent de ce que nous avons adressé des paroles de vie à ces affligés. » Ils retournèrent au temple rejoindre leurs compagnons, et bientôt ils partirent tous passer la nuit à Béthanie. Jean ne raconta jamais aux autres apôtres la visite qu'il avait faite avec Jésus, ce samedi après-midi, à la piscine de Béthesda.

147.4  La Règle de Vie

147:4.1 Le soir de ce même jour de sabbat, à Béthanie, tandis que Jésus, les douze et un groupe de croyants étaient réunis autour du feu dans le jardin de Lazare, Nathanael posa à Jésus la question suivante : « Maitre, bien que tu nous aies appris la version positive de l'ancienne règle de vie nous commandant de faire aux autres ce que nous voudrions qu'ils nous fassent, je ne vois pas très bien comment nous pouvons toujours obéir à une telle injonction. Permets-moi d'illustrer ma question en citant l'exemple d'un homme sensuel qui regarde, avec lubricité, la partenaire qu'il a l'intention d'associer à son péché. Comment pouvons-nous enseigner que cet homme mal intentionné devrait faire aux autres ce qu'il voudrait qu'on lui fasse ? »

147:4.2 Lorsque Jésus entendit la question de Nathanael, il se leva immédiatement, montra l'apôtre du doigt et dit : « Nathanael, Nathanael ! Quelles tournures de pensées entretiens-tu dans ton coeur ? Ne reçois-tu pas mes enseignements comme un homme né de l'esprit ? N'entendez-vous pas la vérité comme des hommes sages et spirituellement intelligents ? Quand je vous ai recommandé de faire à autrui ce que vous voudriez que l'on vous fasse, je parlais à des hommes ayant un idéal élevé, et non à ceux qui seraient tentés de déformer mon enseignement et de le transformer en licence pour encourager les mauvaises actions. »

147:4.3 Quand le Maitre eut ainsi parlé, Nathanael se leva et dit : « Maitre, il ne faut pas croire que j'approuve une telle interprétation de ton enseignement. J'ai posé cette question parce que j'ai supposé que beaucoup d'hommes de ce genre pourraient méjuger ainsi tes recommandations, et j'espérais que tu complèterais tes instructions sur ce point. » Après que Nathanael se fut rassis, Jésus poursuivit : « Je sais bien, Nathanael, que ton mental n'approuve aucune mauvaise idée de cette sorte, mais je suis déçu de voir que vous n'arrivez pas à donner une interprétation purement spirituelle à mes enseignements courants, instructions que je dois vous donner en langage humain et à la façon dont les hommes doivent parler. Laissez-moi maintenant vous apprendre les divers niveaux de signification attachés à l'interprétation de cette règle de vie, à cette recommandation de `faire aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fassent' :

147:4.4 « 1. Le niveau charnel. Cette interprétation purement égoïste et lascive trouve un bon exemple dans l'hypothèse de ta question.

147:4.5 « 2. Le niveau sentimental. Ce plan se situe immédiatement au-dessus de celui de la chair ; il implique que la sympathie et la pitié rehaussent votre interprétation de cette règle de vie.

147:4.6 « 3. Le niveau mental. La raison du mental et l'intelligence de l'expérience entrent maintenant en jeu. Un bon jugement dicte qu'une telle règle de vie devrait être interprétée en harmonie avec l'idéalisme le plus élevé concrétisé dans la noblesse d'un profond respect de soi.

147:4.7 « 4. Le niveau de l'amour fraternel. En s'élevant encore, on découvre le niveau de dévouement désintéressé au bien-être de ses semblables. Ce plan supérieur de service social sincère est issu de la conscience de la paternité de Dieu et de la récognition corollaire de la fraternité des hommes. On y découvre une interprétation nouvelle et beaucoup plus belle de cette règle de vie fondamentale.

147:4.8 « 5. Le niveau moral. Ensuite, quand vous atteindrez de véritables niveaux philosophiques d'interprétation, quand vous apercevrez réellement et clairement ce qui est bien et mal dans les évènements, quand vous percevrez l'éternel à-propos des relations humaines, vous commencerez à considérer un tel problème d'interprétation comme vous imagineriez qu'une tierce personne de haut niveau mental, idéaliste, sage et impartiale considérerait et interprèterait une telle injonction appliquée à vos problèmes personnels d'ajustement aux circonstances de la vie.

147:4.9 « 6. Le niveau spirituel. En dernier lieu, nous atteignons le niveau de clairvoyance d'esprit et d'interprétation spirituelle, le plus élevé de tous. Il nous pousse à reconnaître, dans cette règle de vie, le divin commandement de traiter tous les hommes comme nous concevrions que Dieu les traiterait. Tel est l'idéal universel des relations humaines, et telle est aussi votre attitude envers tous ces problèmes quand votre suprême désir est de toujours faire la volonté du Père. Je voudrais donc que vous fassiez à tous les hommes ce que vous savez que je ferais pour eux dans des circonstances semblables. »

147:4.10 Rien de ce que Jésus avait dit jusqu'à ce jour aux apôtres ne les avait jamais étonnés davantage. Ils continuèrent à discuter les paroles du Maitre bien après qu'il se fut retiré. Nathanael mit du temps à se remettre de l'hypothèse que Jésus avait mal interprété l'esprit de sa question ; mais les autres furent plus que reconnaissants à leur collègue philosophe d'avoir eu le courage de poser une question incitant pareillement à réfléchir.

147.5  La Visite à Simon le Pharisien

147:5.1 Bien que Simon ne fut pas membre du sanhédrin juif, il était un pharisien influent de Jérusalem. Il croyait avec tiédeur à l'évangile. Au risque d'en être sévèrement critiqué, il osa inviter chez lui Jésus et ses associés personnels, Pierre, Jacques et Jean, pour un banquet. Simon avait observé le Maitre depuis longtemps ; il était très impressionné par ses enseignements, et encore plus par sa personnalité.

147:5.2 Les riches pharisiens pratiquaient l'aumône et ne fuyaient pas la publicité au sujet de leur philanthropie. Ils annonçaient même parfois, à son de trompette, la charité qu'ils se proposaient de faire à un mendiant. Quand ces pharisiens offraient un banquet à des hôtes distingués, ils avaient l'habitude de laisser ouvertes les portes de leur maison, de sorte que même les mendiants des rues pouvaient entrer ; ces mendiants se tenaient debout le long des murs de la salle, derrière les divans des dineurs, de manière à être en bonne place pour attraper les morceaux de nourriture que les participants au banquet pourraient leur lancer.

147:5.3 En cette occasion particulière, dans la maison de Simon, et parmi les gens qui venaient de la rue, il se trouva une femme de réputation douteuse qui s'était récemment mise à croire à la bonne nouvelle de l'évangile du royaume. Elle était bien connue dans tout Jérusalem comme l'ancienne tenancière d'une maison de prostitution, dite de grande classe, attenante à la cour des Gentils du temple. En acceptant l'enseignement de Jésus, elle avait fermé la maison où elle exerçait son vil métier et incité la majorité de ses pensionnaires à accepter l'évangile et à changer leur mode de vie. Malgré cela, elle était fort méprisée des pharisiens et obligée de porter ses cheveux flottants - le signe distinctif de la prostitution. Cette femme non dénommée avait apporté avec elle un grand flacon de lotion parfumée. Elle se tint derrière Jésus, allongé pour son repas, et commença à oindre ses pieds en les mouillant aussi de ses larmes de reconnaissance et en les essuyant avec ses cheveux. Lorsqu'elle eut terminé l'onction, elle continua à pleurer et à lui embrasser les pieds.

147:5.4 Voyant tout cela, Simon se dit en lui-même : « Si cet homme était un prophète, il saurait qui le touche ainsi et de quel genre de femme il s'agit, une pécheresse notoire. » Sachant ce qui se passait dans la pensée de Simon, Jésus prit la parole et dit : « Simon, il y a quelque chose que j'aimerais te dire. » Simon répondit : « Maitre, dis-le. » Alors, Jésus répondit : « Un riche prêteur d'argent avait deux débiteurs. L'un lui devait cinq-cents deniers, l'autre cinquante. Aucun des deux n'ayant de quoi le payer, il remit leur dette à tous deux. À ton avis, Simon, lequel des deux l'aimera le plus ? » Simon répondit : « Je suppose que c'est celui à qui il a remis le plus. » Et Jésus dit : « Tu as bien jugé. » Puis, montrant du doigt la femme, il poursuivit : « Simon, regarde bien cette femme. Je suis entré dans ta maison comme invité, et, cependant, tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds. Cette femme reconnaissante m'a lavé les pieds avec des larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de baiser d'accueil amical, mais cette femme, depuis qu'elle est entrée, n'a pas cessé de m'embrasser les pieds. Tu as négligé d'oindre d'huile ma tête, mais elle a oint mes pieds avec des lotions précieuses. Que signifie tout ceci ? Simplement que ses nombreux péchés lui ont été pardonnés, ce qui l'a conduite à beaucoup aimer. Ceux qui n'ont reçu qu'un peu de pardon n'aiment parfois qu'un peu. » Puis Jésus se retourna vers la femme, la prit par la main, la fit lever et dit : « En vérité, tu t'es repentie de tes péchés, et ils sont pardonnés. Ne te laisse pas décourager par l'attitude irréfléchie et inamicale de tes semblables ; va ton chemin dans la joie et la liberté du royaume des cieux. »

147:5.5 À l'audition de ces paroles, Simon et ses convives furent encore plus étonnés et commencèrent à chuchoter entre eux : « Qui est cet homme qui ose même pardonner les péchés ? » En les entendant murmurer ainsi, Jésus se retourna pour congédier la femme en disant : « Femme, va en paix, ta foi t'a sauvée. »

147:5.6 Lorsque Jésus se leva avec ses amis pour prendre congé, il se tourna vers Simon et dit : « Je connais ton coeur, Simon. Je sais combien tu es déchiré entre la foi et le doute, combien tu es bouleversé par la peur et troublé par l'orgueil, mais je prie pour toi, pour que tu t'abandonnes à la lumière et que, dans ta situation, tu subisses de puissantes transformations de mental et d'esprit, comparables aux prodigieux changements que l'évangile du royaume a déjà opérés dans le coeur de la convive qui n'était ni invitée ni bienvenue. Je vous déclare à tous que le Père a ouvert les portes du royaume céleste à tous ceux qui ont assez de foi pour y entrer. Nul homme et nulle association d'hommes ne peuvent fermer ces portes, même à l'âme la plus humble ou au pécheur supposé le plus flagrant de la terre, s'ils désirent sincèrement y entrer. » Puis Jésus, Pierre, Jacques et Jean prirent congé de leur hôte et allèrent rejoindre les autres apôtres au camp, dans le jardin de Gethsémani.

147:5.7 Le même soir, Jésus fit, aux apôtres, le mémorable discours sur la valeur relative du statut auprès de Dieu et du progrès dans l'ascension éternelle du Paradis. Jésus dit : « Mes enfants, s'il existe un véritable lien vivant entre l'enfant et le Père, l'enfant est certain de progresser continuellement vers les idéaux du Père. Il est vrai que les progrès de l'enfant peuvent d'abord être lents, mais ils n'en sont pas moins sûrs. La chose importante n'est pas tant la rapidité de vos progrès que leur certitude. Vos accomplissements actuels sont moins importants que le fait que la direction de vos progrès soit orientée vers Dieu. Ce que vous devenez, jour après jour, a infiniment plus d'importance que ce que vous êtes aujourd'hui.

147:5.8 « Cette femme convertie, que certains d'entre vous ont vue aujourd'hui chez Simon, vit actuellement sur un niveau très inférieur à celui de Simon et de ses associés bien intentionnés. Mais ces pharisiens sont occupés par le faux problème de l'illusion de franchir des cercles trompeurs par la pratique de services cérémoniels dépourvus de signification, tandis que cette femme est partie résolument sur la route longue et mouvementée de la recherche de Dieu ; son sentier vers le ciel n'est bloqué ni par l'orgueil spirituel ni par l'autosatisfaction morale. Humainement parlant, cette femme est beaucoup plus éloignée de Dieu que Simon, mais son âme suit un mouvement progressif ; elle est en route vers un but éternel. Cette femme porte en elle de prodigieuses possibilités spirituelles pour l'avenir. Certains d'entre vous peuvent ne pas se trouver à des niveaux réellement élevés d'âme et d'esprit, mais vous faites des progrès quotidiens vers Dieu sur le chemin vivant que votre foi a ouvert. Il y a, en chacun de vous, de prodigieuses possibilités pour l'avenir. Mieux vaut avoir une foi restreinte, mais vivante et croissante, que de posséder un puissant intellect avec ses réserves mortes de sagesse temporelle et d'incrédulité spirituelle. »

147:5.9 Jésus mit ses apôtres sérieusement en garde contre la folie de l'enfant de Dieu qui abuse de l'amour du Père. Il déclara que le Père céleste n'est pas un père négligent, relâché ou sottement indulgent, toujours prêt à excuser le péché et à pardonner l'insouciance. Il recommanda à ses auditeurs de ne pas appliquer, de façon erronée, son illustration du père et du fils de façon qu'elle fasse apparaître Dieu comme semblable à certains parents trop indulgents et dépourvus de sagesse qui conspirent, avec la folie de la terre, pour consommer la ruine morale de leur progéniture écervelée, et qui contribuent ainsi, certainement et directement, à démoraliser de bonne heure leurs propres enfants et à en faire des délinquants. Jésus dit : « Mon Père n'excuse pas avec indulgence les pratiques de ses enfants quand elles mènent à la destruction automatique de toute croissance morale et à la ruine de tout progrès spirituel. Ces pratiques coupables sont une abomination aux yeux de Dieu. »

147:5.10 Jésus assista à bien d'autres réunions et banquets semi-privés avec les grands et les humbles, avec les riches et les pauvres de Jérusalem, avant de partir finalement avec ses apôtres pour Capharnaüm. Beaucoup, en vérité, se mirent à croire à l'évangile du royaume et furent ensuite baptisés par Abner et ses associés restés en arrière pour soutenir les intérêts du royaume à Jérusalem et aux environs.

147.6  Le Retour à Capharnaüm

147:6.1 Au cours de la dernière semaine d'avril, Jésus et les douze quittèrent leur quartier général de Béthanie près de Jérusalem et commencèrent leur voyage de retour à Capharnaüm par la route de Jéricho et du Jourdain.

147:6.2 Les principaux prêtres et les chefs religieux des Juifs tinrent de nombreuses réunions secrètes pour décider du sort de Jésus. Ils étaient tous d'accord sur le point qu'il fallait faire quelque chose pour mettre fin à son enseignement, mais ils ne pouvaient s'entendre sur la méthode à employer. Ils avaient espéré que les autorités civiles disposeraient de Jésus de la manière dont Hérode avait mis fin à la carrière de Jean, mais ils découvrirent que Jésus dirigeait ses activités de telle sorte que les fonctionnaires romains n'étaient pas très alarmés par ses prédications. En conséquence, à une réunion tenue la veille du départ de Jésus pour Capharnaüm, ils décidèrent qu'il fallait l'appréhender sous l'inculpation d'une infraction religieuse et le faire juger par le sanhédrin. Une commission de six espions secrets fut donc nommée pour suivre Jésus et observer ses paroles et ses actes. Quand cette commission aurait accumulé suffisamment de preuves de blasphèmes et de violations de la loi, elle devait revenir à Jérusalem avec son rapport. Ces six Juifs rattrapèrent, à Jéricho, le groupe apostolique qui comptait une trentaine de membres. Sous prétexte qu'ils désiraient devenir des disciples, ils s'attachèrent à la famille des fidèles de Jésus et restèrent avec le groupe jusqu'au commencement de la seconde tournée de prédication en Galilée. Ensuite, trois d'entre eux retournèrent à Jérusalem pour soumettre leur rapport aux chefs des prêtres et au sanhédrin.

147:6.3 Pierre prêcha à la multitude assemblée au gué du Jourdain, et, le lendemain matin le groupe remonta le fleuve vers Amathus. Les apôtres voulaient se rendre directement à Capharnaüm, mais une foule si nombreuse se rassembla autour du gué qu'ils y restèrent trois jours à prêcher, à enseigner et à baptiser. Ils ne repartirent vers leur foyer que le premier mai de bonne heure dans la matinée. C'était un jour de sabbat. Les espions de Jérusalem étaient maintenant certains de pouvoir formuler leur première accusation contre Jésus - celle d'avoir violé le sabbat - car il avait la présomption de commencer son voyage le jour du sabbat. Mais ils allaient être déçus, car, juste avant le départ, Jésus appela André et lui donna, devant toute la compagnie, des instructions pour limiter le trajet à mille mètres, ce qui représentait la distance légale maximum pour un déplacement le jour du sabbat.

147:6.4 Toutefois, les espions n'eurent pas longtemps à attendre pour trouver l'occasion d'accuser Jésus et ses compagnons de violer le sabbat. Tandis que le groupe cheminait le long de la route étroite, il y avait des deux côtés, à portée de la main, du blé ondulant qui mûrissait, et certains apôtres, qui avaient faim, cueillirent des grains mûrs et les mangèrent. C'était la coutume pour les voyageurs de grappiller du blé en passant le long de la route, de sorte qu'aucune idée de mauvaise action ne s'attachait à cette manière de faire. Mais les espions saisirent cela comme prétexte pour attaquer Jésus. Quand ils virent André triturer les grains dans sa main, ils allèrent à lui en disant : « Ne sais-tu pas qu'il est illicite de cueillir et de triturer du blé le jour du sabbat ? » André répondit : « Mais nous avons faim et nous n'en triturons que juste assez pour nos besoins. Depuis quand est-ce un péché de manger du blé le jour du sabbat ? » Mais les pharisiens rétorquèrent : « Il n'y a rien de mal à en manger, mais tu violes la loi en cueillant le blé et en triturant les grains entre tes mains ; ton Maitre n'approuverait certainement pas ces agissements. » Alors, André dit : « S'il n'est pas contraire à la loi de manger les grains, leur trituration entre les mains ne représente guère plus de travail que leur mastication, qui est permise. Alors, pourquoi ergotez-vous sur de pareilles vétilles. » Lorsqu'André les traita d'ergoteurs, ils furent indignés et se précipitèrent vers Jésus, qui marchait à l'arrière en causant avec Matthieu ; ils protestèrent en disant : « Regarde, Maitre, tes apôtres font ce qui est illégal le jour du sabbat ; ils cueillent, triturent et mangent du blé. Nous sommes sûrs que tu vas leur ordonner de cesser. » Jésus répondit aux accusateurs : « Vous avez, en vérité, beaucoup de zèle pour la loi, et vous faites bien de vous rappeler le jour du sabbat pour le garder sanctifié. Mais n'avez-vous jamais lu dans les Écritures qu'un jour où David avait faim, il entra dans la maison de Dieu avec ses compagnons et mangea des pains de proposition que nul n'avait le droit de manger, sauf les prêtres ? Et David donna aussi de ce pain à ceux qui étaient avec lui. Et n'avez-vous pas lu dans notre loi qu'on a le droit de faire beaucoup de choses nécessaires le jour du sabbat ? Et ne vais-je pas vous voir, avant la fin de la journée, manger ce que vous avez emporté pour les besoins d'aujourd'hui ? Mes bons amis, vous avez raison d'être des zélateurs du sabbat, mais vous feriez mieux de veiller à la santé et au bien-être de vos semblables. Je déclare que le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat. Si vous êtes ici avec nous pour surveiller mes paroles, alors je proclamerai ouvertement que le Fils de l'Homme est maitre même du sabbat. »

147:6.5 Les pharisiens furent étonnés et confondus par ses paroles de discernement et de sagesse. Pendant le reste de la journée, ils se tinrent cois et n'osèrent plus poser de questions.

147:6.6 L'antagonisme de Jésus envers les traditions juives et les rites serviles était toujours positif ; il se traduisait par des actes et des affirmations. Le Maitre passait peu de temps à des critiques négatives. Il enseignait que ceux qui connaissent Dieu peuvent jouir de la liberté de vivre sans se tromper eux-mêmes par les licences du péché. Jésus dit aux apôtres : « Mes amis, si vous êtes éclairés par la vérité, et si vous savez réellement ce que vous faites, vous êtes bénis ; mais, si vous ne connaissez pas la voie divine, alors, vous êtes malheureux et vous violez déjà la loi. »

147.7  De retour à Capharnaüm

147:7.1 C'est vers midi le lundi 3 mai que Jésus et les douze arrivèrent, par le lac, à Bethsaïde, venant de Tarichée. Ils avaient voyagé par bateau pour échapper à ceux qui les accompagnaient ; mais, dès le lendemain, ceux-ci, y compris les espions officiels de Jérusalem, avaient rejoint Jésus.

147:7.2 Le mardi soir, alors que Jésus dirigeait l'une de ses conférences coutumières faites de questions et de réponses, le chef des six espions lui dit : « Je parlais aujourd'hui à l'un des disciples de Jean, ici présent, pour assister à ton enseignement, et nous n'arrivions pas à comprendre pourquoi tu ne commandes jamais à tes disciples de jeuner et de prier comme nous autres pharisiens nous jeunons, et comme Jean l'a recommandé à ses disciples. » Jésus se référa à une affirmation de Jean et répondit à l'interrogateur : « Les garçons d'honneur jeunent-ils pendant que le marié est avec eux ? Tant que l'époux est avec eux, ils ne peuvent guère jeuner. Mais le temps arrive où l'époux sera enlevé, et alors les garçons d'honneur jeuneront et prieront indubitablement. La prière est naturelle aux enfants de lumière, mais le jeûne ne fait pas partie de l'évangile du royaume des cieux. Je vous rappelle qu'un bon tailleur ne coud pas un morceau de drap neuf et non décati sur un vieil habit, de crainte qu'au moment où le morceau sera mouillé, il ne rétrécisse et ne produise une déchirure pire. Les hommes ne mettent pas non plus le vin nouveau dans de vieilles outres, de crainte que le vin nouveau ne fasse éclater les outres et que le vin et les outres ne soient perdus. Le sage met le vin nouveau dans des outres neuves. Mes disciples font donc preuve de sagesse en n'incorporant pas trop d'anciennes traditions dans le nouvel enseignement de l'évangile du royaume. Vous, qui avez perdu votre instructeur, vous pouvez à juste titre jeuner un certain temps. Le jeûne fait peut-être correctement partie de la loi de Moïse, mais, dans le royaume à venir, les fils de Dieu feront l'expérience d'être délivrés de la peur et de connaître la joie dans l'esprit divin. » En entendant ces paroles, les disciples de Jean furent réconfortés tandis que les pharisiens, eux, furent encore plus déconcertés.

147:7.3 Le Maitre mit ensuite ses auditeurs en garde contre la notion que tous les anciens enseignements devaient être entièrement remplacés par de nouvelles doctrines. Jésus dit : « Ce qui est ancien, mais vrai, doit demeurer. De même, ce qui est nouveau, mais faux, doit être rejeté. Ayez la foi et le courage d'accepter ce qui est nouveau et vrai. Rappelez-vous qu'il est écrit : `N'abandonne pas un vieil ami, car le nouveau ne lui est pas comparable. Un nouvel ami est comme un vin nouveau ; s'il devient vieux, tu le boiras avec bonheur.' »

147.8  La Fête de la Bonté Spirituelle

147:8.1 Cette nuit-là, longtemps après que les auditeurs habituels se furent retirés, Jésus continua à enseigner ses apôtres. Il commença cette instruction spéciale en citant le prophète Isaïe :

147:8.2 « `Pourquoi avez-vous jeuné ? Pour quelle raison affligez-vous votre âme, alors que vous persistez à trouver plaisir dans l'oppression de vos semblables et à vous délecter dans l'injustice ? Voici, vous jeunez pour pouvoir contester et discuter, et pour frapper du poing avec méchanceté. Mais ce n'est pas en jeunant de cette manière que vous ferez entendre votre voix au ciel.

147:8.3 « `Est-ce là le jeûne que j'ai choisi - un jour pour que l'homme afflige son âme ? Faut-il qu'il baisse la tête comme un roseau, qu'il se traine avec le sac et la cendre ? Oserez-vous appeler cela un jour de jeûne acceptable aux yeux du Seigneur ? Le jeûne que je choisirai n'est-il pas : rompre les chaines de l'iniquité, délier les noeuds des lourds fardeaux, renvoyer libres les opprimés et briser tous les jougs ? Ne consiste-t-il pas à partager mon pain avec l'affamé et à mener dans ma maison les pauvres qui errent sans asile ? Et, quand je verrai des gens nus, je les vêtirai.

147:8.4 « `Alors, ta lumière jaillira comme l'aurore et ta santé s'épanouira promptement. Ta droiture te précèdera et la gloire du Seigneur sera ton arrière-garde. Alors, tu feras appel au Seigneur, et il te répondra. Tu crieras, et il dira : Me voici. Il fera tout cela si tu t'abstiens d'opprimer, de condamner et de montrer de la vanité. Le Père désire plutôt que tu prodigues ton coeur aux affamés et tes soins aux âmes affligées ; alors, ta lumière brillera dans les ténèbres, et ton obscurité ressemblera au soleil de midi. Alors, le Seigneur te guidera continuellement, satisfaisant ton âme et renouvelant ta vigueur. Tu deviendras semblable à un jardin arrosé, à une source dont les eaux ne tarissent pas. Ceux qui font ces choses rétabliront les gloires ruinées ; ils relèveront les souches de nombreuses générations ; on les appellera les reconstructeurs des murs ébréchés, les rénovateurs des chemins sûrs que l'on peut fréquenter.' »

147:8.5 Ensuite, jusque tard dans la nuit, Jésus exposa à ses apôtres que c'était leur foi qui leur assurait la sécurité dans le royaume du présent et de l'avenir, et non l'affliction de leur âme ou le jeûne du corps. Il exhorta les apôtres à vivre au moins à la hauteur des idées du prophète de jadis ; il exprima l'espoir qu'ils progresseraient très loin, même au-delà des idéaux d'Isaïe et des anciens prophètes. Ses dernières paroles, cette nuit-là, furent les suivantes : « Grandissez en grâce par la foi vivante qui saisit le fait que vous êtes les fils de Dieu et qui reconnaît, en même temps, chaque homme comme un frère. »

147:8.6 Il était plus de deux heures du matin lorsque Jésus cessa de parler et que les auditeurs se séparèrent pour aller dormir.

148. La Formation d'Évangélistes à Bethsaïde

148:0.1 DU 3 MAI au 3 octobre de l'an 28, Jésus et le groupe apostolique résidèrent chez Zébédée à Bethsaïde. Durant ces cinq mois de la saison sèche, un vaste camp fut entretenu au bord de la Mer de Galilée, près de la maison de Zébédée, laquelle avait été considérablement agrandie pour loger la famille croissante de Jésus. Ce camp du bord de la mer fut occupé par une population constamment renouvelée de chercheurs de vérité, de candidats à la guérison et de fervents de curiosités, comptant de cinq-cents à quinze-cents personnes. David Zébédée, assisté des jumeaux Alphée, assurait la supervision générale de cette ville de toile. Ce campement était un modèle d'ordre, d'hygiène et de bonne administration générale. Les malades de différentes catégories étaient séparés, et surveillés par un médecin croyant, un Syrien nommé Elman.

148:0.2 Durant toute cette période, les apôtres allèrent à la pêche au moins un jour par semaine ; ils vendaient leur poisson à David pour la consommation du camp du bord de la mer. Les fonds ainsi récoltés étaient remis au trésorier du groupe. Les douze avaient la permission de passer une semaine par mois dans leur famille ou chez leurs amis.

148:0.3 André continuait à assumer la responsabilité générale des activités apostoliques, tandis que Pierre avait la charge complète de l'école des évangélistes. Le matin, les apôtres s'occupaient tous d'éduquer des groupes d'évangélistes. L'après-midi, maitres et élèves enseignaient le peuple. Après le repas du soir, et cinq jours par semaine, les apôtres dirigeaient des classes réservées aux questions et aux réponses, à l'intention des évangélistes. Une fois par semaine, Jésus présidait ces séances d'interrogations et répondait aux questions restées en suspens lors des sessions précédentes.

148:0.4 En cinq mois, plusieurs milliers de personnes passèrent par ce camp. On y voyait souvent des intéressés venant de toutes les parties de l'empire romain et des pays à l'est de l'Euphrate. Ce fut la plus longue période stable et bien organisée de l'enseignement du Maitre. La famille terrestre de Jésus passa la majeure partie de ce temps soit à Nazareth, soit à Cana.

148:0.5 Le camp n'était pas dirigé comme une communauté d'intérêts, à l'instar de la famille apostolique. David Zébédée géra cette grande ville de tentes de manière à en faire une entreprise autonome, bien que l'accès n'en ait jamais été refusé à personne. Ce camp constamment renouvelé était un facteur indispensable de l'école de Pierre pour la formation des évangélistes.

148.1  Une Nouvelle École des Prophètes

148:1.1 Pierre, Jacques et André formaient le comité désigné par Jésus pour admettre les candidats à l'école des évangélistes. Toutes les races et nationalités du monde romain, ainsi que celles de l'Orient jusqu'aux Indes, étaient représentées parmi les étudiants de cette nouvelle école des prophètes. Le programme consistait à apprendre et à exécuter. Ce que les étudiants apprenaient le matin, ils l'enseignaient à l'assemblée de l'après-midi au bord de la mer. Après le souper, ils discutaient librement des leçons du matin et des enseignements de l'après-midi.

148:1.2 Chaque instructeur apostolique enseignait son propre point de vue sur l'évangile du royaume. Ils ne s'efforçaient pas d'enseigner tous exactement de la même manière. Il n'y avait ni uniformisation ni formulation dogmatique des doctrines théologiques. Ils enseignaient tous la même vérité, mais chaque apôtre présentait sa propre interprétation personnelle de l'enseignement du Maitre. Jésus approuvait cette présentation des expériences personnelles diverses dans les choses du royaume. Lors de la séance hebdomadaire de questions, il harmonisait et coordonnait infailliblement les nombreux points de vue divergents sur l'évangile. Malgré ce grand degré de liberté personnelle en matière d'enseignement, Simon Pierre tendait à dominer la théologie de l'école des évangélistes. Après Pierre, c'était Jacques Zébédée qui exerçait la plus grande influence personnelle.

148:1.3 Les cent et quelques évangélistes instruits durant ces cinq mois au bord du lac représentaient la réserve d'où furent tirés plus tard (en dehors d'Abner et des apôtres de Jean) les soixante-dix éducateurs et prédicateurs de l'évangile. Les évangélistes de l'école ne mettaient pas tout en commun au même degré que les douze apôtres.

148:1.4 Ces évangélistes enseignèrent et prêchèrent l'évangile, mais ne baptisèrent pas les croyants avant la date, plus tardive, où Jésus leur conféra l'ordination et la mission d'être les soixante-dix messagers du royaume. Parmi le grand nombre de personnes qui avaient été guéries en cet endroit, lors de la scène au coucher du soleil, sept seulement devinrent des étudiants évangélistes. Le fils du noble de Capharnaüm comptait parmi ceux qui furent formés comme évangélistes à l'école de Pierre.

148.2  L'Hôpital de Bethsaïde

148:2.1 En liaison avec le camp du bord du lac, Elman, le médecin syrien, aidé de vingt-cinq jeunes femmes et de douze hommes, organisa et dirigea, durant quatre mois, ce que l'on peut considérer comme le premier hôpital du royaume. Dans cette infirmerie, située un peu au sud à quelque distance de la principale ville de tentes, ils traitèrent les malades selon toutes les méthodes matérielles connues, utilisant en même temps les pratiques spirituelles de la prière et l'encouragement par la foi. Jésus visitait, au moins trois fois par semaine, les malades de ce campement et prenait un contact personnel avec chacun d'eux. Autant que nous le sachions, nul prétendu miracle de guérison surnaturelle ne se produisit parmi les mille personnes affligées et souffrantes qui sortirent améliorées ou guéries de cette infirmerie. Toutefois, la grande majorité de ceux qui bénéficièrent de ce ministère ne cessèrent de proclamer que Jésus les avait guéris.

148:2.2 En vérité, un grand nombre de cures effectuées par Jésus, en liaison avec son ministère auprès des patients d'Elman, ressemblaient à des miracles. Mais nous avons été informés qu'elles étaient simplement des transformations de mental et d'esprit, comme il peut s'en produire, dans l'expérience de personnes expectantes et dominées par la foi, quand elles se trouvent sous l'influence immédiate et inspirante d'une forte personnalité, positive et bienveillante, dont le ministère bannit la peur et supprime l'anxiété.

148:2.3 Elman et ses associés s'efforcèrent d'enseigner à ces malades la vérité au sujet de la « possession par de mauvais esprits » , mais sans grand succès. La croyance que les maladies physiques et les dérangements mentaux pouvaient être causés par la présence d'esprits, dits impurs, dans le mental ou le corps de la personne atteinte, était à peu près universelle.

148:2.4 Dans tous ses contacts avec les malades et les affligés, quand on en venait à la technique du traitement ou à la révélation des causes inconnues de la maladie, Jésus tenait compte des instructions que son frère paradisiaque Emmanuel lui avait données avant qu'il ne s'engageât dans l'aventure de son incarnation sur Urantia. Malgré cela, ceux qui soignèrent les patients apprirent bien des leçons utiles en observant la manière dont Jésus inspirait la foi et la confiance aux malades et aux souffrants.

148:2.5 Le camp se dépeupla un peu avant l'approche de la saison des refroidissements et des fièvres.

148.3  Les Affaires du Père

148:3.1 Durant toute cette période, Jésus dirigea moins d'une douzaine de cérémonies publiques au campement ; il ne prit la parole qu'une seule fois dans la synagogue de Capharnaüm, le jour du second sabbat avant son départ avec les évangélistes nouvellement formés pour la seconde tournée de prédication publique en Galilée.

148:3.2 Jamais, depuis son baptême, le Maitre n'avait passé, dans la solitude, autant de temps que durant cette période de formation des évangélistes au camp de Bethsaïde. Toutes les fois qu'un apôtre s'aventurait à demander à Jésus pourquoi il les quittait si souvent, Jésus répondait invariablement qu'il s'occupait des « affaires du Père » .

148:3.3 Durant ses absences, Jésus n'était accompagné que par deux apôtres. Il avait libéré temporairement Pierre, Jacques et Jean de leur affectation comme compagnons personnels pour leur permettre de participer à la formation des nouveaux candidats évangélistes, dont le nombre dépassait la centaine. Quand le Maitre désirait aller dans les collines pour s'occuper des affaires du Père, il se faisait accompagner par deux quelconques des apôtres se trouvant libres. De la sorte, chacun des douze eut des occasions d'association étroite et de contact intime avec Jésus.

148:3.4 Bien que cela ne nous ait pas été révélé en vue du présent exposé, nous avons été amenés à conclure que, durant beaucoup de ces périodes de solitude dans les collines, le Maitre était en liaison directe et exécutive avec un grand nombre des principaux administrateurs des affaires de son univers. Depuis l'époque de son baptême, ce Souverain incarné de notre univers avait pris consciemment une part de plus en plus active à la direction de certaines phases de l'administration universelle. Nous avons toujours estimé que, durant ces semaines de moindre participation aux affaires terrestres, et d'une manière non révélée à ses compagnons immédiats, il s'occupait de diriger les hautes intelligences spirituelles chargées d'assumer la bonne marche d'un vaste univers, et que le Jésus humain avait choisi d'appeler « s'occuper des affaires de son Père » .

148:3.5 Durant ses longues heures de solitude, il arriva, maintes fois, que deux de ses apôtres se trouvèrent assez près de lui pour observer de rapides et multiples changements sur les traits de son visage, mais sans l'entendre prononcer aucune parole. De même, ils ne remarquèrent nulle manifestation visible d'êtres célestes susceptibles de communiquer avec leur Maitre, comme certains apôtres eurent l'occasion d'en voir plus tard.

148.4  Le Mal, le Péché et l'Iniquité

148:4.1 Dans un coin isolé et abrité du jardin de Zébédée, Jésus avait l'habitude de réserver deux soirées par semaine à des entretiens privés avec des personnes désireuses de lui parler. Au cours d'une de ces conversations du soir, Thomas posa au Maitre la question suivante : « Pourquoi est-il nécessaire que les hommes soient nés de l'esprit pour entrer dans le royaume ? La renaissance est-elle indispensable pour échapper au contrôle du malin ? Maitre, qu'est-ce que le mal ? » Après avoir entendu ces questions, Jésus dit à Thomas :

148:4.2 « Ne commets pas l'erreur de confondre le mal et le malin, qu'il serait plus exact d'appeler l'inique. Celui que tu appelles le malin est le fils de l'amour de soi, le haut administrateur qui se rebella délibérément contre l'autorité de mon Père et de ses Fils loyaux. J'ai déjà vaincu ces rebelles coupables. Clarifie dans ton mental les diverses attitudes envers le Père et son univers, et n'oublie jamais les lois suivantes réglant les rapports avec la volonté du Père :

148:4.3 « Le mal est la transgression inconsciente ou involontaire de la loi divine, de la volonté du Père. Le mal est également la mesure de l'imperfection avec laquelle on obéit à la volonté du Père.

148:4.4 « Le péché est la transgression consciente, connue et délibérée, de la loi divine, de la volonté du Père. Le péché mesure la mauvaise volonté à se laisser conduire divinement et diriger spirituellement.

148:4.5 « L'iniquité est la transgression volontaire, déterminée et persistante de la loi divine, de la volonté du Père. L'iniquité mesure le rejet continu de l'affectueux plan du Père pour la survie des personnalités, et du miséricordieux ministère de salut du Fils.

148:4.6 « Avant la re-naissance de l'esprit, l'homme mortel est sujet aux mauvaises tendances inhérentes à sa nature, mais ces imperfections naturelles de conduite ne sont ni le péché ni l'iniquité. Les mortels ne font que commencer leur longue ascension vers la perfection du Père au Paradis. Ce n'est pas un péché que d'être imparfait ou de n'avoir que des dons naturels partiels. Il est vrai que l'homme est soumis au mal, mais il n'est, en aucun sens, le fils du malin, à moins d'avoir sciemment et délibérément choisi les sentiers du péché et la vie d'iniquité. Le mal est inhérent à l'ordre naturel de ce monde, mais le péché est une attitude de rébellion consciente qui fut introduite dans le monde par ceux qui déchurent de la lumière spirituelle pour tomber dans de grossières ténèbres.

148:4.7 « Thomas, tu es troublé par les doctrines des Grecs et les erreurs des Persans. Tu ne comprends pas les relations entre le mal et le péché parce que tu considères l'humanité comme ayant commencé sur terre avec un Adam parfait, puis dégénéré rapidement, par le péché, jusqu'au déplorable état actuel des hommes. Mais pourquoi refuses-tu de comprendre la signification de l'histoire qui révèle comment Caïn, le fils d'Adam, alla dans le pays de Nod et s'y choisit une femme ? Et pourquoi refuses-tu d'interpréter la signification de l'histoire qui décrit les fils de Dieu prenant des femmes parmi les filles des hommes.

148:4.8 « Il est exact que le mal est dans la nature des hommes, mais ils ne sont pas nécessairement pécheurs. La nouvelle naissance - le baptême de l'esprit - est essentielle pour être délivré du mal et nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux, mais rien de cela n'infirme le fait que l'homme est fils de Dieu. La présence inhérente du mal potentiel ne signifie pas non plus que, d'une manière mystérieuse, l'homme soit séparé du Père qui est aux cieux, de sorte qu'il doive, en tant qu'étranger ou enfant d'un autre mariage, chercher de quelque manière à se faire adopter légalement par le Père. Toutes ces notions sont nées, en premier lieu, de votre mauvaise compréhension du Père, et, en second lieu, de votre ignorance sur l'origine, la nature et la destinée des hommes.

148:4.9 « Les Grecs et d'autres vous ont enseigné que l'homme descend continuellement de la perfection divine vers l'oubli ou la destruction. Je suis venu pour montrer que l'homme, en entrant dans le royaume, s'élève d'une façon sûre et certaine vers Dieu et la perfection divine. Tout être qui, d'une manière quelconque, ne satisfait pas aux idéaux divins et spirituels de la volonté du Père, est potentiellement mauvais, mais en aucun sens pécheur, et encore bien moins inique.

148:4.10 « Thomas, n'as-tu pas lu, à ce sujet, les passages des Écritures où il est dit : `Vous êtes les enfants du Seigneur votre Dieu.' `Je serai son Père et il sera mon fils.' `Je l'ai choisi pour être mon fils - je serai son Père.' `Amène mes fils de loin et mes filles des confins de la terre, et aussi tous ceux qui s'appellent de mon nom, car je les ai créés pour ma gloire.' `Vous êtes les fils du Dieu vivant.' `Ceux qui ont l'esprit de Dieu sont en vérité les fils de Dieu.' Alors que l'enfant terrestre contient une fraction matérielle de son père humain, il existe une fraction spirituelle du Père céleste dans chaque fils du royaume par la foi. »

148:4.11 Jésus exposa à Thomas toutes ces choses et encore bien d'autres, et l'apôtre en comprit une grande partie. Toutefois, Jésus lui recommanda « de ne pas parler aux autres de ces sujets avant que je ne sois retourné auprès du Père » . Et Thomas ne fit jamais mention de cet entretien avant que le Maitre n'eût quitté ce monde.

148.5  Le But de l'Affliction

148:5.1 Au cours d'un autre entretien privé dans le jardin, Nathanael demanda à Jésus : « Maitre, bien que je commence à saisir pourquoi tu refuses de guérir sans discrimination, j'ai encore de la peine à comprendre pourquoi le Père qui est aux cieux, qui nous aime, permet qu'un si grand nombre de ses enfants terrestres souffrent de tant d'afflictions. » Le Maitre répondit à Nathanael en disant :

148:5.2 « Toi et beaucoup d'autres, vous êtes ainsi perplexes parce que vous ne comprenez pas que l'ordre naturel de ce monde a été si souvent désorganisé par les aventures pécheresses de certains traitres rebelles à la volonté du Père. Je suis venu pour commencer à mettre ces choses en ordre, mais il faudra bien des âges pour réorienter cette partie de l'univers dans les anciennes voies et libérer ainsi les enfants des hommes des fardeaux supplémentaires du péché et de la rébellion. À elle seule, la confrontation avec le mal est une épreuve suffisante pour l'ascension de l'homme - le péché n'est pas essentiel à la survie.

148:5.3 « Mais, mon fils, tu devrais savoir que le Père n'afflige pas délibérément ses enfants. L'homme attire inutilement sur lui-même des afflictions par suite de son refus persistant de marcher dans les voies meilleures de la volonté divine. Les afflictions sont potentiellement contenues dans le mal, mais une grande partie d'entre elles résultent du péché et de l'iniquité. Bien des évènements anormaux se sont produits sur ce monde, et il n'est pas étonnant que tous les hommes qui réfléchissent soient perplexes devant les scènes de souffrance et d'affliction dont ils sont témoins. Vous pouvez toutefois être certains d'une chose, c'est que le Père n'envoie pas d'affliction à titre de châtiment arbitraire pour de mauvaises actions. Les imperfections et les handicaps du mal sont inhérents au mal lui-même ; la punition des péchés est inévitable ; les conséquences destructrices de l'iniquité sont inexorables. Les hommes ne doivent pas blâmer Dieu pour des maux résultant naturellement de la vie qu'ils ont choisi de vivre ; ils ne devraient pas non plus se plaindre des expériences qui font partie de la vie telle qu'elle est vécue sur ce monde. Le Père veut que les mortels travaillent avec persévérance et logique au perfectionnement de leur état sur terre. Une application intelligente devrait permettre aux hommes de triompher d'une grande partie de leurs misères sur terre.

148:5.4 « Nathanael, notre mission consiste à aider les hommes à résoudre leurs problèmes spirituels et à vivifier ainsi leur mental pour qu'ils soient mieux préparés et incités à s'occuper de résoudre leurs multiples problèmes matériels. Je sais que vous êtes embarrassés après avoir lu les Écritures. La tendance a trop souvent prévalu d'attribuer à Dieu la responsabilité de tout ce que les ignorants n'ont pas réussi à comprendre. Le Père n'est pas personnellement responsable de tout ce que vous ne comprenez pas. Ne doutez pas de l'amour du Père simplement parce qu'une loi juste et sage de ses ordonnances vous afflige pour avoir involontairement ou délibérément transgressé une ordonnance divine.

148:5.5 « Toutefois, Nathanael, bien des passages des Écritures t'auraient instruit si seulement tu les avais lus avec discernement. Ne te souviens-tu pas qu'il est écrit : `Mon fils, ne méprise pas le châtiment du Seigneur et ne te lasse pas de sa réprimande, car le Seigneur corrige celui qu'il aime comme un père corrige le fils en qui il se réjouit.' `Le Seigneur n'afflige pas volontiers.' `Avant d'être affligé, je m'étais égaré, mais maintenant j'observe la loi. L'affliction a été bonne pour moi, car elle m'a permis d'apprendre les statuts divins.' `Je connais vos chagrins. Le Dieu éternel est votre refuge et vous soutient de ses bras éternels.' `Le Seigneur est aussi un refuge pour les opprimés, un havre de repos dans les temps troublés.' `Le Seigneur fortifiera celui qui git sur le lit de l'affliction. Le Seigneur n'oubliera pas les malades.' `De même qu'un Père montre de la compassion à ses enfants, de même le Seigneur est compatissant pour ceux qui le craignent. Il connaît votre corps ; il se souvient que vous êtes poussière.' `Il guérit les coeurs brisés et panse leurs blessures.' `Il est l'espoir du pauvre, la force de l'indigent dans sa détresse, un refuge contre la tempête, une ombre qui protège de la chaleur suffocante.' `Il donne du pouvoir aux faibles et accroit la force de ceux qui ne disposent d'aucune puissance.' `Il ne brisera pas le roseau froissé et n'éteindra pas la mèche qui fume encore.' `Quand vous traverserez les eaux de l'affliction, je serai avec vous, et, quand les fleuves de l'adversité vous submergeront, je ne vous abandonnerai pas.' `Il m'a envoyé pour panser les coeurs brisés, pour proclamer la liberté aux captifs et pour consoler tous les endeuillés.' `La souffrance contient en soi un redressement ; l'affliction ne naît pas de la poussière.' »

148.6  Le Malentendu sur la Souffrance - Discours sur Job

148:6.1 Le même soir, à Bethsaïde, Jean demanda également à Jésus pourquoi un si grand nombre de personnes apparemment innocentes souffraient de tant de maladies et subissaient tant d'afflictions. En répondant aux questions de Jean, le Maitre donna, entre autres, les indications suivantes :

148:6.2 « Mon fils, tu ne comprends ni le sens de l'adversité ni la mission de la souffrance. N'as-tu pas lu ce chef-d'oeuvre de la littérature sémitique - l'histoire racontée dans les Écritures de l'affliction de Job ? Ne te souviens-tu pas que cette merveilleuse parabole commence par le récit de la prospérité matérielle du serviteur du Seigneur ? Tu te rappelles bien que Job jouissait de la bénédiction d'avoir des enfants, de la fortune, de la dignité, une situation , une bonne santé et tout le reste des choses auxquelles les hommes attachent de la valeur dans leur vie temporelle. Selon les enseignements traditionnellement respectés des enfants d'Abraham, cette prospérité matérielle était une preuve indiscutable de la faveur divine. Or, les possessions matérielles et la prospérité matérielle ne dénotent pas la faveur de Dieu. Mon Père qui est aux cieux aime les pauvres tout autant que les riches ; il ne fait pas acception de personnes.

148:6.3 « Bien que la transgression de la loi divine soit suivie tôt ou tard par la moisson du châtiment, et alors que les hommes doivent certainement récolter en fin de compte ce qu'ils ont semé, tu devrais savoir que les souffrances humaines ne représentent pas toujours une punition pour des péchés antérieurs. Ni Job ni ses amis ne trouvèrent la vraie réponse à leurs perplexités. Avec les lumières que tu as l'avantage de posséder maintenant, tu n'aurais guère l'idée d'attribuer à Dieu ou à Satan les rôles qu'ils jouent dans cette parabole extraordinaire. Job ne trouva pas, par la souffrance, la solution de ses soucis intellectuels ou de ses difficultés philosophiques, mais il gagna de grandes victoires. Même devant l'effondrement de ses défenses théologiques, il s'éleva aux hauteurs spirituelles où il put dire sincèrement : » Je m'abhorre moi-même. « Alors lui fut accordé le salut d'une vision de Dieu. Donc, même par des souffrances incomprises, Job s'éleva au niveau surhumain de compréhension morale et de clairvoyance spirituelle. Quand le serviteur souffrant obtient une vision de Dieu, il s'ensuit une paix qui surpasse toute compréhension humaine.

148:6.4 « Le premier ami de Job, Éliphaz, exhorta le malheureux à montrer, dans ses afflictions, la même force d'âme qu'il recommandait autour de lui à l'époque de sa prospérité. Ce faux consolateur dit : `Aie confiance en ta religion, Job. Souviens-toi que ce sont les méchants et non les justes qui souffrent. Tu dois mériter cette punition, car autrement tu ne serais pas affligé. Tu sais bien que nul homme ne peut être juste aux yeux de Dieu. Tu sais que les méchants ne prospèrent jamais réellement. Quoi qu'il en soit, l'homme paraît prédestiné à avoir des misères, et peut-être que le Seigneur te châtie seulement pour ton propre bien.' Il n'est guère étonnant que le pauvre Job ne fut guère consolé par cette interprétation du problème de la souffrance humaine.

148:6.5 « Les conseils de son second ami, Bildad, furent encore plus déprimants, malgré leur justesse au point de vue de la théologie alors acceptée. Bildad dit : `Dieu ne peut être injuste. Tes enfants doivent avoir été des pécheurs, puisqu'ils ont péri. Tu dois être dans l'erreur, car autrement tu ne serais pas affligé ainsi. Si tu es réellement juste, Dieu te délivrera certainement de tes afflictions. L'histoire des rapports de Dieu avec les hommes devraient t'apprendre que le Tout-Puissant ne détruit que les méchants.'

148:6.6 « Ensuite, tu te rappelles comment Job répondit à ses amis en disant : `Je sais bien que Dieu n'entend pas mon appel au secours. Comment Dieu peut-il être juste et en même temps méconnaître si complètement mon innocence ? J'apprends que je ne peux tirer aucune satisfaction d'un appel au Tout-Puissant. Ne pouvez-vous discerner que Dieu tolère la persécution des bons par les méchants ? Et, puisque l'homme est si faible, quelle chance a-t-il de trouver de la considération auprès d'un Dieu omnipotent ? Dieu m'a fait tel que je suis et, quand il se retourne ainsi contre moi, je suis sans défense. Pourquoi Dieu m'a-t-il créé simplement pour souffrir de cette misérable façon ?'

148:6.7 « Qui peut critiquer le comportement de Job, vu les conseils de ses amis et les idées erronées sur Dieu qui occupaient son propre mental ? Ne vois-tu pas que Job désirait ardemment un Dieu humain ? Il avait soif de communier avec un Être divin qui connaisse l'état mortel des hommes et comprenne que les justes doivent souvent souffrir dans l'innocence ; cette souffrance fait partie de leur première vie au cours de la longue ascension du Paradis. C'est pourquoi le Fils de l'Homme est venu de chez le Père pour vivre une vie incarnée capable de réconforter et de secourir tous ceux qui vont désormais être appelés à endurer les afflictions de Job.

148:6.8 « Le troisième ami de Job, Zophar, lui adressa des paroles encore moins consolantes lorsqu'il lui dit : `Tu es stupide de prétendre que tu es juste, puisque tu es ainsi affligé. Mais j'admets que les voies de Dieu sont incompréhensibles. Peut-être y a-t-il un dessein caché dans toutes tes misères.' Après avoir écouté ses trois amis, Job appela directement Dieu au secours, plaidant le fait que `l'homme, né de femme, a peu de jours à vivre et qu'il est rassasié de misères.'

148:6.9 « Puis commença la seconde séance avec ses amis. Éliphaz devint plus sévère, accusateur et sarcastique. Bildad s'indigna du mépris de Job pour ses amis. Zophar réitéra ses conseils mélancoliques. Alors, Job fut dégouté de ses amis et fit à nouveau appel à Dieu ; cette fois, il fit appel à un Dieu juste, contre le Dieu d'injustice incorporé dans la philosophie de ses amis et inclus dans l'attitude religieuse de Job lui-même. Ensuite, Job se réfugia dans la consolation d'une vie future dans laquelle les injustices de l'existence terrestre pourraient être plus équitablement rectifiées. Faute de recevoir de l'aide des hommes, Job est poussé vers Dieu. La grande lutte entre la foi et le doute s'ensuit dans son coeur. Finalement, l'affligé humain commence à apercevoir la lumière de la vie ; son âme torturée s'élève à de nouvelles hauteurs d'espérance et de courage ; il peut continuer à souffrir et même mourir, mais son âme illuminée pousse maintenant le cri de triomphe : `Mon Justificateur est vivant. !'

148:6.10 « Job avait entièrement raison lorsqu'il mit en doute la doctrine selon laquelle Dieu afflige les enfants pour punir leurs parents. Job était toujours prêt à admettre que Dieu est juste, mais il désirait ardemment une révélation du caractère personnel de l'Éternel qui satisfasse l'âme. Or, telle est notre mission sur terre. Les mortels souffrants ne se verront plus refuser la consolation de connaître l'amour de Dieu et de comprendre la miséricorde du Père céleste. Le discours de Dieu `dans le tourbillon' était une conception majestueuse pour l'époque où il fut proféré, mais tu as déjà appris que ce n'est pas la manière dont le Père se révèle ; il parle plutôt dans le coeur humain comme une petite voix tranquille disant : `Voilà le chemin ; suis-le.' Ne comprends-tu pas que Dieu habite en toi, qu'il est devenu ce que tu es pour pouvoir faire de toi ce qu'il est ! »

148:6.11 Jésus fit ensuite l'exposé final suivant : « Le Père qui est aux cieux n'afflige pas volontairement les enfants des hommes. Les hommes souffrent en premier lieu des accidents du temps et des imperfections du mal attachés à une existence physique encore dépourvue de maturité. En second lieu, ils souffrent des conséquences inexorables du péché - de la transgression des lois de la lumière et de la vie. Finalement, les hommes récoltent la moisson de leur propre persistance inique dans la rébellion contre la juste souveraineté du ciel sur la terre, mais leurs misères ne sont pas infligées personnellement par le jugement divin. Les hommes peuvent faire et feront beaucoup pour diminuer leurs souffrances temporelles. Sois délivré une fois pour toutes de la superstition que Dieu afflige les hommes sur ordre du malin. Étudie le Livre de Job simplement pour découvrir le nombre d'idées fausses sur Dieu que même des hommes de bien peuvent concevoir sincèrement ; ensuite, remarque comment Job, même douloureusement éprouvé, trouva le Dieu de consolation et de salut malgré ces enseignements erronés. À la fin, sa foi perça les nuages de la souffrance pour discerner la lumière de la vie répandue par le Père en tant que miséricorde curative et droiture éternelle. »

148:6.12 Jean médita ces explications dans son coeur pendant de longs jours. Cette conversation dans le jardin avec le Maitre provoqua un changement notable dans toute sa vie ultérieure. Plus tard, Jean contribua beaucoup à faire changer le point de vue des autres apôtres au sujet de la source, de la nature et du but des afflictions humaines ordinaires. Mais Jean ne parla jamais de cet entretien avant que le Maitre les eût quittés.

148.7  L'Homme à la Main Desséchée

148:7.1 Lors de l'avant-dernier sabbat avant le départ des apôtres et du nouveau corps d'évangélistes pour leur seconde tournée de prédication en Galilée, Jésus prit la parole à la synagogue de Capharnaüm sur les « Joies de la vie de droiture » . Lorsqu'il eut fini de parler, un groupe nombreux d'estropiés, de boiteux, de malades et d'affligés afflua autour de lui pour chercher la guérison. Mêlés à ce groupe, se trouvaient aussi les apôtres, un bon nombre des nouveaux évangélistes et les espions pharisiens de Jérusalem. Où que Jésus allât (sauf dans les collines pour s'occuper des affaires de son Père) on était sûr de voir les six espions de Jérusalem le suivre.

148:7.2 Tandis que le Maitre parlait au peuple, le chef des espions pharisiens incita un homme ayant une main desséchée à s'approcher de Jésus pour lui demander s'il était licite d'être guéri le jour du sabbat, ou s'il devait attendre un autre jour pour chercher secours. Quand Jésus vit l'homme, entendit ses paroles et perçut qu'il avait été envoyé par les pharisiens, il dit : « Avance-toi pour que je te pose une question. Si tu avais une brebis et qu'elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, étendrais-tu la main pour la saisir et la retirer de la fosse ? Est-il licite de faire de telles choses le jour du sabbat ? » Et l'homme répondit : « Oui, Maitre, il serait licite de faire cette bonne action le jour du sabbat. » Alors Jésus s'adressa à tout l'auditoire en disant : « Je sais pourquoi vous avez envoyé cet homme en ma présence. Vous voudriez trouver un motif pour m'inculper en me tentant de faire preuve de miséricorde le jour du sabbat. Par votre consentement tacite, vous avez tous estimé qu'il était licite de retirer de la fosse la malheureuse brebis, même le jour du sabbat. Je vous prends tous à témoins qu'il est licite de montrer une affectueuse bonté le jour du sabbat, non seulement envers les animaux, mais envers les hommes. Combien un homme a plus de valeur qu'une brebis ! Je proclame qu'il est légal de faire du bien aux hommes le jour du sabbat. » Puis, tandis que l'assemblée se tenait devant lui en silence, Jésus se tourna vers l'homme à la main desséchée et lui dit : « Tiens-toi debout à côté de moi pour que tout le monde puisse te voir. Et, maintenant, afin que tu saches que c'est la volonté de mon Père que l'on fasse du bien le jour du sabbat, et si tu as la foi pour être guéri, je te demande d'étendre ta main. »

148:7.3 Pendant que l'homme étendait sa main desséchée, elle fut rendue saine. Les spectateurs eurent envie de se retourner contre les pharisiens, mais Jésus les pria de rester calmes et dit : « Je viens de vous dire qu'il est permis de faire du bien le jour du sabbat, de sauver une vie, mais je ne vous ai pas commandé de faire du mal et de céder au désir de tuer. » Les pharisiens s'en allèrent irrités et, bien que ce fût le jour du sabbat, ils se rendirent en hâte à Tibériade pour prendre conseil d'Hérode. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour éveiller ses préventions afin de s'assurer l'alliance des Hérodiens contre Jésus, mais Hérode refusa de prendre des mesures contre Jésus et leur conseilla de porter leurs doléances à Jérusalem.

148:7.4 Cette guérison fut le premier miracle accompli par Jésus en réponse au défi de ses ennemis. Le Maitre accomplit ce que l'on appelle miracle non pour démontrer son pouvoir de guérison, mais pour protester efficacement contre la loi transformant le repos religieux du sabbat en un véritable esclavage de restrictions vides de sens pour toute l'humanité. L'homme guéri reprit son travail de maçon et se révéla comme l'un de ceux dont la guérison fut suivie d'une vie d'actions de grâces et de droiture.

148.8  La Dernière Semaine à Bethsaïde

148:8.1 Durant la dernière semaine du séjour à Bethsaïde, les espions de Jérusalem furent très partagés sur l'attitude à prendre envers Jésus et ses enseignements. Trois de ces pharisiens étaient prodigieusement impressionnés par ce qu'ils avaient vu et entendu. Entre temps, à Jérusalem, un jeune membre influent du sanhédrin, nommé Abraham, adopta publiquement les enseignements de Jésus et fut baptisé dans la piscine de Siloé par Abner. Tout Jérusalem fut en émoi à propos de cet évènement et des messagers furent immédiatement envoyés à Bethsaïde pour rappeler les six espions pharisiens.

148:8.2 Le philosophe grec qui avait été gagné au royaume lors de la précédente tournée en Galilée revint avec certains riches Juifs d'Alexandrie, qui invitèrent une fois de plus Jésus à se rendre dans leur ville pour y établir une école mixte de philosophie et de religion, ainsi qu'une infirmerie pour les malades ; mais Jésus déclina courtoisement leur invitation.

148:8.3 Vers ce moment, arriva au campement de Bethsaïde un prophète extatique nommé Kirmeth, venant de Bagdad. Ce prétendu prophète avait des visions spéciales quand il était en transe, et faisait des rêves fantastiques quand il était troublé dans son sommeil. Il créa une perturbation considérable au camp. Simon Zélotès était d'avis de traiter plutôt rudement le simulateur, qui se trompait lui-même, mais Jésus intervint pour lui laisser toute liberté d'action pendant quelques jours. Tous ceux qui l'entendirent prêcher reconnurent bientôt que, jugé selon les critères de l'évangile du royaume, son enseignement n'était pas valide. Kirmeth ne tarda pas à repartir pour Bagdad en n'emmenant avec lui qu'une demi-douzaine d'âmes instables et erratiques. Toutefois, avant que Jésus n'eût intercédé en faveur du prophète de Bagdad, David Zébédée, assisté d'un comité qui s'était formé spontanément, avait emmené Kirmeth sur le lac ; après l'avoir plongé, à plusieurs reprises dans l'eau, on lui avait conseillé de s'en aller au plus vite - d'organiser et de construire son propre camp.

148:8.4 Le même jour, une Phénicienne nommée Beth-Marion devint si fanatique qu'elle perdit la tête et fut renvoyée par ses amis après avoir manqué de se noyer en essayant de marcher sur l'eau.

148:8.5 Abraham le pharisien, le nouveau converti de Jérusalem, donna tous ses biens terrestres au trésor apostolique. Cet apport contribua beaucoup à rendre possible l'envoi immédiat en mission des cent évangélistes nouvellement instruits. André avait déjà annoncé la fermeture du camp, et chacun se prépara soit à rentrer dans ses foyers, soit à suivre les évangélistes en Galilée.

148.9  La Guérison du Paralytique

148:9.1 Le vendredi après-midi 1er octobre, Jésus tenait sa dernière réunion avec les apôtres, les évangélistes et les autres chefs du campement en cours de démantèlement. Les six pharisiens de Jérusalem étaient assis au premier rang de cette assemblée dans la spacieuse salle agrandie, sur la façade de la maison de Zébédée. Un des plus étranges et des plus extraordinaires épisodes de la vie terrestre de Jésus eut alors lieu. Le Maitre était en train de parler debout dans la vaste pièce qui avait été construite pour abriter ces réunions durant la saison des pluies. La maison était entièrement entourée par une grande affluence de gens qui tendaient l'oreille pour saisir quelques bribes du discours de Jésus.

148:9.2 Tandis que la maison était ainsi bondée et entourée d'auditeurs ardents, un homme, depuis longtemps atteint de paralysie, fut amené de Capharnaüm, sur un petit lit, par ses amis. Ce paralytique avait entendu dire que Jésus était sur le point de quitter Bethsaïde. Après en avoir parlé avec Aaron, le maçon tout récemment guéri, il résolut de se faire porter devant Jésus pour y chercher la guérison. Ses amis essayèrent de pénétrer dans la maison de Zébédée par la porte de devant et par la porte de derrière, mais la foule était trop compacte. Le paralytique refusa néanmoins d'accepter la défaite ; il demanda à ses amis de se procurer des échelles grâce auxquelles ils montèrent sur le toit de la salle où Jésus parlait. Après avoir détaché des tuiles, ils firent audacieusement descendre le paralytique par des cordes, jusqu'à ce que son lit reposât sur le sol immédiatement devant le Maitre. Lorsque Jésus vit ce qu'ils avaient fait, il s'arrêta de parler, tandis que l'assistance s'émerveillait de la persévérance du malade et de ses amis. Le paralytique dit : « Maitre, je ne voudrais pas troubler ta leçon, mais je suis résolu à devenir bien portant. Je ne ressemble pas à ceux qui reçurent la guérison et oublièrent aussitôt ton enseignement. Je voudrais être guéri pour servir dans le royaume des cieux. » Bien que l'infirmité de cet homme ait été causée par les dérèglements de sa propre vie, Jésus, voyant sa foi, dit au paralytique : « Fils, ne crains point ; tes péchés sont pardonnés ; ta foi te sauvera. »

148:9.3 Quand les pharisiens de Jérusalem, ainsi que d'autres scribes et légistes assis avec eux, entendirent cette déclaration de Jésus, ils commencèrent à se dire : « Comment cet homme ose-t-il parler ainsi ? Ne comprend-il pas qu'il blasphème ? Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu ? » Percevant dans son esprit qu'ils raisonnaient ainsi dans leur propre mental et entre eux, Jésus s'adressa à eux en disant : « Pourquoi raisonnez-vous ainsi dans votre coeur ? Qui êtes-vous pour me juger ? Quelle différence y a-t-il si je dis à ce paralytique : tes péchés sont pardonnés, ou si je lui dis : lève-toi, prends ton lit et marche ? Mais, afin que vous, qui assistez à tout ceci, sachiez définitivement que le Fils de l'Homme a autorité et pouvoir sur terre pour pardonner les péchés, je dis à cet infirme : lève-toi, prends ton lit et rentre chez toi. » Lorsque Jésus eut ainsi parlé, le paralytique se leva, l'assistance lui fit un passage et il sortit devant tout le monde. Ceux qui virent ces choses furent stupéfaits. Pierre congédia l'assemblée, tandis que nombre de spectateurs priaient et glorifiaient Dieu en confessant que jamais auparavant ils n'avaient vu des évènements aussi étonnants.

148:9.4 C'est à ce moment que les messagers du sanhédrin arrivèrent pour demander aux six espions de rentrer à Jérusalem. Lorsqu'ils reçurent ce message, ils eurent une sérieuse discussion entre eux. Après en avoir terminé, le chef et deux de ses associés retournèrent avec les messagers à Jérusalem, tandis que les trois autres espions pharisiens confessèrent leur foi en Jésus, allèrent immédiatement au lac, furent baptisés par Pierre et furent admis par les apôtres dans la communauté en tant qu'enfants du royaume.

149. La Seconde Tournée de Prédication

149:0.1 LA seconde tournée de prédication publique en Galilée commença le dimanche 3 octobre de l'an 28 et continua pendant près de trois mois pour prendre fin le 30 décembre. Participèrent à cet effort Jésus et ses douze apôtres, assistés du corps nouvellement recruté de 117 évangélistes et de nombreuses autres personnes intéressées. Au cours de cette tournée, ils visitèrent Gadara, Ptolémaïs, Japhia, Dabaritta, Méguiddo, Jizréel, Scythopolis, Tarichée, Hippos, Gamala, Bethsaïde-Julias et un grand nombre d'autres villes et villages.

149:0.2 Avant de partir ce dimanche matin, André et Pierre demandèrent à Jésus de fixer définitivement les attributions des nouveaux évangélistes, mais le Maitre refusa en disant qu'il n'entrait pas dans son domaine de faire des choses que d'autres pouvaient accomplir d'une façon acceptable. Après en avoir dument délibéré, les apôtres décidèrent que Jacques Zébédée fixerait les attributions. À la fin des commentaires de Jacques, Jésus dit aux évangélistes : « Allez maintenant faire le travail dont vous avez été chargés et, plus tard, quand vous vous serez montrés compétents et fidèles, je vous confèrerai l'ordination pour prêcher l'évangile du royaume. »

149:0.3 Au cours de cette tournée, seuls Jacques et Jean voyagèrent avec Jésus Pierre et les autres apôtres emmenèrent chacun une douzaine d'évangélistes, et gardèrent avec ceux-ci un contact étroit pendant qu'ils poursuivaient leur oeuvre de prédication et d'enseignement. Aussitôt que des croyants étaient prêts à entrer dans le royaume, les apôtres leur administraient le baptême. Jésus et ses deux compagnons voyagèrent beaucoup au cours de ces trois mois, visitant souvent deux villes le même jour afin d'observer l'activité des évangélistes et de les encourager dans leurs efforts pour établir le royaume. Toute cette seconde tournée de prédication fut surtout un effort pour faire acquérir une expérience pratique au corps des 117 évangélistes récemment formés.

149:0.4 Durant cette période, et ultérieurement jusqu'à l'époque où Jésus et les douze partirent finalement pour Jérusalem, David Zébédée entretint, pour l'oeuvre du royaume, un quartier général dans la maison de son père à Bethsaïde. Ce fut le siège central des opérations de Jésus sur terre, et une station de relais pour le service de messagers que David assurait entre les croyants des diverses parties de la Palestine et des régions adjacentes. Il accomplit tout cela de sa propre initiative, mais avec l'approbation d'André. David employait quarante à cinquante messagers à ce service de renseignements pour l'oeuvre du royaume, qui grandissait et s'étendait rapidement. Tout en assurant ce service, il gagnait partiellement sa vie en consacrant une partie de son temps à son ancien métier de pêcheur.

149.1  La Grande Renommée de Jésus

149:1.1 Au moment où le camp de Bethsaïde fut levé, la renommée de Jésus, spécialement en tant que guérisseur, s'était répandue dans toutes les régions de la Palestine, dans toute la Syrie et dans les pays avoisinants. Pendant des semaines après le départ de Bethsaïde, des malades continuèrent à arriver. Faute de rencontrer le Maitre, ils apprenaient de David où il se trouvait et partaient à sa recherche. Au cours de cette tournée, Jésus n'accomplit délibérément aucun acte de guérison prétendue miraculeuse. Néanmoins, des douzaines de personnes souffrantes virent leur santé et leur bonheur rétablis grâce au pouvoir reconstituant de la foi intense qui les poussait à rechercher la guérison.

149:1.2 À l'époque de cette mission, une série spéciale et inexpliquée de phénomènes de guérison commença à se produire et continua jusqu'à la fin de la vie terrestre de Jésus. Au cours de cette tournée de trois mois, plus de cent hommes, femmes et enfants de Judée, d'Idumée, de Galilée, de Syrie, de Tyr et de Sidon, et d'au delà du Jourdain, bénéficièrent de cette guérison inconsciente par Jésus et, lorsqu'ils rentrèrent chez eux, ils contribuèrent à augmenter encore sa renommée. Ils le firent, bien que Jésus, chaque fois qu'il observait un de ces cas de guérison spontanée, eût directement recommandé au bénéficiaire de « n'en parler à personne » .

149:1.3 On ne nous a jamais révélé exactement ce qui s'était passé dans ces cas de guérison spontanée ou inconsciente. Le Maitre n'expliqua jamais à ses apôtres comment elles s'effectuaient. En plusieurs occasions, il se borna à dire : « Je perçois qu'un pouvoir est sorti de moi. » En une occasion, après avoir été touché par un enfant malade, il remarqua : « Je perçois que de la vie est sortie de moi. »

149:1.4 En l'absence d'indications directes du Maitre sur la nature de ces cures spontanées, il serait présomptueux de notre part de tenter d'expliquer comment elles furent accomplies, mais il nous est permis de donner notre opinion sur ces phénomènes de guérison. Nous croyons qu'un grand nombre des cures apparemment miraculeuses qui se produisirent au cours du ministère terrestre de Jésus résultèrent de la conjugaison des trois puissantes influences suivantes :

149:1.5 1. La présence d'une foi solide, dominante et vivante dans le coeur de l'être humain qui cherchait avec persistance à être guéri, accompagnée du fait que cette guérison était désirée pour ses bienfaits spirituels plutôt que pour un rétablissement purement physique.

149:1.6 2. L'existence, concomitante avec cette foi humaine, de la grande sympathie et de la grande compassion du Fils Créateur incarné et dominé par la miséricorde ; ce Fils de Dieu possédait effectivement, dans sa personne, des pouvoirs et des prérogatives de guérison créatifs à peu près illimités et indépendants du temps.

149:1.7 3. En même temps que la foi de la créature et la vie du Créateur, il faut également noter que cet homme-Dieu était l'expression personnifiée de la volonté du Père. Lors du contact entre le besoin humain et le pouvoir divin capable de le satisfaire, si le Père n'exprimait pas de volonté différente, les deux ne faisaient plus qu'un ; la guérison se produisait alors sans que le Jésus humain en eût conscience, mais elle était immédiatement reconnue par sa nature divine. Donc, il faut expliquer bon nombre de ces cas de guérison par l'opération d'une grande loi que nous connaissons depuis longtemps, à savoir : ce que le Fils Créateur désire et que le Père éternel veut EST.

149:1.8 Nous sommes donc d'avis qu'en la présence personnelle de Jésus, certaines formes de foi humaine profonde contraignaient littéralement et véritablement la manifestation de guérison par certaines forces et personnalités créatives de l'univers, alors intimement associées au Fils de l'Homme. Il devient, dès lors, notoire que Jésus permit fréquemment que des hommes se guérissent eux-mêmes, en sa présence, par la puissance de leur foi personnelle.

149:1.9 Beaucoup d'autres recherchèrent la guérison pour des buts purement égoïstes. Une riche veuve de Tyr, accompagnée de sa suite, vint pour être guérie de ses infirmités qui étaient nombreuses. En suivant Jésus à travers la Galilée, elle continua à lui offrir de plus en plus d'argent, comme si le pouvoir de Dieu pouvait être acheté aux enchères. Elle ne s'intéressa jamais à l'évangile du royaume ; elle ne recherchait que la guérison de ses maladies physiques.

149.2  L'Attitude du Peuple

149:2.1 Jésus comprenait le mental des hommes ; il connaissait le fond de leur coeur. Si ses enseignements avaient été transmis tels qu'il les présenta, avec pour seul commentaire l'interprétation inspirée de sa vie terrestre, toutes les nations et toutes les religions du monde auraient rapidement embrassé l'évangile du royaume. Les efforts bien intentionnés des premiers disciples de Jésus pour reformuler ses enseignements, afin de les rendre plus acceptables pour certaines nations, races et religions, eurent simplement pour effet de rendre ces enseignements moins acceptables pour toutes les autres nations, races et religions.

149:2.2 Dans ses efforts pour attirer l'attention favorable de certains groupes de son époque sur les enseignements de Jésus, l'apôtre Paul écrivit de nombreuses lettres d'instructions et de recommandations. D'autres éducateurs de l'évangile de Jésus en firent autant, mais aucun d'eux n'imagina que ces écrits seraient ultérieurement réunis par ceux qui voudraient les présenter comme constituant les enseignements de Jésus. En conséquence, bien que ce qu'on appelle le christianisme contienne plus d'éléments de l'évangile du Maitre que toute autre religion, il contient aussi beaucoup de données que Jésus n'enseigna pas. Outre l'incorporation, dans le christianisme primitif, de nombreux enseignements des mystères persans et de beaucoup d'éléments de la philosophie grecque, deux grandes fautes furent commises :

149:2.3 1. L'effort pour relier directement l'enseignement de l'évangile à la théologie juive, tel qu'illustré par les doctrines chrétiennes de l'expiation, enseignant que Jésus était le Fils dont le sacrifice satisferait la sévère justice du Père et apaiserait le courroux divin. Ces enseignements naquirent de tentatives louables pour rendre l'évangile du royaume plus acceptable aux Juifs incrédules. Si ces efforts manquèrent leur but en ce qui concerne le ralliement des Juifs, ils ne manquèrent pas d'embrouiller et d'aliéner de nombreuses âmes sincères de toutes les générations ultérieures.

149:2.4 2. La seconde grande bévue des premiers disciples du Maitre, une erreur que toutes les générations ultérieures ont persisté à perpétuer, fut d'organiser la doctrine chrétienne aussi complètement autour de la personne de Jésus. Cet accent excessif mis sur la personnalité de Jésus, dans la théologie du christianisme, a contribué à obscurcir ses enseignements. Tout cela a rendu de plus en plus difficile aux Juifs, aux Mahométans, aux Hindous et aux autres membres des religions orientales d'accepter les enseignements de Jésus. Nous ne voudrions pas minimiser la place de sa personne dans une religion qui peut porter son nom, mais nous ne voudrions pas non plus permettre à cette considération d'éclipser sa vie inspirante ou de supplanter son message de salut : la paternité de Dieu et la fraternité des hommes.

149:2.5 Ceux qui enseignent la religion de Jésus devraient approcher les autres religions en reconnaissant les vérités qu'elles détiennent en commun (et dont beaucoup proviennent directement ou indirectement du message de Jésus) tout en s'abstenant d'insister pareillement sur les différences.

149:2.6 À ce moment-là, la renommée de Jésus reposait principalement sur sa réputation de guérisseur, mais il ne s'ensuit pas qu'il dût toujours en être ainsi. À mesure que le temps passait, on le rechercha de plus en plus pour son aide spirituelle. Toutefois, c'étaient les cures physiques qui exerçaient sur le peuple l'attrait le plus direct et le plus immédiat. L'aide de Jésus était de plus en plus demandée par les victimes de l'esclavage moral et des obsessions mentales ; il leur enseignait invariablement le chemin de la délivrance. Des pères recherchaient ses conseils pour diriger leurs fils, et des mères lui demandaient secours pour orienter leurs filles. Ceux qui siégeaient dans les ténèbres venaient vers lui, et il leur révélait la lumière de vie. Il prêtait toujours l'oreille aux infortunes de l'humanité et il aidait toujours quiconque recherchait son ministère.

149:2.7 Pendant que le Créateur lui-même était sur terre, incarné dans la similitude de la chair mortelle, il était inévitable que des choses extraordinaires se produisent. Cependant, on ne devrait jamais approcher Jésus au travers de ces évènements dits miraculeux. Apprenez à approcher les miracles par Jésus, mais ne commettez pas la faute d'approcher Jésus par les miracles. Cette recommandation est légitime, bien que Jésus de Nazareth soit l'unique fondateur de religion qui ait accompli sur terre des actes supramatériels.

149:2.8 Le trait le plus étonnant et le plus révolutionnaire de la mission terrestre de Micaël fut son attitude envers les femmes. À une époque et dans une génération où il était malséant pour un homme de saluer en public même sa propre femme, Jésus osa emmener des femmes pour enseigner l'évangile en liaison avec sa troisième tournée de prédication en Galilée. Et il eut le courage suprême de le faire en dépit de l'enseignement rabbinique qui proclamait : « Mieux vaut bruler les paroles de la loi que de les remettre à des femmes. »

149:2.9 En une seule génération, Jésus fit sortir les femmes d'un oubli irrespectueux et les libéra des corvées serviles des âges primitifs. C'est à la honte de la religion qui osa se qualifier du nom de Jésus, de n'avoir pas eu le courage moral de suivre ce noble exemple dans son attitude ultérieure envers les femmes.

149:2.10 Les gens auxquels Jésus se mêlait le trouvaient entièrement dégagé des superstitions de l'époque. Il était libre de préjugés religieux et n'était jamais intolérant. Rien dans son coeur ne ressemblait à un antagonisme social. Il se conformait à ce qui était bon dans la religion de ses ancêtres, mais n'hésitait pas à négliger les traditions humaines de superstition et de servitude. Il osa enseigner que les catastrophes de la nature, les accidents du temps et d'autres évènements calamiteux ne sont ni des châtiments du jugement divin ni des décrets mystérieux de la Providence. Il condamna la dévotion servile à des cérémonies dépourvues de sens, et dénonça le sophisme du culte matérialiste. Il proclama hardiment la liberté spirituelle des hommes et osa enseigner que les mortels incarnés sont, en fait et en vérité, des fils du Dieu vivant.

149:2.11 Jésus transcenda tous les enseignements de ses ancêtres lorsqu'il substitua audacieusement des coeurs sans souillure à des mains sans souillure, comme signes de la vraie religion. Il remplaça la tradition par la réalité et balaya toutes les prétentions de la vanité et de l'hypocrisie. Et, cependant, cet intrépide homme de Dieu ne donna pas libre cours à des critiques destructives, et ne manifesta pas un complet dédain pour les usages religieux, sociaux, économiques et politiques de son temps. Il n'était pas un révolutionnaire militant ; il était un évolutionniste progressiste. Il ne se lança dans la destruction de ce qui était qu'en offrant simultanément à ses compagnons la chose supérieure qui devrait être.

149:2.12 Jésus obtint l'obéissance de ses disciples sans l'exiger. Parmi tous les hommes qui reçurent son appel personnel, trois seulement refusèrent cette invitation à devenir ses disciples. Il exerçait un pouvoir d'attraction particulier sur les hommes, mais n'était pas dictatorial. Il commandait la confiance, et jamais personne ne fut froissé de recevoir un ordre de lui. Il assumait une autorité absolue sur ses disciples, mais nul n'y fit jamais d'objection. Il permettait à ses disciples de l'appeler Maitre.

149:2.13 Le Maitre était admiré par tous ceux qu'il rencontrait, sauf par ceux qui entretenaient des préjugés religieux bien enracinés et par ceux qui croyaient discerner un danger politique dans ses enseignements. Ses auditeurs étaient étonnés de l'originalité et de l'autorité de son enseignement. Ils s'émerveillaient de sa patience envers les arriérés et les importuns qui l'interrogeaient. Il inspirait de l'espoir et de la confiance au coeur de tous ceux qui bénéficiaient de son ministère. Seuls le craignaient ceux qui ne l'avaient jamais rencontré, et seuls le haïssaient ceux qui le considéraient comme le champion d'une vérité destinée à détruire le mal et l'erreur qu'ils avaient décidé de maintenir à tout prix dans leur coeur.

149:2.14 Sur ses amis comme sur ses ennemis, il exerçait une forte et particulière influence de fascination. Des multitudes le suivaient pendant des semaines, rien que pour entendre ses paroles bienveillantes et observer la simplicité de sa vie. Des hommes et des femmes dévoués aimaient Jésus d'une affection presque surhumaine, et mieux ils le connaissaient, plus ils l'aimaient, et tout ceci est resté vrai. Même aujourd'hui et dans tous les âges futurs, mieux un homme connaîtra cet homme-Dieu, plus il l'aimera et voudra le suivre.

149.3  L'Hostilité des Chefs Religieux

149:3.1 Malgré l'accueil favorable de Jésus et de ses enseignements par le commun du peuple, les chefs religieux de Jérusalem étaient de plus en plus alarmés et hostiles. Les pharisiens avaient élaboré une théologie systématique et dogmatique. Jésus enseignait selon les besoins du moment ; il n'était pas un éducateur systématique ; il enseignait par parabole, moins à partir de la loi que de la vie. (Quand il employait une parabole pour illustrer son message, il projetait de n'utiliser qu'un seul trait de l'histoire à cet effet. Beaucoup d'idées fausses sur l'enseignement de Jésus peuvent résulter de tentatives pour transformer ses paraboles en allégories.)

149:3.2 Les chefs religieux de Jérusalem devenaient presque fous de rage à la suite de la récente conversion du jeune Abraham et de la désertion des trois espions, qui avaient été baptisés par Pierre et accompagnaient maintenant les évangélistes dans la seconde tournée de prédication en Galilée. Les dirigeants juifs étaient de plus en plus aveuglés par la peur et les préjugés, en même temps que leur coeur se durcissait par le rejet continuel des attrayantes vérités de l'évangile du royaume. Quand les hommes se refusent à faire appel à l'esprit qui habite en eux, on ne peut presque rien faire pour modifier leur attitude.

149:3.3 Lors de sa première rencontre avec les évangélistes au camp de Bethsaïde, Jésus leur avait dit en terminant son allocution : « N'oubliez pas que, corporellement et mentalement - c'est-à-dire émotivement - la réaction des hommes est individuelle. Leur seule uniformité est d'être habités par un esprit intérieur. Bien que ces esprits divins puissent varier quelque peu par la nature et l'étendue de leur expérience, ils réagissent uniformément à tous les appels spirituels. L'humanité ne pourra jamais parvenir à l'unité et à la fraternité autrement que par cet esprit et en faisant appel à lui. » Mais beaucoup de dirigeants juifs avaient fermé les portes de leur coeur à l'appel spirituel du royaume. À partir de ce jour, ils ne cessèrent plus de faire des plans et de comploter pour détruire le Maitre. Ils étaient convaincus qu'il fallait arrêter, condamner et exécuter Jésus en tant que criminel religieux, violateur des enseignements capitaux de la loi sacrée juive.

149.4  Déroulement de la Tournée de Prédication

149:4.1 Jésus oeuvra très peu en public durant cette tournée de prédication, mais il dirigea de nombreuses classes du soir pour les croyants dans la plupart des villes et villages où il eut l'occasion de séjourner avec Jacques et Jean. À l'une de ces sessions du soir, un des jeunes évangélistes posa à Jésus une question sur la colère, et, dans sa réponse, le Maitre lui donna, entre autres, les indications suivantes :

149:4.2 « La colère est une manifestation matérielle qui représente, d'une manière générale, la mesure dans laquelle la nature spirituelle n'a pas réussi à dominer les natures intellectuelle et physique conjuguées. La colère indique votre manque d'amour fraternel tolérant, plus votre manque de respect de soi et de maitrise de soi. La colère épuise la santé, avilit le mental et handicape l'instructeur spirituel de l'âme de l'homme. N'avez-vous pas lu dans les Écritures que `le courroux tue l'homme stupide' et que l'homme `se déchire lui-même dans sa colère' ? Et que `celui qui est lent à la colère possède une grande compréhension', tandis que `quiconque s'irrite rapidement exalte la folie' ? Vous savez tous `qu'une réponse douce détourne le courroux' et que `des paroles dures excitent la colère'. `La retenue ajourne la colère', et `celui qui ne se contrôle pas lui-même ressemble à une ville sans défense et sans remparts'. `Le courroux est cruel et la colère est outrageante.' `Les hommes irrités fomentent la dispute, tandis que les furieux multiplient leurs transgressions.' `Ne soyez pas hâtifs en esprit, car la colère repose dans le sein des fous.' » Avant de terminer, Jésus dit encore : « Que votre coeur soit dominé par l'amour, afin que votre guide spirituel n'ait pas trop de peine à vous délivrer de la tendance à laisser éclater des accès de colère animale incompatibles avec le statut de filiation divine. »

149:4.3 À cette même occasion, le Maitre exposa au groupe l'avantage de posséder un caractère bien équilibré. Il reconnut la nécessité, pour la plupart des hommes, de se consacrer à la maitrise d'une profession quelconque, mais il déplora toutes les tendances à la spécialisation excessive conduisant à l'étroitesse d'esprit et à la limitation des activités de la vie. Il attira l'attention sur le fait que toute vertu, si elle est portée à l'extrême, peut devenir un vice. Jésus prêcha la tempérance et enseigna le bon sens - donner aux problèmes de la vie leur juste proportion. Il fit remarquer qu'un excès de compassion et de pitié peut dégénérer en une grave instabilité émotive, et que l'enthousiasme peut aboutir au fanatisme. Il analysa le caractère d'un de leurs anciens associés que son imagination avait entrainé dans des entreprises visionnaires et irréalisables. En même temps, il les mit en garde contre les dangers de la monotonie d'une médiocrité trop conservatrice.

149:4.4 Puis Jésus discourut sur les dangers du courage et de la foi, et la manière dont ces qualités conduisent parfois des âmes irréfléchies à la témérité et à la présomption. Il montra également comment la prudence et la discrétion, quand elles sont poussées trop loin, conduisent à la lâcheté et à l'insuccès. Il exhorta ses auditeurs à s'efforcer d'être originaux, tout en évitant la tendance à l'excentricité. Il plaida en faveur de la sympathie dépourvue de sentimentalité et de la piété sans bigoterie. Il enseigna un respect dégagé de la peur et de la superstition.

149:4.5 Ce ne fut pas tant l'enseignement de Jésus sur l'équilibre du caractère qui impressionna ses collaborateurs, mais plutôt le fait que sa propre vie était une expression si éloquente de son enseignement. Il vécut au milieu de la tension et de l'orage, mais ne chancela jamais. Ses ennemis lui tendirent continuellement des pièges, mais ne réussirent jamais à l'y prendre. Les sages et les érudits s'efforcèrent de le trouver en défaut, mais il ne trébucha pas. Ils cherchèrent à l'embrouiller dans des discussions, mais ses réponses étaient toujours illuminantes, pleines de dignité et définitives. Quand il était interrompu dans ses discours par de multiples questions, ses réponses étaient toujours significatives et concluantes. Jamais il n'eut recours à de viles tactiques pour faire face à la pression continuelle de ses ennemis qui n'hésitaient pas à recourir à toutes sortes de mensonges, d'injustices et d'iniquités dans leurs attaques contre lui.

149:4.6 Il est exact que beaucoup d'hommes et de femmes doivent pratiquer assidument un métier bien défini pour gagner leur subsistance ; il est néanmoins entièrement désirable que les êtres humains cultivent un vaste champ de connaissances sur la vie, telle qu'elle est vécue sur terre. Les personnes réellement éduquées ne se satisfont pas de rester dans l'ignorance sur la vie et les agissements de leurs semblables.

149.5  La Leçon sur le Contentement

149:5.1 Un jour où Jésus visitait le groupe d'évangélistes travaillant sous la direction de Simon Zélotès, celui-ci demanda au Maitre au cours de la conférence du soir : « Pourquoi certaines personnes sont-elles tellement plus heureuses et contentes que d'autres ? Le contentement est-il une affaire d'expérience religieuse ? » Jésus répondit à la question de Simon en donnant, entre autres, les indications suivantes :

149:5.2 « Simon, certaines personnes sont par nature plus heureuses que d'autres. Cela dépend beaucoup, vraiment beaucoup, de la bonne volonté de l'homme à se laisser conduire et diriger par l'esprit du Père qui vit en lui. N'as-tu pas lu dans les Écritures ces paroles du sage : `L'esprit de l'homme est la lampe du Seigneur scrutant tout son domaine intérieur' ? Et aussi que ces mortels ainsi guidés par l'esprit disent : `Les cordeaux sont tombés sur moi en des lieux agréables ; oui, un bon héritage m'est échu.' `Le peu que possède un juste vaut mieux que les richesses de beaucoup de méchants', car `un homme de bien tirera sa satisfaction de lui-même'. `Un coeur joyeux donne de l'allégresse ; il est une fête continuelle. Mieux vaut un peu de biens avec le respect du Seigneur qu'un grand trésor accompagné d'ennuis. Mieux vaut un repas de légumes avec de l'amour qu'un boeuf gras accompagné de haine. Mieux valent de petites ressources avec droiture que de grands revenus sans rectitude.' `Un coeur joyeux fait du bien comme un médicament.' `Mieux vaut posséder une poignée de grains avec quiétude qu'une surabondance de biens avec des chagrins et des vexations d'esprit.'

149:5.3 « Les chagrins des hommes proviennent, en grande partie, de leurs ambitions déçues et des blessures infligées à leur orgueil. Les hommes se doivent à eux-mêmes de mener aussi bien que possible leur vie sur terre, mais, lorsqu'ils ont fait de sincères efforts dans ce sens, ils devraient accepter gaiement leur sort et faire montre d'ingéniosité pour tirer le meilleur parti de ce qui leur est échu. Une trop grande partie des difficultés des hommes tire son origine de la profonde peur instinctive de leur coeur. `Le méchant s'enfuit alors que nul ne le poursuit.' `Les méchants ressemblent à une mer agitée, car elle ne peut se reposer, mais ses eaux rejettent de la boue et de la vase ; il n'y a pas de paix, dit Dieu, pour les méchants.'

149:5.4 « Ne recherchez donc pas une paix trompeuse et des joies temporaires, mais plutôt l'assurance de la foi et la sécurité de la filiation divine, qui donnent la quiétude, le contentement et la joie suprême dans l'esprit. »

149:5.5 Jésus ne considérait guère ce monde comme une « vallée de larmes » , mais plutôt comme la « vallée de création des âmes » , la sphère natale des esprits éternels et immortels destinés à monter au Paradis.

149.6  La « Crainte du Seigneur »

149:6.1 Ce fut à Gamala, durant la conférence du soir, que Philippe dit à Jésus : « Maitre, pourquoi les Écritures nous ordonnent-elles de `craindre le Seigneur', alors que tu voudrais que nous nous tournions sans crainte vers le Père qui est aux cieux ? Comment pouvons-nous concilier ces enseignements ? » Jésus répondit à Philippe en disant :

149:6.2 « Mes enfants, je ne suis pas surpris que vous posiez de telles questions. Au commencement, c'est seulement par la peur que l'homme pouvait apprendre le respect ; mais je suis venu révéler l'amour du Père afin que vous soyez incités à adorer l'Éternel par l'attrait de la reconnaissance affectueuse d'un fils et la réciprocité de l'amour parfait et profond du Père. Je voudrais vous délivrer de l'esclavage consistant à vous soumettre, par peur servile, au service fastidieux d'un Dieu-Roi jaloux et courroucé. Je voudrais vous apprendre les relations de Père à fils entre Dieu et les hommes, de manière à vous conduire joyeusement à la libre adoration sublime et céleste d'un Dieu-Père affectueux, juste et miséricordieux.

149:6.3 « La `crainte du Seigneur' a eu différentes significations dans les âges successifs ; elle a commencé par la peur, continué par l'angoisse et la frayeur, et fini par la crainte et le respect. Partant du respect, je voudrais maintenant vous élever à l'amour en vous le faisant reconnaître, réaliser et apprécier. Quand l'homme ne reconnaît que les oeuvres de Dieu, il est conduit à avoir peur du Suprême ; quand il commence à comprendre et à connaître par expérience la personnalité et le caractère du Dieu vivant, il est conduit à aimer de plus en plus ce bon et parfait Père universel et éternel. C'est précisément ce changement de relation entre l'homme et Dieu qui constitue la mission du Fils de l'Homme sur terre.

149:6.4 « Des enfants intelligents ne cherchent pas à obtenir de larges dons de leur père par des manifestations de crainte. L'affection du père pour ses fils et ses filles lui a déjà dicté de leur donner une abondance de bonnes choses. Les ayant reçues d'avance, ces enfants bien-aimés sont conduits à aimer leur père en faisant montre de gratitude et d'appréciation pour cette générosité bienfaisante. La bonté de Dieu conduit à la repentance ; la bienfaisance de Dieu conduit à servir ; la miséricorde de Dieu conduit au salut ; alors que l'amour de Dieu conduit à l'adorer intelligemment de tout coeur.

149:6.5 « Vos ancêtres craignaient Dieu parce qu'il était puissant et mystérieux. Vous l'adorerez parce qu'il est magnifique en amour, généreux en miséricorde et glorieux en vérité. La puissance de Dieu fait naître la peur dans le coeur humain, mais la noblesse et la droiture de sa personnalité engendrent le respect, l'amour et l'adoration spontanée. Un fils affectueux et déférent ne craint ni ne redoute un père, même puissant et noble. Je suis venu dans le monde pour remplacer la peur par l'amour, le chagrin par la joie, la crainte par la confiance, l'esclavage servile et les cérémonies dépourvues de sens par le service affectueux et le culte appréciateur. Il reste cependant vrai, pour ceux qui siègent dans les ténèbres, que `la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.' Quand la lumière brillera plus pleinement, les fils de Dieu seront amenés à louer l'Infini pour ce qu'il est, plutôt qu'à le craindre pour ce qu'il fait.

149:6.6 « Quand les enfants sont jeunes et étourdis, il faut bien qu'ils soient réprimandés pour respecter leurs parents ; mais, quand ils grandissent et commencent à mieux apprécier les bienfaits du ministère et de la protection de leurs parents, un respect compréhensif et une affection croissante les élèvent à un niveau d'expérience où ils aiment effectivement leurs parents pour ce qu'ils sont, plus que pour ce qu'ils ont fait. Le père aime naturellement son enfant, mais l'enfant doit développer son amour pour son père en commençant par la peur de ce que le père peut faire, puis en continuant par la crainte, la frayeur, la dépendance et le respect, jusqu'à la considération et l'appréciation affectueuse de l'amour.

149:6.7 « On vous a enseigné qu'il faut `craindre Dieu et observer ses commandements car, c'est là tout le devoir de l'homme'. Or, je suis venu vous donner un commandement nouveau et supérieur. Je voudrais vous enseigner à `aimer Dieu et à apprendre à faire sa volonté, car c'est le plus grand privilège des fils de Dieu libérés'. On a appris à vos pères à `craindre Dieu - le Roi Tout-Puissant'. Moi, je vous enseigne : `Aimez Dieu - le Père infiniment miséricordieux.'

149:6.8 « Dans le royaume des cieux, que je suis venu proclamer, il n'y a pas de roi élevé et puissant ; ce royaume est une famille divine. Le centre et le chef, universellement reconnu et adoré sans réserve, de cette vaste fraternité d'êtres intelligents est mon Père et votre Père. Je suis son Fils, et vous êtes également ses fils. Il est donc éternellement vrai que vous et moi, nous sommes frères dans l'état céleste, et cela d'autant plus que nous sommes devenus frères incarnés dans la vie terrestre. Cessez donc de craindre Dieu comme un roi ou de le servir comme un maitre ; apprenez à le respecter comme le Créateur ; honorez-le comme Père de votre jeunesse spirituelle ; aimez-le comme un défenseur miséricordieux ; et, finalement, adorez-le comme le Père aimant et infiniment sage de votre épanouissement dans la maturité et l'appréciation spirituelles.

149:6.9 « Vos fausses conceptions du Père céleste donnent naissance à vos idées erronées sur l'humilité et à une grande partie de votre hypocrisie. L'homme est peut-être un ver de terre par sa nature et son origine, mais, lorsqu'il est habité par l'esprit de mon Père, cet homme devient divin par sa destinée. L'esprit effusé par mon Père retournera sûrement à sa source divine et au niveau universel de son origine. Et l'âme humaine de l'homme mortel qui sera devenue l'enfant né à nouveau de cet esprit intérieur s'élèvera certainement avec l'esprit divin jusqu'à la présence même du Père éternel.

149:6.10 « Certes, l'humilité sied aux mortels qui reçoivent tous ces dons du Père qui est aux cieux, bien qu'une dignité divine soit attachée à tous les candidats par la foi à l'ascension éternelle du royaume des cieux. Les pratiques serviles et dépourvues de sens d'une fausse humilité ostentatoire sont incompatibles avec l'appréciation de la source de votre salut et la récognition de la destinée de vos âmes nées d'esprit. Il sied parfaitement d'être humble devant Dieu dans le fond de votre coeur ; la modestie devant les hommes est louable ; mais l'hypocrisie d'une humilité consciente de soi et cherchant à attirer l'attention est infantile et indigne des fils éclairés du royaume.

149:6.11 « Vous faites bien d'être modestes devant Dieu et de vous contrôler devant les hommes, mais il faut que votre modestie ait une origine spirituelle et ne soit pas l'étalage illusoire d'un sens autoconscient de supériorité satisfaite d'elle-même. Le prophète a sagement parlé en disant : `Marchez humblement avec Dieu', car, bien que le Père céleste soit l'Infini et l'Éternel, il habite aussi `chez celui qui a la pensée repentante et un esprit humble'. Mon Père dédaigne l'orgueil, exècre l'hypocrisie et abhorre l'iniquité. C'est pour faire ressortir la valeur de la sincérité et de la parfaite confiance dans le soutien affectueux et les fidèles directives du Père céleste que j'ai si souvent fait allusion aux petits enfants, pour illustrer l'attitude mentale et la réaction spirituelle qui sont si essentielles pour permettre aux mortels d'entrer dans les réalités spirituelles du royaume des cieux.

149:6.12 « Le prophète Jérémie a bien décrit beaucoup de mortels en disant : `Vous êtes proches de Dieu par la bouche, mais loin de lui dans votre coeur.' N'avez-vous pas également lu le lugubre avertissement du prophète qui a dit : `Les prêtres de ce monde enseignent pour un salaire, et les prophètes prédisent pour de l'argent. En même temps, ils font profession de piété et proclament que le Seigneur est avec eux' ? N'avez-vous pas été bien mis en garde contre ceux `qui parlent de paix à leurs voisins quand la malice est dans leur coeur', contre ceux `qui flattent des lèvres alors que leur coeur joue double jeu' ? Parmi tous les chagrins pour un homme confiant, il n'y en a pas de plus terrible que d'être `blessé dans la maison d'un ami en qui il avait confiance.' »

149.7  Retour à Bethsaïde

149:7.1 Après avoir consulté Simon Pierre et reçu l'approbation de Jésus, André avait chargé David, à Bethsaïde, d'envoyer des messagers aux divers groupes de prédicateurs, avec instruction de terminer leur tournée et de revenir à Bethsaïde dans la journée du jeudi 30 décembre. À l'heure du souper du soir de ce jour pluvieux, tout le groupe apostolique et les éducateurs évangélistes étaient arrivés chez Zébédée.

149:7.2 Le groupe passa ensemble le jour du sabbat et logea dans des foyers de Bethsaïde et de Capharnaüm, la ville voisine. Ensuite le groupe entier fut gratifié de quinze jours de vacances pour que ses membres puissent se rendre dans leur famille, visiter leurs amis ou aller à la pêche. Les deux ou trois jours où le groupe resta réuni à Bethsaïde furent vraiment tonifiants et inspirants ; même les anciens éducateurs furent édifiés en entendant les jeunes prédicateurs raconter leurs expériences.

149:7.3 Parmi les 117 évangélistes, qui participèrent à cette seconde tournée de prédication en Galilée, environ 75 seulement réussirent à passer l'épreuve de l'expérience actuelle et se trouvèrent disponibles pour recevoir une affectation à l'expiration des deux semaines de congé. Jésus resta chez Zébédée avec André, Pierre, Jacques et Jean, et passa beaucoup de temps en conférence avec eux au sujet de la prospérité et de l'expansion du royaume.

150. La Troisième Tournée de Prédication

150:0.1 LE DIMANCHE soir 16 janvier de l'an 29, Abner arriva à Bethsaïde avec les apôtres de Jean et, le lendemain, il tint une conférence commune avec André et les apôtres de Jésus. Abner et ses associés établirent leur quartier général à Hébron et prirent l'habitude de venir périodiquement à Bethsaïde pour des conférences de ce genre.

150:0.2 Parmi les nombreuses questions étudiées à cette conférence commune, figura la pratique d'oindre les malades avec certaines sortes d'huiles, en liaison avec des prières pour la guérison. De nouveau, Jésus refusa de participer à la discussion ou de donner son avis sur les conclusions. Les apôtres de Jean avaient toujours utilisé l'huile d'onction dans leur ministère auprès des malades et des affligés. Ils cherchaient à faire adopter cette pratique comme ligne de conduite uniforme pour les deux groupes, mais les apôtres de Jésus refusèrent de se laisser lier par une telle règle.

150:0.3 Le mardi 18 janvier, ceux des évangélistes qui avaient passé l'épreuve, au nombre d'environ soixante-quinze, se joignirent aux vingt-quatre chez Zébédée, à Bethsaïde, pour se préparer à la troisième tournée de prédication en Galilée ; cette troisième mission dura sept semaines.

150:0.4 Les évangélistes furent envoyés en mission par groupes de cinq, tandis que Jésus et les douze se déplacèrent ensemble la plupart du temps. Les apôtres allaient deux par deux baptiser les croyants selon les nécessités du moment. Pendant près de trois semaines, Abner et ses associés travaillèrent aussi avec les groupes d'évangélistes, leur donnant des conseils et baptisant des croyants. Ils visitèrent Magdala, Tibériade, Nazareth et toutes les principales villes et agglomérations du centre et du sud de la Galilée, tous les endroits précédemment visités et beaucoup d'autres encore. Ce fut leur dernier message à la Galilée, sauf pour le nord du pays.

150.1  Le Groupe des Femmes Évangélistes

150:1.1 Parmi tous les actes audacieux accomplis par Jésus en liaison avec sa carrière terrestre, le plus stupéfiant fut son annonce soudaine, dans la soirée du 16 janvier : « Demain matin, nous sélectionnerons dix femmes pour travailler au ministère du royaume. » Au commencement de la quinzaine où les apôtres et les évangélistes devaient s'absenter de Bethsaïde pour leurs vacances, Jésus pria David de faire revenir ses parents à la maison et d'envoyer des messagers convoquant, à Bethsaïde, dix femmes dévouées qui avaient précédemment servi dans l'administration du camp et à l'infirmerie dans les tentes. Ces femmes avaient toutes écouté les leçons données aux jeunes évangélistes, mais jamais ni elles ni leurs instructeurs n'avaient imaginé que Jésus oserait charger des femmes d'enseigner l'évangile du royaume et de soigner les malades. Voici les noms de ces dix femmes choisies et mandatées par Jésus : Suzanne, la fille de l'ancien chazan de la synagogue de Nazareth ; Jeanne, la femme de Chuza l'intendant d'Hérode Antipas ; Élisabeth, la fille d'un riche juif de Tibériade et de Sepphoris ; Marthe, la soeur ainée d'André et de Pierre ; Rachel, la belle-soeur de Jude, frère de sang de Jésus ; Nasanta, la fille d'Elman, le médecin syrien ; Milcha, une cousine de l'apôtre Thomas ; Ruth, la fille ainée de Matthieu Lévi ; Celta, la fille d'un centurion romain ; et Agaman, une veuve de Damas. Ultérieurement, Jésus ajouta deux autres femmes à ce groupe - Marie-Madeleine et Rébecca, la fille de Joseph d'Arimathie.

150:1.2 Jésus autorisa ces femmes à établir leur propre organisation et chargea Judas de leur procurer des fonds pour s'équiper et acheter des bêtes de somme. Les dix élurent Suzanne comme chef et Jeanne comme trésorière. À partir de ce moment-là, elles pourvurent à leurs propres besoins et n'eurent plus jamais recours à l'aide de Judas.

150:1.3 À cette époque, il n'était même pas permis aux femmes de se tenir dans l'enceinte principale de la synagogue ; elles étaient confinées dans la galerie des femmes. Ce fut un évènement des plus étonnants de les voir admises comme éducatrices autorisées du nouvel évangile du royaume. La mission que Jésus confia à ces dix femmes, en les sélectionnant pour l'enseignement et pour le ministère de l'évangile, fut la proclamation d'émancipation qui libérait toutes les femmes pour toujours ; les hommes devaient cesser de considérer les femmes comme spirituellement inférieures à eux. Ce fut nettement un choc, même pour les douze apôtres. Ils avaient maintes fois entendu le Maitre dire que « dans le royaume des cieux, il n'y a ni riche ni pauvre, ni homme libre ni esclave, ni homme ni femme, mais tous sont également les fils et les filles de Dieu » . Malgré cela, les apôtres furent littéralement frappés de stupeur lorsque Jésus proposa officiellement de nommer ces dix femmes comme éducatrices religieuses, et même de leur permettre de voyager avec eux. Tout le pays fut mis en émoi par cette façon d'agir, et les ennemis de Jésus tirèrent grand parti de cette décision. Mais, partout, les femmes qui croyaient à la bonne nouvelle soutinrent résolument leurs soeurs choisies et approuvèrent partout, sans hésitation, cette reconnaissance tardive de la place des femmes dans l'oeuvre religieuse. Immédiatement après le départ du Maitre, les apôtres mirent en pratique cette libération des femmes en leur accordant la place qui convenait, mais les générations suivantes retournèrent aux anciennes coutumes. Durant toute l'époque primitive de l'Église chrétienne, les femmes éducatrices et ministres furent appelées diaconesses, et on leur accorda une récognition générale. Quant à Paul, il accepta bien la chose en théorie, mais ne l'incorpora jamais réellement dans son comportement et trouva personnellement difficile de la mettre en pratique.

150.2  L'Arrêt à Magdala

150:2.1 Quand le groupe apostolique partit de Bethsaïde, les femmes voyagèrent à l'arrière-garde. Durant les conférences, elles s'asseyaient toujours en groupe, en avant et à droite de l'orateur. Des femmes en nombre croissant s'étaient mises à croire à l'évangile du royaume. Quand elles voulaient avoir un entretien personnel avec Jésus ou l'un des apôtres, c'était une source de grandes difficultés et d'embarras sans fin. Maintenant, tout était changé. Quand l'une des croyantes voulait voir le Maitre ou conférer avec les apôtres, elle allait trouver Suzanne, qui la faisait accompagner par l'une des douze femmes évangélistes, toutes deux se rendaient aussitôt auprès du Maitre ou l'un de ses apôtres.

150:2.2 Ce fut à Magdala que les femmes démontrèrent, pour la première fois, leur utilité et justifièrent la sagesse qui les avait fait choisir. André avait imposé à ses associés des règles plutôt strictes pour la coopération personnelle avec des femmes, surtout avec celles de réputation douteuse. Lorsque la compagnie arriva à Magdala, les dix femmes évangélistes furent libres d'entrer dans les mauvais lieux et de prêcher directement la bonne nouvelle à toutes les pensionnaires. Et, quand elles visitèrent les malades, il leur était possible, dans leur ministère, d'entrer dans l'intimité de leurs soeurs éprouvées. À la suite des efforts de ces dix femmes (ultérieurement connues comme les douze femmes) dans cette ville, Marie la Magdaléenne fut gagnée au royaume. Par une succession de malheurs, et comme conséquence de l'attitude de la bonne société envers les femmes qui commettent de semblables erreurs de jugement, cette femme avait échoué dans l'un des mauvais lieux de Magdala. Ce furent Marthe et Rachel qui lui expliquèrent que les portes du royaume étaient ouvertes même à ses pareilles. Marie crut la bonne nouvelle et fut baptisée le lendemain par Pierre.

150:2.3 Marie-Madeleine devint l'éducatrice la plus efficace de l'évangile au groupe de ces douze femmes évangélistes. Elle fut choisie pour ce service à Jotapata, avec Rébecca, environ quatre semaines après sa conversion. Durant tout le reste de la vie terrestre de Jésus, Marie, Rébecca et leurs compagnes continuèrent à travailler fidèlement et efficacement pour éclairer et relever leurs soeurs opprimées. Quand la dernière et tragique scène du drame de la vie de Jésus se jouait, et bien que tous les apôtres, sauf un, se fussent enfuis, ces femmes restèrent toutes à leur poste et aucune d'entre elles ne le renia ni ne le trahit.

150.3  Un Sabbat à Tibériade

150:3.1 Les offices du sabbat du groupe apostolique avaient été confiés aux soins des femmes par André, sur instructions de Jésus. Bien entendu, cela signifiait qu'ils ne pouvaient être célébrés dans la nouvelle synagogue. Les femmes désignèrent Jeanne pour prendre les choses en mains à cette occasion, et la réunion se tint dans la salle des banquets du nouveau palais d'Hérode, qui était absent pour un séjour à Juliade en Pérée. Jeanne lut des passages des Écritures concernant l'oeuvre des femmes dans la vie religieuse d'Israël, en se référant à Miriam, Déborah, Esther et plusieurs autres.

150:3.2 Tard dans la soirée, Jésus fit au groupe réuni une mémorable allocution sur « La Magie et la Superstition » . À cette époque, l'apparition d'une étoile brillante et supposée nouvelle était considérée comme le signe qu'un grand homme était né sur terre. On avait observé récemment l'une de ces étoiles, et André demanda à Jésus si ces croyances étaient bien fondées. Dans sa longue réponse à la question d'André, le Maitre se lança dans une analyse approfondie de tout le sujet de la superstition humaine. On peut résumer comme suit, en langage moderne, l'exposé de Jésus en cette occasion :

150:3.3 1. Les orbites des étoiles dans le ciel n'ont absolument aucun rapport avec les évènements de la vie humaine sur terre. L'astronomie est étudiée à juste titre par la science, mais l'astrologie est une masse d'erreurs superstitieuses qui n'a pas sa place dans l'évangile du royaume.

150:3.4 2. L'examen des entrailles d'un animal récemment tué ne peut rien révéler sur le temps, ni sur les évènements futurs, ni sur le résultat des affaires humaines.

150:3.5 3. L'esprit d'un mort ne revient pas communiquer avec sa famille ou avec ses anciens amis encore en vie.

150:3.6 4. Les amulettes et les reliques sont impuissantes à guérir les maladies, à empêcher les désastres ou à influencer les mauvais esprits. La croyance à ces moyens matériels pour agir sur le monde spirituel n'est rien d'autre qu'une grossière superstition.

150:3.7 5. Le tirage au sort est peut-être une bonne méthode pour régler de nombreuses difficultés mineures, mais ce n'est pas une méthode destinée à dévoiler la volonté divine. Les dénouements sont purement une affaire de hasard matériel. Le seul moyen de communier avec le monde spirituel est inclus dans la dotation d'esprit de l'humanité ; c'est l'esprit intérieur du Père, accompagné de l'esprit répandu du Fils et de l'influence omniprésente de l'Esprit Infini.

150:3.8 6. La divination, la sorcellerie et les envoutements sont des superstitions d'un mental ignorant, comme le sont aussi les illusions de magie. La croyance aux nombres magiques, présages de bonne chance et annonciateurs de malchance, est une pure superstition dépourvue de fondement.

150:3.9 7. L'interprétation des rêves est largement un système sans base et superstitieux de spéculations ignorantes et fantastiques. L'évangile du royaume ne doit rien avoir de commun avec les prêtres-devins de la religion primitive.

150:3.10 8. Les esprits du bien et du mal ne peuvent habiter dans des symboles matériels d'argile, de bois ou de métal. Les idoles ne sont rien de plus que la matière dont elles sont faites.

150:3.11 9. Les pratiques des enchanteurs, des devins, des magiciens et des sorciers furent tirées des superstitions des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens et des anciens Cananéens. Les amulettes et toutes les sortes d'incantations ne servent à rien, ni pour gagner la protection des bons esprits, ni pour conjurer des esprits supposés mauvais.

150:3.12 10. Jésus exposa et condamna la croyance de ses auditeurs aux envoutements, aux ordalies, aux ensorcellements, aux malédictions, aux signes, aux mandragores, aux cordes à noeuds et à toutes les autres formes de superstition assujettissantes et dues à l'ignorance.

150.4  L'Envoi des Apôtres Deux par Deux

150:4.1 Le lendemain soir, après avoir réuni ses douze apôtres, ceux de Jean et le groupe des femmes récemment chargé de mission, Jésus leur dit : « Vous voyez par vous-mêmes que la moisson est abondante, mais que les ouvriers sont peu nombreux. Donc, prions tous le Seigneur de la moisson d'envoyer encore plus d'ouvriers dans ses champs. Pendant que je resterai ici pour encourager et instruire les jeunes éducateurs, je voudrais envoyer les anciens deux par deux passer rapidement dans toute la Galilée en prêchant l'évangile du royaume pendant qu'ils peuvent encore le faire commodément et paisiblement. » Puis il désigna, comme suit, les paires d'apôtres qu'il désirait envoyer en mission : André et Pierre, Jacques et Jean Zébédée, Philippe et Nathanael, Thomas et Matthieu, Jacques et Judas Alphée, Simon Zélotès et Judas Iscariot.

150:4.2 Jésus fixa la date où il retrouverait les douze à Nazareth, et dit au moment de la séparation : « Au cours de cette mission, n'allez dans aucune ville des Gentils, ni en Samarie ; allez plutôt rechercher les brebis perdues de la maison d'Israël. Prêchez l'évangile du royaume et proclamez la vérité salvatrice que l'homme est un fils de Dieu. Souvenez-vous que le disciple ne peut guère s'élever au-dessus de son maitre et qu'un serviteur n'est pas plus grand que son seigneur. Il suffit au disciple d'égaler son maitre et au serviteur de devenir semblable à son seigneur. Si certains ont osé qualifier le maitre de la maison d'associé de Belzébuth, à combien plus forte raison considéreront-ils ainsi les gens de sa maison ! Mais vous n'avez pas à craindre ces ennemis incroyants. Je vous déclare qu'il n'y a rien de secret qui ne doive être révélé, ni rien de caché qui ne doive être connu. Ce que je vous ai enseigné en privé, prêchez-le avec sagesse en public. Ce que je vous ai révélé à l'intérieur de la maison, vous le crierez en son temps sur les toits. Et je vous dis, mes amis et mes disciples, ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais ne peuvent détruire l'âme ; mettez plutôt votre confiance dans Celui qui est capable de soutenir le corps et de sauver l'âme.

150:4.3 « Ne vend-on pas deux passereaux pour un denier ? Pourtant, je vous déclare qu'aucun d'eux n'est oublié de Dieu. Ne savez-vous pas que même les cheveux de votre tête sont tous comptés ? Ne craignez donc pas ; vous valez plus qu'un grand nombre de passereaux. N'ayez pas honte de mon enseignement ; allez proclamer la paix et la bonne volonté, mais ne vous y trompez pas - la paix n'accompagnera pas toujours votre prédication. Je suis venu apporter la paix sur terre, mais, quand les hommes rejettent mon présent, la division et le désordre s'ensuivent. Si tous les membres d'une famille reçoivent l'évangile du royaume, la paix demeure véritablement dans cette maison. Mais, si certains membres de la famille entrent dans le royaume et si d'autres rejettent l'évangile, une telle division ne peut produire que chagrin et tristesse. Travaillez sérieusement à sauver la famille tout entière, de crainte que les hommes n'aient aussi pour ennemis les membres de leur propre maison. Mais, quand vous aurez fait tout votre possible pour tous les membres de chaque famille, je vous déclare que quiconque aime son père ou sa mère plus que cet évangile n'est pas digne du royaume. »

150:4.4 Après avoir entendu ces paroles, les douze se préparèrent à partir. Ils ne se revirent plus jusqu'au jour où ils se rassemblèrent à Nazareth pour retrouver Jésus et les autres disciples, comme le Maitre en avait convenu.

150.5  Que dois-je Faire pour Être Sauvé ?

150:5.1 Un soir, à Sunem, après que les apôtres de Jean furent retournés à Hébron et que ceux de Jésus eurent été envoyés en mission deux par deux, le Maitre s'occupait d'enseigner un groupe de douze jeunes évangélistes, travaillant sous la direction de Jacob et le groupe des douze femmes, lorsque Rachel lui posa la question suivante : « Maitre, que devons-nous répondre lorsqu'une femme nous demande : Que dois-je faire pour être sauvée ? » Quand Jésus entendit cette question, il répondit :

150:5.2 « Quand des hommes et des femmes vous demanderont ce qu'il faut faire pour être sauvés, vous répondrez : Croyez à cet évangile du royaume, acceptez le pardon divin. Reconnaissez, par la foi, l'esprit intérieur de Dieu dont l'acceptation vous rend fils de Dieu. N'avez-vous pas lu dans les Écritures les passages disant : `Ma justice et ma force résident dans le Seigneur.' Et aussi ceux où le Père dit : `Ma justice est proche, mon salut est manifesté et mes bras entoureront mon peuple.' `Mon âme se réjouira de l'amour de mon Dieu, car il m'a revêtu des vêtements du salut et m'a couvert de la tunique de sa droiture.' N'avez-vous pas également lu que l'on appellera le Père `le Seigneur de notre droiture' `Enlevez les haillons du pharisaïsme et revêtez mon fils de la robe de la justice divine et du salut éternel.' Il est perpétuellement vrai que `le juste vivra par sa foi.' L'entrée dans le royaume du Père est entièrement libre, mais le progrès - la croissance en grâce - est indispensable pour y rester.

150:5.3 « Le salut est le don du Père, et il est révélé par ses Fils. Son acceptation de votre part, par la foi, fait de vous un participant de la nature divine, un fils ou une fille de Dieu. Par la foi, vous êtes justifiés ; par la foi, vous êtes sauvés ; et, par cette même foi, vous avancez éternellement dans le chemin de la perfection progressive et divine. Abraham fut justifié par la foi et rendu conscient du salut par les enseignements de Melchizédek. Tout au long des âges, cette même foi a sauvé les fils des hommes, mais, aujourd'hui, un Fils est venu du Père pour rendre le salut plus réel et plus acceptable. »

150:5.4 Quand Jésus s'arrêta, ceux qui avaient entendu ces paroles pleines de grâce furent remplis d'une grande joie et, au cours des journées suivantes, ils proclamèrent l'évangile du royaume avec une nouvelle puissance et une énergie et un enthousiasme renouvelés. Les femmes se réjouirent d'autant plus de savoir qu'elles étaient incluses dans ces plans pour établir le royaume sur terre.

150:5.5 Jésus se résuma en disant : « On ne peut ni acheter le salut ni gagner la droiture. Le salut est le don de Dieu et la droiture est le fruit naturel de la vie née d'esprit, vie de filiation dans le royaume. Vous ne serez pas sauvés pour avoir vécu une vie de droiture ; si vous la vivez, c'est plutôt parce que vous avez déjà été sauvés, parce que vous avez reconnu la filiation comme le don de Dieu et le service dans le royaume comme le délice suprême de la vie terrestre. Quand les hommes croient à cet évangile, qui est une révélation de la bonté de Dieu, ils sont amenés à se repentir volontairement de tous les péchés connus. La réalisation de la filiation est incompatible avec le désir de pécher. Ceux qui croient au royaume ont faim de droiture et soif de perfection divine. »

150.6  Les Leçons du Soir

150:6.1 Au cours des discussions du soir, Jésus aborda de nombreux sujets. Durant le reste de cette tournée - avant la réunion générale à Nazareth - il traita « L'amour de Dieu » , « Rêves et Visions » , « Malveillance » , « Humilité et Modestie » , « Courage et Loyauté » , « Musique et Culte » , « Service et Obéissance » , « Orgueil et Présomption » , « Rapports entre le Pardon et le Repentir » , « Paix et Perfection » , « Médisance et Envie » , « Mal, Péché et Tentation » , « Doutes et Incroyance » , « Sagesse et Adoration » . Les anciens apôtres étant absents, les groupes plus récents d'hommes et de femmes participaient plus librement à ces discussions avec le Maitre.

150:6.2 Après avoir passé deux ou trois jours avec un groupe de douze évangélistes, Jésus allait rejoindre un autre groupe. Les messagers de David l'informaient des lieux de séjour et des mouvements de tous ces travailleurs. Une bonne partie du temps, les femmes accompagnaient Jésus, car c'était leur première tournée. Par le service des messagers, chacun des groupes restait pleinement au courant des progrès généraux de la tournée. La réception des nouvelles des autres groupes était toujours une source d'encouragement pour ceux qui étaient dispersés et travaillaient séparément.

150:6.3 Avant leur séparation, il avait été convenu que les douze apôtres, les évangélistes et le groupe féminin se rassembleraient à Nazareth, le vendredi 4 mars, pour y retrouver le Maitre. En conséquence, de toutes les parties de la Galilée centrale et méridionale, ces divers groupes d'apôtres et d'évangélistes commencèrent ce jour-là à se diriger vers Nazareth. Au milieu de l'après-midi, les derniers arrivants, André et Pierre, avaient rejoint le camp préparé par les premiers arrivés et situé sur les hauteurs au nord de la ville. C'était la première fois que Jésus visitait Nazareth depuis le commencement de son ministère public.

150.7  Le Séjour à Nazareth

150:7.1 Ce vendredi après-midi, Jésus se promena dans Nazareth sans attirer aucunement l'attention ni être reconnu. Il passa devant la maison de son enfance et l'atelier de charpentier, et resta une demi-heure sur la colline où il aimait tellement aller durant sa prime jeunesse. Depuis le jour de son baptême par Jean dans le Jourdain, jamais le Fils de l'Homme n'avait senti un tel flot d'émotions humaines remuer son âme. En descendant de la colline, il entendit le son familier des coups de trompette annonçant le coucher du soleil, comme il les avait tant et tant de fois entendus pendant qu'il grandissait à Nazareth. Avant de retourner au camp, il passa par la synagogue où il avait été à l'école et se plongea dans de nombreuses réminiscences du temps de son enfance. Au début de la journée, Jésus avait envoyé Thomas s'entendre avec le chef de la synagogue pour qu'il puisse prêcher à l'office matinal du sabbat.

150:7.2 La population de Nazareth n'avait jamais été réputée pour la piété et la droiture de sa vie. Au cours des années, ce village fut de plus en plus contaminé par la basse moralité de Sepphoris, la ville voisine. Durant toute la jeunesse et l'adolescence de Jésus, l'opinion publique de Nazareth avait été divisée à son sujet ; elle avait été très froissée de son déménagement à Capharnaüm. Les habitants de Nazareth avaient beaucoup entendu parler des activités de leur ancien charpentier, mais ils étaient vexés qu'il n'ait jamais inclus son village natal dans aucune de ses premières tournées de prédication. En vérité, ils connaissaient la renommée de Jésus, mais la majorité des citoyens était irritée de ce qu'il n'ait accompli aucune de ses grandes oeuvres dans la ville de sa jeunesse. Pendant des mois, les gens de Nazareth avaient beaucoup discuté de Jésus, et dans l'ensemble leur opinion à son égard était défavorable.

150:7.3 Le Maitre se trouva donc dans une atmosphère nettement hostile et hypercritique, et non dans un bienveillant climat de retour au foyer. Mais ce n'était pas tout. Sachant qu'il allait passer ce jour de sabbat à Nazareth et supposant qu'il prêcherait dans la synagogue, ses ennemis avaient stipendié un grand nombre d'hommes rudes et grossiers pour le harceler et provoquer des troubles de toutes les manières possibles.

150:7.4 La plupart de ses amis plus âgés, y compris le chazan un peu sénile qui avait été son professeur, étaient morts ou avaient quitté Nazareth, et la jeune génération avait tendance à être fortement jalouse de la célébrité de Jésus. On oubliait le dévouement qu'il avait manifesté antérieurement envers la famille de son père et l'on critiquait amèrement sa négligence à rendre visite à son frère et à ses soeurs mariés vivant à Nazareth. L'attitude de la famille de Jésus envers lui avait également contribué à accroitre ce sentiment malveillant des habitants. Les Juifs orthodoxes osèrent même critiquer Jésus pour avoir marché trop vite en allant à la synagogue ce matin de sabbat.

150.8  L'Office du Sabbat

150:8.1 Le temps était magnifique en ce jour de sabbat, et tout Nazareth, amis et ennemis, sortit pour écouter cet ancien citoyen de leur ville discourir dans la synagogue. Une grande partie de la suite apostolique dut rester dehors, car il n'y avait pas assez de place pour tous ceux qui étaient venus l'entendre. Alors qu'il était jeune homme, Jésus avait souvent pris la parole dans ce lieu de culte. Ce matin-là, tandis que le chef de la synagogue lui passait le rouleau des écrits sacrés d'où il allait lire la leçon des Écritures, aucun des auditeurs ne parut se rappeler que c'était précisément le manuscrit que Jésus avait jadis offert à cette synagogue.

150:8.2 Les offices de l'époque étaient dirigés exactement de la même manière qu'au temps où Jésus y avait assisté comme enfant. Il monta sur l'estrade des orateurs avec le chef de la synagogue, et l'office débuta par la récitation de deux prières : « Béni est le Seigneur, Roi du monde, qui forme la lumière et crée les ténèbres, qui fait la paix et crée toutes choses ; qui, dans sa miséricorde, donne la lumière à la terre et à ceux qui y séjournent, et qui, dans sa bonté, jour après jour et chaque jour, renouvelle l'oeuvre de la création. Béni est le Seigneur notre Dieu pour la gloire de l'oeuvre de ses mains et pour les lumières illuminantes qu'il a créées pour sa louange. Sélah. Béni est le Seigneur notre Dieu qui a créé les lumières. »

150:8.3 Après une pause, l'assistance se remit à prier : « Le Seigneur notre Dieu nous a aimés d'un grand amour, et il s'est penché sur nous avec une pitié débordante, lui notre Père et notre Roi, par égard pour nos pères qui ont eu confiance en lui. Tu leur as enseigné les règles de la vie ; aie pitié de nous et enseigne-nous. Éclaire nos yeux sur la loi ; fais que notre coeur adhère à tes commandements ; unis nos coeurs pour aimer et craindre ton nom, et nous ne serons pas couverts d'opprobre dans tous les siècles des siècles. Car tu es un Dieu qui prépare le salut ; tu nous as choisis parmi toutes les langues et les nations, et, en vérité, tu nous as approchés de ton grand nom - sélah - afin que nous puissions louer ton unité avec amour. Béni soit le Seigneur qui, dans son amour, a élu son peuple Israël. »

150:8.4 La congrégation récita ensuite le Shéma, le credo de la foi juive. Ce rituel consistait à répéter de nombreux passages de la loi ; il montrait que les fidèles prenaient sur eux le joug du royaume des cieux, et aussi le joug des commandements à mettre en pratique de jour et de nuit.

150:8.5 Vint ensuite la troisième prière : « Il est vrai que tu es Yahweh, notre Dieu et le Dieu de nos pères, notre Roi et le Roi de nos pères ; notre Sauveur et le Sauveur de nos pères, notre Créateur et notre rocher de salut, notre aide et notre libérateur. Ton nom existe de toute éternité, et il n'y a pas de Dieu en dehors de toi. Ceux qui furent libérés chantèrent un nouveau cantique à ton nom au bord de la mer ; tous ensemble ils te louèrent et te reconnurent comme Roi en disant : Yahweh règnera dans tous les siècles des siècles. Béni est le Seigneur qui sauve Israël. »

150:8.6 Le chef de la synagogue prit alors sa place devant l'arche, ou coffre contenant les écrits sacrés, et commença à réciter les dix-neuf eulogies, ou bénédictions. Mais, en cette occasion, il était désirable d'abréger l'office pour laisser plus de temps à l'hôte d'honneur pour son discours ; en conséquence, on ne récita que la première et la dernière eulogie. Voici la première : « Béni soit le Seigneur notre Dieu et le Dieu de nos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob ; le grand, le puissant et le terrible Dieu qui montre de la miséricorde et de la bonté, qui crée toutes choses, qui se souvient de ses bienveillantes promesses à nos pères et, par égard pour son propre nom, envoie avec amour un sauveur aux enfants de leurs enfants. O Roi, notre aide, notre sauveur et notre bouclier ! Tu es béni, O Yahweh, bouclier d'Abraham. »

150:8.7 Puis vint la dernière bénédiction : « Effuse sur Israël, ton peuple, une grande paix perpétuelle, car tu es Roi et le Seigneur de toute paix. Il est bon à tes yeux de donner en tous temps et à toute heure la bénédiction de ta paix à Israël. Béni sois-tu Yahweh, pour la bénédiction de paix que tu dispenses à ton peuple Israël. » L'assemblée ne regardait pas le chef pendant qu'il récitait ces eulogies. Il fit ensuite une prière non rituelle, appropriée aux circonstances ; à la fin de cette prière, toute l'assistance se joignit à lui pour dire amen.

150:8.8 Après cela, le chazan alla vers l'arche et en sortit un rouleau qu'il donna à Jésus pour lire la leçon des Écritures. La coutume voulait que l'on appelât sept personnes pour lire chacune au moins trois versets de la loi, mais, en l'occasion, on renonça à cette pratique pour permettre au visiteur de lire une leçon de son propre choix. Jésus prit le rouleau, se leva et commença à lire dans le Deutéronome : « Car le commandement que je te donne aujourd'hui n'est pas un mystère pour toi, et il n'est pas éloigné. Il n'est pas dans les cieux pour que tu dises : qui montera pour nous dans les cieux et nous le rapportera pour que nous puissions l'entendre et le mettre en pratique ? Il n'est pas non plus au delà de la mer pour que tu dises : qui traversera la mer pour nous rapporter le commandement afin que nous puissions l'entendre et le mettre en pratique ? Non. La parole de vie est très proche de toi, et même dans ta présence et dans ton coeur, afin que tu puisses la connaître et lui obéir. »

150:8.9 Quand Jésus eut fini dans le Livre de la Loi, il commença à lire dans le Livre d'Isaïe : « L'esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour prêcher de bonnes nouvelles aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer la libération aux captifs et le recouvrement de la vue aux aveugles, pour mettre en liberté ceux qui sont meurtris et proclamer l'année de la faveur du Seigneur. »

150:8.10 Jésus ferma le livre, le rendit au chef de la synagogue, se rassit et commença à parler au peuple en disant d'abord : « Aujourd'hui, ces Écritures sont accomplies. » Puis il parla pendant près d'un quart d'heure sur « Les Fils et les Filles de Dieu » . Son discours plut à beaucoup d'auditeurs qui s'émerveillèrent de sa grâce et de sa sagesse.

150:8.11 La coutume voulait qu'à la fin de la cérémonie officielle, l'orateur restât dans la synagogue, de sorte que les personnes intéressées puissent lui poser des questions. En conséquence, ce samedi matin, Jésus descendit se mêler à la foule qui se pressait pour l'interroger. Dans ce groupe, se trouvaient beaucoup d'agitateurs cherchant à semer la zizanie, et autour du groupe circulaient les hommes de bas aloi qui avaient été stipendiés pour causer des ennuis à Jésus. Beaucoup de disciples et d'évangélistes qui étaient restés dehors se pressèrent maintenant pour entrer dans la synagogue et ne furent pas longs à s'apercevoir que des troubles menaçaient. Ils cherchèrent à emmener le Maitre, mais celui-ci ne voulut pas les suivre.

150.9  Le Rejet par Nazareth

150:9.1 Jésus se trouva entouré dans la synagogue par une multitude d'ennemis, avec, çà et là, quelques-uns de ses disciples. En réponse aux questions grossières et aux sinistres railleries, il répondit avec une pointe d'humour : « Oui, je suis le fils de Joseph ; je suis le charpentier, et je ne suis pas surpris que vous me rappeliez le proverbe : `Médecin, guéris-toi toi-même', ni que vous me mettiez au défi de faire à Nazareth ce que vous avez entendu dire que j'ai accompli à Capharnaüm. Mais je vous prends à témoins que les Écritures elles-mêmes déclarent `qu'un prophète est honoré, sauf dans sa patrie et parmi les siens.' »

150:9.2 Mais ils le bousculèrent, tendirent vers lui un doigt accusateur et dirent : « Tu te crois meilleur que les gens de Nazareth ; tu nous as quittés, mais ton frère est un ouvrier ordinaire et tes soeurs vivent encore parmi nous. Nous connaissons Marie, ta mère. Où sont-ils tous aujourd'hui ? Nous entendons de grandes choses à ton sujet, mais nous remarquons qu'à ton retour tu n'accomplis pas de prodiges. » Jésus répondit : « J'aime les habitants de la ville où j'ai grandi, et je me réjouirais de vous voir tous entrer dans le royaume des cieux, mais il ne m'appartient pas de décider l'accomplissement des oeuvres de Dieu. Les transformations de la grâce s'opèrent en réponse à la foi vivante de ceux qui en bénéficient. »

150:9.3 Jésus aurait manié la foule avec bonhomie et désarmé effectivement ses ennemis même les plus violents, si l'un de ses apôtres, Simon Zélotès, n'avait pas commis une bévue tactique. Avec l'aide de Nahor, l'un des jeunes évangélistes, Simon avait réuni, entretemps, un groupe d'amis de Jésus parmi la foule, pris une attitude belliqueuse et signifié aux ennemis du Maitre l'ordre de s'en aller. Jésus avait depuis longtemps appris aux apôtres qu'une réponse douce détourne la fureur, mais ses disciples n'étaient pas habitués à voir leur instructeur bien-aimé, qu'ils appelaient si volontiers Maitre, traité avec tant d'impolitesse et de dédain. C'en était trop pour eux, et ils donnèrent libre cours à leur ressentiment passionné et véhément, ce qui ne fit qu'exciter l'esprit d'émeute dans cette assemblée impie et grossière. Alors, sous la direction de mercenaires, les ruffians se saisirent de Jésus et l'entrainèrent hors de la synagogue, vers le bord d'un précipice, sur une colline voisine, avec l'intention de le pousser dans le vide pour provoquer une chute mortelle sur les rochers en contrebas. Mais, juste au moment où ils allaient passer à l'acte, Jésus fit soudain volte-face et se tourna vers ses ravisseurs en croisant paisiblement les bras. Il ne dit rien, mais ses amis furent plus qu'étonnés de le voir avancer, tandis que la racaille s'écartait et le laissait passer sans le molester.

150:9.4 Suivi de ses disciples, Jésus se rendit à leur camp où tout l'épisode fut raconté. Le soir même, ils se préparèrent à repartir le lendemain matin de bonne heure pour Capharnaüm, comme Jésus le leur avait ordonné. Cette fin tumultueuse de la troisième tournée de prédication eut un effet dégrisant sur tous les disciples de Jésus. Ils commencèrent à comprendre la signification de certains enseignements du Maitre. Ils s'éveillèrent à la notion que le royaume ne s'établirait qu'à travers beaucoup de chagrins et d'amères déceptions.

150:9.5 Ils quittèrent Nazareth le dimanche matin, passèrent par des itinéraires différents et se rejoignirent finalement à Bethsaïde, vers le milieu du jour, le jeudi 10 mars. Ils se réunirent comme un groupe assagi, sérieux et désabusé de prédicateurs de l'évangile de vérité, et non comme une troupe enthousiaste de croisés triomphants prêts à tout conquérir.

151. Séjour et Enseignement au Bord de la Mer

151:0.1 LE 10 MARS, tous les groupes de prédicateurs et d'instructeurs s'étaient rassemblés à Bethsaïde. Le jeudi soir et le vendredi, beaucoup d'entre eux allèrent à la pêche ; le jour du sabbat, ils se rendirent à la synagogue pour écouter un vieux juif de Damas discourir sur la gloire de l'ancêtre Abraham. Jésus passa la majeure partie de ce jour de sabbat, seul, dans les collines. Ce samedi soir, le Maitre parla pendant plus d'une heure aux groupes assemblés, « du rôle de l'adversité et de la valeur spirituelle des déceptions » . Ce fut une occasion mémorable, et les auditeurs n'oublièrent jamais cette leçon.

151:0.2 Jésus ne s'était pas encore complètement remis du chagrin d'avoir été récemment rejeté par Nazareth ; les apôtres remarquèrent qu'une tristesse particulière se mêlait à son enjouement habituel. Jacques et Jean restèrent avec lui une grande partie du temps, car Pierre était surchargé par les nombreuses responsabilités concernant le bien-être et la direction du nouveau corps d'évangélistes. Ce temps d'attente, avant de partir fêter la Pâque à Jérusalem, les femmes l'employèrent à aller de maison en maison, enseignant l'évangile et soignant les malades à Capharnaüm et dans les villes et villages environnants.

151.1  La Parabole du Semeur

151:1.1 Vers cette époque, Jésus se mit à utiliser, pour la première fois, la méthode des paraboles pour enseigner les multitudes qui se rassemblaient si souvent autour de lui. Le samedi, il s'était entretenu tard dans la nuit avec les apôtres et avec d'autres personnes, de sorte que, le dimanche matin, très peu d'entre eux étaient levés pour le petit déjeuner ; il alla donc au bord de la mer et s'assit seul dans l'ancien bateau de pêche d'André et de Pierre, qui était toujours laissé à sa disposition ; et il médita sur les prochaines dispositions à prendre pour développer le royaume. Mais le Maitre n'allait pas rester longtemps seul. Des habitants de Capharnaüm et des villages voisins ne tardèrent pas à arriver et, vers dix heures du matin, près d'un millier d'entre eux étaient rassemblés sur le rivage près du bateau de Jésus, réclamant à grands cris son attention. Pierre était maintenant levé ; il se fraya un chemin jusqu'au bateau et dit à Jésus : « Maitre, vais-je leur parler ? » Mais Jésus répondit : « Non, Pierre, je vais leur conter une histoire. » Et il commença le récit de la parabole du semeur, l'une des premières d'une longue série de paraboles analogues qu'il enseigna aux foules qui le suivaient. Le bateau avait un siège surélevé sur lequel Jésus s'assit pour parler à la foule assemblée sur la rive, car la coutume voulait que l'on soit assis pour enseigner. Pierre prononça quelques paroles, puis Jésus dit :

151:1.2 « Un semeur sortit pour semer et, tandis qu'il semait, quelques grains tombèrent le long du chemin, où ils furent foulés aux pieds et dévorés par les oiseaux du ciel. D'autres tombèrent sur des endroits rocailleux où il y avait peu de terre et levèrent immédiatement, parce que la terre n'avait pas de profondeur ; mais, aussitôt que le soleil brilla, ils séchèrent parce qu'ils n'avaient pas de racines pour recueillir l'humidité. D'autres grains tombèrent parmi les ronces et, quand les ronces poussèrent, ils furent étouffés et ne donnèrent rien. D'autres grains encore tombèrent dans de la bonne terre, se développèrent et produisirent les uns trente, d'autres soixante et d'autres cent grains. » Après avoir conté cette parabole, Jésus dit à la foule : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. »

151:1.3 Quand ils entendirent Jésus enseigner le peuple de cette manière, les apôtres et leurs compagnons furent très perplexes et en parlèrent longuement entre eux. Le soir, dans le jardin de Zébédée, Matthieu dit à Jésus : « Maitre, que signifient les paroles obscures que tu offres à la foule ? Pourquoi parles-tu en paraboles à ceux qui recherchent la vérité ? » Et Jésus répondit :

151:1.4 « Je vous ai enseignés tout ce temps avec patience. À vous, il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux, mais, aux multitudes sans discernement et à ceux qui cherchent à nous détruire, les mystères du royaume seront désormais présentés en paraboles. Nous agirons ainsi afin que ceux qui désirent réellement entrer dans le royaume puissent discerner la signification de l'enseignement et trouver ainsi le salut, tandis que ceux qui nous écoutent uniquement pour nous prendre au piège soient d'autant plus confondus, en ce sens qu'ils verront sans voir et entendront sans entendre. Mes enfants, ne percevez-vous pas la loi de l'esprit ordonnant que l'on donnera à quiconque possède, afin qu'il possède en abondance ; mais, à celui qui n'a rien, on enlèvera même ce qu'il a ? C'est pourquoi, je parlerai désormais beaucoup au peuple en paraboles, afin que nos amis et ceux qui désirent connaître la vérité puissent trouver ce qu'ils recherchent, tandis que nos ennemis et ceux qui n'aiment pas la vérité entendront sans comprendre. Nombre de ces gens ne suivent pas le chemin de la vérité. En vérité, le prophète a bien décrit ces âmes sans discernement lorsqu'il a dit : `Car le coeur de ces gens est devenu grossier, et ils ont l'oreille dure et ils ont fermé les yeux de crainte de discerner la vérité et de comprendre dans leur coeur.' »

151:1.5 Les apôtres ne saisirent pas complètement la signification des paroles du Maitre. André et Thomas parlèrent plus longuement avec Jésus, tandis que Pierre et les autres apôtres se retirèrent ailleurs dans le jardin et se lancèrent dans une discussion longue et sérieuse.

151.2  Interprétation de la Parabole

151:2.1 Pierre et le groupe qui l'entourait parvinrent à la conclusion que la parabole du semeur était une allégorie, et que chacun de ses éléments avait un sens caché. Ils décidèrent donc de retourner vers Jésus pour lui demander des explications. Pierre aborda le Maitre en disant : « Nous sommes incapables de pénétrer la signification de cette parabole ; nous voudrions que tu nous l'expliques, puisque tu dis qu'il nous est donné de connaître les mystères du royaume. » En entendant cela, Jésus dit à Pierre : « Mon fils, je ne veux rien te cacher, mais j'aimerais que tu me racontes d'abord ce dont vous avez parlé ; quelle est ton interprétation de la parabole ? »

151:2.2 Après un moment de silence, Pierre dit : « Maitre, nous avons beaucoup discuté au sujet de la parabole, et voici l'interprétation à laquelle je me suis arrêté : Le semeur est le prédicateur de l'évangile ; la semence est la parole de Dieu. Les grains qui sont tombés le long du chemin représentent ceux qui ne comprennent pas l'enseignement de l'évangile. Les oiseaux qui s'emparent des grains tombés sur le sol durci représentent Satan, ou le malin, qui dérobe ce qui a été semé dans le coeur de ces ignorants. Les grains tombés dans les endroits rocailleux et qui levèrent si rapidement représentent les personnes superficielles et irréfléchies qui, en entendant la bonne nouvelle, reçoivent le message avec joie ; mais, la vérité n'ayant pas réellement de racines profondes dans leur compréhension, leur dévotion ne résiste ni aux tribulations ni aux persécutions. Quand les difficultés surviennent, ces croyants trébuchent ; ils succombent à la tentation. Les graines tombées parmi les ronces représentent ceux qui entendent volontiers la parole, mais qui permettent aux soucis du monde et à la nature trompeuse des richesses d'étouffer la parole de vérité et de la rendre stérile. Maintenant, les grains qui sont tombés dans la bonne terre et ont levé pour donner du fruit, les uns trente, les autres soixante et d'autres cent fois, représentent les gens qui ont entendu la vérité, l'ont reçue avec divers degrés d'appréciation - par suite de la différence de leurs dons intellectuels - et ils manifestent donc ces divers degrés d'expérience religieuse. »

151:2.3 Après avoir écouté comment Pierre interprétait la parabole, Jésus demanda aux autres apôtres s'ils n'avaient pas aussi des suggestions à offrir. Seul Nathanael répondit à cette invite en disant : « Maitre, je reconnais qu'il y a de bonnes choses dans l'interprétation de la parabole par Pierre, mais je ne suis pas entièrement d'accord avec lui. Mon idée serait la suivante : Le grain représente l'évangile du royaume et le semeur, les messagers du royaume. Les grains qui sont tombés le long du chemin sur le sol durci représentent ceux qui ont entendu peu de choses du royaume, ceux qui sont indifférents au message et ceux qui ont endurci leur coeur. Les oiseaux du ciel qui s'emparent des graines tombées le long du chemin représentent les habitudes de vie, la tentation du mal et les désirs de la chair. Les grains tombés parmi les rochers représentent les âmes émotives, aussi rapides à recevoir le nouvel enseignement qu'à renoncer à la vérité quand elles sont confrontées aux difficultés et aux réalités d'une vie conforme à cette vérité ; elles manquent de perception spirituelle. Les grains qui sont tombés dans les ronces représentent ceux qui sont attirés vers les vérités de l'évangile et sont désireux de suivre son enseignement, mais en sont empêchés par l'orgueil, l'envie et les anxiétés de l'existence humaine. Les grains tombés dans la bonne terre et qui ont germé pour porter du fruit, les uns trente, les autres soixante et d'autres cent fois, représentent les degrés naturels et variés d'aptitude à comprendre la vérité et à répondre à ses enseignements spirituels chez les hommes et les femmes qui possèdent des dons divers d'illumination spirituelle. »

151:2.4 Lorsque Nathanael eut fini de parler, les apôtres et leurs compagnons s'engagèrent dans des débats sérieux et des discussions approfondies, les uns soutenant que l'interprétation de Pierre était correcte, tandis que les autres, en nombre à peu près égal, cherchaient à défendre l'explication de la parabole par Nathanael. Entretemps, Pierre et Nathanael s'étaient retirés dans la maison et faisaient résolument de grands efforts pour se convaincre mutuellement et changer réciproquement leur manière de penser.

151:2.5 Le Maitre permit à cette confusion d'atteindre un maximum d'intensité d'expression, après quoi il frappa dans ses mains pour réunir tout le groupe autour de lui. Lorsqu'ils se furent tous une fois de plus assemblés autour de lui, il dit : « Avant que je ne vous parle de cette parabole, l'un de vous a-t-il quelque chose à dire ? » Après un moment de silence, Thomas prit la parole : « Oui, Maitre, je voudrais dire quelques mots. Je me rappelle que tu nous as jadis dit de prendre garde à cette chose même. Tu nous as recommandé, lorsque nous citons des exemples dans nos sermons, d'employer des histoires vraies et non des fables. Nous devons choisir l'histoire qui illustre le mieux la seule vérité centrale et essentielle que nous voulons enseigner au peuple ; ensuite, après avoir ainsi utilisé cette histoire, nous ne devons pas essayer de faire une application spirituelle de tous les détails mineurs qu'elle comporte. J'estime que Pierre et Nathanael ont tous deux tort de s'efforcer d'interpréter cette parabole. J'admire leur habileté à le faire, mais je suis également certain que toutes ces tentatives, pour tirer d'une parabole naturelle des analogies spirituelles dans chacun de ses traits, ne peuvent aboutir qu'à la confusion et à de sérieuses méprises sur le vrai but de la parabole. La preuve que j'ai raison résulte pleinement du fait que nous étions tous en communion de pensée il y a une heure, et que, maintenant, nous sommes séparés en deux groupes qui soutiennent des opinions différentes. Et ils s'accrochent tellement à leurs opinions qu'à mon avis, ils réduisent notre aptitude à saisir pleinement la grande vérité que tu avais dans ta pensée, lorsque tu as présenté cette parabole à la foule et que tu nous as ensuite demandé de la commenter. »

151:2.6 Les paroles de Thomas eurent un effet calmant sur tous les auditeurs et leur remirent en mémoire ce que Jésus leur avait enseigné en de précédentes occasions. Avant que le Maitre ne reprit la parole, André se leva et dit : « Je suis persuadé que Thomas a raison et je voudrais qu'il nous dise la signification qu'il attache à la parabole du semeur. » Jésus donna donc la parole à Thomas, qui dit : « Mes frères, je ne désirais pas prolonger cette discussion, mais, puisque vous le souhaitez, je dirai que je crois que la parabole a été racontée pour nous enseigner une seule grande vérité, qui est la suivante : Si fidèlement et si efficacement que nous exécutions nos missions divines, la réussite de notre enseignement de l'évangile du royaume ne sera pas uniforme, et toutes ces différences de résultats proviendront directement des conditions inhérentes aux circonstances de notre ministère, conditions sur lesquelles nous n'avons que peu ou pas de contrôle. »

151:2.7 Après l'exposé de Thomas, la majorité de ses compagnons prédicateurs était prête à l'approuver, et même Pierre et Nathanael se préparaient à lui parler, lorsque Jésus se leva et dit : « Bravo Thomas, tu as discerné la vraie signification des paraboles ; mais Pierre et Nathanael vous ont fait autant de bien, en ce sens qu'ils ont pleinement montré le danger de transformer mes paraboles en allégories. Dans votre propre coeur, il est souvent profitable que vous ayez de telles envolées d'imagination spéculative, mais vous faites une erreur quand vous cherchez à incorporer de telles conclusions dans votre enseignement public. »

151:2.8 Maintenant que l'atmosphère était détendue, Pierre et Nathanael se félicitèrent mutuellement de leurs interprétations et, à l'exception des jumeaux Alphée, chacun des apôtres s'aventura à interpréter la parabole du semeur avant que tous n'aillent se reposer pour la nuit. Même Judas Iscariot offrit une explication fort plausible. Les douze essayèrent souvent entre eux de déchiffrer les paraboles du Maitre comme ils l'auraient fait d'une allégorie, mais jamais plus ils ne prirent ces spéculations au sérieux. Ce fut une session très profitable pour les apôtres et leurs associés, d'autant plus qu'à partir de ce moment-là, Jésus introduisit de plus en plus de paraboles dans son enseignement public.

151.3  Compléments sur les Paraboles

151:3.1 La tournure de pensée des apôtres était orientée vers les paraboles au point qu'ils consacrèrent toute la soirée du lendemain à discuter encore de paraboles. Jésus ouvrit la conférence du soir en disant : « Mes bien-aimés, il faut toujours différencier votre enseignement de manière à adapter votre présentation de la vérité au mental et au coeur de ceux qui vous écoutent. Quand vous vous trouvez devant une multitude d'intelligences et de tempéraments variés, vous ne pouvez prononcer des paroles différentes pour chaque classe d'auditeurs, mais vous pouvez conter une histoire pour transmettre votre enseignement. Chaque groupe, et même chaque individu, pourra ainsi interpréter votre parabole à sa manière, selon ses propres dons intellectuels et spirituels. Laissez briller votre lumière, mais faites-le avec sagesse et discrétion. Personne n'allume une lampe pour la couvrir d'un boisseau ou la mettre sous son lit : on met sa lampe sur un piédestal où tous peuvent voir la lumière. Permettez-moi de vous dire que, dans le royaume des cieux, il n'y a rien de caché qui ne doive être manifesté, point de secrets qui ne doivent finalement être connus. Toutes choses finiront par être éclairées. Ne pensez pas seulement aux foules et à la manière dont elles entendent la vérité ; prêtez attention à la manière dont vous-mêmes vous entendez. Rappelez-vous ce que je vous ai dit bien souvent : À celui qui possède, on donnera davantage, tandis qu'à celui qui n'a rien, on enlèvera même ce qu'il croit avoir. »

151:3.2 La suite des discussions sur les paraboles et des instructions sur leur interprétation peuvent être résumées et exprimées comme suit en langage moderne :

151:3.3 1. Jésus déconseilla l'emploi aussi bien de fables que d'allégories dans l'enseignement des vérités de l'évangile. Mais il recommanda bel et bien d'user librement de paraboles, particulièrement de paraboles se référant à la nature. Il insista sur la valeur de l'utilisation des analogies existant entre les mondes naturels et spirituels comme moyen d'enseigner la vérité. Il fit fréquemment allusion à la nature en tant « qu'ombre irréelle et fugace de réalités spirituelles » .

151:3.4 2. Jésus cita trois ou quatre paraboles tirées des Écritures hébraïques et attira l'attention sur le fait que cette méthode d'enseignement n'était pas entièrement neuve. Toutefois, elle devint presque nouvelle à la manière dont il l'employa désormais.

151:3.5 3. En enseignant aux apôtres la valeur des paraboles, Jésus attira leur attention sur les points suivants :

151:3.6 La parabole fait simultanément appel à des niveaux extrêmement différents du mental et de l'esprit. Elle stimule l'imagination, met au défi la discrimination et provoque la pensée critique ; elle encourage la sympathie sans soulever d'antagonisme.

151:3.7 La parabole part des choses connues pour aboutir au discernement de l'inconnu. Elle utilise le domaine matériel et naturel comme moyen de présenter le spirituel et le supramatériel.

151:3.8 Les paraboles favorisent la prise de décisions morales impartiales ; elles éludent de nombreux préjugés et introduisent avec charme de nouvelles vérités dans le mental, en soulevant un minimum de réactions défensives de ressentiment personnel.

151:3.9 Pour rejeter la vérité contenue dans les analogies d'une parabole, il faut un acte intellectuel conscient accompli directement au mépris de votre jugement droit et de votre décision équitable. La parabole permet de contraindre la pensée en mettant en jeu le sens de l'ouïe.

151:3.10 L'enseignement sous forme de paraboles permet à l'instructeur de présenter des vérités nouvelles, et même sensationnelles, tout en évitant la plupart des controverses et des conflits extérieurs avec la tradition et l'autorité établie.

151:3.11 La parabole possède également l'avantage de remettre en mémoire les vérités enseignées quand on rencontre ultérieurement les mêmes scènes familières.

151:3.12 Jésus chercha de cette manière à mettre ses disciples au courant de diverses raisons motivant sa pratique d'employer de plus en plus de paraboles dans son enseignement public.

151:3.13 Vers la fin de la leçon du soir, Jésus fit son premier commentaire sur la parabole du semeur. Il dit que la parabole se référait à deux choses. Premièrement, c'était une récapitulation de son propre ministère jusqu'à ce jour et une prévision de ce qui l'attendait durant le reste de sa vie sur terre. Deuxièmement, c'était également une allusion à ce que les apôtres et autres messagers du royaume pouvaient attendre de leur ministère, de génération en génération, avec l'écoulement du temps.

151:3.14 Jésus recourut également à l'emploi des paraboles pour réfuter le mieux possible l'effort concerté des chefs religieux de Jérusalem, qui enseignaient que toute son oeuvre était accomplie grâce à l'assistance de démons et du prince des diables. L'appel à la nature contredisait cet enseignement, car les gens de cette époque considéraient tous les phénomènes naturels comme directement produits par des être spirituels et des forces surnaturelles. Jésus décida aussi d'adopter l'enseignement par paraboles parce que cela lui permettait de proclamer des vérités essentielles à ceux qui désiraient connaître le meilleur chemin, tout en fournissant à ses ennemis moins d'occasions de se sentir offensés et de l'accuser.

151:3.15 Avant de congédier le groupe pour la nuit, Jésus dit : « Je vais encore vous raconter la fin de la parabole du semeur. Je veux vous éprouver pour savoir comment vous accepterez ceci : le royaume des cieux ressemble aussi à un homme qui a semé du bon grain sur la terre ; pendant qu'il dormait la nuit et vaquait à ses affaires la jour, le grain germa et grandit, et, sans qu'il sache comment, la plante arriva à maturité. Elle fut d'abord en herbe, puis il y eut l'épi, puis la plénitude du grain dans l'épi. Et, quand le grain fut mûr, l'homme prit sa faucille et ce fut la fin de la moisson. Que celui qui a une oreille pour entendre entende. »

151:3.16 Les apôtres retournèrent maintes fois ces paroles dans leur pensée, mais le Maitre ne mentionna plus jamais cette addition à la parabole du semeur.

151.4  Nouvelles Paraboles au Bord de la Mer

151:4.1 Le lendemain, de son bateau, Jésus enseigna de nouveau le peuple en disant : « Le royaume des cieux ressemble à un homme qui a semé du bon grain dans son champ, mais, pendant qu'il dormait, son ennemi vint semer de l'ivraie au milieu du blé et s'enfuit en hâte. Quand les jeunes tiges sortirent de terre et, plus tard, quand les épis se formèrent, l'ivraie apparut aussi. Alors, les serviteurs de cet homme vinrent lui dire : `Maitre, n'as-tu pas semé du bon grain dans ton champ ? D'où vient donc cette ivraie ?' Le propriétaire répondit à ses serviteurs : `C'est un ennemi qui l'a fait.' Alors, les serviteurs demandèrent à leur maitre : `Voudrais-tu que nous allions arracher cette ivraie ?' Mais il leur répondit : `Non, de crainte qu'en l'arrachant vous ne déraciniez aussi le blé. Laissez plutôt les deux pousser ensemble jusqu'au temps de la moisson et je dirai aux moissonneurs : Rassemblez d'abord l'ivraie et mettez-là en bottes pour la bruler, puis recueillez le blé pour l'amasser dans mon grenier.' »

151:4.2 Après quelques questions des auditeurs, Jésus conta à la foule une autre parabole : « Le royaume des cieux ressemble à un grain de sénevé qu'un homme sema dans son champ. Or, un grain de sénevé est la plus petite des semences ; mais, quand elle s'est entièrement développée, elle devient la plus grande des plantes et ressemble à un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent se reposer dans ses branches. »

151:4.3 « Le royaume des cieux ressemble aussi à du levain qu'une femme prit pour le cacher dans trois mesures de farine, et il arriva ainsi que toute la pâte leva. »

151:4.4 « Le royaume des cieux ressemble aussi à un trésor caché dans un champ et qu'un homme a découvert. Dans sa joie, il est allé vendre tout ce qu'il possédait afin d'avoir assez d'argent pour acheter le champ. »

151:4.5 « Le royaume des cieux ressemble aussi à un marchand qui recherche de belles perles. Ayant trouvé une perle de grand prix, il alla vendre tout ce qu'il possédait pour pouvoir acheter la perle extraordinaire. »

151:4.6 « Et le royaume des cieux ressemble encore à une senne que l'on aurait lancé dans la mer et qui aurait ramené toutes sortes de poissons. Quand le filet fut rempli, les pêcheurs le halèrent sur la plage et s'assirent pour trier les poissons ; ils recueillirent les bons dans des paniers et jetèrent les mauvais. »

151:4.7 Jésus conta à la foule un grand nombre d'autres paraboles. En fait, à partir de cette époque, il employa rarement d'autres méthodes pour enseigner les masses. Après avoir parlé en paraboles à un auditoire public, il profitait des classes du soir pour exposer ses enseignements plus complètement et plus explicitement aux apôtres et aux évangélistes.

151.5  La Visite à Khérésa

151:5.1 La foule continua à augmenter pendant toute la semaine. Le jour du sabbat, Jésus se hâta de se retirer dans les collines, mais, dès le dimanche matin, les foules revinrent. Jésus leur parla au début de l'après-midi après un sermon de Pierre et, lorsqu'il eut terminé, il dit à ses apôtres : « Je suis fatigué de cette multitude ; traversons le lac pour nous reposer une journée de l'autre côté. »

151:5.2 Durant la traversée, ils furent assaillis par une de ces violentes et soudaines tempêtes caractéristiques de la mer de Galilée, surtout à cette époque de l'année. Cette nappe d'eau se trouve à plus de deux-cents mètres au-dessous du niveau de la mer, et elle est entourée de hautes rives, surtout à l'ouest. Des gorges escarpées vont du lac vers les collines. Une poche d'air chaud s'élève au-dessus du lac durant la journée et après le coucher du soleil, l'air frais des gorges a tendance à se précipiter vers le lac. Ces coups de vent arrivent rapidement et s'apaisent parfois tout aussi soudainement.

151:5.3 Ce fut précisément l'un de ces gros grains du soir qui surprit, ce dimanche, le bateau emmenant Jésus vers l'autre rive. Trois autres bateaux transportant quelques jeunes évangélistes le suivaient. La tempête fut très violente, bien que limitée à cette région du lac ; il n'y avait nulle apparence de tempête sur la rive occidentale. Le vent était tellement fort que les vagues commencèrent à déferler sur le bateau. La voile avait été arrachée avant que les apôtres aient pu la replier, et ils dépendaient maintenant entièrement de leurs rames qu'ils maniaient vigoureusement pour atteindre le rivage distant de trois kilomètres.

151:5.4 Pendant ce temps, Jésus dormait à l'arrière du bateau, sous un petit abri. Au moment du départ de Bethsaïde, le Maitre était fatigué, et c'était pour s'assurer du repos qu'il avait demandé aux apôtres de lui faire traverser le lac à la voile. Ces anciens pêcheurs étaient des rameurs vigoureux et expérimentés, mais cette tempête était l'une des plus violentes qu'ils eussent jamais rencontrées. Bien que le vent et les vagues fissent danser le bateau comme un jouet, Jésus continuait à dormir imperturbablement. Pierre maniait la rame de droite près de la poupe. Quand le bateau commença à se remplir d'eau, il lâcha sa rame et se précipita vers Jésus en le secouant vigoureusement pour le réveiller. Quand Jésus fut éveillé, Pierre lui dit : « Maitre, ne sais-tu pas que nous sommes pris dans une violente tempête ? Si tu ne nous sauves pas, nous allons tous périr. »

151:5.5 Hors de son abri, sous la pluie, Jésus commença par regarder Pierre, puis scruta l'obscurité pour voir les rameurs qui luttaient. Ensuite, il tourna de nouveau son regard vers Simon Pierre, qui, dans son agitation, n'avait pas repris sa rame, et lui dit : « Pourquoi êtes-vous si effrayés ? Où est votre foi ? Paix, restez tranquilles. » À peine Jésus avait-il adressé cette réprimande à Pierre et aux autres apôtres, et invité Pierre à rechercher la paix pour calmer son âme troublée, que l'atmosphère perturbée rétablit son équilibre et s'apaisa dans un grand calme. Les vagues irritées s'assagirent presque immédiatement, tandis que les nuages noirs qui s'étaient condensés en une courte averse disparurent et que les étoiles se mirent à briller au ciel. Autant que nous puissions en juger, il s'agissait d'une pure coïncidence, mais les apôtres, et spécialement Simon Pierre, ne cessèrent jamais de considérer l'épisode comme un miracle de la nature. Il était particulièrement facile aux hommes de l'époque de croire à des miracles de la nature, car ils étaient persuadés que toute la nature était un phénomène directement contrôlé par des forces spirituelles et des êtres surnaturels.

151:5.6 Jésus expliqua clairement aux douze qu'il avait parlé à leurs âmes troublées et s'était adressé à leur mental devenu le jouet de la peur, et qu'il n'avait pas commandé aux éléments, mais cela ne servit à rien. Les disciples du Maitre persistèrent toujours à interpréter, à leur manière, toutes les coïncidences analogues. À partir de ce jour-là, ils persistèrent à considérer le Maitre comme disposant d'un pouvoir absolu sur les éléments naturels. Pierre ne se lassa jamais de raconter que « même les vents et les vagues lui obéissent » .

151:5.7 Il était tard dans la soirée lorsque Jésus et ses associés atteignirent le rivage. La nuit était calme et magnifique. Ils se reposèrent donc tous dans les bateaux et ne débarquèrent que le lendemain matin, peu après le lever du soleil. Lorsqu'ils furent réunis, au nombre d'une quarantaine, Jésus dit : « Allons là-bas dans les collines et restons-y quelques jours à méditer sur les problèmes du royaume du Père. »

151.6  L'Aliéné de Khérésa

151:6.1 La majeure partie de la rive orientale du lac remontait en pente douce vers les hautes terres, mais, près du lieu du débarquement, il y avait une colline abrupte qui, par endroits, tombait à pic dans le lac. Montrant du doigt le flanc de la colline voisine, Jésus dit : « Montons sur ce côté de la colline pour notre petit déjeuner et reposons-nous en causant dans l'un des abris. »

151:6.2 Tout ce flanc de colline était criblé de cavernes creusées dans le rocher. Beaucoup de ces niches étaient d'anciens sépulcres. À mi-hauteur, sur un petit épaulement relativement plat, se trouvait le cimetière du petit village de Khérésa. Tandis que Jésus et ses associés passaient près des tombeaux, un aliéné, qui vivait dans ces cavernes du flanc de la colline, se précipita vers eux. Ce dément était très connu dans la région ; il avait jadis été attaché avec des liens et des chaines, et confiné dans l'une des grottes. Il avait, depuis longtemps, rompu ses entraves et errait, maintenant, en liberté parmi les tombeaux et les sépulcres abandonnés.

151:6.3 Cet homme nommé Amos était affligé d'une forme récurrente de folie. Il avait de longues périodes de répit où il s'habillait et se conduisait assez convenablement avec les autres. Durant l'un de ces intervalles de lucidité, il était allé à Bethsaïde où il avait entendu prêcher Jésus et ses apôtres, et, à l'époque, il s'était mis à croire vaguement à l'évangile du royaume. Mais bientôt une phase orageuse de sa maladie réapparut, et il s'enfuit vers les tombes où il gémissait, hurlait et se conduisait de telle sorte qu'il terrorisait tous les gens qui le rencontraient.

151:6.4 Quand Amos reconnut Jésus, il tomba à ses pieds en s'écriant : « Je te connais, Jésus, mais je suis possédé par de nombreux démons et je te supplie de ne pas me tourmenter. » Cet homme croyait sincèrement que sa démence périodique était due au fait qu'au moment des crises, des esprits mauvais ou impurs entraient en lui et dominaient son mental et son corps. Ses troubles étaient principalement émotifs - son cerveau n'était pas gravement malade.

151:6.5 Abaissant son regard sur l'homme qui rampait comme un animal à ses pieds, Jésus se baissa, le prit par la main, le releva et lui dit : « Amos, tu n'es pas possédé par un démon ; tu as déjà entendu la bonne nouvelle que tu es un fils de Dieu. Je te commande de sortir de cette transe. » Quand Amos entendit Jésus prononcer ces paroles, il se produisit une telle transformation dans son intellect que la justesse de son mental et le contrôle normal de ses émotions furent immédiatement rétablis. À ce moment-là, une foule considérable venant du village voisin s'était rassemblée, et s'accrut des bergers qui gardaient des troupeaux de porcs sur les hautes terres. Tous ces gens furent étonnés de voir l'aliéné assis avec Jésus et ses disciples, en plein équilibre mental, et s'entretenant avec eux.

151:6.6 Tandis que les porchers se précipitaient dans le village pour répandre la nouvelle que l'aliéné avait été dompté, les chiens chargèrent un troupeau abandonné d'une trentaine de porcs et en firent tomber la majeure partie dans la mer par-dessus un à pic. Cet incident, lié à la présence de Jésus et à la cure supposée miraculeuse de l'aliéné, donna naissance à la légende que Jésus avait guéri Amos en chassant une légion de démons hors de lui et que ces démons étaient entrés dans les porcs du troupeau, ce qui les avait fait courir tête baissée à leur anéantissement dans la mer. Avant la fin de la journée, l'épisode avait été diffusé par les porchers, et tout le village y avait cru. Amos crut certainement la même histoire ; il avait vu les pourceaux dégringoler par-dessus le rebord de la falaise peu après le retour au calme de son mental troublé, et il crut toujours que ces animaux avaient emporté avec eux les mauvais esprits qui l'avaient si longtemps tourmenté et affligé. Cela contribua beaucoup à la permanence de sa guérison. Il est également vrai que tous les apôtres de Jésus (sauf Thomas) crurent que l'épisode des pourceaux était directement lié à la guérison d'Amos.

151:6.7 Jésus n'obtint pas le repos qu'il était venu chercher. Il fut assailli presque toute la journée par les gens venus à la nouvelle qu'Amos avait été guéri, et attirés par l'histoire des démons impurs sortis de l'aliéné pour entrer dans le troupeau de porcs. Le mardi matin de bonne heure, après une seule nuit de repos, Jésus et ses amis furent réveillés par une délégation de ces païens éleveurs de porcs, venue le presser de partir de chez eux. Leur porte-parole dit à Pierre et à André : « Pêcheurs de Galilée, partez de chez nous et emmenez votre prophète avec vous. Nous savons qu'il est un saint homme, mais les dieux de notre pays ne le connaissent pas, et nous risquons de perdre un grand nombre de porcs. Nous avons peur de vous, et c'est pourquoi nous vous prions de vous en aller. » Les ayant entendus, Jésus dit à André : « Retournons chez nous. »

151:6.8 Au moment où ils allaient partir, Amos supplia Jésus de lui permettre de les accompagner, mais le Maitre ne voulut pas y consentir. Jésus dit à Amos : « N'oublie pas que tu es un fils de Dieu. Retourne chez les tiens et montre-leur les grandes choses que Dieu a faites pour toi. » Et Amos alla partout publier que Jésus avait chassé une légion de démons de son âme troublée, et que ces mauvais esprits étaient entrés dans un troupeau de pourceaux, qui les avait bien vite menés à l'anéantissement. Il ne s'arrêta pas avant d'avoir visité toutes les villes de la Décapole en proclamant les grandes choses que Jésus avait faites pour lui.

152. Les Prodromes de la Crise de Capharnaüm

152:0.1 L'HISTOIRE de la guérison d'Amos, l'aliéné de Khérésa, s'était déjà répandue à Bethsaïde et à Capharnaüm, de sorte qu'une grande affluence attendait Jésus lorsque son bateau accosta ce mardi matin. Dans cette foule, se trouvaient les nouveaux observateurs envoyés à Capharnaüm par le sanhédrin de Jérusalem pour trouver un motif d'arrêter et d'inculper le Maitre. Tandis que Jésus parlait avec les gens qui s'étaient rassemblés pour l'accueillir, Jaïre, l'un des chefs de la synagogue, se fraya un passage dans la foule, tomba à ses pieds, le prit par la main et lui demanda de l'accompagner en toute hâte en lui disant : « Maitre, ma petite fille, une enfant unique, est couchée chez moi à l'article de la mort. Je te supplie de venir la guérir. » Quand Jésus entendit la requête de ce père, il lui dit : « Je vais t'accompagner. »

152:0.2 Tandis qu'il s'en allait avec Jaïre, la multitude, qui avait entendu la supplique du père, les suivit pour voir ce qui allait se passer. Un peu avant leur arrivée à la maison du chef, et alors qu'ils passaient rapidement dans une rue étroite où la foule les bousculait, Jésus s'arrêta soudain en s'écriant : « Quelqu'un m'a touché. » Et, quand les personnes proches de lui nièrent de l'avoir touché, Pierre dit : « Maitre, tu peux voir que cette foule te presse ; elle risque de nous écraser, et cependant tu dis que quelqu'un t'a touché. Que veux-tu dire ? » Alors Jésus dit : « J'ai demandé qui m'a touché, car j'ai perçu qu'une énergie vivante était sortie de moi. » Il regarda autour de lui, et ses yeux tombèrent sur une femme, près de lui, qui s'avança, s'agenouilla à ses pieds et dit : « Durant des années, j'ai été affligée d'une hémorragie épuisante. De nombreux médecins m'ont fait beaucoup souffrir ; j'ai dépensé tout ce que je possédais, mais aucun n'a pu me guérir. Puis j'ai entendu parler de toi et j'ai pensé que, si je pouvais seulement toucher le bord de ton vêtement, je serais guérie. Alors, j'ai progressé dans la foule pendant qu'elle avançait jusqu'à ce que j'aie pu approcher de toi, Maitre, et j'ai touché le bord de ton vêtement ; cela m'a rendue bien portante ; je sais que j'ai été guérie de mon affliction. »

152:0.3 En entendant cela, Jésus prit la femme par la main, la releva et dit : « Ma fille, ta foi t'a guérie ; va en paix. » C'était sa foi et non le contact qui l'avait guérie. Ce cas est un bon exemple des cures apparemment miraculeuses qui émaillèrent la carrière terrestre de Jésus, mais qui, en aucun sens, ne résultèrent d'un acte conscient de sa volonté. La suite des temps prouva que cette femme était réellement guérie de sa maladie. Sa foi était d'une nature qui lui permettait de saisir directement le pouvoir créateur résidant dans la personne du Maitre. Avec la foi qu'elle avait, il lui était seulement nécessaire de s'approcher de la personne du Maitre. Il n'était nullement nécessaire qu'elle touchât son vêtement ; ce contact représentait simplement la partie superstitieuse de sa croyance. Jésus fit venir devant lui cette femme de Césarée de Philippe, appelée Véronique, pour corriger deux erreurs susceptibles de demeurer dans son mental ou de subsister dans celui des témoins de cette guérison. Il ne voulait pas que Véronique s'en allât en pensant que sa peur, en tentant de dérober sa guérison, avait porté des fruits, ou que cette cure était due au fait d'avoir superstitieusement touché son vêtement. Jésus désirait faire savoir à tout le monde que c'était la foi pure et vivante de Véronique qui avait opéré la cure.

152.1  Dans la Maison de Jaïre

152:1.1 Bien entendu, ce retard avait terriblement impatienté Jaïre, de sorte que le groupe se remit en marche à une allure accélérée. Avant même qu'ils ne fussent entrés dans la maison de ce chef, l'un de ses serviteurs sortit en disant : « Ne dérange pas le Maitre ; ta fille est morte. » Mais Jésus ne parut pas prêter attention aux paroles du serviteur ; emmenant Pierre, Jacques et Jean, il se tourna vers le père désolé et lui dit : « N'aie aucune crainte, crois seulement. » En entrant dans la maison, il vit que les joueurs de flute étaient déjà là avec les pleureurs et faisaient un tapage indécent ; déjà la famille s'était mise à pleurer et à se lamenter. Quand il eut fait sortir de la pièce tous les pleureurs, il y entra avec le père, la mère et ses trois apôtres. Il avait dit aux pleureurs que la jeune fille n'était pas morte, mais ils s'étaient moqués de lui. Jésus s'adressa alors à la mère en lui disant : « Ta fille n'est pas morte ; elle dort seulement. » Quand l'agitation dans la maison fut calmée, Jésus s'approcha de l'enfant étendue, la prit par la main et lui dit : « Ma fille, je te le dis, réveille-toi et lève-toi. » Et, lorsque la jeune fille entendit ces paroles, elle se leva immédiatement et traversa la chambre. Puis après qu'elle se fut remise de son étourdissement, Jésus ordonna qu'on lui donne à manger, car elle était restée longtemps sans prendre de nourriture.

152:1.2 Il y avait beaucoup d'agitation à Capharnaüm contre Jésus. Il réunit donc la famille et expliqua que la fillette était tombée dans le coma à la suite d'une longue fièvre, qu'il s'était borné à la réveiller et qu'il ne l'avait pas ressuscitée d'entre les morts. Il expliqua la même chose à ses apôtres, mais ce fut en vain. Ils crurent tous qu'il avait ressuscité la fillette d'entre les morts. Tout ce que Jésus pouvait dire dans ces cas de miracles apparents avait peu d'effet sur ses disciples. Ils espéraient des miracles et ne manquaient aucune occasion d'attribuer un nouveau prodige à l'action de Jésus. Le Maitre et les apôtres retournèrent à Bethsaïde après que Jésus leur eut spécifiquement recommandé de ne raconter cet épisode à personne.

152:1.3 Lorsqu'il sortit de la maison de Jaïre, deux aveugles, conduits par un garçon muet, le suivirent en réclamant à grands cris d'être guéris. À ce moment, la renommée de Jésus en tant que guérisseur était à son apogée. Partout où il allait, les malades et les affligés l'attendaient. Le Maitre paraissait maintenant très fatigué, et tous ses amis se faisaient du souci, de crainte qu'en continuant à enseigner et à guérir, il n'aille au bout de ses forces et ne s'effondre.

152:1.4 Les apôtres de Jésus, sans parler des gens du peuple, ne pouvaient comprendre la nature et les attributs de cet homme-Dieu. Nulle génération ultérieure n'a d'ailleurs été capable d'évaluer ce qui se passa sur terre dans la personne de Jésus de Nazareth. Jamais la science ni la religion n'auront l'occasion de contrôler ces évènements remarquables, pour la simple raison que cette situation extraordinaire ne pourra plus jamais se reproduire sur cette planète ni sur aucune autre de Nébadon. Jamais plus, sur aucun monde de tout cet univers, un être n'apparaîtra dans la similitude de la chair mortelle, en incorporant en même temps tous les attributs de l'énergie créatrice conjugués avec les dons spirituels qui transcendent le temps et la plupart des autres limitations matérielles.

152:1.5 Jamais avant que Jésus n'ait séjourné sur terre, et jamais depuis lors, il n'a été possible d'obtenir d'une manière aussi directe et évidente les résultats accompagnant la foi solide et vivante des mortels des deux sexes. Pour répéter ces phénomènes, il nous faudrait retourner en présence immédiate de Micaël, le Créateur, et le trouver tel qu'il était à cette époque - le Fils de l'Homme. De même, aujourd'hui, alors que son absence empêche de telles manifestations matérielles, il faut s'abstenir de limiter en quoi que ce soit la démonstration possible de son pouvoir spirituel. Bien que le Maitre soit absent en tant qu'être matériel, il est présent dans le coeur des hommes en tant qu'influence spirituelle. En quittant ce monde, Jésus a permis à son esprit de vivre aux côtés de celui de son Père, qui habite le mental de tout homme.

152.2  Le Ravitaillement des Cinq-Mille

152:2.1 Jésus continua à enseigner le peuple durant la journée et à instruire les apôtres et les évangélistes dans la soirée. Le vendredi, il ordonna une semaine de congés pour permettre à tous ses disciples d'aller passer quelques jours chez eux ou chez leurs amis avant de se préparer à monter à Jérusalem pour la Pâque. Mais plus de la moitié de ses disciples refusèrent de le quitter, et la foule s'accrut chaque jour au point que David Zébédée voulut établir un nouveau campement, mais Jésus refusa d'y consentir. Le Maitre avait eu si peu de repos durant le sabbat que, le dimanche matin 27 mars, il chercha à s'éloigner de la foule. Quelques évangélistes furent laissés en arrière pour parler à la multitude, tandis que Jésus et les douze projetaient de s'échapper sans être aperçus et d'aller sur la rive opposée du lac, où ils pensaient trouver, dans un magnifique parc au sud de Bethsaïde-Julias, le répit dont ils avaient tant besoin. La région était un lieu de promenade favori pour les habitants de Capharnaüm, qui connaissaient bien ces parcs de la rive orientale.

152:2.2 Mais la foule ne l'entendit pas ainsi. Les intéressés virent la direction que prenait le bateau de Jésus, louèrent toutes les barques disponibles et se lancèrent à sa poursuite. Ceux qui ne purent trouver de bateau partirent à pied en contournant l'extrémité nord du lac.

152:2.3 Tard dans l'après-midi, plus de mille personnes avaient repéré le Maitre dans l'un des parcs. Il leur parla brièvement et Pierre le relaya. Beaucoup de ces gens avaient apporté de la nourriture. Ils prirent leur repas du soir, puis s'assemblèrent par petits groupes tandis que les apôtres et les disciples de Jésus les enseignaient.

152:2.4 Le lundi après-midi, la multitude s'était accrue. Elle comptait maintenant plus de trois-mille personnes et pourtant - tard dans la soirée - il continuait d'en arriver qui amenaient avec elles toutes sortes de malades. Des centaines de personnes intéressées avaient établi leurs plans pour s'arrêter à Capharnaüm afin de voir et d'entendre Jésus en cours de route en se rendant à la Pâque. Et ils ne voulaient à aucun prix être déçus. Le mercredi à midi, près de cinq-mille hommes, femmes et enfants s'étaient rassemblés là dans ce parc au sud de Bethsaïde-Julias. Le temps était agréable, car la fin de la saison des pluies approchait dans cette région.

152:2.5 Philippe s'était procuré des provisions pour nourrir Jésus et les douze pendant trois jours ; il en avait confié la garde au jeune Marc, leur factotum. Cet après-midi était la troisième journée de présence pour la moitié de la foule, et les provisions de bouche que les gens avaient apportées étaient presque épuisées. David Zébédée n'avait pas ici de ville de toile pour loger et nourrir les foules. Philippe n'avait pas non plus fait de provisions pour une si grande multitude. Mais, bien que les gens eussent faim, ils ne voulaient pas s'en aller. On chuchotait que Jésus, désireux d'éviter les difficultés à la fois avec Hérode et avec les dirigeants de Jérusalem, avait choisi ce lieu hors de la juridiction de ses ennemis comme endroit convenable pour être couronné roi. L'enthousiasme de la foule croissait d'heure en heure. On ne disait rien à Jésus, mais, bien entendu, il savait tout ce qui se passait. Même les douze apôtres, et spécialement les jeunes évangélistes, avaient les idées faussées par de telles notions. Les apôtres qui favorisaient cette tentative pour proclamer Jésus roi étaient Pierre, Jean, Simon Zélotès et Judas Iscariot. Ceux qui s'opposaient au plan étaient André, Jacques, Nathanael et Thomas. Matthieu, Philippe et les jumeaux Alphée étaient neutres. Le meneur du complot pour couronner Jésus était Joab, l'un des jeunes évangélistes.

152:2.6 Telle était la situation, le mercredi après-midi vers cinq heures, lorsque Jésus demanda à Jacques Alphée de convoquer André et Philippe. Jésus leur dit : « Qu'allons-nous faire de la multitude ? Ces gens sont avec nous depuis trois jours, et beaucoup d'entre eux ont faim. Ils n'ont pas de vivres. » Philippe et André échangèrent un coup d'oeil, puis Philippe répondit : « Maitre, tu devrais les renvoyer pour qu'ils aillent dans les villages des environs s'acheter de la nourriture. » André craignait que le complot pour instituer un roi ne prenne corps ; il appuya donc rapidement Philippe en disant : « Oui, Maitre, je crois qu'il vaut mieux que tu renvoies la foule afin qu'elle aille son chemin et achète des vivres pendant que tu prendras un peu de repos. » Pendant ce temps, d'autres apôtres parmi les douze s'étaient joints à l'entretien. Jésus dit alors : « Mais je ne désire pas les renvoyer affamés ; ne pouvez-vous les nourrir ? » C'en fut trop pour Philippe qui s'écria : « Maitre, ce lieu en pleine campagne est-il un endroit où nous pouvons acheter du pain pour cette foule ? Avec deux-cents deniers nous n'en aurions pas assez pour un repas. »

152:2.7 Avant que les autres apôtres n'aient eu la possibilité de s'exprimer, Jésus se tourna vers André et Philippe en disant : « Je ne veux pas renvoyer ces gens. Ils sont là telles des brebis sans berger, et je voudrais les nourrir. De quoi disposons-nous comme nourriture ? » Tandis que Philippe s'entretenait avec Matthieu et Judas, André chercha le jeune Marc pour vérifier ce qui restait de leurs provisions. Il revint vers Jésus en disant : « Il ne reste au garçon que cinq pains d'orge et deux poissons séchés » - et Pierre ajouta promptement : « Et il faut encore que nous mangions ce soir. »

152:2.8 Pendant un moment, Jésus resta silencieux. Il y avait dans ses yeux un regard lointain. Les apôtres ne disaient rien. Jésus se tourna soudain vers André et dit : « Apporte-moi les pains et les poissons. » Lorsqu'André lui eut apporté le panier, le Maitre dit : « Ordonne aux gens de s'assoir sur l'herbe par compagnies de cent, et de désigner un chef par groupe pendant que tu amènes tous les évangélistes auprès de nous. »

152:2.9 Jésus prit les pains dans ses mains et rendit grâces. Après quoi, il rompit le pain et en donna à ses apôtres, qui le passèrent aux évangélistes, lesquels à leur tour le portèrent à la multitude. Jésus rompit et distribua les poissons de la même manière. La multitude mangea et fut rassasiée et, lorsqu'elle eut fini de manger, Jésus dit aux disciples : « Ramassez les morceaux afin que rien ne se perde. » Quand ils eurent achevé de rassembler les morceaux, ils en avaient rempli douze paniers. Environ cinq-mille hommes, femmes et enfants participèrent à ce repas extraordinaire.

152:2.10 Ce fut le premier et unique miracle de la nature que Jésus accomplit après l'avoir sciemment projeté. Il est vrai que ses disciples avaient tendance à qualifier de miracles des phénomènes qui n'en étaient pas, mais, en l'espèce, il s'agissait bien d'un authentique ministère surnaturel. D'après ce qui nous a été dit, Micaël multiplia les éléments nutritifs comme il le fait toujours, sauf qu'en l'occurence, il élimina le facteur temps et le processus vital physiquement observable.

152.3  L'Épisode du Couronnement

152:3.1 Le ravitaillement des cinq mille au moyen de l'énergie surnaturelle fut un autre de ces cas où l'évènement représentait la pitié humaine alliée au pouvoir créateur. Maintenant que la foule avait été rassasiée, et du fait que la renommée de Jésus avait été accrue séance tenante par ce prodigieux miracle, le projet de s'emparer du Maitre et de le proclamer roi n'avait plus besoin des directives de personne. L'idée parut se répandre dans la foule comme une contagion. La réaction de la foule à cette satisfaction soudaine et spectaculaire de ses besoins physiques fut profonde et irrésistible. Depuis longtemps, on avait enseigné aux Juifs qu'à son avènement, le Messie, le fils de David, ferait de nouveau couler le lait et le miel dans le pays, et que le pain de vie leur serait offert, comme la manne du ciel était jadis censément tombée sur leurs ancêtres dans le désert. Cette espérance ne venait-elle pas de se réaliser sous leurs yeux ? Quand cette foule affamée et sous-alimentée eut fini de se gorger de la nourriture miraculeuse, sa réaction fut unanime : « Voilà notre roi. » Le libérateur d'Israël, auteur de prodiges, était venu. Aux yeux de ces gens simples, le pouvoir de nourrir entrainait le droit de régner. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que la multitude rassasiée se soit levée comme un seul homme et ait crié : « Faites-le roi ! »

152:3.2 Cette puissante clameur enthousiasma Pierre et ceux des apôtres qui conservaient encore l'espérance de voir Jésus affirmer son droit de régner. Leurs faux espoirs n'allaient pas subsister longtemps. À peine l'écho de la puissante clameur de la multitude avait-il fini de se répercuter sur les rochers voisins, que Jésus monta sur une énorme pierre, leva la main droite pour attirer l'attention et dit : « Mes enfants, vos intentions sont bonnes, mais vous avez la vue courte et votre pensée est matérielle. » Il y eut une brève interruption ; ce vaillant Galiléen se tenait là, majestueusement cambré dans la lumière enchanteresse de ce crépuscule oriental. Jusqu'au bout des ongles, il avait une allure de roi, tandis qu'il continuait à parler à la foule qui retenait son souffle : « Vous voudriez m'établir roi, non parce que vos âmes ont été éclairées par une grande vérité, mais parce que vos estomacs ont été remplis de pain. Combien de fois vous ai-je dit que mon royaume n'est pas de ce monde ? Le royaume des cieux que nous proclamons est une fraternité spirituelle, et nul homme ne peut le diriger d'un trône matériel. Mon Père qui est aux cieux est le Souverain infiniment sage et tout-puissant de cette fraternité spirituelle des fils de Dieu sur terre. Ai-je échoué dans ma révélation du Père des esprits au point que vous vouliez un roi de son Fils incarné ? Partez maintenant et rentrez chez vous. S'il vous faut un roi, que le Père des lumières siège sur un trône dans le coeur de chacun de vous en tant que Souverain spirituel de toutes choses. »

152:3.3 Ces paroles de Jésus renvoyèrent la foule abasourdie et découragée. Beaucoup de ceux qui avaient cru en lui firent volte-face et cessèrent dorénavant de le suivre. Les apôtres se tenaient cois, réunis silencieusement autour des douze paniers remplis des restes de nourriture ; seul le jeune Marc, leur garçon à toutes mains, ouvrit la bouche pour dire : « Et il a refusé d'être notre roi. » Avant de partir seul dans les collines, Jésus se tourna vers André et dit : « Remmène tes frères à la maison de Zébédée et prie avec eux, spécialement pour ton frère Simon Pierre. »

152.4  La Vision Nocturne de Simon Pierre

152:4.1 Les apôtres sans leur Maitre - livrés à eux-mêmes - montèrent dans leur bateau et commencèrent à ramer silencieusement vers Bethsaïde, sur la rive occidentale du lac. Aucun des douze n'était aussi écrasé et abattu que Simon Pierre. Ils prononcèrent à peine quelques paroles ; ils pensaient tous au Maitre seul dans les collines. Les avait-il abandonnés ? Jamais auparavant il ne les avait tous renvoyés en refusant de les accompagner. Que pouvait signifier tout cela ?

152:4.2 L'obscurité les enveloppa bientôt, car un fort vent contraire s'était levé et il leur était presque impossible d'avancer. Tandis que les heures de nuit s'écoulaient à ramer péniblement, Pierre, épuisé, tomba dans un profond sommeil. André et Jacques l'étendirent sur le siège capitonné à l'arrière du bateau. Pendant que les autres apôtres peinaient contre le vent et les vagues, Pierre eut un rêve, une vision de Jésus s'approchant d'eux en marchant sur la mer. Quand le Maitre parut passer près du bateau, Pierre cria : « Sauve-nous, Maitre, sauve-nous. » Et ceux qui se trouvaient à l'arrière du bateau entendirent certaines de ces paroles. Tandis que cette apparition nocturne continuait dans le mental de Pierre, il rêva que Jésus disait : « Ayez bon courage ; c'est moi ; ne craignez point. » Cela fit l'effet d'un baume de Galaad sur l'âme agitée de Pierre ; cela calma son esprit troublé, de sorte que (dans son rêve) il cria au Maitre : « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir et de marcher avec toi sur les eaux. » Et, quand Pierre se mit à marcher sur l'eau, les vagues tumultueuses l'effrayèrent, et il allait sombrer lorsqu'il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » La plupart des douze l'entendirent pousser ce cri. Pierre rêva ensuite que Jésus venait à son secours, le prenait par la main et le soulevait en disant : « O homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

152:4.3 En liaison avec la dernière partie de son rêve, Pierre se leva véritablement du banc où il dormait, passa par-dessus bord et tomba réellement à l'eau. Il se réveilla de son rêve tandis qu'André, Jacques et Jean se penchaient sur le bastingage et le retiraient de la mer.

152:4.4 Pierre considéra toujours cet épisode comme réel. Il crut sincèrement que Jésus était venu vers eux cette nuit-là. Il ne réussit que partiellement à convaincre Jean Marc, ce qui explique pourquoi celui-ci élimina de son récit une partie de l'histoire. Quant à Luc, le médecin, il fit des recherches approfondies sur le sujet et conclut que l'épisode était une simple vision de Pierre ; en conséquence, il refusa d'incorporer cette histoire lorsqu'il prépara son récit.

152.5  De Retour à Bethsaïde

152:5.1 Le jeudi avant le lever du jour, ils ancrèrent leur bateau près de la maison de Zébédée, puis dormirent jusqu'à midi. André fut le premier à se lever. Il se promena sur le rivage et trouva Jésus, en compagnie de leur factotum, assis sur une pierre au bord de l'eau. Beaucoup de gens et de jeunes évangélistes avaient passé toute la nuit et une grande partie du lendemain à chercher Jésus dans les collines de la rive orientale. Mais Jésus, accompagné du jeune Marc, était parti à pied peu après minuit pour contourner le lac, traverser le fleuve et revenir à Bethsaïde.

152:5.2 Parmi les cinq-mille qui avaient été miraculeusement nourris et qui, l'estomac plein et le coeur vide, voulaient faire de Jésus un roi, cinq-cents seulement persistèrent à le suivre. Avant que ces derniers n'eussent été informés de son retour à Bethsaïde, Jésus pria André de réunir les douze apôtres et leurs associés, y compris les femmes, en lui disant : « Je voudrais leur parler. » Et, quand ils furent tous prêts, Jésus dit :

152:5.3 « Combien de temps vous supporterai-je ? Êtes-vous tous lents à comprendre par l'esprit et manquez-vous de foi vivante ? Durant tous ces mois, je vous ai enseigné les vérités du royaume, et malgré cela vous restez dominés par des mobiles matériels au lieu de l'être par des considérations spirituelles. N'avez-vous même pas lu dans les Écritures le passage où Moïse exhorte les enfants incroyants d'Israël en leur disant : `Ne craignez pas, restez tranquilles et contemplez le salut du Seigneur.' Le psalmiste a dit : `Mettez votre foi dans le Seigneur.' `Soyez patients, attendez le Seigneur et ayez bon courage. Il fortifiera votre coeur.' `Remettez votre fardeau au Seigneur et il vous soutiendra. Ayez toujours confiance en lui et épanchez votre coeur en lui, car Dieu est votre refuge.' `Celui qui habite dans le lieu secret du Très-Haut demeurera à l'ombre du Tout-Puissant.' `Mieux vaut avoir foi dans le Seigneur que de donner sa confiance à des princes humains.'

152:5.4 « Avez vous compris maintenant que l'accomplissement de miracles et de prodiges matériels ne gagnera pas d'âmes au royaume spirituel ? Nous avons nourri une foule de gens, mais, après cela, ils n'ont eu ni faim du pain de vie ni soif de l'eau de la droiture spirituelle. Quand leur faim a été assouvie, ils n'ont pas cherché à entrer dans le royaume des cieux, mais plutôt à proclamer la royauté du Fils de l'Homme à la manière des rois de ce monde, uniquement pour pouvoir continuer à manger du pain sans avoir à travailler pour le gagner. Et tout ceci, à quoi beaucoup de vous avez plus ou moins participé, ne contribue en rien à révéler le Père céleste ni à faire progresser son royaume sur terre. N'avons-nous donc pas assez d'ennemis parmi les chefs religieux du pays sans faire ce qui est propre à nous aliéner également les chefs civils ? Je prie le Père d'oindre vos yeux pour que vous puissiez voir, et d'ouvrir vos oreilles pour que vous puissiez entendre, afin que vous ayez pleinement foi dans l'évangile que je vous ai enseigné. »

152:5.5 Jésus annonça ensuite qu'il voulait se retirer quelques jours et prendre du repos avec ses apôtres avant de monter à Jérusalem pour la Pâque, et il défendit à tous ses disciples et à la foule de le suivre. Jésus et les douze se rendirent donc par bateau dans la région de Gennésareth pour deux ou trois jours de repos et de sommeil. Jésus se préparait à une grande crise de sa vie terrestre et passa donc beaucoup de temps en communion avec son Père qui est aux cieux.

152:5.6 La nouvelle du ravitaillement des cinq-mille et de la tentative pour faire de Jésus un roi excita une vaste curiosité et aiguillonna les craintes des chefs civils et religieux dans toute la Galilée et la Judée. Ce grand miracle ne fit aucunement progresser l'évangile du royaume dans l'âme des croyants peu enthousiastes et orientés matériellement, mais il provoqua une crise dans la famille des apôtres et des proches disciples de Jésus, qui avaient tendance à rechercher des miracles et à désirer ardemment un roi. Cet épisode spectaculaire mit fin à la première période d'enseignement, d'éducation et de guérison, préparant ainsi la voie pour l'inauguration de la dernière année consacrée à proclamer les phases supérieures et plus spirituelles du nouvel évangile du royaume - la filiation divine, la liberté spirituelle et le salut éternel.

152.6  À Gennésareth

152:6.1 Pendant qu'il se reposait chez un riche croyant de la région de Gennésareth, Jésus tint, chaque après-midi, des réunions sans formalités avec les douze apôtres. Ces ambassadeurs du royaume formaient un groupe sérieux, calme et assagi d'hommes désillusionnés. Même après tout ce qui était arrivé, les évènements ultérieurs révélèrent que ces douze hommes n'étaient pas encore complètement délivrés de leurs notions anciennes et longtemps chéries sur la venue du Messie juif. Les évènements des quelques semaines précédentes s'étaient déroulés trop rapidement pour que ces pêcheurs étonnés aient pu en saisir pleinement la signification. Il faut du temps aux hommes et aux femmes pour effectuer des changements importants et radicaux dans leurs conceptions fondamentales sur la conduite sociale, sur les attitudes philosophiques et sur les convictions religieuses.

152:6.2 Tandis que Jésus et les douze se reposaient à Gennésareth, la multitude se dispersa, les uns rentrant chez eux, les autres se rendant à Jérusalem pour la Pâque. En moins d'un mois, les disciples enthousiastes de Jésus, qui le suivaient ouvertement au nombre de plus de cinquante-mille dans la seule Galilée, se réduisirent à moins de cinq-cents. Jésus désirait faire subir à ses apôtres l'expérience de l'inconstance des acclamations populaires, afin qu'ils ne soient pas tentés de s'appuyer sur de telles manifestations temporaires d'hystérie religieuse après qu'il les aurait laissés oeuvrer seuls pour le royaume ; mais il ne réussit que partiellement dans son effort.

152:6.3 Le second soir de leur séjour à Gennésareth, le Maitre répéta aux apôtres la parabole du semeur et y ajouta ces paroles : « Vous voyez, mes enfants, que l'appel aux sentiments humains est transitoire et totalement décevant ; de même, l'appel exclusif à l'intellect est vide de sens et stérile ; c'est seulement en adressant votre appel à l'esprit qui vit dans le mental humain que vous pouvez espérer obtenir un succès durable et accomplir les merveilleuses transformations de caractère qui se traduiront bientôt par une abondante récolte des véritables fruits de l'esprit dans la vie quotidienne de tous ceux qui sont ainsi délivrés des ténèbres du doute par la naissance de l'esprit dans la lumière de la foi - dans le royaume des cieux. »

152:6.4 Jésus enseigna l'appel aux émotions en tant que technique pour arrêter et focaliser l'attention intellectuelle. Il qualifia le mental ainsi éveillé et vivifié de porte d'entrée vers l'âme où réside cette nature spirituelle de l'homme qui doit reconnaître la vérité et répondre à l'appel spirituel de l'évangile, pour procurer les résultats permanents des vraies transformations de caractère.

152:6.5 Jésus s'efforça ainsi de préparer les apôtres au choc imminent - la crise de l'attitude du public envers lui, qui allait éclater quelques jours plus tard. Il expliqua aux douze que les chefs religieux de Jérusalem conspireraient avec Hérode Antipas pour les détruire. Les douze commencèrent à comprendre plus pleinement (mais non définitivement) que Jésus ne siègerait pas sur le trône de David. Ils saisirent plus complètement que les prodiges matériels ne feraient pas progresser la vérité spirituelle. Ils commencèrent à réaliser que la nourriture miraculeuse des cinq-mille et le mouvement populaire pour faire de Jésus un roi marquaient l'apogée des espérances du peuple recherchant des miracles et attendant des prodiges, ainsi que le point culminant des acclamations de Jésus par la populace. Ils discernèrent vaguement et prévirent obscurément l'approche du passage au crible spirituel et de la cruelle adversité. L'intelligence de ces douze hommes s'éveillait lentement à la compréhension de la nature réelle de leur tâche d'ambassadeurs du royaume, et ils commencèrent à se cuirasser pour les rudes et sévères épreuves de la dernière année du ministère du Maitre sur terre.

152:6.6 Avant leur départ de Gennésareth, Jésus s'expliqua au sujet de la nourriture miraculeuse des cinq-mille. Il raconta exactement aux douze pourquoi il s'était engagé dans cette manifestation extraordinaire de pouvoir créateur. Il leur assura qu'il n'avait pas cédé à un mouvement de compassion envers la foule avant de s'être assuré que c'était « conforme à la volonté du Père. »

152.7  À Jérusalem

152:7.1 Le dimanche 3 avril de l'an 29, Jésus, accompagné seulement des douze apôtres, partit de Bethsaïde pour Jérusalem. Afin d'éviter les foules et d'attirer un minimum d'attention, ils passèrent par Gérasa et Philadelphie. Jésus défendit aux apôtres d'enseigner publiquement durant ce voyage ; il ne leur permit pas non plus d'enseigner ni de prêcher pendant leur séjour à Jérusalem. Ils arrivèrent à Béthanie près de Jérusalem tard dans la soirée du mercredi 6 avril. Ils s'arrêtèrent pour une nuit seulement chez Lazare, Marthe et Marie, mais, dès le lendemain, ils se séparèrent. Jésus resta avec Jean chez un croyant nommé Simon, voisin de Lazare à Béthanie. Judas Iscariot et Simon Zélotès s'arrêtèrent chez des amis à Jérusalem, tandis que les autres apôtres séjournaient deux par deux dans différents foyers.

152:7.2 Durant cette Pâque, Jésus ne pénétra qu'une seule fois dans Jérusalem, et ce fut lors du grand jour de la fête. Nombre de croyants de Jérusalem sortirent de la ville sous la conduite d'Abner pour rencontrer Jésus à Béthanie. Durant ce séjour à Jérusalem, les douze apprirent combien les sentiments d'amertume croissaient contre leur Maitre. Ils quittèrent la ville convaincus qu'une crise était imminente.

152:7.3 Le dimanche 24 avril, Jésus et les apôtres partirent de Jérusalem pour Bethsaïde en passant par les villes côtières de Joppé, Césarée et Ptolémaïs. De là, ils allèrent par Rama et Chorazin à Bethsaïde où ils arrivèrent le vendredi 29 avril. Aussitôt rentré, Jésus envoya André demander au chef de la synagogue l'autorisation de prendre la parole le lendemain, jour de sabbat, à l'office de l'après-midi. Jésus savait bien que c'était la dernière fois qu'on lui permettrait de parler dans la synagogue de Capharnaüm.

153. La Crise à Capharnaüm

153:0.1 LE VENDREDI soir, jour de leur arrivée à Bethsaïde, et le matin du sabbat, les apôtres remarquèrent que Jésus était sérieusement absorbé par quelque grave problème ; ils se rendaient compte que le Maitre réfléchissait d'une manière inhabituelle à une importante affaire. Il ne mangea rien le matin et très peu à midi. Pendant toute la matinée du sabbat et la soirée de la veille, les douze et leurs compagnons s'étaient réunis par petits groupes dans la maison, dans le jardin et le long du rivage. On sentait régner sur eux tous la tension de l'incertitude et l'inquiétude de l'attente. Jésus ne leur avait presque rien dit depuis leur départ de Jérusalem.

153:0.2 Depuis des mois, ils n'avaient pas vu le Maitre aussi préoccupé et taciturne. Même Simon Pierre était déprimé, sinon abattu. André ne savait que faire pour ses associés découragés. Nathanael disait que l'on était au milieu de « l'accalmie avant la tempête » . Thomas exprima l'opinion « qu'un évènement sortant de l'ordinaire allait se produire » . Philippe recommanda à David Zébédée « de ne plus rien prévoir pour loger et nourrir la multitude avant que nous ne sachions à quoi le Maitre pense » . Matthieu renouvelait ses efforts pour renflouer la trésorerie. Jacques et Jean parlaient du prochain sermon dans la synagogue et faisaient des hypothèses sur sa nature et sa portée probables. Simon Zélotès exprimait la croyance, en réalité l'espoir, que « le Père qui est aux cieux pouvait être sur le point d'intervenir d'une manière inattendue pour justifier et soutenir son Fils » . Quant à Judas Iscariot, il osait se complaire dans la pensée que Jésus était peut-être accablé de regrets « pour n'avoir pas eu le courage et l'audace de permettre aux cinq-mille de le proclamer roi des Juifs » .

153:0.3 Sortant de ce groupe de disciples déprimés et désolés, Jésus partit, ce magnifique après-midi de sabbat, pour prêcher son sermon historique dans la synagogue de Capharnaüm. Les seules paroles d'encouragement ou souhait de bonne chance qu'il reçut de ses disciples immédiats lui furent adressés par l'un des candides jumeaux Alphée. Celui-ci salua gaiement Jésus au moment où il quittait la maison pour se rendre à la synagogue, en disant : « Nous prions pour que le Père t'aide et pour que viennent à nous des multitudes plus nombreuses que jamais. »

153.1  La Mise en Scène

153:1.1 Une assistance distinguée accueillit Jésus à trois heures de l'après-midi de cette exquise journée dans la nouvelle synagogue de Capharnaüm. Jaïre présidait et passa les Écritures à Jésus pour la lecture. La veille, cinquante-trois pharisiens et sadducéens étaient arrivés de Jérusalem. Plus de trente chefs et dirigeants des synagogues voisines étaient également présents. Ces chefs religieux juifs agissaient selon les ordres reçus directement du sanhédrin de Jérusalem ; ils constituaient l'avant-garde orthodoxe venue pour déclarer une guerre ouverte à Jésus et à ses disciples. Assis auprès d'eux sur les sièges d'honneur de la synagogue, se trouvaient les observateurs officiels d'Hérode Antipas ; ils avaient reçu pour instructions de vérifier l'exactitude des rapports troublants annonçant que la populace avait fait une tentative pour proclamer Jésus roi des Juifs, là-bas dans les domaines de Philippe, frère d'Hérode.

153:1.2 Jésus comprit que ses ennemis, dont le nombre croissait, allaient immédiatement lui déclarer une guerre avouée et ouverte, et il choisit audacieusement de prendre l'offensive. Quand il avait nourri les cinq-mille, il avait contesté leurs idées sur le Messie matériel ; maintenant, il décida de nouveau d'attaquer leur concept du libérateur des Juifs. Cette crise, qui débuta avec le ravitaillement des cinq-mille et se termina par le sermon de cet après-midi de sabbat, marqua le commencement du reflux de la marée de la renommée et des acclamations populaires. Désormais, l'oeuvre du royaume devait consister de plus en plus en la tâche majeure de gagner durablement des convertis spirituels à la fraternité vraiment religieuse de l'humanité. Ce sermon marqua la crise de transition entre la période de discussion, de controverse et de décision, et celle de la guerre ouverte conduisant à une acceptation finale ou à un rejet définitif.

153:1.3 Le Maitre savait bien qu'en pensée, un grand nombre de ceux qui le suivaient se préparaient, lentement mais sûrement, à le désavouer définitivement. Il savait également qu'un bon nombre de ses disciples acquéraient, lentement mais sûrement, cette éducation du mental et cette discipline de l'âme qui leur permettraient de triompher des doutes et d'affirmer leur foi totale dans l'évangile du royaume. Jésus comprenait pleinement comment les hommes se préparent aux décisions d'une crise et à l'accomplissement soudain d'actes impliquant un choix courageux, par le lent processus du choix réitéré entre le bien et le mal dans des situations récurrentes. Il soumit ses messagers élus à des déceptions répétées et leur fournit des occasions fréquentes d'épreuves où ils devaient choisir entre la bonne et la mauvaise manière de faire face aux difficultés spirituelles. Il savait qu'il pouvait compter sur ses disciples, qu'au moment de l'épreuve finale, ils prendraient leurs décisions essentielles conformément aux attitudes mentales et aux réactions spirituelles dont ils auraient pris l'habitude antérieurement.

153:1.4 Cette crise dans la vie de Jésus commença par le ravitaillement des cinq-mille et se termina par ce sermon dans la synagogue. La crise dans la vie des apôtres commença avec ce sermon dans la synagogue et continua pendant toute une année, pour ne prendre fin qu'au moment du jugement et de la crucifixion du Maitre.

153:1.5 Avant que Jésus n'ait commencé à parler cet après-midi-là, tout l'auditoire, assis dans la synagogue, ne pensait qu'à un seul grand mystère, ne se posait qu'une question suprême. Ses amis aussi bien que ses ennemis ne songeaient qu'à ceci : « Pourquoi avait-il lui-même si délibérément et si efficacement renversé le sens du courant de l'enthousiasme populaire ? » Ce fut immédiatement avant et après ce sermon que les doutes et les déceptions de ses adhérents mécontents se changèrent en une opposition inconsciente et finirent par se transformer en véritable haine. Ce fut après ce sermon dans la synagogue que, pour la première fois, Judas Iscariot songea consciemment à déserter ; mais, pour l'instant, il domina efficacement toutes les tendances de cet ordre.

153:1.6 Chacun était perplexe. Jésus avait laissé tout le monde abasourdi et confondu. Il s'était récemment engagé dans la plus grande démonstration de pouvoir surnaturel de toute sa carrière. Le ravitaillement des cinq-mille fut l'évènement de sa vie terrestre qui fit le maximum d'appel au concept juif du Messie attendu. Mais cet avantage extraordinaire fut immédiatement contrebalancé d'une manière inexplicable par son prompt et net refus d'être proclamé roi.

153:1.7 Le vendredi soir, puis de nouveau le matin du sabbat, les dirigeants venus de Jérusalem avaient fait de longs et persévérants efforts auprès de Jaïre pour qu'il empêche Jésus de parler dans la synagogue, mais ce fut en vain. À toute leur argumentation, Jaïre ne faisait qu'une réponse : « J'ai accordé la permission demandée et je ne manquerai pas à ma parole. »

153.2  Le Sermon Historique

153:2.1 Jésus préluda à ce sermon en lisant dans la Loi les passages suivants du Deutéronome : « Mais il arrivera que, si ce peuple n'écoute pas la voix de Dieu, il sera certainement maudit pour ses transgressions. Le Seigneur te fera frapper par tes ennemis ; tu seras emmené dans tous les royaumes de la terre. Le Seigneur te livrera, avec le roi que tu auras mis sur ton trône, à une nation étrangère. Tu deviendras un sujet d'étonnement, de proverbe et de risée parmi toutes les nations. Tes fils et tes filles iront en captivité. Les étrangers en Israël acquerront une haute autorité et tu seras abaissé jusqu'à terre. Et toutes ces choses t'arriveront perpétuellement, à toi et à ta semence, parce que tu n'as pas voulu écouter la parole du Seigneur. C'est pour cela que tu serviras tes ennemis venus t'assaillir. Tu endureras la faim et la soif, et tu subiras le joug de fer de l'étranger. Le Seigneur élèvera contre toi une nation venant de loin, des confins de la terre, une nation dont tu ne comprendras pas la langue, une nation au visage dur qui aura peu de considération pour toi. Et ils t'assiègeront dans toutes tes villes jusqu'à ce que tous les hauts remparts dans lesquels tu as mis ta confiance soient abattus ; et tout le pays tombera entre leurs mains. Et il arrivera que tu seras forcé de manger le fruit de ton propre corps, la chair de tes fils et de tes filles, durant ce temps de siège, à cause de la pénurie dans laquelle tes ennemis t'enserreront. »

153:2.2 Lorsque Jésus eut terminé cette lecture, il passa aux Prophètes et lut dans Jérémie : « `Si vous ne voulez pas écouter les paroles de mes serviteurs, les prophètes que je vous ai envoyés, alors je rendrai cette maison semblable à Silo et je ferai de cette ville une malédiction pour toutes les nations de la terre.' Les prêtres et les éducateurs entendirent Jérémie prononcer ces paroles dans la maison du Seigneur. Et il arriva que, lorsque Jérémie eut fini de dire tout ce que le Seigneur lui avait commandé d'annoncer à tout le peuple, les prêtres et les éducateurs s'emparèrent de lui en disant : `Tu vas certainement mourir.' Et tout le peuple afflua autour de Jérémie dans la maison du Seigneur. Quand les princes de Juda entendirent ces choses, ils jugèrent Jérémie. Et les prêtres et les éducateurs parlèrent aux princes et à tout le peuple en disant : `Cet homme a mérité la mort, car il a prophétisé contre notre ville, et vous l'avez entendu de vos propres oreilles.' Alors Jérémie dit à tous les princes et à tout le peuple : `Le Seigneur m'a envoyé prophétiser contre cette maison et contre cette ville toutes les paroles que vous avez entendues. Réformez donc votre conduite et amendez vos actions et obéissez à la voix du Seigneur, votre Dieu, afin d'échapper au mal qui a été prononcé contre vous. Quant à moi, me voici entre vos mains. Traitez-moi comme il vous semblera bon et juste, mais sachez bien que, si vous me faites mourir, vous mettrez du sang innocent sur vous et sur ce peuple, car, en vérité, le Seigneur m'a envoyé pour faire retentir toutes ces paroles à vos oreilles.'

153:2.3 « Les prêtres et les éducateurs de l'époque cherchèrent à tuer Jérémie, mais les juges ne voulurent pas y consentir. Toutefois, à cause de ses paroles d'avertissement, ils le firent descendre par des cordes dans un cachot fangeux où il s'enfonça dans la boue jusqu'aux aisselles. Voilà ce que ce peuple fit au prophète Jérémie lorsqu'il obéit au commandement du Seigneur de prévenir ses frères de leur chute politique imminente. Aujourd'hui, je voudrais vous demander : Comment les principaux prêtres et chefs religieux de ce peuple traiteront-ils un homme qui ose les avertir du jour de leur condamnation spirituelle ? Allez-vous également chercher à mettre à mort l'instructeur qui a l'audace de proclamer la parole du Seigneur, et qui ne craint pas de signaler comment vous refusez de marcher dans le chemin de lumière qui conduit à l'entrée du royaume des cieux ?

153:2.4 « Que cherchez-vous comme preuve de ma mission sur terre ? Nous vous avons laissés tranquilles dans vos positions d'influence et de pouvoir pendant que nous prêchions de bonnes nouvelles aux pauvres et aux opprimés. Nous n'avons pas lancé d'attaque hostile contre ce que vous respectez ; nous avons plutôt proclamé une nouvelle liberté pour l'âme des hommes tourmentés par la peur. Je suis venu dans le monde pour révéler mon Père et pour établir sur terre la fraternité spirituelle des fils de Dieu, le royaume des cieux. Bien que je vous aie maintes fois rappelé que mon royaume n'est pas de ce monde, mon Père vous a néanmoins accordé de nombreuses manifestations de prodiges matériels s'ajoutant à des transformations et régénérations spirituelles plus probantes.

153:2.5 « Quel nouveau signe attendez-vous de moi ? Je déclare que vous avez déjà suffisamment de preuves pour pouvoir prendre vos décisions. En vérité, en vérité, je le dis à beaucoup de mes auditeurs d'aujourd'hui, vous êtes obligés de choisir le chemin que vous allez prendre. Comme Josué l'a dit à vos ancêtres, je vous dis de choisir aujourd'hui qui vous voulez servir. Beaucoup d'entre vous se trouvent aujourd'hui à la croisée des chemins.

153:2.6 « Quand vous n'avez pas pu me trouver après que la multitude eut été nourrie de l'autre côté du lac, certains d'entre vous avez loué les bateaux de pêche de Tibériade qui s'étaient abrités dans le voisinage pendant la tempête de la semaine dernière, et vous vous êtes lancés à ma poursuite, mais pourquoi ? Non pour rechercher la vérité et la droiture, ni pour apprendre à mieux servir ou soigner vos semblables, non, mais plutôt pour avoir plus de pain sans travailler ! Ce n'était pas pour remplir votre âme de la parole de vie, mais pour remplir votre ventre du pain de la facilité. Depuis longtemps, on vous a enseigné que, lors de sa venue, le Messie accomplirait des prodiges qui rendraient la vie facile et agréable à tout le peuple élu. Il n'est donc pas étonnant, alors, que, vous qui avez été ainsi éduqués, vous désiriez ardemment du pain et des poissons. Mais je vous déclare que telle n'est pas la mission du Fils de l'Homme. Je suis venu proclamer la liberté spirituelle, enseigner la vérité éternelle et nourrir la foi vivante.

153:2.7 « Mes frères, ne convoitez pas les denrées périssables, mais recherchez plutôt les aliments spirituels qui nourrissent jusque dans la vie éternelle. C'est le pain de vie que le Fils donne à tous ceux qui veulent le prendre et le manger, car le Père a donné sans mesure cette vie au Fils. Lorsque vous m'avez demandé : `Que devons-nous faire pour accomplir les oeuvres de Dieu ?' je vous ai clairement dit : `L'oeuvre de Dieu consiste à croire en celui qu'il a envoyé.' »

153:2.8 Puis Jésus montra du doigt le dessin d'un vase plein de manne orné de grappes de raisin et décorant le linteau de la nouvelle synagogue, et dit : « Vous avez cru que, dans le désert, vos pères avaient mangé la manne - le pain du ciel - mais je vous dis que c'était le pain de la terre. Alors que Moïse n'a pas donné à vos ancêtres de pain venant du ciel, mon Père est maintenant prêt à vous donner le véritable pain de vie. Le pain du ciel est ce qui vient de Dieu et donne la vie éternelle aux hommes de ce monde. Si vous me dites : Donne-nous de ce pain vivant, je répondrai : Je suis ce pain de vie. Quiconque vient vers moi n'aura pas faim, et quiconque me croit n'aura jamais soif. Vous m'avez vu, vous avez vécu avec moi, vous avez contemplé mes oeuvres et pourtant vous ne croyez pas que je sois venu du Père. Mais, que tous ceux qui croient vraiment ne craignent pas. Tous ceux qui sont conduits par le Père viendront vers moi, et quiconque vient vers moi ne sera aucunement rejeté.

153:2.9 « Maintenant, laissez-moi vous déclarer, une fois pour toutes, que je suis descendu sur terre non pour faire ma propre volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. Et la volonté finale de Celui qui m'a envoyé est que je ne perde pas un seul de ceux qu'il m'a donnés. Voici la volonté du Père : Que quiconque voit le Fils et le croit ait la vie éternelle. Hier encore, je vous ai nourris de pain destiné à votre corps ; aujourd'hui, j'offre le pain de vie à votre âme affamée. Voulez-vous maintenant absorber le pain de l'esprit comme vous avez si volontiers mangé le pain de ce monde ? »

153:2.10 Tandis que Jésus s'arrêtait un instant pour regarder l'assistance, l'un des éducateurs de Jérusalem (membre du sanhédrin) se leva et demanda : « Dois-je comprendre que tu affirmes être le pain descendu du ciel, et que la manne donnée par Moïse à nos pères dans le désert ne l'était pas ? » Et Jésus répondit : « Tu as bien compris. » Alors, le pharisien dit : « Mais n'es-tu pas Jésus de Nazareth, le fils de Joseph le charpentier ? Ton père et ta mère ainsi que tes frères et tes soeurs ne sont-ils pas connus de beaucoup d'entre nous ? Comment se fait-il donc que tu apparaisses ici dans la maison de Dieu et que tu déclares être descendu du ciel ? »

153:2.11 Entretemps de tels murmures s'étaient élevés dans la synagogue et il y avait une telle menace de tumulte que Jésus se leva et dit : « Soyons patients ; la vérité n'a rien à craindre d'un examen honnête. Je suis tout ce que vous dites, mais plus encore. Le Père et moi, nous sommes un. Le Fils fait seulement ce que le Père lui enseigne. Quant à tous ceux qui sont donnés au Fils par le Père, le Fils les recevra en lui-même. Vous avez lu les passages suivants des Prophètes : `Vous serez tous enseignés par Dieu' et `Ceux que le Père enseigne écouteront aussi son Fils.' Quiconque suit les directives de l'esprit intérieur du Père finira par venir à moi. Nul homme n'a vu le Père, mais l'esprit du Père vit dans l'homme. Quant au Fils descendu du ciel, il a certainement vu le Père, et ceux qui croient sincèrement ce Fils ont déjà la vie éternelle.

153:2.12 « Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts. Quant au pain qui vient de Dieu, si un homme en mange, il ne mourra jamais en esprit. Je répète que je suis ce pain vivant, et que toute âme réalisant l'unité des natures divine et humaine vivra éternellement. Ce pain de vie que je donne à quiconque veut le recevoir est ma propre nature vivante et conjuguée. Le Père est dans le Fils et le Fils ne fait qu'un avec le Père - c'est cela ma révélation qui apporte la vie au monde, et mon don de salut à toutes les nations. »

153:2.13 Lorsque Jésus eut fini de parler, le chef de la synagogue congédia la foule, mais elle ne voulut pas s'en aller. Elle se pressa autour de Jésus pour poser d'autres questions, tandis que certains auditeurs murmuraient et discutaient entre eux. Cette situation dura plus de trois heures, et ce fut seulement bien après sept heures du soir que l'auditoire finit par se disperser.

153.3  Après la Réunion

153:3.1 Bien des questions furent posées à Jésus après la réunion, quelques-unes par ses disciples perplexes, mais la majorité par des incroyants chicaneurs qui cherchaient seulement à l'embarrasser et à le prendre au piège.

153:3.2 L'un des visiteurs pharisiens monta sur un socle de lampadaire et cria cette question : « Tu nous dis que tu es le pain de vie. Comment peux-tu nous donner ta chair à manger ou ton sang à boire ? À quoi sert ton enseignement si l'on ne peut le mettre en pratique ? » Jésus répondit à cette question en disant : « Je ne vous ai pas enseigné que ma chair soit le pain de vie, ni mon sang l'eau vivante, mais je vous ai dit que ma vie incarnée est une effusion de pain céleste. Le fait de la Parole de Dieu effusée dans la chair et le phénomène du Fils de l'Homme soumis à la volonté de Dieu constituent une réalité d'expérience qui équivaut à la nourriture divine. Vous ne pouvez ni manger ma chair ni boire mon sang, mais, en esprit, vous pouvez devenir un avec moi comme je ne fais qu'un en esprit avec le Père. Vous pouvez être nourri par la parole éternelle de Dieu, qui est en vérité le pain de vie, et qui a été effusée dans la similitude de la chair mortelle ; et votre âme peut être arrosée par l'esprit divin qui est véritablement l'eau de la vie. Le Père m'a envoyé dans le monde pour montrer comment il désire habiter et diriger tous les hommes ; et j'ai vécu cette vie incarnée de manière à inspirer aussi tous les hommes pour qu'ils cherchent toujours à connaître et à faire la volonté du Père céleste qui demeure en eux. »

153:3.3 Alors, l'un des espions de Jérusalem qui avait observé Jésus et ses apôtres dit : « Nous remarquons que ni toi ni les apôtres ne vous lavez convenablement les mains avant de manger du pain. Vous devez bien savoir que la pratique de manger avec des mains souillées et non lavées est une transgression de la loi des anciens. Vous ne lavez pas non plus correctement vos coupes de boisson ni votre vaisselle. Pourquoi montrez-vous si peu de respect pour les traditions de vos pères et les lois de nos anciens ? » Après l'avoir écouté, Jésus répondit : « Pourquoi transgressez-vous les commandements de Dieu par les lois de votre tradition ? Le commandement dit : `Honore ton père et ta mère' et il ordonne que vous partagiez avec eux vos ressources si c'est nécessaire ; mais vous promulguez une loi de tradition qui permet aux enfants manquant à leurs devoirs de dire que l'argent qui aurait pu aider les parents a été `donné à Dieu'. La loi des anciens dégage ainsi de leur responsabilité ces enfants sournois, même s'ils emploient ultérieurement tout cet argent pour leur propre bien-être. Comment se fait-il que vous annuliez ainsi le commandement par votre propre tradition ? Hypocrites, Isaïe a bien prophétisé de vous lorsqu'il a dit : `Ce peuple m'honore de ses lèvres, mais son coeur est éloigné de moi. C'est en vain qu'ils me rendent un culte, car ils enseignent comme doctrines des préceptes humains.'

153:3.4 « Voyez comment vous abandonnez le commandement pour vous accrocher à des traditions humaines. Vous êtes tout disposés à désavouer la parole de Dieu pour maintenir vos propres traditions. Et, de bien d'autres manières, vous osez établir votre propre enseignement au-dessus de la Loi et des Prophètes. »

153:3.5 Puis Jésus adressa ses observations à tout l'auditoire. Il dit : « Écoutez-moi tous. L'homme n'est pas spirituellement souillé par ce qui entre dans sa bouche, mais plutôt par ce qui sort de sa bouche et vient de son coeur. » Les apôtres eux-mêmes ne réussirent pas à saisir complètement le sens de ses paroles, car Simon Pierre lui demanda aussi : « De crainte que certains auditeurs ne soient inutilement froissés, voudrais-tu nous expliquer le sens de ces paroles ? » Alors, Jésus dit à Pierre : « As-tu aussi la tête dure ? Ne sais-tu pas que toute plante non plantée par mon Père céleste sera arrachée ? Tourne maintenant ton attention vers ceux qui voudraient connaître la vérité. On ne peut forcer les hommes à aimer la vérité. Beaucoup de ces éducateurs sont des guides aveugles, et tu sais que, si l'aveugle conduit l'aveugle, tous deux tombent dans le puits. Prête l'oreille pendant que je te dis la vérité au sujet des choses qui souillent moralement et contaminent spirituellement les hommes. Je proclame que ce n'est pas ce qui entre dans le corps par la bouche ou pénètre dans le mental par les yeux et les oreilles qui souille les hommes. Un homme n'est souillé que par le mal qui prend naissance dans son coeur et trouve à s'exprimer dans les paroles et les actes de cet impie. Ne sais-tu pas que c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les méchants projets de meurtre, de vol et d'adultère, ainsi que la jalousie, l'orgueil, la colère, la vengeance, les injures et les faux témoignages ? Voilà ce qui souille les hommes, et non le fait de manger du pain avec des mains non lavées cérémoniellement. »

153:3.6 Les commissaires pharisaïques du sanhédrin de Jérusalem étaient maintenant à peu près convaincus qu'il fallait arrêter Jésus sous inculpation de blasphème ou sous celle d'avoir fait fi de la loi sacrée des Juifs, d'où leurs efforts pour l'impliquer dans une discussion sur certaines traditions des anciens, et, si possible, dans une attaque contre ce que l'on appelait les lois orales de la nation. Si rare que fût l'eau, ces Juifs esclaves de la tradition ne manquaient jamais d'accomplir la cérémonie exigée de se laver les mains avant chaque repas. Ils avaient pour croyance « qu'il vaut mieux mourir que de transgresser les commandements des anciens » . Les espions avaient posé la question sur la purification des mains parce que le bruit courait que Jésus avait dit : « Le salut est une affaire de coeur pur plutôt que de mains pures. » Il est difficile de renoncer à de telles croyances une fois qu'elles font partie de votre religion. Bien des années plus tard, l'apôtre Pierre était encore asservi, par la peur, à beaucoup de ces traditions concernant les choses pures et impures ; il n'en fut délivré qu'après avoir eu un rêve frappant et extraordinaire. On peut mieux comprendre tout cela en se rappelant que les Juifs mettaient sur le même pied le fait de manger avec des mains non lavées et celui d'avoir commerce avec une prostituée ; les deux étaient également passibles d'excommunication.

153:3.7 C'est ainsi que le Maitre décida d'analyser et d'exposer la folie de tout le système rabbinique de lois et de règlements représenté par la loi orale - les traditions des anciens, qui étaient toutes considérées comme plus sacrées et plus obligatoires pour les Juifs que les enseignements des Écritures elles-mêmes. Jésus s'exprima avec moins de réserve parce qu'il savait que l'heure était venue où il ne pouvait rien faire de plus pour empêcher une rupture ouverte de relations avec ces chefs religieux.

153.4  Dernières Paroles dans la Synagogue

153:4.1 Au milieu des discussions qui suivirent la réunion, l'un des pharisiens de Jérusalem amena à Jésus un jeune dément qui était possédé par un esprit indiscipliné et rebelle. En le présentant à Jésus, il demanda : « Que peux-tu faire dans le cas d'une affliction comme celle-ci ? Peux-tu chasser les démons ? » Et, quand le Maitre regarda le garçon, il fut ému de compassion ; et, lui faisant signe d'approcher, il le prit par la main et dit : « Tu sais qui je suis ; sors de lui ; je charge l'un de tes compagnons loyaux de veiller à ce que tu ne reviennes pas. » Et aussitôt le jeune homme redevint normal et reprit son bon sens. Ce fut le premier cas où Jésus chassa réellement un « mauvais esprit » d'un être humain. Dans tous les cas antérieurs, il s'agissait seulement de prétendues possessions par des démons ; mais, en l'espèce, c'était un cas authentique de possession démoniaque, comme il s'en produisait parfois à cette époque. À partir de la Pentecôte, l'esprit du Maitre répandu sur toute chair rendit définitivement impossible à ces quelques rebelles célestes de dominer ainsi certains types instables d'êtres humains.

153:4.2 Quand la population s'émerveilla, l'un des pharisiens se leva et accusa Jésus de pouvoir faire ces choses grâce à son alliance avec les démons. Il fit remarquer que le langage employé par Jésus pour chasser ce démon impliquait qu'ils se connaissaient mutuellement. Il continua en affirmant que les éducateurs religieux et les dirigeants de Jérusalem avaient conclu que Jésus accomplissait tous ces prétendus miracles par le pouvoir de Belzébuth, prince des démons. Le pharisien ajouta : « N'ayez rien de commun avec cet homme ; il est un partenaire de Satan. »

153:4.3 Alors Jésus dit : « Comment Satan peut-il chasser Satan ? Un royaume divisé contre lui-même ne peut subsister. Si une maison est divisée contre elle-même, elle est bientôt vouée à la ruine. Une ville peut-elle soutenir un siège si elle est désunie ? Si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même, et alors comment son royaume subsistera-t-il ? Vous devriez savoir que nul ne peut entrer dans la maison d'un homme fort et le dépouiller de ses biens, à moins de l'avoir d'abord dominé et enchainé. Si c'est par le pouvoir de Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront vos juges. Mais, si c'est par l'esprit de Dieu que je chasse les démons, alors le royaume de Dieu est vraiment venu à vous. Si vous n'étiez pas aveuglés par les préjugés et égarés par la peur et l'orgueil, vous percevriez facilement qu'un être plus grand que les démons se trouve parmi vous. Vous m'obligez à proclamer que quiconque n'est pas avec moi est contre moi, et que quiconque n'assemble pas avec moi disperse. Laissez-moi vous donner un avertissement solennel, à vous qui, avec les yeux ouverts et une perversité préméditée, osez attribuer sciemment les oeuvres de Dieu aux actes des démons ! En vérité, en vérité, je vous le dis, tous vos péchés seront pardonnés, et même tous vos blasphèmes, mais quiconque blasphèmera contre Dieu avec une intention méchante et délibérée n'obtiendra jamais le pardon. Puisque ces incorrigibles fauteurs d'iniquité ne chercheront ni ne recevront jamais le pardon, ils sont coupables du péché de rejeter éternellement le pardon divin.

153:4.4 « Beaucoup d'entre vous sont arrivés, aujourd'hui, à la croisée des chemins ; vous commencez à faire le choix inévitable entre la volonté du Père et la route des ténèbres que vous avez vous-même choisie, et vous finirez par être ce que vous choisissez maintenant. Ou bien il faut assainir l'arbre et son fruit, ou bien l'arbre et son fruit se corrompront. Je déclare que, dans le royaume éternel de mon Père, l'arbre est connu par ses fruits. Mais certains d'entre vous ressemblent à des vipères ; ayant déjà choisi le mal, comment pourraient-ils produire de bons fruits ? Après tout, c'est en puisant dans l'abondance du mal contenu dans votre coeur que votre bouche parle. »

153:4.5 Alors, un autre pharisien se leva pour dire : « Maitre, nous voudrions que tu nous donnes un signe prédéterminé que nous accepterions comme établissant ton autorité et ton droit d'enseigner. Serais-tu d'accord pour cet arrangement ? » Après avoir entendu ces paroles, Jésus dit : « Cette génération sans foi cherche des signes, mais il ne vous sera donné d'autre signe que celui que vous avez déjà et celui que vous verrez quand le Fils de l'Homme vous quittera. »

153:4.6 Lorsque Jésus eut fini de parler, les apôtres l'entourèrent et l'emmenèrent hors de la synagogue. Ils l'accompagnèrent en silence jusqu'au foyer de Bethsaïde. Ils étaient tous stupéfaits et quelque peu effrayés par le changement soudain dans la tactique d'enseignement du Maitre. Ils n'avaient aucunement l'habitude de le voir se conduire d'une manière aussi militante.

153.5  Le Samedi Soir

153:5.1 Maintes et maintes fois, Jésus avait mis en pièces les espoirs de ses apôtres et, de façon répétée, il avait réduit à néant leurs plus chères espérances, mais jamais ils n'avaient subi de moments de déception ni de périodes de tristesse équivalents à ceux qui les frappaient maintenant. En outre, une crainte réelle pour leur sécurité se mêlait aujourd'hui à leur dépression. Ils étaient tous surpris et épouvantés par la soudaineté et l'ampleur de la désertion de la multitude. Ils étaient aussi un peu effrayés et déconcertés par l'audace inattendue et la résolution affirmée dont faisaient preuve les pharisiens venus de Jérusalem. Mais, par-dessus tout, ils étaient désorientés par le soudain changement de tactique de Jésus. En temps ordinaire, ils auraient bien accueilli l'apparition de cette attitude plus militante, mais, en l'espèce, elle accompagnait tant d'évènements inattendus qu'elle les effraya.

153:5.2 Et, maintenant, par dessus-tous ces ennuis, lorsqu'ils arrivèrent chez eux, Jésus refusa de manger. Il s'isola durant des heures dans l'une des chambres du haut. Il était près de minuit quand Joab, le chef des évangélistes, revint avec la nouvelle qu'un tiers de ses associés avaient abandonné la cause. Durant toute la soirée, des disciples fidèles avaient fait la navette pour rendre compte que le revirement des sentiments envers le Maitre était général à Capharnaüm. Les dirigeants de Jérusalem s'empressèrent d'attiser ce sentiment de désaffection et de chercher par tous les moyens à développer le mouvement écartant la population de Jésus et de ses enseignements. Durant ces heures éprouvantes, les douze femmes tenaient une réunion dans la maison de Pierre. Elles étaient profondément bouleversées, mais aucune ne déserta.

153:5.3 Un peu après minuit, Jésus descendit de la chambre du haut et revint parmi les douze et leurs compagnons, une trentaine d'hommes en tout. Il dit : « Je reconnais que ce passage au crible du royaume vous cause de l'angoisse, mais il est inévitable. Néanmoins, après tout l'entrainement que vous avez subi, aviez-vous une raison valable de trébucher sur mes paroles ? Pourquoi êtes-vous remplis de crainte et de consternation en voyant le royaume débarrassé de ces multitudes tièdes et de ces disciples hésitants ? Pourquoi vous chagrinez-vous à l'aurore du jour où les enseignements spirituels du royaume des cieux vont briller d'une nouvelle gloire ? Si déjà vous trouvez difficile de supporter cette épreuve, que direz-vous le jour où il faudra que le Fils de l'Homme retourne vers le Père ? Quand et comment vous préparerez-vous pour le moment où je remonterai à la place d'où je suis venu dans ce monde ?

153:5.4 « Mes bien-aimés, il faut vous rappeler que c'est l'esprit qui vivifie ; la chair, et tout ce qui s'y rapporte, est de peu de profit. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. Ayez bon courage ! Je ne vous ai pas abandonnés. Bien des gens s'offusqueront de mon franc-parler durant ces journées. Vous avez déjà entendu que bon nombre de mes disciples ont fait volte-face et ne me suivent plus. Depuis le commencement, je savais que ces croyants sans enthousiasme quitteraient nos rangs le long du chemin. Ne vous ai-je pas choisis tous les douze et mis à part comme ambassadeurs du royaume ? Et maintenant, en un moment comme celui-ci, déserteriez-vous aussi ? Que chacun de vous considère sa propre foi, car l'un de vous est menacé d'un grave danger. » Lorsque Jésus eut fini de parler, Simon Pierre dit : « Oui, Seigneur, nous sommes tristes et perplexes, mais nous ne t'abandonnerons jamais. Tu nous as enseigné les paroles de la vie éternelle. Nous avons cru en toi et nous t'avons toujours suivi. Nous ne reviendrons pas en arrière parce que nous savons que tu es envoyé par Dieu. » Lorsque Pierre eut fini de parler, les autres apôtres firent unanimement un signe de tête pour approuver sa promesse de fidélité.

153:5.5 Alors Jésus dit : « Allez vous reposer, car nous allons avoir fort à faire. Les prochaines journées vont être très actives. »

154. Derniers Jours à Capharnaüm

154:0.1 LORS DE cette mémorable soirée du samedi 30 avril, tandis que Jésus adressait des paroles de réconfort et de courage à ses disciples abattus et perplexes, Hérode Antipas tenait conseil à Tibériade avec un groupe de commissaires spéciaux représentant le sanhédrin de Jérusalem. Ces scribes et pharisiens pressèrent Hérode d'arrêter Jésus ; ils firent de leur mieux pour le convaincre que Jésus poussait le peuple à la dissension et même à la révolte. Mais Hérode refusa d'entreprendre une action contre lui en tant que délinquant politique. Ses conseillers lui avaient fait un rapport correct sur l'épisode intervenu de l'autre côté du lac où la foule avait voulu proclamer Jésus roi, et sur la manière dont il avait rejeté la proposition.

154:0.2 Un membre de la famille officielle d'Hérode, Chuza, dont la femme appartenait au groupe de service féminin, l'avait informé que Jésus ne se proposait pas de se mêler des affaires de la souveraineté terrestre et qu'il s'occupait uniquement d'établir la fraternité spirituelle de ses fidèles, fraternité qu'il appelait le royaume des cieux. Hérode avait confiance dans les rapports de Chuza, si bien qu'il refusa de s'immiscer dans les activités de Jésus. À cette époque, le comportement d'Hérode envers Jésus était également influencé par sa crainte superstitieuse de Jean le Baptiste. Hérode était l'un de ces Juifs apostats qui, tout en ne croyant à rien, craignait tout. Il avait mauvaise conscience d'avoir exécuté Jean et ne voulait pas se laisser impliquer dans ces intrigues contre Jésus. Il connaissait de nombreux cas de maladies apparemment guéries par Jésus, et il le considérait comme un prophète ou comme un fanatique religieux relativement inoffensif.

154:0.3 Quand les Juifs le menacèrent de rendre compte à César qu'il protégeait un sujet traitre, Hérode les expulsa de la chambre du conseil. Les choses en restèrent là pendant une semaine, durant laquelle Jésus prépara ses disciples à la dispersion imminente.

54.1  Une Semaine de Conseils

154:1.1 Du 1er au 7 mai, Jésus tint des conseils privés avec ses partisans dans la maison de Zébédée. Seuls les disciples éprouvés et en qui il avait confiance furent admis à ces conférences. À l'époque, il n'y avait qu'une centaine de disciples ayant le courage moral de braver l'opposition des pharisiens et de déclarer ouvertement leur attachement à Jésus. Il eut des réunions avec eux le matin, l'après-midi et le soir. De petits groupes d'investigateurs se rassemblaient tous les après-midi au bord de la mer, où certains évangélistes ou apôtres les haranguaient. Ces groupes comptaient rarement plus de cinquante personnes.

154:1.2 Le vendredi de cette semaine, les dirigeants de la synagogue de Capharnaüm prirent des mesures officielles pour fermer la maison de Dieu à Jésus et à tous ses partisans. Cette action fut entreprise à l'instigation des pharisiens de Jérusalem. Jaïre donna sa démission de dirigeant principal et prit ouvertement parti pour Jésus.

154:1.3 La dernière réunion au bord de la mer eut lieu l'après-midi du sabbat du 7 mai. Jésus s'adressa à moins de cent-cinquante personnes rassemblées à ce moment-là. La soirée de ce samedi marqua le point le plus bas de la grande vague de popularité pour Jésus et ses enseignements. Ensuite, les sentiments favorables à son égard s'accrurent d'une manière lente et continue, mais plus saine et digne de confiance. Il se développa un nouveau groupe de partisans mieux fondé sur la foi spirituelle et la véritable expérience religieuse. Le stade de transition, plus ou moins composite et basé sur des compromis, entre les concepts matérialistes du royaume entretenus par les disciples du Maitre et les conceptions plus idéalistes et spirituelles que Jésus enseignait, avait définitivement pris fin. Désormais l'évangile du royaume fut proclamé plus ouvertement dans son aspect le plus large et avec ses vastes implications spirituelles.

154.2  Une Semaine de Repos

154:2.1 À Jérusalem, le dimanche 8 mai de l'an 29, le sanhédrin adopta un décret fermant toutes les synagogues de Palestine à Jésus et à ses partisans. Ce fut une usurpation d'autorité nouvelle et sans précédent par le sanhédrin de Jérusalem. Jusque-là, chaque synagogue avait existé et fonctionné comme une congrégation de fidèles indépendante, et chacune était commandée et dirigée par son propre comité de gouverneurs. Seules les synagogues de Jérusalem étaient soumises à l'autorité du sanhédrin. Cinq membres du sanhédrin démissionnèrent à la suite de cette procédure sommaire. Cent messagers furent immédiatement envoyés pour transmettre et imposer le décret. En moins de quinze jours, toutes les synagogues de Palestine s'étaient inclinées devant cette proclamation du Sanhédrin, sauf celle d'Hébron. Les dirigeants de cette dernière refusèrent de reconnaître au sanhédrin le droit d'exercer cette juridiction sur leur assemblée. Ce refus d'accepter le décret de Jérusalem était basé sur l'affirmation de l'autonomie de leur congrégation plutôt que sur leur sympathie pour la cause de Jésus. Peu après, la synagogue d'Hébron fut détruite par un incendie.

154:2.2 Le même dimanche matin, Jésus décréta une semaine de vacances ; il incita tous ses disciples à retourner chez eux ou chez leurs amis pour reposer leur âme troublée et adresser des paroles d'encouragement à leurs êtres chers. Il dit : « Allez chacun de votre côté vous distraire ou pêcher, tout en priant pour l'expansion du royaume. »

154:2.3 Cette semaine de repos permit à Jésus de rendre visite à de nombreux groupes et familles aux environs des bords de la mer. En plusieurs occasions, il alla également pêcher avec David Zébédée. Cependant, il se promena seul la plupart du temps, mais deux ou trois des plus sûrs messagers de David avaient reçu des ordres précis pour veiller à sa sécurité et le suivaient toujours en se dissimulant. Il n'y eut aucune sorte d'enseignement public durant cette semaine de repos.

154:2.4 Au cours de la même semaine, Nathanael et Jacques Zébédée furent assez sérieusement malades. Durant trois jours et trois nuits, ils souffrirent de troubles intestinaux graves et douloureux. La troisième nuit, Jésus envoya Salomé, mère de Jacques, se reposer pendant qu'il soignait ses apôtres souffrants. Bien entendu, Jésus aurait pu guérir instantanément les deux hommes, mais ce n'est ni la méthode du Père ni celle du Fils pour traiter ces troubles et afflictions ordinaires des enfants des hommes sur les mondes évolutionnaires du temps et de l'espace. Pas une seule fois durant sa vie mouvementée en incarnation, Jésus n'appliqua de soins surnaturels quelconques à aucun membre de sa famille terrestre ni à aucun de ses disciples immédiats.

154:2.5 Il faut faire face aux difficultés de l'univers et aux obstacles rencontrés sur la planète, en les considérant comme une partie de l'éducation expérimentale fournie pour la croissance et le développement (la perfection progressive) des âmes évoluantes des créatures mortelles. La spiritualisation de l'âme exige une expérience intime avec l'acte éducatif de trouver des solutions à un large éventail de problèmes universels réels. La nature animale et les formes inférieures de créatures volitives ne progressent pas bien dans une ambiance trop facile. Les situations problématiques, associées aux impulsions à l'action, font naître les activités mentales, psychiques et spirituelles qui contribuent puissamment à l'accomplissement des buts valables de la progression humaine et à l'aboutissement à des niveaux supérieurs de destinée spirituelle.

154.3  La Seconde Conférence à Tibériade

154:3.1 La seconde conférence entre les autorités de Jérusalem et Hérode Antipas fut convoquée à Tibériade le 16 mai. Les chefs religieux et les chefs politiques de Jérusalem y étaient présents. Les dirigeants juifs purent rendre compte à Hérode que pratiquement toutes les synagogues de Galilée et de Judée étaient fermées aux enseignements de Jésus. Ils entreprirent un nouvel effort pour obtenir l'arrestation de Jésus, mais Hérode refusa d'accéder à leur demande. Toutefois, le 18 mai, Hérode accepta le plan consistant à permettre aux autorités du sanhédrin d'arrêter Jésus et de l'emmener à Jérusalem pour le faire juger sur des inculpations religieuses, pourvu que le gouverneur romain de la Judée participe à cet arrangement. Entretemps, les ennemis de Jésus répandaient activement, dans toute la Galilée, la rumeur qu'Hérode était devenu hostile à Jésus et avait l'intention d'exterminer tous ceux qui croyaient à ses enseignements.

154:3.2 Le samedi soir 21 mai, parvint à Tibériade la nouvelle que les autorités civiles de Jérusalem n'avaient pas d'objections contre l'accord conclu entre Hérode et les pharisiens, accord stipulant que Jésus serait arrêté et emmené à Jérusalem pour être jugé devant le sanhédrin sous l'inculpation d'avoir nargué les lois sacrées de la nation juive. En conséquence, un peu avant minuit du même jour, Hérode signa le décret autorisant les officiers du sanhédrin à s'emparer de Jésus à l'intérieur du domaine de la juridiction d'Hérode, et à l'emmener de force à Jérusalem pour y être jugé. De fortes pressions de diverses sources furent exercées sur Hérode avant qu'il ne consentît à accorder cette permission ; il savait bien que Jésus ne pouvait espérer que ses ennemis acharnés de Jérusalem le jugeraient équitablement.

154.4  Le Samedi Soir à Capharnaüm

154:4.1 Le même samedi soir, un groupe de cinquante personnalités de Capharnaüm se réunit à la synagogue pour examiner l'importante question : « Qu'allons-nous faire de Jésus ? » Ils s'entretinrent et discutèrent jusqu'après minuit sans pouvoir trouver de terrain d'entente. À part quelques personnes ayant tendance à croire que Jésus pouvait être le Messie, ou au moins un saint homme ou peut-être un prophète, l'assemblée était divisée en quatre groupes à peu près égaux, qui soutenaient respectivement les points de vue suivants :

154:4.2 1. Que Jésus était un fanatique religieux abusé et inoffensif.

154:4.3 2. Qu'il était un agitateur dangereux et un organisateur susceptible de soulever une rébellion.

154:4.4 3. Qu'il était allié aux démons, et qu'il pouvait même être un prince des démons.

154:4.5 4. Qu'il n'était pas dans son bon sens, qu'il était un fou, un déséquilibré mental.

154:4.6 On discuta beaucoup des doctrines prêchées par Jésus et qui bouleversaient les gens du peuple. Ses ennemis soutinrent que ses enseignements étaient impraticables, que tout se disloquerait si tout le monde faisait un effort honnête pour vivre conformément aux idées de Jésus. Bien des personnes des générations subséquentes ont dit la même chose. Même à l'époque plus éclairée des présentes révélations, beaucoup d'hommes intelligents et bien intentionnés soutiennent que la civilisation moderne n'aurait pas pu être bâtie sur les enseignements de Jésus - et ils ont partiellement raison. Mais, en exprimant ces doutes, ils oublient que l'on aurait pu bâtir une civilisation bien meilleure sur ces mêmes enseignements, et qu'un jour elle sera bâtie. Ce monde n'a jamais essayé de mettre sérieusement en pratique, sur une grande échelle, les leçons de Jésus, bien que des tentatives timides aient souvent été faites pour suivre les doctrines de ce qu'on appelle le christianisme.

154.5  Le Dimanche Matin Mouvementé

154:5.1 Le 22 mai fut un jour mouvementé dans la vie de Jésus. Ce dimanche matin, avant le lever du jour, l'un des messagers de David arriva en grande hâte de Tibériade en apportant la nouvelle qu'Hérode avait autorisé, ou allait autoriser l'arrestation de Jésus par les officiers du sanhédrin. Au reçu de cette nouvelle de danger imminent, David Zébédée réveilla ses messagers et les envoya à tous les groupes locaux de disciples pour les convoquer à une réunion d'urgence, le même matin à sept heures. Lorsque la belle-soeur de Jude (frère de Jésus) entendit ce rapport alarmant, elle prévint en hâte toute la famille de Jésus, qui habitait dans le voisinage, en la priant de se réunir immédiatement chez Zébédée. Marie, Jacques, Joseph, Jude et Ruth ne tardèrent pas à répondre à cet appel précipité.

154:5.2 À cette réunion fort matinale, Jésus donna ses ultimes instructions aux disciples rassemblés ; il leur fit momentanément ses adieux, sachant qu'ils seraient bientôt chassés de Capharnaüm. Il leur recommanda à tous de rechercher les directives de Dieu et de poursuivre l'oeuvre du royaume sans se soucier des conséquences. Les évangélistes devaient travailler de leur mieux jusqu'au moment où ils recevraient un appel. Il choisit douze évangélistes pour l'accompagner. Il ordonna aux douze apôtres de rester avec lui, quoi qu'il arrive. Il donna pour instructions aux douze femmes de rester dans les maisons de Zébédée et de Pierre jusqu'à ce qu'il les envoie chercher.

154:5.3 Jésus consentit que David Zébédée continuât son service de messagers dans tout le pays. Peu après, David lui fit ses adieux en disant : « Poursuis ton oeuvre, Maitre. Ne laisse pas les sectaires s'emparer de toi, et ne mets jamais en doute que mes messagers te suivront. Mes hommes ne perdront jamais le contact avec toi. Par eux, tu auras des nouvelles du royaume dans les autres parties du pays et, par eux, nous aurons tous de tes nouvelles. Rien de ce qui peut m'arriver n'interrompra ce service, car j'ai nommé un premier remplaçant, et un deuxième, et même un troisième. Je ne suis ni un instructeur ni un prédicateur, mais j'ai à coeur de faire cela, et rien ne peut m'arrêter. »

154:5.4 À sept heures et demie, Jésus commença son allocution de départ à une centaine de croyants qui se pressait à l'intérieur de la maison pour l'entendre. Ce fut un évènement solennel pour tout l'auditoire, mais Jésus faisait montre d'un gaité inhabituelle ; il se trouvait de nouveau dans son état normal. Son air grave des semaines passées avait disparu et ses paroles de foi, d'espérance et de courage furent vivifiantes pour tout son auditoire.

154.6  La Famille de Jésus Arrive

154:6.1 Il était à peu près huit heures du matin, ce dimanche-là, lorsque cinq membres de la famille terrestre de Jésus arrivèrent sur les lieux en réponse à la convocation urgente de la belle-soeur de Jude. Seule de sa famille terrestre, Ruth avait continuellement cru de tout coeur à la divinité de la mission de Jésus. Jude, Jacques et même Joseph, conservaient en grande partie leur foi en Jésus, mais ils avaient laissé l'orgueil fausser le meilleur de leur jugement et leurs vraies tendances spirituelles. Marie également était déchirée entre l'amour et la crainte, entre l'amour maternel et l'orgueil familial. Bien qu'elle fût assaillie de doutes, elle ne put jamais oublier complètement la visite de Gabriel avant la naissance de Jésus. Les pharisiens s'étaient efforcés de persuader Marie que Jésus ne jouissait pas de son bon sens, qu'il était fou. Ils la pressaient d'aller auprès de lui avec ses fils pour chercher à le dissuader de poursuivre ses efforts d'enseignement public. Ils affirmaient à Marie que la santé de Jésus ne résisterait pas et que, si on lui permettait de continuer, il n'en résulterait que déshonneur et opprobre pour toute la famille. Aussi, lorsque les cinq membres de la famille reçurent l'avertissement de la belle-soeur de Jude, ils partirent immédiatement pour la maison de Zébédée, car ils se trouvaient tous chez Marie, où ils avaient reçu les pharisiens la veille au soir. Ils s'étaient entretenus jusqu'à une heure tardive de la nuit avec les dirigeants de Jérusalem, et ils étaient tous plus ou moins convaincus que Jésus agissait d'une manière étrange, qu'il se conduisait bizarrement depuis quelque temps. Ruth ne pouvait expliquer tous les motifs de sa conduite, mais elle insista sur le fait que Jésus avait toujours équitablement traité sa famille, et elle refusa son adhésion au programme destiné à le dissuader de poursuivre son oeuvre.

154:6.2 Sur le chemin de la maison de Zébédée, ils reparlèrent encore de ces questions et se mirent tous d'accord pour essayer de faire revenir Jésus à leur foyer, car, disait Marie, « je sais que je pourrais influencer mon fils si seulement il voulait venir à la maison et m'écouter » . Jacques et Jude avaient entendu des rumeurs au sujet des plans pour arrêter Jésus et l'emmener à Jérusalem pour être jugé. Ils craignaient aussi pour leur propre sécurité. Tant que Jésus avait été une figure populaire aux yeux du public, les membres de sa famille avaient laissé aller les choses, mais, maintenant que la population de Capharnaüm et les chefs de Jérusalem s'étaient soudain retournés contre lui, ils commençaient à ressentir douloureusement la prétendue disgrâce de leur situation embarrassante.

154:6.3 Ils comptaient voir Jésus, le prendre à part et le presser de rentrer au foyer avec eux. Ils se proposaient de l'assurer qu'ils oublieraient que Jésus les avait négligés - qu'ils pardonneraient et oublieraient - si seulement il voulait renoncer à la folie de prêcher une nouvelle religion ne pouvant aboutir qu'à le mettre en difficulté et à couvrir d'opprobre sa famille. Devant tous ces raisonnements, Ruth se bornait à dire : « Je dirai à mon frère que je crois qu'il est un homme de Dieu et que j'espère qu'il aimerait mieux mourir que de laisser ces méchants pharisiens mettre fin à ses prédications. » Joseph promit de faire tenir Ruth tranquille pendant que les autres essayeraient de convaincre Jésus.

154:6.4 Quand les cinq arrivèrent à la maison de Zébédée, Jésus était en plein milieu de son allocution de départ aux disciples. Ils cherchèrent à entrer dans la maison, mais elle était bondée à déborder. Ils finirent par s'installer sous le porche de derrière et firent passer à Jésus, de bouche en bouche, la nouvelle de leur arrivée. Finalement, Simon Pierre l'annonça à voix basse à Jésus en interrompant le discours pour dire : « Voici, ta mère et tes frères sont dehors et très désireux de te parler. » Or, Marie ne se rendait pas compte de l'importance du message de séparation aux disciples ; elle ne savait pas non plus que cette allocution avait des chances de prendre fin à tout moment par l'arrivée des hommes venant arrêter Jésus. Après une si longue séparation apparente, et vu la grâce que sa mère et ses frères lui faisaient en venant jusqu'à lui, Marie croyait réellement que Jésus s'arrêterait de parler et viendrait les saluer dès qu'il serait averti de leur présence.

154:6.5 Or, ce fut simplement un nouveau cas où sa famille terrestre ne pouvait comprendre que Jésus devait s'occuper des affaires de son Père. Marie et ses frères furent donc profondément froissés lorsqu'ils virent que, malgré l'interruption de son discours pour recevoir le message, Jésus ne se précipitait pas à leur rencontre. Au lieu de cela, ils entendirent sa voix musicale élever le ton et dire : « Dites à ma mère et à mes frères qu'ils ne craignent rien pour moi. Le Père qui m'a envoyé dans le monde ne m'abandonnera pas, et ma famille ne subira aucun dommage. Priez-la d'avoir bon courage et de se confier au Père du royaume. Mais, après tout, qui est ma mère et qui sont mes frères ? » Puis il étendit les mains vers tous les disciples assemblés dans la salle et dit : « Je n'ai pas de mère, je n'ai pas de frères. Voilà ma mère et voilà mes frères ! Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est ma mère, mon frère et ma soeur. »

154:6.6 Lorsque Marie entendit ces paroles, elle s'évanouit dans les bras de Jude. On la transporta dans le jardin pour la ranimer, tandis que Jésus achevait son message d'adieu. Il serait alors sorti pour conférer avec sa mère et ses frères, si un messager, arrivant en hâte de Tibériade, n'était venu annoncer que les officiers du sanhédrin étaient en route avec mandat d'arrêter Jésus et de l'emmener à Jérusalem. Le message fut reçu par André, qui interrompit Jésus pour le lui communiquer.

154:6.7 André ne se rappelait pas que David avait posté deux douzaines de sentinelles autour de la maison de Zébédée, de sorte que personne ne pouvait entrer par surprise. Il demanda donc à Jésus ce qu'il fallait faire. Le Maitre se tenait là en silence pendant que, dans le jardin, sa mère se remettait du choc de l'avoir entendu dire : « Je n'ai pas de mère. » À ce moment précis, une femme se leva dans la salle et s'écria : « Béni soit le ventre qui t'a porté et bénis soient les seins qui t'ont allaité. » Jésus se détourna un instant de sa conversation avec André pour répondre à cette femme : « Non, béni soit plutôt celui qui entend la parole de Dieu et ose lui obéir. »

154:6.8 Marie et les frères de Jésus croyaient que Jésus ne les comprenait pas et qu'il s'était désintéressé d'eux ; ils ne se rendaient pas compte que c'étaient eux qui ne réussissaient pas à le comprendre. Jésus comprenait parfaitement combien il est difficile aux hommes de rompre avec leur passé. Il savait combien les êtres humains se laissent emporter par l'éloquence des prédicateurs et que leur conscience répond à l'appel émotionnel comme le mental répond à la logique et à la raison, mais il savait aussi combien il est beaucoup plus difficile de persuader les hommes de désavouer le passé.

154:6.9 Il est éternellement vrai que quiconque se croit incompris ou mal apprécié possède en Jésus un ami compatissant et un conseiller compréhensif. Il avait averti ses apôtres qu'un homme pouvait avoir pour ennemis les gens de sa propre maison, mais n'avait guère imaginé que cette prédiction s'appliquerait d'aussi près à sa propre expérience. Ce ne fut pas Jésus qui abandonna les membres de sa famille terrestre pour accomplir l'oeuvre de son Père - ce furent eux qui l'abandonnèrent. Plus tard, après la mort et la résurrection du Maitre, quand son frère Jacques s'attacha au mouvement chrétien primitif, il souffrit immensément de n'avoir pas profité de son association initiale avec Jésus et ses disciples.

154:6.10 Au cours de ces évènements, Jésus décida de se laisser guider par les connaissances limitées de son mental humain. Il désirait subir l'expérience avec ses associés en tant que simple humain. Son idée humaine était de voir sa famille avant de partir. Il ne voulut pas s'arrêter au milieu de son discours et transformer ainsi en affaire publique cette première réunion après une si longue séparation. Il avait eu l'intention de terminer son allocution, puis de s'entretenir avec sa famille avant son départ, mais ce plan fut contrecarré par le concours de circonstances qui suivit immédiatement.

154:6.11 La hâte de leur fuite fut accrue par l'arrivée d'un groupe de messagers de David à la porte de derrière de la maison de Zébédée. L'agitation produite par leur arrivée fit craindre aux apôtres que ces nouveaux arrivants ne soient ceux qui venaient les appréhender. De peur d'être immédiatement arrêtés, ils sortirent hâtivement par la porte de devant vers le bateau qui les attendait. Cela explique pourquoi Jésus ne vit pas sa famille qui attendait sous le porche de derrière.

154:6.12 Toutefois, en montant dans le bateau au cours de cette fuite précipitée, il dit à David Zébédée : « Dis à ma mère et à mes frères que j'apprécie leur venue et que j'avais l'intention de les voir. Recommande-leur de ne pas se froisser de ma conduite, mais plutôt de chercher à connaître la volonté de Dieu et d'avoir la grâce et le courage de faire cette volonté. »

154.7  La Fuite Précipitée

154:7.1 Ce dimanche matin 22 mai de l'an 29, Jésus, avec ses douze apôtres et les douze évangélistes, s'enfuit donc précipitamment devant les officiers du sanhédrin qui étaient en route pour Bethsaïde avec mandat d'Hérode Antipas d'arrêter Jésus et de l'emmener à Jérusalem pour y être jugé sous l'inculpation de blasphème et autres violations de la loi sacrée des Juifs. La matinée était magnifique, et il était presque huit heures et demie lorsque ce groupe de vingt-cinq personnes se mit à ramer vers la rive orientale de la Mer de Galilée.

154:7.2 Un bateau plus petit suivait celui du Maitre. Il transportait six messagers de David qui avaient des ordres pour garder le contact avec Jésus et ses associés, et veiller à ce que des renseignements sur leurs déplacements et leur sécurité fussent régulièrement transmis à Bethsaïde, à la maison de Zébédée, qui avait servi depuis quelque temps déjà de quartier général pour l'oeuvre du royaume. Mais Jésus ne devait plus jamais faire son foyer de la maison de Zébédée. Désormais, et durant tout le reste de sa vie sur terre, le Maitre n'eut vraiment « nulle part où reposer sa tête » . Jamais plus il n'eut même un semblant de domicile fixe.

154:7.3 Les rameurs accostèrent près du village de Khérésa, confièrent leur bateau à des amis et commencèrent les pérégrinations de cette dernière année mouvementée de la vie du Maitre sur terre. Ils restèrent quelque temps dans les domaines de Philippe, allant de Khérésa à Césarée de Philippe, puis ils traversèrent le pays jusqu'à la côte de Phénicie.

154:7.4 La foule s'attarda autour de la maison de Zébédée, regardant les deux bateaux qui faisaient route vers la rive orientale du lac. Ils étaient déjà loin lorsque les officiers de Jérusalem arrivèrent en hâte et commencèrent à rechercher Jésus. Ils refusèrent de croire que Jésus leur avait échappé. Pendant que Jésus et son groupe se dirigeaient vers le nord par la Batanée, les pharisiens et leurs auxiliaires passèrent presque une semaine entière à le rechercher en vain aux environs de Capharnaüm.

154:7.5 Les membres de la famille de Jésus retournèrent chez eux à Capharnaüm et passèrent également presque une semaine à s'entretenir, discuter et prier. Ils étaient pleins de confusion et consternés. Ils ne furent rassurés que le jeudi après-midi, lorsque Ruth revint d'une visite à la maison de Zébédée, où David lui avait appris que son frère-père était sauf et en bonne santé et qu'il se dirigeait vers la côte de Phénicie.

155. En Fuite à travers la Galilée du Nord

155:0.1 PEU après avoir accosté près de Khérésa, lors de ce dimanche mouvementé, Jésus et les vingt-quatre remontèrent un peu vers le nord et passèrent la nuit dans un parc magnifique au sud de Bethsaïde-Julias. Ils connaissaient bien ce campement pour s'y être arrêtés dans le passé. Avant de se retirer pour la nuit, le Maître appela ses disciples autour de lui et discuta, avec eux, les plans de leur voyage, vers la côte de Phénicie en passant par la Batanée et le nord de la Galilée.

155.1  Pourquoi les Païens sont-ils Furieux ?

155:1.1 Jésus dit : « Vous devriez tous vous rappeler comment le psalmiste a parlé de notre époque en disant : `Pourquoi les païens sont-ils furieux et les peuples complotent-ils en vain ? Les rois de la terre s'établissent eux-mêmes et les chefs du peuple prennent conseil entre eux, contre le Seigneur et contre son Oint, en disant : Brisons les liens de la miséricorde et rejetons les chaînes de l'amour.'

155:1.2 « Vous voyez ceci s'accomplir, aujourd'hui, sous vos yeux, mais vous ne verrez pas se réaliser le reste de la prophétie du psalmiste, car il avait des idées fausses sur le Fils de l'Homme et sa mission sur terre. Mon royaume est fondé sur l'amour, proclamé en miséricorde et établi par le service désintéressé. Mon Père ne siège pas au ciel en tournant les païens en dérision. Dans son grand déplaisir, il n'est pas courroucé. Elle est vraie la promesse que le Fils aura pour héritage ces soi-disant païens - en réalité ces frères ignorants et dépourvus d'instruction. Et je recevrai ces Gentils, les bras ouverts, avec miséricorde et affection. Je témoignerai cette bienveillance affectueuse aux soi-disant païens, malgré la malencontreuse proclamation de ce document affirmant que le Fils triomphant `les brisera avec une verge de fer et les mettra en pièces comme un vase de potier.' Le psalmiste vous a exhortés à `servir le Seigneur avec crainte', - mais moi, je vous invite à jouir des privilèges supérieurs de la filiation divine par la foi. Il vous commande de vous réjouir en tremblant ; moi, je vous demande de vous réjouir avec assurance. Il dit : `Embrassez le Fils, de crainte qu'il ne s'irrite et que vous périssiez quand sa colère sera allumée.' Mais vous, qui avez vécu avec moi, vous savez bien que ni la colère ni le courroux ne contribuent à établir le royaume des cieux dans le coeur des hommes. Par contre, le psalmiste eut un aperçu de la vraie lumière lorsqu'il dit, à la fin de son exhortation : `Bénis soient ceux qui mettent leur confiance dans ce Fils.' »

155:1.3 Jésus continua à enseigner les vingt-quatre en disant : « Les païens ne sont pas sans excuses quand ils sont furieux contre nous. Du fait que leur point de vue est limité et étroit, ils peuvent concentrer leurs énergies avec enthousiasme. Leur but est proche d'eux et plus ou moins visible ; c'est pourquoi, ils font de vaillants efforts et sont efficaces dans l'exécution. Vous, qui avez proclamé votre entrée dans le royaume des cieux, êtes absolument trop vacillants et imprécis dans la conduite de votre enseignement. Les païens portent des coups directs pour atteindre leurs objectifs. Vous êtes coupables d'avoir trop de désirs latents. Si vous voulez entrer dans le royaume, pourquoi ne pas vous en emparer par un assaut spirituel, comme les païens s'emparent d'une ville qu'ils assiègent ? Vous n'êtes guère digne du royaume quand votre service consiste si largement à regretter le passé, à gémir sur le présent et à formuler de vains espoirs pour l'avenir. Pourquoi les païens sont-ils furieux ? Parce qu'ils ne connaissent pas la vérité. Pourquoi languissez-vous dans des désirs futiles ? Parce que vous n'obéissez pas à la vérité. Mettez fin à vos désirs inutiles, et allez courageusement faire ce qui concerne l'établissement du royaume.

155:1.4 « Dans tout ce que vous ferez, ne devenez pas partiaux et ne vous spécialisez pas à l'excès. Les pharisiens qui cherchent à nous détruire croient véritablement servir Dieu. La tradition les a tellement étriqués qu'ils sont aveuglés par les préjugés et endurcis par la peur. Considérez les Grecs, qui ont une science dépourvue de religion, alors que les Juifs ont une religion dépourvue de science. Quand les hommes s'égarent ainsi au point d'accepter une désintégration étroite et confuse de la vérité, leur seul espoir de salut consiste à se coordonner avec la vérité - à se convertir.

155:1.5 « Laissez-moi proclamer solennellement cette vérité éternelle : Si, en vous harmonisant avec la vérité, vous apprenez à donner, dans votre vie, l'exemple de cette magnifique intégralité de la droiture, vos semblables vous rechercheront pour obtenir ce que vous aurez ainsi acquis. La mesure dans laquelle les chercheurs de vérité seront attirés vers vous représente la mesure de votre don de vérité, de votre droiture. La mesure dans laquelle il faut que vous portiez votre message aux gens représente, en un certain sens, la mesure de votre inaptitude à vivre la vie saine et droite, la vie harmonisée avec la vérité. »

155:1.6 Le Maître enseigna encore bien des choses à ses apôtres et aux évangélistes avant qu'ils ne lui souhaitent le bonsoir et n'aillent se reposer pour la nuit.

155.2  Les Évangélistes à Chorazin

155:2.1 Le lundi matin 23 mai, Jésus ordonna à Pierre d'aller à Chorazin avec les douze évangélistes. De son côté, avec les onze autres apôtres, il partit pour Césarée de Philippe en remontant le Jourdain jusqu'à la route de Damas à Capharnaüm, puis en allant vers le nord-est rejoindre la route conduisant à Césarée de Philippe. Ils arrivèrent dans cette ville au cours de l'après-midi du mardi 24 mai ; ils y demeurèrent et y enseignèrent pendant quinze jours.

155:2.2 Pierre et les évangélistes restèrent deux semaines à Chorazin, prêchant l'évangile du royaume à un groupe de croyants peu nombreux, mais sérieux. Ils ne purent convertir beaucoup de monde. Aucune ville de Galilée ne fournit moins d'âmes au royaume que Chorazin. Conformément aux instructions de Pierre, les douze évangélistes parlèrent moins de guérisons - de choses physiques - mais prêchèrent et enseignèrent, avec une vigueur accrue, les vérités spirituelles du royaume des cieux. Ces deux semaines à Chorazin constituèrent un véritable baptême d'adversité pour les douze évangélistes, en ce sens que ce fut la période la plus difficile et la plus improductive qu'ils eussent vécue jusque-là. Privés de la satisfaction de gagner des âmes au royaume, chacun d'eux scruta plus sérieusement et honnêtement sa propre âme et ses progrès dans les voies spirituelles de la vie nouvelle.

155:2.3 Le mardi 7 juin, il devint clair qu'il n'y aurait plus à Chorazin de nouveaux candidats cherchant à entrer dans le royaume. Pierre rassembla donc ses associés et partit rejoindre Jésus et les apôtres à Césarée de Philippe. Ils y arrivèrent le mercredi 8, vers midi, et passèrent toute la soirée à raconter leurs expériences auprès des incroyants de Chorazin. Durant les discussions de cette soirée, Jésus reparla de la parabole du semeur et leur apprit beaucoup de choses sur la signification des échecs apparents dans les entreprises de la vie.

155.3  À Césarée de Philippe

155:3.1 Jésus n'enseigna pas en public durant ce séjour de deux semaines près de Césarée de Philippe, mais les apôtres tinrent, dans la ville, des réunions nombreuses et intimes ; beaucoup de croyants vinrent jusqu'au camp pour converser avec le Maître, mais très peu d'entre eux s'intégrèrent au groupe à la suite de leur visite. Jésus s'entretint quotidiennement avec les apôtres ; ils discernèrent plus clairement qu'une nouvelle phase de la prédication du royaume débutait maintenant. Ils commençaient à comprendre que « le royaume des cieux n'est pas nourriture et boisson, mais la réalisation de la joie spirituelle d'accepter la filiation divine » .

155:3.2 Le séjour à Césarée de Philippe fut une réelle épreuve pour les onze apôtres ; ce fut pour eux une quinzaine difficile à passer. Ils étaient presque déprimés, et il leur manquait le stimulant périodique de la personnalité enthousiaste de Pierre. À cette époque, le fait de croire en Jésus et de partir pour le suivre était vraiment une grande aventure et une épreuve. Ils firent peu de conversions durant cette quinzaine, mais ils apprirent beaucoup de choses, qui leur furent très profitables, au cours des conférences quotidiennes avec le Maître.

155:3.3 Les apôtres apprirent que les Juifs étaient spirituellement stagnants et mourants parce qu'ils avaient cristallisé la vérité en un credo. Si l'on formule la vérité sous l'aspect d'une ligne frontière d'exclusivisme pharisaïque, au lieu de la présenter comme des poteaux indicateurs de directives et de progrès spirituels, les enseignements correspondants perdent leur pouvoir créatif et vivifiant, et finissent par devenir simplement conservateurs et fossilisants.

155:3.4 De plus en plus, ils apprirent de Jésus à regarder les personnalités humaines sous l'aspect de leurs possibilités dans le temps et l'éternité. Ils apprirent que la meilleure manière d'amener bien des âmes à aimer le Dieu invisible consiste à leur enseigner d'abord à aimer leurs frères qu'ils peuvent voir. Et ce fut en relation avec ces leçons qu'une nouvelle signification fut attachée à la proclamation du Maître concernant le service désintéressé d'autrui : « Dans la mesure où vous l'avez fait au plus humble de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »

155:3.5 L'une des grandes leçons de ce séjour à Césarée porta sur l'origine des traditions religieuses et le grave danger de laisser s'attacher un caractère sacré à des choses non sacrées, à des idées ordinaires ou à des évènements quotidiens. Au sortir de l'une de ces conférences, leur apparut l'enseignement que la véritable religion d'un homme est la fidélité qu'il ressent dans son coeur envers ses convictions les plus élevées et les plus sincères.

155:3.6 Jésus prévint ceux qui croyaient en lui que, si leurs aspirations religieuses étaient uniquement matérielles, leur connaissance croissante de la nature remplacerait progressivement leurs hypothèses sur l'origine surnaturelle des choses et finirait par leur ôter leur foi en Dieu. Par contre, si leur religion était spirituelle, jamais les progrès des sciences physiques ne pourraient troubler leur foi dans les réalités éternelles et les valeurs divines.

155:3.7 Ils apprirent que, si la religion a des mobiles entièrement spirituels, elle rend la vie plus digne d'être vécue ; elle la meuble de buts élevés, lui confère la dignité par des valeurs transcendantales, lui apporte l'inspiration de motifs magnifiques et réconforte constamment l'âme humaine par une espérance sublime et fortifiante. La vraie religion est destinée à diminuer les tensions de l'existence ; elle inspire de la foi et du courage pour la vie quotidienne et le service désintéressé. La foi favorise la vitalité spirituelle et la fécondité de la droiture.

155:3.8 Jésus enseigna maintes fois à ses apôtres que nulle civilisation ne peut survivre longtemps à la perte de ce qu'il y a de meilleur dans sa religion. Il ne se lassa jamais de signaler aux douze le grave danger de substituer des cérémonies et des symboles religieux à l'expérience religieuse. Toute sa vie terrestre fut consacrée à dégeler les formes cristallisées de la religion pour leur donner la libre fluidité d'une filiation éclairée.

155.4  Sur la Route de Phénicie

155:4.1 Le jeudi matin 9 juin, après que les messagers de David eurent apporté de Bethsaïde les nouvelles sur les progrès du royaume, le groupe des vingt-cinq instructeurs de la vérité quitta Césarée de Philippe pour entreprendre leur voyage vers la côte de Phénicie. Ils contournèrent la contrée marécageuse par Luz, rejoignirent la piste allant de Magdala au Mont Liban et la suivirent jusqu'au croisement avec la route conduisant à Sidon, où ils arrivèrent le vendredi après-midi.

155:4.2 Au cours d'une pause pour le déjeuner, à l'ombre d'une corniche rocheuse surplombante près de Luz, Jésus fit aux apôtres l'un des discours les plus remarquables qu'ils eussent entendus durant toutes leurs années d'association avec lui. À peine s'étaient-ils assis pour rompre le pain que Simon Pierre demanda à Jésus : « Maître, puisque le Père qui est aux cieux connaît toutes choses et puisque son esprit est notre soutien pour établir sur terre le royaume des cieux, comment se fait-il que nous fuyons devant les menaces de nos ennemis ? Pourquoi refusons-nous de faire face aux ennemis de la vérité ? » Mais, avant que Jésus ait pu répondre, Thomas intervint en demandant : « Maître, je voudrais réellement savoir ce qu'il y a de faux dans la religion de nos ennemis à Jérusalem. Quelle est la différence réelle entre leur religion et la nôtre ? . Pourquoi y a-t-il entre nous de telles divergences de croyances alors que nous professons tous de servir le même Dieu ? » Après l'interruption de Thomas, Jésus dit : « Je ne me désintéresse pas de la question de Pierre, car je sais parfaitement combien il est facile de mal interpréter mes raisons d'éviter en ce moment un conflit ouvert avec les chefs des Juifs ; mais il se révèlera plus profitable pour vous tous que je choisisse plutôt de répondre à la question de Thomas. Je ne manquerai pas de le faire dès que vous aurez fini de déjeuner. »

155.5  Le Discours sur la Vraie Religion

155:5.1 Ce mémorable discours sur la religion, résumé et retranscrit en langage moderne, exprima les vérités suivantes :

155:5.2 Alors que les religions du monde ont une origine double - l'une naturelle, l'autre révélée - on retrouve à tout moment, chez n'importe quel peuple, trois formes distinctes de dévotion religieuse, et voici les trois manifestations de ce besoin de religion :

155:5.3 1. La religion primitive. Le besoin semi-naturel et instinctif de craindre des énergies mystérieuses et d'adorer des forces supérieures ; c'est principalement une religion de la nature physique, la religion de la peur.

155:5.4 2. La religion de la civilisation. Ce sont les conceptions et les pratiques religieuses évoluantes des races qui se civilisent - la religion du mental - la théologie intellectuelle appuyée sur l'autorité de la tradition religieuse établie.

155:5.5 3. La vraie religion, celle de la révélation. C'est la révélation des valeurs surnaturelles, une pénétration partielle des réalités éternelles, un aperçu de la bonté et de la beauté du caractère infini du Père qui est aux cieux - la religion de l'esprit telle qu'elle est démontrée dans l'expérience humaine.

155:5.6 Le Maître refusa de minimiser l'importance de la religion des sens physiques et des craintes superstitieuses de l'homme dans l'état de nature, mais il déplora le fait que cette forme primitive d'adoration subsistât encore, à un pareil degré, dans les pratiques religieuses des races les plus intelligentes de l'humanité. Jésus exposa clairement la grande différence entre la religion du mental et la religion de l'esprit ; alors que la première est soutenue par l'autorité ecclésiastique, la seconde est entièrement fondée sur l'expérience humaine.

155:5.7 Puis, pendant son heure d'enseignement, le Maître poursuivit en dégageant les vérités suivantes :

155:5.8 Jusqu'à ce que les races deviennent très intelligentes et plus complètement civilisées, on verra subsister beaucoup de ces cérémonies enfantines et superstitieuses, si caractéristiques des pratiques religieuses évolutionnaires des peuples primitifs et arriérés. Jusqu'à ce que la race humaine atteigne le niveau d'une reconnaissance plus élevée et plus générale des réalités de l'expérience spirituelle, un grand nombre d'hommes et de femmes continueront à faire montre d'une préférence personnelle pour les religions d'autorité n'exigeant qu'un assentiment intellectuel, plutôt que pour la religion de l'esprit, qui implique une participation active du mental et de l'âme à l'aventure de la foi consistant à être aux prises avec les rigoureuses réalités de l'expérience humaine progressive.

155:5.9 L'acceptation des religions traditionnelles d'autorité offre un exutoire facile au besoin qu'ont les hommes de satisfaire les ardents désirs de leur nature spirituelle. Les religions d'autorité, bien assises, cristallisées et établies, fournissent un refuge tout prêt où l'âme humaine désaxée et bouleversée peut se réfugier quand elle est assaillie de craintes et tourmentée d'incertitudes. Comme prix à payer pour les satisfactions et les assurances qu'elle donne, une telle religion n'exige de ses dévots qu'un assentiment passif et purement intellectuel.

155:5.10 On verra encore longtemps vivre sur terre ces individus timides, craintifs et hésitants qui préfèreront obtenir ainsi leurs consolations religieuses, même si, en liant leur sort à celui des religions d'autorité, ils compromettent la souveraineté de la personnalité, avilissent la dignité du respect de soi et renoncent complètement au droit de participer à la plus passionnante et inspirante de toutes les expériences humaines possibles : la recherche personnelle de la vérité, la joie grisante d'affronter les périls de la découverte intellectuelle, la résolution d'explorer les réalités de l'expérience religieuse personnelle, la satisfaction suprême de faire l'expérience du triomphe personnel dans la réalisation effective de la victoire de la foi spirituelle sur les doutes intellectuels. Une telle victoire est loyalement remportée dans l'aventure suprême de toute existence humaine : l'homme cherchant Dieu pour lui-même et en tant que lui-même, et qui le trouve.

155:5.11 La religion de l'esprit signifie effort, lutte, conflit, foi, détermination, amour, loyauté et progrès. La religion du mental - la théologie d'autorité - n'exige de ses croyants officiels que peu ou aucun de ces efforts. La tradition est un refuge sûr et un sentier facile pour les âmes craintives et sans enthousiasme qui évitent instinctivement les luttes spirituelles et les incertitudes mentales accompagnant les aventures audacieuses. Les hommes de foi voyagent en haute mer, sur les océans des vérités inexplorées, à la recherche des rivages lointains des réalités spirituelles susceptibles d'être découvertes par le mental humain progressif et expérimentées par l'âme humaine en évolution.

155:5.12 Puis Jésus continua en disant : « À Jérusalem, les chefs religieux ont mis en formules les diverses doctrines de leurs maitres traditionnels et des prophètes d'autrefois en un système établi de credo intellectuels, en une religion d'autorité. L'attrait de ces religions s'exerce surtout sur le mental. Nous sommes maintenant sur le point d'entrer dans un conflit implacable avec cette religion, car nous allons bientôt commencer à proclamer audacieusement une nouvelle religion - une religion qui n'en est pas une au sens actuellement attribué à ce mot - une religion qui fait principalement appel à l'esprit divin de mon Père habitant le mental de l'homme ; une religion qui tirera son autorité des fruits de son acceptation, et ces fruits apparaîtront avec certitude dans l'expérience personnelle de tous ceux qui croiront réellement et sincèrement aux vérités de cette communion spirituelle supérieure. »

155:5.13 Montrant successivement du doigt les vingt-quatre, et les appelant chacun par leur nom, Jésus dit : « Et maintenant, qui d'entre vous préfèrerait prendre ce chemin facile du conformisme à une religion établie et fossilisée, comme celle que défendent les pharisiens de Jérusalem, plutôt que de subir les difficultés et les persécutions accompagnant la mission consistant à proclamer une meilleure voie de salut pour les hommes, tout en ayant la satisfaction de découvrir, pour vous-mêmes, les beautés des réalités d'une expérience vivante et personnelle des vérités éternelles et des grandeurs suprêmes du royaume des cieux ? Êtes-vous craintifs, mous et douillets ? Avez-vous peur de confier votre avenir aux mains du Dieu de vérité dont vous êtes les fils ? Vous méfiez-vous du Père, dont vous êtes les enfants ? Allez-vous reprendre le sentier facile de la certitude et de la fixité intellectuelle de la religion d'autorité traditionnelle, ou allez-vous vous cuirasser pour avancer avec moi dans l'avenir incertain et trouble où nous proclamerons les vérités nouvelles de la religion de l'esprit, le royaume des cieux dans le coeur des hommes ? »

155:5.14 Les vingt-quatre auditeurs se levèrent tous avec l'intention de notifier leur réponse loyale et unanime à cet appel émotif, l'un des rares que Jésus leur adressa jamais, mais il leva la main, les arrêta et dit : « Séparez-vous maintenant ; que chacun aille seul avec le Père et, là, trouve la réponse non sentimentale à ma question. Quand vous aurez découvert la véritable et sincère attitude de votre âme, donnez franchement et audacieusement votre réponse à mon Père, qui est aussi le vôtre, et dont la vie infinie d'amour est l'esprit même de la religion que nous proclamons. »

155:5.15 Les évangélistes et les apôtres allèrent chacun de leur côté pendant un bref moment. Leurs esprits étaient soulevés, leurs pensées étaient inspirées et leurs émotions puissamment remuées par les paroles de Jésus. Toutefois, lorsqu'André les rassembla, le Maître se borna à dire : « Reprenons notre route. Nous partons pour la Phénicie, où nous resterons un certain temps ; et chacun de vous devrait prier le Père de transformer ses émotions mentales et corporelles en loyautés mentales supérieures et en expériences spirituelles plus satisfaisantes. »

155:5.16 Le long de la route, les vingt-quatre furent d'abord silencieux, mais ils ne tardèrent pas à échanger leurs vues entre eux et, à trois heures de l'après-midi, ils n'y tinrent plus. Ils s'arrêtèrent, et Pierre alla trouver Jésus en lui disant : « Maître, tu nous as adressé des paroles de vie et de vérité. Nous voudrions en entendre davantage ; nous te supplions de nous parler encore de ces questions. »

155.6  Le Second Discours sur la Religion

155:6.1 Ils s'arrêtèrent alors sur un flanc de coteau ombragé, et Jésus continua à leur enseigner la religion de l'esprit en leur disant en substance :

155:6.2 « Vous avez émergé parmi vos compagnons qui ont choisi de se satisfaire d'une religion mentale, qui désirent ardemment la sécurité et préfèrent le conformisme. Vous avez choisi d'échanger vos sentiments de certitude basée sur l'autorité contre les assurances de l'esprit de la foi aventureuse et progressive. Vous avez osé protester contre l'épuisante servitude d'une religion institutionnalisée et rejeter l'autorité des traditions écrites actuellement considérées comme la parole de Dieu. Il est exact que notre Père a parlé par la bouche de Moïse, d'Élie, d'Isaïe, d'Amos et d'Osée, mais il n'a pas cessé d'apporter des paroles de vérité au monde après que ces prophètes de jadis eurent terminé leurs proclamations. Mon Père ne fait pas acception de races ni de générations en octroyant la parole de vérité à une époque et en la refusant à la suivante. Ne commettez pas la folie d'appeler divin ce qui est purement humain, et ne manquez pas de discerner les paroles de vérité, même si elles ne proviennent pas des oracles traditionnels d'une prétendue inspiration.

155:6.3 « Je vous ai appelés à naître à nouveau, à naître de l'esprit. Je vous ai fait sortir des ténèbres de l'autorité et de la léthargie de la tradition pour vous faire entrer dans la lumière transcendante où vous réaliserez la possibilité de faire par vous-mêmes la plus grande découverte possible pour l'âme humaine - l'expérience divine de trouver Dieu pour vous-mêmes, en vous-mêmes et par vous-mêmes, et d'accomplir tout cela comme un fait de votre expérience personnelle. Et, ainsi, puissiez-vous passer de la mort à la vie, de l'autorité de la tradition à l'expérience de connaître Dieu. Vous passerez, ainsi, des ténèbres à la lumière, d'une foi raciale héritée à une foi personnelle acquise par une expérience effective. Cela vous fera progresser d'une théologie du mental transmise par vos ancêtres à une véritable religion de l'esprit édifiée dans votre âme comme un don éternel.

155:6.4 « Votre religion était une simple croyance intellectuelle à une autorité traditionnelle ; elle deviendra l'expérience effective de cette foi vivante capable de saisir la réalité de Dieu et de tout ce qui se rapporte à l'esprit divin du Père. La religion du mental vous attache irrémédiablement au passé. La religion de l'esprit consiste en une révélation progressive et vous appelle en permanence à des accomplissements plus élevés et plus saints dans les idéaux spirituels et les réalités éternelles.

155:6.5 « La religion d'autorité peut communiquer, dans l'immédiat, le sentiment d'une sécurité assurée, mais le prix que vous payez, pour cette satisfaction temporaire, est la perte de votre liberté spirituelle et religieuse. Comme prix d'entrée dans le royaume des cieux, mon Père ne vous demande pas de vous forcer à croire à des choses spirituellement répugnantes, impies et mensongères. On n'exige pas que vous outragiez vos propres sentiments de miséricorde, de justice et de vérité en vous soumettant à un système désuet de formalités et de cérémonies religieuses. La religion de l'esprit vous laisse perpétuellement libres de suivre la vérité, où que vous emmènent les directives de l'esprit. Et qui peut juger - cet esprit pourrait peut-être communiquer à cette génération quelque chose que les précédentes ont refusé d'entendre ?

155:6.6 « Honte à ces faux éducateurs religieux qui voudraient ramener les âmes assoiffées dans l'obscur et lointain passé pour les y abandonner ! Ces personnes infortunées sont alors condamnées à s'effrayer de toute nouvelle découverte et à être décontenancées par chaque nouvelle révélation de la vérité. Le prophète qui a dit : » Celui dont le mental est fixé sur Dieu sera gardé dans une paix parfaite « n'était pas un simple croyant intellectuel à une théologie d'autorité. Cet humain connaissant la vérité avait découvert Dieu ; il ne se bornait pas à parler de Dieu.

155:6.7 « Je vous recommande de perdre l'habitude de toujours citer les prophètes de jadis et de louer les héros d'Israël. Au lieu de cela, aspirez à devenir des prophètes vivants du Très-Haut et des héros spirituels du royaume qui vient. Il est peut-être bon d'honorer les chefs du passé qui connaissaient Dieu, mais pourquoi, en faisant cela, sacrifieriez-vous l'expérience suprême de l'existence humaine : trouver Dieu pour vous-mêmes et le connaître dans votre propre âme ?

155:6.8 « Chaque race de l'humanité a son point de vue mental particulier sur l'existence humaine ; la religion du mental doit donc toujours s'harmoniser avec ces divers points de vue raciaux. Les religions d'autorité ne parviendront jamais à s'unifier. C'est seulement par et à travers le don supérieur de la religion de l'esprit que l'unité des hommes et la fraternité des mortels peuvent être réalisées. Le mental peut différer d'une race à l'autre, mais toute l'humanité est habitée par le même esprit éternel et divin. L'espoir d'une fraternité des hommes ne peut se réaliser que si, et dans la mesure où, les religions d'autorité mentales divergentes se laissent imprégner et dominer par la religion unifiante et ennoblissante de l'esprit - la religion de l'expérience spirituelle personnelle.

155:6.9 « Les religions d'autorité ne peuvent donc que diviser les hommes et dresser les consciences les unes contre les autres. La religion de l'esprit attirera progressivement les hommes les uns vers les autres et provoquera une sympathie compréhensive entre eux. Les religions d'autorité exigent des hommes une croyance uniforme, chose impossible à réaliser dans le présent du monde. La religion de l'esprit n'exige qu'une unité d'expérience - une destinée uniforme - tenant entièrement compte de la diversité des croyances. La religion de l'esprit ne demande que l'uniformité de clairvoyance, et non l'uniformité de point de vue et de conception. La religion de l'esprit ne requiert pas l'uniformité des vues intellectuelles, mais seulement l'unité du sentiment spirituel. Les religions d'autorité se cristallisent en credo inertes. La religion de l'esprit devient la joie et la liberté croissantes dues à l'ennoblissement par des actes de service plein d'amour et des soins miséricordieux.

155:6.10 « Mais veillez à ce qu'aucun de vous ne considère avec dédain les enfants d'Abraham parce qu'ils ont été amenés à vivre ces mauvais jours de tradition stérile. Nos ancêtres s'étaient adonnés à la recherche opiniâtre et passionnée de Dieu ; ils le trouvèrent et le connurent mieux qu'aucune autre race entière ne le fit depuis l'époque d'Adam, qui connaissait beaucoup de ces choses, car il était lui-même un Fils de Dieu. Mon Père n'a pas manqué de remarquer la longue et infatigable lutte d'Israël, depuis l'époque de Moïse, pour trouver Dieu et le connaître. Des générations de Juifs se sont épuisées sans cesser de peiner, de suer, d'ahaner, de gémir, d'oeuvrer et de supporter les souffrances, et d'éprouver les chagrins d'un peuple méconnu et méprisé, tout cela afin de pouvoir s'approcher un peu plus de la découverte de la vérité au sujet de Dieu. Depuis l'époque de Moïse jusqu'à celle d'Amos et d'Osée, et malgré tous les échecs et les défaillances d'Israël, nos pères ont progressivement révélé au monde une image toujours plus claire et plus véridique du Dieu éternel. Le chemin fut ainsi préparé pour la révélation encore plus grande du Père, révélation à laquelle vous avez été appelés à participer.

155:6.11 « N'oubliez jamais que la seule aventure plus satisfaisante et plus passionnante que la tentative de découvrir la volonté du Dieu vivant, c'est l'expérience suprême de tâcher honnêtement de faire cette volonté divine. Rappelez-vous toujours que, dans toute occupation terrestre, on peut faire la volonté de Dieu. Il n'y a pas des métiers saints et des métiers laïques. Toutes choses sont sacrées dans la vie de ceux qui sont guidés par l'esprit, c'est-à-dire subordonnés à la vérité, ennoblis par l'amour, dominés par la miséricorde et tempérés par l'équité - par la justice. L'esprit, que mon Père et moi nous enverrons dans le monde, n'est pas seulement l'Esprit de Vérité, mais aussi l'esprit de beauté idéaliste.

155:6.12 « Il faut cesser de rechercher la parole de Dieu uniquement dans les pages des vieux récits de théologie faisant autorité. Quiconque est né de l'esprit de Dieu discernera désormais la parole de Dieu, indépendamment de son origine apparente. Il ne faut pas minimiser la vérité divine parce qu'elle vous est parvenue par un canal apparemment humain. Beaucoup de vos frères acceptent mentalement la théorie de Dieu tout en ne parvenant pas spirituellement à réaliser sa présence. C'est précisément pourquoi je vous ai si souvent enseigné que la meilleure manière de réaliser le royaume des cieux consiste à acquérir l'attitude spirituelle d'un enfant sincère. Ce n'est pas le manque de maturité mentale d'un enfant que je vous recommande, mais bien la simplicité spirituelle d'un petit qui croit facilement et qui a pleine confiance. Il est moins important pour vous de connaître le fait de l'existence de Dieu que d'acquérir une aptitude croissante à sentir la présence de Dieu.

155:6.13 « Une fois que vous aurez commencé à découvrir Dieu dans votre âme, vous ne tarderez pas à le découvrir dans l'âme des autres hommes, et finalement dans toutes les créatures et créations d'un puissant univers. Mais quelle chance a le Père d'apparaître, en tant que Dieu des allégeances suprêmes et des idéaux divins, dans les âmes d'hommes qui ne consacrent que peu ou pas de temps à la contemplation réfléchie de ces réalités éternelles ? Bien que le mental ne soit pas le siège de la nature spirituelle, il est, en vérité, la porte qui y conduit.

155:6.14 « Mais ne commettez pas l'erreur d'essayer de prouver à autrui que vous avez trouvé Dieu ; vous ne pouvez en apporter consciemment la preuve valable. Toutefois, il existe deux démonstrations puissantes et positives du fait que vous connaissez Dieu :

155:6.15 « 1. L'apparition des fruits de l'esprit de Dieu dans votre vie quotidienne ordinaire.

155:6.16 « 2. Le fait que tout votre plan de vie apporte la preuve positive que vous avez risqué sans réserve tout ce que vous êtes et tout ce que vous possédez dans l'aventure de la survie après la mort, en poursuivant l'espoir de trouver le Dieu de l'éternité après avoir eu un avant-goût de sa présence dans le temps.

155:6.17 « Maintenant, ne vous y trompez pas, mon Père répondra toujours à la plus faible lueur de foi. Il prend note des émotions physiques et superstitieuses de l'homme primitif. Et, avec ces âmes honnêtes mais craintives, dont la foi est si faible qu'elle ne représente guère plus qu'un conformisme intellectuel à une attitude passive d'assentiment aux religions d'autorité, le Père est toujours vigilant pour honorer et soutenir même ces faibles tentatives pour l'atteindre. Mais pour vous, qui avez été tirés des ténèbres et appelés dans la lumière, on s'attend que vous croyiez de tout coeur ; votre foi dominera les attitudes conjuguées du corps, du mental et de l'esprit.

155:6.18 « Vous êtes mes apôtres, et pour vous la religion ne deviendra pas un abri théologique où vous pourriez fuir dans la peur d'affronter les rudes réalités du progrès spirituel et de l'aventure idéaliste. Votre religion deviendra plutôt le fait de l'expérience réelle témoignant que Dieu vous a trouvés, idéalisés, ennoblis et spiritualisés, et que vous vous êtes enrôlés dans l'aventure éternelle de trouver le Dieu qui vous a lui-même ainsi trouvés et pris pour fils.

155:6.19 Après avoir fini de parler, Jésus fit signe à André, montra du doigt l'occident en direction de la Phénicie et dit : « Mettons-nous en route. »

156. Le Séjour à Tyr et à Sidon

156:0.1 LE VENDREDI après-midi 10 juin, Jésus et ses associés arrivèrent au voisinage de Sidon et s'arrêtèrent chez une femme riche qui avait été soignée à l'hôpital de Bethsaïde, à l'époque où Jésus était à l'apogée de la faveur populaire. Les apôtres et les évangélistes logèrent à proximité immédiate chez des amis à elle et se reposèrent jusqu'au lendemain du sabbat dans cette ambiance rafraîchissante. Ils passèrent près de deux semaines et demie à Sidon et aux environs avant de se préparer à visiter les villes côtières situées plus au nord.

156:0.2 Ce sabbat de juin était un jour de grand calme. Les évangélistes et les apôtres étaient complètement absorbés dans leurs méditations au sujet des discours du Maitre sur la religion, discours qu'ils avaient écoutés sur la route de Sidon. Ils étaient tous capables de tirer quelque chose de ce que Jésus leur avait dit, mais aucun d'eux ne saisissait pleinement l'importance de son enseignement.

156.1  La Femme Syrienne

156:1.1 Près de la maison de Karuska, où le Maitre était logé, vivait une Syrienne qui avait beaucoup entendu parler de Jésus en tant que grand guérisseur et instructeur. Elle vint vers lui cet après-midi de sabbat, en amenant sa fille âgée d'une douzaine d'années. L'enfant était atteinte de graves troubles nerveux caractérisés par des convulsions et d'autres manifestations alarmantes.

156:1.2 Jésus avait ordonné à ses associés de ne parler à personne de sa présence chez Karuska, expliquant qu'il souhaitait prendre du repos. Ils avaient bien observé la consigne, mais la servante de Karuska était allée voir la Syrienne, nommée Norana, pour l'informer que Jésus logeait chez sa maitresse et elle avait incité la mère angoissée à y amener sa fille souffrante pour obtenir sa guérison. Bien entendu, la mère croyait que son enfant était possédée par un démon, un esprit impur.

156:1.3 Lorsque Norana arriva avec sa fille, les jumeaux Alphée lui expliquèrent, par le truchement d'un interprète, que le Maitre se reposait et que l'on ne pouvait le déranger, à quoi Norana répondit qu'elle resterait sur place avec son enfant jusqu'à ce que le Maitre ait fini de se reposer. Pierre essaya également de la raisonner et de la persuader de rentrer chez elle. Il lui exposa que Jésus était las d'avoir tant enseigné et guéri, et qu'il était venu en Phénicie pour une période de tranquillité et de repos. Ce fut en vain ; Norana ne voulut pas s'en aller. Aux adjurations de Pierre, elle se borna à répondre : « Je ne partirai pas avant d'avoir vu ton Maitre. Je sais qu'il peut chasser le démon de mon enfant et je ne m'en irai pas sans que le guérisseur ait jeté un regard sur ma fille. »

156:1.4 Ensuite, Thomas chercha à renvoyer Norana, mais n'y parvint pas non plus. Elle lui dit : « J'ai foi en la capacité de ton Maitre de chasser le démon qui tourmente mon enfant. J'ai entendu parler de ses oeuvres puissantes en Galilée et je crois en lui. Que vous est-il arrivé, à vous ses disciples, pour que vous cherchiez à renvoyer ceux qui viennent demander l'aide de votre Maitre ? » Lorsqu'elle eut ainsi parlé, Thomas se retira.

156:1.5 Simon le Zélote s'avança alors pour faire des remontrances à Norana et lui dit : « Femme, tu es une païenne parlant grec, il n'est pas juste de t'attendre à voir le Maitre prendre le pain destiné aux enfants de la maison favorisée et le jeter aux chiens. » Mais Norana refusa de s'offenser de l'attaque de Simon. Elle se borna à répondre : « Oui, Maitre, je comprends ce que tu dis. Je ne suis qu'un chien aux yeux des Juifs, mais, en ce qui concerne ton Maitre, je suis un chien croyant. Je suis décidée à ce qu'il voit ma fille, car, je suis persuadée que, si seulement il la regarde, il la guérira. Et même toi, brave homme, tu n'oserais pas priver les chiens du privilège d'obtenir les miettes qui peuvent tomber de la table des enfants. »

156:1.6 À ce moment précis, la fillette fut saisie d'une violente convulsion sous les yeux de tous et la mère cria : « Voilà, vous pouvez voir que ma fille est possédée par un esprit impur. Si notre malheur ne vous impressionne pas, il touchera votre Maitre, dont on m'a dit qu'il aimait tous les hommes et osait même guérir les Gentils s'ils avaient la foi. Vous n'êtes pas dignes d'être ses disciples. Je ne m'en irai pas avant que ma fille ait été guérie. »

156:1.7 Jésus, qui avait entendu toute cette conversation par une fenêtre ouverte, sortit alors, à leur grande surprise, et dit : « O femme, ta foi est grande, si grande que je ne puis retenir ce que tu désires. Va ton chemin en paix. Ta fille est déjà guérie. » Et la fillette fut bien portante à partir de cet instant. Tandis que Norana et l'enfant prenaient congé, Jésus les supplia de ne raconter cet épisode à personne. Ses compagnons observèrent la consigne, mais la mère et l'enfant ne cessèrent de proclamer dans tout le pays, et même à Sidon, que la fillette avait été guérie, si bien qu'au bout de quelques jours, Jésus estima opportun de changer de demeure.

156:1.8 Le lendemain, tandis que Jésus enseignait ses apôtres en commentant la guérison de la fille de la Syrienne, il dit : « Il en a constamment été ainsi. Vous voyez par vous-mêmes que les Gentils sont capables de faire montre d'une foi salvatrice dans les enseignements de l'évangile du royaume des cieux. En vérité, en vérité, je vous le dis, le royaume du Père sera pris par les Gentils si les enfants d'Abraham ne sont pas disposés à manifester une foi suffisante pour y entrer. »

156.2  Enseignement à Sidon

156:2.1 En entrant dans Sidon, Jésus et ses associés passèrent sur un pont, le premier pont que beaucoup d'entre eux eussent jamais vu. Pendant qu'ils le traversaient, Jésus fit, entre autres, le commentaire suivant : « Ce monde n'est qu'un pont. On peut le traverser, mais il ne faudrait pas songer à bâtir une demeure dessus. »

156:2.2 Pendant que les vingt-quatre commençaient leurs travaux à Sidon, Jésus alla habiter une maison située juste au nord de la ville, la demeure de Justa et de sa mère Bernice. Tous les matins, Jésus enseignait les vingt-quatre chez Justa. L'après-midi et le soir, ils se dispersaient dans Sidon pour enseigner et prêcher.

156:2.3 Les apôtres et les évangélistes furent grandement encouragés par la manière dont les Gentils de Sidon reçurent leur message. Durant leur bref séjour, beaucoup d'âmes furent acquises au royaume. Cette période d'environ six semaines en Phénicie fut très fertile pour gagner des âmes, mais les écrivains juifs, qui rédigèrent plus tard les évangiles, prirent l'habitude de glisser sur l'histoire de cette chaleureuse réception des enseignements de Jésus par les Gentils au moment même où un si grand nombre de ses compatriotes se mobilisaient contre lui.

156:2.4 Sous bien des rapports, ces croyants Gentils apprécièrent plus complètement que les Juifs les enseignements de Jésus. Beaucoup de ces Syro-Phéniciens parlant le grec parvinrent à reconnaître que non seulement Jésus ressemblait à Dieu, mais aussi que Dieu ressemblait à Jésus. Ces soi-disant païens arrivèrent à bien comprendre les enseignements du Maitre sur l'uniformité des lois de notre monde et de l'univers entier. Ils comprirent la leçon que Dieu ne fait acception ni de personnes, ni de races, ni de nations - qu'il n'y a pas de favoritisme chez le Père Universel - que l'univers obéit toujours et entièrement à des lois et que l'on peut infailliblement s'y fier. Ces Gentils n'avaient pas peur de Jésus ; ils osaient accepter son message. Au long des siècles ultérieurs, on ne peut dire que les hommes aient été incapables de comprendre Jésus, mais ils en ont eu peur.

156:2.5 Jésus expliqua clairement aux vingt-quatre que sa fuite de Galilée n'était pas due à un manque de courage devant ses ennemis. Ils comprirent que Jésus n'était pas encore prêt à un conflit ouvert avec la religion établie et qu'il ne cherchait pas à devenir un martyr. Ce fut durant l'une des conférences chez Justa que le Maitre dit pour la première fois à ses disciples : « Même si le ciel et la terre disparaissaient, mes paroles de vérité ne disparaîtraient pas. »

156:2.6 Durant son séjour à Sidon, Jésus prit pour thème de ses instructions le progrès spirituel. Il dit à ses disciples qu'ils ne pouvaient s'arrêter en route, qu'il leur fallait avancer vers la droiture ou rétrograder dans le mal et le péché. Il leur recommanda « d'oublier les choses du passé pendant qu'ils allaient de l'avant pour embrasser les réalités majeures du royaume » . Il les supplia de ne pas se contenter de leur enfance dans l'évangile, mais de s'efforcer d'atteindre la pleine envergure de la filiation divine dans la communion de l'esprit et la communauté des croyants.

156:2.7 Jésus dit : « Mes disciples doivent non seulement cesser de faire le mal, mais apprendre à faire le bien. Il faut non seulement se purifier de tout péché conscient, mais refuser d'abriter même des sentiments de culpabilité. Si vous confessez vos péchés, ils sont pardonnés ; il faut donc maintenir une conscience exempte de toute faute. »

156:2.8 Jésus prenait grand plaisir au sens aigu de l'humour dont faisaient montre ces Gentils. Ce furent autant le sens de l'humour déployé par Norana, la Syrienne, que sa grande persévérance dans la foi qui touchèrent tellement le coeur du Maitre et firent appel à sa miséricorde. Jésus regrettait beaucoup que ses compatriotes - les Juifs - manquassent pareillement d'humour. Il dit une fois à Thomas : « Mes compatriotes se prennent trop au sérieux. Ils ne savent guère apprécier l'humour. La religion ennuyeuse des pharisiens n'aurait jamais pu prendre naissance chez un peuple ayant le sens de l'humour. Les Juifs manquent également de logique ; ils filtrent des moucherons et avalent des chameaux. »

156.3  Le Voyage en remontant la Côte

156:3.1 Le mardi 28 juin, le Maitre et ses associés quittèrent Sidon et remontèrent la côte jusqu'à Porphyréon et Heldoue. Ils furent bien reçus par les Gentils et en firent entrer un grand nombre dans le royaume durant cette semaine d'enseignement et de prédication. Les apôtres prêchèrent à Porphyréon et les évangélistes enseignèrent à Heldoue. Tandis que les vingt-quatre étaient ainsi occupés à leur travail, Jésus les quitta durant trois ou quatre jours pour se rendre à la ville côtière de Beyrouth. Il s'y entretint avec un Syrien nommé Malach, qui était croyant et avait été à Bethsaïde l'année précédente.

156:3.2 Le mercredi 6 juillet, ils retournèrent tous à Sidon et demeurèrent chez Justa jusqu'au dimanche matin. Ils partirent alors pour Tyr en descendant la côte vers le sud par Sarepta et arrivèrent à Tyr le lundi 11 juillet. À cette époque, les apôtres et les évangélistes commençaient à s'habituer au travail parmi ces soi-disant Gentils, qui, en réalité, descendaient principalement des vieilles tribus cananéennes d'origine sémitique encore plus ancienne. Toutes ces populations parlaient le grec. Les apôtres et les évangélistes furent très surpris d'observer l'ardeur de ces Gentils à écouter l'évangile et de voir l'empressement avec lequel beaucoup d'entre eux se mettaient à croire.

156.4  À Tyr

156:4.1 Du 11 au 24 juillet, ils enseignèrent à Tyr. Chacun des apôtres prit avec lui un évangéliste et ils allèrent ainsi deux par deux enseigner et prêcher dans tous les quartiers de Tyr et aux environs. La population polyglotte de ce port animé les écoutait avec joie et beaucoup de croyants entrèrent par le baptême dans la communauté extérieure du royaume. Jésus installa son quartier général chez un Juif nommé Joseph, un croyant qui vivait à cinq ou six kilomètres au sud de Tyr, non loin du tombeau d'Hiram, qui avait été roi de la cité-État de Tyr, à l'époque de David et de Salomon.

156:4.2 Durant cette quinzaine, les apôtres et les évangélistes allèrent tous les jours à Tyr, en y entrant par la jetée d'Alexandre, pour y tenir de petites réunions ; chaque soir, la plupart d'entre eux revenaient au campement de la maison de Joseph au sud de la cité. Des croyants se rendaient quotidiennement de la ville au lieu de repos de Jésus pour s'entretenir avec lui. Le Maitre ne parla qu'une seule fois à Tyr ; ce fut l'après-midi du 20 juillet, où il enseigna les croyants au sujet de l'amour du Père pour toute l'humanité et de la mission du Fils de révéler le Père à toutes les races humaines. Les Gentils montrèrent un tel intérêt pour l'évangile du royaume qu'en cette occasion, ils ouvrirent à Jésus les portes du temple de Melkarth. Il est intéressant de noter qu'une église chrétienne fut bâtie ultérieurement sur l'emplacement même de cet ancien temple.

156:4.3 On fabriquait, dans la région, la pourpre tyrienne, qui assura la renommée de Tyr et de Sidon dans le monde entier, et contribua si largement à leur commerce international et à la richesse qui en résulta. Beaucoup de dirigeants de cette industrie crurent au royaume. Peu de temps après, les réserves de mollusques, d'où l'on tirait le colorant, commencèrent à diminuer et les fabricants de pourpre partirent à la recherche de nouveaux bancs de ces coquillages. Ils émigrèrent ainsi jusqu'au bout du monde, apportant avec eux le message de la paternité de Dieu et de la fraternité des hommes - l'évangile du royaume.

156.5  L'Enseignement de Jésus à Tyr

156:5.1 Au cours de son allocution du mercredi après-midi, Jésus commença par raconter à ses disciples l'histoire du lis blanc qui dresse sa tête pure et neigeuse dans la lumière du soleil, tandis que ses racines plongent dans le limon et la boue du sol enténébré. « De même, » dit-il, « l'homme mortel, qui a les racines de son origine et de son être dans le sol animal de la nature humaine, peut élever, par la foi, sa nature spirituelle dans la lumière solaire de la vérité céleste et produire effectivement les nobles fruits de l'esprit. »

156:5.2 Ce fut durant le même sermon que Jésus employa sa première et unique parabole se rapportant à son propre métier - la charpenterie. Au cours de sa recommandation de « bien construire les fondements pour la croissance d'un noble caractère imprégné de dons spirituels » , il dit : « Pour produire les fruits de l'esprit, il faut que vous soyez nés de l'esprit. C'est l'esprit qui doit vous enseigner et vous diriger si vous voulez vivre une vie de plénitude spirituelle parmi vos compagnons. Mais ne commettez pas l'erreur du stupide charpentier qui gaspille un temps précieux à équarrir, mesurer et raboter une pièce de bois rongée par les vers et intérieurement pourrie ; ensuite, quand il a consacré tout son travail à cette poutre pourrie, il faut qu'il la rejette comme inutilisable pour les fondations du bâtiment qu'il voulait construire et qui doit résister aux assauts du temps et des orages. Chaque homme doit s'assurer que les fondements intellectuels et moraux de son caractère sont assez solides pour soutenir la superstructure de sa nature spirituelle qui grandit et s'ennoblit, et qui est appelée à transformer le mental humain, puis, en association avec ce mental recréé, devra procéder à l'évolution de l'âme, dont la destinée est immortelle. Votre nature spirituelle - l'âme de création conjointe - est un germe vivant, mais le mental et la morale de l'individu sont le sol d'où doivent surgir ces manifestations supérieures du développement humain et de la destinée divine. Le sol de l'âme évoluante est humain et matériel, mais la destinée de cette créature mixte de mental et d'esprit est spirituelle et divine. »

156:5.3 Le soir de ce même jour, Nathanael demanda à Jésus : « Maitre, pourquoi prions-nous Dieu de ne pas nous induire en tentation, alors que nous savons bien, par la révélation que tu as faite du Père, que celui-ci ne fait jamais de telles choses ? » Jésus répondit à Nathanael :

156:5.4 « Il n'est pas étonnant que tu poses cette question, puisque tu commences à connaître le Père comme je le connais et non comme l'entrevoyaient si vaguement les anciens prophètes hébreux. Tu sais bien que nos ancêtres avaient tendance à voir Dieu dans pratiquement tous les évènements. Ils cherchaient la main de Dieu dans tous les phénomènes naturels et dans chaque épisode insolite de l'expérience humaine. Ils reliaient Dieu à la fois au bien et au mal. Ils pensaient que Dieu avait adouci le coeur de Moïse et endurci celui du pharaon. Quand les hommes éprouvaient l'impérieux besoin de commettre une bonne ou une mauvaise action, ils avaient l'habitude de justifier ces sensations inhabituelles en déclarant : `Le Seigneur m'a parlé en me disant : fais ceci ou fais cela, va par ici ou va par là.' En conséquence, puisque les hommes se heurtaient si souvent et si violemment aux tentations, nos ancêtres prirent l'habitude de croire que Dieu les y induisait pour les éprouver, les châtier ou les fortifier. Mais toi, tu sais mieux de quoi il s'agit. Tu n'ignores pas que les hommes sont bien trop souvent induits en tentation par la pression de leur propre égoïsme et les impulsions de leur nature animale. Si tu es tenté de cette manière, je te recommande, tout en reconnaissant honnêtement et sincèrement la tentation pour ce qu'elle est, de réorienter intelligemment, dans des canaux supérieurs et vers des buts plus idéalistes, les énergies spirituelles, mentales et corporelles qui cherchent à s'exprimer. De cette façon, tu pourras transformer tes tentations en services vivifiants du type le plus élevé, tout en évitant à peu près complètement les conflits déprimants et inutiles entre la nature animale et la nature spirituelle.

156:5.5 « Mais je te mets en garde contre la folie de vouloir surmonter la tentation en ayant recours à la simple volonté humaine pour remplacer un désir par un autre désir considéré comme supérieur. Si tu veux véritablement triompher des tentations de la nature inférieure, il faut atteindre une position de supériorité spirituelle, caractérisée par le développement réel et sincère d'un intérêt effectif et d'un amour pour les lignes de conduite supérieures et plus idéalistes que ton mental désire substituer aux habitudes inférieures et moins idéalistes reconnues comme des tentations. De cette façon, tu seras délivré par transformation spirituelle, au lieu d'être de plus en plus surchargé par le refoulement illusoire des désirs humains. Dans l'amour de ce qui est nouveau et supérieur, tu oublieras l'ancien et l'inférieur. La beauté triomphe toujours de la laideur dans le coeur des hommes éclairés par l'amour de la vérité. Il est un puissant pouvoir d'élimination dans une affection spirituelle nouvelle et sincère. Je te le répète, ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe plutôt du mal par le bien. »

156:5.6 Jusqu'à une heure tardive de la nuit, les apôtres et les évangélistes continuèrent à poser des questions à Jésus. De ses nombreuses réponses, nous voudrions extraire les pensées suivantes, que nous présentons en langage moderne :

156:5.7 Une ambition énergique, un jugement intelligent et une sagesse mûrie sont les facteurs essentiels du succès matériel. Les qualités de chef dépendent de l'aptitude naturelle, de la discrétion, de la puissance volitive et de la détermination. La destinée spirituelle dépend de la foi, de l'amour et de la dévotion à la vérité - faim et soif de droiture - le désir profond de trouver Dieu et d'être semblable à lui.

156:5.8 Ne vous laissez pas décourager par la découverte que vous êtes humains. La nature humaine peut tendre vers le mal, mais n'est pas naturellement pécheresse. Ne soyez pas abattus si vous n'arrivez pas à oublier complètement certaines de vos expériences regrettables. Les fautes que vous ne parvenez pas à oublier dans le temps seront oubliées dans l'éternité. Allégez les fardeaux de votre âme en vous faisant rapidement une conception de votre destinée à longue échéance, de l'expansion de votre carrière dans l'univers.

156:5.9 Ne commettez pas la faute d'estimer la valeur d'une âme d'après les imperfections du mental ou les appétits du corps. Ne jugez pas une âme et n'évaluez pas sa destinée sur la base d'un seul épisode humain malheureux. Votre destinée spirituelle n'est conditionnée que par vos aspirations et vos desseins spirituels.

156:5.10 La religion est l'expérience exclusivement spirituelle de l'immortelle âme évoluante de l'homme qui connaît Dieu ; mais le pouvoir moral et l'énergie spirituelle sont des forces puissantes que l'on peut utiliser pour traiter des questions sociales difficiles et pour résoudre des problèmes économiques complexes. Ces dons moraux et spirituels donnent plus de richesse et de sens à tous les niveaux de la vie humaine.

156:5.11 Si vous apprenez à n'aimer que ceux qui vous aiment, vous êtes destinés à vivre une vie étroite et médiocre. Effectivement, il est possible que l'amour humain soit réciproque, mais l'amour divin se répand vers l'extérieur dans toutes ses recherches de satisfaction. Moins il y a d'amour dans la nature d'une créature, plus cette créature a besoin d'être aimée et plus l'amour divin cherche à satisfaire ce besoin. L'amour n'est jamais égoïste et l'on ne peut l'effuser sur soi-même. L'amour divin ne peut être contenu en lui-même ; il lui faut s'effuser généreusement.

156:5.12 Les croyants au royaume doivent posséder une foi implicite, croire de toute leur âme au triomphe certain de la droiture. Les bâtisseurs du royaume doivent être convaincus que l'évangile du salut éternel est vrai. Les croyants doivent apprendre à se mettre de plus en plus à l'écart de la vie fiévreuse - à échapper aux harcèlements de l'existence matérielle - tout en rafraîchissant l'âme, en inspirant le mental et en renouvelant l'esprit par la communion dans l'adoration.

156:5.13 Les individus qui connaissent Dieu ne se laissent ni décourager par les malheurs ni abattre par les déceptions. Les croyants sont immunisés contre la dépression qui suit les bouleversements purement matériels ; quiconque mène une vie spirituelle n'est pas troublé par les épisodes du monde matériel. Les candidats à la vie éternelle pratiquent une technique vivifiante et constructive pour faire face à toutes les vicissitudes et tracas de la vie physique. Jour après jour le, croyant sincère éprouve plus de facilité à faire la chose juste.

156:5.14 La vie spirituelle accroît puissamment le véritable respect de soi, mais il ne faut pas confondre respect de soi et admiration de soi. Le respect de soi se coordonne toujours avec l'amour et le service d'autrui. Le respect de soi ne peut dépasser l'amour que l'on éprouve pour son prochain ; l'un est la mesure de la capacité de l'autre.

156:5.15 À mesure que les jours passent, tout vrai croyant devient plus habile à entraîner ses compagnons dans l'amour de la vérité éternelle. Avez-vous aujourd'hui plus de ressources qu'hier pour révéler la bonté à l'humanité ? Pouvez-vous mieux recommander la droiture cette année que l'année dernière ? Votre technique pour conduire les âmes affamées dans le royaume spirituel, devient-elle, de plus en plus, un art ?

156:5.16 Vos idéaux sont-ils suffisamment élevés pour garantir votre salut éternel et, en même temps vos idées sont-elles assez pratiques pour faire de vous un citoyen utile dans sa fonction terrestre en association avec ses compagnons mortels ? En esprit, votre citoyenneté est dans le ciel ; dans la chair, vous êtes encore citoyens des royaumes de la terre. Rendez à César les choses qui sont matérielles et à Dieu celles qui sont spirituelles.

156:5.17 La mesure de la capacité spirituelle de l'âme en évolution est votre foi dans la vérité et votre amour pour les hommes ; mais la mesure de votre force de caractère humaine est votre aptitude à résister à l'emprise des rancunes et à ne pas broyer du noir à l'occasion d'un profond chagrin. La défaite est le véritable miroir dans lequel vous pouvez examiner sincèrement votre moi réel.

156:5.18 À mesure que croissent les années et que vous devenez plus expérimentés dans les affaires du royaume, acquérez-vous plus de tact dans vos rapports avec des mortels importuns et plus de tolérance dans votre vie avec des collaborateurs entêtés ? Le tact est le point d'appui des leviers sociaux et la tolérance est la marque d'une grande âme. Si vous possédez ces dons rares et attachants, vous deviendrez progressivement plus alertes et habiles dans vos efforts méritoires pour éviter tous les malentendus sociaux inutiles. De telles âmes sages sont capables d'échapper à bon nombre de difficultés qui seront inévitablement le lot de tous ceux qui souffrent d'un manque d'adaptation émotionnelle, ceux qui refusent de grandir et ceux qui n'acceptent pas de vieillir avec élégance.

156:5.19 Évitez la malhonnêteté et l'injustice dans vos efforts pour prêcher la vérité et proclamer l'évangile. Ne recherchez pas une reconnaissance injustifiée et ne sollicitez pas une sympathie imméritée. Aimez, recevez libéralement les bienfaits de source humaine et divine indépendamment de vos mérites, et aimez libéralement en retour. Mais, dans toutes les autres choses qui concernent les honneurs et l'adulation, recherchez seulement ce qui vous appartient en toute honnêteté.

156:5.20 Le mortel conscient de Dieu est certain d'être sauvé ; il ne craint pas la vie ; il est loyal et conséquent. Il sait comment supporter courageusement les souffrances inévitables et ne se plaint pas quand il doit affronter des épreuves inéluctables.

156:5.21 Le vrai croyant ne se lasse pas de bien faire, simplement parce qu'il est contrecarré. Les difficultés fouettent l'ardeur des amants de la vérité et les obstacles ne font que mettre au défi les efforts des intrépides bâtisseurs du royaume.

156:5.22 Et Jésus leur enseigna encore bien d'autres choses avant de quitter Tyr.

156:5.23 La veille du départ de Tyr pour retourner vers la région de la mer de Galilée, Jésus rassembla ses associés et ordonna aux douze évangélistes de rentrer par un itinéraire différent de celui qui était prévu pour lui et les douze apôtres. Après que les évangélistes se furent séparés de Jésus à Tyr, ils ne furent plus jamais aussi intimement associés avec lui.

156.6  Le Retour de Phénicie

156:6.1 Le dimanche 24 juillet, vers midi, Jésus et les douze apôtres quittèrent la maison de Joseph au sud de Tyr. Ils suivirent la côte jusqu'à Ptolémaïs, où ils s'arrêtèrent une journée et adressèrent des paroles d'encouragement au groupe de croyants qui y résidait. Pierre leur fit un sermon le soir du 25 juillet.

156:6.2 Le mardi, ils quittèrent Ptolémaïs en allant vers l'intérieur des terres, à l'est, par la route de Tibériade, jusqu'au voisinage de Jotapata. Le mercredi, ils s'arrêtèrent à Jotapata et donnèrent de nouvelles instructions aux croyants sur les choses du royaume. Le jeudi, ils quittèrent Jotapata en prenant vers le nord la piste allant de Nazareth et du Mont Liban au village de Zabulon, en passant par Rama. Ils tinrent des réunions à Rama le vendredi et y restèrent jusqu'au lendemain du sabbat. Ils arrivèrent à Zabulon le dimanche 31 juillet, y tinrent une réunion le soir et repartirent le lendemain matin.

156:6.3 Au départ de Zabulon, ils allèrent jusqu'au croisement de la route de Magdala à Sidon, près de Gischala et, de là, ils se rendirent à Gennésareth, sur la rive occidentale du lac de Galilée au sud de Capharnaüm. Ils avaient convenu d'un rendez-vous avec David Zébédée et ils avaient l'intention d'y tenir conseil sur les prochaines dispositions à prendre pour continuer à prêcher l'évangile du royaume.

156:6.4 Au cours d'un bref entretien avec David, ils apprirent que nombre de notables se trouvaient actuellement réunis sur la rive opposée du lac, près de Khérésa et, en conséquence, ils traversèrent le lac, le même soir par bateau. Ils se reposèrent tranquillement une journée dans les collines et, le lendemain, ils se rendirent dans le parc voisin, où le Maitre avait précédemment nourri les cinq-mille. Ils s'y reposèrent trois jours en tenant des conférences quotidiennes auxquelles assistaient une cinquantaine d'hommes et de femmes, le reste de la compagnie, jadis nombreuse, des croyants résidant à Capharnaüm et aux environs.

156:6.5 Pendant la période du séjour en Phénicie, où Jésus se trouvait loin de Capharnaüm et de la Galilée, ses ennemis calculèrent que tout son mouvement avait été brisé ; ils conclurent que la hâte de Jésus à se retirer dénotait qu'il avait eu tellement peur qu'il ne reviendrait probablement jamais plus les ennuyer. Toute opposition active à ses enseignements s'était à peu près calmée. Les croyants recommençaient à tenir des réunions publiques ; les disciples éprouvés et fidèles, qui avaient survécu au grand criblage récemment subi par les croyants à l'évangile, s'affermissaient graduellement, mais efficacement dans leur foi.

156:6.6 Philippe, frère d'Hérode, s'était mis à croire tièdement en Jésus et avait fait savoir que le Maitre était libre de vivre et d'agir dans les territoires soumis à sa juridiction.

156:6.7 L'ordre de fermer toutes les synagogues du monde juif aux enseignements de Jésus et de ses disciples avait provoqué un choc en retour contre les scribes et les pharisiens. Immédiatement après que Jésus se fut retiré en tant que sujet de controverse, il se produisit une réaction dans toute la population juive ; il naquit un ressentiment général contre les pharisiens et les dirigeants du sanhédrin de Jérusalem. Beaucoup de chefs religieux commencèrent à ouvrir subrepticement leurs synagogues à Abner et à ses associés, en déclarant que ces éducateurs étaient des disciples de Jean et non de Jésus.

156:6.8 Même Hérode Antipas éprouva un changement de sentiments. Lorsqu'il apprit que Jésus séjournait de l'autre côté du lac dans le territoire de son frère Philippe, il lui fit savoir que, malgré la signature des mandats d'arrêt contre lui en Galilée, il n'avait pas de ce fait autorisé son arrestation en Pérée ; Hérode indiquait, ainsi, que Jésus ne serait pas molesté s'il restait hors de Galilée, et il communiqua la même ordonnance aux Juifs de Jérusalem.

156:6.9 Telle était la situation le 1er août de l'an 29, au moment où le Maitre revint de sa tournée en Phénicie et commença à réorganiser ses forces dispersées, éprouvées et réduites, en vue de cette dernière et mémorable année de sa mission sur terre.

156:6.10 L'issue de la bataille est maintenant claire, alors que le Maitre et ses associés se préparent à commencer la proclamation d'une nouvelle religion, la religion de l'esprit du Dieu vivant qui habite dans le mental des hommes.

157. À Césarée de Philippe

157:0.1 AVANT d'emmener les douze faire un court séjour au voisinage de Césarée de Philippe, Jésus avait convenu, par l'intermédiaire des messagers de David, qu'il traverserait le lac pour rencontrer sa famille, à Capharnaüm, le dimanche 7 août. La visite devait avoir lieu au chantier naval de Zébédée, et David Zébédée avait pris des dispositions avec Jude, le frère de Jésus, pour que la famille de Nazareth soit présente au complet - Marie et tous les frères et soeurs de Jésus. Accompagné d'André et de Pierre, Jésus alla au rendez-vous. Marie et ses enfants avaient certainement l'intention de s'y rendre également, mais il advint qu'un groupe de pharisiens, sachant que Jésus était de l'autre côté du lac, dans les domaines de Philippe, décida de rendre visite à Marie pour apprendre autant que possible dans quels parages il se trouvait. L'arrivée de ces émissaires de Jérusalem troubla beaucoup Marie. Ils remarquèrent la tension et la nervosité de toute la famille, et en conclurent qu'elle devait s'attendre à une visite de Jésus. En conséquence, ils s'installèrent chez Marie, convoquèrent des renforts et attendirent patiemment l'arrivée de Jésus. Bien entendu, cela empêcha efficacement tous les membres de la famille de tenter d'aller au rendez-vous. Durant la journée, Jude et Ruth essayèrent plusieurs fois de déjouer la vigilance des pharisiens pour prévenir Jésus, mais ce fut en vain.

157:0.2 De bonne heure dans l'après-midi, les messagers de David firent savoir à Jésus que les pharisiens campaient sur le perron de la maison de sa mère ; il ne fit donc aucune tentative pour rendre visite à sa famille. De nouveau, et sans qu'il y ait eu faute de part ou d'autre, Jésus et sa famille terrestre ne réussirent pas à reprendre contact.

157.1  Le Percepteur de l'Impôt du Temple

157:1.1 Tandis que Jésus s'attardait avec André et Pierre au bord du lac, près du chantier naval, un percepteur de l'impôt du temple s'approcha d'eux, reconnut Jésus et prit Pierre à part pour lui dire : « Ton Maitre ne paye-t-il pas l'impôt du temple ? » Pierre eut tendance à s'indigner à l'idée que Jésus devait contribuer à soutenir les activités religieuses de ses ennemis jurés, mais il remarqua une expression particulière sur le visage du percepteur. Il conjectura, à juste titre, que le percepteur cherchait à le prendre en flagrant délit de refus de payer le demi-sicle habituel pour l'entretien des services du temple à Jérusalem. En conséquence, Pierre répondit : « Bien entendu, le Maitre paye l'impôt du temple. Attends à la porte, et je reviens avec le montant de la taxe. »

157:1.2 Pierre avait parlé sans réfléchir, car Judas, qui transportait leurs fonds, était de l'autre côté du lac. Ni Pierre, ni son frère, ni Jésus n'avaient emporté d'argent. Sachant que les pharisiens les recherchaient, il leur était difficile d'aller à Bethsaïde pour obtenir des fonds. Lorsque Pierre parla à Jésus du percepteur et dit qu'il lui avait promis l'argent, Jésus lui dit : « Si tu as promis, il faut que tu payes, mais avec quoi tiendras-tu ta promesse ? Redeviendras-tu pêcheur pour pouvoir faire honneur à ta parole ? Néanmoins, Pierre, dans ces circonstances, il est bon que nous payions la taxe. Ne fournissons à ces hommes aucune occasion de s'offenser de notre attitude. Nous attendrons ici pendant que tu vas prendre le bateau et attraper des poissons au filet. Quand tu les auras vendus au marché là-bas, paye le percepteur pour nous trois. »

157:1.3 Toute cette conversation avait été entendue par le messager secret de David, qui se tenait à proximité et qui fit signe à un associé, pêchant près du rivage, d'accoster promptement. Lorsque Pierre se prépara à monter dans le bateau pour pêcher, le messager et son ami pêcheur lui offrirent plusieurs grands paniers de poissons et l'aidèrent à les porter au marchand de poisson voisin. Celui-ci acheta la prise et la paya à un prix qui, avec un complément fourni par le messager de David, suffisait à payer la taxe du temple pour les trois hommes. Le percepteur accepta le versement et fit remise de l'amende pour retard de paiement, parce que les intéressés avaient été absents de Galilée pendant un certain temps.

157:1.4 Il n'est pas étonnant que vos évangiles contiennent un récit de Pierre attrapant un poisson dont la gueule contenait un sicle. À cette époque, circulaient de nombreux récits sur la découverte de trésors dans la gueule de poissons, et ces histoires, quasi miraculeuses, étaient fort répandues. Lorsque Pierre s'en alla pour se diriger vers le bateau, Jésus observa avec une pointe d'humour : « Il est étrange que les fils du roi doivent payer le tribut ; ce sont généralement les étrangers qui sont taxés pour entretenir la cour ; mais il convient que nous ne fournissions pas une pierre d'achoppement aux autorités. Vas-y ! Peut-être attraperas-tu le poisson dont la gueule contient le sicle. » Après ces paroles de Jésus et la réapparition si rapide de Pierre avec le montant de l'impôt du temple, il est assez naturel que l'épisode ait été ultérieurement grossi pour devenir le miracle raconté par l'auteur de l'évangile selon Matthieu.

157:1.5 Jésus attendit au bord du lac avec André et Pierre jusqu'au coucher du soleil. Des messagers lui firent savoir que la maison de Marie était toujours surveillée ; en conséquence, à la tombée de la nuit, les trois hommes remontèrent dans leur bateau et ramèrent lentement vers la côte orientale de la Mer de Galilée.

157.2  À Bethsaïde-Julias

157:2.1 Le lundi 8 août, tandis que Jésus et les douze apôtres campaient dans le parc de Magadan proche de Bethsaïde-Julias, plus de cent croyants, les évangélistes, le groupe de femmes et d'autres personnes s'intéressant à l'établissement du royaume vinrent de Capharnaüm pour une conférence. Apprenant que Jésus était là, beaucoup de pharisiens vinrent aussi. Entretemps, un certain nombre de sadducéens s'étaient joints aux efforts des pharisiens pour prendre Jésus au piège. Avant la conférence privée avec les croyants, Jésus tint une réunion publique à laquelle assistèrent les pharisiens. Ils harcelèrent le Maitre de questions et cherchèrent encore autrement à troubler la réunion. Le chef des perturbateurs dit : « Maitre, nous voudrions que tu nous donnes un signe de l'autorité qui te permet d'enseigner, et alors, quand ce signe se produira, tous les hommes sauront que tu as été envoyé par Dieu. » Et Jésus leur répondit : « Le soir, vous dites qu'il fera beau temps parce que le ciel est rouge. Le matin, vous dites qu'il fera mauvais temps parce que le ciel est rouge et que les nuages s'abaissent. Quand vous voyez un nuage se lever à l'ouest, vous dites qu'il va tomber des averses. Quand le vent souffle du sud, vous annoncez une chaleur torride. Comment se fait-il que, sachant si bien discerner l'aspect du ciel, vous soyez si complètement incapables de discerner les signes des temps ? À ceux qui voudraient connaître la vérité, un signe a déjà été donné ; mais, à une génération hypocrite et mal intentionnée, aucun signe ne sera donné. »

157:2.2 Après avoir ainsi parlé, Jésus se retira et se prépara à la conférence du soir avec ses disciples. Il fut décidé à cette conférence que l'on entreprendrait en commun une tournée dans toutes les villes et tous les villages de la Décapole, dès que Jésus et les douze seraient revenus de leur visite projetée à Césarée de Philippe. Le Maitre participa à l'élaboration des plans de la mission en Décapole, puis renvoya l'assistance en disant : « Je vous mets en garde contre le levain des pharisiens et des sadducéens. Ne vous laissez pas tromper dans leur démonstration de grande érudition et leur profond attachement aux formes de la religion. Ne vous préoccupez que de l'esprit de la vérité vivante et du pouvoir de la vraie religion. Ce n'est pas la crainte d'une religion morte qui vous sauvera, mais plutôt votre foi en une expérience vivante des réalités spirituelles du royaume. Ne vous laissez ni aveugler par les préjugés, ni paralyser par la crainte. Ne permettez pas non plus au respect des traditions de déformer votre intelligence au point que vos yeux ne voient plus et que vos oreilles n'entendent plus. La vraie religion n'a pas simplement pour but d'amener la paix, mais plutôt d'assurer le progrès. Il ne peut y avoir ni paix dans le coeur, ni progrès dans le mental si vous ne tombez pas de tout coeur amoureux de la vérité, des idéaux des réalités éternelles. L'alternative de la vie et de la mort est placée devant vous - d'un côté les plaisirs coupables du temps, et de l'autre les justes réalités de l'éternité. Dès maintenant, vous devriez commencer à vous délivrer de l'esclavage de la peur et du doute en entrant dans la nouvelle vie de foi et d'espérance. Quand des sentiments de service envers votre prochain naissent dans votre âme, ne les étouffez pas ; quand des émotions d'amour envers le prochain jaillissent dans votre coeur, manifestez cette tendance affective par un ministère intelligent satisfaisant les besoins réels de votre prochain. »

157.3  La Confession de Pierre

157:3.1 Le mardi matin de bonne heure, Jésus et les douze apôtres partirent du parc de Magadan pour Césarée de Philippe, capitale du domaine du tétrarque Philippe. Cette ville était située dans une région merveilleusement belle. Elle nichait dans une vallée pittoresque entre des collines où le Jourdain sortait d'une grotte souterraine. Au nord, on voyait bien les hauteurs du mont Hermon, tandis qu'en montant sur les collines du sud, on avait une vue magnifique sur l'amont du Jourdain et la Mer de Galilée.

157:3.2 Au cours de ses premières expériences dans les affaires du royaume, Jésus était allé au mont Hermon ; maintenant qu'il entrait dans la dernière phase de son oeuvre, il désirait retourner sur ce haut-lieu d'épreuve et de triomphe. Il espérait que les apôtres pourraient y gagner une nouvelle vision de leurs responsabilités et pourraient acquérir de nouvelles forces pour l'imminente période d'épreuves. Sur la route, à peu près au moment où ils passaient au sud des Eaux de Mérom, les apôtres en vinrent à parler entre eux de leurs récentes expériences en Phénicie et ailleurs, ils racontèrent comment leur message avait été reçu et parlèrent de la manière dont les différentes populations considéraient leur Maitre.

157:3.3 À la halte du déjeuner, Jésus aborda soudainement, avec les douze, la première question qu'il leur eût jamais posée sur lui-même. Il leur posa cette question surprenante : « Qui dit-on que je suis ? »

157:3.4 Jésus avait passé de longs mois à instruire les apôtres sur la nature et le caractère du royaume des cieux ; il savait bien que le moment était venu de leur en apprendre davantage sur sa propre nature et sur ses relations personnelles avec le royaume. Alors, tandis qu'ils étaient assis sous des mûriers, le Maitre se prépara à l'une des plus importantes discussions de sa longue association avec les apôtres choisis.

157:3.5 Plus de la moitié d'entre eux participèrent aux réponses à la question posée. Ils dirent à Jésus que tous ceux qui le connaissaient le considéraient comme un prophète ou un homme extraordinaire ; que même ses ennemis le craignaient beaucoup et expliquaient ses pouvoirs en l'accusant d'être ligué avec le prince des démons. Les apôtres lui dirent que certains habitants de la Judée et de la Samarie, qui ne l'avaient pas rencontré personnellement, le prenaient pour Jean le Baptiste ressuscité d'entre les morts. Pierre exposa qu'en plusieurs occasions, diverses personnes, avaient comparé Jésus à Moïse, Élie, Isaïe et Jérémie. Après avoir entendu ces commentaires, Jésus se dressa, regarda les douze assis en demi-cercle autour de lui et, d'une manière intense et saisissante, il les montra successivement du doigt en un geste circulaire, et leur demanda : « Mais vous, qui dites-vous que je suis ? » Il y eut un moment de silence tendu où les douze ne quittèrent pas leur Maitre des yeux. Puis Simon Pierre, se levant brusquement, s'écria : « Tu es le Libérateur, le Fils du Dieu vivant. » Et les onze apôtres se levèrent d'un commun accord montrant, ainsi, que Pierre avait parlé pour eux tous.

157:3.6 Jésus les pria de se rassoir et, se tenant encore debout devant eux, il leur dit : « Cela vous a été révélé par mon Père. L'heure est venue où il faut que vous connaissiez la vérité sur moi. Mais, pour l'instant, je vous donne comme instruction de ne la dire à personne. Partons d'ici. »

157:3.7 Ils reprirent donc leur voyage vers Césarée de Philippe, où ils arrivèrent tard dans la soirée et s'arrêtèrent chez Celsus, qui les attendait. Les apôtres dormirent peu cette nuit-là ; ils avaient le sentiment qu'un grand évènement venait de se produire dans leur vie et dans l'oeuvre du royaume.

157.4  Propos au Sujet du Royaume

157:4.1 Depuis les épisodes de son baptême par Jean et du changement de l'eau en vin à Cana, les apôtres avaient, à des dates diverses, virtuellement accepté Jésus en tant que Messie. Pendant de brèves périodes, certains d'entre eux avaient vraiment cru qu'il était le Libérateur attendu. Mais à peine ces espoirs étaient-ils nés dans leur coeur, que le Maitre les anéantissait par quelques paroles écrasantes ou par un acte qui les décevait. Les apôtres avaient longtemps été fort agités par le conflit entre les concepts du Messie attendu, qui étaient ceux de leur mental et l'expérience de leur association extraordinaire avec cet homme extraordinaire, qui était celle de leur cœur.

157:4.2 Tard dans la matinée de ce mercredi, les apôtres se rassemblèrent dans le jardin de Celsus pour leur repas de midi. Durant presque toute la nuit et depuis leur lever ce matin-là, Simon Pierre et Simon Zélotès avaient travaillé assidûment pour amener leurs frères au point où ils accepteraient de tout coeur le Maitre, non seulement en tant que Messie, mais également en tant que Fils divin du Dieu vivant. Les deux Simon étaient à peu près d'accord sur leur appréciation de Jésus, et ils travaillaient assidûment à faire accepter pleinement leur point de vue par les autres. Bien qu'André restât directeur général du corps apostolique, son frère, Simon Pierre, par un commun accord, devenait de plus en plus le porte-parole des douze.

157:4.3 Ils étaient tous assis dans le jardin, à midi, lorsque le Maitre apparut. Ils avaient des expressions dignes et solennelles, et se levèrent tous à son approche. Jésus détendit la situation par l'amical et fraternel sourire si caractéristique qu'il arborait quand ses disciples prenaient trop au sérieux leur propre personne ou quelque évènement se rapportant à eux. Avec un geste de commandement, il leur fit signe de s'assoir. Jamais plus les douze n'accueillirent leur Maitre en se levant à son arrivée, car ils avaient perçu sa désapprobation pour cette marque extérieure de respect.

157:4.4 Après qu'ils eurent pris leur repas et se furent lancés dans la discussion de plans pour leur prochaine tournée en Décapole, Jésus les regarda soudain en face et dit : « Maintenant qu'une journée entière s'est écoulée depuis que vous avez approuvé la déclaration de Pierre sur l'identité du Fils de l'Homme, je voudrais vous demander si vous maintenez toujours votre conclusion. » En entendant cela, les douze se dressèrent sur leurs pieds, et Simon Pierre s'avança de quelques pas vers Jésus en disant : « Oui, Maitre, nous la maintenons. Nous croyons que tu es le Fils du Dieu vivant. » Et Pierre se rassit ensuite avec ses frères.

157:4.5 Jésus, resté debout, dit alors aux douze : « Vous êtes mes ambassadeurs choisis, mais je sais qu'en pareilles circonstances, cette croyance ne saurait être le résultat d'une simple connaissance humaine. Cette croyance est une révélation de l'esprit de mon Père au plus profond de vos âmes. Si donc vous faites cette confession par la clairvoyance de l'esprit de mon Père qui habite en vous, je suis amené à proclamer que, sur ce fondement, j'édifierai la fraternité du royaume des cieux. Sur ce roc de réalité spirituelle, je bâtirai le temple vivant de communauté spirituelle dans les réalités éternelles du royaume de mon Père. Toutes les forces du mal et les armées du péché ne prévaudront pas contre cette fraternité humaine de l'esprit divin. Alors que l'esprit de mon Père sera toujours le guide et le mentor divin de tous ceux qui s'engagent dans les liens de cette communauté de l'esprit, à vous et à vos successeurs, je remets maintenant les clefs du royaume extérieur - l'autorité sur les choses temporelles - les facteurs sociaux et économiques de cette association d'hommes et de femmes en tant que membres du royaume. » De nouveau, il leur recommanda de ne dire à personne, pour l'instant, qu'il était le Fils de Dieu.

157:4.6 Jésus commençait à avoir foi dans la loyauté et l'intégrité de ses apôtres. Le Maitre pensa que, si la foi de ses représentants choisis était capable de résister aux tribulations qu'ils avaient récemment subies, elle pourrait indubitablement supporter les rudes épreuves qui les attendaient et sortirait intacte du naufrage apparent de toutes leurs espérances. Ils se trouveraient alors dans la lumière d'une nouvelle dispensation et capables de faire campagne pour éclairer un monde plongé dans les ténèbres. Ce jour-là, le Maitre commença à croire à la foi de tous ses apôtres, à l'exception d'un seul.

157:4.7 Et, depuis ce jour, ce même Jésus a toujours continué à bâtir ce temple vivant sur le même fondement éternel de sa filiation divine. Les hommes qui deviennent ainsi consciemment fils de Dieu sont les pierres humaines constituant ce temple vivant de filiation qui s'élève à la gloire et à l'honneur de la sagesse et de l'amour du Père éternel des esprits.

157:4.8 Après avoir ainsi parlé, Jésus ordonna aux douze d'aller isolément dans les collines pour y rechercher la sagesse, la force et les directives spirituelles, jusqu'à l'heure du repas du soir. Et ils firent ce que le Maitre les avait exhortés à faire.

157.5  Le Nouveau Concept

157:5.1 Le trait nouveau et essentiel de la confession de Pierre fut la reconnaissance bien nette que Jésus était le Fils de Dieu, qu'il était indiscutablement divin. Depuis son baptême et les noces de Cana, les apôtres l'avaient diversement considéré comme le Messie, mais que le Messie dût être divin ne faisait pas partie du concept juif du libérateur national. Les Juifs n'avaient pas enseigné que le Messie aurait une origine divine ; il devait être « l'oint » , mais ils n'avaient guère envisagé qu'il soit « le Fils de Dieu » . Dans la seconde confession, l'accent fut placé davantage sur la nature conjuguée de Jésus, sur le fait céleste qu'il était le Fils de l'Homme et le Fils de Dieu. C'est sur cette grande vérité de l'union de la nature humaine avec la nature divine que Jésus déclara qu'il bâtirait le royaume des cieux.

157:5.2 Jésus avait cherché à vivre sa vie terrestre et à parachever sa mission d'effusion en tant que Fils de l'Homme. Ses disciples étaient disposés à le considérer comme le Messie attendu. Sachant qu'il ne pourrait jamais réaliser leurs espérances messianiques, il s'efforça de modifier leur concept du Messie de manière à pouvoir répondre partiellement à leur attente. Mais il reconnut maintenant que ce plan n'avait guère de chances d'être mené à bien. Il décida donc audacieusement de révéler son troisième plan - d'annoncer ouvertement sa divinité, de reconnaître la véracité de la confession de Pierre et de déclarer directement aux douze qu'il était un Fils de Dieu.

157:5.3 Durant trois années, Jésus avait proclamé qu'il était le « Fils de l'Homme, » et, pendant les trois mêmes années, les apôtres avaient insisté de plus en plus sur le fait qu'il était le Messie juif attendu. Il révéla maintenant qu'il était le Fils de Dieu et choisit de bâtir le royaume des cieux sur le concept de sa nature conjuguée de Fils de l'homme et de Fils de Dieu. Il avait décidé de ne plus faire d'efforts pour convaincre les apôtres qu'il n'était pas le Messie. Il se proposa désormais de leur révéler audacieusement ce qu'il est, et de ne plus tenir compte de leur persistance à le considérer comme le Messie.

157.6  L'Après-midi Suivant

157:6.1 Jésus et les apôtres restèrent encore un jour chez Celsus, attendant que des messagers de David Zébédée arrivent avec de l'argent. À la suite de l'effondrement de la popularité de Jésus auprès des masses, les revenus des apôtres avaient considérablement diminué. À leur arrivée à Césarée de Philippe, leur caisse était vide. Matthieu était peu enclin à quitter Jésus et ses compagnons, en un moment pareil, et il n'avait pas de fonds disponibles, lui appartenant en propre, à remettre à Judas comme il l'avait si souvent fait dans le passé. Toutefois, David Zébédée avait prévu cette diminution probable de revenus et avait donné des instructions en conséquence à ses messagers. En traversant la Judée, la Samarie et la Galilée, ils devaient servir de collecteurs de fonds destinés aux apôtres exilés et à leur Maitre. C'est ainsi que, dans la soirée du même jour, les messagers arrivèrent de Bethsaïde en apportant une somme suffisante pour entretenir les apôtres jusqu'au moment où ils reviendraient pour entreprendre la tournée de la Décapole. Matthieu espérait qu'à leur retour, il aurait encaissé le prix de vente de sa dernière propriété de Capharnaüm, et il s'était arrangé pour que ces fonds soient remis à Judas sous forme anonyme.

157:6.2 Ni Pierre ni les autres apôtres n'avaient une conception très juste de la divinité de Jésus. Ils ne se rendaient pas compte qu'une nouvelle époque commençait dans la carrière terrestre de leur Maitre, l'époque où l'éducateur-guérisseur devenait le Messie selon la conception nouvelle - le Fils de Dieu. À partir de ce moment-là, un nouveau ton apparut dans les messages du Maitre. Son unique idéal de vie fut désormais la révélation du Père, et l'idée unique de son enseignement fut de présenter, à son univers, la personnification de cette sagesse suprême compréhensible uniquement en la vivant. Il était venu pour que nous puissions tous avoir la vie, et l'avoir plus abondamment.

157:6.3 Jésus entrait maintenant dans le quatrième et dernier stade de sa vie humaine dans la chair. Le premier fut celui de son enfance, des années où il n'avait que faiblement conscience de son origine, de sa nature et de sa destinée en tant qu'être humain. Le second stade fut celui de l'autoconscience croissante des années de son adolescence et de sa jeunesse, durant lesquelles il comprit plus clairement sa nature divine et sa mission humaine ; ce second stade prit fin avec les expériences et révélations associées à son baptême. Le troisième stade de l'expérience terrestre du Maitre s'étendit depuis son baptême, suivi des années de son ministère d'éducateur et de guérisseur, jusqu'à l'heure mémorable de la confession de Pierre à Césarée de Philippe ; ce troisième stade engloba la période où ses apôtres et ses disciples immédiats le connurent en tant que Fils de l'Homme et le considérèrent comme le Messie. La quatrième et dernière période de sa carrière terrestre commença ici, à Césarée de Philippe, et dura jusqu'à la crucifixion. Ce stade de son ministère fut caractérisé par l'aveu de sa divinité et inclut les oeuvres de sa dernière année d'incarnation. La majorité des disciples de Jésus le considérait encore comme le Messie, mais, durant la quatrième période, les apôtres le connurent en tant que Fils de Dieu. La confession de Pierre marqua le commencement de la nouvelle période de réalisation plus complète de la vérité de son ministère suprême en tant que Fils d'effusion sur Urantia et pour un univers entier, ainsi que la récognition de ce fait, au moins vaguement, par ses ambassadeurs choisis.

157:6.4 Jésus donna ainsi, dans sa vie, l'exemple de ce qu'il enseignait dans sa religion : la croissance de la nature spirituelle par la technique du progrès vivant. Contrairement à ceux qui le suivirent, il ne mit pas l'accent sur la lutte incessante entre l'âme et le corps. Il enseigna plutôt que l'esprit triomphe aisément des deux et apporte efficacement et profitablement une réconciliation dans un grand nombre de ces conflits intellectuels et instinctifs.

157:6.5 Une nouvelle signification s'attache désormais à tous les enseignements de Jésus. Avant Césarée de Philippe, il se présentait comme le maitre-instructeur de l'évangile du royaume. Après Césarée de Philippe, il apparut non seulement simplement comme instructeur, mais aussi en tant que le représentant divin du Père éternel, qui est le centre et la circonférence de ce royaume spirituel. Et il fallait que Jésus fit tout cela en tant qu'être humain, en tant que Fils de l'Homme.

157:6.6 Il s'était sincèrement efforcé, d'abord en tant qu'instructeur puis en tant qu'instructeur-guérisseur, de faire entrer ses disciples dans le royaume spirituel, mais ils n'acceptèrent pas. Jésus savait bien que sa mission terrestre ne pouvait réaliser les espoirs messianiques du peuple juif ; les prophètes de jadis avaient décrit un Messie irrémédiablement différent de lui. Jésus cherchait, en tant que Fils de l'Homme, à établir le royaume du Père, mais ses disciples ne voulurent pas se lancer dans cette aventure. Voyant cela, Jésus choisit alors de faire la moitié du chemin à la rencontre de ceux qui croyaient en lui ; ce faisant, il se prépara ouvertement à assumer le rôle du Fils d'effusion de Dieu.

157:6.7 En conséquence, les apôtres apprirent bien des choses nouvelles en écoutant Jésus, ce jour-là, dans le jardin. Même pour eux, certaines de ces affirmations parurent étranges, et voici quelques-unes de ces saisissantes déclarations :

157:6.8 « Désormais, si un homme veut avoir sa place dans notre communauté, qu'il assume les obligations de la filiation, et qu'il me suive. Quand je ne serai plus avec vous, ne vous imaginez pas que le monde vous traitera mieux qu'il n'aura traité votre Maitre. Si vous m'aimez, préparez-vous à prouver cette affection en acceptant de faire le sacrifice suprême » .

157:6.9 « Retenez bien mes paroles : Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. Le Fils de l'Homme n'est pas venu pour être soigné, mais pour soigner et pour offrir sa vie comme un don pour tous. Je vous déclare que je suis venu chercher et sauver les égarés. »

157:6.10 « Nul homme dans ce monde ne voit présentement le Père, sauf le Fils qui est venu du Père ; mais, si le Fils est élevé, il attirera tous les hommes à lui. Quiconque croit en cette vérité de la nature conjuguée du Fils recevra le don d'une vie plus durable que celle de l'âge. »

157:6.11 « Nous ne pouvons pas encore proclamer ouvertement que le Fils de l'Homme est le Fils de Dieu, mais cela vous a été révélé ; c'est pourquoi je vous parle audacieusement de ce mystère. Bien que je me présente à vous sous cette forme corporelle, je suis venu de Dieu le Père. Avant qu'Abraham fût, je suis. Je suis vraiment venu du Père dans ce monde tel que vous m'avez connu, et je vous déclare qu'il me faudra bientôt quitter ce monde et reprendre le travail de mon Père. »

157:6.12 « Et, maintenant, votre foi peut-elle comprendre la vérité de ces déclarations, après mon avertissement que le Fils de l'Homme ne répondra pas à l'attente de vos pères selon la manière dont ils concevaient le Messie ? Mon royaume n'est pas de ce monde. Pouvez-vous croire la vérité à mon sujet sachant que les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids, mais, moi, je n'ai pas d'endroit où reposer ma tête. ? »

157:6.13 « Néanmoins, je vous dis que le Père et moi, nous sommes un. Quiconque m'a vu a vu le Père. Mon Père agit avec moi en toutes ces choses et ne me laissera jamais seul dans ma mission, de même que je ne vous abandonnerai jamais quand vous irez bientôt proclamer cet évangile dans le monde.

157:6.14 « Et, maintenant, je vous ai emmené à l'écart pour une courte période, seuls avec moi, afin que vous puissiez comprendre la gloire et saisir la grandeur de la vie à laquelle je vous ai appelés : l'aventure d'établir, par la foi, le royaume de mon Père dans le coeur des hommes, de bâtir ma communauté d'association vivante avec les âmes de tous ceux qui croient à cet évangile. »

157:6.15 Les apôtres écoutèrent en silence ces affirmations audacieuses et étonnantes, ils étaient abasourdis. Puis ils se dispersèrent en petits groupes pour discuter et méditer les paroles du Maitre. Ils avaient confessé que Jésus était le Fils de Dieu, mais ils ne pouvaient saisir la pleine signification de ce qu'ils avaient été amenés à faire.

157.7  La Consultation d'André

157:7.1 Ce soir-là, André prit sur lui d'avoir une consultation personnelle et approfondie avec chacun de ses frères. Ces entretiens furent profitables et encourageants avec tous ses associés, sauf avec Judas Iscariot. André n'avait jamais eu avec Judas un contact personnel aussi étroit qu'avec les autres apôtres ; c'est pourquoi il n'avait pas, jusqu'alors, attaché d'importance au fait que Judas n'ait jamais établi de relations franches et confidentielles avec le chef du corps apostolique. Mais, cette fois-ci, l'attitude de Judas lui causa un tel souci que, plus tard dans la soirée, après que tous les apôtres furent profondément endormis, il alla trouver Jésus et lui exposa la cause de son anxiété. Le Maitre lui dit : « Tu n'as pas tort, André, de venir me consulter sur ce sujet, mais nous ne pouvons rien faire de plus ; continue seulement à accorder la pleine confiance à cet apôtre et ne parle pas à ses frères de ton entretien avec moi. »

157:7.2 André ne put rien tirer de plus de Jésus. Il y avait toujours eu un sentiment d'incompréhension entre ce Judéen et ses frères Galiléens. Judas avait été choqué par la mort de Jean le Baptiste, profondément froissé par les rebuffades du Maitre en diverses occasions, déçu quand Jésus refusa d'être proclamé roi, humilié par sa fuite devant les pharisiens, chagriné quand Jésus rejeta le défi des pharisiens de leur donner un signe, déconcerté par le refus de son Maitre de recourir à des manifestations de pouvoir et, plus récemment, déprimé et parfois abattu par le vide de la trésorerie. En outre, il manquait à Judas le stimulant des foules.

157:7.3 Dans une certaine mesure et à des degrés divers, chacun des autres apôtres était également affecté par ces mêmes épreuves et tribulations, mais ils aimaient Jésus. En tout cas, ils ont dû l'aimer plus que ne le faisait Judas, car ils l'accompagnèrent jusqu'au bout.

157:7.4 Originaire de Judée, Judas prit pour une offense personnelle le récent avertissement de Jésus aux apôtres « de se méfier du levain des pharisiens » ; il avait tendance à considérer cette déclaration comme une allusion voilée à lui-même. Mais la grande erreur de Judas était la suivante : maintes et maintes fois, quand Jésus envoyait ses apôtres prier isolément, Judas s'adonnait à des pensées de crainte humaine au lieu d'entrer en communion sincère avec les forces spirituelles de l'univers ; en même temps, il persistait à nourrir des doutes subtils sur la mission de Jésus et s'adonnait à sa tendance malheureuse à entretenir des sentiments de revanche.

157:7.5 Jésus voulait maintenant emmener ses apôtres avec lui au mont Hermon, où il avait décidé d'inaugurer, en tant que Fils de Dieu, la quatrième phase de son ministère terrestre. Quelques-uns de ses apôtres avaient assisté à son baptème dans le Jourdain et au début de sa carrière en tant que Fils de l'Homme, et il désirait que certains d'entre eux fussent également présents pour entendre de quelle autorité il assumerait publiquement le rôle nouveau de Fils de Dieu. En conséquence, le matin du vendredi 12 août, Jésus dit aux douze : « Faites des provisions et préparez-vous à partir pour la montagne que vous voyez là-bas ; l'esprit me demande d'y aller pour recevoir les dons me permettant d'achever mon oeuvre sur terre. Je voudrais y emmener mes frères pour qu'ils puissent également être fortifiés en vue des temps difficiles qui les attendent quand ils passeront avec moi par cette expérience. »

158. Le Mont de la Transfiguration

158:0.1 LE VENDREDI après-midi 12 aout de l'an 29, le soleil allait se coucher lorsque Jésus et ses associés arrivèrent au pied du mont Hermon, près de l'endroit même où le jeune Tiglath avait jadis attendu pendant que le Maitre montait seul dans la montagne pour fixer le destin spirituel d'Urantia et mettre techniquement fin à la rébellion de Lucifer. Ils séjournèrent là pendant deux jours à se préparer spirituellement aux évènements qui allaient suivre sous peu.

158:0.2 Dans les grande lignes, Jésus savait d'avance ce qui allait se passer sur la montagne et désirait vivement que tous ses apôtres puissent partager cette expérience. C'était pour les mettre en condition de recevoir cette révélation de lui-même qu'il s'arrêta avec eux au pied de la montagne. Mais les apôtres ne purent atteindre les niveaux spirituels qui auraient justifié le risque de les mettre pleinement en présence des êtres célestes dont l'apparition sur terre était imminente. Faute de pouvoir emmener tous ses associés, il décida de prendre avec lui seulement les trois qui avaient l'habitude de l'accompagner dans ces veilles spéciales. En conséquence, Pierre, Jacques et Jean furent les seuls à partager, même partiellement, cette expérience unique avec le Maitre.

158.1  La Transfiguration

158:1.1 De bonne heure, le matin du lundi 15 aout, six jours après la mémorable confession de Pierre, faite à midi au bord de la route sous les muriers, Jésus et les trois apôtres commencèrent l'ascension du mont Hermon.

158:1.2 Jésus avait été prié de monter seul dans la montagne pour régler certaines affaires importantes concernant le déroulement de son effusion incarnée, étant donné que cette expérience se rapportait à l'univers qu'il avait lui-même créé. Il est significatif que l'heure de cet évènement extraordinaire ait été fixée de manière à se produire pendant que Jésus et les apôtres se trouvaient chez les Gentils, et que cet évènement eu lieu effectivement sur une montagne du pays des Gentils.

158:1.3 Ils atteignirent leur destination, à mi-chemin du sommet, un peu avant midi. Pendant leur déjeuner, Jésus raconta, aux trois apôtres, une partie de ce qui lui était arrivé, peu après son baptême, dans les collines à l'est du Jourdain. Il leur donna également des détails sur son expérience sur le mont Hermon, lors de son précédent séjour dans cette retraite solitaire.

158:1.4 Quand il était jeune garçon, Jésus avait l'habitude de gravir la hauteur voisine de son domicile et d'y rêver des batailles livrées par des armées impériales dans la plaine d'Esdraélon. Maintenant, il montait sur le mont Hermon pour y recevoir les qualifications qui allaient le préparer à descendre dans les plaines du Jourdain pour y jouer les dernières scènes du drame de son effusion sur Urantia. Ce jour-là, sur le mont Hermon, le Maitre aurait pu abandonner la lutte et reprendre le gouvernement des divers domaines de son univers. Or, non seulement il décida de satisfaire aux exigences de son ordre de filiation divine, incluses dans le mandat du Fils Éternel du Paradis, mais encore il choisit de satisfaire, dans sa totalité et jusqu'au bout, la volonté présente de son Père Paradisiaque. Au cours de cette journée d'aout, trois de ses apôtres le virent refuser l'investiture de la pleine autorité sur son univers. Ils assistèrent avec stupeur au départ des messagers célestes, le laissant seul pour parachever sa vie terrestre en tant que Fils de l'Homme et Fils de Dieu.

158:1.5 La foi des apôtres avait atteint un point culminant au moment où Jésus nourrit les cinq-mille, puis elle tomba rapidement presque à zéro. Maintenant, du fait que le Maitre avait confessé sa divinité, la foi chancelante des douze remonta à son apogée dans les semaines qui suivirent, mais subit ensuite un déclin progressif. Leur troisième renouveau de foi n'eut lieu qu'après la résurrection du Maitre.

158:1.6 Vers trois heures de l'après-midi de cette magnifique journée, Jésus quitta les trois apôtres en disant : « Je m'en vais seul pendant un moment pour communier avec le Père et ses messagers. Je vous demande de rester ici. En attendant mon retour, priez pour que la volonté du Père soit faite dans tout ce qui vous arrivera en liaison avec la suite de la mission d'effusion du Fils de l'Homme. » Après leur avoir dit cela, Jésus se retira pour une longue conférence avec Gabriel et le Père Melchizédek. Il ne revint que vers six heures. Voyant l'anxiété des apôtres au sujet de son absence prolongée, il leur dit : « Pourquoi aviez-vous peur ? Vous savez bien que je dois m'occuper des affaires de mon Père ; alors pourquoi doutez-vous quand je ne suis pas auprès de vous ? Je vous déclare maintenant que le Fils de l'Homme a décidé de passer le reste de sa vie terrestre au milieu de vous et comme un homme semblable à vous. Ayez bon courage. Je ne vous abandonnerai pas avant d'avoir achevé ma tâche. »

158:1.7 Pendant leur frugal repas du soir, Pierre demanda au Maitre : « Combien de temps allons-nous rester sur cette montagne, loin de nos frères ? » Jésus répondit : « Jusqu'à ce que vous ayez vu la gloire du Fils de l'Homme et que vous sachiez que tout ce que je vous ai déclaré est vrai. » Ils parlèrent ensuite de la rébellion de Lucifer, assis auprès des braises rougeoyantes de leur feu jusqu'à la tombée de la nuit ; puis le sommeil les gagna, car ils étaient partis de très bonne heure ce matin-là.

158:1.8 Après que les trois apôtres eurent dormi profondément pendant une demi-heure environ, ils furent soudain réveillés par un crépitement dans le voisinage et regardèrent autour d'eux. À leur grande surprise et à leur consternation, ils virent Jésus conversant familièrement avec deux êtres brillants vêtus des vêtements de lumière du monde céleste. Le visage et le corps de Jésus brillaient également d'une luminosité céleste. Ils parlaient tous trois une langue étrange. À certains indices, Pierre supposa à tort que les deux personnages inconnus étaient Moïse et Élie ; en réalité, c'étaient Gabriel et le Père Melchizédek. À la demande de Jésus, les contrôleurs physiques avaient pris des dispositions pour que les apôtres puissent être témoins de cette scène.

158:1.9 Les trois apôtres eurent tellement peur qu'ils mirent un certain temps à reprendre leurs esprits. Tandis que l'éblouissante vision s'estompait devant leurs yeux et qu'ils observaient Jésus restant seul debout, Pierre, qui avait été le premier à se remettre, dit à Jésus : « Jésus, Maitre, il est bon d'avoir été ici. Nous nous réjouissons de voir cette gloire. Nous répugnons à redescendre dans le monde peu glorieux. Si tu veux bien, demeurons ici, et nous dresserons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Pierre prononça ces paroles parce qu'il était dans la confusion et qu'aucune autre pensée ne lui était venue.

158:1.10 Tandis que Pierre parlait encore, un nuage argenté s'approcha des quatre hommes et les surplomba. Les apôtres furent extrêmement effrayés et tombèrent en adoration, face contre terre. Ils entendirent alors une voix, la même qu'au baptême de Jésus, disant : « Celui-là est mon fils bien-aimé ; écoutez-le. » Quand le nuage disparut, Jésus fut de nouveau seul avec les trois. Il allongea les mains et les toucha en disant : « Levez-vous et n'ayez aucune crainte ; vous verrez des choses plus grandes que cela. » Mais les apôtres étaient vraiment effrayés. Ce furent trois hommes silencieux et pensifs qui se préparèrent à redescendre de la montagne un peu avant minuit.

158.2  En Descendant de la Montagne

158:2.1 Durant la première moitié de la descente, aucun mot ne fut prononcé. Jésus ouvrit alors la conversation en disant : « Veillez bien à ne raconter à personne, pas même à vos frères, ce que vous avez vu et entendu sur cette montagne, avant que le Fils de l'Homme ne soit ressuscité d'entre les morts. » Les trois apôtres furent choqués et désemparés par les mots du Maitre « jusqu'à ce que le Fils de l'Homme soit ressuscité d'entre les morts » . Ils avaient si récemment réaffirmé leur foi en Jésus en tant que le Libérateur, le Fils de Dieu, et ils venaient de le voir transfiguré en gloire sous leurs yeux ; et maintenant il commençait à parler de « résurrection d'entre les morts » . !

158:2.2 Pierre frémit à la pensée que son Maitre mourrait - l'idée était trop pénible à supporter. Craignant que Jacques ou Jean ne posent quelque question à ce sujet, il crut préférable de détourner la conversation. Ne sachant de quoi parler, il exprima la première pensée qui lui passa par la tête en disant : « Maitre, pourquoi les scribes disent-ils qu'Élie doit d'abord venir avant que le Messie n'apparaisse ? » Sachant que Pierre cherchait à éviter le sujet de sa mort et de sa résurrection, Jésus répondit : « Il est vrai qu'Élie vient d'abord pour préparer le chemin du Fils de l'Homme qui doit souffrir maints tourments et finalement être rejeté. Mais je vous dis qu'Élie est déjà venu, et qu'ils ne l'ont pas reçu, mais lui ont fait tout ce qui leur a plu. » Alors, les trois apôtres comprirent qu'il parlait de Jean le Baptiste comme d'Élie. Jésus savait que, si les apôtres persistaient à le considérer comme le Messie, il fallait alors que Jean fût l'Élie de la prophétie.

158:2.3 Jésus enjoignit le silence sur le spectacle de l'avant-gout de la gloire qui l'attendait après sa résurrection, parce qu'il était présentement accueilli comme le Messie et ne voulait pas entretenir, à un degré quelconque, leurs conceptions erronées d'un libérateur opérant des prodiges. Pierre, Jacques et Jean méditèrent longuement sur cet épisode, mais n'en parlèrent à personne avant la résurrection du Maitre.

158:2.4 Tandis qu'ils continuaient à descendre de la montagne, Jésus leur dit : « Vous n'avez pas voulu me recevoir en tant que Fils de l'Homme. J'ai donc consenti à être reçu selon votre détermination bien arrêtée ; mais ne vous y trompez pas, il faudra que la volonté de mon Père l'emporte. Si vous décidez de suivre ainsi la tendance de votre propre volonté, il faut vous préparer à souffrir beaucoup de déceptions et à subir bien des épreuves ; mais l'entrainement que je vous ai donné devrait vous permettre de triompher de ces chagrins que vous aurez vous-mêmes choisis. »

158:2.5 Si Jésus emmena Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la transfiguration, la raison n'en était pas qu'ils fussent, en aucun sens, mieux préparés que les autres apôtres à assister à cette scène, ni plus qualifiés spirituellement pour bénéficier d'un aussi rare privilège. Nullement. Le Maitre savait bien qu'aucun des douze n'était spirituellement qualifié pour cette expérience, et c'est pourquoi il emmena seulement les trois apôtres qui avaient mission de l'accompagner dans les moments où il désirait s'isoler pour jouir d'une communion solitaire.

158.3  Le Sens de la Transfiguration

158:3.1 La scène dont Pierre, Jacques et Jean furent les témoins, sur la montagne de la transfiguration, était une vision fugitive du grand spectacle céleste qui se déroula, ce jour-là, sur le mont Hermon. La transfiguration fut l'occasion de :

158:3.2 L'acceptation de la plénitude de l'effusion de la vie incarnée de Micaël sur Urantia par le Fils-Mère Éternel du Paradis. Jésus avait désormais l'assurance que les exigences du Fils Éternel étaient satisfaites en ce qui le concernait. Ce fut Gabriel qui lui apporta cette assurance.

158:3.3 2. Le témoignage de la satisfaction de l'Esprit Infini quant à la plénitude de l'effusion sur Urantia dans la similitude de la chair mortelle. La représentante de l'Esprit Infini dans l'univers de Nébadon, associée immédiate et collaboratrice toujours présente de Micaël sur Salvington, parla en la circonstance par le truchement du Père Melchizédek.

158:3.4 Jésus reçut avec plaisir les deux témoignages concernant le succès de sa mission terrestre apportés par les messagers du Fils Éternel et de l'Esprit Infini, mais il remarqua que son Père n'indiquait pas que l'effusion sur Urantia était terminée. La présence invisible du Père ne porta témoignage que par la voix de l'Ajusteur Personnalisé de Jésus disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le. » et ceci fut exprimé en mots destinés à être entendus également par les trois apôtres.

158:3.5 Après cette visitation céleste, Jésus chercha à connaître la volonté de son Père et décida de poursuivre son effusion humaine jusqu'à sa fin naturelle. Tel fut pour Jésus le sens de la transfiguration. Pour les trois apôtres, ce fut un évènement marquant l'entrée du Maitre dans la phase finale de sa carrière terrestre en tant que Fils de Dieu et Fils de l'Homme.

158:3.6 Après la visitation officielle de Gabriel et du Père Melchizédek, Jésus eut des entretiens familiers avec ces deux Fils de son ministère et conversa intimement avec eux au sujet des affaires de son univers.

158.4  Le Garçon Épileptique

158:4.1 Jésus et ses compagnons arrivèrent au camp apostolique ce mardi matin, un peu avant l'heure du repas matinal. En approchant, ils discernèrent une foule considérable assemblée autour des apôtres et ne tardèrent pas à entendre les bruyantes discussions et controverses de ce groupe d'une cinquantaine de personnes, comprenant les neuf apôtres. Le reste du groupe se divisait en une vingtaine de scribes de Jérusalem et autant de disciples croyants, qui avaient cherché à suivre Jésus et ses associés depuis leur départ de Magadan.

158:4.2 Bien que l'attroupement eût de nombreux sujets de discussion, la principale controverse concernait un citoyen de Tibériade, arrivé la veille, à la recherche de Jésus. Cet homme, Jacques de Safed, avait un fils unique âgé d'environ quatorze ans, qui était affligé de graves crises d'épilepsie. En plus de cette maladie nerveuse, le garçon était devenu la proie de l'un de ces médians errants, malveillants et rebelles qui circulaient alors sur terre sans contrôle, si bien que l'enfant était à la fois épileptique et possédé par un démon.

158:4.3 Pendant près de quinze jours, son père anxieux, officier subalterne d'Hérode Antipas, avait parcouru la frontière occidentale des domaines de Philippe en cherchant Jésus pour le supplier de guérir son fils malade. Il ne joignit le groupe apostolique qu'à midi, le jour où Jésus se trouvait dans la montagne avec les trois apôtres.

158:4.4 Les neuf autres apôtres furent très surpris et fort troublés lorsque cet homme, accompagné d'une quarantaine de personnes recherchant également Jésus, arriva sur eux à l'improviste. Au moment de l'arrivée de ce groupe, les neuf apôtres, ou du moins la majorité d'entre eux, avaient succombé à leur vieille tentation - celle de discuter qui serait le plus grand dans le royaume à venir ; ils argumentaient sur les postes probables qui leur seraient attribués individuellement. Ils n'arrivaient pas à se libérer entièrement de l'idée longtemps chérie de la mission matérielle du Messie. Maintenant que Jésus lui-même avait accepté leur confession qu'il était vraiment le Libérateur - ayant au moins admis le fait de sa divinité - n'était-il pas naturel pour les apôtres, durant la période de séparation d'avec leur Maitre, d'en venir à parler des espoirs et des ambitions qui occupaient dans leur coeur une place prépondérante. Ils étaient lancés dans ces discussions lorsque Jacques de Safed et ses compagnons recherchant Jésus les surprirent.

158:4.5 André se leva pour accueillir ce père et son fils, et dit : « Qui cherchez-vous ? » Jacques de Safed répondit : « Mon brave homme, je suis à la recherche de ton Maitre et de la guérison de mon fils malade. Je voudrais que Jésus chasse le démon qui possède mon enfant. » Et le père se mit à raconter aux apôtres que son fils était malade au point d'avoir maintes fois risqué de perdre la vie à cause de ces crises malignes.

158:4.6 Tandis que les apôtres écoutaient, Simon Zélotès et Judas Iscariot s'avancèrent devant le père en disant : « Nous pouvons le guérir ; tu n'as pas besoin d'attendre le retour du Maitre. Nous sommes ambassadeurs du royaume et nous avons cessé de garder ces choses secrètes. Jésus est le Libérateur, et les clefs du royaume nous ont été remises. » À ce moment, André et Thomas se consultaient à l'écart, tandis que Nathanael et les autres observaient la scène avec stupéfaction ; ils restèrent bouche bée devant la soudaine audace, sinon la présomption de Simon et de Judas. Le père dit alors : « S'il vous a été donné de faire ces oeuvres, veuillez bien prononcer les paroles qui délivreront mon enfant de cet esclavage. » Simon s'avança, posa sa main sur la tête de l'enfant, le regarda droit dans les yeux et dit : « Esprit impur, sors de lui ; au nom de Jésus, obéis-moi. » Mais le garçon eut simplement une crise plus violente, tandis que les scribes tournaient les apôtres en dérision et que les croyants déçus subissaient les sarcasmes de ces critiques malveillants.

158:4.7 André fut profondément chagriné par cette tentative malencontreuse et son lamentable échec. Il réunit les apôtres à l'écart pour conférer et prier. Après cette période de méditation, piqué au vif par leur défaite et ressentant l'humiliation qui retombait sur eux tous, André fit une seconde tentative pour chasser le démon, mais, une fois de plus, l'insuccès couronna ses efforts. André confessa franchement sa défaite et pria le père de rester avec eux pour la nuit ou d'attendre le retour de Jésus en disant : « Peut-être les démons de cette sorte ne s'en vont-ils que sur l'ordre personnel du Maitre. »

158:4.8 Ainsi, tandis que Jésus redescendait de la montagne avec Pierre, Jacques et Jean, exubérants et ravis, leurs neuf frères ne dormaient pas non plus ; ils étaient confondus, abattus et humiliés, et le sommeil les avait fuis. Ils formaient un groupe morne et désillusionné, mais Jacques de Safed ne voulut pas renoncer à sa tentative. Bien que les apôtres ne pussent lui donner la moindre idée de la date du retour de Jésus, il décida de rester jusqu'à ce que le Maitre revienne.

158.5  Jésus Guérit le Garçon

158:5.1 À l'approche de Jésus, les neuf apôtres furent plus que soulagés de l'accueillir et grandement encouragés d'observer la bonne humeur et l'enthousiasme insolite que reflétaient les expressions de visage de Pierre, Jacques et Jean. Ils se précipitèrent tous pour accueillir Jésus et leurs trois frères. Tandis qu'ils échangeaient des salutations, la foule arriva, et Jésus demanda : « Que discutiez-vous au moment de notre arrivée ? » Avant que les apôtres déconcertés et humiliés aient eu le temps de répondre au Maitre, le père anxieux du jeune malade s'avança, s'agenouilla aux pieds de Jésus et dit : « Maitre, j'ai un fils, un fils unique, possédé par un esprit mauvais. Quand il est saisi, non seulement il pousse des cris de terreur, bave et tombe comme mort, mais le mauvais esprit qui le possède provoque, à certains moments, des convulsions déchirantes et parfois le jette dans l'eau et même dans le feu. Mon enfant dépérit, avec des grincements de dents, à la suite de ses nombreuses meurtrissures. Sa vie est pire que la mort. Sa mère et moi avons le coeur triste et l'esprit abattu. Hier, vers midi, en te cherchant, j'ai rejoint tes disciples. En t'attendant, tes apôtres ont essayé de chasser ce démon, mais sans y parvenir. Et, maintenant, Maitre, veux-tu faire cela pour nous, veux-tu guérir mon fils ? »

158:5.2 Après l'audition de ce récit, Jésus toucha le père agenouillé, le pria de se lever, jeta un regard scrutateur sur les apôtres et dit à tous ceux qui se tenaient devant lui : « O génération perverse et sans foi, jusqu'à quand vous supporterai-je ? Combien de temps serai-je parmi vous ? Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que les oeuvres de la foi ne se manifestent pas à la demande de l'incroyance sceptique ? » Puis, montrant du doigt le père déconcerté, Jésus dit : « Amène ici ton fils. » Et, lorsque Jacques de Safed eut amené le jeune homme, Jésus lui demanda : « Depuis combien de temps le garçon est-il affligé de cette manière ? » Le père répondit : « Depuis qu'il est tout petit. » Au cours de cet entretien, le garçon fut saisi d'une violente attaque et tomba au milieu d'eux, grinçant des dents et écumant de la bouche. Après une succession de violentes convulsions, il resta étendu comme mort devant eux. Le père s'agenouilla de nouveau aux pieds de Jésus, et implora le Maitre en disant : « Si tu peux le guérir, je te supplie d'avoir compassion de nous et de nous délivrer de cette affliction. » À l'audition de ces paroles, Jésus abaissa son regard pour scruter le visage anxieux du père et dit : « Ne mets pas en doute le pouvoir d'amour de mon Père, mais seulement la sincérité et la portée de ta foi. Toutes choses sont possibles pour celui qui croit réellement. » Alors, Jacques de Safed prononça ces paroles mêlées de foi et de doute, dont on se souviendra longtemps : « Seigneur, je crois, je te prie de venir au secours de mon incrédulité. »

158:5.3 Quand Jésus entendit ces mots, il s'avança, prit le garçon par la main et dit : « Je vais faire cela selon la volonté de mon Père et en l'honneur de la foi vivante. Mon fils, lève-toi ! Esprit désobéissant, sors de lui et n'y reviens pas. » Puis Jésus plaça la main du fils dans celle du père et dit : « Va ton chemin. Le Père a exaucé le désir de ton âme. » Et tous les assistants, même les ennemis de Jésus, furent étonnés de ce qu'ils avaient vu.

158:5.4 Quant aux trois apôtres qui avaient joui si récemment de l'extase spirituelle des scènes et expériences de la transfiguration, ce fut en vérité une désillusion pour eux que de revenir si tôt sur la scène de la défaite et de la déconfiture de leurs compagnons apôtres. Mais il en fut toujours ainsi avec ces douze ambassadeurs du royaume. Ils alternaient constamment entre l'exaltation et l'humiliation dans les expériences de leur vie.

158:5.5 En l'espèce, il s'agissait de la vraie guérison d'une double affliction, un mal physique et une maladie d'esprit. La guérison du garçon fut permanente à dater de cette heure. Quand Jacques de Safed fut parti avec son fils en bonne santé, Jésus dit : « Nous allons maintenant à Césarée de Philippe ; préparez-vous immédiatement. » Et ce fut un groupe silencieux qui entreprit le voyage vers le sud, tandis que la foule suivait de loin.

158.6  Dans le Jardin de Celsus

158:6.1 Les douze passèrent encore la nuit chez Celsus. Ce soir-là, dans le jardin, après qu'ils eurent diné et pris un peu de repos, ils se réunirent autour de Jésus, et Thomas dit : « Maitre, ceux d'entre nous qui sont restés ici ignorent encore ce qui s'est passé sur la montagne et qui a si grandement encouragé nos frères qui t'accompagnaient. Mais nous désirons ardemment que tu nous parles de notre défaite et que tu nous instruises en ces matières, car nous voyons que les évènements survenus dans la montagne ne peuvent nous être révélés en ce moment. »

158:6.2 Jésus répondit à Thomas en disant : « Tout ce que vos frères ont entendu sur la montagne vous sera révélé en temps voulu. Je vais maintenant vous montrer la cause de votre échec dans votre tentative si mal avisée. Hier, pendant que votre Maitre et ses compagnons, vos frères, montaient là-bas sur la montagne pour rechercher une connaissance plus étendue de la volonté du Père et pour demander à être plus richement doués de sagesse afin d'exécuter efficacement cette volonté divine, vous restiez ici à veiller. Vous aviez reçu instruction de vous efforcer d'acquérir un mental spirituellement clairvoyant, et prier avec nous pour une révélation plus complète de la volonté du Père. Or, vous n'avez pas mis en oeuvre la foi qui était à vos ordres ; au lieu de cela, vous avez cédé à la tentation ; vous êtes retombés dans vos anciennes et pernicieuses tendances à rechercher pour vous-mêmes des postes de choix dans le royaume des cieux - que vous persistez à imaginer sous un aspect matériel et temporel. Vous vous attachez à ces conceptions erronées malgré mes déclarations réitérées que mon royaume n'est pas de ce monde.

158:6.3 « À peine saisissez-vous, par la foi, l'identité du Fils de l'Homme, que votre désir égoïste d'une promotion terrestre s'insinue de nouveau en vous, et vous recommencez à discuter entre vous pour savoir qui sera le plus grand dans le royaume des cieux. Or, ce royaume n'existe pas et n'existera jamais sous la forme où vous le concevez. Ne vous ai-je pas dit que celui qui voudrait être le plus grand dans le royaume de la fraternité spirituelle de mon Père doit devenir peu de chose à ses propres yeux et devenir ainsi le serviteur de ses frères ? La grandeur spirituelle consiste en un amour compréhensif semblable à celui de Dieu, et non à jouir de l'exercice du pouvoir matériel pour l'exaltation du moi. Dans la tentative où vous avez subi un échec si total, votre dessein n'était pas pur. Votre mobile n'était pas divin. Votre idéal n'était pas spirituel. Votre ambition n'était pas altruiste. Votre manière de faire n'était pas fondée sur l'amour, et le but que vous vouliez atteindre n'était pas la volonté du Père qui est aux cieux.

158:6.4 « Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que l'on ne peut abréger le cours des phénomènes naturels établis, sauf quand de telles choses sont conformes à la volonté du Père ? On ne peut pas non plus accomplir une oeuvre spirituelle en l'absence de pouvoir spirituel. Même si ces possibilités sont potentiellement présentes, on ne peut les réaliser sans l'existence d'un troisième facteur humain essentiel, l'expérience personnelle de posséder une foi vivante. Faudra-t-il toujours que vous assistiez à des manifestations matérielles pour vous attirer vers les réalités spirituelles du royaume ? Ne pouvez-vous saisir la signification spirituelle de ma mission sans la démonstration visible d'oeuvres inhabituelles ? Quand pourra-t-on compter sur vous pour adhérer aux réalités spirituelles supérieures du royaume indépendamment de l'aspect extérieur de toute manifestation matérielle ? »

158:6.5 Après avoir ainsi parlé aux douze, Jésus ajouta : « Maintenant, allez vous reposer, car, demain matin, nous retournerons à Magadan et nous y tiendrons conseil au sujet de notre mission dans les villes et villages de la Décapole. En conclusion de l'expérience de cette journée, laissez-moi répéter à chacun de vous ce que j'ai dit à vos frères sur la montagne, et gravez profondément ces paroles dans votre coeur : le Fils de l'Homme entre maintenant dans la dernière phase de son effusion. Nous allons entreprendre les travaux qui conduiront bientôt à la grande épreuve finale de votre foi et de votre dévotion, quand je serai livré aux mains des hommes qui cherchent à me détruire. Rappelez-vous ce que je vous dis : le Fils de l'Homme sera mis à mort, mais il ressuscitera. »

158:6.6 Ils se retirèrent pour la nuit, pleins de tristesse. Ils étaient désemparés et ne pouvaient saisir le sens de ces paroles. Ils avaient peur de poser une question sur ce que Jésus avait dit, mais ils se souvinrent de tout après la résurrection.

158.7  La Protestation de Pierre

158:7.1 De bonne heure ce mercredi matin, Jésus et les douze quittèrent Césarée de Philippe pour se rendre au Parc de Magadan, près de Bethsaïde-Julias. Les apôtres avaient très peu dormi cette nuit-là ; ils se levèrent donc tôt et furent prêts à partir de bonne heure. Même les flegmatiques jumeaux Alphée avaient été choqués par cette conversation concernant la mort de Jésus. En allant vers le sud, ils croisèrent la route de Damas, un peu au delà des Eaux de Mérom. Désireux d'éviter les scribes et autres personnes qui n'allaient pas tarder à les rejoindre, Jésus leur prescrivit d'aller à Capharnaüm par la route de Damas qui traverse la Galilée. Il fit ceci parce qu'il savait que ceux qui le suivaient prendraient la route à l'est du Jourdain, en comptant que Jésus et les apôtres craindraient de passer par le territoire d'Hérode Antipas. Jésus cherchait à échapper à ses censeurs et à la foule qui le suivait, pour être seul avec ses apôtres ce jour-là.

158:7.2 Ils marchèrent donc à travers la Galilée jusqu'à ce que l'heure habituelle de leur déjeuner fût passée depuis longtemps, puis ils s'arrêtèrent à l'ombre pour une pause. Après qu'ils eurent mangé, André dit à Jésus : « Maitre, mes frères ne comprennent pas tes profonds aphorismes. Nous sommes parvenus à croire pleinement que tu es le Fils de Dieu, et maintenant tu nous parles étrangement de nous quitter et de mourir. Nous ne comprenons pas ton enseignement. Nous parles-tu en paraboles ? Nous te prions de t'exprimer franchement sous une forme non voilée. »

158:7.3 En réponse à la demande d'André, Jésus dit : « Mes frères, en raison de votre confession que vous me croyez le Fils de Dieu, je suis obligé de commencer à vous dévoiler la vérité sur la fin de l'effusion terrestre du Fils de l'Homme. Vous persistez à croire que je suis le Messie, et vous ne voulez pas abandonner l'idée que le Messie doit siéger sur un trône à Jérusalem. C'est pourquoi je vous répète avec insistance que le Fils de l'Homme devra bientôt aller à Jérusalem, beaucoup souffrir, être rejeté par les scribes, les anciens et les chefs des prêtres, et, après tout cela, être tué et ressusciter d'entre les morts. Je ne vous raconte pas une parabole, je vous dis la vérité afin que vous soyez préparés à ces évènements quand ils surviendront brusquement. » Il parlait encore lorsque Simon Pierre se précipita vers lui avec impétuosité, posa sa main sur l'épaule du Maitre et dit : « Maitre, nous sommes loin de vouloir te contredire, mais je déclare que ces choses ne t'arriveront jamais. »

158:7.4 Pierre parla ainsi parce qu'il aimait Jésus, mais la nature humaine du Maitre discerna, dans ces paroles d'affection bien intentionnée, la suggestion subtile d'une tentation, celle de changer sa politique consistant à poursuivre jusqu'au bout son effusion terrestre conformément à la volonté de son Père du Paradis. C'est parce qu'il décelait le danger de permettre à des suggestions, même à celles de ses amis affectueux et loyaux, de le dissuader, que Jésus se tourna vers Pierre et les autres apôtres en s'écriant : « Passe derrière moi. Tu tiens de l'esprit de l'adversaire, le tentateur. Quand vous parlez de cette manière, vous n'êtes pas de mon côté, mais plutôt du côté de notre ennemi. Vous faites ainsi de votre amour pour moi une pierre d'achoppement sur le chemin de l'accomplissement de la volonté du Père. Ne vous occupez pas des voies humaines, mais plutôt de la volonté de Dieu. »

158:7.5 Quand ils furent remis du premier choc de la cinglante réprimande de Jésus et avant qu'ils ne reprennent leur route, le Maitre ajouta : « Si quelqu'un veut me suivre, qu'il fasse abstraction de lui-même, qu'il prenne quotidiennement ses responsabilités et qu'il me suive. Car quiconque voudra sauver égoïstement sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie, à cause de moi et pour l'évangile, la sauvera. Quel profit y a-t-il pour un homme à gagner le monde entier et à perdre sa propre âme ? Que peut donner un homme en échange de la vie éternelle ? N'ayez pas honte de moi et de mes paroles dans cette génération pécheresse et hypocrite, de même que je n'aurai pas honte de vous reconnaître quand j'apparaîtrai en gloire devant mon Père en présence de toutes les armées célestes. Néanmoins, parmi ceux qui se trouvent ici devant moi, beaucoup ne gouteront pas la mort avant d'avoir vu ce royaume de Dieu arriver avec puissance. »

158:7.6 Jésus montra, ainsi, clairement aux douze, le sentier douloureux et conflictuel qu'ils devaient fouler s'ils voulaient le suivre. Quel choc ce fut pour ces pêcheurs galiléens qui persistaient à rêver d'un royaume terrestre avec des postes d'honneur pour eux-mêmes ! Mais leurs coeurs loyaux furent émus par ce courageux appel, et aucun d'eux n'eut l'idée d'abandonner Jésus ; il ne les envoyait pas seuls à la bataille, il les conduisait. Il leur demandait seulement de suivre bravement.

158:7.7 Les douze saisissaient lentement l'idée que Jésus leur exposait quelque chose sur l'éventualité de sa mort. Ils comprenaient vaguement ce qu'il disait concernant sa mort, mais sa déclaration concernant la résurrection d'entre les morts échappait complètement à leur mental. À mesure que les jours s'écoulaient, Pierre, Jacques et Jean arrivèrent à mieux comprendre certaines de ces questions en se remémorant leur expérience sur la montagne de la transfiguration.

158:7.8 Au long de leur association avec le Maitre, les douze n'eurent que de rares occasions de voir le regard étincelant de Jésus et d'entendre des mots de reproche aussi vifs que ceux adressés à Pierre et aux autres apôtres à cette occasion. Jésus avait toujours été patient devant leurs imperfections humaines, mais il n'en fut pas de même devant la menace imminente contre son programme impliquant d'exécuter la volonté de son Père au sujet du reste de sa carrière terrestre. Les apôtres furent littéralement abasourdis ; ils étaient stupéfaits et horrifiés. Ils ne trouvaient pas de mots pour exprimer leur chagrin. Lentement, ils commencèrent à comprendre ce que le Maitre devrait endurer et la nécessité pour eux de traverser ces épreuves avec lui ; mais ils ne s'éveillèrent à la réalité de ces évènements futurs que longtemps après ces premières allusions à la tragédie menaçante des derniers jours de sa vie.

158:7.9 Jésus et les douze partirent ensuite silencieusement pour leur camp du Parc de Magadan, en passant par Capharnaüm. Au cours de l'après-midi, ils ne conversèrent pas avec Jésus, mais parlèrent beaucoup entre eux, tandis qu'André s'entretenait avec le Maitre.

158.8  Chez Pierre

158:8.1 Arrivés à Capharnaüm au crépuscule, ils allèrent directement prendre leur repas du soir chez Simon Pierre, en passant par des rues peu fréquentées. Tandis que David Zébédée se préparait à les emmener de l'autre côté du lac, ils s'attardèrent chez Simon. Dévisageant Pierre et les apôtres, Jésus leur demanda : « Pendant que vous marchiez ensemble cet après-midi, de quoi discutiez-vous si gravement entre vous ? » Les apôtres se tinrent cois, car beaucoup d'entre eux avaient poursuivi la discussion commencée près du mont Hermon, sur les positions qu'ils occuperaient dans le royaume à venir, sur qui serait le plus grand et ainsi de suite. Sachant ce qui avait occupé leurs pensées ce jour-là, Jésus fit signe à l'un des tout jeunes enfants de Pierre, l'installa parmi eux et dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, à moins de faire volte-face et de ressembler davantage à cet enfant, vous ferez peu de progrès dans le royaume des cieux. Quiconque s'humiliera et ressemblera à ce petit deviendra le plus grand dans le royaume des cieux. Quiconque reçoit un petit enfant me reçoit. Et quiconque me reçoit reçoit aussi Celui qui m'a envoyé. Si vous voulez être les premiers dans le royaume, cherchez à apporter ces bonnes vérités à vos frères incarnés. Mais, si quelqu'un fait trébucher l'un de ces petits enfants, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache une meule au cou et qu'on le jette dans la mer. Si les choses que vous faites avec vos mains ou celles que vous voyez de vos yeux font scandale dans le progrès du royaume des cieux, sacrifiez ces idoles chéries ; car il vaut mieux entrer dans le royaume en étant dépourvu de nombre des choses que l'on aime dans la vie, que de s'attacher à ces idoles et de se trouver exclu du royaume. Par-dessus tout, veillez à ne mépriser aucun de ces petits, car leurs anges contemplent constamment les armées célestes. »

158:8.2 Lorsque Jésus eut fini de parler, ils montèrent tous dans le bateau et firent voile jusqu'à Magadan, de l'autre côté du lac.

159. La Tournée en Décapole

159:0.1 LORSQUE Jésus et les douze arrivèrent au Parc de Magadan, ils y trouvèrent, les attendant, un groupe de presque une centaine d'évangélistes et de disciples, incluant le corps évangélique féminin. Ils étaient prêts à partir immédiatement pour la tournée d'enseignement et de prédication en Décapole.

159:0.2 Ce jeudi matin 18 aout, le Maitre réunit ses disciples et ordonna que chacun de ses apôtres s'associe avec l'un des douze évangélistes, que d'autres évangélistes se joignent à eux et que les douze groupes ainsi constitués partent oeuvrer dans les villes et villages de la Décapole. Quant au corps évangélique féminin et aux autres disciples, il leur ordonna de rester auprès de lui. Jésus accorda à ses disciples quatre semaines pour faire cette tournée et leur ordonna de revenir à Magadan au plus tard le vendredi 16 septembre. Il promit de leur rendre fréquemment visite entretemps. Au cours de ce mois, les douze groupes opérèrent à Gérasa, Gamala, Hippos, Zaphon, Gadara, Abila, Édréi, Philadelphie, Hesbon, Dium, Scythopolis et dans bien d'autres villes. Durant cette tournée, aucune guérison miraculeuse n'eut lieu et aucun évènement extraordinaire ne se produisit.

159.1  Le Sermon sur le Pardon

159:1.1 Un soir à Hippos, en réponse à la question d'un disciple, Jésus enseigna la leçon sur le pardon. Le Maitre dit :

159:1.2 « Si un homme de coeur a cent brebis, et si l'une d'entre elles s'égare, n'abandonnera-t-il pas aussitôt les quatre-vingt-dix-neuf pour partir à la recherche de celle qui s'est égarée ? S'il est un bon berger, ne poursuivra-t-il pas ses recherches jusqu'à ce qu'il l'ait trouvée ? Alors, quand le berger a retrouvé sa brebis perdue, il la charge sur son épaule, rentre chez lui en se réjouissant et crie, au passage, à ses amis et voisins : `Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis perdue.' Je proclame qu'il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de se repentir. Cependant, il n'est pas conforme à la volonté de mon Père qui est aux cieux que l'un de ces petits s'égare, et encore bien moins qu'il périsse. Dans votre religion, Dieu peut recevoir des pécheurs repentants ; dans l'évangile du royaume, le Père va à leur recherche avant même qu'ils aient sérieusement pensé à se repentir.

159:1.3 « Le Père qui est aux cieux aime ses enfants, et c'est pourquoi vous devriez apprendre à vous aimer les uns les autres. Le Père qui est aux cieux vous pardonne vos péchés ; vous devriez donc apprendre à vous pardonner les uns les autres. Si ton frère pèche contre toi, va vers lui et montre-lui sa faute avec tact et patience. Fais tout cela en tête-à-tête. S'il veut t'écouter, alors, tu as gagné ton frère. Mais, si ton frère refuse de t'entendre, s'il persiste dans son erreur, retourne encore une fois vers lui en emmenant un ou deux amis communs, afin d'avoir deux ou même trois témoins pour confirmer ton témoignage et prouver que tu as traité avec justice et miséricorde le frère qui t'a fait du tort. Ensuite, s'il refuse d'écouter tes amis, tu peux raconter toute l'histoire à la congrégation, et s'il refuse de l'écouter, laisse la fraternité prendre la mesure qu'elle juge sage ; laisse ce membre indiscipliné devenir un proscrit du royaume. Alors que vous ne pouvez pas prétendre juger l'âme de vos compagnons, alors qu'il ne vous est pas permis de pardonner les péchés ni d'oser usurper d'une autre manière les prérogatives des superviseurs des armées célestes, par contre, le maintien de l'ordre temporel dans le royaume sur terre vous a été confié. Alors que vous n'êtes pas autorisés à vous immiscer dans les décrets divins concernant la vie éternelle, vous règlerez les problèmes de conduite dans la mesure où ils concernent le bien-être temporel de la fraternité sur terre. Ainsi, pour toutes ces questions liées à la discipline de la fraternité, tout ce que vous décrèterez sur terre sera accepté au ciel. Bien que vous ne puissiez déterminer la destinée éternelle de l'individu, vous êtes autorisés à légiférer en ce qui concerne la conduite du groupe, car, là où deux ou trois d'entre vous sont d'accord au sujet de n'importe laquelle de ces choses et font appel à moi, vous serez exaucés si cette pétition n'est pas incompatible avec la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Et tout ceci est toujours vrai, car, là où deux ou trois croyants sont réunis, je suis là au milieu d'eux. »

159:1.4 À Hippos, Simon Pierre était l'apôtre responsable des évangélistes. Lorsqu'il entendit Jésus parler ainsi, il demanda : « Seigneur, combien de fois devrais-je pardonner à un frère qui pèche contre moi ? Faut-il aller jusqu'à sept fois ? » Jésus répondit à Pierre : « Non seulement sept fois, mais soixante-dix-sept fois. C'est pourquoi l'on peut comparer le royaume des cieux à un certain roi qui ordonna la vérification des comptes de ses intendants. Quand l'examen fut commencé, on amena devant lui l'un de ses principaux économes qui reconnut devoir dix-mille talents au roi. Ce fonctionnaire de la cour plaida qu'il avait eu des malheurs et qu'il n'avait pas de quoi remplir ses obligations. Alors, le roi ordonna de confisquer ses biens et de vendre ses enfants comme esclaves pour payer sa dette. Lorsque le grand économe entendit ce jugement sévère, il tomba face contre terre devant le roi et l'implora d'être miséricordieux et de lui donner un délai en disant : `Seigneur, aie un peu plus de patience avec moi, et je rembourserai tout.' Le roi regarda l'économe négligent et sa famille, et fut ému de compassion. Il ordonna de le relâcher et de le tenir entièrement quitte de sa dette.

159:1.5 « Ayant ainsi reçu miséricorde et pardon du roi, le chef économe retourna à ses affaires et, trouvant l'un de ses subordonnés qui lui devait la modeste somme d'une centaine de deniers, il s'empara de lui, le saisit à la gorge et lui dit : `Paye-moi tout ce que tu me dois.' Alors, le sous-intendant tomba face contre terre devant le chef économe et le supplia en disant : `Sois simplement patient avec moi, et je pourrai bientôt te payer.' Mais le chef économe ne voulut pas faire montre de miséricorde envers son subordonné et le fit mettre en prison jusqu'au remboursement de la dette. Voyant ce qui s'était passé, les collègues du prisonnier furent tellement outrés qu'ils allèrent rapporter l'épisode au roi, leur seigneur et Maitre. Quand le roi apprit l'action de son chef économe, il fit comparaître devant lui cet homme ingrat et implacable, et lui dit : `Tu es un intendant méchant et indigne. Quand tu as cherché compassion, je t'ai librement fait remise de toute ta dette. Pourquoi n'as-tu pas été miséricordieux envers ton subordonné comme je l'ai été envers toi ?' Et le roi entra dans une telle colère qu'il livra son ingrat chef économe aux geôliers pour qu'ils le détiennent jusqu'à paiement complet de toute sa dette. De même, mon Père céleste montrera une plus large miséricorde à ceux qui sont spontanément miséricordieux envers leurs prochains. Comment pouvez-vous vous approcher de Dieu en lui demandant d'excuser vos imperfections si vous avez l'habitude de châtier ces mêmes faiblesses humaines chez vos frères qui en sont coupables ? Je vous le dis à tous : Vous avez reçu libéralement les bonnes choses du royaume ; donnez donc libéralement à vos compagnons terrestres. »

159:1.6 C'est ainsi que Jésus enseigna les dangers et illustra l'injustice du jugement personnel porté sur votre prochain. Il faut que la discipline soit maintenue et que la justice soit administrée, mais, en toutes matières, la sagesse de la fraternité devrait prévaloir. Jésus conféra l'autorité législative et judiciaire au groupe et non à des individus. Et même cette autorité attribuée au groupe ne doit pas être exercée sous forme personnelle. On risque toujours de voir le verdict d'un individu faussé par des préjugés ou déformé par la passion. Le jugement collectif a plus de chances d'écarter les dangers et d'éliminer l'injustice des préventions personnelles. Jésus chercha toujours à minimiser les facteurs d'injustice, de représailles et de vengeance.

159:1.7 [L'emploi du nombre 77, pour illustrer la miséricorde et la tolérance, fut tiré du passage des Écritures concernant l'exultation de Lémec devant les armes métalliques de son fils Tubal-Caïn. Comparant ces instruments supérieurs à ceux de ses ennemis, il s'écria : « Si Caïn, sans armes à la main, a été sept fois vengé, je serai maintenant vengé soixante-dix-sept fois. » ]

159.2  Le Prédicateur Étranger

159:2.1 Jésus se rendit à Gamala pour visiter Jean et tous ceux qui y travaillaient avec lui. Ce soir-là, après la séance des questions et réponses, Jean dit à Jésus : « Maitre, je suis allé hier à Ashtarot voir un homme qui enseignait en ton nom et qui prétendait même être capable de chasser des démons. Or, cet homme n'a jamais été avec nous et ne nous suit pas ; je lui ai donc défendu d'agir ainsi. » Jésus dit alors : « Ne le lui interdis pas. Ne perçois-tu pas que l'évangile du royaume sera bientôt proclamé dans le monde entier ? Comment peux-tu espérer que tous ceux qui croient à l'évangile seront soumis à tes directives ? Réjouis-toi de ce que notre enseignement ait déjà commencé à se répandre hors des limites de notre influence personnelle. Ne vois-tu pas, Jean, que ceux qui prétendent faire de grandes oeuvres en mon nom finiront par soutenir notre cause. Ils n'auront certainement pas tendance à médire de moi. Mon fils, en pareille matière, tu ferais mieux d'estimer que quiconque n'est pas contre nous est avec nous. Dans les générations à venir, beaucoup d'hommes non entièrement dignes feront des choses étranges en mon nom, mais je ne le leur interdirai pas. Je te dis que, même si l'on donne une simple coupe d'eau froide à une âme assoiffée, les messagers du Père enregistreront toujours ce service rendu par amour. »

159:2.2 Cette instruction plongea Jean dans la perplexité. N'avait-il pas entendu le Maitre dire : « Quiconque n'est pas avec moi est contre moi » ? Il ne perçut pas que Jésus avait, alors, fait allusion aux relations personnelles de l'homme avec les enseignements spirituels du royaume, tandis que, dans le cas présent, il parlait des vastes relations extérieures entre croyants ; ces rapports sociaux concernaient les questions du contrôle administratif et du pouvoir juridique d'un groupe de croyants sur le travail d'un autre groupe, facteurs qui devaient finir par constituer la fraternité mondiale à venir.

159:2.3 Jean décrivit souvent cette expérience en liaison avec ses travaux ultérieurs pour le royaume. Néanmoins, les apôtres se formalisèrent maintes fois de voir des étrangers qui avaient l'audace d'enseigner au nom du Maitre. Il leur parut toujours incorrect que des hommes qui ne s'étaient jamais assis aux pieds de Jésus osent enseigner en son nom.

159:2.4 L'homme à qui Jean avait interdit d'enseigner et d'oeuvrer au nom de Jésus ne tint aucun compte de l'injonction de l'apôtre. Il poursuivit carrément ses efforts et forma un groupe considérable de croyants à Kanata avant de partir pour la Mésopotamie. Cet homme, nommé Aden, avait été amené à croire en Jésus par le témoignage du dément que Jésus avait guéri près de Khérésa, et qui avait cru avec tant de confiance que les prétendus mauvais esprits chassés hors de lui par le Maitre étaient entrés dans le troupeau de porcs et l'avaient précipité par-dessus le bord de la falaise dans l'anéantissement.

159.3  Instructions pour les Éducateurs et les Croyants

159:3.1 À Édréi, où travaillaient Thomas et ses associés, Jésus passa une journée et une nuit. Au cours de la discussion du soir, il exprima les principes qui devraient guider ceux qui prêchaient la vérité et animer tous ceux qui enseignaient l'évangile du royaume. Voici, résumée en langage moderne, la leçon que Jésus enseigna :

159:3.2 Respectez toujours la personnalité de l'homme. Une cause juste ne doit jamais être promue par la force ; les victoires spirituelles se gagnent uniquement par le pouvoir spirituel. Cette injonction contre l'emploi d'influences matérielles s'applique aussi bien à la force psychique qu'à la force physique. On ne doit employer ni des arguments accablants ni la supériorité mentale pour contraindre des hommes et des femmes à entrer dans le royaume. Le mental humain ne doit ni être écrasé par le seul poids de la logique ni intimidé par une éloquence astucieuse. Bien que l'émotion, en tant que facteur dans les décisions humaines, ne puisse être entièrement éliminée, quiconque veut faire progresser la cause du royaume ne devrait pas y faire directement appel. Ayez directement recours à l'esprit divin qui habite le mental des hommes, et non à la peur, à la pitié ou au simple sentiment. En faisant appel aux hommes, soyez équitables ; contrôlez-vous et restez dument sur la réserve ; respectez comme il convient la personnalité de vos élèves. Rappelez-vous que j'ai dit : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe, et j'entrerai chez quiconque veut ouvrir. »

159:3.3 En initiant les hommes au royaume, ne diminuez ou ne détruisez pas leur respect d'eux-mêmes. Le respect de soi poussé à l'excès peut détruire l'humilité appropriée et se transformer en orgueil, en vanité et en arrogance ; mais la perte du respect de soi aboutit souvent à la paralysie de la volonté. Cet évangile a pour but de rétablir le respect de soi chez ceux qui l'ont perdu et de le refréner chez ceux qui l'ont. Ne commettez pas l'erreur de simplement condamner ce qu'il y a de mauvais dans la vie de vos élèves ; n'omettez pas de reconnaître libéralement, dans leur vie, les choses les plus dignes de louanges. N'oubliez pas que rien ne m'arrêtera pour rétablir le respect de soi chez ceux qui l'ont perdu et qui désirent réellement le regagner.

159:3.4 Prenez garde de ne pas blesser le respect de soi des âmes timides et craintives. Ne vous permettez pas d'être sarcastiques aux dépens de mes frères candides, ni cyniques avec mes enfants apeurés. L'oisiveté détruit le respect de soi ; donc, recommandez à vos frères de s'occuper toujours activement des tâches qu'ils ont choisies et ne négligez aucun effort pour procurer du travail à ceux qui se trouvent sans emploi.

159:3.5 N'ayez pas recours à des tactiques indignes comme celle d'effrayer des hommes et des femmes pour essayer de les faire entrer dans le royaume. Un père aimant n'effraie pas ses enfants pour les faire obtempérer à ses justes exigences.

159:3.6 Les enfants du royaume finiront par comprendre clairement que les fortes sensations émotives ne sont pas l'équivalent de directives de l'esprit divin. Quand une forte et étrange impression vous pousse à faire une chose ou à vous rendre en un certain lieu, cela ne signifie pas nécessairement que de telles impulsions soient des directives de l'esprit intérieur.

159:3.7 Avertissez tous les croyants en ce qui concerne cette zone de conflit qu'il faut traverser pour passer de la vie telle qu'elle est vécue dans la chair à la vie supérieure telle qu'elle est vécue dans l'esprit. Pour ceux qui vivent dans l'un ou l'autre de ces deux royaumes, il y a peu de conflits ou de confusion, mais tous sont condamnés à éprouver un plus ou moins grand degré d'incertitude pendant la période de transition entre les deux niveaux d'existence. En entrant dans le royaume, vous ne pouvez ni échapper à ses responsabilités, ni éluder ses obligations ; mais n'oubliez pas que le joug de l'évangile est facile à porter et que le fardeau de la vérité est léger.

159:3.8 Le monde est rempli d'âmes affamées qui vivent dans la famine en présence même du pain de vie ; les hommes meurent en cherchant le Dieu qui habite pourtant en eux. Ils recherchent les trésors du royaume avec un coeur plein de désirs et une démarche fatiguée, alors qu'ils sont tous à portée immédiate de la foi vivante. La foi est à la religion ce que les voiles sont au bateau ; elle est un supplément de puissance et non un fardeau additionnel de la vie. L'unique lutte de ceux qui entrent dans le royaume est de mener le bon combat de la foi. Le croyant n'a qu'une bataille à livrer, et c'est contre le doute - contre l'incrédulité.

159:3.9 En prêchant l'évangile du royaume, vous enseignez simplement l'amitié avec Dieu, et cette communion présentera un attrait égal pour les hommes et pour les femmes ; tous deux y trouveront ce qui satisfait le plus véritablement leurs désirs et leurs idéaux caractéristiques. Dites à mes enfants que je suis non seulement sensible à leurs sentiments et patient avec leurs faiblesses, mais que je suis aussi sans pitié pour le péché et que je ne tolère pas l'iniquité. En vérité, je suis débonnaire et humble en présence de mon Père, mais je suis également implacable et inexorable quand il y a malfaisance délibérée et rébellion impie contre la volonté de mon Père qui est aux cieux.

159:3.10 Vous ne dépeindrez pas votre Maitre comme un homme de chagrins. Les générations futures connaîtront aussi le rayonnement de notre joie, l'entrain de notre bonne volonté et l'inspiration de notre bonne humeur. Nous proclamons un message de bonnes nouvelles dont le pouvoir transformateur est contagieux. Notre religion palpite d'une nouvelle vie et de nouvelles significations. Ceux qui acceptent cet enseignement sont remplis de joie, et leur coeur les oblige à se réjouir perpétuellement. Ceux qui ont une certitude au sujet de Dieu font toujours l'expérience d'un bonheur croissant.

159:3.11 Apprenez à tous les croyants à éviter de s'appuyer sur le support incertain de la fausse compassion. On ne peut bâtir un caractère fort en s'apitoyant sur soi-même. Efforcez-vous honnêtement d'éviter l'influence trompeuse de la simple communion dans la misère. Étendez votre sympathie aux braves et aux courageux, sans accorder un excès de pitié aux âmes lâches qui abordent sans enthousiasme les épreuves de la vie. N'offrez pas de consolations à ceux qui se couchent par terre devant les obstacles sans lutter. Ne sympathisez pas avec vos compagnons dans le seul but de recevoir leur sympathie en retour.

159:3.12 Quand l'assurance de la présence divine deviendra consciente chez mes enfants, leur foi élargira leur mental, ennoblira leur âme, fortifiera leur personnalité, accroitra leur bonheur, approfondira leur perception spirituelle et rehaussera leur pouvoir d'aimer et d'être aimés.

159:3.13 Enseignez à tous les croyants que le fait d'entrer dans le royaume ne les immunise pas contre les accidents du temps ni contre les catastrophes ordinaires de la nature. La croyance à l'évangile n'empêchera pas d'avoir des ennuis, mais elle assurera que vous n'aurez pas peur quand les difficultés vous assailliront. Si vous osez croire en moi et si vous vous mettez à me suivre de tout coeur, vous vous engagerez en toute certitude sur le chemin qui mène aux difficultés. Je ne vous promets pas de vous délivrer des eaux de l'adversité, mais ce que je vous promets, c'est de les traverser toutes avec vous.

159:3.14 Jésus enseigna encore bien des choses à ce groupe de croyants, avant qu'ils ne se préparent au repos de la nuit. Tous ceux qui entendirent ces paroles les gardèrent précieusement dans leur coeur et les répétèrent souvent pour édifier les apôtres et les disciples qui n'étaient pas présents quand elles furent prononcées.

159.4  L'Entretien avec Nathanael

159:4.1 Jésus se rendit ensuite à Abila, où travaillaient Nathanael et ses associés. Nathanael était très ennuyé par certaines déclarations de Jésus qui paraissaient porter atteinte à l'autorité des Écritures hébraïques reconnues. En conséquence, ce soir-là, après la séance habituelle de questions et de réponses, Nathanael emmena Jésus à l'écart et lui demanda : « Maitre, as-tu suffisamment confiance en moi pour me faire connaître la vérité sur les Écritures ? J'observe que tu nous enseignes seulement une partie des écrits sacrés - la meilleure d'après moi - et j'en infère que tu rejettes la doctrine des rabbins enseignant que les paroles de la loi sont les paroles mêmes de Dieu, et qu'elles étaient avec Dieu au ciel, même avant l'époque d'Abraham et de Moïse. Quelle est la vérité au sujet des Écritures ? » Lorsque Jésus entendit cette question de son apôtre déconcerté, il répondit :

159:4.2 « Nathanael, tu as bien jugé ; je ne vois pas les Écritures sous le même jour que les rabbins. Je vais te parler de cette question à condition que tu ne divulgues pas ces choses à tes frères, car ils ne sont pas tous préparés à recevoir cet enseignement. Les paroles de la loi de Moïse et les leçons des Écritures n'existaient pas avant Abraham. C'est tout récemment que les Écritures ont été rassemblées sous la forme où nous les possédons aujourd'hui. Elles contiennent ce qu'il y a de meilleur dans les idées les plus élevées et les désirs ardents du peuple juif, mais aussi nombre d'éléments qui sont loin de représenter le caractère et les enseignements du Père qui est aux cieux ; c'est pourquoi il me faut choisir, parmi les meilleurs enseignements, les vérités destinées à être glanées pour l'évangile du royaume.

159:4.3 « Ces écrits sont des oeuvres d'hommes, dont certains étaient saints, et d'autres moins saints. Les enseignements de ces livres représentent les vues et le degré d'illumination de l'époque d'où ils tirent leur origine. En tant que révélation de la vérité, on peut davantage se fier aux derniers livres qu'aux premiers. Les Écritures sont erronées, et leur origine est entièrement humaine, mais, ne vous y trompez pas, elles constituent le meilleur recueil de sagesse religieuse et de vérités spirituelles que l'on puisse trouver présentement dans le monde entier.

159:4.4 « Beaucoup de ces livres n'ont pas été écrits par les personnes dont ils portent le nom, mais cela n'infirme aucunement la valeur des vérités qu'ils contiennent. Si l'histoire de Jonas n'était pas réelle, et même si Jonas n'avait jamais vécu, les profondes vérités de ce récit - l'amour de Dieu pour Ninive et pour les soi-disant païens - n'en seraient pas moins précieuses aux yeux de tous ceux qui aiment leurs semblables. Les Écritures sont sacrées parce qu'elle relatent les pensées et les actes d'hommes qui recherchaient Dieu et qui ont laissé dans ces écrits leurs conceptions les plus élevées de la droiture, de la vérité et de la sainteté. Les Écritures contiennent un grand, un très grand nombre de choses vraies, mais, à la lumière de votre présent enseignement, vous savez également que trop souvent elles présentent sous un faux jour le Père qui est aux cieux, le Dieu aimant que je suis venu révéler à tous les mondes.

159:4.5 « Nathanael, ne te laisse jamais aller, même un instant, à croire les récits des Écritures qui te disent que le Dieu d'amour a ordonné à tes ancêtres de livrer bataille pour massacrer tous leurs ennemis - hommes, femmes et enfants. De tels récits sont des paroles d'hommes, d'hommes dont la sainteté est douteuse ; ils ne sont pas la parole de Dieu. Les Écritures ont toujours reflété et reflèteront toujours le statut intellectuel, moral et spirituel de leurs auteurs. N'as-tu pas remarqué que les concepts de Yahweh croissent en beauté et en gloire dans le cours des écrits prophétiques de Samuel à Isaïe ? N'oublie pas que les Écritures sont destinées à l'instruction religieuse et à la gouverne spirituelle. Elles ne sont pas l'oeuvre d'historiens ni de philosophes.

159:4.6 « La chose la plus déplorable n'est pas simplement cette idée erronée que les récits des Écritures sont absolument parfaits et leur enseignement infaillible, mais plutôt la confusion due à leur mauvaise interprétation par les scribes et les pharisiens de Jérusalem, esclaves de la tradition. Dans leur effort résolu pour résister aux nouveaux enseignements de l'évangile du royaume, ceux-ci vont maintenant prôner simultanément la doctrine que les Écritures sont inspirées, et la fausse interprétation qu'ils en donnent. Nathanael, n'oublie jamais que la révélation de la vérité par le Père ne se limite ni à une génération ni à un peuple. Nombre de personnes qui recherchent sincèrement la vérité ont été troublées et découragées, et continueront de l'être, par ces doctrines de la perfection des Écritures.

159:4.7 « L'autorité de la vérité réside dans l'esprit même qui imprègne ses manifestations vivantes, et non dans les paroles mortes des hommes d'une autre génération, moins éclairés et soi-disant inspirés. Même si les saints de jadis ont vécu des vies inspirées et spirituellement remplies, cela ne signifie pas que leurs paroles aient également été inspirées par l'esprit. Aujourd'hui, nous ne consignons rien par écrit des enseignements de l'évangile du royaume, de crainte qu'après mon départ, vous ne vous divisiez rapidement en groupes contestant la vérité à cause de la diversité de vos interprétations de mon enseignement. Pour cette génération, il vaut mieux que nous vivions ces vérités en évitant de les enregistrer par écrit.

159:4.8 « Prends bien note de mes paroles, Nathanael ; rien de ce que la nature humaine a touché ne peut être considéré comme infaillible. Certes, la vérité divine peut briller à travers le mental humain, mais toujours avec une pureté relative et une divinité partielle. La créature peut ardemment désirer l'infaillibilité, mais seuls les Créateurs la possèdent.

159:4.9 « Mais la plus grande erreur de l'enseignement concernant les Écritures est la doctrine les présentant comme des livres occultes de mystère et de sagesse, que seuls osent interpréter les sages de la nation. Les révélations de la vérité divine ne sont pas scellées, si ce n'est par l'ignorance humaine, la bigoterie et l'intolérance sectaire. La lumière des Écritures n'est affaiblie que par les préjugés et assombrie que par les superstitions. Une fausse peur du sacré a empêché le bon sens de sauvegarder la religion. La peur de l'autorité des écritures sacrées du passé empêche efficacement les âmes honnêtes d'aujourd'hui d'accepter la nouvelle lumière de l'évangile - la lumière que, dans une génération précédente, ces mêmes hommes connaissant Dieu désiraient si intensément voir briller.

159:4.10 « Le plus triste de tout cela est le fait que certains éducateurs enseignent le caractère sacré de ce traditionalisme tout en connaissant la vérité à son sujet. Ils comprennent plus ou moins complètement les limitations des Écritures, mais sont moralement lâches et intellectuellement malhonnêtes. Ils connaissent la vérité au sujet des écrits sacrés, mais préfèrent laisser le peuple dans l'ignorance de ces faits troublants. Ils pervertissent et déforment ainsi les Écritures ; ils en font un guide pour les détails serviles de la vie quotidienne et une autorité sur les questions non spirituelles, au lieu de faire appel aux écrits sacrés en tant que répertoire de la sagesse morale, de l'inspiration religieuse et de l'enseignement spirituel des hommes qui connaissaient Dieu au cours des générations précédentes. »

159:4.11 Nathanael fut éclairé, et choqué, par les déclarations du Maitre. Dans les profondeurs de son âme, il médita longuement sur cet entretien, mais n'en parla à personne avant l'ascension de Jésus. Même après, il craignit encore de communiquer, dans leur plénitude, les enseignements du Maitre à ce sujet.

159.5  Le Caractère Positif de la Religion de Jésus

159:5.1 À Philadelphie, où Jacques évangélisait, Jésus donna aux disciples une leçon sur le caractère positif de l'évangile du royaume. Au cours de ses remarques, il indiqua que certaines parties des Écritures étaient plus véridiques que d'autres, et il recommanda à ses auditeurs de nourrir leur âme des meilleurs aliments spirituels. Jacques interrompit le Maitre pour lui demander : « Maitre, aurais-tu la bonté de nous suggérer la manière de choisir les meilleurs passages des Écritures pour notre édification personnelle ? » Et Jésus répondit : « Oui, Jacques ; en lisant les Écritures, recherche les enseignements éternellement vrais et divinement beaux tels que :

159:5.2 « Crée en moi un coeur pur, O Seigneur.

159:5.3 « Le Seigneur est mon berger ; je ne manquerai de rien.

159:5.4 « Tu devrais aimer ton prochain comme toi-même.

159:5.5 « Car moi, le Seigneur ton Dieu, je tiendrai ta main droite en disant : n'aie aucune crainte ; je t'aiderai.

159:5.6 « Et les nations n'apprendront plus la guerre. »

159:5.7 Ceci illustre la manière dont, jour après jour, Jésus faisait sien le meilleur des Écritures hébraïques pour instruire ses disciples et pour l'inclure dans l'enseignement du nouvel évangile du royaume. D'autres religions avaient laissé entendre que Dieu était proche des hommes, mais Jésus assimila le ministère de Dieu auprès des hommes à la sollicitude d'un père affectueux pour le bien-être de ses enfants, qui dépendent de lui ; ensuite il fit de cet enseignement la pierre angulaire de sa religion. C'est ainsi que la doctrine de la paternité de Dieu rendit impérative la pratique de la fraternité des hommes. L'adoration de Dieu et le service de l'homme devinrent la somme et la substance de sa religion. Jésus prit ce qu'il y avait de meilleur dans la religion juive et le transféra dans le digne cadre des nouveaux enseignements de l'évangile du royaume.

159:5.8 Jésus introduisit l'esprit d'action positive dans les doctrines passives de la religion juive. Au lieu d'une soumission négative à des exigences cérémonielles, Jésus prescrivit l'accomplissement positif de ce que sa nouvelle religion exigeait de ceux qui l'acceptaient. La religion de Jésus ne consistait pas simplement à croire, mais à faire réellement ce que l'évangile demandait. Il n'enseignait pas que le service social constituait l'essence de sa religion, mais bien plutôt que le service social était un des effets certains de la possession de l'esprit de vraie religion.

159:5.9 Jésus n'hésitait pas à adopter la meilleure moitié d'un passage des Écritures tout en rejetant la partie accessoire. Sa grande exhortation : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, » il la prit dans le passage suivant : « Tu n'exerceras pas de vengeance contre les enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Jésus s'appropria la partie positive de ce verset et en rejeta la partie négative. Il s'opposa même à la non-résistance négative ou purement passive. Il dit : « Si un ennemi te frappe sur une joue, ne reste pas là muet et passif, mais prends une attitude positive et tends-lui l'autre ; autrement dit, fais activement de ton mieux pour détourner des mauvais sentiers ton frère égaré et pour le ramener dans la bonne voie d'une vie droite. » Jésus demandait à ses disciples de réagir positivement et dynamiquement dans toutes les circonstances de la vie. Le fait de tendre l'autre joue, ou tout autre acte typiquement semblable, exige de l'initiative et nécessite une expression vigoureuse, active et courageuse de la personnalité du croyant.

159:5.10 Jésus ne préconisait pas la pratique de se soumettre négativement aux mauvais traitements de ceux qui cherchent volontairement à abuser des adeptes de la non-résistance au mal, mais plutôt que ses disciples soient sages et vigilants dans leurs réactions rapides et positives du bien contre le mal, afin qu'ils puissent effectivement triompher du mal par le bien. N'oubliez pas que le véritable bien est invariablement plus puissant que le mal le plus pernicieux. Le Maitre enseigna un critère positif de droiture : « Si quelqu'un désire être mon disciple, qu'il ne tienne pas compte de lui-même, et qu'il assume quotidiennement la pleine mesure de ses responsabilités pour me suivre. » Il en donna lui-même l'exemple : il « allait son chemin en faisant du bien. » Cet aspect de l'évangile fut illustré par de nombreuses paraboles que Jésus conta plus tard à ses disciples. Jamais il ne les exhorta à supporter patiemment leurs obligations, mais plutôt à vivre avec énergie et enthousiasme à la hauteur de la pleine mesure de leurs responsabilités humaines et de leurs privilèges divins dans le royaume de Dieu.

159:5.11 Jésus recommanda à ses apôtres d'offrir aussi leur tunique si on leur enlevait injustement leur manteau. Cela ne signifiait pas littéralement qu'il fallait donner un second vêtement ; il s'agissait plutôt de l'idée de faire quelque chose de positif pour sauver l'offenseur, au lieu de suivre l'ancien conseil d'user de représailles - « oeil pour oeil » et ainsi de suite. Jésus abhorrait l'idée des représailles, et celle d'accepter passivement d'être simplement victime des injustices. À cette occasion, il enseigna à ses apôtres trois manières de lutter contre le mal et de lui résister :

159:5.12 1. Rendre le mal pour le mal - la méthode positive mais injuste.

159:5.13 2.Supporter le mal sans se plaindre ni résister - la méthode purement négative.

159:5.14 3. Rendre le bien pour le mal, affirmer sa volonté de manière à dominer la situation et à triompher du mal par le bien - la méthode positive et juste.

159:5.15 L'un des apôtres demanda une fois : « Maitre, que devrais-je faire si un étranger me force à porter son paquetage pendant une lieue ? » Jésus répondit : « Il ne faut pas t'assoir en poussant un soupir de soulagement tout en maugréant contre l'étranger. La droiture ne ressort pas de ces attitudes passives. Si rien de plus positif ne te vient à l'idée, tu peux au moins porter le paquetage sur une seconde lieue. Cela mettra certainement au défi l'étranger injuste et impie. »

159:5.16 Les Juifs avaient entendu parler d'un Dieu prêt à pardonner aux pécheurs repentants et à essayer d'oublier leurs méfaits ; mais jamais, avant la venue de Jésus, les hommes n'avaient entendu parler d'un Dieu qui allait à la recherche des brebis égarées, qui prenait l'initiative de rechercher les pécheurs, et qui se réjouissait quand il les trouvait disposés à rentrer à la maison du Père. Cette note positive de la religion, Jésus l'étendit même à ses prières. Il transforma la règle d'or négative en une exhortation positive en faveur de l'équité humaine.

159:5.17 Dans tout son enseignement, Jésus éliminait infailliblement les détails susceptibles de détourner l'attention. Il évitait le langage fleuri et les simples images poétiques d'un jeu de mots. Il introduisait généralement de grandes significations dans de petites expressions. Pour illustrer sa pensée, Jésus renversa la signification courante attribuée à bien des mots tels que sel, levain, pêche et petits enfants. Il employait fort efficacement l'antithèse en comparant le minuscule à l'infini, et ainsi de suite. Ses expressions telles que « les aveugles conduisant les aveugles » étaient frappantes. Mais la plus grande force de son enseignement imagé était son naturel. Jésus fit descendre du ciel sur terre la philosophie de la religion. Il décrivait les besoins élémentaires de l'âme avec une nouvelle perspicacité et une nouvelle effusion d'amour.

159.6  Le Retour à Magadan

159:6.1 La mission de quatre semaines en Décapole eut un succès modéré. Des centaines d'âmes furent reçues dans le royaume. Les apôtres et les évangélistes gagnèrent une précieuse expérience en poursuivant leur oeuvre sans l'inspiration de la présence personnelle immédiate de Jésus.

159:6.2 Le vendredi 16 septembre, tout le corps évangélique se rassembla au Parc de Magadan, comme convenu antérieurement. Le jour du sabbat, plus de cent croyants tinrent un conseil où les plans d'avenir pour développer l'oeuvre du royaume furent étudiés à fond. Les messagers de David étaient présents et firent des rapports sur la situation des croyants en Judée, en Samarie, en Galilée et dans les districts limitrophes.

159:6.3 Rares étaient, à cette époque, les disciples de Jésus qui appréciaient pleinement la grande valeur des services rendus par le corps des messagers. Non seulement les messagers maintenaient, dans toute la Palestine, le contact des disciples entre eux et avec Jésus et les apôtres, mais aussi, durant ces jours sombres, ils servaient de collecteurs de fonds ; non seulement cet argent contribuait à aider Jésus et ses associés, mais aussi à soutenir les familles des douze apôtres et des douze évangélistes.

159:6.4 Vers cette époque, Abner déplaça sa base d'opérations d'Hébron à Bethléem ; cette dernière ville était aussi le quartier général, pour la Judée, des messagers de David. David entretenait, toute la nuit, un service de relais de messagers entre Jérusalem et Bethsaïde. Les coureurs partaient de Jérusalem tous les soirs, se relayaient à Sychar et à Scythopolis, et arrivaient à Bethsaïde le lendemain matin à l'heure du petit déjeuner.

159:6.5 Jésus et ses associés se préparèrent maintenant à prendre une semaine de repos avant d'aborder la phase ultime de leur oeuvre en faveur du royaume. Ce fut leur dernière période de repos, car la mission en Pérée devint une campagne de prédication et d'enseignement qui dura jusqu'à l'époque de leur arrivée à Jérusalem et du déroulement des épisodes finals de la carrière terrestre de Jésus.

160. Rodan d'Alexandrie

160:0.1 LE DIMANCHE matin 18 septembre, André annonça qu'aucun travail ne serait prévu pour la semaine suivante. Tous les apôtres, sauf Nathanael et Thomas, se rendirent dans leur famille ou séjournèrent chez des amis. Jésus bénéficia, cette semaine-là, d'une période de repos à peu près complet, mais Nathanael et Thomas furent très occupés par leurs discussions avec un philosophe grec d'Alexandrie nommé Rodan. Ce Grec était récemment devenu disciple de Jésus grâce à l'enseignement d'un associé d'Abner, qui avait dirigé une mission à Alexandrie. Rodan s'efforçait sérieusement maintenant d'harmoniser sa philosophie de vie avec les nouveaux enseignements religieux de Jésus, et il était venu à Magadan dans l'espoir que le Maitre accepterait d'examiner ces problèmes avec lui. Il désirait aussi obtenir de première main une version de l'évangile qui fasse autorité, donnée soit par Jésus, soit par l'un de ses apôtres. Bien que le Maitre se soit refusé d'entamer une pareille discussion avec Rodan, il le reçut très aimablement et ordonna immédiatement à Thomas et à Nathanael d'écouter tout ce que Rodan avait à dire et, en retour, de lui parler de l'évangile.

160.1  La Philosophie Grecque de Rodan

160:1.1 Le lundi matin de bonne heure, Rodan commença une série de dix exposés pour Nathanael, Thomas et quelque deux douzaines de croyants qui se trouvaient à Magadan. Condensées, conjuguées et retranscrites en langage moderne, ces causeries offrent à notre considération les pensées suivantes :

160:1.2 La vie humaine consiste en trois grandes stimulations : les impulsions, les désirs et les attraits. Un caractère fort et une personnalité faisant autorité ne s'acquièrent qu'en convertissant l'impulsion naturelle de la vie en l'art de vivre en société, et en transformant les désirs immédiats en aspirations supérieures donnant lieu à des réalisations durables ; ce qui, généralement, fait l'attrait de l'existence doit être transféré des idées conventionnelles, que nous nous en faisons, sur des niveaux plus élevés d'idées non explorées et d'idéaux à découvrir.

160:1.3 Plus la civilisation deviendra complexe, plus l'art de vivre deviendra difficile. Plus les usages sociaux changeront rapidement, et plus la tâche de développer le caractère deviendra compliquée. Pour que le progrès se poursuive, il faut que l'humanité réapprenne, toutes les dix générations, l'art de vivre. Et, si, par leur ingéniosité, les hommes compliquent encore plus rapidement la vie sociale, il faudra réapprendre à maitriser l'art de vivre à des intervalles plus rapprochés, peut-être à chaque génération. Si l'évolution de l'art de vivre ne progresse pas parallèlement à la technique de l'existence, l'humanité en reviendra rapidement au simple instinct de conservation - à la satisfaction des désirs immédiats. Ainsi, l'humanité restera immature, et la société ne réussira pas à atteindre sa pleine maturité.

160:1.4 La maturité sociale s'évalue par la mesure dans laquelle l'homme accepte de renoncer à satisfaire ses désirs simplement transitoires et momentanés, pour entretenir les aspirations supérieures pour lesquelles la lutte procure les satisfactions plus abondantes d'avancement progressif vers des buts permanents. Mais le vrai signe distinctif de la maturité sociale est la volonté d'un peuple à renoncer au droit de vivre satisfait, et en paix, selon les normes de facilité appartenant à l'attrait des croyances établies et des idées conventionnelles, en faveur d'un autre attrait qui, lui, est inquiétant et nécessite de l'énergie, c'est l'attrait de la poursuite des possibilités inexplorées d'atteindre des objectifs non encore découverts de réalités spirituelles idéales.

160:1.5 Les animaux réagissent noblement aux impulsions de la vie, mais l'homme est seul à pouvoir atteindre l'art de vivre, bien que la majeure partie de l'humanité n'éprouve que l'impulsion animale de vivre. Les animaux ne connaissent que cette impulsion aveugle et instinctive ; l'homme est capable de transcender l'impulsion des fonctions naturelles. L'homme peut décider de vivre sur le plan élevé de l'art intelligent, et même sur celui de la joie céleste et de l'extase spirituelle. Les animaux ne s'informent jamais des buts de la vie ; c'est pourquoi ils ne se font jamais de soucis et ne se suicident pas. Chez les hommes, le suicide témoigne qu'ils ont émergé du stade d'existence purement animal et, en outre, que les efforts exploratoires de tels êtres humains n'ont pas réussi à atteindre les niveaux où l'expérience humaine devient un art. Les animaux ne connaissent pas la signification de la vie. Non seulement l'homme possède la faculté de reconnaître les valeurs et de comprendre les significations, mais il a aussi conscience de la signification des significations - il est conscient de sa propre perspicacité.

160:1.6 Quand les hommes osent abandonner une vie d'intenses désirs naturels pour un art de vivre aventureux et de logique incertaine, ils doivent prendre les risques correspondants d'accidents émotionnels - conflits, chagrins et incertitudes - au moins jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain degré de maturité intellectuelle et émotionnelle. Le découragement, les soucis et l'indolence sont des preuves indéniables de l'immaturité morale. La société humaine est confrontée à deux problèmes : l'aboutissement à la maturité pour l'individu, et l'aboutissement à la maturité pour la race. L'être humain mûr se met bientôt à regarder tous les autres mortels avec des sentiments de tendresse et des émotions pleines de tolérance. Les hommes mûrs considèrent ceux qui ne le sont pas avec l'amour et la considération que des parents témoignent à leurs enfants.

160:1.7 La réussite de la vie n'est rien de plus et rien de moins que l'art de maitriser des techniques sûres pour résoudre des problèmes ordinaires. Le premier pas dans la solution d'un problème quelconque consiste à situer la difficulté, à isoler le problème et à reconnaître franchement sa nature et sa gravité. Lorsque les problèmes de la vie réveillent nos peurs profondes, notre grande erreur est de refuser de les reconnaître. De même, quand la reconnaissance de nos difficultés implique une atteinte à notre vanité longtemps chérie, ou l'aveu que l'on est envieux, ou l'abandon de préjugés profondément enracinés, la moyenne des gens préfère rester attachée aux vieilles illusions de sureté et aux fausses impressions de sécurité longtemps cultivées. Seule une personne courageuse est prête à reconnaître honnêtement ce que découvre un mental sincère et logique, et d'y faire face avec intrépidité.

160:1.8 La solution sage et efficace d'un problème quelconque exige un mental libre de préventions, de passions et de tous autres préjugés personnels susceptibles de vicier l'analyse impartiale des facteurs qui constituent effectivement les éléments du problème à résoudre. La solution des problèmes de la vie exige du courage et de la sincérité. Seuls les honnêtes et les braves sont capables de poursuivre leur chemin à travers le labyrinthe confus et déroutant de la vie où peut conduire la logique d'un mental intrépide. Et jamais l'âme et le mental ne peuvent s'émanciper ainsi sans le moteur d'un enthousiasme intelligent frisant le zèle religieux. Il faut l'attrait d'un grand idéal pour entrainer les hommes dans la poursuite d'un but hérissé de problèmes matériels délicats et de risques intellectuels multiples.

160:1.9 Même si l'on est bien armé pour affronter les situations difficiles de la vie, on ne peut guère espérer le succès si l'on n'est pas doté de cette sagesse du mental et de ce charme de personnalité qui vous permettent d'obtenir la coopération et le soutien cordiaux de votre entourage. Ni dans l'oeuvre religieuse ni dans le travail laïque, vous ne pouvez espérer un franc succès à moins d'avoir appris à persuader vos compagnons, à convaincre les hommes. Il vous faut simplement avoir du tact et de la tolérance.

160:1.10 Mais la meilleure de toutes les méthodes pour résoudre les problèmes, je l'ai apprise de Jésus, votre Maitre. Il s'agit de ce qu'il pratique avec tant de persévérance et qu'il vous a si fidèlement enseigné : la méditation adoratrice solitaire. C'est dans cette habitude, qu'a Jésus d'aller si fréquemment seul pour communier avec le Père qui est aux cieux, que réside la technique non seulement pour prendre des forces et acquérir de la sagesse en vue des conflits ordinaires de la vie, mais aussi pour s'approprier l'énergie nécessaire en vue de résoudre les problèmes supérieurs de nature morale et spirituelle. Toutefois, mêmes les méthodes correctes pour résoudre les problèmes ne compensent pas les défauts inhérents à la personnalité et ne compensent pas l'absence de faim et de soif pour la vraie droiture.

160:1.11 Je suis profondément impressionné par l'habitude qu'a Jésus de s'en aller seul à l'écart pour une période d'examen solitaire des problèmes de la vie ; pour rechercher de nouvelles réserves de sagesse et d'énergie pour faire face aux multiples exigences du service social ; pour vivifier et rendre plus profond le but suprême de la vie en soumettant effectivement sa personnalité totale à la conscience du contact avec la divinité ; pour saisir et posséder des méthodes nouvelles et meilleures pour s'adapter aux situations toujours changeantes de l'existence vécue ; pour effectuer les reconstructions et réadaptations vitales de ses attitudes personnelles qui sont si essentielles pour apercevoir, avec une perspicacité accrue, tout ce qui est réel et valable ; et pour faire tout ceci en ne visant que la gloire de Dieu - exprimer sincèrement la prière favorite de votre Maitre : « Que ta volonté soit faite, et non la mienne. »

160:1.12 Cette pratique d'adoration de votre Maitre apporte cette détente qui renouvelle le mental, cette illumination qui inspire l'âme, ce courage qui permet de faire bravement face à ses problèmes, cette compréhension de soi qui supprime la peur débilitante, et cette conscience de l'union avec la divinité, qui procure à l'homme l'assurance lui permettant d'oser être semblable à Dieu. La détente due à l'adoration, la communion spirituelle telle que la pratique le Maitre, soulage les tensions, élimine les conflits et accroit puissamment la somme des ressources de la personnalité. Toute cette philosophie, ajoutée à l'évangile du royaume, constitue la nouvelle religion telle que je la comprends.

160:1.13 Les préjugés aveuglent l'âme et l'empêchent de reconnaître la vérité. Seule peut les écarter une dévotion sincère de l'âme à l'adoration d'une cause embrassant tout et incluant tous nos semblables humains. Les préjugés sont inséparablement liés à l'égoïsme. On ne peut les éliminer qu'en abandonnant l'égocentrisme et en y substituant la recherche de la satisfaction de servir une cause non seulement plus grande que soi, mais plus vaste que toute l'humanité - la recherche de Dieu, l'aboutissement à la divinité. La preuve de la maturité de la personnalité réside dans la transformation des désirs humains en une recherche constante de la réalisation des valeurs les plus élevées et les plus divinement réelles.

160:1.14 Dans un monde en changement continuel, au milieu d'un ordre social évoluant, il est impossible de maintenir des buts de destinée fixés une fois pour toutes. Seuls peuvent acquérir une personnalité stable ceux qui ont découvert le Dieu vivant et l'ont pris pour but d'accomplissement infini. Pour transférer ainsi son but temporel dans l'éternité, de la terre au Paradis, de l'humain au divin, il faut que l'homme soit régénéré, converti, né à nouveau, qu'il devienne l'enfant recréé de l'esprit divin, qu'il gagne son entrée dans la fraternité du royaume des cieux. Toutes les philosophies et religions ayant des idéaux inférieurs à ceux-là sont immatures. La philosophie que j'enseigne, liée à l'évangile que vous prêchez, représente la nouvelle religion de la maturité, l'idéal de toutes les générations futures. Et ceci est vrai parce que notre idéal est définitif, infaillible, éternel, universel, absolu et infini.

160:1.15 Ma philosophie m'a poussé à rechercher les réalités de l'accomplissement véritable, le but de la maturité. Mais mon impulsion était impuissante, ma recherche manquait de force motrice, ma quête souffrait par défaut de certitude quant à son orientation. Ces manques ont été abondamment comblés par le nouvel évangile de Jésus, avec son rehaussement de clairvoyance, l'élévation de ses idéaux et la stabilité de ses buts. Sans plus de doute ni d'hésitation, je peux maintenant m'engager de tout coeur dans l'aventure éternelle.

160.2  L'Art de Vivre

160:2.1 Les mortels n'ont que deux manières de vivre ensemble : la manière matérielle ou animale et la manière spirituelle ou humaine. Par l'emploi de signaux et de sons, les animaux peuvent communiquer entre eux dans une mesure limitée, mais ces formes de communication ne transmettent ni les significations, ni les valeurs, ni les idées. L'homme ne se différencie de l'animal que parce qu'il peut communiquer avec ses compagnons au moyen de symboles qui désignent et identifient avec certitude les significations, les valeurs et les idées, ou mêmes les idéaux.

160:2.2 Faute de pouvoir se communiquer des idées, les animaux ne peuvent développer une personnalité. L'homme développe sa personnalité parce qu'il peut communiquer avec ses semblables au sujet de ses idées et de ses idéaux.

160:2.3 C'est cette aptitude à transmettre et à partager des significations qui constitue la culture humaine et permet aux hommes, grâce à des associations sociales, de bâtir des civilisations. La connaissance et la sagesse deviennent cumulatives à cause de l'aptitude des hommes à communiquer leurs acquêts aux générations suivantes, et cela fait naître les activités culturelles de la race : arts, sciences, religions et philosophies.

160:2.4 Les communications par symboles entre les êtres humains provoquent l'apparition de groupes sociaux. Le groupe social le plus efficace de tous est la famille, et plus particulièrement les deux parents. L'affection personnelle est le lien spirituel qui maintient unies ces associations matérielles. Des relations aussi efficaces peuvent également exister entre deux personnes du même sexe, comme on en a vu tant d'exemples entre amis véritablement dévoués.

160:2.5 Ces associations basées sur l'amitié et l'affection mutuelle sont socialisantes et ennoblissantes, parce qu'elles encouragent et facilitent les facteurs suivants qui sont essentiels aux niveaux supérieurs de l'art de vivre :

160:2.6 1. S'exprimer et se comprendre mutuellement. Beaucoup de nobles impulsions humaines meurent parce qu'il n'y a personne pour assister à leur expression. En vérité, il n'est pas bon que l'homme soit seul. Un certain degré de reconnaissance et un certain niveau d'appréciation sont essentiels au développement du caractère humain. Sans l'amour sincère d'un foyer, nul enfant ne peut atteindre le plein développement d'un caractère normal. Le caractère est quelque chose de plus que simplement le mental et la moralité. De toutes les relations sociales instaurées pour développer le caractère, la plus efficace et la plus idéale est l'amitié affectueuse et compréhensive d'un homme et d'une femme réunis par un lien conjugal intelligent. Le mariage, avec ses multiples relations, est le mieux conçu pour faire naître les précieuses impulsions et les motifs supérieurs indispensables au développement d'un caractère fort. Je n'hésite pas à glorifier ainsi la vie de famille, car votre Maitre a sagement choisi la relation de père à enfant comme pierre angulaire du nouvel évangile du royaume. Cette communauté incomparable de relations entre un homme et une femme, dans l'embrassement affectueux des idéaux supérieurs du temps, est une expérience si précieuse et satisfaisante qu'elle vaut n'importe quel prix, n'importe quel sacrifice exigé pour sa possession.

160:2.7 2. L'union des âmes - la mobilisation de la sagesse. Tout être humain acquiert, tôt ou tard, une certaine conception de ce monde et une certaine vision du suivant. Or, il est possible, par une association de personnalités, d'unir ces points de vue sur l'existence temporelle et ces perspectives éternelles. Alors, le mental de l'un accroit ses valeurs spirituelles en assimilant une grande partie des aperçus de l'autre. De cette manière, les hommes enrichissent l'âme en mettant en commun leurs possessions spirituelles respectives. De cette manière également, l'homme peut éviter la tendance permanente à être victime de sa vision déformante, de ses points de vue préjudiciels et de son étroitesse de jugement. On ne peut écarter la peur, l'envie et la vanité que par contact intime avec d'autres façons de penser. J'attire votre attention sur le fait que le Maitre ne vous envoie jamais seuls pour travailler à l'expansion du royaume ; il vous envoie toujours deux par deux. Puisque la sagesse est une superconnaissance, il s'ensuit qu'en unissant leur sagesse, les membres d'un groupe social, petit ou grand, partagent mutuellement toutes connaissances.

160:2.8 3. L'enthousiasme de vivre. L'isolement tend à épuiser la charge d'énergie de l'âme. L'association avec des compagnons est essentielle pour renouveler l'entrain de la vie, et indispensable pour conserver le courage de mener les batailles qui suivent l'ascension à des niveaux supérieurs de vie humaine. L'amitié rehausse les joies et glorifie les triomphes de la vie. Les associations humaines amicales et intimes tendent à enlever à la souffrance sa tristesse, et à l'épreuve beaucoup de son amertume. La présence d'un ami rehausse toute beauté et exalte toute bonté. Par des symboles intelligents, l'homme peut vivifier et élargir la capacité d'appréciation de ses amis. Ce pouvoir et cette possibilité d'une stimulation mutuelle de l'imagination sont une des gloires suprêmes de l'amitié humaine. Un grand pouvoir spirituel est inhérent à la conscience d'être consacré de tout coeur à une cause commune, d'être mutuellement fidèle à une Déité cosmique.

160:2.9 4. La défense accrue contre tout mal. Les associations de personnalités et l'affection mutuelle sont une assurance efficace contre le mal. Les difficultés, les tristesses, les déceptions et les défaites sont plus douloureuses et décourageantes quand il faut les supporter seul. L'association ne transforme pas le mal en droiture, mais elle aide considérablement à en diminuer les tourments. Votre Maitre a dit : « Heureux les endeuillés » - si un ami est là pour les consoler. Il y a une force positive dans la connaissance que vous vivez pour le bien-être d'autrui, et que les autres vivent de même pour votre bien-être et votre évolution. L'homme languit dans l'isolement. Les êtres humains se découragent infailliblement si leur point de vue se limite aux accomplissements fugitifs du temps. Quand le présent est séparé du passé et de l'avenir, il devient d'une banalité exaspérante. Seul un aperçu du cercle de l'éternité peut donner à l'homme l'inspiration de faire de son mieux et de lancer à ce qu'il y a de mieux en lui le défi de faire l'impossible. Quand l'homme est ainsi au mieux de lui-même, il vit très généreusement pour le bien de ses semblables séjournant avec lui dans le temps et dans l'éternité.

160:2.10 Je répète que cette association inspirante et ennoblissante trouve ses possibilités idéales dans les relations du mariage humain. Il est vrai que beaucoup de résultats sont obtenus hors du mariage, et qu'un grand, un très grand nombre de mariages ne réussissent aucunement à produire ces fruits moraux et spirituels. On voit trop souvent se marier des couples qui recherchent des valeurs inférieures à ces corollaires supérieurs de la maturité humaine. La mariage idéal doit être fondé sur quelque chose de plus stable que les fluctuations du sentiment et l'inconstance de la simple attraction sexuelle ; il doit être basé sur un dévouement personnel sincère et mutuel. Alors, si l'on peut bâtir ces petites unités fidèles et efficaces d'associations humaines, quand celles-ci seront assemblées dans l'organisation collective, le monde contemplera une grande structure sociale glorifiée, la civilisation de la maturité terrestre. Une telle race pourrait commencer à réaliser quelque peu l'idéal de votre Maitre : « Paix sur terre et bonne volonté parmi les hommes. » Alors qu'une telle société ne serait ni parfaite ni entièrement dégagée du mal, au moins elle s'approcherait de la stabilisation de la maturité.

160.3  Les Attraits de la Maturité

160:3.1 L'effort pour atteindre la maturité nécessite du travail, et le travail exige de l'énergie. D'où vient le pouvoir permettant d'accomplir tout ceci ? On peut considérer les facteurs physiques comme acquis, mais le Maitre a bien dit que « l'homme ne peut vivre uniquement de pain » . Quand on possède un corps normal et une santé raisonnablement bonne, il faut rechercher ensuite les attraits qui agiront comme stimulants pour faire surgir les forces spirituelles en sommeil chez les hommes. Jésus nous a enseigné que Dieu vit dans l'homme ; alors, comment pouvons-nous amener l'homme à libérer les pouvoirs divins et infinis liés à son âme ? Comment pouvons-nous inciter les hommes à donner le champ libre à Dieu pour qu'il jaillisse de nous en rafraichissant notre âme au passage, et contribue ensuite à éclairer, élever et bénir d'innombrables autres âmes ? Quelle est la meilleure manière pour moi d'éveiller les pouvoirs bénéfiques latents qui dorment dans votre âme ? Il y a une chose dont je suis certain, c'est que l'excitation émotive n'est pas le stimulant spirituel idéal ; elle n'accroit pas l'énergie ; elle épuise plutôt les forces du mental et du corps. D'où vient, alors, l'énergie permettant d'accomplir ces grandes choses ? Observez votre Maitre. À cette heure même, il est dans les collines, récupérant de la puissance pendant qu'ici nous dépensons de l'énergie. Le secret de tout ce problème git dans la communion spirituelle, dans l'adoration. Du point de vue humain, il s'agit de conjuguer la méditation et la détente. La méditation établit le contact du mental avec l'esprit ; la détente détermine la capacité de la réceptivité spirituelle. Cette substitution de la force à la faiblesse, du courage à la peur, de la volonté de Dieu à la mentalité du moi, constitue l'adoration. Du moins, telle est la façon dont le philosophe la considère.

160:3.2 Quand ces expériences sont fréquemment répétées, elles se cristallisent en habitudes, des habitudes d'adoration qui donnent de la force ; ces habitudes se traduisent, en fin de compte, par la formation d'un caractère spirituel, et ,finalement, ce caractère est reconnu par vos semblables comme une personnalité mûre. Au début, ces pratiques sont difficiles et prennent beaucoup de temps, mais, quand elles deviennent habituelles, elles procurent immédiatement du repos et une économie de temps. Plus la société deviendra complexe et plus les attraits de la civilisation se multiplieront, plus la nécessité deviendra urgente pour les personnes connaissant Dieu de contracter ces habitudes protectrices destinées à conserver et à accroitre leurs énergies spirituelles.

160:3.3 Un autre facteur nécessaire pour atteindre la maturité est l'adaptation coopérative des groupes sociaux à un entourage toujours changeant. L'individu dépourvu de maturité excite l'antagonisme de ses compagnons ; l'homme mûr gagne la coopération cordiale de ses associés, ce qui multiplie considérablement les fruits des efforts de sa vie.

160:3.4 Ma philosophie me dit qu'il y a des moments où je dois combattre, s'il en est besoin, pour défendre ma conception de la droiture ; mais je suis certain que le Maitre, d'un type de personnalité plus mûre, gagnerait facilement et élégamment une victoire équivalente par sa technique supérieure et séduisante de tact et de tolérance. Bien trop souvent, quand nous luttons pour la bonne cause, cela se termine par une défaite à la fois pour le vainqueur et pour le vaincu. Hier encore, j'ai entendu le Maitre dire que « si un sage désire entrer par une porte verrouillée, il ne la fracture pas, mais cherche plutôt la clef pour la déverrouiller. » Nous engageons trop souvent une bataille simplement pour nous convaincre que nous n'avons pas peur.

160:3.5 Ce nouvel évangile du royaume rend un grand service à l'art de vivre, en ce sens qu'il fournit un mobile nouveau et plus riche pour une vie supérieure. Il présente un but de destinée nouveau et élevé, un dessein suprême pour la vie. Et ces nouvelles conceptions du but éternel et divin de l'existence sont en elles-mêmes des stimuli transcendants, suscitant la réaction de ce qu'il y a de meilleur dans la nature supérieure de l'homme. Sur tout sommet de la pensée intellectuelle, on trouve une détente pour le mental, de la force pour l'âme et une communion pour l'esprit. De cette position de vie supérieure, l'homme peut transcender les irritations matérielles des niveaux inférieurs de pensée - soucis, jalousie, envie, désir de revanche et l'orgueil d'une personnalité immature. Les âmes qui gravissent ces hauteurs se délivrent d'une multitude de conflits enchevêtrés concernant les vétilles de l'existence, et deviennent ainsi libres pour prendre conscience des courants supérieurs de concepts spirituels et de communications célestes. Mais le but de la vie doit être jalousement préservé de la tentation de rechercher des réalisations factices et transitoires ; il faut également lui donner les soins qui l'immuniseront contre les désastreuses menaces du fanatisme.

160.4  L'Équilibre de la Maturité

160:4.1 Tout en ayant pour but unique d'atteindre les réalités éternelles, il faut aussi pourvoir aux nécessités de la vie temporelle. Bien que l'esprit soit notre but, la chair est un fait. Il arrive que les ressources nécessaires à la vie nous échoient par accident, mais, en général, il faut travailler intelligemment pour se les procurer. Les deux problèmes majeurs de la vie sont les suivants : gagner sa vie matérielle et atteindre la survie éternelle. Même celui de gagner sa vie requiert la religion pour être résolu idéalement. Les deux problèmes sont hautement personnels. En fait, la vraie religion ne fonctionne pas en dehors de l'individu.

160:4.2 Voici les facteurs essentiels de la vie temporelle, tels que je les vois :

160:4.3 1. Une bonne santé physique.

160:4.4 2. Une pensée claire et pure.

160:4.5 3. Des aptitudes et de l'habileté.

160:4.6 4. De la richesse - les biens de la vie.

160:4.7 5. L'aptitude à résister à la défaite.

160:4.8 6. De la culture - instruction et sagesse.

160:4.9 Même quand il s'agit de problèmes concernant la santé et l'efficacité physiques, la meilleure façon de les résoudre consiste à les aborder sous l'angle religieux de l'enseignement de notre Maitre, en sachant que le corps et le mental de l'homme sont la demeure du don des Dieux, l'esprit de Dieu devenant l'esprit de l'homme. Le mental de l'homme devient alors le médiateur entre les choses matérielles et les réalités spirituelles.

160:4.10 Il faut de l'intelligence pour s'assurer sa part des choses désirables de la vie. Il est entièrement erroné de supposer que la loyauté dans le travail quotidien assurera la fortune comme récompense. À part les acquisitions occasionnelles et accidentelles de richesses, on constate que les récompenses matérielles de la vie temporelle coulent dans certains chenaux bien organisés ; seuls ceux qui ont accès à ces chenaux peuvent s'attendre à être bien rémunérés pour leurs efforts temporels. La pauvreté sera toujours le lot de ceux qui recherchent la richesse dans des chenaux individuels et isolés. La prospérité dans le monde dépend donc essentiellement d'une sage planification. Le succès exige non seulement que vous soyez dévoués à votre travail, mais aussi que vous opériez comme un rouage de l'un des chenaux de la richesse matérielle. Si vous manquez de sagesse, vous pouvez consacrer votre vie à votre génération sans en recevoir de récompense matérielle. Par contre, si c'est grâce au hasard que vous bénéficiez du flot des richesses, vous pouvez vous prélasser dans le luxe sans avoir rien fait d'utile pour vos contemporains.

160:4.11 Les aptitudes s'héritent, mais l'habileté s'acquiert. La vie est irréelle pour qui ne sait rien faire expertement. L'habileté est l'une des réelles sources de satisfaction dans la vie. Les aptitudes impliquent le don de perspicacité, de prévoyance à longue échéance. Ne vous laissez pas tromper par les bénéfices tentants des actes malhonnêtes ; acceptez de travailler pour les revenus ultérieurs inhérents à un effort honnête. Le sage sait distinguer entre les moyens et les fins ; faute de cela, un excès de plans d'avenir peut parfois contrecarrer des desseins élevés. Quant aux plaisirs, vous devriez toujours chercher à en produire autant qu'à en consommer.

160:4.12 Exercez votre mémoire à garder comme un dépôt sacré les épisodes de votre vie qui en valent la peine et donnent de la vigueur, afin de vous en souvenir à volonté pour votre plaisir et votre édification. Construisez ainsi, pour vous-même et en vous-même, des musées de beauté, de bonté et de grandeur artistique. Les souvenirs les plus nobles sont les rappels chéris des grands moments d'une belle amitié. Tous ces trésors de la mémoire irradient leur influence la plus précieuse et exaltante au contact libérateur de l'adoration spirituelle.

160:4.13 Mais la vie deviendra un fardeau si vous n'apprenez pas à échouer élégamment. Il y a, dans la défaite, un art que les âmes nobles acquièrent toujours ; il faut savoir perdre gaiement et ne pas craindre les déceptions. N'hésitez jamais à admettre un échec. Ne cherchez pas à le cacher sous des sourires trompeurs et un optimisme radieux. Il est de bon ton de toujours prétendre avoir réussi, mais cela se termine par des résultats déplorables. Cette technique aboutit directement à la création d'un monde irréel et à l'effondrement inévitable dans une ultime désillusion.

160:4.14 Le succès peut engendrer le courage et promouvoir la confiance, mais la sagesse ne provient que des expériences par lesquelles un homme s'adapte aux résultats de ses échecs. Les hommes qui préfèrent les illusions optimistes à la réalité ne peuvent jamais devenir sages. Seuls ceux qui affrontent les faits et les adaptent à des idéaux peuvent atteindre la sagesse. La sagesse englobe les faits et les idéaux, et c'est pourquoi elle sauve ses adeptes des deux extrêmes stériles de la philosophie - l'homme dont l'idéalisme exclut les faits, et le matérialiste dépourvu de vision spirituelle. Les âmes timides qui ne peuvent soutenir la lutte de la vie qu'avec l'aide continue de fausses illusions de succès sont condamnées à subir des échecs et des défaites quand elles se réveilleront finalement du monde des rêves de leur propre imagination.

160:4.15 C'est dans les circonstances où il faut faire face à l'échec et s'adapter à la défaite que la vision de grande envergure de la religion exerce son influence suprême. L'échec est simplement un épisode éducatif - une expérience culturelle pour acquérir de la sagesse - dans la vie de l'homme à la recherche de Dieu, qui s'est lancé dans l'aventure éternelle d'explorer un univers. Pour cet homme, la défaite n'est qu'un nouvel instrument pour atteindre des niveaux supérieurs de réalité d'univers.

160:4.16 La carrière d'un homme recherchant Dieu peut se révéler comme une grande réussite à la lumière de l'éternité, même si tout le cours de sa vie temporelle apparaît comme un échec retentissant, pourvu que chaque insuccès ait suscité la culture de la sagesse et l'accomplissement spirituel. Ne commettez pas l'erreur de confondre la connaissance, la culture et la sagesse. Elles sont liées dans la vie, mais représentent des valeurs spirituelles extrêmement différentes. La sagesse domine toujours la connaissance et glorifie toujours la culture.

160.5  La Religion de l'Idéal

160:5.1 Vous m'avez dit que, d'après votre Maitre, la religion humaine authentique est l'expérience individuelle des réalités spirituelles. J'ai considéré la religion comme l'expérience de l'homme réagissant à un facteur qu'il considère comme digne de l'hommage et de la dévotion de toute l'humanité. Dans ce sens, la religion symbolise notre dévouement suprême à ce qui représente notre concept le plus élevé de nos idéaux et la limite extrême que peut atteindre notre mental recherchant les possibilités éternelles d'épanouissement spirituel.

160:5.2 Quand les hommes réagissent à la religion dans un sens tribal, national ou racial, c'est qu'ils considèrent les étrangers à leur groupe comme n'étant pas vraiment humains. Nous considérons toujours l'objet de notre loyalisme religieux comme digne du respect de tous les hommes. Jamais la religion ne peut être une simple affaire de croyance intellectuelle ou de raisonnement philosophique. La religion est toujours et perpétuellement un mode de réaction envers les situations de la vie ; elle est une manière de se comporter. La religion englobe des pensées, des sentiments et des actes respectueux envers une réalité que nous estimons digne de l'adoration universelle.

160:5.3 Si quelque chose est devenu une religion dans votre expérience, il est évident que vous êtes déjà un évangéliste actif de cette religion, puisque vous estimez le concept suprême de votre religion comme digne du culte de toute l'humanité, de toutes les intelligences de l'univers. Si vous n'êtes pas un évangéliste positif et missionnaire de votre religion, vous vous trompez vous-même ; ce que vous appelez religion est seulement une croyance traditionnelle ou un simple système de philosophie intellectuelle. Si votre religion est une expérience spirituelle, l'objet de votre adoration doit être la réalité spirituelle universelle et l'idéal de tous vos concepts spiritualisés. J'appelle religions intellectuelles celles qui sont basées sur la peur, l'émotion, la tradition et la philosophie. J'appelle vraies religions celles qui sont fondées sur la véritable expérience spirituelle. L'objet de la dévotion religieuse peut être matériel ou spirituel, vrai ou faux, réel ou irréel, humain ou divin. Les religions peuvent donc être bonnes ou mauvaises.

160:5.4 La moralité et la religion ne sont pas nécessairement la même chose. En s'emparant d'un objet d'adoration, un système moral peut devenir une religion. En perdant son appel universel à la fidélité et à la dévotion suprême, une religion peut se transformer en un système philosophique ou en un code de morale. La chose, l'être, l'état, ou l'ordre d'existence, ou la possibilité d'accomplissement qui constitue l'idéal suprême du loyalisme religieux, et qui est le réceptacle de la dévotion religieuse de ses adorateurs, c'est Dieu. Indépendamment du nom attribué à cet idéal de réalité spirituelle, c'est Dieu.

160:5.5 La caractéristique sociale d'une vraie religion consiste dans le fait qu'elle cherche invariablement à convertir les individus et à transformer le monde. La religion implique l'existence d'idéaux non encore découverts qui transcendent de loin les critères connus d'éthique et de morale incorporés dans les usages sociaux, même les plus élevés, des institutions les plus mûres de la civilisation. La religion cherche à atteindre des idéaux non découverts, des réalités inexplorées, des valeurs suprahumaines, une sagesse divine et un véritable aboutissement spirituel. La vraie religion accomplit tout cela ; toutes les autres croyances ne sont pas dignes de ce nom. Vous ne pouvez avoir de religion spirituelle authentique sans l'idéal suprême et céleste d'un Dieu éternel. Une religion sans ce Dieu est une invention des hommes, une institution humaine de croyances intellectuelles sans vie et de cérémonies propres à émouvoir et dénuées de sens. Une religion peut prétendre avoir un grand idéal pour objet de sa dévotion, mais de tels idéaux irréels sont inaccessibles et une telle conception est illusoire. Les seuls idéaux accessibles aux hommes sont les réalités divines des valeurs infinies contenues dans le fait spirituel du Dieu éternel.

160:5.6 Le mot Dieu, l'idée de Dieu par contraste avec l'idéal de Dieu, peut faire partie de toute religion, si puérile ou fausse qu'elle puisse être. Et ceux qui entretiennent cette idée de Dieu peuvent en faire tout ce qu'ils veulent. Les religions inférieures modèlent leurs idées de Dieu pour les adapter à l'état naturel du coeur humain. Les religions supérieures demandent que le coeur humain soit changé pour satisfaire les exigences des idéaux de la vraie religion.

160:5.7 La religion de Jésus transcende toutes nos conceptions antérieures de l'idée d'adoration, en ce sens que non seulement il décrit son Père comme l'idéal de la réalité infinie, mais aussi qu'il déclare positivement que cette source divine de valeurs et le centre éternel de l'univers sont vraiment et personnellement accessibles à chaque créature mortelle qui choisit d'entrer dans le royaume des cieux sur terre et reconnaît, ainsi, qu'elle accepte la filiation avec Dieu et la fraternité avec l'homme. À mon avis, c'est là, je crois, la plus haute conception de la religion que le monde ait jamais connue, et je proclame qu'il ne peut y en avoir de plus élevée, car cet évangile englobe l'infinité des réalités, la divinité des valeurs et l'éternité des aboutissements universels. Cette conception constitue l'accomplissement de l'expérience de l'idéalisme du suprême et de l'ultime.

160:5.8 Je ne suis pas seulement intrigué par les idéaux parfaits de la religion de votre Maitre, mais je me sens puissamment poussé à confesser ma croyance dans ses déclarations que ces idéaux de réalités d'esprit sont accessibles ; que vous et moi, nous pouvons entreprendre cette longue et éternelle aventure avec l'assurance de sa part qu'en fin de compte, nous arriverons certainement aux portes du Paradis. Mes frères, je suis un croyant, je me suis lancé, je suis en route avec vous dans cette aventure éternelle. Le Maitre dit qu'il est venu du Père et nous montrera le chemin. Je suis entièrement persuadé qu'il dit la vérité, et définitivement convaincu qu'en dehors du Père Universel, il n'y a ni idéaux de réalités ni valeurs de perfection qui soient accessibles.

160:5.9 Je viens alors adorer non simplement le Dieu des existences, mais le Dieu de la possibilité de toutes les existences futures. Il faut donc que votre dévotion à un idéal suprême, si cet idéal est réel, soit une dévotion à ce Dieu des univers passés, présents et futurs des choses et des êtres. Et il n'y a pas d'autre Dieu, car il n'est pas possible qu'il y ait un autre Dieu. Tous les autres dieux sont des fictions de l'imagination, des illusions du mental mortel, des déformations d'une fausse logique et des idoles qui trompent ceux qui les créent. Oui, on peut avoir une religion sans ce Dieu, mais elle ne signifie rien. Et, si l'on cherche à substituer le mot Dieu à la réalité de cet idéal du Dieu vivant, on ne fait que se leurrer en mettant une idée à la place d'un idéal, d'une réalité divine. Ces croyances sont simplement des religions de chimères.

160:5.10 Dans les enseignements de Jésus, je vois la religion à son mieux. Cet évangile nous met en mesure de chercher le vrai Dieu et de le trouver. Mais acceptons-nous de payer le prix de cette entrée dans le royaume des cieux ? Sommes-nous désireux de naître à nouveau, d'être rénovés ? Acceptons-nous de nous soumettre à ce terrible et éprouvant processus de destruction du moi et de reconstruction de l'âme ? Le Maitre n'a-t-il pas dit : « Quiconque veut sauver sa vie doit la perdre. Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix, mais plutôt une lutte de l'âme. » ? Il est vrai qu'après avoir payé le prix de la consécration à la volonté du Père, nous éprouvons effectivement une grande paix, pourvu que nous continuions à marcher dans les sentiers spirituels de la vie consacrée.

160:5.11 Maintenant, nous abandonnons vraiment les attraits de l'ordre d'existence connu, tandis que nous nous consacrons sans réserve à la recherche des attraits de l'ordre d'existence inconnu et inexploré d'une vie future d'aventures dans les mondes spirituels d'idéalisme supérieur et de réalité divine. Et nous recherchons les symboles significatifs qui nous permettent de transmettre à nos semblables les conceptions réelles de l'idéalisme de la religion de Jésus. Nous ne cesserons pas de prier pour le jour où toute l'humanité vibrera dans la vision commune de cette vérité suprême. À présent, notre concept du Père tel que nous l'avons mis au point est que, dans notre coeur, Dieu est esprit ; quand nous le transmettons à nos semblables, Dieu est amour.

160:5.12 La religion de Jésus exige une expérience vivante et spirituelle. D'autres religions peuvent consister en croyances traditionnelles, en sentiments émotifs, en conscience philosophique et tout cela ensemble, mais l'enseignement du Maitre implique qu'il faut effectivement atteindre les niveaux de progression spirituelle réelle.

160:5.13 La conscience d'être poussé à ressembler à Dieu n'est pas la vraie religion. Les sentiments émotifs poussant à adorer Dieu ne sont pas la vraie religion. La conviction consciente qu'il faut renoncer à soi et servir Dieu n'est pas la vraie religion. La sagesse du raisonnement concluant que la religion de Jésus est la meilleure de toutes n'est pas le religion en tant qu'expérience personnelle et spirituelle. La vraie religion se réfère à la destinée et à la réalité d'aboutissement aussi bien qu'à la réalité et à l'idéalisme de ce qui est accepté de tout coeur par la foi. Et il faut que tout cela nous devienne personnel par la révélation de l'Esprit de Vérité.

160:5.14 Ainsi se terminèrent les dissertations du philosophe grec, l'un des plus grands de sa race, qui s'était mis à croire à l'évangile de Jésus.

161. Suite des Discussions avec Rodan

161:0.1 LE DIMANCHE 25 septembre de l'an 29, les apôtres et les évangélistes se rassemblèrent à Magadan. Ce soir-là, après une longue conférence avec ses associés, Jésus les surprit tous en annonçant que, le lendemain matin, il partirait de bonne heure pour Jérusalem avec les douze apôtres pour assister à la fête des Tabernacles. Il ordonna aux évangélistes de visiter les croyants en Galilée, et au groupe féminin de retourner pour un certain temps à Bethsaïde.

161:0.2 Quand arriva l'heure du départ pour Jérusalem, Nathanael et Thomas étaient encore au milieu de leurs discussions avec Rodan d'Alexandrie ; ils obtinrent du Maitre la permission de rester quelques jours de plus à Magadan. Ainsi, pendant que Jésus et les dix faisaient route vers Jérusalem, Nathanael et Thomas étaient engagés dans de sérieuses discussions avec Rodan. La semaine précédente au cours de laquelle Rodan avait exposé sa philosophie, Thomas et Nathanael avaient, tour à tour, présenté l'évangile du royaume au philosophe grec. Rodan constata que les enseignements de Jésus lui avaient été bien exposés par son professeur d'Alexandrie, l'un des anciens apôtres de Jean le Baptiste.

161.1  La Personnalité de Dieu

161:1.1 Il y avait une question sur laquelle Rodan et les deux apôtres divergeaient, et c'était la personnalité de Dieu. Rodan acceptait volontiers tout ce qu'on lui présentait au sujet des attributs de Dieu, mais il soutenait que le Père qui est aux cieux n'est pas et ne peut pas être une personne au sens où les hommes conçoivent la personnalité. Quand les apôtres essayèrent de lui prouver que Dieu est une personne, ils se trouvèrent en difficulté ; mais Rodan trouva encore plus difficile de prouver que Dieu n'est pas une personne.

161:1.2 Rodan soutint que le fait de la personnalité consiste dans le fait simultané que des êtres capables de se comprendre sympathiquement communiquent pleinement et mutuellement sur un pied d'égalité. Rodan dit : « Pour que Dieu soit une personne, il faudrait qu'il ait des symboles de communication spirituelle lui permettant d'être pleinement compris par ceux qui entrent en contact avec lui. Or, puisque Dieu est infini et éternel, et qu'il est le Créateur de tous les autres êtres, il s'ensuit qu'en ce qui concerne l'égalité, Dieu est seul dans l'univers. Nul ne lui est égal ; il ne peut communiquer avec personne comme un égal. Dieu est peut-être la source de toute personnalité, mais à ce titre il transcende la personnalité, de même que le Créateur se situe au-dessus et au delà de la créature. »

161:1.3 Ce démêlé avait beaucoup troublé Thomas et Nathanael, et ils avaient demandé à Jésus de venir à leur aide, mais le Maitre refusa d'entrer dans la discussion. Toutefois, il dit à Thomas : « Peu importe l'idée que tu peux te faire du Père, pourvu que tu connaisses spirituellement l'idéal de sa nature infinie et éternelle. »

161:1.4 Thomas soutint que Dieu communique bien avec les hommes et qu'en conséquence, le Père est une personnalité, même selon la définition de Rodan. Le philosophe grec le contesta en disant que Dieu ne se révèle par personnellement et qu'il reste un mystère. Alors, Nathanael fit appel à sa propre expérience personnelle avec Dieu, et Rodan l'admit, en affirmant qu'il avait eu récemment des expériences semblables, mais il soutint que ces expériences prouvaient seulement la réalité de Dieu et non sa personnalité.

161:1.5 Le lundi soir, Thomas renonça à le convaincre, mais, le mardi soir, Nathanael avait amené Rodan à croire à la personnalité du Père. Il obtint ce changement dans les opinions du Grec par les étapes de raisonnement suivantes admettant que :

161:1.6 1. Le Père du Paradis jouit d'une égalité de communication avec au moins deux autres êtres qui lui sont pleinement égaux et semblables - le Fils Éternel et l'Esprit Infini. Compte tenu de la doctrine de la Trinité, le Grec fut obligé de concéder que le Père Universel pouvait avoir une personnalité. (Ce fut l'étude ultérieure de ces discussions qui conduisit à la conception élargie de la Trinité dans le mental des douze apôtres. Bien entendu, la croyance générale identifiait Jésus avec le Fils Éternel.)

161:1.7 2. Puisque Jésus était égal au Père, et puisque ce Fils était parvenu à manifester la personnalité à ses enfants terrestres, un tel phénomène constituait la preuve du fait, et la démonstration de la possibilité, que les trois Déités possédaient une personnalité. En même temps, il réglait définitivement la question concernant l'aptitude de Dieu à communiquer avec les hommes et la possibilité pour les hommes de communiquer avec Dieu.

161:1.8 3. Jésus était en termes d'association mutuelle et de parfaite communication avec l'homme ; Jésus était le Fils de Dieu. La relation entre le Père et le Fils présuppose une égalité de communication et une compréhension sympathique mutuelle ; Jésus et le Père ne faisaient qu'un. Jésus maintenait simultanément des communications compréhensives à la fois avec Dieu et avec l'homme. Puisque Dieu et l'homme saisissaient tous deux le sens des symboles des communications de Jésus, Dieu et l'homme possédaient tous deux les attributs de la personnalité en ce qui concernait l'aptitude à intercommuniquer. La personnalité de Jésus démontrait la personnalité de Dieu tout en apportant la preuve décisive de la présence de Dieu en l'homme. Deux choses reliées à une même troisième sont reliées entre elles.

161:1.9 4. La personnalité représente pour l'homme le concept le plus élevé de la réalité humaine et des valeurs divines ; Dieu représente également pour l'homme le concept le plus élevé de la réalité divine et des valeurs infinies ; Dieu doit donc être une personnalité divine et infinie, mais bien réelle, quoique transcendant infiniment la conception et la définition humaines de la personnalité ; il reste néanmoins toujours et universellement une personnalité.

161:1.10 5. Dieu doit être une personnalité puisqu'il est le Créateur de toute personnalité et la destinée de toute personnalité. L'enseignement de Jésus : « Soyez donc parfaits, comme votre Père qui est aux cieux est parfait » avait prodigieusement influencé Rodan.

161:1.11 Après avoir entendu ces arguments, Rodan dit : « Je suis convaincu. Je professerai que Dieu est une personne si, en professant cette croyance, vous me permettez de modifier ma profession d'une telle croyance en attachant au sens de personnalité un ensemble de valeurs plus larges, telles que suprahumaine, transcendante, suprême, infinie, finale et universelle. Je suis désormais convaincu que Dieu doit être infiniment plus qu'une personnalité, mais qu'il ne peut rien être de moins. Je suis d'accord pour mettre fin à la discussion et pour accepter Jésus en tant que révélation personnelle du Père ; et en tant que celui qui comble toutes les lacunes de la logique, de la raison et de la philosophie. »

161.2  La Nature Divine de Jésus

161:2.1 Nathanael et Thomas ayant pleinement approuvé les points de vue de Rodan sur l'évangile du royaume, il ne restait plus qu'un seul point à examiner, celui de l'enseignement concernant la nature divine de Jésus ; cette doctrine venait seulement d'être divulguée publiquement. Nathanael et Thomas présentèrent conjointement leurs points de vue sur la nature divine du Maitre, et l'exposé ci-dessous est une présentation résumée, coordonnée et reformulée de leur enseignement :

161:2.2 1. Jésus a reconnu sa divinité, et nous le croyons. Beaucoup d'évènements remarquables survenus en liaison avec son ministère ne sont compréhensibles que si l'on croit qu'il est le Fils de Dieu aussi bien que le Fils de l'Homme.

161:2.3 2. Son association quotidienne avec nous donne l'exemple d'une amitié humaine idéale ; seul un être divin peut être un pareil ami humain. Il est la personne la plus sincèrement désintéressée que nous ayons jamais connue. Il est même l'ami des pécheurs, et il ose aimer ses ennemis. Il est très loyal envers nous. Alors qu'il n'hésite pas à nous faire des reproches, il est évident pour nous tous qu'il nous aime vraiment. Mieux on le connaît, plus on l'aime. On est charmé par son inébranlable dévouement. Durant toutes ces années où nous n'avons pas réussi à comprendre sa mission, il est resté un ami fidèle. Il n'emploie pas la flatterie ; il traite chacun de nous avec la même gentillesse ; il est invariablement tendre et compatissant. Il a partagé avec nous sa vie et toutes choses. Nous formons une communauté heureuse ; nous mettons tout en commun. Nous ne croyons pas qu'un simple humain puisse vivre une vie aussi exemplaire dans des circonstances aussi éprouvantes.

161:2.4 3. Nous pensons que Jésus est divin parce qu'il ne fait jamais de mal ; il ne commet pas d'erreurs. Sa sagesse est extraordinaire et sa piété magnifique. Il vit chaque jour en parfait accord avec la volonté du Père. Il ne se repent jamais d'avoir mal fait, parce qu'il ne transgresse aucune des lois du Père. Il prie pour nous et avec nous, mais jamais il ne nous demande de prier pour lui. Nous croyons qu'il est constamment exempt de péché. Nous ne croyons pas qu'une personne uniquement humaine ait jamais déclaré mener une vie semblable. Il prétend vivre une vie parfaite, et nous reconnaissons qu'il le fait. Notre piété provient de la repentance, mais la sienne provient de la droiture. Il déclare même pardonner les péchés, et il guérit bel et bien les maladies. Nul homme sain d'esprit ne déclarerait qu'il pardonne les péchés, car c'est une prérogative divine. Dès notre premier contact avec lui, il nous a paru parfait dans sa droiture. Nous croissons en grâce et en connaissance de la vérité, mais notre Maitre manifeste la maturité de la droiture depuis le commencement. Tous les hommes, bons ou mauvais, reconnaissent ces éléments de bonté chez Jésus. Cependant sa piété n'est jamais importune ni ostentatoire. Il est à la fois débonnaire et intrépide. Il paraît approuver notre croyance en sa divinité. Ou bien il est ce qu'il prétend être, ou bien il est le plus grand hypocrite et mystificateur que le monde ait jamais connu. Nous sommes persuadés qu'il est exactement de qu'il prétend être.

161:2.5 4. Son caractère exceptionnel et la perfection de son contrôle émotif nous convainquent qu'il est une combinaison d'humanité et de divinité. Il réagit infailliblement au spectacle de la misère humaine. Les souffrances ne manquent jamais de l'émouvoir. Sa compassion est soulevée aussi bien par les souffrances physiques que par l'anxiété mentale ou les chagrins spirituels. Il reconnaît vite et généreusement la présence de la foi ou de toute autre grâce chez ses contemporains. Il est tellement juste et équitable en même temps que miséricordieux et prévenant. Il s'attriste de voir l'obstination spirituelle des gens, et se réjouit quand ils consentent à ouvrir les yeux à la lumière de la vérité.

161:2.6 5. Il paraît connaître les pensées du mental des hommes et comprendre les désirs de leur coeur. Il est toujours compatissant envers nos esprits troublés. Il paraît être pourvu de toutes nos émotions humaines, mais magnifiquement glorifiées. Il aime ardemment la bonté et déteste tout aussi énergiquement le péché. Il possède une conscience suprahumaine de la présence de la Déité. Il prie comme un homme, mais agit comme un Dieu. Il paraît connaître les choses d'avance ; dès maintenant, il ose même parler de sa mort avec une référence mystique à sa future glorification. Il est aimable, mais il est également brave et courageux. Il ne chancelle jamais en faisant son devoir.

161:2.7 6. Nous sommes constamment impressionnés par le phénomène de sa connaissance suprahumaine. Il ne s'écoule guère de journée sans qu'un incident vienne révéler que le Maitre sait ce qui se passe hors de sa présence immédiate. Il paraît également savoir ce que pensent ses associés. Il est indubitablement en communion avec des personnalités célestes. Il vit incontestablement sur un plan spirituel qui transcende de loin le nôtre. Tout paraît accessible à son entendement exceptionnel. Il nous pose des questions pour nous forcer à nous exprimer, et non pour se renseigner.

161:2.8 7. Depuis peu, le Maitre n'hésite pas à affirmer sa nature suprahumaine. Depuis le jour de notre ordination comme apôtres jusqu'à une époque toute récente, il n'a jamais nié qu'il venait du Père céleste. Il parle avec l'autorité d'un instructeur divin. Le Maitre n'hésite pas à réfuter les enseignements religieux du temps présent et à proclamer le nouvel évangile avec une autorité positive. Il est affirmatif, positif et plein d'autorité. Même Jean le Baptiste déclara que Jésus était le Fils de Dieu quand il l'eut entendu parler. Le Maitre paraît se suffire à lui-même. Il ne recherche pas l'appui de la foule ; il est indifférent à l'opinion des hommes. Il est courageux et cependant totalement dépourvu d'orgueil.

161:2.9 8. Il parle constamment de Dieu comme d'un associé toujours présent dans tout ce qu'il fait. Il circule en faisant du bien, car Dieu paraît être en lui. Il émet les affirmations les plus étonnantes sur lui-même et sa mission sur terre ; elles seraient absurdes s'il n'était pas divin. Il a une fois déclaré : « Avant qu'Abraham fût, Je suis. » Il a nettement prétendu à la divinité, il déclare être associé à Dieu. Il épuise presque entièrement les ressources du langage dans la réitération de ses droits d'association intime avec le Père céleste. Il ose même affirmer que lui et le Père ne font qu'un. Il dit que quiconque l'a vu a vu le Père. Et il dit et fait toutes ces choses extraordinaires avec le naturel d'un enfant. Il fait allusion à son association avec le Père de la même manière qu'il parle de son association avec nous. Il paraît tellement sûr de Dieu et il parle de ces rapports d'une façon toute naturelle.

161:2.10 9. Dans sa vie de prière, Jésus paraît communiquer directement avec le Père. Nous l'avons rarement entendu prier, mais le peu que nous avons entendu laisse croire qu'il parle à Dieu pour ainsi dire face à face. Il semble connaître l'avenir aussi bien que le passé. Il ne pourrait être tout cela ni faire toutes ces choses extraordinaires à moins qu'il ne fût quelque chose de plus qu'humain. Nous savons qu'il est humain, nous en sommes sûrs, mais nous sommes presque aussi certains qu'il est également divin. Nous croyons qu'il est divin. Nous sommes convaincus qu'il est le Fils de l'Homme et le Fils de Dieu.

161:2.11 Quand Nathanael et Thomas eurent terminé leurs entretiens avec Rodan, ils partirent en hâte rejoindre leurs compagnons à Jérusalem, où ils arrivèrent le vendredi de la même semaine. L'épisode avait été une grande expérience dans la vie de ces trois croyants ; il fut très instructif pour les autres apôtres lorsque Nathanael et Thomas le leur relatèrent.

161:2.12 Rodan retourna à Alexandrie, où il enseigna longtemps sa philosophie à l'école de Méganta. Il devint ultérieurement une puissance dans les affaires du royaume des cieux. Jusqu'à la fin de sa carrière terrestre, il fut un fidèle croyant. Il rendit l'âme en Grèce avec d'autres croyants, au plus fort des persécutions.

161.3  Le Mental Humain et le Mental Divin de Jésus

161:3.1 La conscience de sa divinité se développa graduellement dans le mental de Jésus jusqu'à l'épisode de son baptême. Après avoir pleinement pris conscience de sa nature divine, de son existence préhumaine et de ses prérogatives universelles, il parut posséder le pouvoir de délimiter diversement sa conscience humaine de sa divinité. Pour nous, les médians, il semble qu'entre son baptême et sa crucifixion, Jésus eut entièrement le choix de dépendre uniquement de son mental humain ou d'utiliser la connaissance à la fois du mental humain et du mental divin. Parfois, il paraissait se servir uniquement des informations contenues dans l'intellect humain. En d'autres occasions, il paraissait agir avec une plénitude de connaissance et de sagesse que seule l'utilisation de l'élément suprahumain de sa conscience divine pouvait lui procurer.

161:3.2 Nous ne pouvons comprendre ses exploits exceptionnels qu'en acceptant la théorie qu'il pouvait, à volonté, limiter lui-même sa conscience divine. Nous savons parfaitement qu'il cachait souvent à ses associés sa prescience des évènements, et qu'il était au courant de la nature de leurs pensées et de leurs projets. Nous comprenons qu'il ne voulait pas que ses disciples connaissent trop bien son aptitude à discerner leurs pensées et à pénétrer leurs plans. Il ne désirait pas transcender trop les conceptions humaines telles qu'elles étaient conçues dans le mental de ses apôtres et de ses disciples.

161:3.3 Nous sommes tout à fait incapables d'établir la différence entre la pratique de Jésus limitant lui-même sa conscience divine, et sa technique pour dissimuler à ses associés humains sa prescience des faits et sa perception des pensées. Nous sommes convaincus qu'il utilisait les deux techniques, mais nous ne sommes toujours pas capables de spécifier, dans un cas particulier, la méthode qu'il a pu employer. Nous l'avons fréquemment vu agir uniquement avec le facteur humain de sa conscience ; à d'autres moments, nous l'avons vu en conférence avec les administrateurs des armées célestes de l'univers, et nous avons discerné le fonctionnement indubitable de son mental divin. Enfin, en d'innombrables occasions, nous avons vu opérer sa personnalité conjuguée d'homme et de Dieu, animée par l'union apparemment parfaite de son mental humain et de son mental divin. Notre connaissance de ce phénomène se limite là ; en réalité, nous ne savons pas toute la vérité sur ce mystère.

162. À la Fête des Tabernacles

162:0.1 POUR aller à Jérusalem avec les dix apôtres, Jésus décida de passer par la Samarie parce que c'était le chemin le plus court. En conséquence, ils suivirent la côte orientale du lac et entrèrent en Samarie par Scythopolis. À la tombée de la nuit, Jésus envoya Philippe et Matthieu à un village situé sur les contreforts orientaux du Mont Gilboa, pour assurer le logement du groupe. Il arriva que ces villageois avaient, contre les Juifs, de forts préjugés, plus forts même que la généralité des Samaritains, et ces sentiments se trouvaient exacerbés à ce moment-là, où tant de personnes se rendaient à la fête des Tabernacles. Ces gens savaient très peu de choses concernant Jésus ; ils refusèrent de le loger, parce que lui et ses associés étaient des Juifs. Lorsque Matthieu et Philippe manifestèrent leur indignation et informèrent ces Samaritains qu'ils refusaient l'hospitalité au Saint d'Israël, les villageois furieux les chassèrent de leur agglomération à coups de pierres et de bâtons.

162:0.2 Philippe et Matthieu revinrent auprès de leurs compagnons et racontèrent comment ils avaient été chassés du village. Alors, Jacques et Jean s'avancèrent vers Jésus et lui dirent : « Maitre, nous te prions de nous permettre d'appeler le feu du ciel pour qu'il descende dévorer ces Samaritains insolents et impénitents. » Lorsque Jésus entendit ces paroles de vengeance, il se tourna vivement vers les fils de Zébédée et les réprimanda sévèrement : « Vous n'êtes pas conscients du genre d'attitude que vous manifestez. La vengeance n'a rien de commun avec le royaume des cieux. Plutôt que de contester, allons jusqu'au petit village proche du gué du Jourdain. » Ainsi, à cause de leurs préjugés sectaires, ces Samaritains se privèrent de l'honneur d'héberger le Fils Créateur d'un univers.

162:0.3 Jésus et les dix s'arrêtèrent pour la nuit au village proche du gué du Jourdain. Le lendemain matin de bonne heure, ils traversèrent le fleuve et poursuivirent leur chemin vers Jérusalem par la grande route de la rive gauche du Jourdain ; ils arrivèrent à Béthanie tard dans la soirée du mercredi. Thomas et Nathanael, retardés par leurs entretiens avec Rodan, les rejoignirent le vendredi.

162:0.4 Jésus et les douze restèrent aux environs de Jérusalem jusqu'à la fin du mois suivant le mois d'octobre, environ quatre semaines et demie. Jésus lui-même n'entra que rarement dans la ville, et ces brèves visites eurent lieu durant la fête des Tabernacles. Il passa une grande partie du mois d'octobre à Bethléem, avec Abner et ses associés.

162.1  Les Dangers de la Visite à Jérusalem

162:1.1 Longtemps avant leur fuite de Galilée, les disciples de Jésus l'avaient supplié d'aller proclamer l'évangile du royaume à Jérusalem, afin de conférer à son message le prestige d'avoir été prêché au centre de la culture et de l'érudition juives, mais, maintenant qu'il était effectivement venu pour enseigner à Jérusalem, ils craignaient pour sa vie. Sachant que le sanhédrin avait cherché à emmener Jésus à Jérusalem pour le juger, et se rappelant les déclarations récemment réitérées du Maitre qu'il serait mis à mort, les apôtres avaient été littéralement frappés de stupeur par sa soudaine décision d'assister à la fête des Tabernacles. À toutes leurs supplications antérieures d'aller à Jérusalem, Jésus avait répondu : « L'heure n'est pas encore venue. » Maintenant, devant leurs protestations craintives, il se bornait à répondre : « Mais l'heure est venue. »

162:1.2 Durant la fête des Tabernacles, Jésus se rendit audacieusement à Jérusalem en plusieurs occasions et enseigna publiquement dans le temple. Il fit cela malgré les efforts de ses apôtres pour l'en dissuader. Après l'avoir longtemps pressé de proclamer son message à Jérusalem, ils craignaient maintenant de le voir pénétrer dans la ville en ce moment, sachant bien que les scribes et les pharisiens cherchaient à le faire périr.

162:1.3 L'audacieuse apparition de Jésus à Jérusalem confondit plus que jamais ses disciples. Beaucoup d'entre eux, et même son apôtre, Judas Iscariot, avaient osé penser que Jésus s'était précipitamment enfui en Phénicie par peur des dirigeants juifs et d'Hérode Antipas. Ils ne comprenaient pas la signification des déplacements du Maitre. Sa présence à Jérusalem à la fête des Tabernacles, contre l'avis même de ses disciples, suffit à mettre définitivement fin à toutes les rumeurs de peur et de lâcheté.

162:1.4 Durant la fête des Tabernacles, des milliers de croyants, venus de toutes les parties de l'empire romain, virent Jésus et l'entendirent prêcher ; beaucoup d'entre eux allèrent même jusqu'à Béthanie pour s'entretenir avec lui des progrès du royaume dans les districts où ils habitaient.

162:1.5 Il y avait bien des raisons pour que Jésus ait pu prêcher publiquement dans les cours du temple durant toutes les journées de la fête ; la principale était la peur qui avait gagné les dirigeants du Sanhédrin, par suite d'une secrète division de sentiments dans leurs propres rangs. De fait, beaucoup d'entre eux croyaient secrètement en Jésus, ou étaient fermement opposés à son arrestation durant la fête, pendant que Jérusalem hébergeait un si grand nombre de visiteurs, dont beaucoup croyaient en lui, ou tout au moins sympathisaient avec le mouvement spirituel qu'il parrainait.

162:1.6 Les efforts d'Abner et de ses associés dans toute la Judée avaient également beaucoup contribué à consolider un sentiment favorable au royaume, au point que les ennemis de Jésus n'osaient pas manifester trop ouvertement leur opposition. Ce fut l'une des raisons pour lesquelles Jésus put se montrer publiquement à Jérusalem et en sortir vivant. Un ou deux mois plus tôt, il aurait certainement été mis à mort.

162:1.7 L'intrépidité de Jésus, se montrant publiquement à Jérusalem, intimida ses ennemis ; ils n'étaient pas préparés à un défi aussi audacieux. Plusieurs fois durant ce mois, le sanhédrin fit de faibles tentatives pour le faire arrêter, mais ces efforts n'aboutirent à rien. Les ennemis de Jésus furent tellement déconcertés par son apparition inattendue en public, à Jérusalem, qu'ils supposèrent que les autorités romaines lui avaient promis leur protection. Sachant que Philippe (le frère d'Hérode Antipas) était presque un disciple de Jésus, les membres du sanhédrin imaginèrent que Philippe avait obtenu pour Jésus des promesses de protection contre ses ennemis. Avant qu'ils se fussent rendu compte de l'erreur qu'ils commettaient en croyant que sa soudaine et audacieuse apparition à Jérusalem résultait d'une entente secrète avec les fonctionnaires romains, Jésus était déjà sorti du domaine de leur juridiction.

162:1.8 Seuls les douze apôtres avaient su que Jésus se proposait d'assister à la fête des Tabernacles en partant de Magadan. Les autres disciples du Maitre furent très étonnés de le voir apparaître dans les cours du temple et commencer à y enseigner publiquement. Quant aux autorités juives, elles furent surprises au delà de toute expression lorsqu'elles apprirent qu'il enseignait dans le temple.

162:1.9 Bien que les disciples de Jésus ne se soient pas attendus à le voir assister à la fête, la grande majorité des pèlerins venant de loin, et qui avait entendu parler de lui, entretenait l'espoir de le voir à Jérusalem. Ils ne furent pas déçus, car en plusieurs occasions il enseigna sous le Porche de Salomon et ailleurs dans les cours du temple. En réalité, ces enseignements furent la proclamation officielle et formelle de la divinité de Jésus au peuple juif et au monde entier.

162:1.10 L'opinion était divisée chez les multitudes qui écoutaient les enseignements du Maitre. Certains disaient qu'il était un homme de bien ; certains le prenaient pour un prophète ; certains affirmaient qu'il était vraiment le Messie ; d'autres le qualifiaient d'intrigant malfaisant en disant qu'il égarait le peuple avec ses doctrines étranges. Ses ennemis hésitaient à l'accuser ouvertement, par crainte de ses partisans, tandis que ses amis hésitaient à le reconnaître ouvertement, par crainte des dirigeants juifs, et sachant que le sanhédrin était résolu à le mettre à mort. Mais ses ennemis eux-mêmes s'émerveillaient de son enseignement, sachant qu'il n'avait pas été instruit dans les écoles des rabbins.

162:1.11 Chaque fois que Jésus allait à Jérusalem, ses apôtres étaient remplis de terreur. De jour en jour, ils étaient plus effrayés en observant l'audace croissante de ses déclarations sur la nature de sa mission sur terre. Ils n'étaient pas habitués à entendre Jésus émettre des prétentions aussi péremptoires et des affirmations aussi surprenantes, même quand il prêchait parmi ses amis.

162.2  La Première Discussion au Temple

162:2.1 Le premier après-midi où Jésus enseigna dans le temple, une foule considérable était assise et écoutait ses paroles dépeignant la liberté du nouvel évangile et la joie de ceux qui croient à sa bonne nouvelle, quand un auditeur curieux l'interrompit pour demander : « Maitre, comment se fait-il que tu puisses si facilement citer les Écritures et enseigner le peuple alors qu'on me dit que tu n'as pas été instruit dans la science des rabbins ? » Jésus répondit : « Nul homme ne m'a enseigné les vérités que je vous proclame. Cet enseignement ne vient pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé. Si un homme désire réellement faire la volonté de mon Père, il saura certainement si mon enseignement vient de Dieu ou si je parle de moi-même. Quiconque parle de lui-même cherche sa propre gloire, mais, quand je proclame les paroles du Père, je recherche la gloire de celui qui m'a envoyé. Avant d'essayer d'entrer dans la nouvelle lumière, ne devriez-vous pas plutôt suivre la lumière dont vous disposez déjà ? Moïse vous a donné la loi et, cependant, combien d'entre vous cherchent honnêtement à satisfaire ses exigences ? Dans cette loi, Moïse vous enjoint : `Tu ne tueras pas' ; or, malgré ce commandement, certains d'entre vous cherchent à tuer le Fils de l'Homme. »

162:2.2 En entendant ces paroles, les auditeurs commencèrent à se disputer entre eux. Certains disaient que Jésus était fou, et certains qu'il était possédé par un démon. D'autres disaient qu'il était en vérité le prophète de Galilée que les scribes et les pharisiens cherchaient depuis longtemps à tuer. Certains disaient que les autorités religieuses avaient peur de le molester ; d'autres pensaient que les chefs ne s'étaient pas emparés de lui parce qu'ils s'étaient mis à croire en lui. Après une discussion prolongée, un membre de la foule s'avança et demanda à Jésus : « Pourquoi les chefs cherchent-ils à te tuer ? » Et Jésus répondit : « Les dirigeants cherchent à me tuer parce qu'ils s'irritent de mon enseignement sur la bonne nouvelle du royaume, un évangile qui libère les hommes des pesantes traditions de la religion de cérémonies conventionnelles que ces éducateurs sont décidés à maintenir à tout prix. Ils pratiquent la circoncision conformément à la loi, le jour du sabbat, mais ils voudraient me tuer parce qu'une fois, le jour du sabbat, j'ai libéré un homme qui était esclave d'une affliction. Ils me suivent le jour du sabbat pour m'espionner, mais ils voudraient me tuer parce qu'en une autre occasion, j'ai décidé de guérir complètement, un jour de sabbat, un homme atteint d'une grave infirmité. Ils cherchent à me tuer parce qu'ils savent bien que, si vous croyez honnêtement à mon enseignement et si vous osez l'accepter, leur système de religion traditionnelle sera renversé et détruit pour toujours. Ainsi, seront-ils privés d'autorité sur l'objet auquel ils ont consacré leur vie dès lors qu'ils refusent fermement d'accepter ce nouvel et plus glorieux évangile du royaume de Dieu. Et maintenant, je fais appel à chacun de vous : Ne jugez pas d'après les apparences extérieures, mais plutôt selon le véritable esprit de ces enseignements ; jugez avec droiture. »

162:2.3 Ensuite un autre investigateur dit : « Oui, Maitre, nous recherchons le Messie, mais, quand il viendra, nous savons qu'il apparaîtra dans le mystère. Or, nous savons d'où tu viens. Tu as été parmi tes frères depuis le commencement. Le libérateur viendra en puissance pour rétablir le trône du royaume de David. Prétends-tu réellement être le Messie ? » Jésus répondit : « Tu prétends me connaître et savoir d'où je viens. Je souhaiterais que tes prétentions soient exactes, car alors tu trouverais dans cette connaissance une vie abondante. Mais je déclare que je ne suis pas venu vers vous pour moi-même. J'ai été envoyé par le Père, et celui qui m'a envoyé est vrai et fidèle. En refusant de m'entendre, vous refusez de recevoir Celui qui m'envoie. Et vous, si vous voulez accepter ce message, vous apprendrez à connaître Celui qui m'a envoyé. Je connais le Père, car je suis venu du Père pour vous le proclamer et vous le révéler. »

162:2.4 Les agents des scribes voulaient mettre la main sur lui, mais ils craignaient la foule, car beaucoup croyaient en lui. L'oeuvre de Jésus depuis son baptême était désormais bien connue de toute la société juive. En parlant de ce sujet, bien des Juifs se disaient entre eux : « Même si cet instructeur vient de Galilée, et même s'il ne répond pas à toute notre attente du Messie, nous nous demandons si, lors de sa venue, le libérateur fera réellement quelque chose de plus merveilleux que l'oeuvre déjà accomplie par ce Jésus de Nazareth ? »

162:2.5 Quand les pharisiens et leurs agents entendirent la foule parler de la sorte, ils consultèrent leurs dirigeants et décidèrent qu'il fallait immédiatement faire quelque chose pour mettre fin aux interventions publiques de Jésus dans les cours du temple. En général, les dirigeants des Juifs étaient disposés à éviter un conflit ouvert avec Jésus, car ils croyaient que les autorités romaines lui avaient promis l'immunité. Ils ne trouvaient pas d'autre explication à son audace de venir à cette époque à Jérusalem, mais les dirigeants du sanhédrin ne croyaient pas entièrement à cette rumeur. En raisonnant, ils estimaient que les chefs romains n'auraient pas fait une pareille chose en secret et à l'insu des plus hautes autorités de la nation juive.

162:2.6 En conséquence Éber, l'agent qualifié du sanhédrin, fut dépêché avec deux assistants pour arrêter Jésus. Tandis qu'Éber se frayait un chemin vers Jésus, le Maitre dit : « Ne crains pas de m'approcher. Viens écouter de plus près mon enseignement. Je sais que tu as été envoyé pour m'appréhender, mais tu devrais comprendre que rien de fâcheux n'arrivera au Fils de l'Homme avant que son heure ne soit venue. Tu n'es pas dressé contre moi ; tu viens seulement exécuter l'ordre de tes maitres, et même ces chefs des Juifs croient véritablement servir Dieu lorsqu'ils cherchent en secret à me détruire.

162:2.7 « Je n'ai de rancune contre aucun de vous. Le Père vous aime, et c'est pourquoi j'aspire à votre délivrance de l'esclavage des préjugés et des ténèbres de la tradition. Je vous offre la liberté de la vie et la joie du salut. Je proclame le nouveau chemin vivant, la délivrance du mal et la rupture de la servitude du péché. Je suis venu pour que vous puissiez avoir la vie, et l'avoir éternellement. Vous cherchez à vous débarrasser de moi et de mes enseignements qui vous inquiètent. Puissiez-vous comprendre que je ne resterai pas longtemps avec vous ! D'ici peu, je retournerai vers Celui qui m'a envoyé dans ce monde. Alors, beaucoup d'entre vous me chercheront assidument, mais vous ne découvrirez pas ma présence, car vous ne pouvez venir là où je vais bientôt aller. Cependant, tous ceux qui me chercheront sincèrement atteindront un jour la vie qui conduit à la présence de mon Père. »

162:2.8 Quelques railleurs se dirent entre eux : « Où donc ira cet homme pour que nous ne puissions le trouver ? Ira-t-il vivre parmi les Grecs ? Se suicidera-t-il ? Que peut-il vouloir dire en déclarant qu'il nous quittera bientôt et que nous ne pourrons aller là où il ira ? »

162:2.9 Éber et ses assistants refusèrent d'arrêter Jésus et retournèrent au rendez-vous sans lui. Lorsque les chefs religieux et les pharisiens leur reprochèrent de n'avoir pas ramené Jésus, Éber se borna à répondre : « Nous avons craint de l'arrêter au milieu de la foule où beaucoup d'auditeurs croient en lui. En outre, nous n'avons jamais entendu personne parler comme lui. Il y a quelque chose qui sort de l'ordinaire chez cet instructeur. Vous feriez tous bien d'aller l'écouter. » Lorsque les principaux dirigeants entendirent cette réponse, ils furent étonnés et parlèrent sarcastiquement à Éber. « Es-tu égaré toi aussi ? Vas-tu croire à ce fourbe ? As-tu entendu dire qu'aucun de nos érudits ou de nos dirigeants ait cru en lui ? Y a-t-il eu des scribes ou des pharisiens trompés par son habile enseignement ? Comment se fait-il que tu sois influencé par le comportement de cette foule ignorante qui ne connaît ni la Loi ni les Prophètes ? Ne sais-tu pas que ces illettrés sont maudits ? » Alors, Éber répondit : « C'est entendu, mes maitres, mais cet homme adresse à la multitude des paroles de miséricorde et d'espérance. Il remonte le moral des découragés, et ses paroles ont même réconforté nos âmes. Que peut-il y avoir de mauvais dans ces enseignements, même s'il n'est pas le Messie des Écritures ? Et même alors, notre loi n'exige-t-elle pas l'équité ? Condamnons-nous un homme avant de l'avoir entendu ? » Le chef du sanhédrin se mit en colère contre Éber et se tourna vivement vers lui en disant : « Es-tu devenu fou ? Serais-tu aussi par hasard originaire de Galilée ? Sonde les Écritures ; tu verras que de Galilée il ne peut surgir aucun prophète, et encore bien moins le Messie. »

162:2.10 Le sanhédrin se sépara dans la confusion et Jésus se retira à Béthanie pour la nuit.

162.3  La Femme Surprise en Adultère

162:3.1 Ce fut durant cette visite à Jérusalem que Jésus s'occupa du cas d'une femme de mauvaise réputation, amenée en sa présence par les accusateurs de cette femme et par des ennemis du Maitre. Le récit déformé que vous possédez de cet épisode laisse entendre que cette femme avait été amenée devant Jésus par les scribes et les pharisiens, et que Jésus les traita comme s'il voulait faire ressortir que ces chefs religieux des Juifs auraient pu eux-mêmes avoir été coupables d'immoralité. Or, Jésus savait bien que ces scribes et ces pharisiens étaient bien spirituellement aveugles et intellectuellement remplis de préjugés par leur fidélité à la tradition, mais qu'ils devaient être comptés parmi les hommes les plus complètement moraux de cette époque et de cette génération.

162:3.2 Voici, en réalité, comment les choses se sont passées. De bonne heure le troisième matin de la fête, tandis que Jésus approchait du temple, vint à sa rencontre un groupe de mercenaires du sanhédrin qui trainaient avec eux une femme. Lorsqu'ils croisèrent Jésus, le porte-parole du groupe dit : « Maitre, cette femme a été surprise en adultère - en flagrant délit. Or, la loi de Moïse ordonne qu'une telle femme soit lapidée. D'après toi, que devons-nous faire d'elle ? »

162:3.3 Le plan des ennemis de Jésus était le suivant : S'il entérinait la loi de Moïse ordonnant que la pécheresse se reconnaissant coupable soit lapidée, ils impliqueraient le Maitre dans des difficultés avec les dirigeants romains, qui avaient refusé aux Juifs le droit d'infliger la peine de mort sans l'approbation d'un tribunal romain. Si Jésus interdisait de lapider la femme, ils l'accuseraient devant le sanhédrin de se placer au-dessus de Moïse et de la loi juive. S'il gardait le silence, ils l'accuseraient de lâcheté. Mais le Maitre prit la situation en mains de telle manière que le complot s'écroula sous le propre poids de sa vilenie.

162:3.4 Cette femme, jadis avenante, était la femme d'un habitant de bas étage de Nazareth, qui avait causé des difficultés à Jésus durant toute sa jeunesse. Après avoir épousé cette femme, il la força honteusement à gagner la vie du ménage en faisant commerce de son corps. Il était venu à la fête des Tabernacles à Jérusalem pour que sa femme puisse y prostituer ses charmes physiques afin d'en tirer un profit financier. Il avait conclu un accord avec les mercenaires des dirigeants juifs pour trahir ainsi sa propre femme dans le commerce de son vice. Ces mercenaires venaient donc avec la femme et son complice dans l'adultère, afin de prendre Jésus au piège en lui faisant émettre une opinion qu'ils pourraient ensuite utiliser contre lui s'il était arrêté.

162:3.5 Promenant son regard au-dessus de l'attroupement, Jésus vit le mari debout au dernier rang. Il savait de quel genre d'homme il s'agissait et perçut qu'il était intéressé dans cette méprisable opération. Jésus commença par contourner l'attroupement pour s'approcher de ce mari dégénéré, puis il écrivit sur le sable quelques mots qui le firent partir précipitamment. Il revint ensuite devant la femme et écrivit de nouveau sur le sol un message destiné à ses prétendus accusateurs. Quand ils eurent lu les mots du Maitre, eux aussi s'en allèrent un par un. Quand le Maitre eut écrit une troisième fois sur le sable, le complice de la femme partit à son tour, de sorte qu'au moment où le Maitre se releva en ayant fini d'écrire, il ne vit plus que la femme debout et seule devant lui. Il lui dit : « Femme, où sont tes accusateurs ? N'est-il resté personne pour te lapider ? » La femme leva les yeux et répondit : « Personne, mon Seigneur. » Alors Jésus dit : « Je connais ton cas, et je ne te condamne pas non plus. Va ton chemin en paix. » Et cette femme, nommée Hildana, abandonna son mari pervers pour se joindre aux disciples du royaume.

162.4  La Fête des Tabernacles

162:4.1 La présence de gens venant de toutes les parties du monde alors connu, depuis l'Espagne jusqu'à l'Inde, faisait de la fête des Tabernacles une occasion idéale pour Jésus de proclamer publiquement, et pour la première fois à Jérusalem, la totalité de son évangile. Les participants à cette fête vivaient beaucoup au grand air, dans des cabanes de feuillages. C'était la fête de la rentrée des récoltes. Du fait qu'elle tombait pendant la fraicheur des mois d'automne, les Juifs du monde entier assistaient en plus grand nombre à cette fête qu'à la Pâque après la fin de l'hiver, ou à la Pentecôte au commencement de l'été. Les apôtres voyaient, enfin, leur Maitre proclamer audacieusement sa mission terrestre, pour ainsi dire devant le monde entier.

162:4.2 C'était la fête des fêtes, car tout sacrifice omis à d'autres festivités pouvait être offert au moment de la fête des Tabernacles. Elle était l'occasion où l'on recevait les offrandes au temple ; elle combinait les plaisirs des vacances avec les rites solennels du culte religieux. C'était une période de réjouissances raciales, mêlées de sacrifices, de chants lévitiques, où les prêtres sonnaient solennellement de leurs trompettes argentines. Le soir, le spectacle impressionnant du temple et des foules de pèlerins était brillamment éclairé par les grands candélabres qui illuminaient la cour des femmes, ainsi que par le rayonnement de dizaines de torches réparties dans les diverses cours du temple. Toute la ville était gaiement décorée, sauf le château romain d'Antonia qui, avec un contraste sinistre, dominait les scènes de festivité et de culte. Combien les Juifs haïssaient cette réminiscence toujours présente du joug romain !

162:4.3 On sacrifiait soixante-dix boeufs durant la fête, en symbole des soixante-dix nations du monde païen. La cérémonie du versement de l'eau symbolisait l'effusion de l'esprit divin. La cérémonie de l'eau était précédée par la procession des prêtres et des Lévites au lever du soleil. Les fidèles descendaient les marches conduisant de la cour d'Israël à la cour des femmes, au son de coups scandés des trompettes argentines. Ensuite, les fidèles marchaient vers la magnifique porte qui s'ouvrait sur la cour des Gentils. Là, ils faisaient demi-tour pour faire face à l'ouest, répéter leurs cantiques et continuer leur marche vers l'eau symbolique.

162:4.4 Le dernier jour de la fête, environ quatre-cent-cinquante prêtres, et un nombre correspondant de lévites, officiaient. Au lever du jour, les pèlerins affluaient de tous les quartiers de la ville. Chacun tenait, dans la main droite une gerbe de myrte, de branches de saule et de feuilles de palmier, et dans la main gauche, une branche de pomme du paradis, le cédrat ou « fruit défendu » . Ces pèlerins se divisaient en trois groupes pour cette cérémonie matinale. Un groupe restait au temple pour assister aux sacrifices du matin. Un autre groupe descendait de Jérusalem dans la proche vallée de Maza pour couper les branches de saule destinées à orner l'autel des sacrifices. Le troisième groupe formait une procession qui marchait derrière le prêtre préposé à l'eau, portant le vase d'or destiné à contenir l'eau symbolique. Au son des trompettes argentines, ce prêtre allait du temple, par Ophel, jusqu'à Siloé où se trouvait la porte de la source. Après remplissage du vase d'or dans la piscine de Siloé, la procession retournait au temple où elle entrait par la porte de l'eau et allait directement dans la cour des prêtres. Là, le prêtre portant le vase d'eau était rejoint par le prêtre portant le vin destiné à l'offrande de la boisson. Tous deux se rendaient ensuite aux entonnoirs d'argent se vidant au pied de l'autel, et y versaient le contenu des vases. L'exécution de ce rite de transvasement de l'eau et du vin était le signal attendu par les pèlerins assemblés pour chanter les Psaumes 113 à 118 inclus, en alternant avec les Lévites. En répétant ces textes, les pèlerins faisaient onduler leurs gerbes vers l'autel. Ensuite avaient lieu les sacrifices du jour associés à la répétition du Psaume du jour. Le dernier jour de la fête, on chantait le Psaume 82 à partir du cinquième verset.

162.5  Le Sermon sur la Lumière du Monde

162:5.1 Le soir de l'avant-dernier jour de la fête, tandis que la scène était brillamment éclairée par les lumières des candélabres et des torches, Jésus se leva au milieu de la foule assemblée et dit :

162:5.2 Je suis la lumière du monde. Quiconque me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie. Prétendant me faire comparaître en jugement et assumer le rôle de juges, vous déclarez que, si je témoigne pour moi-même, mon témoignage n'est pas valable. Mais la créature ne peut jamais juger le Créateur. Même si je témoigne pour moi-même, mon témoignage est éternellement vrai, car je sais d'où je suis venu, qui je suis et où je vais. Vous, qui voudriez tuer le Fils de L'homme, vous ne savez ni d'où je suis venu, ni qui je suis, ni où je vais. Vous ne jugez que d'après les apparences de la chair ; vous ne percevez pas les réalités de l'esprit. Je ne juge personne, pas même mon ennemi implacable. Mais, si je décidais de juger, mon jugement serait juste et droit, car je ne jugerais pas seul, mais en association avec mon Père, qui m'a envoyé dans le monde et qui est la source de tout véritable jugement. Vous acceptez pour valable le témoignage de deux personnes dignes de confiance - eh bien, alors, je témoigne de ces vérités, et mon Père qui est aux cieux en témoigne également. Quand je vous ai dit cela hier, vous m'avez demandé, dans votre ignorance : `Où est ton Père ?' En vérité, vous ne connaissez ni moi ni mon Père, car, si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu le Père.

162:5.3 Je vous ai déjà dit que je m'en vais, et que vous me chercherez sans pouvoir me trouver, car vous ne pouvez aller là où je vais. Vous, qui voudriez rejeter cette lumière, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, qui préférez rester dans les ténèbres, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde, et je vis dans la lumière éternelle du Père des lumières. Vous avez tous eu d'abondantes occasions d'apprendre qui je suis, mais vous aurez encore d'autres preuves confirmant l'identité du Fils de l'Homme. Je suis la lumière de la vie ; quiconque rejette délibérément et sciemment cette lumière de salut mourra dans ses péchés. J'ai bien des choses à vous dire, mais vous êtes incapables de recevoir mes paroles. Toutefois, celui qui m'a envoyé est vrai et fidèle ; mon Père aime même ses enfants égarés. Et tout ce que mon Père a dit, moi aussi, je le proclame au monde.

162:5.4 « Quand le Fils de l'Homme sera élevé, alors vous saurez que c'est moi, et que je n'ai rien fait de moi-même, mais seulement comme le Père me l'a enseigné. Je m'adresse à vous et à vos enfants. Celui qui m'a envoyé est actuellement auprès de moi ; il ne m'a pas laissé seul, car je fais toujours ce qui plaît à ses yeux. »

162:5.5 Tandis que Jésus enseignait ainsi les pèlerins dans les cours du temple, beaucoup le crurent. Et nul n'osa porter la main sur lui.

162.6  Le Discours sur l'Eau de la Vie

162:6.1 Le dernier jour, le grand jour de la fête, tandis que la procession de la piscine de Siloé passait par les cours du temple, et aussitôt après que les prêtres eurent versé sur l'autel l'eau et le vin, Jésus se dressa parmi les pèlerins et dit : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et boive. J'apporte au monde cette eau de la vie venant du Père céleste. Quiconque me croit sera rempli de l'esprit que cette eau représente, car les Écritures elles-mêmes ont dit : `Hors de lui couleront des fleuves d'eau vivante'. Quand le Fils de l'Homme aura achevé son oeuvre sur terre, l'Esprit de Vérité vivant sera répandu sur toute chair. Ceux qui recevront cet esprit ne connaîtront jamais la soif spirituelle. »

162:6.2 Jésus n'interrompit pas le service pour prononcer ces paroles. Il les adressa aux fidèles aussitôt après le chant du Hallel, le répons des Psaumes accompagné de l'ondulation des branches devant l'autel. Ce chant était suivi d'une pause durant laquelle on préparait les sacrifices, et ce fut à cet instant que les pèlerins entendirent la voix fascinante du Maitre proclamer qu'il était le donneur d'eau vivante à toute âme assoiffée d'esprit.

162:6.3 À la fin de cet office matinal, Jésus continua à enseigner la multitude en disant : « N'avez-vous pas lu dans les Écritures : `Voici, de même que les eaux sont déversées sur la terre asséchée et répandues sur le sol assoiffé, de même je vous donnerai l'esprit de sainteté pour en asperger et en bénir vos enfants, et même les enfants de vos enfants.' Pourquoi auriez-vous soif du ministère de l'esprit alors que vous cherchez à abreuver vos âmes des traditions humaines coulant des vases brisés des offices cérémoniels ? Le spectacle auquel vous assistez dans ce temple est la manière dont vos pères cherchèrent à symboliser l'effusion de l'esprit divin sur les enfants de la foi, et vous avez bien fait de perpétuer ces symboles jusqu'à ce jour. Mais, maintenant, cette génération a reçu la révélation du Père des esprits par l'effusion de son Fils, et l'effusion de l'esprit du Père et du Fils sur les enfants des hommes ne manquera pas de suivre. Pour quiconque a la foi, cet esprit deviendra le véritable instructeur du chemin qui conduit à la vie éternelle, aux vraies eaux de la vie du royaume des cieux sur terre et au Paradis du Père dans l'au-delà. »

162:6.4 Et Jésus continua à répondre aux questions de la foule et des pharisiens. Certains pensaient qu'il était un prophète ; certains croyaient qu'il était le Messie ; d'autres disaient qu'il ne pouvait être le Christ, puisqu'il venait de Galilée, et que le Messie devait rétablir le trône de David. On n'osait cependant pas l'arrêter.

162.7  Le Discours sur la Liberté Spirituelle

162:7.1 L'après-midi du dernier jour de la fête, après que les apôtres eurent échoué dans leurs efforts pour le persuader de fuir Jérusalem, Jésus retourna au temple pour y enseigner. Trouvant un nombreux groupe de croyants assemblés au Porche de Salomon, il leur fit le discours suivant :

162:7.2 Si mes paroles demeurent en vous, et si vous êtes disposés à faire la volonté de mon Père, alors vous êtes vraiment mes disciples. Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. Je sais que vous allez me répondre : Nous sommes les enfants d'Abraham et nous ne sommes esclaves de personne ; comment donc serions-nous affranchis ? Mais je ne vous parle pas de soumission extérieure à la loi de quelqu'un d'autre ; je fais allusion aux libertés de l'âme. En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché. Or, vous savez que l'esclave n'est pas destiné à rester éternellement dans la maison du maitre. Vous savez également que le fils demeure dans la maison de son père. Si donc le Fils vous affranchit et fait de vous des fils, vous serez vraiment libres.

162:7.3 Je sais que vous êtes la semence d'Abraham, et cependant vos chefs cherchent à me tuer parce qu'ils n'ont pas permis à ma parole d'exercer son influence transformatrice dans leur coeur. Leurs âmes sont scellées par les préjugés et aveuglées par l'orgueil vengeur. Je vous déclare la vérité que le Père éternel me montre, tandis que ces éducateurs illusionnés cherchent uniquement à faire ce qu'ils ont appris de leurs parents terrestres. Si vous répondez qu'Abraham est votre père, alors je vous dis que, si vous étiez les enfants d'Abraham, vous accompliriez les oeuvres d'Abraham. Certains d'entre vous croient à mon enseignement, mais d'autres cherchent à me détruire parce que je vous ai dit la vérité que j'ai reçue de Dieu. Mais Abraham n'a pas traité ainsi la vérité de Dieu. Je perçois que, parmi vous, certains sont décidés à accomplir les oeuvres du malin. Si Dieu était votre Père, vous me connaîtriez et vous aimeriez la vérité que je révèle. Ne voulez-vous pas voir que je viens du Père, que je suis envoyé par Dieu, que je n'accomplis pas cette oeuvre de moi-même ? Pourquoi ne comprenez-vous pas mes paroles ? Est-ce parce que vous avez choisi de devenir les enfants du mal ? Si vous êtes enfants des ténèbres, vous ne saurez guère marcher dans la lumière de la vérité que je révèle. Les enfants du malin ne suivent que les voies de leur père, qui était un fourbe et ne défendait pas la vérité, parce qu'il arriva qu'il n'y eut plus de vérité en lui. Mais, maintenant, vient le Fils de l'Homme, parlant et vivant la vérité, et vous êtes nombreux à refuser de croire.

162:7.4 Qui d'entre vous me convainc de péché ? Si donc je proclame et je vis la vérité que me montre le Père, pourquoi ne croyez-vous pas ? Quiconque appartient à Dieu entend avec joie les paroles de Dieu ; c'est pourquoi beaucoup d'entre vous n'entendent pas les miennes, parce que vous n'appartenez pas à Dieu. Vos maitres ont même prétendu que j'accomplis mes oeuvres par la puissance du prince des démons. Un proche auditeur vient de dire que je suis possédé par un démon, que je suis un enfant du diable. Mais tous ceux d'entre vous qui traitent honnêtement avec leur âme savent fort bien que je ne suis pas un diable. Vous savez que j'honore mon Père, alors même que vous voudriez me déshonorer. Je ne cherche pas ma propre gloire, mais seulement celle de mon Père du Paradis. Et je ne vous juge pas, car il y a quelqu'un qui juge pour moi.

162:7.5 « En vérité, en vérité, je le dis à vous, qui croyez à l'évangile, si un homme garde vivante dans son coeur cette parole de vérité, il ne connaîtra jamais la mort. Maintenant, juste à côté de moi, un scribe dit que cette affirmation prouve que je suis possédé par un démon, vu qu'Abraham est mort et les prophètes également. Il demande : `Es-tu tellement plus grand qu'Abraham et les prophètes pour oser venir ici et dire que quiconque garde ta parole ne connaîtra jamais la mort ? Qui prétends-tu être pour oser proférer de tels blasphèmes ?' Je dis à ce scribe et à tous ses pareils que, si je me glorifie moi-même, ma gloire ne vaut rien. Mais c'est le Père qui me glorifiera, le même Père que vous appelez Dieu. Mais vous n'êtes pas parvenus à connaître ce Dieu, votre Dieu, mon Père, et je suis venu pour vous réunir, pour vous montrer comment devenir véritablement les fils de Dieu. Bien que vous ne connaissiez pas le Père, moi, je le connais véritablement. Abraham lui-même s'est réjoui de voir mon jour ; il le vit par la foi et fut heureux. »

162:7.6 Lorsque les Juifs incroyants et les agents du sanhédrin qui avaient rejoint la scène pendant ce temps entendirent ces paroles, ils déchainèrent un tumulte en criant : « Tu n'as pas cinquante ans et tu parles d'avoir vu Abraham ; tu es un enfant du diable. » Jésus ne put continuer son discours. Il dit simplement en partant : « En vérité, en vérité, je vous le dis : Avant qu'Abraham fût, je suis. » Beaucoup d'incroyants se précipitèrent à la recherche de pierres pour le lapider, et les agents du sanhédrin cherchèrent à l'arrêter, mais le Maitre se fraya rapidement un chemin par les corridors du temple et s'échappa vers un lieu de rendez-vous secret, près de Béthanie, où Marthe, Marie et Lazare l'attendaient.

162.8  L'Entretien avec Marthe et Marie

162:8.1 Il avait été convenu que Jésus ainsi que Lazare et ses soeurs logeraient dans la maison d'un ami, tandis que les apôtres se disperseraient çà et là par petits groupes. Ces précautions avaient été prises parce que les autorités juives s'enhardissaient de nouveau et projetaient d'arrêter le Maitre.

162:8.2 Depuis des années, à chaque occasion où Jésus rendait visite à Lazare, Marthe et Marie, tous trois avaient l'habitude d'abandonner toutes leurs occupations pour écouter l'enseignement de Jésus. À la mort de ses parents, Marthe avait assumé les responsabilités du foyer, de sorte qu'en cette occasion, tandis que Lazare et Marie étaient assis aux pieds de Jésus et buvaient ses enseignements rafraichissants, Marthe préparait le repas du soir. Il faut expliquer que Marthe se laissait inutilement distraire par de nombreuses tâches futiles et qu'elle s'encombrait de beaucoup de vétilles ; son caractère était ainsi fait.

162:8.3 Tandis que Marthe s'affairait à tous ses soi-disant devoirs, elle fut troublée parce que Marie ne faisait rien pour l'aider. Elle alla donc vers Jésus et lui dit : « Maitre, cela t'est-il égal que ma soeur m'ait laissé faire seule tout le service ? Ne voudrais-tu pas lui demander de venir m'aider ? » Jésus répondit : « Marthe, Marthe, pourquoi t'agites-tu à propos de tant de choses et te laisses-tu troubler par tant de détails ? Une seule chose mérite réellement l'attention ; du moment que Marie a choisi cette part bonne et nécessaire, je ne vais pas la lui enlever. Mais quand apprendrez-vous toutes les deux à vivre comme je vous l'ai enseigné ? Servez en coopération et rafraichissez vos âmes à l'unisson. Ne pouvez-vous apprendre qu'il y a un temps pour chaque chose - que les questions secondaires de la vie doivent s'effacer devant les questions primordiales du royaume céleste ? »

162.9  À Bethléem avec Abner

162:9.1 Durant toute la semaine qui suivit la fête des Tabernacles, des dizaines de croyants se rassemblèrent à Béthanie et furent instruits par les douze apôtres. Le sanhédrin ne fit rien pour troubler ces réunions, parce que Jésus n'y participait pas ; durant tout ce temps, il travaillait à Béthléhem avec Abner et ses associés. Le lendemain de la clôture de la fête, Jésus était reparti pour Béthanie et n'enseigna plus au temple durant cette visite à Jérusalem.

162:9.2 À cette époque, Abner avait établi son quartier général à Bethléem, d'où beaucoup de disciples avaient été envoyés dans les villes de la Judée et de la Samarie méridionale, et même à Alexandrie. Dans les quelques jours qui suivirent son arrivée, Jésus paracheva avec Abner les projets destinés à consolider l'oeuvre des deux groupes d'apôtres.

162:9.3 Durant sa visite à la fête des Tabernacles, Jésus avait divisé à peu près également son temps entre Béthanie et Bethléem. À Béthanie, il passa beaucoup de temps avec ses apôtres ; à Béthléhem, il instruisit longuement Abner et les autres anciens apôtres de Jean le Baptiste. Ce fut ce contact étroit qui les amena finalement à croire en lui. Ces anciens apôtres de Jean furent influencés par le courage montré par Jésus enseignant publiquement à Jérusalem et par la compréhension sympathique qu'il leur témoigna dans son enseignement privé à Bethléem. Sous ces influences, chacun des associés d'Abner fut amené à accepter de tout coeur, pleinement et définitivement, le royaume et tout ce que cette décision impliquait.

162:9.4 Avant de quitter Bethléem pour la dernière fois, le Maitre prit des dispositions pour que tous se joignent à lui, unis dans l'effort qui devait précéder la fin de sa carrière dans la chair. Il fut convenu qu'Abner et ses associés rejoindraient bientôt Jésus et les douze au Parc de Magadan.

162:9.5 Au début de novembre, et conformément à cet accord, Abner et ses onze compagnons épousèrent la cause de Jésus et des douze ; ils travaillèrent ensemble en une seule organisation jusqu'au jour de la crucifixion.

162:9.6 À la fin d'octobre, Jésus et les douze s'éloignèrent du voisinage immédiat de Jérusalem. Le dimanche 30 octobre, Jésus et ses associés quittèrent la ville d'Éphraïm, où ils s'étaient reposés dans l'isolement durant quelques jours ; passant par la grande route de la rive droite du Jourdain, ils allèrent directement au Parc de Magadan, où ils arrivèrent à la fin de l'après-midi du mercredi 2 novembre.

162:9.7 Les apôtres furent grandement soulagés de voir le Maitre revenu dans une contrée amicale. Ils cessèrent de le presser d'aller à Jérusalem pour proclamer l'évangile du royaume.

163. L'Ordination des Soixante-Dix à Magadan

163:0.1 QUELQUES jours après que Jésus et les douze furent revenus de Jérusalem à Magadan, Abner et un groupe d'une cinquantaine de disciples arrivèrent de Bethléem. À ce moment, se trouvaient également réunis au Camp de Magadan le corps des évangélistes, le corps évangélique féminin et environ cent-cinquante autres disciples sincères et éprouvés de toutes les régions de la Palestine. Après avoir consacré quelques jours à des contacts personnels et à la réorganisation du camp, Jésus et les douze inaugurèrent une session de formation intensive pour ce groupe spécial de croyants. C'est dans cette masse de disciples formés et expérimentés que le Maitre choisit finalement soixante-dix éducateurs et les envoya proclamer l'évangile du royaume. Leur instruction régulière commença le vendredi 4 novembre et se poursuivit jusqu'au sabbat du 19 novembre.

163:0.2 Jésus faisait, tous les matins, une allocution à cette compagnie. Pierre enseignait les méthodes de prédication en public. Nathanael les instruisait dans l'art d'enseigner. Thomas expliquait la manière de répondre aux questions, et Matthieu dirigeait l'organisation de leurs finances collectives. Les autres apôtres participèrent aussi à cette formation selon leur expérience spéciale et leurs talents naturels.

163.1  L'Ordination des Soixante-Dix

163:1.1 Les soixante-dix furent ordonnés par Jésus au camp de Magadan l'après-midi du sabbat, le 19 novembre. Abner fut placé à la tête de ces éducateurs et prédicateurs de l'évangile. Ce corps des soixante-dix était constitué par Abner avec dix anciens apôtres de Jean, cinquante-et-un des premiers évangélistes et huit autres disciples qui s'étaient distingués au service du royaume.

163:1.2 Vers deux heures de cette après-midi de sabbat, entre des averses, un groupe de croyants, accru par l'arrivée de David et de la majorité de ses messagers, en tout plus de quatre-cents, se rassemblèrent sur la rive du lac de Galilée pour assister à l'ordination des soixante-dix.

163:1.3 Avant d'imposer les mains sur les têtes des soixante-dix pour les mettre à part comme messagers du royaume, Jésus leur adressa le discours suivant : « En vérité, la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ; je vous exhorte donc tous à prier pour que le Seigneur de la moisson envoie encore d'autres ouvriers pour moissonner. Je vais vous mettre à part comme messagers du royaume et vous envoyer aux Juifs et aux Gentils comme des agneaux parmi les loups. En allant deux par deux sur votre route, je vous enjoins de n'emporter ni bourse ni vêtements de rechange, car cette première mission sera de courte durée. En chemin, ne faites de salamalecs à personne ; ne vous occupez que de votre travail. Si vous vous arrêtez dans un foyer, commencez par dire : Que la paix soit sur cette maisonnée. Si les habitants de cette maison aiment la paix, vous y demeurerez ; sinon, vous en partirez. Quand vous aurez choisi un foyer, restez-y pendant tout votre séjour dans cette ville, mangeant et buvant ce que l'on vous offrira. Vous ferez cela parce que l'ouvrier mérite sa subsistance. Ne vous déplacez pas de maison en maison pour accepter un meilleur logement. Souvenez-vous qu'en allant proclamer la paix sur terre et la bonne volonté parmi les hommes, il vous faudra lutter contre des ennemis acharnés qui se trompent eux mêmes. Soyez donc prudents comme des serpents tout en restant inoffensifs comme des colombes.

163:1.4 « Partout où vous irez, prêchez en disant : `Le royaume des cieux est à portée de la main', et soignez tous ceux qui souffrent dans leur mental ou dans leur corps. Vous avez reçu libéralement les bonnes choses du royaume ; donnez libéralement. Si les habitants d'une ville vous accueillent, ils trouveront une large entrée dans le royaume du Père. Mais, si les gens d'une ville refusent de recevoir cet évangile, vous proclamerez néanmoins votre message en quittant cette communauté incroyante ; à ceux qui repousseront votre enseignement, vous direz en partant : `Bien que vous repoussiez la vérité, il n'en reste pas moins que le royaume de Dieu s'est approché de vous.' Quiconque vous entend m'entend aussi, et quiconque m'entend entend Celui qui m'a envoyé. Quiconque rejette votre message évangélique me rejette, et quiconque me rejette rejette aussi Celui qui m'a envoyé. »

163:1.5 Après que Jésus leur eut ainsi parlé, les soixante-dix s'agenouillèrent en cercle autour de lui, et il imposa les mains sur la tête de chacun d'eux en commençant par Abner.

163:1.6 Le lendemain matin de bonne heure, Abner envoya les soixante-dix évangélistes, deux par deux, vers toutes les villes de Galilée, de Samarie et de Judée. Les trente-cinq groupes allèrent prêcher et enseigner pendant six semaines ; ils revinrent tous le vendredi 30 décembre au nouveau camp près de Pella, en Pérée.

163.2  Le Jeune Homme Riche et Divers Autres Cas

163:2.1 Plus de cinquante disciples qui désiraient l'ordination et l'admission parmi les soixante-dix furent éliminés par le comité que Jésus avait nommé pour sélectionner les candidats. Ce comité était composé d'André, d'Abner et du chef en fonction du corps évangélique. Dans tous les cas où le comité des trois n'était pas unanime, le candidat était amené devant Jésus. Le Maitre ne rejeta aucun homme profondément désireux de recevoir l'ordination de messager évangélique, mais, après s'être entretenus avec Jésus, plus d'une douzaine de postulants ne désirèrent plus devenir messagers évangéliques.

163:2.2 Un disciple sincère vint trouver Jésus en disant : « Maitre, je voudrais être l'un de tes nouveaux apôtres, mais mon père est très âgé et sa fin est proche ; me permettrais-tu de rentrer chez moi pour l'enterrer ? » Jésus répondit à cet homme : « Mon fils, les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'Homme n'a nulle part où reposer sa tête. Tu es un disciple fidèle, et tu peux le rester tout en retournant chez toi soigner ceux que tu aimes, mais il n'en est pas de même pour les messagers de mon évangile. Ils ont tout abandonné pour me suivre et proclamer le royaume. Si tu veux être ordonné instructeur, il faut que tu laisses les autres enterrer les morts pendant que tu vas publier la bonne nouvelle. » Et cet homme s'en alla fort déçu.

163:2.3 Un autre disciple vint vers le Maitre et dit : « Je désire être ordonné messager, mais je voudrais passer un peu de temps chez moi pour réconforter ma famille. » Jésus lui répondit : « Si tu désires l'ordination, il faut que tu acceptes de tout abandonner. Les messagers de l'évangile ne peuvent diviser leur affection. Nul homme ayant mis la main à la charrue n'est digne de devenir un messager du royaume s'il revient en arrière. »

163:2.4 André amena ensuite à Jésus un jeune homme riche, qui était un croyant dévoué et désirait recevoir l'ordination. Ce jeune homme, nommé Matadormus, était membre du sanhédrin de Jérusalem. Il avait entendu Jésus enseigner, puis avait été instruit dans l'évangile du royaume par Pierre et les autres apôtres. Jésus s'entretint avec Matadormus des exigences de l'ordination et lui demanda de différer sa décision jusqu'à plus ample réflexion sur la question. Le lendemain matin de bonne heure, tandis que Jésus partait faire un tour, le jeune homme l'aborda en disant : « Maitre, je voudrais connaître de toi les assurances de la vie éternelle. Vu que j'ai observé tous les commandements depuis ma jeunesse, je voudrais savoir ce qu'il faut faire de plus pour avoir la vie éternelle. » En réponse à cette question, Jésus dit : « Si tu gardes tous les commandements - tu ne commettras pas d'adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras point de tort, tu honoreras tes parents - tu agis bien, mais le salut récompense la foi, et non simplement les oeuvres. Crois-tu à cet évangile du royaume ? » Matadormus répondit : « Oui, Maitre, je crois tout ce que toi et tes apôtres, vous m'avez enseigné. » Jésus dit : « Alors, tu es en vérité mon disciple et un enfant du royaume. »

163:2.5 Ensuite le jeune homme dit : « Maitre, il ne me suffit pas d'être ton disciple ; je voudrais être un de tes nouveaux messagers. » Lorsque Jésus entendit cela, il le regarda avec un grand amour et dit : « Je t'accepterai comme l'un de mes messagers si tu veux payer le prix et fournir la seule chose qui te manque. » Matadormus répondit : « Maitre, je ferai n'importe quoi pour avoir la permission de te suivre. » Jésus embrassa sur le front le jeune homme agenouillé et lui dit : « Si tu veux être mon messager, va vendre tout ce que tu possèdes ; lorsque tu en auras donné le montant aux pauvres ou à tes frères, reviens et suis-moi, et tu auras un trésor dans le royaume des cieux. »

163:2.6 À l'audition de ces paroles, Matadormus perdit contenance. Il se leva et s'en alla tristement, car il possédait de grands biens. Ce jeune pharisien riche avait été élevé dans la croyance que la fortune était le signe de la faveur de Dieu. Jésus savait que Matadormus n'était pas libéré de l'amour de lui-même et de ses richesses. Le Maitre voulait le délivrer de l'amour de la richesse, pas nécessairement de la richesse. Les disciples de Jésus ne se dépouillaient pas de tous leurs biens terrestres, mais les apôtres et les soixante-dix le faisaient. Matadormus désirait être l'un des soixante-dix nouveaux messagers, et c'est pourquoi Jésus lui demanda de renoncer à toutes ses possessions matérielles.

163:2.7 Presque tout être humain a une chose à laquelle il s'attache comme à un mal familier, et à laquelle il lui faut renoncer comme partie du prix d'admission au royaume des cieux. Si Matadormus s'était séparé de sa fortune, elle lui aurait probablement été aussitôt restituée pour qu'il la gère comme trésorier des soixante-dix. Ultérieurement en effet, lors de l'établissement de l'église à Jérusalem, Matadormus obéit à l'injonction du Maitre, bien qu'il fût alors trop tard pour bénéficier de l'admission parmi les soixante-dix. Il devint trésorier de l'église de Jérusalem, dont le chef était Jacques, frère de Jésus par le sang.

163:2.8 Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi : il faut que les hommes prennent leurs propres décisions. Les mortels peuvent exercer librement leur choix dans un domaine d'une certaine étendue. Les forces du monde spirituel ne cherchent pas à contraindre l'homme ; elles lui permettent de suivre la voie qu'il a lui-même choisie.

163:2.9 Jésus prévoyait que Matadormus, avec sa fortune, ne pourrait être ordonné comme associé d'hommes qui avaient renoncé à tout pour l'évangile. En même temps, il voyait que, si Matadormus se dépouillait de sa fortune, il deviendrait le dirigeant suprême d'eux tous. Mais, de même que les propres frères de Jésus, Matadormus ne devint jamais grand dans le royaume parce qu'il s'était privé lui-même de cette association intime et personnelle avec le Maitre, dont il aurait pu faire l'expérience, s'il avait voulu exécuter sur-le-champ l'acte que Jésus lui demandait, acte qu'il accomplit d'ailleurs quelques années plus tard.

163:2.10 Les richesses n'ont pas de rapports directs avec l'entrée dans le royaume des cieux, mais l'amour des richesses en a. L'allégeance spirituelle envers le royaume est incompatible avec la servilité envers le mammon matérialiste. Les hommes ne peuvent partager avec une dévotion matérielle leur fidélité suprême à un idéal spirituel.

163:2.11 Jésus n'enseigna jamais qu'il fût mauvais d'avoir de la fortune. Il demanda seulement aux douze et aux soixante-dix de consacrer toutes leurs possessions terrestres à la cause commune. Même alors, il veilla à ce que leurs biens fussent liquidés avantageusement, comme ce fut le cas pour l'apôtre Matthieu. Jésus donna maintes fois des conseils à ses disciples fortunés comme il en avait donné au riche citoyen de Rome. Le Maitre considérait le sage investissement des excédents de revenus comme une forme légitime d'assurance contre l'inévitable adversité future. Quand la trésorerie apostolique dépassait les besoins, Judas mettait des fonds en dépôt pour les employer ultérieurement dans le cas où les apôtres seraient amenés à souffrir beaucoup d'une diminution de revenus. Judas opérait ainsi après consultation avec André. Jamais Jésus ne s'occupait des finances apostoliques, sauf pour le déboursement des aumônes. Toutefois, il y avait un abus économique qu'il condamna à maintes reprises : c'était l'exploitation injuste des faibles, des ignorants et des moins fortunés par leurs semblables forts, âpres au gain et plus intelligents. Jésus déclara que ce traitement inhumain des hommes, des femmes et des enfants était incompatible avec les idéaux de la fraternité du royaume des cieux.

163.3  La Discussion sur la Richesse

163:3.1 Pendant que Jésus terminait son entretien avec Matadormus, Pierre et quelques apôtres s'étaient réunis autour de lui. Tandis que le jeune homme riche s'en allait, Jésus se tourna vers les apôtres et leur dit : « Vous voyez combien il est difficile pour les riches d'entrer totalement dans le royaume de Dieu ! On ne peut partager l'adoration spirituelle avec les dévotions matérielles. Nul ne peut servir deux maitres. Selon l'un de vos dictons, `il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille que pour les païens d'hériter de la vie éternelle'. Je déclare qu'il est tout aussi facile à ce chameau de passer par le trou de l'aiguille qu'à ces riches, satisfaits d'eux-mêmes, d'entrer dans le royaume des cieux. »

163:3.2 Lorsque Pierre et les apôtres entendirent ces paroles, ils furent extrêmement étonnés, au point que Pierre dit : « Alors, Seigneur, qui peut être sauvé ? Tous ceux qui ont des richesses seront-ils tenus à l'écart du royaume ? » Jésus répondit : « Non, Pierre, mais tous ceux qui mettent leur confiance dans les richesses ont peu de chances d'entrer dans la vie spirituelle conduisant au progrès éternel. Mais, même dans ce cas, beaucoup de choses impossibles aux hommes ne sont pas hors de la portée du Père qui est aux cieux ; nous devrions plutôt reconnaître qu'avec Dieu toutes choses sont possibles. »

163:3.3 Tandis qu'ils s'en allaient, Jésus fut attristé de ce que Matadormus ne soit pas resté avec eux, car il l'aimait beaucoup. Quand ils furent descendus auprès du lac, ils s'assirent au bord de l'eau, et Pierre, parlant au nom des douze (alors tous réunis) dit : « Nous sommes troublés par ton discours au jeune homme riche. Exigerons-nous de tous ceux qui voudraient te suivre de renoncer à tous leurs biens terrestres ? » Jésus dit : « Non, Pierre, mais seulement à ceux qui voudraient devenir apôtres et vivre avec moi comme vous, en formant une seule famille. Mais le Père exige que l'affection de ses enfants soit pure et indivise. Toute chose ou personne qui s'interpose entre vous et l'amour des vérités du royaume doit être abandonnée. Si la fortune des gens n'envahit pas le domaine de leur âme, elle est sans conséquences dans la vie spirituelle de ceux qui voudraient entrer dans le royaume. »

163:3.4 Pierre dit ensuite : « Mais, Maitre, nous avons tout quitté pour te suivre ; alors, que possèderons-nous ? » Jésus s'adressa à l'ensemble des douze et dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque aura renoncé à sa fortune, à son foyer, à sa femme, à ses frères, à ses parents ou à ses enfants, par amour pour moi et pour le royaume des cieux, recevra maintes fois davantage dans ce monde, peut-être accompagné de quelques persécutions ; et, dans le monde à venir, il recevra la vie éternelle. Beaucoup de ceux qui sont les premiers seront les derniers, tandis que les derniers seront souvent les premiers. Le Père traite ses créatures selon leurs besoins et conformément à ses justes lois de considération aimante et miséricordieuse pour le bien-être d'un univers.

163:3.5 « Le royaume des cieux ressemble à un propriétaire, employant beaucoup de main d'oeuvre, qui alla le matin de bonne heure embaucher des ouvriers pour travailler dans son vignoble. Quand il eut convenu avec eux de les payer un denier par jour, il les envoya dans sa vigne. Puis il sortit vers neuf heures et, voyant d'autres désoeuvrés sur la place du marché, il leur dit : `Allez aussi travailler dans mon vignoble ; je vous payerai ce qui est juste.' Et ils allèrent aussitôt travailler. Le propriétaire sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et agit encore de même. Retournant une nouvelle fois vers cinq heures de l'après-midi sur la place du marché, il trouva encore d'autres oisifs et leur demanda : `Pourquoi restez-vous ici toute la journée à ne rien faire ?' Les hommes répondirent : `Parce que personne ne nous a embauchés.' Le propriétaire leur dit : `Allez aussi travailler dans mon vignoble ; je vous payerai ce qui est juste.'

163:3.6 « À la tombée de la nuit, le propriétaire du vignoble dit à son intendant : `Appelle les ouvriers et paye-leur leurs gages, en commençant par les derniers embauchés et en finissant par les premiers.' Quand arrivèrent ceux qui avaient été embauchés à cinq heures de l'après-midi, ils reçurent chacun un denier, et tous les autres reçurent le même salaire. Quand les hommes embauchés au début de la journée virent le prix payé aux derniers venus, ils s'attendirent à recevoir plus que le salaire convenu. Mais chacun ne reçut d'un denier, comme les autres. Après avoir tous été payés, ils se plaignirent au propriétaire en disant : `Les hommes embauchés les derniers n'ont travaillé qu'une heure, et, cependant, tu leur as donné le même salaire qu'à nous, qui avons peiné toute la journée sous le soleil brulant.'

163:3.7 « Le propriétaire répondit : `Mes amis, je ne vous porte pas préjudice. Chacun de vous n'a-t-il pas accepté de travailler pour un denier par jour ? Prenez maintenant ce qui vous revient et allez votre chemin, car c'est mon désir de donner aux derniers venus la même somme qu'à vous. N'ai-je pas le droit de disposer comme il me plaît de ce qui m'appartient ? Ou bien me reprochez-vous ma générosité parce que je cherche à faire montre de bonté et de miséricorde ?' »

163.4  Les Adieux aux Soixante-Dix

163:4.1 Le jour où les soixante-dix partirent pour leur première mission fut un moment émouvant au camp de Magadan. Le matin de bonne heure, dans son dernier entretien avec les soixante-dix, le Maitre insista sur les points suivants :

163:4.2 1. L'évangile du royaume doit être proclamé dans le monde entier, aux Gentils comme aux Juifs.

163:4.3 2. En soignant les malades, abstenez-vous de leur enseigner à espérer des miracles.

163:4.4 3. Proclamez une fraternité spirituelle des fils de Dieu, et non un royaume extérieur de puissance dans ce monde et de gloire matérielle.

163:4.5 4. Évitez de perdre du temps par un excès de visites de politesse et d'autres banalités ; elles pourraient vous empêcher de vous consacrer de tout coeur à la prédication de l'évangile.

163:4.6 5. Si la première maison que vous aurez choisie comme quartier général dans une ville se révèle un foyer méritant, demeurez-y durant tout votre séjour dans cette ville.

163:4.7 6. Expliquez à tous les croyants fidèles que l'heure est maintenant venue de rompre ouvertement avec les chefs religieux des Juifs à Jérusalem.

163:4.8 7. Enseignez que la totalité du devoir des hommes est résumée dans cet unique commandement : Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton mental et de toute ton âme, et aime ton prochain comme toi-même. (Ils devaient enseigner cela comme représentant la totalité du devoir des hommes en remplacement des 613 règles de vie préconisées par les pharisiens.)

163:4.9 Après que Jésus eut ainsi parlé aux soixante-dix en présence de tous les apôtres et disciples, Simon Pierre les prit à part et leur prêcha leur sermon d'ordination. Ce fut un développement des recommandations faites par le Maitre au moment où il leur avait imposé les mains et les avait sélectionnés comme messagers du royaume. Pierre exhorta les soixante-dix à chérir, dans leur expérience, les vertus suivantes :

163:4.10 1. La dévotion consacrée. Prier toujours pour qu'un plus grand nombre d'ouvriers soient envoyés à la moisson évangélique. Il expliqua qu'en priant ainsi, chacun tendrait davantage à dire : « Me voici ; envoie-moi. » Il leur recommanda de ne pas négliger leur adoration quotidienne.

163:4.11 2. Le vrai courage. Pierre les prévint qu'ils rencontreraient de l'hostilité et qu'ils pouvaient être certains d'être confrontés à la persécution. Il leur dit que leur mission n'était pas une entreprise de lâches, et recommanda à ceux qui avaient peur de renoncer à partir. Mais aucun des soixante-dix ne se retira.

163:4.12 3. La foi et la confiance. Ils devaient partir pour cette courte mission les mains complètement vides. Ils devaient faire confiance au Père pour leur nourriture, leur logement et tous leurs autres besoins.

163:4.13 4. Le zèle et l'initiative. Ils devaient être remplis de zèle et d'un enthousiasme intelligent ; ils devaient s'occuper strictement des affaires de leur Maitre. La cérémonie des salamalecs orientaux était longue et minutieuse ; c'est pourquoi Jésus leur avait recommandé de « ne saluer personne en chemin » . C'était une expression courante pour exhorter quelqu'un à vaquer à ses affaires sans perdre de temps. Elle n'avait rien à voir avec la question des salutations amicales.

163:4.14 5. L'amabilité et la courtoisie. Le Maitre leur avait ordonné d'éviter d'inutiles pertes de temps en cérémonies sociales, mais recommandé la courtoisie envers toutes les personnes avec lesquelles ils entreraient en contact. Ils devaient être extrêmement aimables envers les hôtes qui les entretiendraient à leur foyer. Ils furent strictement mis en garde contre le fait de quitter un foyer modeste pour être entretenus dans un foyer plus confortable ou plus influent.

163:4.15 6. Les soins aux malades. Pierre donna pour instruction aux soixante-dix de rechercher ceux qui souffraient dans leur mental et dans leur corps, et de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour alléger ou guérir leurs maux.

163:4.16 Après avoir ainsi reçu leurs ordres et leurs instructions, ils partirent deux par deux pour leur mission en Galilée, en Samarie et en Judée.

163:4.17 Les Juifs avaient une estime particulière pour le nombre 70 et considéraient parfois les nations du monde païen comme étant au nombre de 70. Bien que les 70 messagers eussent mission de porter l'évangile à tous les peuples, ce fut, autant que nous puissions nous en rendre compte, une simple coïncidence que leur groupe comportât exactement 70 membres. Jésus en aurait certainement accepté une demi-douzaine de plus, mais ils n'étaient pas prêts à payer le prix en abandonnant leur fortune et leur famille.

163.5  Le Transfert du Camp à Pella

163:5.1 Jésus et les douze se préparèrent maintenant à établir leur quartier général en Pérée, près de Pella, où le Maitre avait été baptisé dans le Jourdain. Les dix derniers jours de novembre se passèrent en conseils à Magadan. Le mardi 6 décembre, toute la compagnie, comprenant près de trois-cents personnes, partit au lever du jour avec ses bagages pour loger, la nuit suivante, près de Pella, au bord du fleuve. Elle s'installa près de la source, à l'endroit même que Jean le Baptiste avait occupé avec son camp plusieurs années auparavant.

163:5.2 Après la levée du camp de Magadan, David Zébédée revint à Bethsaïde et commença aussitôt à réduire le service des messagers. Le royaume entrait dans une nouvelle phase. Des pèlerins arrivaient quotidiennement de toutes les parties de la Palestine et même de régions lointaines de l'empire romain. Des croyants venaient parfois de Mésopotamie et des pays situés à l'orient du Tigre. En conséquence, le dimanche 18 décembre, David, avec l'aide de son corps de messagers, chargea, sur des bêtes de somme, le matériel de camp alors emmagasiné dans la maison de son père, matériel avec lequel il avait précédemment organisé le camp de Bethsaïde près du lac et fit pour un temps ses adieux à Bethsaïde. Il descendit le long de la rive du lac et du Jourdain jusqu'à un point situé à environ un kilomètre au nord du camp apostolique. En moins d'une semaine il fut prêt à offrir l'hospitalité à près de quinze-cents pèlerins visiteurs. Le camp apostolique pouvait recevoir environ cinq-cents personnes. C'était la saison des pluies en Palestine, et ce dispositif était nécessaire pour héberger le nombre croissant de gens, la plupart sérieux, qui cherchaient des informations et qui venaient en Pérée pour voir Jésus et entendre son enseignement.

163:5.3 David fit tout cela de sa propre initiative, bien qu'il eût pris conseil de Philippe et de Matthieu à Magadan. Il employa la majeure partie de son ancien corps de messagers pour l'aider à diriger ce camp. Le service proprement dit des messagers fut réduit à moins de vingt hommes. Vers la fin de décembre et avant le retour des soixante-dix, près de huit-cents visiteurs étaient rassemblés autour du Maitre et ils trouvaient à se loger au camp de David.

163.6  Le Retour des Soixante-Dix

163:6.1 Le vendredi 30 décembre, tandis que Jésus s'était éloigné dans les collines voisines avec Pierre, Jacques et Jean, les soixante-dix messagers arrivaient, deux par deux, au quartier général de Pella, accompagnés par de nombreux croyants. Vers cinq heures de l'après-midi, lorsque Jésus revint au camp, tous les soixante-dix étaient réunis à l'endroit où il enseignait. Le repas du soir fut retardé de plus d'une heure, pendant laquelle ces enthousiastes de l'évangile du royaume racontèrent leurs expériences. Les messagers de David avaient rapporté beaucoup de ces nouvelles aux apôtres durant les semaines précédentes, mais il fut vraiment inspirant d'entendre ces éducateurs de l'évangile, dont l'ordination était récente, raconter personnellement comment leur message avait été reçu par les Juifs et les Gentils assoiffés de vérité. Enfin, Jésus pouvait voir des hommes allant répandre la bonne nouvelle en dehors de sa présence personnelle. Le Maitre savait désormais qu'il pouvait quitter ce monde sans porter un trop grave préjudice aux progrès du royaume.

163:6.2 Quand les soixante-dix racontèrent que « même les démons leur étaient soumis » , ils faisaient allusion aux cures merveilleuses qu'ils avaient opérées sur les victimes de désordres nerveux. Néanmoins, ces ministres avaient traité avec succès quelques cas de possession réelle par des esprits. Parlant de ces cas, Jésus dit : « Il n'est pas étonnant que ces esprits mineurs désobéissants vous soient assujettis, car j'ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair. Mais ne vous réjouissez pas tant de cela, car je vous déclare que, dès mon retour auprès de mon Père, nous enverrons notre esprit conjoint dans le mental même des hommes, de sorte que ces quelques rares esprits égarés ne pourront plus pénétrer dans le mental de mortels infortunés. Je me réjouis avec vous de ce que vous ayez de l'influence sur des hommes, mais ne tirez pas vanité de cette expérience. Réjouissez-vous plutôt d'avoir vos noms inscrits dans les archives du ciel et d'être ainsi certains de progresser dans une carrière sans fin de conquêtes spirituelles. »

163:6.3 Ce fut à ce moment, juste avant de participer au repas du soir, que Jésus éprouva l'un des rares moments d'extase émotionnelle dont ses disciples aient eu l'occasion d'être témoins. Il dit : « Je te remercie, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que l'esprit ait révélé ces gloires spirituelles à ces enfants du royaume, alors que ce merveilleux évangile a été caché aux sages et aux pharisaïques. Oui, mon Père, tu as dû avoir plaisir à faire cela, et je me réjouis de savoir que la bonne nouvelle se répandra dans le monde entier, même après mon retour auprès de toi, quand je me serai remis à l'oeuvre que tu m'as donnée à accomplir. Je suis fortement ému quand je réalise que tu es sur le point de remettre toute autorité entre mes mains, que toi seul, tu sais réellement qui je suis et que, moi seul, je te connais réellement ainsi que ceux à qui je t'ai révélé. Quand j'aurai achevé cette révélation à mes frères dans la chair, je la poursuivrai auprès de tes créatures célestes. »

163:6.4 Après avoir ainsi parlé au Père, Jésus se tourna vers ses apôtres et ses ministres pour s'adresser à eux : « Bénis soient les yeux qui voient et les oreilles qui entendent ces choses. Laissez-moi vous dire que bien des prophètes et bien des grands hommes des âges écoulés ont désiré contempler les choses que vous apercevez maintenant, mais cela ne leur fut pas accordé. Bien des générations futures d'enfants de lumière, quand elles en entendront parler, vous envieront, vous, qui les avez vues et entendues. »

163:6.5 S'adressant ensuite à tous les disciples, Jésus dit : « Vous avez entendu combien de villes et de villages ont reçu la bonne nouvelle du royaume, et comment mes ministres et éducateurs ont été accueillis par les Juifs comme par les Gentils. Bénies sont en vérité ces communautés qui ont choisi de croire à l'évangile du royaume. Mais malheur aux habitants de Chorazin, de Bethsaïde-Julias et de Capharnaüm, qui rejettent la lumière, ces cités qui n'ont pas bien accueilli ces messagers. Je proclame que, si les puissantes oeuvres accomplies en ces lieux l'avaient été à Tyr et à Sidon, les habitants de ces villes dites païennes auraient depuis longtemps fait pénitence sous le sac et la cendre. En vérité, au jour du jugement, le sort de Tyr et de Sidon sera plus supportable que le leur. »

163:6.6 Le lendemain étant un jour de sabbat, Jésus réunit les soixante-dix à part et leur dit : « En vérité, je me suis réjoui avec vous quand vous êtes revenus avec la bonne nouvelle que l'évangile du royaume avait été accueilli par tant de gens dispersés en Galilée, en Samarie et en Judée. Mais pourquoi votre exultation est-elle empreinte de surprise ? N'espériez-vous pas que la délivrance de votre message se manifesterait avec puissance ? Étiez-vous partis avec si peu de foi dans cet évangile pour que vous reveniez surpris de son efficacité ? Maintenant, sans vouloir refroidir votre enthousiasme, je tiens à vous mettre sévèrement en garde contre les subtilités de l'orgueil, de l'orgueil spirituel. Si vous pouviez comprendre la chute de Lucifer, l'inique, vous renonceriez solennellement à toutes les formes d'orgueil spirituel.

163:6.7 « Vous avez entrepris la grande oeuvre d'enseigner à l'homme mortel qu'il est un fils de Dieu. Je vous ai montré le chemin ; partez accomplir votre devoir et ne vous lassez pas de bien faire. À vous et à tous ceux qui suivront vos traces au long des âges, laissez-moi dire que je me tiens toujours auprès de vous. Mon appel est, et sera toujours, venez à moi vous tous, qui peinez et qui êtes lourdement chargés, venez à moi et je vous donnerai le repos. Acceptez mon joug et écoutez-moi, car je suis vrai et loyal, et vous trouverez auprès de moi le repos spirituel pour vos âmes. »

163:6.8 Quand ils eurent l'occasion de mettre à l'épreuve les promesses du Maitre, ils constatèrent qu'elles étaient vraies. Et, depuis ce jour, un nombre incalculable de personnes ont aussi mis à l'épreuve et prouvé la fiabilité de ces mêmes promesses.

163.7  Préparatifs pour la Dernière Mission

163:7.1 Les quelques jours qui suivirent furent très animés au camp de Pella ; on y acheva les préparatifs pour la mission en Pérée. Jésus et ses associés allaient entreprendre leur dernière mission, la tournée de trois mois dans toute la Pérée, qui ne se termina qu'au moment de l'entrée du Maitre à Jérusalem pour le parachèvement de son oeuvre terrestre. Durant toute cette période, le quartier général de Jésus et des douze apôtres fut maintenu au camp de Pella.

163:7.2 Jésus n'avait plus besoin d'aller au loin pour enseigner les gens. Ils venaient maintenant vers lui chaque semaine en nombre croissant, non seulement de toutes les parties de la Palestine, mais aussi de tout l'empire romain et du Proche-Orient. Le Maitre participa avec les soixante-dix à la mission en Pérée, mais il passa une bonne partie de son temps au camp de Pella, enseignant la foule et instruisant les douze apôtres. Durant tout ce trimestre, dix apôtres au moins restèrent auprès de Jésus.

163:7.3 Les femmes du corps évangélique se préparèrent également à partir deux par deux en même temps que les soixante-dix pour évangéliser dans les principales villes de Pérée. Le groupe originel de douze femmes avait récemment formé un groupe plus nombreux de cinquante autres femmes en leur apprenant la manière de visiter les foyers et l'art de soigner les malades et les affligés. Perpétua, la femme de Simon Pierre, devint membre de cette nouvelle division du groupe féminin ; on lui confia, sous les ordres d'Abner, la direction de ce secteur d'activité élargi des femmes. Après la Pentecôte, elle resta avec son illustre mari et l'accompagna dans toutes ses tournées missionnaires. Le jour où Pierre fut crucifié à Rome, elle fut donnée en pâture aux bêtes féroces dans l'arène. Faisaient également partie de ce nouveau corps évangélique féminin les femmes de Philippe et de Matthieu, et la mère de Jacques et de Jean.

163:7.4 L'oeuvre du royaume, sous la direction personnelle de Jésus, se préparait maintenant à entrer dans sa phase terminale. C'était une phase de profondeur spirituelle contrastant avec celle où les multitudes, rêvant de miracles et recherchant des prodiges, suivaient le Maitre à l'époque de sa popularité en Galilée. Toutefois, un certain nombre de ses disciples conservaient leur mentalité matérielle et ne réussissaient pas à comprendre cette vérité que le royaume des cieux est la fraternité spirituelle des hommes fondée sur le fait éternel de la paternité universelle de Dieu.

164. La Fête de la Dédicace

164:0.1 PENDANT que l'on installait le camp de Pella, Jésus, se faisant accompagner de Nathanael et Thomas, se rendit secrètement à Jérusalem pour assister à la fête de la Dédicace. Les deux apôtres ne se rendirent compte que leur Maitre allait à Jérusalem qu'après avoir traversé le Jourdain au gué de Béthanie. Dès qu'ils perçurent son intention réelle d'assister à la fête de la Dédicace, il lui firent les reproches les plus sérieux et s'efforcèrent de l'en dissuader en employant tous les arguments possibles, mais leurs efforts furent vains. Jésus était décidé à se rendre à Jérusalem. À toutes leurs supplications et à tous leurs avertissements insistant sur la folie et le danger de se mettre à la merci du sanhédrin, il se bornait à répondre : « Je voudrais donner, à ces éducateurs d'Israël, une nouvelle chance de voir la lumière avant que mon heure ne soit venue. »

164:0.2 Ils poursuivirent leur route vers Jérusalem, les deux apôtres continuant à exprimer leurs sentiments de crainte et à formuler leurs doutes sur la sagesse de cette entreprise apparemment présomptueuse. Ils atteignirent Jéricho vers quatre heures et demie et se préparèrent à y loger pour la nuit.

164.1  L'Histoire du Bon Samaritain

164:1.1 Ce soir-là, une nombreuse compagnie se réunit autour de Jésus et des deux apôtres pour poser des questions. Les apôtres répondirent à beaucoup d'entre elles, tandis que d'autres furent traitées par le Maitre. Au cours de la soirée, un légiste chercha à empêtrer Jésus dans une discussion compromettante en disant : « Maitre, je voudrais te demander exactement ce que je dois faire pour hériter de la vie éternelle ? » Jésus répondit : « Qu'est-il écrit dans la Loi et dans les Prophètes ; comment lis-tu les Écritures ? » Connaissant à la fois les enseignements de Jésus et ceux des pharisiens, le légiste répondit : « D'aimer le Seigneur Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de tout son mental et de toute sa force, et son prochain comme soi-même. » Jésus dit : « Tu as bien répondu ; si tu le fais réellement, cela te conduira à la vie éternelle. »

164:1.2 Mais le légiste n'était pas entièrement sincère en posant cette question. Désireux de se justifier, et espérant aussi embarrasser Jésus, il se rapprocha un peu plus du Maitre et s'aventura à poser une nouvelle question : « Maitre, je voudrais que tu me dises qui précisément est mon prochain ? » Cette question était un artifice pour amener Jésus à faire une déclaration contrevenant à la loi juive qui définissait le prochain comme « un enfant de votre propre peuple » . Les Juifs considéraient tous les autres comme des « chiens de païens » . Connaissant quelque peu les enseignements de Jésus, le légiste savait bien que le Maitre pensait différemment ; il espérait donc l'inciter à dire quelque chose qui pourrait être interprété comme une attaque contre la loi sacrée.

164:1.3 Mais Jésus discernait les mobiles du légiste ; au lieu de tomber dans le piège, il raconta, à ses auditeurs, une histoire susceptible d'être pleinement appréciée par n'importe quel auditoire de Jéricho. Jésus dit : « Un homme descendant de Jérusalem à Jéricho tomba aux mains d'une bande de cruels brigands qui le volèrent, le dépouillèrent, le rouèrent de coups et le laissèrent à moitié mort en partant. Par hasard, un prêtre suivait la même route et arriva, peu après, à l'endroit où gisait le blessé ; voyant son état lamentable, il passa de l'autre côté de la route sans s'arrêter. Un lévite qui suivait aussi ce chemin passa également de l'autre côté de la route après avoir vu l'homme. À ce moment, un Samaritain descendant à Jéricho croisa le blessé et vit qu'il avait été dévalisé et malmené. Ému de compassion, il s'approcha de lui, pansa ses blessures en y versant de l'huile et du vin, installa l'homme sur sa propre monture, l'amena ici, à l'auberge, et prit soin de lui. Le lendemain matin, tirant quelque argent, il le donna à l'aubergiste en disant : `Soigne bien mon ami et, si les frais sont plus élevés, je te les rembourserai à mon retour.' Maintenant, permets-moi de te demander lequel des trois passants était le prochain de l'homme tombé aux mains des voleurs ? » Quand le légiste perçut qu'il était tombé dans son propre piège, il répondit : « C'est celui qui lui a témoigné de la miséricorde. » Et Jésus dit : « Va, et fais de même. »

164:1.4 Lorsque le légiste répondit « c'est celui qui lui a témoigné de la miséricorde » , c'était pour éviter même de prononcer le nom abhorré de Samaritain. À la question : « Qui est mon prochain ? » , le légiste fut contraint de donner la réponse que Jésus souhaitait, alors que, si Jésus l'avait donnée lui-même, cela l'aurait impliqué directement dans une inculpation d'hérésie. Non seulement Jésus confondit le légiste malhonnête, mais encore il raconta à ses auditeurs une histoire qui était à la fois une magnifique recommandation à tous ses disciples et un accablant reproche à tous les Juifs sur leur attitude envers les Samaritains. Et cette histoire a continué d'encourager l'amour fraternel parmi tous les croyants ultérieurs à l'évangile de Jésus.

164.2  À Jérusalem

164:2.1 Jésus avait assisté à la fête des Tabernacles pour pouvoir proclamer l'évangile aux pèlerins de toutes les parties de l'empire. Maintenant, il allait à la fête de la Dédicace uniquement dans le but de donner, au sanhédrin et aux dirigeants juifs, une nouvelle chance de voir la lumière. Le principal évènement de ces quelques jours à Jérusalem eut lieu le vendredi soir chez Nicodème, où s'étaient rassemblés environ vingt-cinq dirigeants juifs qui croyaient à l'enseignement de Jésus. Dans ce groupe se trouvaient quatorze hommes qui étaient alors, ou avaient récemment été, membres du sanhédrin. Éber, Matadormus et Joseph d'Arimathie assistaient à la réunion.

164:2.2 En cette circonstance, les auditeurs de Jésus étaient tous des hommes instruits. Ils furent tous stupéfaits ainsi que les deux apôtres, par la portée et la profondeur des remarques que le Maitre fit à ce groupe distingué. Depuis l'époque où il avait enseigné à Alexandrie, à Rome et dans les iles de la Méditerranée, jamais Jésus n'avait fait montre de tant d'érudition, ni d'une pareille compréhension des affaires humaines, aussi bien religieuses que laïques.

164:2.3 À la fin de cette petite réunion, tous les auditeurs se séparèrent, intrigués par la personnalité du Maitre, charmés par la grâce de ses manières et remplis d'amour pour lui. Ils avaient cherché à donner des conseils à Jésus à propos de son désir de gagner à sa cause les autres membres du sanhédrin. Le Maitre avait écouté attentivement, mais en silence, toutes leurs propositions. Il savait bien qu'aucun de leurs plans n'aboutirait. Il sentait que la majorité des dirigeants juifs n'accepterait jamais l'évangile du royaume ; il leur donna néanmoins à tous cette nouvelle chance de faire leur choix. Mais, en repartant ce soir-là avec Nathanael et Thomas pour leur campement sur le Mont des Oliviers, le Maitre n'avait pas encore décidé la méthode qu'il adopterait pour attirer, une fois de plus, sur son oeuvre, l'attention du sanhédrin.

164:2.4 Nathanael et Thomas dormirent peu cette nuit-là ; ils étaient trop stupéfaits par ce qu'ils avaient entendu chez Nicodème. Ils méditèrent longuement sur la remarque finale de Jésus concernant une offre des anciens membres et des membres actuels du sanhédrin de l'accompagner devant les soixante-dix. Le Maitre dit : « Non, mes frères, cela ne servirait à rien. Vous multiplieriez la colère, qui retomberait sur vos têtes, sans apaiser le moins du monde la haine qu'ils me portent. Allez chacun vous occuper des affaires du Père selon les directives que l'esprit vous donnera, tandis que j'attirerai, une fois de plus, leur attention sur le royaume suivant les directives que mon Père me donnera. »

164.3  La Guérison du Mendiant Aveugle

164:3.1 Le lendemain matin, Jésus et les deux apôtres allèrent chez Marthe à Béthanie pour prendre leur petit déjeuner, puis se rendirent immédiatement à Jérusalem. Ce matin de sabbat, tandis que les trois hommes approchaient du temple, ils rencontrèrent un mendiant bien connu, né aveugle, qui était assis à sa place habituelle. Les mendiants ne sollicitaient ni ne recevaient d'aumônes le jour du sabbat, mais ils avaient la permission de s'assoir à leur place habituelle. Jésus s'arrêta et, tandis qu'il regardait ce mendiant aveugle-né, une idée lui vint à l'esprit sur la manière d'attirer de nouveau, sur sa mission terrestre, l'attention du sanhédrin, des autres dirigeants juifs et des éducateurs religieux.

164:3.2 Tandis que le Maitre se tenait là devant l'aveugle, absorbé dans de profondes pensées, Nathanael réfléchit à la cause possible de la cécité de l'homme et demanda : « Maitre, pour que cet homme soit né aveugle, qui donc a péché, l'homme lui-même ou ses parents ? »

164:3.3 Les rabbins enseignaient que tous les cas de cécité de naissance étaient causés par le péché. D'après eux, non seulement les enfants étaient conçus et nés dans le péché, mais un enfant pouvait naître aveugle comme punition pour un péché spécifique commis par son père. Ils allaient jusqu'à enseigner qu'un enfant pouvait pécher avant de naître dans le monde. Ils enseignaient également que des infirmités analogues pouvaient provenir d'un péché ou d'une faiblesse de la mère pendant sa grossesse.

164:3.4 Dans toutes ces régions, il y avait une vague croyance à la réincarnation. Les anciens éducateurs juifs, ainsi que Platon, Philon et de nombreux esséniens, toléraient la théorie que les hommes peuvent récolter, dans une incarnation, ce qu'ils ont semé dans une existence précédente ; on croyait qu'ils expiaient, dans une vie, les péchés commis au cours de vies antérieures. Le Maitre trouva difficile de faire croire aux hommes que leur âme n'avait pas eu d'existences antérieures.

164:3.5 Toutefois, si illogique que cela paraisse, alors que la cécité était considérée comme résultant d'un péché, les Juifs estimaient hautement méritoire de donner des aumônes à ces mendiants aveugles. Ceux-ci avaient l'habitude de psalmodier constamment aux passants : « O coeurs sensibles, gagnez des mérites en aidant les aveugles. »

164:3.6 Jésus aborda la discussion de ce cas avec Nathanael et Thomas, non seulement parce qu'il avait déjà décidé d'utiliser cet aveugle comme moyen pour, ce jour-là, attirer de nouveau, sur sa mission, d'une manière marquante, l'attention des dirigeants juifs, mais aussi parce qu'il encourageait toujours ses apôtres à rechercher les vraies causes de tous les phénomènes naturels ou spirituels. Il les avait souvent mis en garde contre la tendance commune à attribuer des causes spirituelles à des évènements physiques ordinaires.

164:3.7 Jésus décida d'employer ce mendiant dans ses plans pour l'oeuvre de la journée, mais, avant de faire quelque chose pour l'aveugle, dont le nom était Josias, il commença par répondre à la question de Nathanael. Le Maitre dit : « Ni cet homme ni ses parents n'ont eu besoin de pécher pour que les oeuvres de Dieu se manifestent en lui. La cécité lui est venue au cours naturel des évènements. Pendant qu'il fait jour, il nous faut maintenant faire les oeuvres de Celui qui m'a envoyé, car la nuit va certainement venir, et il sera alors impossible de réaliser le travail que nous allons accomplir. Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde, mais, dans peu de temps, je ne serai plus avec vous. »

164:3.8 Quand Jésus eut parlé, il s'adressa à Nathanael et à Thomas, et dit : « Créons la vue de cet aveugle en ce jour de sabbat, afin que les scribes et les pharisiens trouvent pleinement l'occasion qu'ils cherchent d'accuser le Fils de l'Homme. » Jésus avait constamment parlé de manière que le mendiant puisse l'entendre. Il se pencha ensuite pour cracher sur le sol et mélangea de l'argile au crachat, puis il alla vers Josias et mit l'argile sur ses yeux aveugles en disant : « Mon fils, va laver cette argile dans la piscine de Siloé, et tu recevras immédiatement ta vue. » Et, lorsque Josias se fut ainsi lavé dans la piscine de Siloé, il retourna vers ses amis et sa famille en voyant.

164:3.9 Ayant toujours mendié, il ne savait rien faire d'autre ; donc, lorsque la première excitation due à la création de sa vue fut calmée, il revint à la place habituelle où il sollicitait des aumônes. Quand ses amis, ses voisins et tous ceux qui l'avaient connu précédemment remarquèrent qu'il pouvait voir, ils dirent tous : « Celui-ci n'est-il pas Josias, le mendiant aveugle ? » Certains penchaient pour l'affirmative, tandis que d'autres disaient : « Non, c'est quelqu'un qui lui ressemble, mais cet homme peut voir. » Lorsqu'ils interrogèrent Josias lui-même, il répondit : « C'est moi. »

164:3.10 Quand ils commencèrent à lui demander comment il était devenu capable de voir, il répondit : « Un homme nommé Jésus a passé par ici et, tout en parlant de moi avec ses amis, il a mélangé de l'argile avec un crachat, oint mes yeux et m'a prescrit d'aller me laver dans la piscine de Siloé. J'ai fait ce que cet homme m'a dit, et aussitôt j'ai reçu ma vue. Cela s'est passé il y a quelques heures seulement, et je ne connais pas encore la signification de beaucoup de choses que je vois. » Et, lorsque les gens qui s'étaient attroupés autour de lui demandèrent où l'on pouvait trouver l'homme étrange qui l'avait guéri, Josias put seulement répondre qu'il n'en savait rien.

164:3.11 Il s'agit là d'un des plus étranges miracles du Maitre. Cet homme n'avait pas demandé à être guéri. Il ignorait que le Jésus, qui lui avait ordonné de se laver à Siloé et promis sa vision, était le prophète de Galilée qui avait prêché à Jérusalem durant la fête des Tabernacles. Cet homme ne croyait guère qu'il allait être doté de sa vue, mais les gens de l'époque avaient grande foi dans l'efficacité du crachat d'un grand homme ou d'un saint. Or, d'après la conversation de Jésus avec Nathanael et Thomas, Josias avait conclu que son bienfaiteur en intention était un grand homme, un instructeur érudit ou un saint prophète ; c'est pourquoi il fit ce que Jésus lui avait prescrit.

164:3.12 Jésus avait trois raisons pour employer le crachat et l'argile, et ordonner à l'aveugle d'aller se laver dans la piscine de Siloé, qui avait valeur de symbole.

164:3.13 1. Ce miracle n'était pas une réponse à la foi personnelle. C'était un prodige que Jésus avait décidé d'accomplir en vue d'un but choisi par lui-même, mais il l'arrangea de manière que le bénéficiaire puisse en tirer un profit durable.

164:3.14 2. Puisque l'aveugle n'avait pas sollicité la guérison et que sa foi était faible, ces actes matériels avaient été suggérés dans le but de l'encourager. Josias croyait superstitieusement à l'efficacité du crachat et savait que la piscine de Siloé était un endroit presque sacré. Il n'y serait probablement pas allé s'il n'avait pas fallu y laver l'argile de son onction. L'opération comportait juste assez de cérémonial pour l'inciter à agir.

164:3.15 3. Jésus avait une troisième raison pour recourir à des moyens matériels dans cette affaire exceptionnelle. C'était un miracle opéré purement en conformité avec sa propre décision, et il désirait l'utiliser pour apprendre, à ses disciples de l'époque et de tous les siècles ultérieurs, à ne pas mépriser ou négliger les moyens matériels pour guérir les malades. Il voulait leur enseigner qu'ils devaient cesser de considérer les miracles comme la seule méthode de cure pour les maladies humaines.

164:3.16 En donnant la vue à cet homme par une opération miraculeuse, ce matin de sabbat et à Jérusalem près du temple, Jésus avait pour but essentiel de lancer ouvertement un défi au sanhédrin et à tous les éducateurs, et chefs religieux juifs. Ce fut sa manière de proclamer une franche rupture avec les pharisiens. Il était toujours positif dans tout ce qu'il faisait. C'était en vue d'amener ces problèmes devant le sanhédrin que Jésus vint vers l'aveugle avec ses deux apôtres au début de l'après-midi de ce jour de sabbat, et provoqua délibérément les discussions qui obligèrent les pharisiens à prêter attention au miracle.

164.4  Josias devant le Sanhédrin

164:4.1 Au milieu de l'après-midi, la guérison de Josias avait soulevé de telles controverses autour du temple que les chefs du sanhédrin décidèrent de convoquer le conseil à son lieu habituel de réunion dans le temple. Ils le firent en violant une règle établie qui interdisait les réunions du sanhédrin les jours de sabbat. Jésus savait que la violation du sabbat serait l'une des principales accusations portées contre lui au moment de l'épreuve finale. Il désirait comparaître devant le sanhédrin sous l'inculpation d'avoir guéri un aveugle le jour du sabbat au moment même où la haute cour juive, violant directement elle-même les règles qu'elle s'était imposées, siègerait pour juger cet acte de miséricorde en délibérant sur la question le jour du sabbat.

164:4.2 Mais, sous l'empire de la peur, les sanhédristes ne firent pas comparaître Jésus. Au lieu de cela, ils firent aussitôt chercher Josias. Après un interrogatoire préliminaire, le porte-parole du sanhédrin (dont une cinquantaine de membres étaient présents) ordonna à Josias de raconter ce qui lui était arrivé. Depuis sa guérison dans la matinée, Josias avait appris par Thomas, Nathanael et d'autres personnes que les pharisiens étaient irrités de sa guérison le jour du sabbat et qu'ils allaient probablement susciter des difficultés à tous les intéressés. Mais Josias ne percevait pas encore que Jésus était celui que l'on appelait le Libérateur. En conséquence, il répondit aux questions des pharisiens en disant : « Cet homme est venu par là, il a mis de l'argile sur mes yeux et m'a dit d'aller me laver à Siloé, et maintenant je vois. »

164:4.3 Après avoir fait un long discours, l'un des pharisiens âgés dit : « Cet homme ne peut venir de Dieu. Vous voyez bien qu'il n'observe pas le sabbat. Il viole la loi, d'abord en façonnant l'argile, et ensuite en envoyant ce mendiant se laver à Siloé le jour du sabbat. Un tel homme ne peut être un maitre envoyé par Dieu. »

164:4.4 Alors, l'un des pharisiens plus jeunes, qui croyait secrètement en Jésus, dit : « Si cet homme n'est pas envoyé par Dieu, comment peut-il faire ces choses ? Nous savons qu'un pécheur ordinaire ne peut opérer de tels miracles. Nous connaissons tous ce mendiant et nous savons qu'il est né aveugle ; or, maintenant, il voit. Allez-vous encore dire que ce prophète accomplit tous ces prodiges par le pouvoir du prince des démons ? » Et chaque fois qu'un pharisien se levait pour accuser et dénoncer Jésus, il s'en levait un autre pour l'empêtrer dans des questions embarrassantes, de sorte qu'une sérieuse scission s'éleva entre eux. Le président vit où le débat allait les entrainer. Pour apaiser la discussion, il se prépara à poser de nouvelles questions à l'intéressé. Se tournant vers Josias, il dit : « Qu'as-tu à dire de cet homme, de ce Jésus, dont tu prétends qu'il t'a ouvert les yeux ? » Josias répondit : « Je crois qu'il est un prophète. »

164:4.5 Les dirigeants furent très troublés et, faute de savoir que faire, ils envoyèrent chercher les parents de Josias pour apprendre d'eux si leur fils était réellement né aveugle. Ils répugnaient à croire que le mendiant avait été guéri.

164:4.6 On savait bien à Jérusalem que non seulement l'entrée de toutes les synagogues était interdite à Jésus, mais aussi que tous ceux qui croyaient à son enseignement étaient rejetés de la synagogue, excommuniés de la congrégation d'Israël. Cela signifiait qu'ils étaient privés de tous leurs droits et privilèges dans tout le monde juif, sauf du droit d'acheter le nécessaire pour vivre.

164:4.7 Les parents de Josias étaient de pauvres âmes apeurées. Lors de leur comparution devant l'auguste sanhédrin, ils craignirent donc de parler librement. Le porte-parole de la cour leur dit : « Celui-ci est-il votre fils ? Avons-nous raison de comprendre qu'il est né aveugle ? Si c'est vrai, comment se fait-il qu'il puisse maintenant voir ? » Alors, le père de Josias, appuyé par la mère, répondit : « Nous savons qu'il est notre fils et qu'il est né aveugle. Quant à la manière dont il s'est mis à voir et à la personne qui lui a ouvert les yeux, nous ne savons rien. Demandez-le-lui ; il est majeur. Qu'il parle pour lui-même. »

164:4.8 Les sanhédristes firent alors comparaître Josias, une seconde fois, devant eux. Ils ne se tiraient pas bien d'affaire avec leur projet de faire un procès dans les formes, et certains d'entre eux commençaient à se sentir mal à l'aise en agissant ainsi un jour de sabbat. En conséquence, lorsqu'ils eurent rappelé Josias, ils essayèrent de le prendre au piège par une autre méthode d'attaque. Le délégué de la cour demanda à l'ex-aveugle : « Pourquoi ne rends-tu pas gloire à Dieu pour cela ? Pourquoi ne nous dis-tu pas toute la vérité sur ce qui est arrivé ? Nous savons tous que cet homme est un pécheur. Pourquoi refuses-tu de discerner la vérité ? Tu sais que, toi et cet homme, vous êtes tous deux inculpés d'avoir violé le sabbat. Ne veux-tu pas expier ton péché en reconnaissant que c'est Dieu qui t'a guéri, si tu prétends toujours que tes yeux ont été ouverts aujourd'hui ? »

164:4.9 Mais Josias n'était ni sot ni dépourvu d'humour ; il répondit donc au délégué de la cour : « Je ne sais pas si cet homme est un pécheur ; mais il y a une chose que je sais - c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois. » Faute de pouvoir prendre Josias au piège, ils continuèrent à l'interroger et lui demandèrent : « De quelle manière exacte t'a-t-il ouvert les yeux ? Que t'a-t-il réellement fait ? Que t'a-t-il dit ? T'a-t-il demandé de croire en lui ? »

164:4.10 Josias répliqua avec un peu d'impatience : « Je vous ai dit exactement comment tout s'est passé. Si vous n'avez pas cru mon témoignage, pourquoi voulez-vous l'entendre de nouveau ? Voudriez-vous aussi par hasard devenir ses disciples ? » Lorsque Josias eut ainsi parlé, la réunion du sanhédrin prit fin dans le désordre et presque dans la violence, car les chefs se précipitèrent sur Josias en s'écriant avec colère : « Tu peux parler d'être disciple de cet homme, mais nous, nous sommes disciples de Moïse et nous enseignons les lois de Dieu. Nous savons que Dieu a parlé par Moïse, mais, quant à ce Jésus, nous ne savons d'où il vient. »

164:4.11 Alors, Josias monta sur un siège et cria à tue-tête à tous ceux qui pouvaient l'entendre : « Écoutez, vous, qui vous prétendez les éducateurs de tout Israël ; je vous déclare qu'il y a dans tout ceci une grande merveille, puisque vous confessez ne pas savoir d'où vient cet homme, et que cependant vous savez avec certitude, par les témoignages entendus, qu'il m'a ouvert les yeux. Nous savons tous que Dieu n'accomplit pas de telles oeuvres pour les impies. Dieu ne fait une chose pareille qu'à la demande d'un sincère adorateur - pour un saint et pour un juste. Vous savez que, depuis le commencement du monde, on n'a jamais entendu parler d'ouvrir les yeux d'un aveugle-né. Donc, regardez-moi tous et rendez-vous compte de ce qui a été fait aujourd'hui à Jérusalem ! Je vous le dis, si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait faire cela. » Les sanhédristes partirent en colère et dans la confusion en lui criant : « Tu es entièrement né dans le péché, et tu prétends maintenant nous enseigner ? Peut-être n'es-tu pas réellement né aveugle, et, même si tes yeux ont été ouverts le jour du sabbat, ce fut grâce au pouvoir du prince des démons. » Et ils allèrent aussitôt à la synagogue pour en exclure Josias.

164:4.12 Josias aborda cette épreuve avec de faibles notions sur Jésus et la nature de sa guérison. La majeure partie du témoignage, qu'il donna avec tant d'intelligence et de courage devant ce tribunal suprême de tout Israël, se développa dans son mental à mesure que le procès se poursuivait de cette manière injuste et dépourvue d'équité.

164.5  L'Enseignement sous le Porche de Salomon

164:5.1 Durant tout le temps où, en violation du sabbat, cette session du sanhédrin se déroulait dans l'une des salles du temple, Jésus se promenait à proximité et enseignait le peuple sous le Porche de Salomon. Il espérait qu'il serait convoqué devant le sanhédrin et pourrait lui annoncer la bonne nouvelle de la liberté et de la joie de la filiation divine dans le royaume de Dieu. Mais les sanhédristes avaient peur de l'envoyer chercher. Ils étaient toujours déconcertés par les soudaines apparitions en public de Jésus à Jérusalem. Jésus leur donnait maintenant l'occasion qu'ils avaient si ardemment recherchée, mais ils craignaient de le faire comparaître devant le sanhédrin, même comme témoin, et ils craignaient encore plus de l'arrêter.

164:5.2 On était au milieu de l'hiver à Jérusalem, et les gens cherchaient à s'abriter partiellement sous le Porche de Salomon. Tandis que Jésus s'y attardait, les foules lui posèrent un grand nombre de questions, et il les enseigna pendant plus de deux heures. Quelques éducateurs juifs cherchèrent à le prendre au piège en lui demandant publiquement : « Combien de temps nous tiendras-tu en suspens ? Si tu es le Messie, pourquoi ne nous le dis-tu pas franchement ? » Jésus dit : « Je vous ai maintes fois parlé de moi-même et de mon Père, mais vous n'avez pas voulu me croire. Ne voyez-vous pas que les oeuvres que j'accomplis au nom de mon Père témoignent pour moi ? Mais beaucoup d'entre vous ne croient pas, parce que vous n'appartenez pas à mon troupeau. Seuls sont attirés par l'instructeur de la vérité ceux qui ont faim de vérité et soif de droiture. Mes brebis écoutent ma voix, je les connais et elles me suivent. Et, à tous ceux qui suivent mon enseignement, je donne la vie éternelle ; ils ne périront jamais et nul ne les arrachera de mes mains. Mon Père, qui m'a donné ces enfants, est plus grand que tous, de sorte que nul ne peut les arracher des mains de mon Père. Le Père et moi, nous sommes un. » Quelques juifs incroyants se précipitèrent vers un endroit où l'on bâtissait une aile du temple pour ramasser des pierres et lapider Jésus, mais les croyants les en empêchèrent.

164:5.3 Jésus poursuivit son enseignement : « Je vous ai montré beaucoup d'oeuvres du Père accomplies par amour et, maintenant, je vous demande pour laquelle de ces bonnes oeuvres vous songez à me lapider ? » L'un des pharisiens répondit : « Nous ne voulons te lapider pour aucune de tes bonnes oeuvres, mais à cause de tes blasphèmes, car, étant un homme, tu oses t'égaler à Dieu. » Et Jésus répondit : « Vous accusez le Fils de l'Homme de blasphème parce que vous avez refusé de me croire quand je vous ai déclaré que j'ai été envoyé par Dieu. Si je n'accomplis pas les oeuvres de Dieu, ne me croyez pas, mais, si j'accomplis les oeuvres de Dieu, même si vous ne croyez pas en moi, je pensais que vous croiriez aux oeuvres. Afin que vous soyez certains de ce que je proclame, j'affirme de nouveau que le Père est en moi et que je suis dans le Père ; de même que le Père habite en moi, j'habiterai en chacun de ceux qui croient à cet évangile. » En entendant ces paroles, beaucoup d'auditeurs allèrent en hâte chercher des pierres pour le lapider, mais il sortit de l'enceinte du temple. Il retrouva Nathanael et Thomas qui avaient assisté à la session du sanhédrin, et attendit avec eux, près du temple, que Josias sortît de la salle du conseil.

164:5.4 Jésus et les deux apôtres n'allèrent chercher Josias chez lui qu'après avoir appris son exclusion de la synagogue. En arrivant à la maison de Josias, Thomas l'appela dans la cour et Jésus lui dit : « Josias, crois-tu au Fils de Dieu ? » Et Josias répondit : « Dis-moi qui il est, pour que je puisse croire en lui. » Jésus dit : « Tu l'as vu et entendu, c'est celui qui te parle actuellement. » Et Josias dit : « Seigneur, je crois. » Puis, tombant à genoux, il l'adora.

164:5.5 Quand Josias apprit qu'il avait été exclu de la synagogue, il fut d'abord très déprimé, mais ensuite très encouragé lorsque Jésus lui prescrivit de se préparer immédiatement à l'accompagner au camp de Pella. Ce candide habitant de Jérusalem avait en vérité été exclu d'une synagogue juive, mais voici que le Créateur d'un univers l'emmenait pour l'associer à la noblesse spirituelle de ce temps et de cette génération.

164:5.6 Jésus sortit alors de Jérusalem pour ne plus y revenir avant l'approche du jour où il se prépara à quitter ce monde. Le Maitre retourna à Pella avec Josias et les deux apôtres. Et il s'avéra que Josias fut l'un de ceux qui portèrent des fruits parmi les bénéficiaires du ministère miraculeux du Maitre, car il devint, pour le reste de sa vie, un prédicateur de l'évangile du royaume.

165. La Mission en Pérée Commence

165:0.1 ABNER, ancien chef des douze apôtres de Jean le Baptiste, naziréen, et jadis chef de l'école naziréenne d'Engaddi, était maintenant le chef des soixante-dix messagers du royaume. Le mardi 3 janvier de l'an 30, il convoqua ses associés et leur donna les instructions finales avant de les envoyer en mission dans toutes les villes et tous les villages de Pérée. Cette mission en Pérée se poursuivit durant presque trois mois et fut le dernier ministère du Maitre. Après cette mission, Jésus alla directement à Jérusalem pour traverser les ultimes expériences de son incarnation. Secondés par l'appui périodique de Jésus et des douze apôtres, les soixante-dix évangélistes opérèrent dans les villes et cités suivantes, et dans une cinquantaine d'autres villages : Zaphon, Gadara, Macad, Arbéla, Ramat, Édréi, Bosora, Caspin, Mispeh, Gérasa, Ragaba, Succoth, Amathus, Adam, Pénuel, Capitolias, Dion, Hatita, Gadda, Philadelphie, Jogbéhah, Giléad, Beth-Nimrah, Tyrus, Éléala, Livias, Hesbon, Callirrhoé, Beth-Péor, Shittim, Sibmah, Médéba, Beth-Méon, Aréopolis et Aroer.

165:0.2 Durant toute cette tournée de Pérée, le corps évangélique féminin, qui comptait maintenant soixante-deux membres, prit en charge la majeure partie des soins aux malades. Ce fut la période finale de développement des aspects spirituels supérieurs de l'évangile du royaume, et, en conséquence, aucun miracle ne fut accompli. Dans nulle autre région de Palestine les apôtres et les disciples de Jésus ne firent un travail aussi approfondi et, nulle part ailleurs, l'enseignement du Maitre ne fut accepté aussi généralement par les classes supérieures de citoyens.

165:0.3 À cette époque, la Pérée était peuplée à peu près également de Gentils et de Juifs. Dans l'ensemble, les Juifs avaient été évincés de ces régions à l'époque de Judas Macchabée. La Pérée était la province la plus belle et la plus pittoresque de toute la Palestine. Les Juifs l'appelaient généralement « le pays au delà du Jourdain » .

165:0.4 Durant cette période, Jésus partagea son temps entre le camp de Pella et des déplacements avec les douze pour assister les soixante-dix dans les diverses villes où ils enseignaient et prêchaient. Selon les instructions d'Abner, les soixante-dix baptisèrent tous les croyants, bien que Jésus ne les eût pas chargés de le faire.

165.1  Au Camp de Pella

165:1.1 Au milieu de janvier, plus de douze-cents personnes étaient rassemblées à Pella. Quand Jésus résidait au camp, il enseignait cette foule au moins une fois par jour ; il parlait généralement à neuf heures du matin lorsqu'il n'en était pas empêché par la pluie. Pierre et les autres apôtres enseignaient tous les après-midis. Jésus réservait la soirée pour les sessions habituelles de questions et de réponses avec les douze et d'autres disciples avancés. Les groupes du soir comptaient en moyenne une cinquantaine de personnes.

165:1.2 Au milieu de mars, au moment où Jésus commença son voyage vers Jérusalem, plus de quatre-mille personnes composaient le vaste auditoire qui écoutait Jésus ou Pierre prêcher tous les matins. Le Maitre décida de terminer son oeuvre terrestre à un moment où le public y portait un grand intérêt, à l'apogée de la seconde phase de progrès du royaume, phase dépourvue de miracle. Les chercheurs de vérité constituaient les trois quarts de la foule, mais l'auditoire comprenait également un bon nombre de pharisiens de Jérusalem et d'ailleurs, ainsi que de nombreux incrédules et chicaneurs.

165:1.3 Jésus et les douze apôtres consacrèrent beaucoup de temps à la multitude assemblée au camp de Pella. Les douze ne s'occupèrent que peu ou pas du tout du travail extérieur au camp ; ils se bornèrent à s'absenter de temps en temps avec Jésus pour rendre visite aux associés d'Abner. Abner connaissait fort bien le district de Pérée, car c'était le domaine où son ancien maitre Jean le Baptiste avait accompli la plus grande partie de son oeuvre. Après avoir entamé la mission en Pérée, Abner et les soixante-dix ne revinrent plus jamais au camp de Pella.

165.2  Le Sermon sur le Bon Berger

165:2.1 Une compagnie de plus de trois-cents habitants de Jérusalem, pharisiens et autres, suivit Jésus au nord de Pella lorsqu'il se hâta de quitter le domaine de juridiction des dirigeants juifs à la fin de la fête de la Dédicace. Ce fut en présence de ces éducateurs et notables juifs, et des douze apôtres, que Jésus prêcha son sermon sur le « Bon Berger » . Après avoir discuté familièrement pendant une demi-heure, Jésus, s'adressant à un groupe d'environ cent personnes, dit :

165:2.2 « J'ai bien des choses à vous dire ce soir. Vu que beaucoup d'entre vous sont mes disciples, et quelques autres mes ennemis acharnés, je présenterai mon enseignement sous la forme d'une parabole. Ainsi, chacun de vous pourra prendre pour lui ce que son coeur accueillera.

165:2.3 « Ce soir, il y a devant moi des hommes disposés à mourir pour moi et pour l'évangile du royaume ; plusieurs d'entre eux se sacrifieront ainsi dans les années à venir. Par ailleurs, il y en a d'autres, parmi vous, qui sont esclaves de la tradition ; ils m'ont suivi depuis Jérusalem et, sous l'égide de leurs chefs, qui vivent dans les ténèbres et les illusions, ils cherchent à faire mourir le Fils de l'Homme. La vie incarnée que je vis actuellement jugera les deux catégories, les vrais bergers et les faux bergers. Si les faux bergers étaient aveugles, ils ne seraient pas coupables de péché, mais vous prétendez voir ; vous vous présentez comme des éducateurs en Israël ; c'est pourquoi votre péché reste attaché à vous.

165:2.4 « À l'époque du danger, le vrai berger rassemble son troupeau au bercail pour la nuit. Au lever du jour, il entre au bercail par la porte et, quand il appelle, les brebis connaissent sa voix. Tout berger qui pénètre dans le bercail autrement que par la porte est un voleur et un brigand. Le vrai berger entre au bercail après que le gardien lui a ouvert la porte, et ses brebis, connaissant sa voix, sortent à son appel ; une fois que les brebis qui lui appartiennent sont rassemblées à la sortie, le bon berger les précède ; il montre le chemin, et les brebis le suivent. Elles le suivent parce qu'elles connaissent sa voix ; elles refuseront de suivre un étranger. Elles fuiront l'étranger parce qu'elles ne connaissent pas sa voix. La foule assemblée ici autour de nous ressemble à des brebis sans berger, mais, quand nous lui parlons, elle connaît la voix du berger et nous suit ; tout au moins ceux qui ont faim de vérité et soif de droiture nous suivent. Quelques-uns d'entre vous n'appartiennent pas à mon bercail ; vous ne connaissez pas ma voix et vous ne me suivez pas. Parce que vous êtes de faux bergers, les brebis ne connaissent pas votre voix et ne veulent pas vous suivre. »

165:2.5 Lorsque Jésus eut conté cette parabole, nul ne lui posa de questions. Après un moment, il reprit la parole et poursuivit en analysant la parabole :

165:2.6 « Vous, qui voudriez être les bergers auxiliaires des troupeaux de mon Père, il vous faut non seulement être des chefs de valeur, mais aussi alimenter le troupeau avec de la bonne nourriture. Vous n'êtes de bons bergers qu'à condition de conduire vos troupeaux dans de verts pâturages et auprès d'eaux tranquilles.

165:2.7 « Et, maintenant, de crainte que certains d'entre vous ne comprennent trop facilement cette parabole, je déclare que je suis la porte du bercail du Père, et en même temps le vrai berger des troupeaux de mon Père. Tout berger qui cherche à entrer sans moi au bercail n'y parviendra pas, et les brebis n'écouteront pas sa voix. Avec mes compagnons de service, je suis la porte. Toute âme qui aborde la voie éternelle par les moyens que j'ai créés et ordonnés sera sauvée et pourra poursuivre sa route jusqu'aux éternels pâturages du Paradis.

165:2.8 « Mais je suis aussi le bon berger qui va jusqu'à offrir sa vie pour ses brebis. Un larron ne pénètre par effraction dans le bercail que pour voler, tuer et détruire, mais moi, je suis venu pour que vous puissiez tous avoir la vie, et l'avoir plus abondamment. Quand le danger surgit, le mercenaire s'enfuit et laisse les brebis être dispersées et détruites ; mais le vrai berger ne fuit pas à l'arrivée du loup ; il protège son troupeau et, si nécessaire, il donne sa vie pour ses brebis. En vérité, en vérité, je vous le dis à tous, amis et ennemis, je suis le vrai berger. Je connais les miens et les miens me connaissent. Je ne fuirai pas en face du danger. Je terminerai mon service en parachevant la volonté de mon Père, et je n'abandonnerai pas le troupeau que le Père a confié à ma garde.

165:2.9 « Toutefois, j'ai bien d'autres brebis qui n'appartiennent pas à ce bercail, et mes paroles ne s'appliquent pas uniquement à ce monde. Ces autres brebis entendent et connaissent également ma voix, et j'ai promis à mon Père qu'elles seraient toutes réunies en un seul bercail, en une seule fraternité des fils de Dieu. Alors, vous connaîtrez tous la voix du seul et vrai berger, et vous reconnaîtrez tous la paternité de Dieu.

165:2.10 « Vous connaîtrez ainsi pourquoi le Père m'aime et a remis tous les troupeaux de ce domaine entre mes mains pour que je les garde ; c'est parce que le Père sait que je ne chancellerai pas dans la protection du bercail, que je ne déserterai pas mes brebis et que, si c'était nécessaire, je n'hésiterais pas à donner ma vie au service de ses multiples troupeaux. Mais, prenez garde, si j'abandonne ma vie, je la reprendrai. Nul homme et nulle autre créature ne peuvent m'enlever la vie. J'ai le droit et le pouvoir de la donner, et j'ai le même pouvoir et le même droit de la reprendre. Vous ne pouvez comprendre cela, mais j'ai reçu cette autorité de mon Père avant même que ce monde ne fût. »

165:2.11 Lorsqu'ils entendirent ces paroles, ses apôtres furent confondus et ses disciples stupéfaits, tandis que les pharisiens de Jérusalem et des environs partirent dans la nuit en disant : « Ou bien il est fou, ou bien il est possédé par un démon. » Toutefois, même certains éducateurs de Jérusalem disaient : « Il parle comme quelqu'un ayant autorité. D'ailleurs, qui a jamais vu un possédé ouvrir les yeux d'un aveugle-né et accomplir toutes les choses merveilleuses que cet homme a accomplies ? »

165:2.12 Le lendemain matin, la moitié environ de ces éducateurs juifs confessaient leur croyance en Jésus, tandis que les autres retournaient consternés chez eux, à Jérusalem.

165.3  Le Sermon de Sabbat à Pella

165:3.1 À la fin de janvier, l'auditoire de l'après-midi du sabbat comptait presque trois-mille personnes. Le samedi 28 janvier, Jésus prêcha le mémorable sermon sur « La Confiance et l'État de Préparation Spirituelle » . Après des remarques préliminaires de Simon Pierre, le Maitre dit :

165:3.2 « Ce que j'ai maintes fois dit à mes apôtres et à mes disciples, je le proclame maintenant à cette foule : Méfiez-vous du levain des pharisiens, qui est l'hypocrisie, née des préjugés et nourrie des servitudes de la tradition. Cependant, beaucoup de pharisiens sont honnêtes dans leur coeur, et certains, ici présents, comptent parmi mes disciples. Bientôt, vous comprendrez tous mon enseignement, car il n'y a rien de secret qui ne doive être révélé. Ce qui vous est maintenant caché sera entièrement dévoilé quand le Fils de l'Homme aura parachevé sur terre sa mission en incarnation.

165:3.3 « Bientôt, très bientôt, les choses que nos ennemis projettent maintenant dans le secret et dans l'obscurité seront amenées à la lumière et proclamées sur tous les toits. Mais je vous le dis, mes amis, n'ayez pas peur d'eux quand ils chercheront à détruire le Fils de l'Homme. Ne craignez pas ceux qui sont peut-être capables de tuer le corps, mais ensuite n'ont plus aucun pouvoir sur vous. Je vous adjure de ne craindre personne, ni dans le ciel ni sur terre, mais de vous réjouir dans la connaissance de Celui qui a pouvoir de vous libérer de toute injustice et de vous présenter irréprochables devant le tribunal d'un univers.

165:3.4 « Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux deniers ? Et cependant, quand ces oiseaux volettent à la recherche de leur subsistance, aucun d'eux n'existe à l'insu du Père, source de toute vie. Pour les gardiens séraphiques, les cheveux même de votre tête sont comptés. Si tout cela est vrai, pourquoi devriez-vous vivre dans la crainte de nombreuses vétilles qui émaillent votre vie quotidienne ? Je vous le dis : ne craignez pas, vous valez bien plus que beaucoup de passereaux.

165:3.5 « Toux ceux d'entre vous qui ont eu le courage de confesser, devant les hommes, leur foi dans mon évangile, je les reconnaîtrai bientôt devant les anges des cieux. Mais quiconque aura sciemment nié, devant les hommes, la vérité de mes enseignements sera renié par le gardien de sa destinée jusque devant les anges des cieux.

165:3.6 « Dites ce que vous voulez sur le Fils de l'Homme ; cela vous sera pardonné. Mais quiconque a la présomption de blasphémer contre Dieu ne trouvera guère de pardon. Quand des hommes s'égarent au point d'attribuer sciemment les actes de Dieu aux forces du mal, ces rebelles délibérés n'ont guère l'intention de rechercher le pardon de leurs péchés.

165:3.7 « Si nos ennemis vous font comparaître devant les chefs des synagogues et devant d'autres hautes autorités, ne vous préoccupez pas de ce qu'il faudrait dire et ne vous inquiétez pas de la manière de répondre à leurs questions, car l'esprit qui habite en vous enseignera certainement sur l'heure ce qu'il faut dire à l'honneur de l'évangile du royaume.

165:3.8 « Combien de temps vous attarderez-vous dans la vallée de la décision ? Pourquoi vous arrêtez-vous entre deux opinions ? Pourquoi un Juif ou un Gentil hésiterait-il à accepter la bonne nouvelle qu'il est un fils du Dieu éternel ? Combien de temps nous faudra-t-il pour vous persuader d'entrer joyeusement dans votre héritage spirituel ? Je suis venu dans ce monde pour vous révéler le Père et vous conduire au Père. J'ai exécuté la première partie de ce programme, mais je n'ai pas le droit d'accomplir la seconde sans votre consentement ; le Père n'oblige jamais personne à entrer dans le royaume. L'invitation a toujours été et restera toujours la même : si quelqu'un veut entrer, qu'il vienne et partage librement l'eau de la vie. »

165:3.9 Quand Jésus eut fini de parler, un grand nombre d'auditeurs allèrent se faire baptiser dans le Jourdain par les apôtres, tandis que Jésus écoutait les questions de ceux qui étaient restés.

165.4  Le Partage de l'Héritage

165:4.1 Tandis que les apôtres baptisaient les croyants, le Maitre parla à ceux qui étaient demeurés près de lui ; et un certain jeune homme lui dit : « Maitre, mon père est mort en laissant de grands biens à mon frère et à moi, mais mon frère refuse de me donner ma part. Voudrais-tu lui demander de partager l'héritage avec moi ? » Jésus fut quelque peu indigné de voir ce jeune matérialiste amener la discussion sur une pareille question d'affaires, mais il saisit l'occasion pour communiquer de nouvelles instructions. Jésus dit : « Homme, qui m'a chargé de faire vos partages ? D'où as-tu tiré l'idée que je m'occupe des affaires matérielles de ce monde ? » Puis se tournant vers tous ceux qui l'entouraient, il dit : « Faites attention, et gardez-vous de la convoitise ; la vie d'un homme ne consiste pas dans l'abondance des biens qu'il possède. Le pouvoir de la fortune n'apporte pas le bonheur, et la joie ne provient pas des richesses. La fortune, par elle-même, n'est pas une malédiction, mais l'amour des richesses conduit bien souvent à se consacrer tellement aux choses de ce monde que l'âme devient aveugle aux attraits magnifiques des réalités spirituelles du royaume de Dieu sur terre, et aux joies de la vie éternelle dans les cieux.

165:4.2 « Laissez-moi vous raconter l'histoire d'un homme riche dont les terres produisaient des récoltes abondantes. Quand il fut devenu très riche, il se mit à raisonner en lui-même en se disant : `Que vais-je faire de tous mes biens ? J'en ai maintenant tellement que je n'ai plus de place pour emmagasiner mes richesses.' Après avoir médité sur son problème, il dit : `Voici ce que je vais faire. Je vais démolir mes granges et en bâtir de plus grandes, de sorte que j'aurai beaucoup de place pour conserver mes récoltes et mes biens. Alors, je pourrai dire à mon âme : tu as une grande fortune en réserve pour bien des années ; prends-en maintenant à ton aise ; mange, bois et sois joyeuse, car tu es riche et tes biens sont encore plus abondants.'

165:4.3 « Mais ce riche était également insensé. En pourvoyant aux nécessités matérielles de son mental et de son corps, il avait négligé d'accumuler des trésors dans les cieux pour la satisfaction de son esprit et le salut de son âme. Même ainsi, il ne devait pas jouir du plaisir de consommer ses biens thésaurisés, car, le soir même, son âme lui fut redemandée. Cette nuit-là, des brigands entrèrent par effraction dans sa maison pour le tuer et, après avoir pillé ses granges, ils mirent le feu à ce qui restait. Quant à la propriété, que les voleurs ne pouvaient emporter, les héritiers de l'homme riche se battirent entre eux à son sujet. Cet homme avait amassé des trésors pour lui-même sur terre, mais il n'était pas riche au regard de Dieu. »

165:4.4 Jésus traita ainsi le jeune homme et son héritage, parce qu'il savait que ses difficultés provenaient de sa convoitise. Même si cela n'avait pas été le cas, le Maitre ne serait pas intervenu, car il ne se mêlait jamais des affaires temporelles, même de celles de ses apôtres, et encore moins de celles de ses disciples.

165:4.5 Lorsque Jésus eut terminé son histoire, un autre homme se leva et lui demanda : « Maitre, je sais que tes apôtres ont vendu toutes leurs possessions terrestres pour te suivre, et qu'ils ont tout en commun, comme le pratiquent les esséniens. Mais tiens-tu à ce que nous tous, qui sommes tes disciples, nous fassions de même ? Est-ce un péché que de posséder une fortune honnête ? » À cette question, Jésus répondit : « Mon ami, ce n'est pas un péché d'avoir une fortune honnête ; mais c'est un péché de convertir une fortune de biens matériels en trésors susceptibles d'absorber votre intérêt et de détourner votre affection de la dévotion aux buts spirituels du royaume. Il n'y a pas de péché à détenir des possessions honnêtes sur terre, pourvu que votre trésor soit au ciel, car là où est votre trésor, là sera aussi votre coeur. Il existe aussi une grande différence entre la fortune conduisant à la convoitise et à l'égoïsme, et la fortune détenue et dépensée dans un esprit de gérance par ceux qui disposent en abondance des biens de ce monde et contribuent si libéralement à soutenir ceux qui consacrent toutes leurs énergies à l'oeuvre du royaume. Beaucoup d'entre vous, ici présents et dépourvus d'argent, sont nourris et logés dans le village de tentes voisin parce que des hommes et des femmes riches et généreux ont remis, à cet effet, des fonds à votre hôte David Zébédée.

165:4.6 « Mais n'oubliez pas qu'en fin de compte, la fortune n'est pas durable. L'amour des richesses obscurcit trop souvent la vision spirituelle, et même la détruit. Ne manquez pas de reconnaître le danger de voir l'argent devenir votre maitre et non votre serviteur. »

165:4.7 Jésus n'enseigna et n'approuva jamais l'imprévoyance, l'oisiveté, l'indifférence à fournir à sa famille le nécessaire sur le plan matériel, ou le fait de dépendre d'aumônes. Par contre, il enseigna que les affaires matérielles et temporelles doivent être subordonnées au bien-être de l'âme et au progrès de la nature spirituelle dans le royaume des cieux.

165:4.8 Ensuite, tandis que la foule descendait vers le fleuve pour assister aux baptêmes, le premier interlocuteur revint s'entretenir en privé, avec Jésus, de son héritage, car il estimait que Jésus l'avait traité durement. Après l'avoir écouté de nouveau, le Maitre dit : « Mon fils, pourquoi laisses-tu échapper l'occasion de te nourrir du pain de vie en un jour comme celui-ci, et t'abandonnes-tu à ta tendance à la convoitise ? Ne sais-tu pas que les lois successorales juives seront appliquées avec justice si tu vas porter ta plainte au tribunal de la synagogue ? Ne vois-tu pas que mon oeuvre consiste à m'assurer que tu connaisses ce qui concerne ton héritage céleste ? N'as-tu pas lu dans les Écritures : `Celui qui devient riche par excès de précaution et de parcimonie reçoit la récompense que voici. Il dit : J'ai trouvé le repos, et maintenant je pourrai manger continuellement mes biens, mais il ne sait pas ce que le temps lui apportera, ni qu'il devra laisser toutes ces choses à d'autres quand il mourra.' Et n'as-tu pas lu le commandement : `Tu ne convoiteras pas.' Et aussi : `Ils ont mangé et se sont rassasiés, et ils sont devenus gras et ensuite ils se sont tournés vers d'autres dieux.' As-tu lu dans les Psaumes que `le Seigneur abhorre les cupides', et que `le peu que possède un homme juste vaut mieux que les richesses de beaucoup de méchants.' `Si ta fortune s'accroit, n'y attache pas ton coeur.' As-tu lu le passage où Jérémie dit : `Que le riche ne se glorifie pas dans ses richesses.' Ézéchiel a exprimé la vérité en disant : `Avec leur bouche, ils font montre d'amour, mais leur coeur est attaché à leurs gains égoïstes.' »

165:4.9 Jésus congédia le jeune homme en lui disant : « Mon fils, quel profit auras-tu à gagner le monde entier, si tu perds ton âme ? »

165:4.10 Un autre auditeur voisin demanda comment les riches seraient traités au jour du jugement, et Jésus répondit : « Je ne suis venu juger ni les riches ni les pauvres ; c'est la manière de vivre des hommes qui les jugera tous. Quant au reste de ce qui concerne le jugement des riches, toute personne ayant acquis une grande fortune devra répondre au moins aux trois questions suivantes :

165:4.11 « 1. Quelle fortune as-tu accumulée ?

165:4.12 « 2. Comment l'as-tu acquise ?

165:4.13 « 3. Quel emploi en as-tu fait ? »

165:4.14 Ensuite, Jésus se retira dans sa tente pour s'y reposer un moment avant le repas du soir. Quand les apôtres eurent fini de baptiser, ils vinrent aussi et auraient voulu s'entretenir avec lui des richesses sur terre et du trésor au ciel, mais le Maitre dormait.

165.5  Conférences aux Apôtres sur la Richesse

165:5.1 Ce soir-là après le souper, lorsque Jésus et les douze apôtres se réunirent pour leur conférence quotidienne, André demanda : « Maitre, pendant que nous baptisions les croyants, tu as longuement parlé à la foule attardée, et nous n'avons pas entendu ce que tu as dit. Voudrais-tu le répéter à notre intention ? » En réponse à la requête d'André, Jésus dit :

165:5.2 « Oui, André, je vais vous parler de ces questions de fortune et de moyens d'existence, mais ce que je vous dirai, à vous mes apôtres, devra différer quelque peu des paroles adressées aux disciples et à la multitude ; en effet, vous avez tout quitté, non seulement pour me suivre, mais pour recevoir l'ordination d'ambassadeurs du royaume. Vous avez déjà plusieurs années d'expérience et vous savez que le Père, dont vous proclamez le royaume, ne vous abandonnera pas. Vous avez consacré votre vie au ministère du royaume ; donc, n'ayez ni inquiétude ni soucis à propos des choses de la vie temporelle, pour ce que vous mangerez, ni même pour votre corps et pour les vêtements que vous porterez. Le bien-être de l'âme vaut plus que la nourriture et la boisson ; le progrès en esprit transcende de loin le besoin de vêtements. Si vous êtes tentés de mettre en doute la sécurité de votre pain quotidien, considérez les corbeaux ; ils ne sèment ni ne récoltent, ils n'ont ni entrepôts ni greniers, et cependant le Père procure de la nourriture à tous ceux d'entre eux qui la cherchent. Combien vous valez plus que beaucoup d'oiseaux ! En outre, toute votre anxiété ou les doutes qui vous rongent ne peuvent rien faire pour satisfaire vos besoins matériels. Qui d'entre vous, par son inquiétude, peut ajouter une largeur de main à sa stature ou un jour à sa vie ? Puisque ces questions ne dépendent pas de vous, pourquoi réfléchissez-vous avec anxiété à ces problèmes ?

165:5.3 « Considérez les lis et comment ils croissent ; ils ne travaillent ni ne filent, et cependant je vous dis que, dans toute sa gloire, Salomon lui-même n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui aujourd'hui est vivante et demain sera coupée et jetée au feu, combien mieux vous vêtira-t-il, vous, les ambassadeurs du royaume céleste. Hommes de peu de foi ! Quand vous vous consacrez de tout coeur à proclamer l'évangile du royaume, vous ne devriez pas avoir de pensées de doute sur la subsistance de vos personnes ou des familles que vous avez abandonnées. Si vous donnez vraiment votre vie à l'évangile, vous vivrez par l'évangile. Si vous êtes simplement des disciples croyants, il vous faut gagner votre propre vie et contribuer à l'entretien de tous ceux qui enseignent, prêchent et guérissent. Si vous êtes inquiets de votre nourriture et de votre boisson, en quoi êtes-vous différents des nations du monde qui recherchent ces nécessités avec tant de diligence ? Consacrez-vous à votre travail avec la conviction que mon Père et moi, nous savons tous deux que vous avez besoin de ces choses. Laissez-moi vous assurer, une fois pour toutes, que, si vous dédiez votre vie à l'oeuvre du royaume, tous vos besoins réels seront satisfaits. Cherchez la grande chose, et vous trouverez que les moindres y sont contenues ; demandez les choses célestes, et les choses terrestres y seront incluses. L'ombre est certaine de suivre la substance.

165:5.4 « Vous n'êtes qu'un petit groupe, mais, si vous avez la foi, si la peur ne vous fait pas trébucher, je déclare que le bon plaisir de mon Père est de vous donner ce royaume. Vous avez amassé vos trésors à l'endroit où les bourses ne vieillissent pas, où nul voleur ne peut vous dépouiller, où nul mite ne peut détruire. Comme je l'ai dit au peuple, là où est votre trésor, là sera aussi votre coeur.

165:5.5 « Mais dans l'oeuvre qui nous attend immédiatement, et dans celle qui vous restera à accomplir après mon retour auprès du Père, vous serez sévèrement mis à l'épreuve. Il faut que vous soyez tous sur vos gardes contre la peur et les doutes. Que chacun de vous se ceigne les reins mentalement et garde sa lampe allumée. Conduisez-vous comme des hommes qui veillent en attendant que leur maitre revienne de la fête de mariage, de sorte qu'au moment où il viendra et frappera, vous pourrez rapidement lui ouvrir. Le maitre bénira ces serviteurs vigilants qu'il trouvera fidèles en cette grande occasion. Le maitre les fera alors assoir, tandis que lui-même les servira. En vérité, en vérité, je le dis, une crise est imminente dans votre vie ; il vous incombe de veiller et d'être prêts.

165:5.6 « Vous comprenez bien que nul homme ne laisserait un voleur pénétrer par effraction dans sa maison s'il connaissait l'heure où le voleur doit venir. Veillez donc aussi sur vous-mêmes, car, à l'heure que vous soupçonnerez le moins, et d'une manière que vous n'imaginez pas, le Fils de l'Homme s'en ira. »

165:5.7 Les douze restèrent assis quelques minutes en silence. Ils avaient déjà entendu précédemment certains de ces avertissements, mais jamais dans le cadre où Jésus venait de les leur donner.

165.6  Réponse à la Question de Pierre

165:6.1 Tandis qu'ils étaient pensivement assis, Simon Pierre demanda : « Racontes-tu cette parabole pour nous, tes apôtres, ou est-elle destinée à tous les disciples ? » Jésus répondit :

165:6.2 « À l'heure de l'épreuve, l'âme de l'homme est révélée ; l'épreuve dévoile ce qu'il y a réellement dans le coeur. Quand un serviteur est éprouvé et qualifié, alors le maitre de la maison peut l'établir sur sa maisonnée et s'en remettre en sécurité à ce fidèle intendant du soin de veiller à la nourriture et aux besoins de ses enfants. De même, je saurai bientôt à qui je peux confier le bien-être de mes enfants après mon retour auprès du Père. Tout comme le maitre de maison confiera, au serviteur fidèle et éprouvé, les affaires de sa famille, moi aussi j'élèverai, dans les affaires de mon royaume, ceux qui supporteront les épreuves de cette heure.

165:6.3 « Mais, si le serviteur est indolent et commence à dire dans son coeur `mon maitre retarde son retour' , s'il commence à maltraiter les autres serviteurs, et à manger et à boire avec les ivrognes, alors, le maitre arrivera à un moment où le serviteur ne s'y attendra pas et, le trouvant infidèle, il le chassera dans la disgrâce. Vous ferez donc bien de vous préparer pour le jour où vous serez visités à l'improviste et d'une manière inattendue. Souvenez-vous qu'il vous a été beaucoup donné. Il vous sera donc beaucoup demandé. De terribles épreuves sont imminentes pour vous. Il faut que je subisse un baptême, et je reste sur mes gardes jusqu'à ce que ce soit accompli. Vous prêchez la paix sur terre, mais ma mission n'apportera pas la paix dans les affaires matérielles des hommes - du moins pas avant un certain temps. Si deux membres d'une famille croient en moi et si trois autres rejettent l'évangile, il n'en peut résulter qu'une division. Amis, parents et personnes chéries sont destinés à se dresser les uns contre les autres à cause de l'évangile que vous prêchez. Il est vrai que chaque croyant jouira dans son coeur d'une grande paix durable, mais la paix sur terre ne viendra pas avant que tous les hommes ne soient prêts à croire et à entrer dans leur glorieux héritage de filiation avec Dieu. Malgré cela, allez, dans le monde entier, proclamer cet évangile à toutes les nations, à chaque homme, à chaque femme et à chaque enfant. »

165:6.4 Ainsi se termina une journée de sabbat active et bien remplie. Le lendemain matin, Jésus et les douze s'en allèrent dans les cités du nord de la Pérée pour s'entretenir avec les soixante-dix qui travaillaient dans ces régions sous la supervision d'Abner.

166. Dernière Tournée en Pérée du Nord

166:0.1 DU 11 au 20 février, Jésus et les douze firent une tournée, en Pérée du Nord, dans toutes les villes et tous les villages où opéraient les associés d'Abner et les femmes du corps évangélique. Ils trouvèrent que ces messagers de l'évangile réussissaient bien, et Jésus attira, maintes fois, l'attention de ses apôtres sur le fait que l'on pouvait répandre l'évangile du royaume sans accompagnement de miracles ou de prodiges.

166:0.2 Toute cette mission de trois mois en Pérée fut exécutée avec succès et avec peu d'aide de la part des douze apôtres. Depuis ce moment-là, l'évangile refléta davantage les enseignements de Jésus que sa personnalité. Mais ses disciples ne suivirent pas longtemps ses instructions ; en effet, peu après la mort et la résurrection de Jésus, ils s'écartèrent de ses enseignements et commencèrent à construire l'Église primitive autour des concepts miraculeux et des souvenirs glorifiés de sa personnalité à la fois divine et humaine.

166.1  Les Pharisiens à Ragaba

166:1.1 Le 18 février, jour de sabbat, Jésus se trouvait à Ragaba, où vivait un riche pharisien nommé Nathanael. Un bon nombre d'autres pharisiens suivaient Jésus et les douze dans la tournée du pays. Nathanael prépara donc, pour cette matinée de sabbat, un déjeuner pour eux tous, vingt personnes environ, et invita Jésus comme hôte d'honneur.

166:1.2 Au moment où Jésus arriva à ce déjeuner, la plupart des pharisiens, ainsi que deux ou trois légistes, étaient déjà là, assis à table. Le Maitre prit immédiatement place à gauche de Nathanael sans se laver les mains aux aiguières. Beaucoup de pharisiens, et spécialement ceux qui étaient favorables aux enseignements de Jésus, savaient qu'il se lavait les mains uniquement par souci de propreté et qu'il abhorrait ces rites purement cérémoniels ; ils ne furent donc pas surpris de le voir s'assoir directement à table sans s'être deux fois lavé les mains. Mais Nathanael fut choqué de ce que le Maitre ne se soit pas conformé aux strictes exigences des pratiques pharisiennes. Jésus ne se lavait d'ailleurs pas non plus les mains, comme le faisaient les pharisiens, à la fin de chaque service d'un nouveau plat, ni à la fin du repas.

166:1.3 Après que Nathanael eut longuement chuchoté avec un pharisien inamical assis à sa droite, et que les invités assis en face du Maitre eurent, maintes fois, levé les sourcils en réprobation et fait sarcastiquement la moue, Jésus finit par dire : « Je croyais que vous m'aviez invité dans cette maison pour rompre le pain avec vous, et peut-être pour me poser des questions concernant la proclamation du nouvel évangile du royaume de Dieu. Mais je vois que vous m'avez amené ici pour assister à une exhibition de dévotion cérémonielle à votre pharisaïsme. Maintenant que vous l'avez fait, qu'allez-vous offrir à votre invité d'honneur en cette occasion ? »

166:1.4 Après que le Maitre eut ainsi parlé, ils baissèrent les yeux en regardant la table et ne dirent rien. Personne ne prenant la parole, Jésus poursuivit : « Parmi les pharisiens ici présents, beaucoup sont ici en amis ; et certains sont même mes disciples, mais la majorité des pharisiens persiste à refuser de voir la lumière et de reconnaître la vérité, même quand l'oeuvre de l'évangile leur est présentée avec grande puissance. Avec quel soin vous nettoyez l'extérieur des coupes et des écuelles, alors que les récipients de nourriture spirituelle sont malpropres et pollués ! Vous veillez à offrir une apparence pieuse et sainte au peuple, mais l'intérieur de votre âme est rempli de pharisaïsme, de convoitise, d'exactions et de toutes sortes de perversités spirituelles. Vos dirigeants osent même comploter et faire des plans pour assassiner le Fils de l'Homme. Insensés, ne comprenez-vous pas que le Dieu du ciel regarde les mobiles intérieurs de votre âme aussi bien que vos simulacres extérieurs et vos pieuses professions de foi ? Ne croyez pas qu'en donnant des aumônes et en payant des dimes, vous serez purifiés de votre injustice et capables de vous présenter purs devant le Juge de tous les hommes. Malheur à vous, pharisiens, qui avez persisté à rejeter la lumière de la vie ! Vous payez méticuleusement la dime et vous faites l'aumône avec ostentation, mais vous méprisez sciemment la visitation de Dieu et vous rejetez la révélation de son amour. Vous avez raison de prêter attention à vos devoirs mineurs, mais vous ne devriez pas avoir négligé ces exigences majeures. Malheur à tous ceux qui fuient la justice, dédaignent la miséricorde et rejettent la vérité ! Malheur à tous ceux qui méprisent la révélation du Père, alors qu'ils recherchent des sièges d'honneur dans la synagogue et désirent ardemment des salutations flatteuses sur la place du marché ! »

166:1.5 Alors que Jésus était sur le point de se lever pour partir, un des légistes assis à la table lui demanda : « Maitre, dans certains de tes propos, tu nous fais également des reproches. N'y a-t-il rien de bon chez les scribes, les pharisiens et les docteurs de la loi ? » Jésus se leva et répondit au légiste : « Comme les pharisiens, vous prenez plaisir à occuper les premières places aux fêtes et à porter de longues robes, tandis que vous mettez sur les épaules des hommes de lourds fardeaux, pénibles à porter. Et, quand les âmes des hommes chancellent sous ces lourds fardeaux, vous ne levez pas le petit doigt pour les soulager. Malheur à vous, qui trouvez vos plus grandes délices à bâtir des tombeaux pour les prophètes que vos pères ont tués ! Votre consentement aux actes de vos pères est rendu manifeste, en ce sens que vous projetez maintenant de tuer ceux qui viennent, aujourd'hui, faire les mêmes choses que les prophètes en leur temps, proclamer la justice de Dieu et révéler la miséricorde du Père céleste. Mais, de toutes les générations passées, c'est à cette génération perverse et pharisaïque que sera redemandé le sang des prophètes et des apôtres. Malheur à vous tous, légistes, qui avez enlevé la clef de la connaissance au commun du peuple ! Vous-mêmes, vous refusez d'entrer dans la voie de la vérité, et, en même temps, vous voudriez faire obstacle à tous ceux qui cherchent à y entrer. Mais vous ne pouvez fermer ainsi les portes du royaume des cieux ; nous les avons ouvertes à tous ceux qui ont assez de foi pour entrer. Ces portes de miséricorde ne seront pas closes par les préjugés et l'arrogance de faux éducateurs et de bergers déloyaux qui ressemblent à des sépulcres blanchis ; à l'extérieur, ils apparaissent magnifiques, mais, à l'intérieur, ils sont pleins d'ossements et de toutes sortes d'impuretés spirituelles. »

166:1.6 Lorsque Jésus eut fini de parler à la table de Nathanael, il sortit de la maison sans avoir pris de nourriture. Parmi les pharisiens qui avaient entendu ces paroles, certains crurent à son enseignement et entrèrent dans le royaume, mais la majorité persista dans la voie des ténèbres. Ils furent d'autant plus résolus à le guetter pour surprendre certaines de ses paroles susceptibles de servir à le faire arrêter et juger par le sanhédrin de Jérusalem.

166:1.7 Il n'y avait que trois choses auxquelles les pharisiens prêtaient une attention particulière :

166:1.8 1. Pratiquer strictement la dime.

166:1.9 2. Observer scrupuleusement les règles de purification.

166:1.10 3. Éviter de s'associer avec tous ceux qui n'étaient pas pharisiens.

166:1.11 À ce moment, Jésus cherchait à mettre à nu la stérilité spirituelle des deux premières pratiques. Quant à ses remarques destinées à reprocher aux pharisiens leur refus d'entretenir des relations sociales avec des non pharisiens, il les réservait pour une occupation ultérieure où il dinerait de nouveau avec nombre de ces mêmes convives

166.2  Les Dix Lépreux

166:2.1 Le lendemain, Jésus se rendit avec les douze à Amathus, près de la frontière de Samarie. En approchant de la ville, ils rencontrèrent un groupe de dix lépreux qui séjournaient dans le voisinage, et dont l'un était Samaritain et les neuf autres, Juifs. Ordinairement, ces Juifs se seraient abstenus de toute association ou de tout contact avec ce Samaritain, mais leur affliction commune était plus que suffisante pour triompher de tous les préjugés religieux. Ils avaient beaucoup entendu parler de Jésus et de ses premières guérisons miraculeuses ; en outre, les soixante-dix avaient pris l'habitude d'annoncer le moment probable de l'arrivée de Jésus quand le Maitre faisait une tournée avec les douze apôtres. Les dix lépreux avaient donc été informés que l'on s'attendait à voir apparaître le Maitre dans le voisinage vers cette heure ; en conséquence, ils s'étaient postés là, aux abords de la ville, avec l'espoir d'attirer son attention et de demander à être guéris. Quand les lépreux virent Jésus arriver, ils n'osèrent pas l'approcher et se tinrent à distance en lui criant : « Maitre, aie pitié de nous. Purifie-nous de notre mal. Guéris-nous comme tu en as guéri d'autres. »

166:2.2 Jésus venait d'expliquer aux douze pourquoi les Gentils de Pérée et les Juifs les moins orthodoxes étaient plus disposés que les Juifs de Judée (plus orthodoxes et liés par la tradition) à croire à l'évangile prêché par les soixante-dix. Il avait attiré leur attention sur le fait que leur message avait également été reçu plus aisément par les Galiléens, et même par les Samaritains. Mais les douze apôtres n'étaient pas encore prêts à entretenir des sentiments amicaux envers les Samaritains, méprisés depuis si longtemps.

166:2.3 En conséquence, lorsque Simon Zélotès remarqua le Samaritain parmi les lépreux, il incita le Maitre à poursuivre carrément son chemin vers la ville sans perdre un moment pour échanger des salutations avec eux. Jésus dit à Simon : « Suppose que le Samaritain aime Dieu autant que les Juifs ? Allons-nous juger nos semblables ? Qui peut le dire ? Si nous guérissons ces dix hommes, peut-être bien que le Samaritain se montrera même plus reconnaissant que les Juifs ? Te sens-tu bien certain de ton opinion, Simon ? » Et Simon s'empressa de répondre : « Si tu les purifies, tu ne tarderas pas à le savoir. » Jésus répliqua : « Ainsi soit-il, Simon ; tu connaîtras bientôt la vérité sur la gratitude des hommes et l'amour miséricordieux de Dieu. »

166:2.4 Jésus s'approcha des lépreux et dit : « Si vous voulez être guéris, allez immédiatement vous montrer aux prêtres comme le prescrit la loi de Moïse. » Et, pendant qu'ils y allaient, ils furent guéris. Voyant qu'on l'avait guéri, le Samaritain revint sur ses pas à la recherche de Jésus et commença à glorifier Dieu à haute voix. Quand il eut trouvé le Maitre, il tomba à genoux à ses pieds et rendit grâces pour sa purification. Les neuf autres, les Juifs, s'étaient également rendu compte de leur guérison et furent également reconnaissants pour leur purification, mais ils continuèrent leur chemin pour se montrer aux prêtres.

166:2.5 Tandis que le Samaritain restait agenouillé aux pieds de Jésus, le Maitre promena son regard sur les douze, spécialement sur Simon Zélotès, et dit : « Les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Où sont alors les neuf autres, les Juifs ? L'un d'eux seulement, cet étranger, est revenu rendre gloire à Dieu. » Puis il dit au Samaritain : « Lève-toi et va ton chemin ; ta foi t'a guéri. »

166:2.6 Jésus regarda de nouveau ses apôtres tandis que l'étranger s'éloignait. Et tous les apôtres regardèrent Jésus, sauf Simon Zélotès, qui garda les yeux baissés. Les douze ne dirent pas un mot ; et Jésus ne parla pas non plus, car c'était superflu.

166:2.7 Les dix hommes croyaient sincèrement qu'ils avaient la lèpre, mais quatre seulement en étaient atteints. Les six autres furent guéris d'une maladie de peau qu'ils avaient confondue avec la lèpre. Mais le Samaritain était réellement lépreux.

166:2.8 Jésus enjoignit aux douze de ne rien dire sur la purification des lépreux. En entrant à Amathus, il fit remarquer : « Vous voyez comment les enfants de la maison, même quand ils sont insubordonnés à la volonté de leur Père, considèrent leurs bénédictions comme un droit. Ils considèrent de peu d'importance le fait de négliger de rendre grâces quand le Père leur confère la guérison, mais, quand les étrangers reçoivent des dons du maitre de maison, ils sont émerveillés et contraints de rendre grâces en reconnaissance des bonnes choses qui leur ont été données. » Et les apôtres continuèrent à ne rien répondre aux paroles du Maitre.

166.3  Le Sermon à Gérasa

166:3.1 Pendant que Jésus et les douze s'entretenaient avec les messagers du royaume à Gérasa, l'un des pharisiens qui croyaient en lui posa la question suivante : « Seigneur, les personnes réellement sauvées seront-elles rares ou nombreuses ? » Et Jésus répondit :

166:3.2 « On vous a enseigné que seuls les enfants d'Abraham seront sauvés, que seuls les Gentils d'adoption peuvent espérer le salut. Les Écritures relatent que, parmi toutes les foules de l'exode d'Égypte, seuls Caleb et Josué vécurent pour entrer dans la terre promise. Certains d'entre vous en ont conclu qu'un nombre relativement faible de ceux qui cherchent le royaume des cieux parviendront à y pénétrer.

166:3.3 « Vous avez aussi un autre dicton qui contient beaucoup de vérité : le chemin qui mène à la vie éternelle est droit et étroit, et la porte qui y conduit est également étroite, de sorte que, parmi ceux qui cherchent le salut, rares sont ceux qui parviennent à entrer par cette porte. Vous avez également un enseignement disant que le chemin qui mène à la destruction est large, que son entrée l'est aussi et que beaucoup choisissent de suivre cette route. Ce proverbe n'est pas dépourvu de signification, mais je déclare que le salut est d'abord une affaire de choix personnel. Même si la porte du chemin de la vie est étroite, elle est assez large pour admettre tous ceux qui cherchent sincèrement à entrer, car je suis cette porte. Le Fils ne refusera l'entrée à aucun enfant de l'univers cherchant par la foi à trouver le Père par la voie du Fils.

166:3.4 « Mais voici le danger pour tous ceux qui voudraient retarder leur entrée dans le royaume pour continuer à rechercher les plaisirs de l'immaturité et à s'adonner aux satisfactions de l'égoïsme. Ayant refusé d'entrer dans le royaume à titre d'expérience spirituelle, ils chercheront peut-être à y pénétrer quand la gloire du meilleur chemin sera révélée dans l'âge à venir. En conséquence, ceux qui ont repoussé le royaume quand je suis venu dans la similitude de l'humanité chercheront à y entrer quand il sera révélé dans la similitude de la divinité. Mais, alors, je dirai à tous ces égoïstes : Je ne sais d'où vous venez. L'occasion vous a été offerte de vous préparer à cette citoyenneté céleste, mais vous avez refusé toutes les offres de miséricorde ; vous avez rejeté toutes les invitations à venir pendant que la porte était ouverte. Maintenant, à vous, qui avez refusé le salut, la porte est fermée. Elle n'est pas ouverte à ceux qui voudraient entrer dans le royaume pour se glorifier égoïstement. Le salut n'est pas pour ceux qui ne veulent pas payer le prix d'une consécration sincère à faire la volonté de mon Père. Si, dans votre esprit et dans votre âme, vous avez tourné le dos au royaume de mon Père, il est inutile de vous tenir mentalement et corporellement devant la porte et de frapper en disant : `Seigneur, ouvre-nous ; nous voudrions aussi être grands dans le royaume.' Alors je déclarerai que vous n'appartenez pas à mon bercail. Je ne vous recevrai pas parmi ceux qui ont mené le bon combat de la foi et gagné la récompense du service désintéressé du royaume sur terre. Quand vous direz : `N'avons-nous pas mangé et bu avec toi, et n'as-tu pas enseigné dans nos rues ?' Je déclarerai de nouveau que vous êtes des étrangers spirituels, que nous n'avons pas servi ensemble sur terre dans le ministère de miséricorde du Père, et que je ne vous connais pas. Alors, le Juge de toute la terre dira : `Allez-vous-en, vous tous qui avez pris plaisir aux oeuvres d'iniquité.'

166:3.5 « Toutefois, ne craignez point ; quiconque désire sincèrement trouver la vie éternelle en entrant dans le royaume de Dieu obtiendra certainement le salut éternel. Mais vous, qui refusez ce salut, vous verrez un jour les prophètes de la semence d'Abraham siéger dans le royaume glorifié avec les croyants des nations païennes pour partager le pain de vie et se rafraichir avec l'eau de la vie. Ceux qui s'empareront ainsi du royaume avec puissance spirituelle et par les assauts persévérants de la foi vivante viendront du nord et du midi, de l'orient et de l'occident. Et voici, beaucoup de ceux qui étaient les premiers seront les derniers, et ceux qui étaient les derniers seront bien souvent les premiers. »

166:3.6 Ce sermon fut, en vérité, une version nouvelle et insolite du vieux proverbe bien connu au sujet du chemin droit et étroit.

166:3.7 Les apôtres et nombre de disciples apprenaient lentement la signification de la déclaration antérieure de Jésus : « Si vous n'êtes pas nés à nouveau, nés de l'esprit, vous ne pouvez entrer dans le royaume de Dieu. » Néanmoins, pour tous ceux qui ont un coeur honnête et une foi sincère, la citation suivante reste éternellement vraie : « Voici, je me tiens à la porte du coeur des hommes et je frappe ; si quelqu'un veut m'ouvrir, j'entrerai, je souperai avec lui et je le nourrirai du pain de vie ; nous ne ferons qu'un en esprit et n'aurons qu'un dessein ; ainsi, nous serons toujours frères dans la longue et féconde tâche de rechercher le Père du Paradis. » Donc, le petit ou le grand nombre de ceux qui doivent être sauvés dépend entièrement du petit ou grand nombre de ceux qui tiendront compte de l'invitation : « Je suis la porte, je suis le chemin nouveau et vivant ; quiconque le veut peut entrer et se lancer dans la recherche sans fin, par la vérité, de la vie éternelle. »

166:3.8 Même les apôtres furent incapables de comprendre pleinement l'enseignement du Maitre sur la nécessité d'utiliser la force spirituelle pour se frayer un passage à travers toutes les résistances matérielles, et pour surmonter tous les obstacles terrestres qui pourraient bloquer le chemin de la compréhension des valeurs spirituelles, si essentielles, de la nouvelle vie vécue dans l'esprit en tant que fils affranchis de Dieu.

166.4  Une Leçon sur les Accidents

166:4.1 Alors que la plupart des Palestiniens ne prenaient que deux repas par jour, Jésus et les apôtres avaient l'habitude, quand ils étaient en déplacement, de s'arrêter à midi pour se reposer et se restaurer. Ce fut à l'une de ces pauses de midi, sur la route de Philadelphie, que Thomas demanda à Jésus : « Maitre, après avoir entendu tes remarques au cours du trajet de ce matin, je voudrais savoir si les êtres spirituels participent à la production d'évènements étranges et extraordinaires dans le monde matériel ; en outre, je voudrais demander si les anges ou d'autres êtres spirituels sont capables d'empêcher les accidents. »

166:4.2 En réponse à la question de Thomas, Jésus dit : « N'ai-je pas été assez longtemps avec vous pour que vous cessiez de me poser de telles questions ? N'avez-vous pas observé que le Fils de l'Homme vit en unité avec vous et refuse avec persistance d'employer les forces célestes pour son soutien personnel ? Ne vivons-nous pas tous par les mêmes moyens qui permettent à tous les hommes d'exister ? Voyez-vous le pouvoir du monde spirituel se manifester dans la vie matérielle de ce monde en dehors de la révélation du Père et de la guérison occasionnelle de ses enfants malades ?

166:4.3 « Vos ancêtres ont bien trop longtemps cru que la prospérité était le signe de l'approbation divine, et l'adversité la preuve du déplaisir de Dieu. Je proclame que de telles croyances sont des superstitions. Ne remarquez-vous pas que les pauvres, en bien plus grand nombre que les riches, reçoivent joyeusement l'évangile et entrent immédiatement dans le royaume ? Si les richesses prouvent la faveur divine, pourquoi les riches refusent-ils si souvent de croire à cette bonne nouvelle venant du ciel ?

166:4.4 « Le Père fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes ; le soleil éclaire pareillement ceux qui pratiquent la droiture et ceux qui ne la pratiquent pas. Vous avez entendu parler de ces Galiléens dont Pilate a mêlé le sang à celui des sacrifices ; je vous dis que ces Galiléens n'étaient pas de plus grands pécheurs que leurs compatriotes simplement parce que c'est à eux que cela est arrivé. Vous connaissez aussi l'histoire des dix-huit hommes tués par la chute de la tour de Siloé. Ne croyez pas que les hommes ainsi anéantis étaient plus coupables que tous leurs frères de Jérusalem. Ils furent simplement d'innocentes victimes d'un accident du temps.

166:4.5 « Trois sortes d'évènements peuvent se produire dans votre vie :

166:4.6 « 1. Vous pouvez participer aux évènements normaux en faisant partie de l'existence que vous et vos compagnons vivez sur terre.

166:4.7 « 2. Vous pouvez par hasard être victime d'un accident de la nature, de l'une des malchances humaines, en sachant parfaitement que ces évènements ne sont aucunement concertés d'avance ni produits autrement par les forces spirituelles du royaume.

166:4.8 « 3. Vous pouvez récolter la moisson de vos efforts directs pour vous conformer aux lois naturelles qui gouvernent le monde.

166:4.9 « Un jour, un homme planta un figuier dans sa cour. Après y avoir maintes fois cherché du fruit sans en trouver, il appela les vignerons et leur dit : `Je suis venu ici au cours des trois dernières saisons pour chercher des fruits sur ce figuier, et je n'en ai trouvé aucun. Coupez cet arbre stérile ; pourquoi encombrerait-il le sol ?' Mais le chef jardinier répondit à son maitre : `Laisse-le encore une année pour que je puisse creuser autour de lui et y mettre de l'engrais. S'il ne porte pas de fruits l'année prochaine, alors on le coupera.' Et, lorsqu'ils se furent ainsi conformés aux lois de la fertilité, ils furent récompensés par une abondante récolte, car l'arbre était vivant et bon.

166:4.10 « En matière de maladie et de santé, vous devriez savoir que ces états physiques résultent de causes matérielles. La santé n'est pas un sourire du ciel, ni la maladie un froncement de sourcils de Dieu.

166:4.11 « Les enfants humains du Père sont égaux quant à leur capacité à recevoir des bénédictions matérielles ; c'est pourquoi il donne des choses physiques à tous les enfants des hommes sans discrimination. Quand on en vient à l'attribution des dons spirituels, le Père est limité par la capacité de l'homme à recevoir ces dons divins. Bien que le Père ne fasse pas acception de personnes, il est limité, dans l'effusion des dons spirituels, par la foi de l'homme et son désir de se conformer toujours à la volonté du Père. »

166:4.12 Tandis que les apôtres poursuivaient leur route vers Philadelphie, Jésus continua à les enseigner et à répondre à leurs questions concernant les accidents, les maladies et les miracles, mais ils ne furent pas capables de comprendre pleinement cette leçon. Une heure d'enseignement ne suffit pas pour changer de fond en comble les croyances de toute une vie. Jésus trouva donc nécessaire de réitérer son message, de répéter à maintes reprises ce qu'il voulait leur faire comprendre. Même ainsi, ils ne saisirent la signification de sa mission terrestre qu'après sa mort et sa résurrection.

166.5  L'Assemblée de Philadelphie

166:5.1 Jésus et les douze allaient rendre visite à Abner et à ses associés, qui prêchaient et enseignaient à Philadelphie. Parmi toutes les villes de Pérée, c'est à Philadelphie que le groupe le plus nombreux de Juifs et de Gentils, riches et pauvres, instruits et ignorants, adopta les enseignements des soixante-dix et entra ainsi dans le royaume des cieux. La synagogue de Philadelphie n'avait jamais été soumise à la juridiction du sanhédrin de Jérusalem ; elle n'avait donc jamais été fermée aux enseignements de Jésus et de ses associés. À ce moment même, Abner donnait trois leçons par jour dans la synagogue de Philadelphie.

166:5.2 C'est cette même synagogue qui devint, plus tard, une église chrétienne et fut le quartier général des missionnaires qui promulguèrent l'évangile dans les régions situées plus à l'est. Elle fut longtemps une forteresse des enseignements du Maitre ; durant des siècles, elle se dressa seule dans cette région en tant que centre d'éducation chrétienne.

166:5.3 Les Juifs de Jérusalem avaient toujours eu des problèmes avec les Juifs de Philadelphie. Après la mort et la résurrection de Jésus, l'Église de Jérusalem, dont Jacques, frère du Seigneur, était le chef, commença à avoir de graves difficultés avec l'assemblée des croyants de Philadelphie. Abner devint le chef de l'Église de Philadelphie et le resta jusqu'à sa mort. Cette séparation d'avec Jérusalem explique pourquoi les récits évangéliques du Nouveau Testament ne mentionnent jamais Abner et son oeuvre. Cette querelle entre Jérusalem et Philadelphie dura pendant toute la vie de Jacques et d'Abner, et continua encore quelque temps après la destruction de Jérusalem. Philadelphie fut réellement le quartier général de l'Église primitive dans le sud et l'est, comme Antioche le fut dans le nord et l'ouest.

166:5.4 Selon toute apparence, le malheur d'Abner fut d'être en désaccord avec tous les chefs de l'Église chrétienne primitive. Il se brouilla avec Pierre et Jacques (frère de Jésus) à propos de questions concernant l'administration et la juridiction de l'Église de Jérusalem. Il se sépara de Paul à propos de divergences philosophiques et théologiques. Abner avait une philosophie plus babylonienne qu'hellénique ; il résista obstinément à toutes les tentatives que fit Paul pour remanier les enseignements de Jésus de manière qu'ils soulèvent moins d'objections d'abord chez les Juifs, et ensuite chez les Gréco-Romains croyant aux mystères.

166:5.5 Abner fut ainsi contraint de vivre une vie d'isolement. Il était chef d'une Église qui ne jouissait d'aucune considération à Jérusalem. Il avait osé défier Jacques, frère du Seigneur, qui fut ultérieurement soutenu par Pierre. Cette conduite le sépara effectivement de tous ses anciens associés. Ensuite, il eut l'audace de résister à Paul. Bien qu'il sympathisât entièrement avec Paul dans sa mission auprès des Gentils et bien qu'il le soutînt dans ses disputes avec l'Église de Jérusalem, il s'opposa avec acharnement à la version des enseignements de Jésus que Paul avait choisi de prêcher. Vers la fin de sa vie, Abner dénonça Paul comme étant « l'habile corrupteur des enseignements de la vie de Jésus de Nazareth, Fils du Dieu vivant » .

166:5.6 Durant les dernières années de la vie d'Abner et pendant quelques temps après sa mort, les croyants de Philadelphie observèrent, plus strictement que toute autre collectivité de la terre, la religion telle que Jésus l'avait vécue et enseignée.

166:5.7 Abner vécut jusqu'à 89 ans et mourut à Philadelphie, le 21 novembre de l'an 74. Jusqu'à sa mort, il crut en l'évangile du royaume céleste et l'enseigna fidèlement.

167. La Visite à Philadelphie

167:0.1 AU COURS de toute cette période de ministère en Pérée, quand il est fait mention de Jésus et des apôtres visitant les diverses localités où les soixante-dix étaient à l'oeuvre, il faut se rappeler qu'en règle générale, durant cette période, Jésus n'était accompagné que de dix apôtres, car d'habitude il en laissait au moins deux à Pella pour instruire la multitude. Pendant qu'il se préparait à aller à Philadelphie, Simon Pierre et son frère André retournèrent au camp de Pella pour enseigner les foules qui y étaient assemblées. Quand le Maitre quittait le camp de Pella pour ses visites en Pérée, il n'était pas rare que trois-cents à cinq-cents de ceux qui résidaient au camp le suivent. Lorsqu'il arriva à Philadelphie, il était accompagné de plus de six-cents personnes.

167:0.2 Il n'y avait pas eu de miracles au cours de la récente tournée de prédication à travers la Décapole. À part la purification des dix lépreux, il n'y en avait pas eu non plus, jusqu'ici, dans cette mission en Pérée. Ce fut une période où l'évangile fut proclamé avec puissance, sans miracles et, la plupart du temps, hors de la présence personnelle de Jésus ou même de ses apôtres.

167:0.3 Jésus et les dix apôtres arrivèrent à Philadelphie le mercredi 22 février et passèrent le jeudi et le vendredi à se reposer de leurs récents voyages et travaux. Dans la soirée du vendredi, Jacques parla dans la synagogue, et un conseil général fut convoqué pour le lendemain soir. Le groupe se réjouit beaucoup des progrès de l'évangile à Philadelphie et dans les villages environnants. Les messagers de David apportèrent aussi des nouvelles de l'expansion du royaume dans toute la Palestine, ainsi que de bonnes nouvelles d'Alexandrie et de Damas.

167.1  Le Déjeuner avec les Pharisiens

167:1.1 Il y avait, à Philadelphie, un pharisien très riche et influent qui avait accepté les enseignements d'Abner et qui invita Jésus à déjeuner dans sa maison le matin du sabbat. On savait que Jésus était attendu à Philadelphie, de sorte qu'un grand nombre de visiteurs, dont beaucoup de pharisiens, étaient venus de Jérusalem et d'ailleurs. En conséquence, une quarantaine de ces dirigeants et quelques légistes furent invités à ce déjeuner, qui avait été arrangé en l'honneur du Maitre.

167:1.2 Tandis que Jésus s'attardait près de la porte en causant avec Abner et après que l'hôte se fut assis, un des principaux pharisiens de Jérusalem, membre du sanhédrin, entra dans la salle ; selon son habitude, il alla directement à la place d'honneur, à la gauche du maitre de maison. Mais cette place avait été réservée à Jésus et celle de droite à Abner ; l'hôte fit signe au pharisien de Jérusalem de s'assoir quatre sièges plus loin à gauche, et ce dignitaire fut très offensé de ne pas recevoir la place d'honneur.

167:1.3 Bientôt, tous les invités furent assis et prirent plaisir à converser entre eux, car ils étaient en majorité des disciples de Jésus ou sympathisaient avec l'évangile. Seuls ses ennemis notèrent le fait que le Maitre n'avait pas observé le rite du lavage cérémoniel des mains avant de s'assoir pour manger. Abner se lava les mains au commencement du repas, mais non durant le service.

167:1.4 Vers la fin du repas, un homme venant de la rue entra dans la salle ; il avait longtemps souffert d'une maladie chronique et, maintenant, il était hydropique. Cet homme était un croyant et avait récemment été baptisé par les compagnons d'Abner. Il ne demanda pas à Jésus d'être guéri, mais le Maitre savait bien que ce malade était venu au moment du déjeuner, espérant ainsi éviter la foule qui se pressait le reste du temps autour de Jésus et avoir ainsi plus de chances d'attirer son attention. Cet homme savait que les miracles étaient alors rares, mais il avait supputé intérieurement que son triste état attirerait peut-être la compassion du Maitre. Il ne s'était pas trompé, car, dès son entrée dans la salle, le Maitre et le prétentieux pharisien de Jérusalem le remarquèrent. Le pharisien ne tarda pas à exprimer son ressentiment de voir un hôte pareil autorisé à entrer dans la salle. Mais Jésus regarda le malade et lui sourit avec tant de bienveillance que l'arrivant s'approcha et s'assit sur le sol. À la fin du repas, Jésus promena son regard sur les convives puis, après avoir jeté un regard significatif à l'homme atteint d'hydropisie, il dit : « Mes amis, éducateurs en Israël et savants légistes, je voudrais vous poser une question : Est-il licite ou non de guérir les malades et les affligés le jour du sabbat ? » Mais les assistants connaissaient trop bien Jésus ; ils se tinrent cois et ne répondirent pas à sa question.

167:1.5 Alors, Jésus se dirigea vers l'endroit où le malade était assis, le prit par la main et dit : « Lève-toi et va ton chemin. Tu n'as pas demandé à être guéri, mais je connais le désir de ton coeur et la foi de ton âme. » Avant que l'homme n'eût quitté la salle, Jésus revint à sa place et s'adressa aux convives attablés en disant : « Mon Père accomplit de telles oeuvres, non pour vous inciter à entrer dans le royaume, mais pour se révéler à ceux qui s'y trouvent déjà. Vous pouvez percevoir que faire de telles choses, c'est agir à la façon du Père, car lequel d'entre vous, si son animal favori tombait dans le puits le jour du sabbat, ne sortirait pas immédiatement pour l'en tirer ? » Puisque personne ne voulait lui répondre et que son hôte approuvait évidemment la tournure que prenaient les évènements, Jésus se leva et dit à tous les assistants : « Mes frères, quand vous êtes invités à un festin de mariage, ne vous asseyez pas à la place d'honneur, de crainte qu'un homme plus honoré que vous ait été invité, et que l'hôte ne soit obligé de venir vous prier de céder votre place à cet autre invité d'honneur. Dans ce cas, vous serez prié, à votre honte, de prendre une place inférieure à la table. Quand vous êtes invités à une fête, il est sage, en arrivant à la table du festin, de chercher la place la plus humble et de vous y assoir. Alors, en parcourant des yeux l'assemblée des convives, le maitre de maison pourra vous dire : `Mon ami, pourquoi t'es-tu assis à une place si humble ? Monte plus haut.' Alors, ce modeste sera glorifié en présence des autres convives. N'oubliez pas ceci : quiconque s'élève sera abaissé, mais quiconque s'humilie sincèrement sera élevé. Donc, si vous recevez à déjeuner ou si vous offrez un souper, n'invitez pas toujours vos amis, vos frères, votre famille ou vos riches voisins, afin qu'à leur tour, ils vous invitent à leurs festins à titre de récompense. Si vous offrez un banquet, invitez parfois les pauvres, les infirmes et les aveugles. De cette manière, vous serez bénis dans votre coeur, car vous savez bien que les boiteux et les estropiés ne peuvent vous rembourser vos soins affectueux. »

167.2  La Parabole du Grand Diner

167:2.1 Après que Jésus eut fini de parler à la table du pharisien, l'un des légistes présents voulut rompre le silence et dit étourdiment : « Béni soit celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu » - ce qui était une expression courante à l'époque. Alors, Jésus conta une parabole dont même son hôte bienveillant fut obligé de faire son profit. Il dit :

167:2.2 « Un certain chef offrit un grand diner auquel il invita de nombreux convives. À l'heure du souper, il dépêcha ses serviteurs pour dire aux invités : `Venez, car tout est maintenant prêt.' Mais les invités commencèrent unanimement à s'excuser. Le premier dit : `Je viens d'acheter une ferme, et il faut absolument que j'aille l'inspecter ; je te prie de m'excuser.' Un autre dit : `J'ai acheté cinq couples de boeufs, et il faut que j'aille les recevoir ; je te prie de m'excuser.' Un autre encore dit : `Je viens de prendre femme, et à cause de cela je ne puis venir.' Les serviteurs revinrent donc rapporter cela à leur maitre. Alors, le maitre de la maison fut très irrité ; il se tourna vers ses serviteurs et dit : `J'ai préparé ce festin de mariage ; les jeunes bêtes grasses sont tuées et tout est prêt pour mes hôtes, mais ils ont dédaigné mon invitation. Chacun est allé vers ses terres et ses marchandises, et ils ont même manqué de respect envers mes serviteurs qui leur demandaient de venir à mon festin. Allez donc promptement dans les rues et les ruelles de la ville, sur les grandes routes et les chemins, et amenez ici les pauvres et les déshérités, les aveugles et les boiteux, pour qu'il y ait des convives au festin de mariage.' Les serviteurs firent ce que leur maitre ordonnait, et, même alors, il y restait de la place pour d'autres invités. Alors, ce Seigneur dit à ses serviteurs : `Allez maintenant sur les routes et dans la campagne, et amenez de force ceux qui s'y trouvent, pour que ma maison soit remplie. Je déclare qu'aucun des premiers invités ne goutera à mon souper.' Et les serviteurs firent ce que leur maitre leur ordonnait, et la maison fut remplie. »

167:2.3 Lorsque les convives du pharisien entendirent ces paroles, ils partirent et rentrèrent chacun chez eux. Parmi les pharisiens sarcastiques présents ce matin-là, il y en eut au moins un qui comprit la signification de cette parabole, car il fut baptisé le jour même et confessa publiquement sa foi dans l'évangile du royaume. Ce soir-là, Abner fit un sermon sur cette parabole au conseil général des croyants.

167:2.4 Le lendemain, tous les apôtres entreprirent l'exercice philosophique consistant à essayer d'interpréter la signification de cette parabole du grand diner. Jésus écouta avec intérêt leurs diverses interprétations, mais refusa fermement de les aider à comprendre la parabole. Il se borna à dire : « Que chacun en trouve la signification pour lui-même et dans son âme. »

167.3  La Femme qui avait un Esprit d'Infirmité

167:3.1 Abner s'était arrangé pour que le Maitre enseignât dans la synagogue ce jour de sabbat. C'était la première fois que Jésus apparaissait dans une synagogue depuis qu'elles avaient toutes été fermées à son enseignement par ordre du sanhédrin. À la fin du service, Jésus abaissa le regard sur une femme assez âgée, fort abattue et dont le corps était plié en deux. Cette femme était, depuis longtemps, tyrannisée par la peur, et sa vie avait perdu toute joie. Jésus descendit de l'estrade, s'approcha d'elle, toucha à l'épaule son corps courbé et lui dit : « Femme, si seulement tu voulais croire, tu pourrais être entièrement libérée de ton esprit d'infirmité. » Et cette femme, qui avait été courbée et liée depuis plus de dix-huit ans par les dépressions de la peur, crut aux paroles du Maitre ; elle se redressa immédiatement en vertu de sa foi. Voyant qu'il lui avait été donné de pouvoir se tenir droite, elle éleva la voix et glorifia Dieu.

167:3.2 L'infirmité de cette femme était entièrement mentale ; la courbure de son corps provenait de son mental déprimé. Malgré cela, le public crut que Jésus avait guéri une véritable infirmité physique. L'assemblée de Philadelphie accueillait favorablement les enseignements de Jésus, mais le chef de la synagogue était un pharisien hostile. Il partagea l'opinion de l'assemblée que Jésus avait guéri une maladie physique et s'indigna de ce que Jésus ait osé le faire un jour de sabbat. Il se dressa donc devant l'assemblée et dit : « Les hommes n'ont-ils pas six jours pour effectuer tout leur travail ? Venez donc vous faire guérir pendant les jours ouvrables, mais non le jour du sabbat. »

167:3.3 Après ces paroles du chef hostile, Jésus remonta sur l'estrade des orateurs et dit : « Pourquoi jouer un rôle d'hypocrite ? Chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache-t-il pas son boeuf de l'étable pour le conduire à l'abreuvoir ? Si cette bonne action est licite le jour du sabbat, cette femme, une fille d'Abraham que le mal a courbée pendant dix-huit ans, ne devait-elle pas être délivrée de cette servitude et conduite à s'abreuver aux eaux de la liberté et de la vie, même en ce jour du sabbat ? » Tandis que la femme continuait à glorifier Dieu, l'assemblée se réjouit avec elle de sa guérison, et le critique fut couvert de confusion.

167:3.4 Comme suite à sa critique publique de Jésus en ce jour de sabbat, le chef de la synagogue fut destitué et remplacé par un disciple de Jésus.

167:3.5 Jésus délivrait fréquemment, de leur esprit d'infirmité, de leur dépression mentale et de leur asservissement à la crainte, ces victimes de la peur. Mais la population croyait que toutes ces afflictions étaient soit des infirmités physiques, soit des possessions par de mauvais esprits.

167:3.6 Jésus enseigna de nouveau dans la synagogue le dimanche, et ce jour-là à midi, de nombreux croyants furent baptisés par Abner dans la rivière qui coulait au sud de la ville. Le lendemain matin, Jésus et les dix apôtres seraient repartis pour Pella si l'un des messagers de David n'était arrivé, apportant à Jésus un message urgent de la part de ses amis de Béthanie près de Jérusalem.

167.4  Le Message de Béthanie

167:4.1 Très tard dans la soirée du dimanche 26 février, un coureur arriva de Béthanie à Philadelphie, apportant un message de Marthe et Marie disant : « Seigneur, celui que tu aimes est très malade. » Ce message parvint à Jésus à la fin de la conférence du soir, juste au moment où il prenait congé des apôtres pour la nuit. Tout d'abord, Jésus ne répondit rien. Il se produisit un de ces étranges intermèdes, un temps où il paraissait être en communication avec quelque chose d'extérieur à lui, situé au delà de lui. Puis il releva les yeux et s'adressa au messager de sorte que les apôtres purent l'entendre dire : « Cette maladie ne va pas réellement jusqu'à la mort. Ne doutez pas qu'elle puisse être utilisée pour glorifier Dieu et exalter le Fils. »

167:4.2 Jésus avait beaucoup d'amitié pour Marthe, Marie et leur frère Lazare. Il les aimait d'une affection fervente. Sa première pensée humaine fut d'aller immédiatement à leur secours, mais une autre idée apparut dans son mental conjugué. Il avait à peu près abandonné l'espoir de voir les dirigeants juifs de Jérusalem accepter un jour le royaume, mais il aimait toujours son peuple, et maintenant se présentait à lui un plan qui donnerait, aux scribes et aux pharisiens de Jérusalem, une chance de plus d'accepter ses enseignements. Il décida, si son Père le voulait, de faire de cet ultime appel à Jérusalem la manifestation extérieure la plus profonde et la plus stupéfiante de toute sa carrière terrestre. Les Juifs restaient attachés à l'idée d'un libérateur accomplissant des prodiges, et Jésus refusait de s'abaisser à des prodiges matériels ou de faire des démonstrations temporelles de pouvoir politique. En la circonstance, il demanda cependant le consentement du Père pour manifester son pouvoir non encore démontré sur la vie et la mort.

167:4.3 Les Juifs avaient l'habitude d'enterrer leurs morts le jour de leur décès, ce qui était une pratique nécessaire dans un climat aussi chaud. Il arrivait souvent qu'ils mettaient au tombeau un individu simplement plongé dans le coma, de sorte qu'au bout de deux jours, ou même de trois, ce pseudo-mort sortait de la tombe. D'après la croyance des Juifs, l'esprit ou l'âme pouvait s'attarder près du corps pendant deux ou trois jours, mais ne restait jamais après le troisième jour ; selon eux, la décomposition était bien avancée le quatrième jour, et personne ne revenait jamais de la tombe après ce laps de temps. C'est pourquoi Jésus demeura encore deux jours pleins à Philadelphie avant de se préparer à partir pour Béthanie.

167:4.4 En conséquence, le mercredi matin de bonne heure, il dit à ses apôtres : « Préparons-nous immédiatement à aller une fois de plus en Judée. » Après avoir entendu leur Maitre dire cela, les apôtres se retirèrent à l'écart pendant un temps pour se consulter entre eux. Jacques prit la direction des débats, et les apôtres furent unanimes à penser que c'était pure folie que de permettre à Jésus de retourner en Judée. Ils revinrent comme un seul homme pour faire part de leur opinion à Jésus. Jacques dit : « Maitre, tu as été à Jérusalem il y a quelques semaines, et les dirigeants ont cherché à te faire mourir, tandis que le peuple était prêt à te lapider. À ce moment-là, tu as donné à ces hommes leur chance de recevoir la vérité, et nous ne te permettrons pas de retourner en Judée. »

167:4.5 Alors Jésus dit : « Ne comprenez-vous pas que chaque journée a douze heures pendant lesquelles on peut faire son travail en sécurité ? Si un homme marche le jour, il ne trébuche pas, attendu qu'il a de la lumière. S'il marche la nuit, il risque de trébucher, car il est sans lumière. Tant que mon jour dure, je ne crains pas d'entrer en Judée. Je voudrais accomplir encore une puissante oeuvre pour ces Juifs. Je voudrais leur donner une chance de plus de croire, même dans les conditions qui leur plaisent - gloire extérieure et manifestation visible du pouvoir du Père et de l'amour du Fils. En outre, n'avez-vous pas compris que notre frère Lazare s'est endormi et que je voudrais aller le réveiller de ce sommeil ? »

167:4.6 Alors, l'un des apôtres dit : « Maitre, si Lazare s'est endormi, il est d'autant plus sûr de se rétablir. » À cette époque, les Juifs avaient l'habitude de parler de la mort comme d'une forme de sommeil, mais les apôtres n'avaient pas compris que Jésus voulait dire que Lazare avait quitté ce monde. Le Maitre s'expliqua donc clairement : « Lazare est mort. Dans votre intérêt, et même si cela ne doit pas sauver les autres, je suis heureux de ne pas m'être trouvé là, afin que vous ayez maintenant une nouvelle raison de croire en moi. Vous allez être témoins d'un évènement qui devrait vous fortifier tous en préparation du jour où je prendrai congé de vous pour retourner vers le Père. »

167:4.7 Devant l'impossibilité de persuader Jésus de s'abstenir d'aller en Judée, et l'hésitation de certains apôtres à l'y accompagner, Thomas s'adressa à ses compagnons et dit : « Nous avons exprimé nos craintes au Maitre, mais il est décidé à aller à Béthanie. J'estime qu'il court à sa perte ; on va sûrement le tuer. Mais, si c'est le choix du Maitre, conduisons-nous comme des braves ; allons-y pour mourir avec lui. » Comme toujours, dans les affaires nécessitant un courage délibéré et soutenu, Thomas fut le point d'appui du groupe des douze apôtres.

167.5  Sur le Chemin de Béthanie

167:5.1 Une compagnie de près de cinquante amis et ennemis suivit Jésus sur la route de Judée. Le mercredi, à l'heure du repas de midi, il fit, à ses apôtres et à ce groupe d'accompagnateurs, un exposé sur « Les Conditions du Salut » , et, à la fin de cette leçon, il raconta la parabole du pharisien et du publicain (un collecteur de taxes). Jésus dit : « Vous voyez ainsi que le Père donne le salut aux enfants des hommes, et que ce salut est un don gratuit à tous ceux qui ont la foi d'accepter la filiation dans la famille divine. L'homme ne peut rien faire pour gagner ce salut. Les oeuvres du pharisaïsme ne peuvent acheter la faveur de Dieu, et de longues prières en public ne compenseront pas le manque de foi vivante dans le coeur. Vous pouvez tromper les hommes par vos prestations extérieures, mais Dieu scrute votre âme. Ce que je vous dis est bien illustré par l'exemple de deux hommes, un pharisien et un publicain, qui allèrent au temple pour prier. Le pharisien se tint debout et pria en lui-même : `O Dieu, je te rends grâces de ne pas ressembler au reste des hommes, qui sont exacteurs, ignorants, injustes et adultères, ni même à ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je donne la dime de tout ce que j'acquiers.' Par contre, le publicain se tenait à l'écart et n'osait même pas lever les yeux au ciel ; il se frappait la poitrine en disant : `O Dieu, sois miséricordieux pour un pécheur comme moi.' Je vous dis que c'est le publicain qui rentra chez lui avec l'approbation de Dieu, plutôt que le pharisien, car quiconque s'élève sera humilié et quiconque s'humilie sera élevé. »

167:5.2 Ce soir-là, à Jéricho, les pharisiens hostiles cherchèrent à prendre Jésus au piège en l'incitant à discuter le mariage et le divorce, comme leurs semblables l'avaient jadis fait en Galilée ; mais le Maitre évita adroitement de se laisser entrainer dans une opposition à leurs lois concernant le divorce. De même que le publicain et le pharisien illustraient la bonne et la mauvaise religion, leurs pratiques du divorce établissaient un contraste entre les meilleurs lois matrimoniales du code juif et le honteux relâchement avec lequel les pharisiens interprétaient les règles du divorce formulées par Moïse. Les pharisiens se jugeaient eux-mêmes d'après le critère le plus bas ; les publicains se mettaient au diapason de l'idéal le plus élevé. Pour les pharisiens, la dévotion était un moyen d'aboutir à l'inactivité justifiée et à l'assurance d'une fausse sécurité spirituelle. Pour les publicains, la dévotion était un moyen de vivifier leur âme pour qu'elle comprenne la nécessité de se repentir, de se confesser et d'accepter par la foi un pardon miséricordieux. Les pharisiens cherchaient la justice, et les publicains, la miséricorde. La loi de l'univers est : Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez.

167:5.3 Bien que Jésus eût refusé de se laisser entrainer dans une controverse avec les pharisiens au sujet du divorce, il proclama un enseignement positif des idéaux supérieurs concernant le mariage. Il exalta le mariage comme la relation humaine la plus idéale et la plus élevée. De même, il marqua sa forte désapprobation pour la pratique relâchée et injuste du divorce chez les Juifs de Jérusalem, qui, à cette époque, permettaient à un homme de divorcer pour les raisons les plus futiles. Il suffisait que l'intéressé accuse sa femme d'être une mauvaise cuisinière ou de mal tenir la maison, ou simplement qu'il se soit amouraché d'une femme plus jolie.

167:5.4 Les pharisiens étaient même allés jusqu'au point d'enseigner que ce genre de divorce facile était un privilège spécial accordé au peuple juif, et particulièrement aux pharisiens. Ainsi, tandis que Jésus refusait de faire des déclarations sur le mariage et le divorce, il condamna sévèrement ces honteuses caricatures des relations maritales et fit ressortir leur injustice vis-à-vis des femmes et des enfants. Jamais il ne sanctionna aucune pratique de divorce donnant à l'homme un avantage sur la femme ; le Maitre n'approuva que les enseignements accordant aux femmes l'égalité avec les hommes.

167:5.5 Bien que Jésus n'eût pas offert de nouvelles règles concernant le mariage et le divorce, il incita les Juifs à se conformer à leurs propres lois et à leurs enseignements les plus élevés. Il s'appuya constamment sur les Écritures dans son effort pour améliorer leurs pratiques selon cette tendance sociale. Tout en soutenant ainsi les concepts idéaux et supérieurs du mariage, Jésus évita habilement le conflit avec ses questionneurs concernant les pratiques sociales telles que représentées soit dans leurs lois écrites, soit par leurs privilèges de divorce auxquels ils tenaient beaucoup.

167:5.6 Il fut très difficile aux apôtres de comprendre le peu d'empressement du Maitre à faire des déclarations positives au sujet des problèmes scientifiques, sociaux, économiques et politiques. Ils ne réalisaient pas tout à fait que sa mission terrestre concernait exclusivement la révélation de vérités spirituelles et religieuses.

167:5.7 Tard dans la soirée, après que Jésus eut parlé du mariage et du divorce, ses apôtres lui posèrent, en privé, de nombreuses questions additionnelles. Ses réponses à leurs enquêtes délivrèrent leur mental de beaucoup de fausses conceptions. À la fin de cette conférence, Jésus dit : « Le mariage est honorable et doit être désiré par tous les hommes. Le fait que le Fils de l'Homme poursuit, seul, sa mission terrestre ne porte aucune atteinte au caractère désirable du mariage. C'est la volonté du Père que j'agisse ainsi, mais le même Père a ordonné la création des mâles et des femelles ; Dieu veut que les hommes et les femmes trouvent leur service le plus élevé et la joie correspondante en établissant des foyers pour accueillir et élever des enfants, pour la création desquels ces parents deviennent coassociés aux Créateurs du ciel et de la terre. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'un. »

167:5.8 De cette manière, Jésus soulagea le mental des apôtres d'un grand nombre de soucis concernant le mariage et clarifia de nombreux malentendus concernant le divorce. En même temps, il contribua largement à exalter leurs idéaux d'union sociale, et à accroitre leur respect pour les femmes, les enfants et le foyer.

167.6  La Bénédiction des Petits Enfants

167:6.1 Le message vespéral de Jésus sur le mariage et sur le caractère sacré des enfants se répandit dans tout Jéricho, de sorte que, le lendemain matin, longtemps avant que Jésus et les apôtres ne soient prêts à partir, et même avant l'heure du petit déjeuner, un grand nombre de mères se rassemblèrent près du logement de Jésus, apportant leurs enfants dans leurs bras ou les conduisant par la main, et désirant qu'il bénisse les petits. Lorsque les apôtres sortirent et virent ce rassemblement de mères avec leurs enfants, ils tentèrent de les renvoyer, mais ces femmes refusèrent de partir avant que le Maitre ait imposé les mains sur leurs enfants et les ait bénis. Quand les apôtres réprimandèrent bruyamment ces mères, Jésus, entendant le tumulte, sortit et leur fit des reproches indignés en disant : « Laissez venir à moi les petits enfants ; ne le leur interdisez pas, car le royaume des cieux est composé de leurs pareils. En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque ne reçoit pas le royaume de Dieu comme un petit enfant ne pourra y entrer pour y atteindre la pleine stature de son humanité spirituelle. »

167:6.2 Après avoir ainsi parlé à ses apôtres, Jésus accueillit tous les enfants et leur imposa les mains en adressant des paroles d'encouragement et d'espoir à leurs mères.

167:6.3 Jésus parlait souvent à ses apôtres des maisons célestes et leur enseignait que des enfants évoluant de Dieu doivent y croitre spirituellement, comme les enfants grandissent physiquement sur ce monde. Les choses sacrées paraissent souvent banales ; ainsi, en ce jour, ces enfants et leurs mères ne se rendaient pas compte que les intelligences de Nébadon observaient les enfants de Jéricho jouant avec le Créateur d'un univers.

167:6.4 Le statut des femmes en Palestine fut grandement amélioré par l'enseignement de Jésus. Il en aurait été de même dans le monde entier si ses disciples ne s'étaient pas tellement écartés de ce que le Maitre avait pris tant de peine à leur enseigner.

167:6.5 Ce fut également à Jéricho, au cours d'une discussion sur la formation religieuse précoce des enfants à des habitudes d'adoration divine, que Jésus inculqua à ses apôtres la grande valeur de la beauté en tant qu'influence incitant à l'adoration, spécialement chez les enfants. Par ses préceptes et son exemple, le Maitre enseigna la valeur de l'adoration du Créateur au milieu des paysages naturels de la création. Il préférait communier avec le Père céleste parmi les arbres et les humbles créatures du monde naturel. Il prenait plaisir à contempler le Père à travers le spectacle inspirant des royaumes étoilés des Fils Créateurs.

167:6.6 Quand il n'est pas possible d'adorer Dieu dans les tabernacles de la nature, les hommes devraient faire de leur mieux pour se ménager des maisons de beauté, des sanctuaires d'une simplicité attrayante et artistement embellis, de manière à éveiller les sentiments humains les plus élevés associés à l'approche intellectuelle de la communion spirituelle avec Dieu. La vérité, la beauté et la sainteté apportent une aide puissante et efficace à la véritable adoration. La communion spirituelle n'est pas encouragée simplement par une ornementation massive et les excès de décoration d'un art humain compliqué et fastueux. La beauté est la plus religieuse quand elle est la plus simple et la plus proche de la nature. Il est bien malheureux que les petits enfants aient leur premier contact avec les concepts du culte public dans des salles froides et nues si dépourvues de l'attrait de la beauté et inspirant si peu l'allégresse et la sainteté ! Il faudrait que l'initiation de l'enfant à l'adoration ait lieu dans les paysages de la nature, et que, plus tard, il accompagne ses parents dans des édifices publics d'assemblées religieuses qui aient au moins autant d'attrait matériel et de beauté artistique que la maison où il a son domicile habituel.

167.7  L'Entretien au Sujet des Anges

167:7.1 Tandis que le groupe apostolique remontait les collines allant de Jéricho à Béthanie, Nathanael marcha presque tout le temps aux côtés de Jésus ; leur discussion sur les rapports des enfants avec le royaume des cieux les conduisit indirectement à étudier le ministère des anges. Nathanael finit par poser au Maitre la question suivante : « Vu que le grand-prêtre est un sadducéen, et attendu que les sadducéens ne croient pas aux anges, qu'allons-nous enseigner au peuple au sujet des ministres célestes ? » Alors, Jésus donna, entre autres, les indications suivantes :

167:7.2 « La multitude des anges forment un ordre séparé d'êtres créés. Ils sont entièrement différentes de l'ordre matériel des créatures mortelles et opèrent comme un groupe distinct d'intelligences de l'univers. Les anges n'appartiennent pas au groupe de créatures dénommé `Fils de Dieu' dans les Écritures. Ils ne sont pas non plus les esprits glorifiés des mortels qui ont poursuivi leurs progrès à travers les mondes élevés des maisons. Les anges sont une création directe, et ne se reproduisent pas. La multitude des anges n'a qu'une parenté spirituelle avec la race humaine. Tandis que l'homme progresse sur son chemin vers le Père du Paradis, il passe, à un moment donné, par un stade analogue à l'état des anges, mais l'homme mortel ne devient jamais un ange.

167:7.3 « Contrairement aux hommes, les anges ne meurent jamais. Ils sont immortels, à moins de se trouver impliqués dans le péché, comme certains le furent par les tromperies de Lucifer. Les anges sont les serviteurs spirituels du ciel et ne sont ni infiniment sages ni tout-puissants ; mais tous les anges loyaux sont vraiment purs et saints.

167:7.4 « Ne vous rappelez-vous pas m'avoir déjà entendu vous dire que, si vos yeux spirituels étaient oints, vous verriez les cieux ouverts et vous apercevriez les anges de Dieu montant et descendant ? C'est par le ministère des anges qu'un monde peut être maintenu en contact avec les autres, car ne vous ai-je pas maintes fois dit que j'ai d'autres brebis n'appartenant pas à ce bercail ? Ces anges ne sont pas les espions du monde spirituel qui vous surveillent et vont ensuite raconter au Père les pensées de votre coeur, et lui faire un rapport sur les oeuvres de la chair. Le Père n'a pas besoin de ce genre de services, puisque son propre esprit vit en vous. Mais ces esprits angéliques servent à tenir une partie de la création céleste au courant des actes accomplis dans d'autres parties lointaines de l'univers. Un grand nombre d'anges sont affectés au service des races humaines, tout en travaillant dans le gouvernement du Père et les univers des Fils. Quand je vous ai appris que beaucoup de ces séraphins étaient des esprits tutélaires, je ne parlais ni au figuré ni poétiquement. Tout ceci est vrai, indépendamment de votre difficulté à comprendre ces questions.

167:7.5 « Beaucoup de ces anges travaillent à sauver des hommes ; ne vous ai-je pas parlé de la joie séraphique lorsqu'une âme décide d'abandonner le péché et de commencer la recherche de Dieu ? Je vous ai même parlé de la joie en présence des anges du ciel à propos d'un seul pécheur qui se repent ; cela dénotait l'existence d'autres catégories supérieures d'êtres célestes qui s'occupent aussi du bien-être spirituel et du progrès divin de l'homme mortel.

167:7.6 « Ces anges s'occupent également beaucoup des moyens par lesquels l'esprit des hommes est libéré des tabernacles de la chair et leur âme escortée aux mondes célestes des maisons. Les anges sont les fidèles guides célestes de l'âme des hommes durant la période inexplorée et imprécise qui intervient entre la mort physique et la vie nouvelle dans les demeures de l'esprit. »

167:7.7 Jésus se serait entretenu plus longuement avec Nathanael du ministère des anges s'il n'avait été interrompu par l'approche de Marthe. Elle avait été informée, de l'arrivée du Maitre à Béthanie, par des amis qui l'avaient vu monter les collines à l'est, et maintenant elle se hâtait pour l'accueillir.

168. La Résurrection de Lazare

168:0.1 IL ÉTAIT un peu plus de midi quand Marthe partit à la rencontre de Jésus qui franchissait la crête de la colline près de Béthanie. Son frère Lazare était mort depuis quatre jours et, à la fin de l'après-midi du dimanche, il avait été couché dans leur caveau de famille situé à l'extrêmité du jardin. La pierre fermant l'entrée du caveau avait été roulée en place le matin même de ce jeudi.

168:0.2 Quand Marthe et Marie avaient envoyé à Jésus la nouvelle de la maladie de Lazare, elles étaient convaincues que le Maitre ferait quelque chose à ce sujet. Elles savaient que leur frère était très gravement malade, et n'osaient guère espérer que Jésus quitterait son travail d'instructeur et de prédicateur pour venir à leur secours. Mais elles avaient tellement confiance en son pouvoir de guérir les maladies qu'elles croyaient qu'il lui suffirait de prononcer les paroles curatives, et qu'aussitôt Lazare serait guéri. Lorsque Lazare mourut quelques heures après le départ de Béthanie du messager, elles conclurent que le Maitre n'avait pas appris la maladie de leur frère avant qu'il ne fût trop tard, avant que Lazare ne fût déjà décédé depuis plusieurs heures.

168:0.3 Toutefois elles furent très déconcertées, ainsi que tous leurs amis croyants, par le message rapporté, le mardi matin, par un coureur arrivant à Béthanie. Le messager insista sur le fait qu'il avait entendu Jésus dire : ... «cette maladie ne va pas réellement jusqu'à la mort. » Marthe et Marie ne pouvaient pas non plus comprendre pourquoi Jésus ne leur avait pas envoyé un mot ou ne leur avait pas offert son aide de quelque autre manière.

168:0.4 Beaucoup d'amis des hameaux voisins, et d'autres de Jérusalem, vinrent apporter leurs consolations aux deux soeurs plongées dans le chagrin. Lazare et ses soeurs étaient les enfants d'un Juif honorable et fortuné qui avait été le principal notable du petit village de Béthanie. Bien que tous trois fussent depuis longtemps d'ardents disciples de Jésus, ils étaient hautement respectés par tous ceux qui les connaissaient. Ils avaient hérité d'importants vignobles et de grandes olivaies dans le voisinage. Le fait qu'ils pouvaient s'offrir un caveau funéraire privé dans leur propriété était une preuve supplémentaire de leur fortune. Leurs parents avaient déjà été couchés tous deux dans ce tombeau.

168:0.5 Marie avait renoncé à l'espoir de voir venir Jésus et s'était abandonnée à son chagrin, mais Marthe s'accrocha à cette espérance jusqu'au matin où la pierre fut roulée devant le caveau pour en sceller l'entrée. Même alors, elle demanda à un jeune garçon du voisinage de surveiller, du haut de la colline à l'est de Béthanie, la route descendant à Jéricho. Ce fut ce garçon qui apporta à Marthe la nouvelle que Jésus et ses amis approchaient.

168:0.6 Quand Marthe rencontra Jésus, elle tomba à ses pieds en s'écriant : « Maitre, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Beaucoup de craintes traversaient le mental de Marthe, mais elle n'exprima aucun doute et ne s'aventura pas à critiquer ou à mettre en question la conduite de Jésus relative à la mort de Lazare. Lorsqu'elle eut parlé, Jésus se baissa pour la relever et dit : « Aie simplement la foi, Marthe, et ton frère ressuscitera. » Marthe répondit : « Je sais qu'il ressuscitera lors de la résurrection du dernier jour ; et même maintenant je crois que notre Père te donnera tout ce que tu demanderas à Dieu. »

168:0.7 Alors, Jésus regarda Marthe droit dans les yeux et dit : « Je suis la résurrection et la vie ; quiconque croit en moi vivra, même s'il meurt. En vérité, quiconque vit en croyant en moi ne mourra jamais réellement. Marthe, crois-tu cela ? » Et Marthe répondit au Maitre : « Oui, je crois depuis longtemps que tu es le Libérateur, le Fils du Dieu vivant, celui-là même qui doit venir en ce monde. »

168:0.8 Jésus s'étant enquis de Marie, Marthe alla aussitôt à la maison et chuchota à sa soeur : « Le Maitre est ici et t'a demandée. » Lorsque Marie entendit cela, elle se leva rapidement et se hâta vers Jésus, qui était resté à une certaine distance de la maison, à l'endroit où Marthe l'avait d'abord rencontré. Quand les amis, qui étaient auprès de Marie pour la consoler, virent qu'elle se levait en hâte et sortait, ils la suivirent en supposant qu'elle allait au tombeau pour pleurer.

168:0.9 Parmi les personnes présentes, se trouvaient beaucoup d'ennemis implacables de Jésus. C'est pourquoi Marthe était allée seule à sa rencontre, et c'est aussi pourquoi elle avait si discrètement informé Marie que le Maitre l'avait demandée. Tout en désirant ardemment voir Jésus, Marthe souhaitait éviter tout incident déplaisant susceptible d'être causé par la soudaine arrivée du Maitre au milieu d'un groupe important de ses adversaires de Jérusalem. Marthe avait eu l'intention de rester à la maison avec leurs amis pendant que Marie allait saluer Jésus, mais elle n'y parvint pas, car tous suivirent Marie et se trouvèrent ainsi d'une façon inattendue en présence du Maitre.

168:0.10 Marthe la conduisit à Jésus et, lorsque Marie le vit, elle tomba à ses pieds en s'écriant : « Si seulement tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. » Lorsque Jésus vit combien tout le monde s'attristait de la mort de Lazare, son âme fut émue de compassion.

168:0.11 Quand les amis en deuil virent que Marie était allée accueillir Jésus, ils se retirèrent un peu à l'écart pendant que Marthe et Marie s'entretenaient avec le Maitre, qui leur prodigua de nouveaux encouragements. Il les exhorta à conserver une foi vivace dans le Père et à se soumettre complètement à la volonté divine.

168:0.12 Le mental humain de Jésus fut puissamment remué par un conflit : d'une part il aimait Lazare et ses soeurs affligées, et d'autre part il dédaignait et méprisait les manifestations extérieures d'affection de certains Juifs incroyants aux intentions meurtrières. Jésus s'indigna de voir certains de ces prétendus amis afficher extérieurement leur deuil de la mort de Lazare, d'autant que ce faux chagrin était associé, dans leur coeur, à tant d'amère inimitié contre lui-même. Toutefois, certains de ces Juifs étaient sincères dans leur deuil, car ils étaient de vrais amis de la famille.

168.1  À la Tombe de Lazare

168:1.1 Après que Jésus eut passé quelques moments à consoler Marthe et Marie à l'écart des amis en deuil, il leur demanda : « Où l'avez-vous couché ? » Marthe dit : « Viens et vois. » Tandis que le Maitre suivait en silence les deux soeurs affligées, il pleura. En voyant ses larmes, un des Juifs amicaux qui les suivaient dit : « Voyez comme il l'aimait. Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle n'aurait-il pu empêcher cet homme de mourir ? » Entretemps, ils étaient arrivés devant le caveau familial, une petite grotte naturelle, ou déclivité, dans l'épaulement rocheux d'une dizaine de mètres de hauteur qui s'élevait au bout du jardin.

168:1.2 Il est difficile de faire comprendre au mental humain pourquoi Jésus pleura. Bien que nous ayons accès à l'enregistrement des émotions humaines et des pensées divines conjuguées de Jésus, telles que le mental de son Ajusteur Personnalisé les a enregistrées, nous ne sommes pas absolument certains de la cause réelle de ces manifestations émotionnelles. Nous avons tendance à croire que Jésus pleurait à cause d'un certain nombre de pensées et sentiments qui traversaient son mental à ce moment-là, tels que :

168:1.3 1. Il éprouvait une compassion sincère et attristée pour Marthe et Marie. Il avait une réelle et profonde affection pour ces soeurs qui avaient perdu leur frère.

168:1.4 2. Son mental était troublé par la foule de ceux qui portaient le deuil, dont quelques-uns éprouvaient un chagrin sincère et d'autres le simulaient. Jésus était toujours froissé par ces exhibitions extérieures d'affliction. Il savait que les soeurs aimaient leur frère et avaient foi dans la survie des croyants. Ces émotions contradictoires expliquent peut-être pourquoi il exprimait sa douleur en approchant du caveau.

168:1.5 3. Il hésitait sincèrement à ramener Lazare à la vie mortelle. Ses soeurs avaient réellement besoin de lui, mais Jésus regrettait d'avoir à faire revenir son ami pour lui voir subir ensuite des persécutions acharnées. Il savait bien que Lazare aurait à les subir pour avoir été le sujet de la plus grande démonstration de pouvoir du Fils de l'Homme.

168:1.6 Maintenant, nous pouvons exposer un fait intéressant et instructif. Bien que la présente histoire se déroule comme un évènement apparemment normal et naturel dans les affaires humaines, elle comporte des aperçus indirects fort intéressants. D'une part un messager va trouver Jésus le dimanche pour l'informer de la maladie de Lazare, et Jésus prévient « qu'elle ne va pas jusqu'à la mort » et d'autre part Jésus va en personne à Béthanie et même demande aux soeurs : « Où l'avez-vous couché ? » Tout cela semble indiquer que Jésus procédait à la manière des mortels et selon les connaissances limitées du mental humain. Néanmoins, les archives de l'univers révèlent que l'Ajusteur Personnalisé de Jésus donna l'ordre de retenir l'Ajusteur de Pensée de Lazare sur Urantia, après la mort de Lazare, pour un temps indéterminé, et que cet ordre fut enregistré officiellement un quart d'heure avant le dernier soupir de Lazare.

168:1.7 Le mental divin de Jésus savait-il, dès avant la mort de Lazare, qu'il le ressusciterait d'entre les morts ? Nous l'ignorons. Nous savons seulement ce que nous exposons ici.

168:1.8 Beaucoup d'ennemis de Jésus eurent tendance à railler ses manifestations d'affection et se dirent entre eux : « S'il avait tant d'estime pour cet homme, pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour venir à Béthanie ? S'il est ce qu'il prétend, pourquoi n'a-t-il pas sauvé son cher ami ? À quoi bon guérir des étrangers en Galilée s'il ne peut sauver ceux qu'il aime ? » Et, de bien d'autres manières, ils tournèrent en dérision les enseignements et les oeuvres de Jésus, et les prirent à la légère.

168:1.9 Ainsi, ce jeudi après-midi vers deux heures et demie, dans le petit hameau de Béthanie, le cadre était tout préparé pour l'accomplissement de la plus grande de toutes les oeuvres liées au ministère terrestre de Micaël de Nébadon, pour la plus puissante manifestation de pouvoir divin durant sa vie incarnée, car sa propre résurrection eut lieu seulement après qu'il eut été libéré des entraves de l'incarnation dans un corps mortel.

168:1.10 Le petit groupe réuni devant la tombe de Lazare n'imaginait pas qu'il y avait à proximité un vaste concours d'êtres célestes de tous ordres rassemblés sous la direction de Gabriel, maintenant en attente par ordre de l'Ajusteur Personnalisé de Jésus, vibrants d'expectative et prêts à exécuter les directives de leur Souverain bien-aimé.

168:1.11 Lorsque Jésus commanda : « Enlevez la pierre » , les armées célestes réunies se préparèrent à jouer le drame consistant à ressusciter Lazare dans la similitude de sa chair mortelle. Cette forme de résurrection implique des difficultés d'exécution qui transcendent de loin la technique habituelle de résurrection des créatures mortelles sous forme morontielle ; elle exige le concours d'un bien plus grand nombre de personnalités célestes et un appel beaucoup plus étendu aux ressources de l'univers.

168:1.12 Lorsque Marthe et Marie entendirent le commandement de Jésus ordonnant de rouler la pierre qui fermait le caveau, elles furent remplies de sentiments contradictoires. Marie espérait que Lazare allait être ressuscité d'entre les morts, mais Marthe, alors qu'elle partageait dans une certaine mesure la foi de sa soeur, était davantage tracassée par la crainte que, par son aspect extérieur, Lazare ne soit pas présentable à Jésus, aux apôtres et à leurs amis. Marthe dit : « Devons-nous rouler la pierre de côté ? Mon frère est maintenant mort depuis quatre jours, de sorte qu'à l'heure qu'il est, la décomposition du corps a commencé. » Marthe dit cela également parce qu'elle ne comprenait pas avec certitude pourquoi le Maitre avait demandé que la pierre fût enlevée ; elle pensait que Jésus voulait peut-être se borner à jeter un dernier regard sur Lazare. L'attitude de Marthe n'était ni ferme ni décidée. Tandis que les deux soeurs hésitaient à faire rouler la pierre, Jésus dit : « Ne vous ai-je pas dit, dès le commencement, que cette maladie n'irait pas jusqu'à la mort ? Ne suis-je pas venu pour accomplir ma promesse ? Et, après être venu à vous, n'ai-je pas dit que, si seulement vous croyiez, vous verriez la gloire de Dieu ? Pourquoi doutez-vous ? Combien de temps vous faudra-t-il pour croire et obéir ? »

168:1.13 Après que Jésus eut fini de parler, ses apôtres, aidés par des voisins de bonne volonté, se saisirent de la pierre et la roulèrent à l'écart de l'entrée du caveau.

168:1.14 Les Juifs croyaient communément que la goutte de fiel à la pointe de l'épée de l'ange de la mort commençait à opérer à la fin du troisième jour, de sorte qu'elle donnait son plein effet le quatrième jour. Ils admettaient que l'âme humaine peut s'attarder auprès de la tombe jusqu'à la fin du troisième jour, cherchant à ranimer le cadavre ; mais ils croyaient fermement qu'avant l'aurore du quatrième jour, cette âme s'en était allée dans la demeure des esprits trépassés.

168:1.15 Ces croyances et opinions concernant les morts et le départ de leur esprit servirent à confirmer au mental de toutes les personnes présentes auprès du tombeau de Lazare, et ultérieurement de toutes celles qui apprendraient ce qui allait se passer, qu'il s'agissait vraiment d'un cas de résurrection d'un mort par l'oeuvre personnelle de celui qui avait proclamé être « la résurrection et la vie » .

168.2  La Résurrection de Lazare

168:2.1 Le groupe d'environ quarante-cinq personnes se tenant devant la tombe put vaguement apercevoir la forme de Lazare, enveloppée dans des bandelettes de lin et reposant dans la niche droite inférieure du caveau funéraire. Tandis que ces créatures terrestres se tenaient là, en silence, osant à peine respirer, une vaste armée d'êtres célestes avait pris ses positions préliminaires pour répondre au signal d'action lorsque Gabriel, son commandant, le donnerait.

168:2.2 Jésus leva les yeux et dit : « Père, je te remercie d'avoir entendu ma requête et d'y avoir fait droit. Je sais que tu m'écoutes toujours, mais, à cause de ceux qui se tiennent ici avec moi, je m'entretiens ainsi avec toi pour qu'ils croient que tu m'as envoyé dans le monde et sachent que tu opères avec moi dans l'acte que nous nous préparons à accomplir. » Et, après avoir prié, il cria d'une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »

168:2.3 Les spectateurs humains de la scène restèrent immobiles, mais la vaste armée céleste était toute affairée dans son action unifiée pour obéir à la parole du Créateur. En douze secondes du temps terrestre, la forme jusque-là inanimée de Lazare commença à bouger et s'assit bientôt sur le bord de la tablette de pierre où elle avait reposé. Son corps était enveloppé de vêtements funéraires et son visage était couvert d'un linge. Et tandis qu'il se tenait là debout devant eux - vivant - Jésus dit : « Déliez-le et laissez-le aller. »

168:2.4 Tous les spectateurs, sauf les apôtres ainsi que Marthe et Marie, s'enfuirent vers la maison. Ils étaient pâles de terreur et remplis de stupéfaction. Quelques-uns restèrent là, mais beaucoup se hâtèrent de rentrer chez eux.

168:2.5 Lazare salua Jésus et les apôtres. Il demanda la signification des vêtements funéraires et pourquoi il s'était réveillé dans le jardin. Jésus et les apôtres s'écartèrent, tandis que Marthe racontait à Lazare sa mort, son enterrement et sa résurrection. Elle dut lui expliquer qu'il était mort le dimanche et avait été ramené à la vie ce jeudi, car Lazare n'avait pas eu conscience du temps depuis qu'il s'était endormi dans la mort.

168:2.6 Au moment où Lazare sortit de la tombe, l'Ajusteur Personnalisé de Jésus, maintenant chef de son ordre dans notre univers local, commanda à l'ancien Ajusteur de Lazare, alors en attente, de revenir demeurer dans le mental et l'âme du ressuscité.

168:2.7 Ensuite Lazare s'approcha de Jésus et, avec ses soeurs, ils s'agenouillèrent aux pieds du Maitre pour rendre grâces et louer Dieu. Jésus prit Lazare par la main et le releva en disant : « Mon fils, ce qui t'est arrivé sera également expérimenté par tous ceux qui croient à cet évangile, sauf qu'ils seront ressuscités sous une forme plus glorieuse. Tu seras un témoin vivant de la vérité que j'ai proclamée - je suis la résurrection et la vie. Allons tous maintenant à la maison prendre de la nourriture pour nos corps physiques. »

168:2.8 Tandis qu'ils marchaient vers la maison, Gabriel congédia les groupes supplémentaires des armées célestes assemblées et fit enregistrer le premier - et le dernier - cas, sur Urantia, de résurrection d'une créature humaine dans la similitude de son corps mortel.

168:2.9 Lazare avait de la peine à comprendre ce qui était arrivé. Il savait qu'il avait été très malade, mais pouvait seulement se rappeler qu'il s'était endormi et avait été réveillé. Jamais il ne put dire quoi que ce soit sur ces quatre jours dans la tombe, parce qu'il y avait été entièrement inconscient. Le temps n'existe pas pour ceux qui dorment du sommeil de la mort.

168:2.10 Beaucoup crurent en Jésus à la suite de cette oeuvre puissante, mais d'autres ne firent qu'endurcir leur coeur pour mieux le rejeter. Dès le lendemain midi, cette histoire s'était répandue dans tout Jérusalem. Des dizaines d'hommes et de femmes allèrent à Béthanie pour contempler Lazare et lui parler. Les pharisiens alarmés et déconcertés convoquèrent précipitamment une réunion du Sanhédrin pour décider ce qu'il fallait faire concernant ces nouveaux développements de la situation.

168.3  La Réunion du Sanhédrin

168:3.1 Le témoignage de cet homme ressuscité d'entre les morts contribua beaucoup à consolider la foi de la masse des croyants à l'évangile du royaume, mais n'eut pratiquement pas d'influence sur l'attitude des dirigeants religieux et des chefs à Jérusalem, sinon de hâter leur décision de supprimer Jésus et de mettre fin à son oeuvre.

168:3.2 Le lendemain, vendredi, à une heure de l'après-midi, le Sanhédrin se réunit pour délibérer de nouveau sur la question : « Qu'allons-nous faire de Jésus de Nazareth ? » Après plus de deux heures de discussions et de débats acrimonieux, un pharisien proposa une résolution demandant la mort immédiate de Jésus, proclamant qu'il était une menace pour tout Israël, et engageant officiellement le Sanhédrin, au mépris de tous les précédents, à prononcer une sentence de mort sans jugement.

168:3.3 Cet auguste corps de dirigeants juifs avait, maintes et maintes fois, décrété que Jésus devait être arrêté et jugé sous les inculpations de blasphème et de nombreuses autres accusations de mépris de la loi sacrée juive. Une fois déjà, le Sanhédrin était allé jusqu'à déclarer que Jésus devait mourir, mais c'était la première fois que ce tribunal enregistrait le désir de décider sa mort préalablement à tout jugement. Toutefois, cette résolution ne fut pas mise aux voix, parce que quatorze membres du Sanhédrin donnèrent leur démission en bloc lorsque cet acte inouï fut proposé. Ces démissions ne furent pas ratifiées avant un délai de quinze jours, mais le groupe de quatorze se retira du Sanhédrin ce jour-là et ne siégea jamais plus au conseil. Plus tard, lors de l'enregistrement des démissions, cinq autres membres furent révoqués parce que leurs collègues estimaient qu'ils entretenaient des sentiments amicaux envers Jésus. Après l'éviction de ces dix-neuf hommes, le Sanhédrin était en mesure de juger et de condamner Jésus avec une solidarité voisine de l'unanimité.

168:3.4 La semaine suivante, Lazare et ses soeurs furent convoqués devant le Sanhédrin. Après leur témoignage, il ne pouvait subsister aucun doute que Lazare avait été ressuscité d'entre les morts. Bien que les séances du Sanhédrin eussent virtuellement admis la résurrection de Lazare, les archives continrent une résolution attribuant ce miracle, et tous les autres prodiges accomplis par Jésus, au pouvoir du prince des démons dont Jésus était déclaré l'allié.

168:3.5 Quelle que fût la source de son pouvoir d'accomplir des prodiges, les dirigeants juifs étaient persuadés que, si l'on n'y mettait pas fin immédiatement, tout le peuple ne tarderait pas à croire en Jésus, et qu'en outre, il surgirait de graves complications avec les autorités romaines, car beaucoup de ses disciples le considéraient comme le Messie, le libérateur d'Israël.

168:3.6 Ce fut à cette même réunion du Sanhédrin que le grand-prêtre Caïphe exprima, pour la première fois, le vieil adage juif qu'il répéta ensuite tant de fois : « Il vaut mieux qu'un seul homme meure plutôt que de voir périr la communauté. »

168:3.7 Bien que Jésus eût été informé des faits et gestes du Sanhédrin en ce sombre vendredi après-midi, il n'en fut aucunement troublé et continua à se reposer jusqu'au lendemain du sabbat chez des amis habitant Bethphagé, un hameau voisin de Béthanie. Le dimanche matin de bonne heure, comme convenu, Jésus et les apôtres se rassemblèrent chez Lazare, prirent congé de la famille de Béthanie et repartirent pour le campement de Pella.

168.4  La Réponse à la Prière

168:4.1 Sur la route, de Béthanie à Pella, les apôtres posèrent à Jésus de nombreuses questions auxquelles il répondit franchement, sauf à celles qui concernaient les détails de la résurrection des morts. De tels problèmes dépassaient les capacités de compréhension des apôtres, et c'est pourquoi le Maitre refusa de discuter de ces questions avec eux. Personne ne les accompagnait, puisqu'ils étaient partis secrètement de Béthanie. Jésus saisit donc l'occasion de dire aux dix apôtres bien des choses qui, à son avis, les prépareraient aux jours éprouvants qui n'allaient pas tarder à venir.

168:4.2 Le mental des apôtres était très stimulé et ils passèrent un temps considérable à discuter de leurs récentes expériences concernant la prière et la réponse à la prière. Ils se rappelaient tous la déclaration faite, à Philadelphie, au messager arrivant de Béthanie quand Jésus avait dit clairement : « Cette maladie ne va pas réellement jusqu'à la mort. » Cependant, malgré cette promesse, Lazare était effectivement mort. Durant toute la journée, ils en revinrent constamment à discuter de ce problème de la réponse à la prière.

168:4.3 On peut résumer comme suit les réponses de Jésus à leurs nombreuses questions :

168:4.4 1. La prière est une expression du mental fini s'efforçant de s'approcher de l'Infini. La formulation d'une prière est donc nécessairement limitée par les connaissances, la sagesse et les attributs du fini. De même, la réponse doit être conditionnée par la vision, les buts, les idéaux et les prérogatives de l'Infini. Jamais on ne peut observer une continuité ininterrompue de phénomènes matériels entre la formulation d'une prière et la réception de la pleine réponse spirituelle qui y est faite.

168:4.5 2. Quand une prière reste apparemment sans réponse, le retard est souvent le présage d'une meilleure réponse, bien que, pour certaines bonnes raisons cette réponse soit considérablement retardée. Quand Jésus a dit que la maladie de Lazare n'irait pas réellement jusqu'à la mort, Lazare était déjà mort depuis onze heures. Aucune prière sincère ne reste sans réponse, sauf quand le point de vue supérieur du monde spirituel a conçu une meilleure réponse, une réponse qui satisfait la requête de l'esprit de l'homme, par contraste avec la prière du simple mental de l'homme.

168:4.6 3. Quand les prières temporelles sont composées par l'esprit et exprimées avec foi, elles sont souvent si vastes et si inclusives qu'elles ne peuvent recevoir de réponse que dans l'éternité. Une supplique finie est parfois tellement imprégnée de l'emprise de l'Infini que la réponse doit être longtemps différée pour attendre la création de la capacité réceptrice adéquate. La prière de la foi peut englober tant d'éléments que la réponse ne peut être reçue qu'au Paradis.

168:4.7 4. Les réponses à la prière du mental humain sont souvent d'une nature telle que ce mental en prière ne peut les recevoir et les reconnaître qu'après avoir lui-même atteint l'état d'immortalité. Bien souvent, il faut attendre que l'être matériel ait progressé au niveau spirituel pour qu'il puisse recevoir une réponse à sa prière.

168:4.8 5. Il se peut que la prière d'une personne qui connaît Dieu soit tellement déformée par l'ignorance et la superstition qu'il serait fort peu désirable d'y répondre. Alors, les êtres spirituels intermédiaires sont obligés de traduire cette prière d'une telle manière qu'au moment où la réponse arrive, le suppliant ne reconnaît pas que cette réponse s'applique à sa prière.

168:4.9 6. Toutes les vraies prières sont adressées à des êtres spirituels, et il faut que la réponse à toutes ces suppliques soit formulée en termes spirituels ; les réponses doivent consister en réalités spirituelles. Les êtres spirituels ne peuvent offrir de réponses matérielles aux prières spirituelles, même si elles émanent d'êtres matériels. Ces derniers ne peuvent prier efficacement que s'ils « prient dans l'esprit » .

168:4.10 7. Nulle prière ne peut espérer une réponse à moins d'être née de l'esprit et nourrie par la foi. La sincérité de votre foi implique que vous avez virtuellement accordé d'avance, aux destinataires de votre prière le plein droit de répondre à vos suppliques conformément à cette sagesse suprême et à cet amour divin qui, selon la description de votre foi, animent toujours ces êtres auxquels vous adressez vos prières.

168:4.11 8. L'enfant est toujours dans son droit quand il se risque à adresser une prière à ses parents. Et les parents restent dans le domaine de leurs obligations envers l'enfant dépourvu de maturité quand leur sagesse supérieure leur dicte qu'il faut retarder la réponse à la prière de l'enfant, la modifier, la passer au crible, la transcender, ou la reporter à un autre stade de l'ascension spirituelle.

168:4.12 9. N'hésitez pas à formuler les prières exprimant un désir spirituel ardent ; ne doutez pas qu'elles recevront une réponse. Ces réponses seront conservées en dépôt, en attendant que vous ayez effectivement atteint, sur ce monde-ci ou sur d'autres, les niveaux spirituels futurs d'épanouissement cosmique, où il vous deviendra possible de reconnaître et d'assimiler les réponses longtemps attendues à vos suppliques antérieures mais prématurées.

168:4.13 10. Toutes les suppliques authentiquement nées d'esprit sont certaines de recevoir une réponse. Demandez, et vous recevrez, mais n'oubliez pas que vous êtes des créatures qui progressent dans le temps et l'espace. Il vous faut donc constamment tenir compte du facteur espace-temps pour recevoir personnellement des réponses complètes à vos multiples prières et suppliques.

168.5  Ce qu'il advint de Lazare

168:5.1 Lazare demeura dans sa maison de Béthanie où il fut un centre de grand intérêt pour de nombreux croyants sincères et beaucoup de curieux. Lazare y resta jusqu'à la semaine de la crucifixion de Jésus, où il fut averti que le Sanhédrin avait décrété sa mort. Les dirigeants des Juifs étaient résolus à mettre fin à l'expansion des enseignements de Jésus. Ils estimaient fort justement qu'il serait inutile de mettre Jésus à mort s'ils permettaient à Lazare, représentant l'apogée de son oeuvre miraculeuse, de vivre et de témoigner que Jésus l'avait ressuscité d'entre les morts. Lazare avait déjà subi de cruelles persécutions de leur part.

168:5.2 Lazare prit donc hâtivement congé de ses soeurs à Béthanie, s'enfuit par Jéricho, traversa le Jourdain et ne s'accorda jamais un long repos avant d'avoir atteint Philadelphie. Lazare connaissait bien Abner et, là, il se sentait en sécurité contre les intrigues meurtrières de l'inique Sanhédrin.

168:5.3 Peu après, Marthe et Marie vendirent leurs terres de Béthanie et rejoignirent leur frère en Pérée. Entretemps, Lazare était devenu trésorier de l'Église de Philadelphie. Il soutint vigoureusement Abner dans sa controverse avec Paul et l'Église de Jérusalem. À l'âge de 67 ans, il mourut finalement de la même maladie qui l'avait emporté à Béthanie, quand il était plus jeune.

169. Derniers Enseignements à Pella

169:0.1 LE LUNDI 6 mars, tard dans la soirée, Jésus et les dix apôtres arrivèrent au camp de Pella. Ce fut la dernière semaine que Jésus y passa, et il l'employa très activement à enseigner la multitude et à instruire les apôtres. Tous les après-midis, il prêchait aux foules et, tous les soirs, il répondait aux questions des apôtres et de certains disciples évolués résidant au camp.

169:0.2 La nouvelle de la résurrection de Lazare était parvenue au camp deux jours avant l'arrivée du Maitre, et toute l'assemblée était en émoi. Depuis l'épisode où il avait nourri les cinq-mille, jamais rien ne s'était passé qui eût pareillement excité l'imagination des gens. Ce fut donc à l'apogée de la seconde phase de son ministère public que Jésus décida d'enseigner à Pella durant une seule courte semaine, puis de commencer la tournée de la Pérée méridionale, suivie directement par les expériences finales et tragiques de la dernière semaine à Jérusalem.

169:0.3 Les pharisiens et les chefs des prêtres avaient commencé à formuler leurs inculpations et à cristalliser leurs accusations. Ils s'opposaient aux enseignements du Maitre pour les motifs suivants :

169:0.4 1. Il est un ami des publicains et des pécheurs ; il reçoit les impies et mange même avec eux.

169:0.5 2. Il est un blasphémateur ; il parle de Dieu comme étant son Père et se croit l'égal de Dieu.

169:0.6 3. Il viole la loi. Il guérit les malades le jour du sabbat et tourne en dérision de bien d'autres manières la loi sacrée d'Israël.

169:0.7 4. Il est l'allié des démons. Il opère des prodiges et fait des miracles apparents par le pouvoir de Belzébuth, prince des démons.

169.1  La Parabole du Fils Perdu

169:1.1 Le jeudi après-midi, Jésus parla à la multitude de la « Grâce du Salut » . Au cours de ce sermon, il raconta de nouveau l'histoire de la brebis perdue, et celle de la pièce d'argent perdue, puis il ajouta sa parabole favorite du fils prodigue. Jésus dit :

169:1.2 « De Samuel à Jean, les prophètes vous ont recommandé de chercher Dieu - de rechercher la vérité. Ils ont toujours dit : `Cherchez le Seigneur pendant qu'on peut le trouver.' Tout cet enseignement devrait être pris à coeur, mais je suis venu vous montrer que, pendant que vous essayez de trouver Dieu, lui cherche également à vous trouver. Je vous ai raconté bien des fois l'histoire du bon berger qui abandonna les quatre-vingt-dix-neuf brebis au bercail pour aller à la recherche de celle qui était perdue ; et, lorsqu'il eut trouvé la brebis égarée, il la chargea sur son épaule et la rapporta tendrement au bercail. Quand la brebis égarée eut été ramenée au bercail, vous vous souvenez que le bon berger convoqua tous ses amis et les invita à se réjouir avec lui d'avoir trouvé la brebis perdue. De nouveau, je vous dis qu'il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance. Le fait que des âmes soient perdues ne fait qu'accroitre l'intérêt que leur porte le Père céleste. Je suis venu dans ce monde pour accomplir les ordres de mon Père, et l'on a dit à juste titre du Fils de l'Homme qu'il est un ami des publicains et des pécheurs.

169:1.3 « On vous a enseigné que votre admission auprès de Dieu vient après votre repentir et comme conséquence de toutes vos oeuvres de sacrifice et de pénitence, mais je vous assure que le Père vous accepte avant même que vous vous soyez repentis ; il envoie le Fils et ses associés pour vous trouver et vous ramener avec allégresse au bercail - le royaume de la filiation et du progrès spirituel. Vous ressemblez tous à des brebis égarées, et je suis venu chercher et sauver ceux qui sont perdus.

169:1.4 « Rappelez-vous aussi l'histoire de la femme qui avait fait monter en parure dix pièces d'argent enfilées en un collier, et qui avait perdu l'une des pièces ; elle alluma la lampe, balaya diligemment la maison et poursuivit sa recherche jusqu'à ce qu'elle eût retrouvé la pièce d'argent perdue. Dès qu'elle eut trouvé la pièce qu'elle avait perdue, elle convoqua ses amis et ses voisins en disant : `Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé la pièce qui était perdue.' Je répète donc qu'il y a toujours de la joie chez les anges du ciel pour un pécheur qui se repent et revient au bercail du Père. Je vous raconte cette histoire pour bien vous faire comprendre que le Père et le Fils vont à la recherche de ceux qui sont perdus. Dans cette recherche, nous employons toutes les influences susceptibles d'aider nos efforts diligents pour trouver les égarés, ceux qui ont besoin d'être sauvés. Ainsi, le Fils de l'Homme s'en va dans les lieux désertiques pour chercher la brebis égarée, mais il cherche aussi la pièce d'argent perdue dans la maison. La brebis s'égare inconsciemment ; la pièce est couverte par la poussière du temps et dissimulée sous une accumulation de choses humaines.

169:1.5 « Maintenant, je voudrais vous raconter l'histoire du fils écervelé d'un riche fermier, qui quitta délibérément la maison de son père et s'en alla dans un pays étranger où il subit de nombreuses tribulations. Vous vous rappelez que la brebis s'égara par mégarde, mais ce jeune homme quitta son foyer avec préméditation. L'histoire se passa comme suit :

169:1.6 Un homme avait deux fils. Le plus jeune était enjoué et insouciant, cherchant toujours à prendre du bon temps et à esquiver les responsabilités, tandis que son frère ainé était sérieux, posé, travailleur et prêt à assumer les responsabilités. Les deux frères ne s'entendaient pas bien ; ils se disputaient et se querellaient constamment. Le cadet était gai et vif, mais paresseux, et l'on ne pouvait se fier à lui ; l'ainé était assidu et industrieux, mais en même temps égocentrique, bourru et vaniteux. Le fils cadet appréciait le jeu, mais évitait le travail ; l'ainé se consacrait au travail, mais jouait rarement. Cette association devint si pénible que le cadet alla trouver son père et lui dit : `Père, donne-moi le tiers de ton avoir, ce qui me reviendrait en héritage, et permets-moi de partir dans le monde entier tenter ma propre chance.' Le père savait combien le jeune homme était malheureux à la maison du fait de son frère ainé. Après avoir entendu cette requête, il divisa son bien et donna sa part au cadet.

169:1.7 « En quelques semaines, le jeune homme réunit tous ses fonds et partit en voyage pour un pays lointain. Ne trouvant rien à faire qui fût à la fois profitable et agréable, il dilapida bientôt tout son héritage en menant une vie dissolue. Lorsqu'il eut tout dépensé, une famine prolongée survint dans ce pays, et le jeune homme se trouva dans la misère. Après avoir souffert de la faim et d'une grande détresse, il trouva un emploi chez un habitant de ce pays, qui l'envoya dans les champs nourrir des pourceaux. Le jeune homme se serait volontiers rassasié des gousses destinées aux pourceaux, mais personne ne voulait rien lui donner.

169:1.8 « Un jour qu'il avait très faim, il se ressaisit et dit : `Combien de serviteurs de mon père ont du pain en surabondance, tandis que je meurs de faim en nourrissant des pourceaux dans un pays étranger ! Je vais me lever, aller chez mon Père et lui dire : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Accepte seulement de m'embaucher comme un de tes serviteurs à gages.' Et, lorsque le jeune homme fut parvenu à cette décision, il se leva et partit pour la maison de son père.

169:1.9 « Or, le père avait été très peiné au sujet de son fils. Le jeune homme enjoué, mais écervelé, lui avait beaucoup manqué. Ce père aimait ce fils et guettait toujours son retour, de sorte que, le jour où le fils approcha de la maison, le père le vit, bien qu'il fût encore très loin. Ému de compassion et d'amour, il courut à sa rencontre, l'entoura affectueusement de ses bras et l'embrassa. Après ce premier contact, le fils regarda le visage ruisselant de larmes de son père et dit : `Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne suis plus digne d'être appelé un fils' - mais il n'eut pas la possibilité d'achever sa confession, car le père transporté de joie dit aux serviteurs accourus entretemps : `Apportez vite sa plus belle robe, celle que j'ai conservée, et mettez-la-lui et passez-lui au doigt l'anneau du fils et cherchez des sandales pour ses pieds.'

169:1.10 « Ensuite, après que l'heureux père eut conduit à la maison le garçon fatigué aux pieds endoloris, il cria à ses serviteurs : `Amenez le veau gras et tuez-le ; mangeons et réjouissons-nous, car mon fils que voici était mort et vit de nouveau. Il était perdu et il est retrouvé.' Et ils se réunirent tous autour du père pour se réjouir avec lui de ce que son fils lui était rendu.

169:1.11 « À ce moment, tandis qu'ils festoyaient, le fils ainé revint de son travail quotidien dans les champs ; en approchant de la maison, il entendit la musique et les danses. En arrivant à la porte de derrière, il appela l'un des serviteurs et lui demanda la signification de toutes ces festivités. Le serviteur répondit : `Ton frère perdu depuis longtemps est revenu au foyer, et ton père a tué le veau gras pour se réjouir de l'avoir vu rentrer sain et sauf. Entre pour saluer aussi ton frère et l'accueillir à son retour au foyer de ton père.'

169:1.12 « Lorsque le frère ainé entendit cela, il fut tellement froissé et irrité qu'il ne voulut pas entrer dans la maison. Apprenant la rancune de l'ainé à propos de la bienvenue réservée au cadet, le père sortit pour supplier son fils ainé de venir. Mais l'ainé ne voulut pas céder à la persuasion et répondit à son père : `Durant toutes ces années, je t'ai servi ici sans jamais transgresser le moindre de tes commandements, et, cependant, tu ne m'as jamais donné même un chevreau pour que je puisse festoyer avec mes amis. Je suis resté constamment ici à prendre soin de toi, et tu n'as jamais donné de réjouissances à propos de mon fidèle service ; mais, quand ton cadet revient après avoir dissipé tout ton bien avec des prostituées, tu te hâtes de tuer le veau gras et de fêter son retour.'

169:1.13 « Or, le père aimait sincèrement ses deux fils ; il essaya de raisonner l'ainé : `Mais, mon fils, tu as toujours été avec moi, et tout ce que j'ai est à toi. Tu aurais pu avoir un chevreau à tout moment si tu t'étais fait des amis pour partager ton allégresse. Il convient, aujourd'hui, que tu te joignes à moi pour être heureux et joyeux du retour de ton frère. Pense à cela, mon fils, ton frère était perdu et il est retrouvé ; il est revenu vivant auprès de nous !' »

169:1.14 Ce fut l'une des paraboles les plus émouvantes et les plus efficaces que Jésus présenta pour bien faire comprendre à ses auditeurs la bonne volonté du Père à recevoir ceux qui cherchent à entrer dans le royaume des cieux.

169:1.15 Jésus avait une grande prédilection pour raconter ces trois histoires à la suite. Il présentait l'histoire de la brebis perdue pour montrer que, si les hommes s'écartent involontairement du sentier de la vie, le Père se soucie de ces enfants perdus et sort avec ses Fils, les vrais bergers du troupeau, pour rechercher la brebis égarée. Il racontait ensuite l'histoire de la pièce d'argent perdue dans la maison, pour illustrer la minutie de la recherche divine de tous ceux qui sont troublés, déconcertés, ou autrement aveuglés spirituellement par les soucis matériels et la masse des détails de la vie. Ensuite, Jésus se lançait dans la narration de la parabole du fils perdu, de l'accueil du prodigue à son retour, pour montrer combien est complète la réintégration du fils perdu dans la maison et le coeur de son Père.

169:1.16 Maintes et maintes fois durant les années de son enseignement, Jésus raconta et répéta l'histoire du fils prodigue. Cette parabole et l'histoire du bon Samaritain étaient son moyen favori pour enseigner l'amour du Père et les sentiments fraternels envers le prochain.

169.2  La Parabole de l'Intendant Avisé

169:2.1 Un soir, en commentant l'un des points exposés par Jésus, Simon Zélotès dit : « Maitre, qu'as-tu voulu dire, aujourd'hui, lorsque tu as affirmé que beaucoup d'enfants du monde sont plus avisés parmi leurs contemporains que les enfants du royaume, car ils sont habiles à se faire des amis avec le mammon de l'injustice ? » Jésus répondit :

169:2.2 « Avant d'entrer dans le royaume, certains d'entre vous étaient très avisés dans leurs rapports d'affaires avec leurs associés. Si vous étiez injustes et souvent déloyaux, vous étiez néanmoins prudents et clairvoyants, en ce sens que vous traitiez vos opérations avec le seul souci de votre profit immédiat et de votre sécurité future. De même vous devriez ordonner votre vie dans le royaume de manière qu'elle vous procure une joie immédiate et vous assure également la jouissance future de trésors accumulés au ciel. Puisque vous étiez si diligents à faire des profits personnels quand vous étiez au service du moi, pourquoi montreriez-vous moins d'empressement à gagner des âmes pour le royaume, puisque vous êtes maintenant les serviteurs de la fraternité des hommes et les intendants de Dieu ?

169:2.3 « Vous pouvez tous tirer une leçon de l'histoire d'un homme riche qui avait un intendant avisé, mais injuste. Non seulement cet intendant avait pressuré les clients de son maitre pour son profit personnel, mais il avait également gaspillé et dissipé sans vergogne les fonds de son maitre. Lorsque tout ceci finit par lui être rapporté, le maitre convoqua son intendant et lui demanda la signification de ces rumeurs ; il exigea que l'intendant lui rendit compte immédiatement de sa gérance et se prépara à passer à quelqu'un d'autre les affaires qu'il lui avait confiées.

169:2.4 « L'intendant infidèle commença à se dire en lui-même : `Que vais-je devenir, puisque je vais perdre cette gérance ? Je n'ai pas la force de bêcher la terre et j'ai honte de mendier. Je sais ce que je vais faire pour être certainement bien accueilli dans les maisons de tous ceux qui font des affaires avec mon maitre, quand je serai destitué de cette gérance.' Alors, il convoqua tous les débiteurs de son maitre et dit au premier : `Combien dois-tu à mon maitre ?' Le débiteur répondit : `Cent mesures d'huile.' L'intendant dit : `Prends ta planchette de cire, assieds-toi vite et change ton reçu en cinquante.' Ensuite, il dit à un autre débiteur : `Combien dois-tu ?' Et celui-ci répondit : `Cent mesures de froment.' Et l'économe dit : `Prends ton reçu et écris quatre-vingts.' Et il fit de même pour de nombreux autres débiteurs. Cet intendant infidèle cherchait ainsi à se faire des amis après qu'il aurait été destitué de sa gérance. Quand son seigneur et maitre découvrit ultérieurement le procédé, il fut lui-même obligé d'admettre que son intendant infidèle avait au moins montré de la sagacité dans la manière dont il avait cherché à s'assurer des ressources pour ses futures années de misère et d'adversité.

169:2.5 « C'est de cette manière que les enfants de ce monde montrent parfois plus de sagesse que les enfants de lumière pour préparer leur avenir. À vous qui professez d'acquérir un trésor dans les cieux, je vous dis : Prenez des leçons de ceux qui se font des amis avec le mammon de l'injustice, et conduisez de même votre vie de manière à vous lier d'amitié éternelle avec les forces de droiture ; ainsi, quand toutes les ressources terrestres viendront à vous manquer, vous serez joyeusement reçus dans les demeures éternelles.

169:2.6 « J'affirme que quiconque est fidèle dans les petites choses sera également fidèle dans les grandes ; et celui qui est injuste dans les petites choses sera également injuste dans les grandes. Si vous n'avez pas montré de prévoyance et d'intégrité dans les affaires de ce monde, comment pouvez-vous espérer être fidèles et prudents quand on vous confiera l'administration des véritables richesses du royaume céleste ? Si vous n'êtes pas de bons intendants et de fidèles banquiers, si vous n'avez pas été loyaux pour ce qui appartient à autrui, qui sera assez fou pour vous donner en propre un grand trésor ?

169:2.7 « J'affirme de nouveau que nul ne peut servir deux maitres à la fois. Ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un en méprisant l'autre. On ne peut servir Dieu et mammon. »

169:2.8 Lorsque les pharisiens présents entendirent cela, ils commencèrent à se moquer de Jésus et à le railler, car ils étaient fort adonnés à l'acquisition des richesses. Ces auditeurs hostiles cherchèrent à engager Jésus dans des discussions stériles, mais il refusa d'argumenter avec ses ennemis. Quand les pharisiens en vinrent à se quereller entre eux, leurs éclats de voix attirèrent un grand nombre de campeurs des environs et, quand la dispute s'envenima, Jésus se retira dans sa tente pour la nuit.

169.3  L'Homme Riche et le Mendiant

169:3.1 Quand la réunion devint trop bruyante, Simon Pierre se leva, prit le commandement et dit : « Mes frères, il est indécent de vous disputer ainsi. Le Maitre a parlé, et vous faites bien de méditer ses paroles. Il ne vous a pas proclamé une nouvelle doctrine. N'avez-vous pas également entendu l'allégorie des Naziréens sur l'homme riche et le mendiant ? Certains d'entre nous ont entendu Jean le Baptiste fulminer l'avertissement de cette parabole à ceux qui aiment les richesses et convoitent la fortune mal acquise. Cette ancienne parabole n'est pas conforme à l'évangile que nous prêchons, mais vous feriez tous bien de prêter attention à ses leçons jusqu'au moment où vous comprendrez la nouvelle lumière du royaume des cieux. L'histoire telle que la racontait Jean était celle-ci :

169:3.2 « Il y avait un homme riche nommé Divès qui, vêtu de pourpre et de lin fin, vivait tous les jours dans le luxe et les plaisirs. Il y avait un mendiant nommé Lazare, couché à sa porte, couvert d'ulcères et désireux de se nourrir des miettes qui tombaient de la table de l'homme riche ; oui, les chiens venaient même lécher ses plaies. Et il advint que le mendiant mourut et fut emporté par les anges pour reposer dans le sein d'Abraham. Bientôt après, l'homme riche mourut à son tour et fut enterré en grande pompe avec une splendeur royale. Après avoir quitté ce monde, il se réveilla dans le Hadès, où il se trouva dans les tourments. Levant les yeux, il vit au loin Abraham avec Lazare sur son sein. Alors, Divès cria à haute voix : `Père Abraham, aie pitié de moi et envoie-moi Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraichisse la langue, car je suis dans une grande détresse à cause de ma punition.' Abraham répondit : `Mon fils, souviens-toi que tu as joui des bonnes choses durant ta vie, pendant que Lazare supportait les mauvaises. Maintenant, tout est changé, car Lazare est réconforté, tandis que tu es tourmenté. En outre, entre nous et toi, il y a un grand abime, de sorte que nous ne pouvons aller à toi et que tu ne peux venir à nous.' Alors, Divès dit à Abraham : `Je te prie de renvoyer Lazare à la maison de mon père, car j'ai cinq frères, afin qu'il témoigne et qu'il empêche mes frères de venir en ce lieu de tourment.' Mais Abraham dit : `Mon fils, ils ont Moïse et les prophètes ; qu'ils les écoutent.' Et Divès répondit : `Non, non, Père Abraham, mais, si quelqu'un des morts vient à eux, ils se repentiront.' Et Abraham dit : `S'ils n'écoutent ni Moïse ni les prophètes, ils ne seront pas non plus persuadés, même si quelqu'un devait ressusciter d'entre les morts.' »

169:3.3 Après que Pierre eut raconté cette ancienne parabole de la confrérie naziréenne, et vu que la foule s'était calmée, André se leva et congédia l'assistance pour la nuit. Les apôtres et les disciples interrogèrent souvent Jésus sur la parabole de Divès et de Lazare, mais il ne consentit jamais à la commenter.

169.4  Le Père et son Royaume

169:4.1 Jésus eut toujours beaucoup de peine à expliquer aux apôtres que, bien qu'ils aient proclamé l'établissement du royaume de Dieu, le Père qui est aux cieux n'était pas un roi. À l'époque où Jésus vivait et enseignait sur terre, les peuples d'Urantia connaissaient surtout l'existence de rois et d'empereurs dans le gouvernement des nations, et les Juifs avaient envisagé, depuis longtemps, la venue du royaume de Dieu. Pour ces raisons et pour d'autres encore, le Maitre pensa que le meilleur terme pour désigner la fraternité spirituelle des hommes était le royaume des cieux, et appela Père qui est aux cieux le chef spirituel de cette fraternité. Jamais Jésus ne qualifia son Père de roi. Dans ses entretiens privés avec ses apôtres, il se présentait toujours lui-même comme le Fils de l'Homme, comme leur frère ainé. Il donnait, à tous ses disciples, les qualificatifs de « serviteurs de l'humanité » et de « messagers de l'évangile du royaume » .

169:4.2 Jamais Jésus ne fit à ses apôtres une leçon systématique sur la personnalité et les attributs du Père qui est aux cieux. Jamais il ne demanda aux hommes de croire à son Père, car il considérait la chose comme acquise. Jésus ne s'abaissa jamais à offrir des arguments pour prouver la réalité du Père. Son enseignement concernant le Père était entièrement centré sur les déclarations suivantes : Lui et le Père ne font qu'un ; quiconque a vu le Fils a vu le Père ; le Père, comme le Fils, connaît toutes choses ; seuls le Fils et ceux à qui le Fils le révèle connaissent réellement le Père ; quiconque connaît le Fils connaît aussi le Père ; le Père a envoyé le Fils dans le monde pour révéler leurs natures conjuguées et pour annoncer leur oeuvre commune. Il ne fit jamais d'autres déclarations sur son Père, sauf à la Samaritaine au puits de Jacob lorsqu'il dit : « Dieu est esprit. »

169:4.3 C'est en observant la divinité de la vie de Jésus, et non en se basant sur ses enseignements, que l'on apprend à connaître Dieu par Jésus. Dans la vie du Maitre, chacun peut assimiler un concept de Dieu représentant la mesure de sa capacité à percevoir les réalités spirituelles et divines, les vérités réelles et éternelles. Le fini ne peut jamais espérer comprendre l'Infini, sauf quand l'Infini a été focalisé dans la personnalité d'espace-temps de l'expérience finie de la vie humaine de Jésus de Nazareth.

169:4.4 Jésus savait bien que Dieu n'est connaissable que par les réalités de l'expérience ; on ne peut jamais le comprendre par le seul enseignement du mental. Jésus apprit à ses apôtres qu'ils ne pourraient jamais entièrement comprendre Dieu, mais qu'ils pourraient très certainement le connaître, de même qu'ils avaient connu le Fils de l'Homme. On peut connaître Dieu, non en comprenant ce que Jésus a dit, mais en sachant ce que Jésus était. Jésus était une révélation de Dieu.

169:4.5 Sauf quand il citait les Écritures hébraïques, Jésus ne se référait à la Déité que sous deux noms : Dieu et Père. Quand le Maitre se référait à son Père en tant que Dieu, il employait généralement le mot hébreu signifiant le Dieu plural (la Trinité), et non le mot Yahweh qui représentait la conception évoluante du Dieu tribal des Juifs.

169:4.6 Jésus n'appela jamais le Père un roi et regrettait beaucoup que l'espoir juif d'un royaume rétabli, et la proclamation de Jean d'un royaume à venir, l'ait obligé d'appeler « royaume des cieux » la fraternité spirituelle qu'il se proposait d'établir. Sauf une seule exception - la déclaration que « Dieu est esprit » - Jésus ne fit aucune référence à la Déité autrement qu'en termes décrivant ses propres relations personnelles avec la Source-Centre Première du Paradis.

169:4.7 Jésus employait le mot Dieu pour désigner l'idée de la Déité, et le mot Père pour désigner l'expérience de connaître Dieu. Quand le mot Père est employé pour désigner Dieu, il faut l'interpréter dans sa signification la plus large. Le mot Dieu ne peut être défini ; il représente donc le concept infini du Père, tandis que le mot Père, étant susceptible d'une définition partielle, peut être employé pour représenter le concept humain du Père divin tel qu'il est associé à l'homme au cours de l'existence mortelle.

169:4.8 Pour les Juifs, Élohim était le Dieu des dieux, tandis que Yahweh était le Dieu d'Israël. Jésus accepta le concept des Élohim et appela Dieu ce groupe d'êtres suprêmes. À la place du concept de Yahweh, déité raciale, il introduisit l'idée de la paternité de Dieu et de la fraternité mondiale des hommes. Il éleva le concept de Yahweh, Père racial déifié, jusqu'à l'idée d'un Père de tous les enfants des hommes, d'un Père divin des croyants individuels. En outre, il enseigna que ce Dieu des univers et ce Père de tous les hommes ne formaient qu'une seule et même Déité du Paradis.

169:4.9 Jésus ne prétendit jamais être la manifestation incarnée des Élohim (Dieu). Il ne proclama jamais qu'il était une révélation des Élohim (Dieu) pour les mondes. Il n'enseigna jamais que quiconque l'avait vu avait vu les Élohim (Dieu). Mais il proclama qu'il était la révélation incarnée du Père, et il affirma que quiconque l'avait vu avait vu le Père. En tant que Fils divin, il ne prétendait représenter que le Père.

169:4.10 En vérité, il était même le Fils du Dieu Élohim ; mais, durant son incarnation, et pour les fils mortels de Dieu, il décida de limiter la révélation de sa vie au portrait du caractère de son Père, dans la mesure où cette révélation pourrait être comprise par l'homme mortel. En ce qui concerne le caractère des autres personnes de la Trinité du Paradis, nous devrons nous contenter d'apprendre qu'elles ressemblent entièrement au Père, dont le portrait personnel a été révélé dans la vie de son Fils incarné, Jésus de Nazareth.

169:4.11 Bien que, dans sa vie terrestre, Jésus ait révélé la vraie nature du Père céleste, il enseigna peu de choses sur lui. En fait, il en enseigna seulement deux : que Dieu en lui-même est esprit et que, dans tous les domaines concernant ses rapports avec ses créatures, il est un Père. Ce soir-là, Jésus fit la proclamation définitive de ses relations avec Dieu lorsqu'il déclara : « Je suis issu du Père et je suis venu dans le monde ; de nouveau, je quitterai le monde et j'irai au Père. »

169:4.12 Attention ! Jésus n'a jamais dit : « Quiconque m'a entendu a entendu Dieu. » Mais il a dit : « Celui qui m'a vu a vu le Père. » Écouter l'enseignement de Jésus n'équivaut pas à connaître Dieu, mais voir Jésus est une expérience qui est en elle-même une révélation du Père à l'âme. Le Dieu des univers règne sur l'immense création, mais c'est le Père céleste qui envoie son esprit habiter votre mental.

169:4.13 Jésus sous forme humaine est dans le domaine spirituel l'équivalent de la lentille en optique, il rend visible à la créature matérielle Celui qui est invisible. Jésus est votre ainé qui, en incarnation, vous fait connaître un Être aux attributs infinis, que les armées célestes elles-mêmes ne peuvent prétendre comprendre complètement. Tout ceci doit consister dans l'expérience personnelle des croyants individuels. C'est seulement en tant qu'expérience spirituelle que l'on peut connaître Dieu, qui est esprit. C'est seulement en tant que Père que le divin Fils des royaumes spirituels peut révéler Dieu aux fils finis des mondes matériels. Vous pouvez connaître l'Éternel en tant que Père, mais vous pouvez l'adorer en tant que Dieu des univers, Créateur infini de toutes les existences.

170. Le Royaume des Cieux

170:0.1 LE SAMEDI après-midi 11 mars, Jésus prêcha son dernier sermon à Pella. Ce fut l'une des allocutions les plus remarquables de son ministère public, embrassant une discussion complète et détaillée du royaume des cieux. Il se rendait compte de la confusion qui régnait dans le mental de ses apôtres et de ses disciples au sujet du sens et de la signification des expressions « royaume des cieux » et « royaume de Dieu » , qu'il employait indifféremment pour désigner sa mission d'effusion. Le terme même de royaume des cieux aurait dû suffire à séparer ce qu'il représentait de toute connexion avec les royaumes terrestres et les gouvernements temporels, mais il n'en était rien. L'idée d'un roi temporel était trop profondément enracinée dans le mental des Juifs pour être ainsi délogée en une seule génération. C'est pourquoi Jésus ne s'opposa pas ouvertement, de prime abord, à ce concept longtemps entretenu du royaume.

170:0.2 Au cours de cet après-midi de sabbat, le Maitre chercha à clarifier l'enseignement sur le royaume des cieux. Il traita le sujet sous tous les angles et s'efforça d'expliquer les nombreux sens différents dans lesquels le terme avait été employé. Dans cet exposé, nous ajouterons, à son discours, maintes déclarations faites par Jésus en des occasions antérieures, et nous y inclurons certaines remarques faites exclusivement aux apôtres au cours des discussions de la soirée du même jour. Nous ferons également certains commentaires sur le développement ultérieur de l'idée du royaume en relation avec l'Église chrétienne édifiée plus tard.

170.1  Concepts du Royaume des Cieux

170:1.1 En liaison avec le récit du sermon de Jésus, il faut noter que l'ensemble des Écritures hébraïques comporte un double concept du royaume des cieux. Les prophètes ont présenté le royaume de Dieu comme étant :

170:1.2 1. Une réalité présente ; et comme

170:1.3 2. Un espoir futur - quand le royaume serait réalisé dans sa plénitude au moment de l'apparition du Messie. C'est le concept du royaume enseigné par Jean le Baptiste.

170:1.4 Dès le début, Jésus et les apôtres enseignèrent chacun de ces deux concepts. Il faudrait garder présentes à la mémoire deux autres idées du royaume :

170:1.5 3. Le concept juif ultérieur d'un royaume mondial et transcendantal d'origine surnaturelle et d'inauguration miraculeuse.

170:1.6 4. Les enseignements persans décrivant l'établissement d'un royaume divin en tant qu'aboutissement du triomphe du bien sur le mal à la fin du monde.

170:1.7 Juste avant la venue de Jésus sur terre, les Juifs combinaient et confondaient toutes ces idées du royaume dans leur concept apocalyptique de la venue du Messie pour établir l'âge du triomphe juif, l'âge éternel de la souveraineté suprême de Dieu sur terre, le nouveau monde, l'ère où l'humanité adorerait Yahweh. En choisissant d'utiliser ce concept du royaume des cieux, Jésus décida de s'approprier l'héritage le plus élevé et le plus essentiel des deux religions juive et persane.

170:1.8 Le royaume des cieux, tel qu'il a été tantôt justement et tantôt faussement compris durant les siècles de l'ère chrétienne, embrassait quatre groupes distincts d'idées :

170:1.9 1. Le concept des Juifs.

170:1.10 2. Le concept des Persans.

170:1.11 3. Le concept d'expérience personnelle de Jésus, « le royaume des cieux en vous. »

170:1.12 4. Les concepts composites et confus que les fondateurs et promoteurs du christianisme ont cherché à inculquer au monde.

170:1.13 À différentes époques et dans des circonstances variées, il semble que Jésus ait présenté de nombreux concepts du « royaume » dans ses leçons publiques. Mais, à ses apôtres, il enseigna toujours le royaume comme embrassant l'expérience personnelle d'un homme par rapport à ses contemporains sur terre et au Père dans les cieux. Ses derniers mots, au sujet du royaume, étaient toujours : « Le royaume est en vous. »

170:1.14 Trois facteurs ont causé des siècles de confusion au sujet du sens de l'expression « le royaume des cieux » :

170:1.15 1. La confusion causée par l'idée du « royaume » au cours de son remaniement progressif par Jésus et ses apôtres, en passant par diverses phases.

170:1.16 2. La confusion qui accompagna inévitablement la transplantation du christianisme primitif d'un terrain juif sur un terrain païen.

170:1.17 3. La confusion inhérente au fait que le christianisme devint une religion organisée autour de l'idée centrale de la personne de Jésus. L'évangile du royaume devint de plus en plus une religion à propos de Jésus.

170.2  Le Concept du Royaume chez Jésus

170:2.1 Le Maitre fit apparaître clairement que le royaume des cieux doit commencer par le double concept de la vérité de la paternité de Dieu et le fait corrélatif de la fraternité des hommes, et qu'il doit rester centré sur ce double concept. Jésus déclara que l'acceptation d'un tel enseignement libèrerait les hommes de l'asservissement millénaire à la crainte animale, et en même temps enrichirait la vie humaine avec les dons suivants de la nouvelle vie de liberté spirituelle :

170:2.2 1. La possession d'un nouveau courage et d'un pouvoir spirituel accru. L'évangile du royaume devait libérer l'homme et lui donner l'inspiration propre à oser espérer la vie éternelle.

170:2.3 2. L'évangile apportait un message de nouvelle confiance et de vraie consolation à tous les hommes, même aux pauvres.

170:2.4 3. L'évangile était lui-même un nouvel étalon des valeurs morales, un nouveau critère éthique permettant de mesurer la conduite humaine. Il décrivait l'idéal d'un nouvel ordre social qui en serait la conséquence.

170:2.5 4. Il enseignait la primauté du spirituel comparé au matériel ; il glorifiait les réalités spirituelles et exaltait les idéaux suprahumains.

170:2.6 5. Ce nouvel évangile présentait l'aboutissement spirituel comme le vrai but de la vie. La vie humaine recevait une nouvelle dotation de valeur morale et de dignité divine.

170:2.7 6. Jésus enseigna que les réalités éternelles étaient le résultat (la récompense) de la droiture dans les efforts terrestres. Le séjour des mortels sur terre acquit de nouvelles significations comme conséquences de la reconnaissance d'une noble destinée.

170:2.8 7. Le nouvel évangile affirmait que le salut humain est la révélation d'un dessein divin de grande envergure devant être accompli et réalisé dans la destinée future du service sans fin des fils de Dieu qui seraient sauvés.

170:2.9 Ces enseignements couvrent l'idée amplifiée du royaume que Jésus enseignait. Ce grand concept n'était guère inclus dans les notions élémentaires et confuses que Jean le Baptiste enseignait sur le royaume.

170:2.10 Les apôtres étaient incapables de saisir la signification réelle des propos du Maitre concernant le royaume. La déformation ultérieure des enseignements de Jésus, tels qu'ils sont enregistrés dans le Nouveau Testament, provient de ce que le concept des auteurs évangéliques était empreint de la croyance que Jésus s'était seulement absenté de ce monde pour une brève période, et qu'il ne tarderait pas à revenir pour établir le royaume en puissance et en gloire - exactement l'idée à laquelle ils s'étaient attachés pendant que le Maitre était avec eux dans la chair. Mais Jésus n'avait pas lié l'établissement du royaume à l'idée de son retour dans ce monde. Que les siècles aient passé sans aucun signe de l'apparition du « Nouvel Âge » ne contredit en rien l'enseignement de Jésus.

170:2.11 Le grand effort incorporé dans ce sermon fut la tentative pour transférer le concept du royaume des cieux dans l'idéal de l'idée de faire la volonté de Dieu. Depuis longtemps, le Maitre avait appris à ses disciples à prier : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite. » À cette époque, il chercha sérieusement à leur abandonner l'emploi de l'expression, royaume de Dieu, en faveur d'un équivalent plus pratique, la volonté de Dieu, mais il n'y parvint pas.

170:2.12 Jésus désirait substituer à l'idée de royaume, de roi et de sujets, le concept de la famille céleste, du Père céleste et des fils de Dieu libérés, engagés dans un service joyeux et volontaire en faveur de leurs semblables humains et dans l'adoration sublime et intelligente de Dieu le Père.

170:2.13 Jusque-là, les apôtres avaient acquis un double point de vue sur le royaume. Ils le considéraient comme :

170:2.14 1. Une affaire d'expérience personnelle alors présente dans le coeur des vrais croyants.

170:2.15 2. Une question de phénomène racial ou mondial ; le royaume était dans l'avenir, quelque chose qu'il fallait envisager avec plaisir.

170:2.16 Les apôtres considéraient la venue du royaume dans le coeur des hommes comme un développement graduel, semblable au levain dans la pâte ou à la croissance du grain de sénevé. Ils croyaient que la venue du royaume au sens racial ou mondial serait à la fois soudain et spectaculaire. Jamais Jésus ne se lassa de leur dire que le royaume des cieux était leur expérience personnelle consistant à réaliser les qualités supérieures de la vie spirituelle, et que ces réalités de l'expérience spirituelle sont progressivement transférées à des plans nouveaux et supérieurs de certitude divine et de grandeur éternelle.

170:2.17 Cet après-midi-là, le Maitre enseigna nettement un nouveau concept de la double nature du royaume, en ce sens qu'il en décrivit les deux phases suivantes :

170:2.18 « Premièrement, le royaume de Dieu dans ce monde, le suprême désir de faire la volonté de Dieu, l'amour désintéressé des hommes qui donne les bons fruits d'une conduite éthique et morale améliorée.

170:2.19 « Deuxièmement, le royaume de Dieu, dans les cieux, le but des croyants mortels, l'état où l'amour pour Dieu est parvenu à la perfection et où la volonté de Dieu est accomplie plus divinement. »

170:2.20 Jésus enseigna que, par la foi, le croyant entre dès maintenant dans le royaume. Dans ses divers discours, il enseigna que deux choses sont essentielles pour entrer par la foi dans le royaume :

170:2.21 1. La foi, la sincérité. Venir comme un petit enfant, recevoir le bénéfice de la filiation comme un don ; accepter de faire, sans mettre en doute, la volonté du Père, avec une confiance pleine et sincère dans la sagesse du Père ; entrer dans le royaume, libre de préjugés et d'idées préconçues ; avoir l'esprit ouvert et être enseignable comme un enfant non gâté.

170:2.22 2. La faim de la vérité. La soif de droiture, un changement de mental, l'acquisition du mobile qui pousse à être semblable à Dieu et à trouver Dieu.

170:2.23 Jésus enseigna que le péché n'est pas la conséquence d'une nature défectueuse, mais plutôt le fruit d'un mental conscient dominé par une volonté rebelle. En ce qui concerne le péché, il enseigna que Dieu a pardonné, et c'est par l'acte de pardonner à notre prochain que nous rendons le pardon de Dieu disponible en notre faveur personnelle. Quand vous pardonnez à votre frère incarné, vous créez ainsi dans votre propre âme, la capacité de recevoir la réalité du pardon de Dieu pour vos propres méfaits.

170:2.24 À l'époque où l'apôtre Jean commença d'écrire l'histoire de la vie et des enseignements de Jésus, les premiers chrétiens avaient éprouvé tant d'ennuis liés à l'idée du royaume de Dieu comme génératrice de persécutions qu'ils abandonnèrent à peu près l'emploi de ce terme. Jean parle beaucoup de la « vie éternelle » . Jésus en parla souvent comme du « royaume de vie » . Souvent aussi, il faisait allusion au « royaume de Dieu en vous » . Il qualifia une fois cette expérience de « communauté familiale avec Dieu le Père » . Jésus chercha à substituer de nombreuses expressions au mot « royaume » mais toujours sans succès. Il employa entre autres : la famille de Dieu, la volonté du Père, les amis de Dieu, la communauté des croyants, la fraternité des hommes, le bercail du Père, les enfants de Dieu, la communion des fidèles, le service du Père et les fils de Dieu affranchis.

170:2.25 Mais il ne put éviter d'utiliser l'idée de royaume. Ce fut seulement un demi-siècle plus tard, après la destruction de Jérusalem par les armées romaines, que ce concept du royaume commença à changer. Il se transforma en culte de la vie éternelle, tandis que ses aspects sociaux et institutionnels étaient pris en charge par l'Église chrétienne en voie de développement et de cristallisation rapides.

170.3  En Rapport avec la Droiture

170:3.1 Jésus s'efforça toujours d'inculquer à ses apôtres et disciples la nécessité d'acquérir, par la foi, une droiture qui dépasserait celle des oeuvres serviles que certains scribes et pharisiens étalaient avec tant de vanité devant le monde.

170:3.2 Jésus enseigna que la foi, la simple croyance enfantine, est la clef de la porte du royaume, mais il enseigna également qu'après avoir passé la porte, il y a les degrés successifs de droiture que chaque enfant croyant doit gravir pour grandir jusqu'à la pleine stature des robustes fils de Dieu.

170:3.3 C'est par l'étude de la technique pour recevoir le pardon de Dieu que se révèle la manière d'atteindre la droiture du royaume. La foi est le prix que vous payez pour entrer dans la famille de Dieu ; mais le pardon est l'acte de Dieu acceptant votre foi comme prix d'admission. Et la réception du pardon de Dieu par un croyant au royaume implique une expérience précise et réelle comprenant les quatre étapes suivantes, les étapes du royaume de la droiture intérieure :

170:3.4 1. L'homme peut disposer effectivement du pardon de Dieu et en faire l'expérience personnelle dans la mesure exacte où il pardonne à ses semblables.

170:3.5 2. Un homme ne pardonne pas véritablement à ses semblables, à moins de les aimer comme lui-même.

170:3.6 3. Le fait d'aimer ainsi son prochain comme soi-même est l'éthique la plus élevée.

170:3.7 4. La conduite morale, la vraie droiture, est alors le résultat naturel de cet amour.

170:3.8 Il est donc évident que la vraie religion intérieure du royaume tend infailliblement, et de plus en plus, à se manifester dans les voies pratiques du service social. Jésus enseigna une religion vivante qui obligeait ses fidèles à s'engager dans des actes de service expression de l'amour. Mais Jésus ne substitua pas l'éthique à la religion. Il enseigna la religion comme une cause, et l'éthique comme un résultat.

170:3.9 La droiture d'un acte doit se mesurer à son mobile : les formes les plus élevées du bien sont donc inconscientes. Jésus ne s'intéressa jamais à la morale ni à l'éthique en elles-mêmes. Il s'occupa exclusivement de la communion intérieure et spirituelle avec Dieu le Père, communion qui se manifeste si directement et si certainement sous forme de services extérieurs rendus aux hommes avec amour. Il enseigna que la religion du royaume est une expérience personnelle authentique que nul ne peut conserver pour lui-même. La conscience d'être un membre de la famille des croyants conduit inévitablement à pratiquer les préceptes de la bonne conduite familiale, le service des frères et soeurs dans l'effort pour rehausser et développer la fraternité.

170:3.10 La religion du royaume est personnelle, individuelle ; ses fruits, ses résultats, sont familiaux et sociaux. Jésus ne manquait jamais d'exalter le caractère sacré de l'individu par contraste avec la communauté. Mais il reconnaissait également que l'homme développe son caractère par le service désintéressé ; il déploie sa nature morale dans des rapports affectueux avec ses semblables.

170:3.11 En enseignant que le royaume est intérieur, en exaltant l'individu, Jésus donna le coup de grâce à l'ancien ordre social, en ce sens qu'il inaugura la nouvelle dispensation de la vraie droiture sociale. Le monde a peu connu ce nouvel ordre social, parce qu'il a refusé de pratiquer les principes de l'évangile du royaume des cieux. Quand ce royaume de prééminence spirituelle s'établira vraiment sur terre, il ne se manifestera pas simplement par une amélioration des conditions matérielles et sociales ; il se traduira plutôt par la gloire des valeurs spirituelles supérieures et enrichies, qui caractérisent l'approche de l'âge des relations humaines améliorées et des accomplissements spirituels en progression.

170.4  L'Enseignement de Jésus sur le Royaume

170:4.1 Jésus ne donna jamais une définition précise du royaume. Tantôt il discourait sur une phase du royaume, et tantôt il traitait un aspect différent de la fraternité du règne de Dieu dans le coeur des hommes. Au cours du sermon de cet après-midi de sabbat, Jésus fit allusion à au moins cinq phases, ou époques du royaume, qui sont les suivantes :

170:4.2 1. L'expérience personnelle et intérieure de la vie spirituelle du croyant communiant individuellement avec Dieu le Père.

170:4.3 2. La connaissance de la fraternité des croyants à l'évangile, les aspects sociaux de la morale supérieure et de l'éthique vivifiée résultant du règne de l'esprit de Dieu dans le coeur des croyants individuels.

170:4.4 3. La fraternité supramortelle des êtres spirituels invisibles qui prévaut sur terre et dans le ciel, le royaume suprahumain de Dieu.

170:4.5 4. La perspective de l'accomplissement plus parfait de la volonté de Dieu, le progrès vers l'aurore d'un nouvel ordre social en liaison avec une vie spirituelle améliorée - l'ère suivante de l'humanité.

170:4.6 5. Le royaume dans sa plénitude, l'âge spirituel futur de lumière et de vie sur terre.

170:4.7 C'est pourquoi il faut toujours analyser l'enseignement du Maitre pour savoir à laquelle de ces cinq phases il veut se référer quand il emploie l'expression « royaume des cieux » . Par ce processus de changement graduel de la volonté de l'homme et de modification corrélative des décisions humaines, Micaël et ses associés changent de même progressivement, mais avec certitude, tout le cours de l'évolution humaine sociale et autre.

170:4.8 En cette occasion, le Maitre mit l'accent sur les cinq points suivants représentant les caractéristiques essentielles de l'évangile du royaume.

170:4.9 1. La prééminence de l'individu.

170:4.10 2. La volonté comme facteur déterminant dans l'expérience humaine.

170:4.11 3. La communion spirituelle avec Dieu le Père.

170:4.12 4. La satisfaction suprême de service expression de l'amour de l'homme.

170:4.13 5. La transcendance du spirituel sur le matériel dans la personnalité humaine.

170:4.14 Ce monde n'a jamais sérieusement, sincèrement, ni honnêtement mis à l'épreuve ces idées dynamiques et ces idéaux divins de la doctrine du royaume des cieux exposée par Jésus. Mais il n'y a pas lieu de se laisser décourager par la lenteur apparente du progrès de l'idée du royaume sur Urantia. Rappelez-vous que l'ordre de l'évolution progressive est sujet à des changements périodiques soudains et inattendus, à la fois dans le monde matériel et dans le monde spirituel. L'effusion de Jésus en tant que Fils incarné fut précisément l'un de ces évènements étranges et inattendus dans la vie spirituelle du monde. En recherchant la manifestation du royaume dans l'âge contemporain, ne commettez pas non plus l'erreur fatale d'omettre de l'établir dans votre propre âme.

170:4.15 Jésus fit allusion à une phase du royaume comme située dans l'avenir, et suggéra, en de nombreuses occasions, qu'elle pourrait apparaître comme élément d'une crise mondiale. Par ailleurs, en plusieurs circonstances, il promit nettement qu'il reviendrait certainement sur Urantia. Mais il faut noter qu'il n'a jamais établi un lien positif entre ces deux idées. Il promit une nouvelle révélation du royaume sur terre à un moment donné de l'avenir ; il promit également qu'il reviendrait un jour, en personne, sur ce monde ; mais il n'a jamais dit que ces deux évènements coïncideraient. D'après tout ce que nous savons, ces promesses peuvent se référer ou non au même évènement.

170:4.16 Ses apôtres et disciples établirent très certainement un lien entre ces deux promesses. Quand le royaume ne se matérialisa pas comme ils l'avaient espéré, ils se rappelèrent l'enseignement du Maitre concernant un royaume futur et se souvinrent de sa promesse de revenir ; ils conclurent aussitôt que ces promesses se référaient au même évènement. C'est pourquoi ils vécurent dans l'espoir de son retour imminent pour établir le royaume dans sa plénitude, avec puissance et gloire. Depuis lors, des générations successives de croyants ont vécu sur terre en entretenant le même espoir inspirant et toujours déçu.

170.5  Idées Ultérieures sur le Royaume

170:5.1 Ayant résumé les enseignements de Jésus sur le royaume des cieux, nous sommes autorisés à décrire certaines idées ultérieures qui s'attachèrent au concept du royaume, et à nous engager dans une prévision prophétique du royaume tel qu'il pourrait évoluer dans l'âge à venir.

170:5.2 Durant les premiers siècles de la propagande chrétienne, l'idée du royaume des cieux fut prodigieusement influencée par les notions de l'idéalisme grec, qui se répandaient alors rapidement, l'idée du naturel en tant qu'ombre du spirituel - du temporel en tant qu'ombre de l'éternel dans le temps.

170:5.3 Toutefois, le grand pas qui marqua la transplantation des enseignements de Jésus d'un sol juif sur un sol païen fut franchi quand le Messie du royaume devint le Rédempteur de l'Église, une organisation religieuse et sociale issue des activités de Paul et de ses successeurs, et fondée sur les enseignements de Jésus auxquels on avait ajouté les idées de Philon et les doctrines persanes du bien et du mal.

170:5.4 Les idées et les idéaux de Jésus, incorporés dans l'enseignement de l'évangile du royaume, faillirent n'être pas réalisés quand ses disciples déformèrent progressivement ses déclarations. Le concept du royaume présenté par le Maitre fut notamment modifié par deux grandes tendances :

170:5.5 1. Les croyants juifs persistaient à considérer Jésus comme le Messie. Ils croyaient que le Maitre reviendrait dans un très proche avenir pour établir un royaume mondial plus ou moins matériel.

170:5.6 2. Les Gentils chrétiens commencèrent de très bonne heure à accepter les doctrines de Paul, qui conduisirent de plus en plus à la croyance générale que Jésus était le Rédempteur des enfants de l'Église ; ce concept nouveau et institutionnel succéda au concept primitif de la fraternité purement spirituelle du royaume.

170:5.7 L'Église, en tant que conséquence sociale du royaume, aurait été entièrement naturelle et même désirable. Le mal de l'Église ne fut pas son existence, mais plutôt le fait qu'elle supplanta presque complètement le concept du royaume présenté par Jésus. L'Église de Paul, élevée au rang d'institution, se substitua virtuellement au royaume des cieux que Jésus avait proclamé.

170:5.8 Mais n'en doutez pas, ce même royaume des cieux, dont le Maitre enseigna l'existence dans le coeur des hommes, sera proclamé à cette Église chrétienne, ainsi qu'à toutes les autres religions, races et nations de la terre - et même à chaque individu.

170:5.9 Le royaume enseigné par Jésus, l'idéal spirituel de la droiture individuelle et le concept de la divine communion de l'homme avec Dieu, se fondit graduellement dans la conception mystique de la personne de Jésus en tant que Rédempteur-Créateur et chef spirituel d'une communauté religieuse socialisée. De cette manière, une Église officielle et institutionnelle devint le substitut de la fraternité du royaume conduite individuellement par l'esprit.

170:5.10 L'Église fut un résultat social, inévitable et utile de la vie et des enseignements de Jésus. La tragédie a consisté dans le fait que cette réaction sociale aux enseignements du royaume supplanta si complètement le concept spirituel du vrai royaume, tel que Jésus l'enseigna et le vécut.

170:5.11 Pour les Juifs, le royaume était la communauté israélite ; pour les Gentils, il devint l'Église chrétienne. Pour Jésus, il était l'ensemble des individus qui avaient confessé leur foi dans la paternité de Dieu, proclamant de la sorte leur consécration sincère à faire la volonté de Dieu, et devenant, ainsi, membres de la fraternité spirituelle des hommes.

170:5.12 Le Maitre comprenait parfaitement que certains résultats sociaux apparaîtraient dans le monde comme conséquence de la diffusion de l'évangile du royaume. Mais son intention était que toutes ces manifestations sociales désirables surviennent comme des conséquences naturelles, inconscientes et inévitables, comme des fruits spontanés de l'expérience personnelle intérieure des croyants individuels, de cette communauté et de cette communion purement spirituelles avec l'esprit divin qui habite et anime tous ces croyants.

170:5.13 Jésus prévoyait qu'une organisation sociale, ou Église, suivrait le progrès du véritable royaume spirituel, et c'est pourquoi il ne s'opposa jamais à ce que les apôtres pratiquent le rite du baptème de Jean. Il enseigna que l'âme qui aime la vérité - celle qui a faim et soif de droiture et de Dieu - est admise par la foi dans le royaume spirituel ; en même temps, les apôtres enseignaient que le même croyant est admis dans l'organisation sociale des disciples par le rite extérieur du baptème.

170:5.14 Quand les disciples immédiats de Jésus reconnurent leur échec partiel pour réaliser l'idéal consistant à établir le royaume dans le coeur des hommes par la domination et la gouverne de l'esprit chez les croyants individuels, ils cherchèrent à éviter que l'enseignement du Maitre ne fût entièrement perdu ; à cet effet, ils substituèrent à son idéal du royaume la création progressive d'une organisation sociale visible, l'Église chrétienne. Quand ils eurent accompli ce programme de substitution, ils se mirent à situer le royaume dans l'avenir, afin de maintenir la logique et d'assurer la récognition des enseignements du Maitre sur le fait du royaume. Dès que l'Église fut solidement établie, elle commença à enseigner qu'en réalité le royaume devait apparaître à l'apogée de l'ère chrétienne, à la seconde venue du Christ

170:5.15 De cette manière, le royaume devint le concept d'un âge, l'idée d'une visitation future, et l'idéal de la rédemption finale des saints du Très-Haut. Les premiers chrétiens (et beaucoup trop de chrétiens ultérieurs) perdirent généralement de vue l'idée de Père-et-fils incorporée dans l'enseignement de Jésus sur le royaume, tandis qu'ils y substituaient la communauté sociale bien organisée de l'Église. En somme, l'Église devint ainsi principalement une fraternité sociale qui se substitua effectivement au concept et à l'idéal de Jésus d'une fraternité spirituelle.

170:5.16 Le concept idéal de Jésus ne réussit pas à s'imposer, mais, sur les fondements de la vie et des enseignements personnels du Maitre, complétés par les concepts grecs et persans de la vie éternelle, et accrus par la doctrine de Philon sur le contraste du temporel avec le spirituel, Paul se mit à bâtir l'une des sociétés humaines les plus progressives qui aient jamais existé sur Urantia.

170:5.17 Le concept de Jésus est encore vivant dans les religions évoluées du monde. L'Église chrétienne de Paul est l'ombre socialisée et humanisée du royaume des cieux projeté par Jésus - et tel que cependant il deviendra très certainement. Paul et ses successeurs transférèrent partiellement de l'individu à l'Église la responsabilité des problèmes concernant la vie éternelle. Le Christ devint ainsi le chef de l'Église plutôt que le frère ainé de chaque croyant de la famille du Père dans le royaume. Paul et ses contemporains appliquèrent à l'Église, en tant que groupe de croyants toutes les implications spirituelles de Jésus concernant sa propre personne et les croyants individuels. Ce faisant, ils portèrent un coup mortel au concept de Jésus proclamant le royaume divin dans le coeur de chaque croyant.

170:5.18 Ainsi, durant des siècles, l'Église chrétienne a été fort gênée dans ses oeuvres parce qu'elle a osé s'attribuer les mystérieux pouvoirs et privilèges du royaume ; or, ceux-ci ne peuvent être exercés et expérimentés qu'entre Jésus et ses frères spirituels croyants. Il devient ,ainsi, clair que l'appartenance à l'Église ne signifie pas nécessairement communauté dans le royaume ; la seconde est spirituelle, la première est principalement sociale.

170:5.19 Tôt ou tard, un Jean le Baptiste nouveau et plus grand se dressera en proclamant que « le royaume de Dieu est à portée de la main » - signifiant un retour au concept supérieur de Jésus qui proclamait que le royaume est la volonté de son Père céleste, dominante et transcendante, dans le coeur des croyants. Et il accomplira tout cela sans faire la moindre allusion à l'Église terrestre visible, ni à la seconde venue anticipée du Christ. Il faut qu'il se produise une renaissance des enseignements de Jésus tels qu'il les a donnés, que sa doctrine soit réexposée de manière à rectifier l'oeuvre des disciples initiaux qui entreprirent de créer un système sociophilosophique de croyances concernant le fait du séjour de Micaël sur terre. En très peu de temps, l'enseignement de cette histoire à propos de Jésus supplanta presque entièrement l'enseignement de l'évangile de Jésus sur le royaume. De cette manière, une religion historique se substitua à l'enseignement dans lequel Jésus avait mêlé les idées morales et les idéaux spirituels les plus élevés des hommes avec leurs plus sublimes espérances pour l'avenir - la vie éternelle. Or, c'était là l'évangile du royaume.

170:5.20 C'est précisément parce que l'évangile de Jésus présentait tant d'aspects différents, qu'en l'espace de quelques siècles, ceux qui étudièrent les récits de ses enseignements se divisèrent en tant de cultes et de sectes. Cette pitoyable subdivision des croyants chrétiens résulte de leur incapacité à discerner, dans les aspects multiples des enseignements du Maitre, la divine unité de sa vie incomparable. Mais il viendra un jour où les vrais croyants en Jésus ne seront pas spirituellement divisés de la sorte dans leur attitude devant les incroyants. Nous pouvons toujours avoir une diversité de compréhension et d'interprétation intellectuelles, et même divers degrés de socialisation, mais le défaut de fraternité spirituelle est à la fois inexcusable et répréhensible.

170:5.21 Ne vous y trompez pas ! Il y a dans les enseignements de Jésus, une nature éternelle qui ne leur permettra pas de rester indéfiniment stériles dans le coeur des hommes réfléchis. Le royaume tel que Jésus le concevait a échoué dans une grande mesure sur terre ; pour l'instant, une Église extérieure a pris sa place ; mais vous devriez comprendre que cette Église est seulement l'état larvaire du royaume spirituel contrecarré ; elle fera traverser au royaume le présent âge matériel et le conduira jusqu'à une dispensation plus spirituelle où les enseignements du Maitre trouveront l'occasion de se développer plus pleinement. L'Église dite chrétienne devient de cette manière la chrysalide où sommeille maintenant le concept du royaume selon Jésus. Le royaume de la fraternité divine est toujours vivant ; il est sûr de sortir finalement de sa longue submersion, tout aussi sûrement que le papillon finit par émerger en tant que magnifique développement de sa chrysalide métamorphique moins attrayante.

171. Sur le Chemin de Jérusalem

171:0.1 LE lendemain du mémorable sermon sur « Le Royaume des Cieux » , Jésus annonça qu'il partirait le jour suivant, avec les apôtres, pour assister à la Pâque à Jérusalem, en visitant, sur le chemin, de nombreuses villes de la Pérée méridionale.

171:0.2 L'allocution sur le royaume et l'annonce qu'il assisterait à la Pâque incitèrent tous ses disciples à croire qu'il allait à Jérusalem pour inaugurer le royaume temporel de la suprématie juive. Quoi que Jésus ait pu dire concernant le caractère non matériel du royaume, il ne put ôter entièrement du mental de ses auditeurs juifs l'idée que le Messie devait établir une sorte de gouvernement nationaliste ayant son siège à Jérusalem.

171:0.3 Ce que dit Jésus dans son sermon de sabbat n'aboutit qu'à dérouter la majorité de ses disciples ; très peu d'entre eux furent éclairés par le discours du Maitre. Les principaux disciples comprenaient quelque peu ses enseignements concernant le royaume intérieur, « le royaume des cieux en vous » , mais ils savaient aussi que Jésus avait parlé d'un autre royaume futur, et ils croyaient que c'était pour établir ce royaume que Jésus montait maintenant à Jérusalem. Quand ils furent déçus dans cette attente, quand le Maitre fut rejeté par les Juifs et quand, plus tard, Jérusalem fut effectivement détruite, ils s'attachèrent encore à cette espérance, croyant sincèrement que le Maitre reviendrait bientôt dans le monde avec un grand pouvoir et une gloire majestueuse pour établir le royaume promis.

171:0.4 Ce fut ce dimanche après-midi-là que Salomé, la mère de Jacques et de Jean Zébédée, vint vers Jésus avec ses deux fils apôtres, à la manière dont on s'approche d'un potentat oriental ; elle chercha à obtenir que Jésus lui promette d'avance de lui accorder ce qu'elle demanderait, quelle que soit sa requête. Mais le Maitre ne voulut rien promettre ; au lieu de cela, il lui demanda : « Que désires-tu que je fasse pour toi ? » et Salomé répondit : « Maitre, maintenant que tu montes à Jérusalem pour établir le royaume, je voudrais ta promesse que mes fils seront à l'honneur avec toi, l'un siégeant à ta droite et l'autre à ta gauche dans ton royaume. »

171:0.5 Lorsque Jésus entendit la requête de Salomé, il dit : « Femme, tu ne sais pas ce que tu demandes. » Puis, regardant droit dans les yeux les deux apôtres qui recherchaient des honneurs, il dit : « Parce que je vous connais et vous aime depuis longtemps, parce que j'ai même vécu dans la maison de votre mère, parce qu'André vous a désignés pour être constamment auprès de moi, vous permettez à votre mère de venir secrètement vers moi en formulant cette demande inconvenante. Laissez-moi vous demander ceci : Êtes-vous capables de boire la coupe que je suis sur le point de boire ? » Sans prendre un instant de réflexion, Jacques et Jean répondirent : « Oui, Maitre, nous en sommes capables. » Jésus dit alors : « Je suis attristé de savoir que vous ne savez pas pourquoi nous allons à Jérusalem ; je suis chagriné de constater que vous ne comprenez pas la nature de mon royaume. Je suis déçu que vous ameniez votre mère pour me présenter cette requête. Mais je sais que vous m'aimez dans votre coeur. Je vous déclare donc qu'en vérité, vous boirez ma coupe d'amertume et que vous partagerez mon humiliation, mais il ne m'appartient pas de vous conférer un siège à ma droite ou à ma gauche. Ces honneurs sont réservés à ceux qui ont été désignés par mon Père. »

171:0.6 Entretemps, quelqu'un avait rapporté cet entretien à Pierre et aux autres apôtres ; ceux-ci furent indignés de ce que Jacques et Jean aient cherché à leur être préférés et soient allés secrètement avec leur mère formuler une telle demande. Lorsqu'ils en vinrent à discuter entre eux, Jésus les réunit tous et dit : « Vous comprenez bien comment les chefs des Gentils dominent leurs sujets, et comment les grands exercent l'autorité. Mais il n'en sera pas ainsi dans le royaume des cieux. Si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il devienne d'abord votre serviteur. Si quelqu'un veut être le premier dans le royaume, qu'il vous serve. Je vous déclare que le Fils de l'Homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. Je vais maintenant à Jérusalem pour donner ma vie en faisant la volonté de mon Père, et en étant au service de mes frères. » Lorsque les apôtres entendirent ces paroles, ils se retirèrent pour prier. Ce soir-là, en réponse aux efforts de Pierre, Jacques et Jean firent des excuses appropriées aux dix et rentrèrent en grâce auprès de leurs compagnons.

171:0.7 En demandant des places à la droite et à la gauche de Jésus à Jérusalem, les fils de Zébédée ne s'imaginaient guère qu'avant un mois, leur maitre bien-aimé serait pendu, sur une croix romaine, avec, à sa droite, un voleur mourant et, à sa gauche, un autre malfaiteur. Et leur mère, qui assista à la crucifixion, se rappela la sotte requête qu'elle avait présentée à Jésus à Pella au sujet des honneurs qu'elle avait si inconsidérément recherchés pour ses fils apôtres.

171.1  Le Départ de Pella

171:1.1 Le lundi matin 13 mars, Jésus et ses douze apôtres prirent définitivement congé du camp de Pella et partirent vers le sud pour leur tournée dans les villes de la Pérée méridionale, où les associés d'Abner étaient à l'oeuvre. Ils passèrent plus de quinze jours à s'entretenir avec les soixante-dix, puis se rendirent directement à Jérusalem pour la Pâque.

171:1.2 Quand le Maitre partit de Pella, les disciples, au nombre d'un millier environ, qui campaient avec les apôtres, le suivirent. Au gué du Jourdain sur la route de Jéricho, la moitié environ de ce groupe le quitta en apprenant qu'il allait à Hesbon, et après qu'il eut prêché son sermon sur « l'Évaluation du Prix » . Cette moitié poursuivit sa route et monta à Jérusalem, tandis que l'autre moitié du groupe suivit Jésus pendant deux semaines durant sa tournée dans les villes de la Pérée du sud.

171:1.3 D'une manière générale, la plupart des disciples immédiats de Jésus comprirent que le camp de Pella avait été abandonné, mais ils prenaient cela pour une indication que leur Maitre se proposait, enfin, d'aller à Jérusalem pour faire valoir ses prétentions au trône de David. La grande majorité de ses disciples ne fut jamais capable de saisir un autre concept du royaume des cieux. Quels que fussent les enseignements de Jésus, ils ne voulurent pas renoncer à cette conception juive du royaume.

171:1.4 Agissant sur instructions de l'apôtre André, David Zébédée ferma le camp des visiteurs à Pella le mercredi 15 mars. À ce moment, près de quatre-mille visiteurs s'y trouvaient en résidence, sans compter plus de mille personnes qui séjournaient avec les apôtres en un lieu connu sous le nom de « camp des instructeurs » , et qui accompagnèrent Jésus et les douze vers le sud. Malgré sa répugnance à le faire, David vendit tout l'équipement du camp à de nombreux acheteurs et se rendit à Jérusalem avec les fonds ainsi recueillis, qu'il remit ultérieurement à Judas Iscariot.

171:1.5 David fut présent à Jérusalem durant la dernière et tragique semaine. Il ramena sa mère avec lui à Bethsaïde après la crucifixion. En attendant Jésus et les apôtres, David s'arrêta chez Lazare à Béthanie et fut profondément troublé par la manière dont les pharisiens avaient commencé à persécuter et à harceler Lazare depuis sa résurrection. André avait ordonné à David d'interrompre le service des messagers, ce qui fut interprété par tous comme une indication que le royaume allait bientôt être établi à Jérusalem. David se trouvait désoeuvré et il avait à peu près décidé de devenir le défenseur volontaire de Lazare, lorsque l'objet de sa sollicitude indignée s'enfuit précipitamment à Philadelphie. En conséquence, quelque temps après la résurrection de Jésus et après la mort de sa mère, David se rendit à Philadelphie, non sans avoir d'abord aidé Marthe et Marie à vendre leurs propriétés. Il passa là le reste de sa vie en association avec Abner et Lazare, et devint le superviseur financier de toutes les grandes activités intéressant le royaume qui eurent leur centre à Philadelphie durant la vie d'Abner.

171:1.6 Peu de temps après la destruction de Jérusalem, Antioche devint le quartier général du christianisme paulinien, tandis que Philadelphie restait le centre du royaume des cieux selon Abner. D'Antioche, la version paulinienne des enseignements de Jésus et à propos de Jésus se répandit dans tout le monde occidental. Partant de Philadelphie, les missionnaires de la version abnérienne du royaume des cieux se répandirent dans toute la Mésopotamie et l'Arabie, jusqu'à l'époque ultérieure où ces émissaires intransigeants des enseignements de Jésus furent débordés par le soudain développement de l'islam.

171.2  L'Évaluation du Prix

171:2.1 Quand Jésus et sa suite de près d'un millier de personnes arrivèrent au bord du Jourdain, au gué de Béthanie parfois dénommé Béthabara, ses disciples commencèrent à comprendre que le Maitre n'allait pas directement à Jérusalem. Tandis qu'ils hésitaient et discutaient entre eux, Jésus monta sur un gros rocher et prononça le discours que l'on a intitulé « l'Évaluation du prix » . Le Maitre dit :

171:2.2 « À partir de maintenant, ceux qui veulent me suivre doivent accepter de payer le prix d'une consécration totale à faire la volonté de mon Père. Si vous voulez être mes disciples, il faut que vous soyez disposés à abandonner père, mère, femme, enfants, frères et soeurs. Quiconque veut désormais être mon disciple doit accepter de renoncer même à sa vie, de même que le Fils de l'Homme est sur le point d'offrir sa vie pour parachever sa mission de faire la volonté du Père, sur terre et en incarnation.

171:2.3 « Si vous n'êtes pas disposés à payer entièrement le prix, vous ne pouvez guère être mon disciple. Avant de continuer, chacun de vous devrait s'assoir et calculer ce qu'il en coute d'être mon disciple. Qui d'entre vous entreprendrait de bâtir une tour de garde sur ses terres sans commencer par s'assoir pour en estimer le cout et voir s'il possède assez d'argent pour l'achever ? Si vous ne calculez d'abord le prix, vous découvrirez peut-être, après avoir posé les fondations, que vous êtes incapables de terminer ce que vous avez commencé. Alors, tous vos voisins se moqueront de vous en disant : `Voyez, cet homme a commencé à bâtir, mais il a été incapable de terminer son travail.' Et encore, un roi, se préparant à faire la guerre à un autre roi, ne commence-t-il pas par s'assoir et réfléchir pour savoir si avec dix-mille hommes, il pourra faire face à celui qui vient contre lui avec vingt-mille ? Si ce roi ne peut affronter son ennemi faute de préparation, il envoie une ambassade à l'autre roi pendant que ce dernier est encore loin, et s'informe des conditions de paix.

171:2.4 « Il faut donc maintenant que chacun de vous s'assoit pour évaluer ce qu'il en coute d'être mon disciple. Désormais, vous ne pourrez plus nous suivre en écoutant l'enseignement et en observant les oeuvres. Il vous faudra faire face à des persécutions acharnées et témoigner en faveur de cet évangile en face de déceptions écrasantes. Si vous n'acceptez pas de renoncer à tout ce que vous êtes et de consacrer à cette oeuvre tout ce que vous possédez, alors vous n'êtes pas dignes d'être mes disciples. Si vous avez déjà triomphé de vous-mêmes dans votre coeur, vous n'avez rien à craindre de la victoire extérieure qu'il vous faudra bientôt gagner quand le Fils de l'Homme sera rejeté par les chefs des prêtres et les sadducéens, et remis entre les mains d'incroyants railleurs.

171:2.5 « C'est maintenant qu'il faut vous analyser et découvrir votre mobile pour être mon disciple. Si vous recherchez honneurs et gloire, si votre pensée incline vers le monde, vous ressemblez à du sel qui a perdu sa saveur. Et, lorsque ce qui est estimé pour son gout salé a perdu sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? Un tel condiment est alors inutile ; il n'est bon qu'à être jeté au rebut. Maintenant, je vous ai avertis de retourner paisiblement chez vous si vous n'êtes pas disposés à boire avec moi la coupe qui se prépare. Maintes et maintes fois, je vous ai dit que mon royaume n'est pas de ce monde, mais vous ne voulez pas me croire. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que je dis. »

171:2.6 Immédiatement après avoir prononcé ces paroles, Jésus, conduisant les douze, partit pour Hesbon, suivi d'environ cinq-cents personnes. Peu de temps après, l'autre moitié de la multitude poursuivit sa route et monta à Jérusalem. Les apôtres, ainsi que les principaux disciples, réfléchirent longuement sur ces paroles, mais ils restèrent attachés à la croyance qu'après cette brève période d'adversité et d'épreuves, le royaume serait certainement instauré quelque peu en conformité avec leurs espérances longtemps chéries.

171.3  La Tournée en Pérée

171:3.1 Pendant plus de quinze jours, Jésus et les douze, suivis d'une foule de plusieurs centaines de disciples, circulèrent dans le sud de la Pérée et visitèrent toutes les villes où oeuvraient les soixante-dix. Beaucoup de Gentils vivaient dans cette région et, puisque peu d'entre eux fêtaient la Pâque à Jérusalem, les messagers du royaume purent continuer sans interruption leur oeuvre d'enseignement et de prédication.

171:3.2 Jésus rencontra Abner à Hesbon, et André ordonna que les travaux des soixante-dix ne fussent pas interrompus par la fête de la Pâque. Jésus recommanda aux messagers de poursuivre leur oeuvre sans tenir aucun compte de ce qui allait se passer à Jérusalem. Il conseilla également à Abner de permettre aux femmes du corps évangélique, tout au moins à celles qui le désiraient, d'aller pour la Pâque à Jérusalem. Ce fut la dernière fois qu'Abner vit Jésus en incarnation. Le Maitre lui fit ses adieux en disant : « Mon fils, je sais que tu seras fidèle au royaume, et je prie le Père de t'accorder de la sagesse, afin que tu puisses aimer et comprendre tes frères. »

171:3.3 Au cours de leur voyage de ville en ville, un grand nombre de leurs accompagnateurs les quittèrent pour aller à Jérusalem, si bien qu'au moment où Jésus partit pour la Pâque, le nombre de ceux qui l'avaient suivi jour après jour s'était réduit à moins de deux-cents.

171:3.4 Les apôtres comprirent que le Maitre allait à Jérusalem pour la Pâque. Ils savaient que le Sanhédrin avait diffusé, dans tout Israël, un message annonçant que Jésus avait été condamné à mort, et ordonnant que toute personne sachant où il se trouvait en informe le Sanhédrin. Malgré cela, les apôtres n'étaient pas aussi alarmés qu'au moment où Jésus leur avait dit, à Philadelphie, qu'il se rendait à Béthanie pour voir Lazare. Ce changement d'attitude, passant d'une peur intense à un état de discrète expectative, était principalement dû à la résurrection de Lazare. Les apôtres étaient parvenus à la conclusion qu'en cas d'urgence, Jésus pourrait affirmer son pouvoir divin et confondre de honte ses ennemis. Cette confiance, doublée de leur foi plus profonde et plus mure dans la suprématie spirituelle de leur Maitre, explique le courage extérieur déployé par ses disciples immédiats ; ceux-ci se préparaient maintenant à le suivre à Jérusalem, en affrontant la proclamation publique du Sanhédrin que Jésus devait mourir.

171:3.5 La majorité des apôtres et beaucoup de ses proches disciples ne croyaient pas que Jésus puisse mourir. Estimant qu'il était « la résurrection et la vie » , ils le considéraient comme immortel et déjà triomphant de la mort.

171.4  Enseignement à Livias

171:4.1 Le mercredi soir 29 mars, Jésus et ses disciples campèrent à Livias, sur le chemin de Jérusalem, après avoir achevé leur tournée des villes de la Pérée méridionale. Ce fut durant cette nuit à Livias que Simon Zélotès et Simon Pierre, qui avaient comploté de se faire livrer, en cet endroit, plus de cent épées, reçurent et distribuèrent ces armes à tous ceux qui voulurent les accepter et les porter dissimulées sous leur manteau. Simon Pierre portait encore son épée la nuit où le Maitre fut trahi dans le jardin de Gethsémani.

171:4.2 Le jeudi matin de bonne heure, avant que les autres ne fussent réveillés, Jésus appela André et lui dit : « Réveille tes compagnons ! J'ai quelque chose à leur dire. » Jésus était au courant de la livraison des épées ; il savait quels apôtres en avaient reçu et en portaient, mais il ne leur révéla jamais qu'il connaissait cette affaire. Lorsqu'André eut réveillé ses compagnons et qu'ils se furent rassemblés, Jésus leur dit : « Mes enfants, vous avez vécu longtemps auprès de moi, et je vous ai enseigné bien des choses utiles pour notre époque ; je voudrais maintenant vous avertir de ne mettre votre confiance ni dans les incertitudes de la chair, ni dans les faiblesses de la défense humaine contre les épreuves qui nous attendent sous peu. Je vous ai pris ici à part pour vous dire, une fois encore, clairement, que nous montons à Jérusalem, où vous savez que le Fils de l'Homme a déjà été condamné à mort. Je vous répète que le Fils de l'Homme sera livré aux chefs des prêtres et dirigeants religieux ; ils le condamneront et le livreront aux mains des Gentils. Ils se moqueront du Fils de l'Homme ; ils iront jusqu'à cracher sur lui et à le fouetter, et ils le livreront à la mort. Ne soyez pas consternés quand ils tueront le Fils de l'Homme, car je vous déclare qu'il ressuscitera au troisième jour. Prenez garde à vous-mêmes et souvenez-vous que je vous ai prévenus. »

171:4.3 De nouveau, les apôtres furent stupéfaits, abasourdis, mais ils ne purent arriver à prendre ses paroles à la lettre ; ils ne pouvaient comprendre que le Maitre avait parlé sans ambages. Ils étaient tellement aveuglés par leur croyance persistante à un royaume temporel sur terre, avec siège à Jérusalem, qu'ils ne pouvaient pas - ne voulaient pas - accepter comme littérales les paroles de Jésus. Ils méditèrent toute la journée sur ce que le Maitre avait voulu dire par des déclarations aussi étranges, mais nul n'osa lui poser de questions à leur sujet. C'est seulement après sa mort que les apôtres désorientés en vinrent à comprendre que le Maitre leur avait parlé franchement et directement en prévision de sa crucifixion.

171:4.4 Ce fut ici, à Livias, que certains pharisiens sympathisants vinrent trouver Jésus après le déjeuner et lui dirent : « Hâte-toi de fuir ces parages, car Hérode cherche maintenant à te tuer, exactement comme il l'a fait pour Jean. Il craint un soulèvement du peuple et a décidé ta mort. Nous t'apportons cet avertissement pour te permettre de t'échapper. »

171:4.5 Or, ceci était partiellement vrai. La résurrection de Lazare avait effrayé et alarmé Hérode. Sachant que le Sanhédrin avait osé condamner Jésus avant même de le juger, Hérode avait résolu soit de tuer Jésus, soit de le chasser de ses domaines. Il désirait réellement la seconde solution, car il craignait tellement Jésus qu'il espérait ne pas être obligé de l'exécuter.

171:4.6 Après avoir écouté ce que les pharisiens avaient à dire, Jésus répondit : « Je connais bien Hérode et sa peur de cet évangile du royaume. Mais, ne vous y trompez pas, il préfèrerait de beaucoup voir le Fils de l'Homme monter à Jérusalem et que ce soient les chefs religieux qui le fassent souffrir et mourir. Ayant souillé ses mains du sang de Jean, il n'est pas désireux de porter la responsabilité de la mort du Fils de l'Homme. Allez dire à ce renard que le Fils de l'Homme prêche aujourd'hui en Pérée, qu'il ira demain en Judée et qu'au bout de quelques jours, il aura parachevé sa mission sur terre et sera prêt pour son ascension vers le Père. »

171:4.7 Puis Jésus se tourna vers ses apôtres et dit : « Depuis les temps anciens, les prophètes ont péri à Jérusalem, et il sied que le Fils de l'Homme aille dans la cité de la maison du Père pour être offert comme prix du sectarisme humain et comme conséquence des préjugés religieux et de l'aveuglement spirituel. O Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et lapides les instructeurs de la vérité ! Que de fois j'aurais voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, mais vous n'avez pas voulu me laisser faire ! Voici, votre maison va vous être abandonnée dans la désolation. Vous désirerez maintes fois me voir, mais vous ne me verrez pas. Vous me chercherez alors, mais vous ne me trouverez pas. » Après avoir ainsi parlé, Jésus se tourna vers ceux qui l'entouraient et dit : « Quoi qu'il en soit, allons à Jérusalem pour assister à la Pâque et faire notre devoir en accomplissant la volonté du Père qui est aux cieux. »

171:4.8 Ce fut un groupe de croyants troublés et désorientés qui suivit Jésus ce jour-là à Jéricho. Dans les déclarations de Jésus sur le royaume, les apôtres ne pouvaient discerner que la certitude du triomphe final. Ils ne pouvaient pas se résigner à comprendre l'avertissement d'une imminente déconvenue. Quand Jésus parla de « ressusciter au troisième jour » , ils interprétèrent cette affirmation comme signifiant un triomphe certain du royaume immédiatement consécutif à une désagréable escarmouche préliminaire avec les chefs religieux juifs. Le « troisième jour » était une expression courante de la langue juive signifiant « bientôt » ou « peu après » . Quand Jésus parla de « ressusciter » , ils crurent qu'il faisait allusion à la « résurrection du royaume » .

171:4.9 Ces croyants avaient accepté Jésus en tant que Messie, et les Juifs ne savaient rien ou presque rien d'un Messie souffrant. Ils ne comprenaient pas que, par sa mort, Jésus allait accomplir bien des choses qu'il n'aurait pu faire aboutir par sa vie. La résurrection de Lazare avait donné aux apôtres le courage d'entrer à Jérusalem, mais ce fut le souvenir de la transfiguration qui soutint le Maitre durant cette éprouvante période de son effusion.

171.5  L'Aveugle de Jéricho

171:5.1 Tard dans l'après-midi du jeudi 30 mars, Jésus et ses apôtres, suivis d'une compagnie d'environ deux-cents disciples, approchaient des remparts de Jéricho. En arrivant à proximité des portes de la cité, ils rencontrèrent une foule de mendiants, parmi lesquels se trouvait un certain Bartimée, un homme d'un certain âge qui était aveugle depuis sa jeunesse. Ce mendiant aveugle avait beaucoup entendu parler de Jésus, et il était au courant de la guérison de l'aveugle Josias à Jérusalem. Il n'avait pas été informé du dernier passage de Jésus à Jéricho avant que le Maitre ne fût reparti pour Béthanie. Bartimée avait résolu de ne plus jamais laisser Jésus visiter Jéricho sans faire appel à lui pour rétablir sa vue.

171:5.2 La nouvelle de l'approche de Jésus avait été annoncée dans tout Jéricho, et des centaines d'habitants s'étaient rassemblés pour aller à sa rencontre. Quand cette foule revint en escortant le Maitre à son entrée dans la ville, Bartimée entendit le grand bruit du piétinement de la multitude et sut qu'il se passait quelque chose d'inhabituel. Il demanda donc à ses voisins ce qui arrivait, et l'un des mendiants répondit : « Jésus de Nazareth est en train de passer. » Quand Bartimée entendit que Jésus était à proximité, il éleva la voix et commença à crier : « Jésus, Jésus, aie pitié de moi ! » Et, tandis qu'il criait de plus en plus fort, certains accompagnateurs de Jésus allèrent vers lui et le réprimandèrent en le priant de se tenir tranquille ; mais cela ne servit à rien ; Bartimée n'en cria que plus fort.

171:5.3 Quand Jésus entendit l'aveugle crier, il s'arrêta et, quand il le vit, il dit à ses amis : « Amenez-moi cet homme. » Sur quoi, ils allèrent trouver Bartimée en disant : « Aie bon courage et viens avec nous, car le Maitre t'appelle. » À l'audition de ces paroles, Bartimée rejeta son manteau et sauta au milieu de la route, tandis que les personnes les plus proches le guidaient vers Jésus. S'adressant à Bartimée, Jésus dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et l'aveugle répondit : « Je voudrais que ma vue soit rétablie. » À l'audition de cette demande et devant cette foi, Jésus dit : « Tu recouvreras la vue ; va ton chemin ; ta foi t'a guéri. » Et Bartimée recouvra immédiatement la vue ; il resta près de Jésus, glorifiant Dieu, jusqu'au départ de Jésus le lendemain matin pour Jérusalem ; et, alors, il précéda la multitude en proclamant à tout le monde comment sa vue lui avait été rendue à Jéricho.

171.6  La Visite à Zachée

171:6.1 Quand la procession du Maitre entra dans Jéricho, le soleil était sur le point de se coucher, et Jésus était disposé à demeurer dans la ville pour la nuit. Au moment où il passa devant le bureau des impôts, Zachée, le chef publicain ou percepteur des taxes, se trouvait là ; or, il désirait grandement voir Jésus. Ce chef publicain était fort riche et avait beaucoup entendu parler de ce prophète de Galilée. Il avait résolu de voir quelle sorte d'homme était Jésus la prochaine fois qu'il viendrait à Jéricho. En conséquence, Zachée chercha à se frayer un chemin à travers la foule, mais elle était trop dense, et Zachée était de petite taille, de sorte qu'il ne pouvait voir par-dessus les têtes. Alors, le chef publicain suivit la foule jusqu'au centre de la ville, non loin de l'endroit où il habitait. Voyant qu'il ne parviendrait pas à fendre la foule et imaginant que Jésus allait peut-être traverser la ville sans s'y arrêter, il courut en avant et grimpa dans un sycomore dont les branches étendues surplombaient la route. Il savait que, de cette manière, il pourrait bien voir le Maitre lors de son passage. Et il ne fut pas déçu, car, en passant par là, Jésus s'arrêta, leva les yeux vers Zachée et dit : « Dépêche-toi de descendre, Zachée, car ce soir il faudra que je demeure dans ta maison. » Quand Zachée entendit ces paroles surprenantes, il tomba presque de l'arbre dans sa hâte d'en descendre. Allant vers Jésus, il exprima sa grande joie de ce que le Maitre veuille bien s'arrêter chez lui.

171:6.2 Ils s'y rendirent immédiatement, et les habitants de Jéricho furent bien étonnés que Jésus consente à demeurer chez le chef des publicains. Tandis que le Maitre et ses apôtres s'attardaient avec Zachée devant la porte de sa maison, l'un des pharisiens de Jéricho qui se trouvait près de là dit : « Vous voyez que cet homme est allé loger chez un fils apostat d'Abraham, un pécheur qui est un exacteur et vole son propre peuple. » Quand Jésus entendit cela, il regarda Zachée et sourit. Alors, Zachée monta sur un tabouret et dit : « Hommes de Jéricho, écoutez-moi ! Je suis peut-être un publicain et un pécheur, mais le grand Instructeur est venu demeurer dans ma maison. Avant qu'il n'entre, je vous dis que je vais donner aux pauvres la moitié de tous mes biens ; et, dès demain, si j'ai exigé à tort quelque chose de quelqu'un, je le lui restituerai au quadruple. Je vais rechercher le salut de tout mon coeur et apprendre à agir avec droiture aux yeux de Dieu. »

171:6.3 Quand Zachée eut fini de parler, Jésus dit : « Aujourd'hui, le salut est venu dans cette maison, et tu es devenu, en vérité, un fils d'Abraham. » Puis, se tournant vers la foule assemblée autour d'eux, Jésus dit : « Ne vous étonnez pas de ce que je dis et ne vous offensez pas de ce que nous faisons, car j'ai constamment déclaré que le Fils de l'Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

171:6.4 Jésus et ses apôtres logèrent chez Zachée pour la nuit, et, le lendemain matin, ils partirent par la « route des voleurs » , en direction de Béthanie, pour assister à la Pâque à Jérusalem.

171.7  « Tandis que Jésus passait »

171:7.1 Jésus répandait le réconfort partout où il passait. Il était plein de grâce et de vérité. Ses associés ne cessèrent de s'émerveiller des paroles aimables qui sortaient de sa bouche. On peut cultiver l'amabilité, mais la bienveillance est l'arôme de l'amitié qui émane d'une âme saturée d'amour.

171:7.2 La bonté force toujours le respect, mais, quand elle est dépourvue de grâce, elle repousse souvent l'affection. C'est seulement quand la bonté est gracieuse qu'elle exerce un attrait universel. La bonté n'est efficace que si elle est attirante.

171:7.3 Jésus comprenait réellement les hommes ; c'est pourquoi il pouvait manifester une véritable sympathie et montrer une sincère compassion. Mais il se laissait rarement aller à la pitié. Alors que sa compassion était illimitée, sa sympathie était pratique, personnelle et constructive. Jamais la fréquentation intime qu'il eut de la souffrance n'engendra l'indifférence, et il savait apporter son ministère aux âmes affligées sans accroitre leur apitoiement sur elles-mêmes.

171:7.4 Jésus pouvait être d'un tel secours aux hommes parce qu'il les aimait sincèrement. Il aimait véritablement chaque homme, chaque femme et chaque enfant. Il pouvait être un véritable ami à cause de sa remarquable perspicacité - il connaissait entièrement le contenu du coeur et du mental de l'homme. Il était un observateur plein d'intérêt et de finesse. Il était expert à comprendre les besoins des hommes et habile à détecter leur désirs.

171:7.5 Jésus n'était jamais pressé. Il avait le temps de réconforter ses semblables « en passant » . Il s'arrangeait toujours pour que ses amis se sentent à l'aise. Il était un auditeur charmant. Il ne tentait jamais de sonder de manière indiscrète l'âme de ses associés. Quand il réconfortait un mental inassouvi et soignait une âme assoiffée, le bénéficiaire de sa miséricorde n'avait pas tellement le sentiment de se confesser à lui, mais plutôt de conférer avec lui. Ils avaient en lui une confiance illimitée parce qu'ils voyaient qu'il avait tellement foi en eux.

171:7.6 Jésus ne semblait jamais faire montre de curiosité envers les gens et ne manifestait jamais le désir de les commander, de les diriger, ou de garder contact par la suite. Il inspirait une profonde confiance en soi et un solide courage à tous ceux qui jouissaient de sa compagnie. Quand il souriait à une personne, celle-ci ressentait une capacité accrue à résoudre ses multiples problèmes.

171:7.7 Jésus aimait tellement les hommes, et si sagement, qu'il n'hésitait jamais à être sévère avec eux quand l'occasion exigeait cette discipline. Pour aider une personne, il commençait souvent par lui demander de l'aide. De cette manière, il suscitait de l'intérêt et faisait appel aux meilleurs éléments de la nature humaine.

171:7.8 Le Maitre put discerner la foi qui sauve dans la grossière superstition de la femme qui cherchait la guérison par contact avec le bord de son vêtement. Il était toujours prêt et disposé à interrompre un sermon ou à faire attendre une multitude pendant qu'il pourvoyait aux besoins d'une créature isolée, ou même d'un petit enfant. De grands évènements se produisaient non seulement parce que les gens avaient foi en Jésus, mais aussi parce que Jésus avait une si grande foi en eux.

171:7.9 La plupart des choses réellement importantes que Jésus dit ou fit semblèrent se produire par hasard, « tandis qu'il passait » . Le ministère terrestre du Maitre présenta fort peu d'aspects professionnels, bien prévus, ou prémédités. Il dispensa la santé et répandit le bonheur avec naturel et grâce au cours de son voyage à travers la vie. Il était littéralement vrai qu'il « circulait en faisant du bien » .

171:7.10 Dans tous les âges, il sied que les disciples du Maitre apprennent à soigner « au passage » - à faire du bien avec désintéressement en vaquant à leurs devoirs quotidiens.

171.8  La Parabole des Mines

171:8.1 Le groupe apostolique ne quitta Jéricho que peu avant midi, car il avait veillé tard durant la soirée précédente pendant que Jésus enseignait l'évangile du royaume à Zachée et à sa famille. À peu près à mi-chemin de la route montant à Béthanie, le groupe fit halte pour déjeuner, tandis que la multitude continuait à cheminer vers Jérusalem sans savoir que Jésus et les apôtres allaient s'installer, cette nuit-là, sur le Mont des Oliviers.

171:8.2 Contrairement à la parabole des talents, qui était destinée à tous les disciples, la parabole des mines fut racontée plus exclusivement aux apôtres. Elle était largement fondée sur l'expérience d'Archelaüs et sur la futile tentative pour gagner la souveraineté sur le royaume de Judée. C'est l'une des rares paraboles du Maitre basée sur un personnage historique réel. Il n'était pas étonnant que les apôtres aient pensé à Archelaüs, car la maison de Zachée à Jéricho était très proche du palais d'Archélaüs, richement décoré, et son aqueduc longeait la route par laquelle ils étaient partis de Jéricho.

171:8.3 Jésus dit : « Vous pensez que le Fils de l'Homme va à Jérusalem pour recevoir un royaume, mais je déclare que vous allez droit à la déception. Ne vous rappelez-vous pas l'histoire d'un prince qui alla dans un pays lointain pour recevoir un royaume ? Avant même qu'il ait pu revenir, les citoyens de sa province, qui l'avaient déjà rejeté de leur coeur, lui envoyèrent une ambassade en se disant : `Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous.' De même que la souveraineté temporelle de ce roi fut repoussée, de même la souveraineté spirituelle du Fils de l'Homme va être rejetée. Je déclare de nouveau que mon royaume n'est pas de ce monde. Mais, si l'on avait accordé au Fils de l'Homme la souveraineté spirituelle sur son peuple, il aurait accepté ce royaume d'âmes humaines et aurait régné sur cet empire de coeurs humains. Bien qu'ils repoussent ma souveraineté spirituelle sur eux, je reviendrai pour recevoir, des mains d'autres personnes, le royaume spirituel qui m'est maintenant refusé. Vous allez voir le Fils de l'Homme rejeté aujourd'hui, mais, dans un autre âge, ce que les enfants d'Abraham renient à présent sera reçu et exalté.

171:8.4 « Maintenant, tel le prince rejeté de cette parabole, je voudrais convoquer devant moi mes douze serviteurs, mes intendants spéciaux et donner à chacun de vous la somme d'une mine. Je vous recommande de bien veiller à mon commandement de commercer diligemment avec l'argent qui vous est confié pendant mon absence, afin que vous ayez de quoi justifier votre gérance quand je reviendrai, quand il vous sera demandé de rendre des comptes.

171:8.5 « Même si le Fils rejeté ne devait pas revenir, un autre Fils sera envoyé pour recevoir ce royaume, et ce Fils vous enverra tous chercher pour recevoir votre rapport de gérance et se réjouir de vos gains.

171:8.6 « Quand ces intendants furent ultérieurement convoqués pour la reddition des comptes, le premier s'avança en disant : `Seigneur, avec ta mine j'en ai gagné dix de plus.' Et son Maitre lui dit : `Bravo, tu es un bon serviteur et, puisque tu t'es montré fidèle en cette affaire, je te donnerai autorité sur dix villes.' Puis le second vint en disant : `La mine que tu m'as confiée, Seigneur, en a produit cinq.' Et le Maitre dit : `En conséquence, je t'établirai chef de cinq villes.' Et ainsi de suite pour tous les autres serviteurs, jusqu'à ce que le dernier fût appelé à rendre ses comptes et dît : `Seigneur, voici ta mine que j'ai gardée soigneusement enveloppée dans ce linge. J'ai fait cela parce que je te craignais. J'ai pensé que tu étais déraisonnable, vu que tu ramasses là où tu n'a rien déposé, et que tu cherches à récolter là où tu n'as pas semé.' Alors, son maitre dit : `Serviteur négligent et infidèle, je vais te juger d'après tes propres paroles. Tu savais que je récolte là où je ne parais pas avoir semé ; tu savais donc que l'on exigerait de toi cette reddition de comptes. Sachant cela, tu aurais au moins dû remettre mon argent au banquier, afin qu'à mon retour, je le retrouve avec un intérêt convenable.'

171:8.7 « Puis le prince dit à ceux qui se tenaient là : `Prenez l'argent de ce serviteur paresseux et donnez-le à celui qui a dix mines.' Lorsqu'ils firent observer que le premier serviteur avait déjà dix mines, le prince dit : `À quiconque possède, il sera donné davantage ; mais, à qui ne possède rien, on ôtera même ce qu'il détient.' »

171:8.8 Les apôtres cherchèrent alors à connaître la différence entre la signification de cette parabole et celle de l'ancienne parabole des talents, mais Jésus ne voulut répondre que ceci à leurs nombreuses questions : « Méditez bien ces paroles dans votre coeur pendant que chacun de vous en découvre le véritable sens. »

171:8.9 Nathanael, qui enseigna si bien la signification de ces deux paraboles au cours des années ultérieures, résuma ses enseignements dans les conclusions suivantes :

171:8.10 1. L'aptitude est la mesure pratique des occasions offertes par la vie. On ne vous tiendra jamais pour responsable de ne pas accomplir ce qui dépasse vos aptitudes.

171:8.11 2. La fidélité mesure infailliblement le degré auquel un homme est digne de confiance. Il est probable que celui qui est fidèle dans les petites choses fera également preuve de fidélité dans tout ce qui est compatible avec ses facultés.

171:8.12 3. Le Maitre accorde une récompense moindre pour une fidélité moindre quand les chances sont égales.

171:8.13 4. Il accorde une récompense égale pour une fidélité égale quand les chances sont moindres.

171:8.14 Quand ils eurent fini de déjeuner et que la multitude de ceux qui le suivaient eut continué sa route vers Jérusalem, Jésus se dressa devant les apôtres à l'ombre d'un rocher qui surplombait la route. Avec une dignité sereine et une majesté pleine de grâce, il montra l'occident du doigt et dit : « Venez, mes frères, entrons dans Jérusalem pour y recevoir ce qui nous attend. Nous accomplirons ainsi, en toutes choses, la volonté du Père céleste. »

171:8.15 Jésus et les apôtres se remirent donc en route. C'était le dernier voyage à Jérusalem du Maitre incarné dans la similitude de la chair de l'homme mortel.

172. L'Entrée à Jérusalem

172:0.1 JÉSUS et les apôtres arrivèrent à Béthanie un peu après quatre heures de l'après-midi, le vendredi 31 mars de l'an 30. Lazare, ses soeurs et leurs amis les attendaient. Du fait que tant de gens venaient quotidiennement s'entretenir avec Lazare de sa résurrection, Jésus fut informé que des dispositions avaient été prises pour qu'il loge chez un croyant du voisinage, un certain Simon qui, depuis la mort du père de Lazare, était le principal notable du petit village.

172:0.2 Ce soir-là, Jésus reçut un grand nombre de visiteurs ; le petit peuple de Béthanie et de Bethphagé fit de son mieux pour lui faire sentir qu'il était bienvenu. Beaucoup de personnes croyaient que Jésus allait maintenant à Jérusalem, au mépris complet du décret de mort émanant du Sanhédrin, pour se proclamer roi des Juifs. Mais la famille de Béthanie - Lazare, Marthe et Marie - comprenait plus clairement que Jésus n'était pas un roi de ce genre ; elle sentait obscurément que ce séjour à Jérusalem et à Béthanie pouvait être le dernier.

172:0.3 Les chefs des prêtres furent informés que Jésus logeait à Béthanie, mais ils crurent préférable de ne pas chercher à s'emparer de lui parmi ses amis ; ils décidèrent d'attendre qu'il entrât à Jérusalem. Jésus savait tout cela, mais conservait un calme majestueux. Jamais ses amis ne l'avaient vu plus paisible et plus aimable. Même les apôtres étaient stupéfaits de constater son absence de préoccupation, alors que les membres du Sanhédrin avaient fait appel à toute la population juive pour le livrer entre leurs mains. Cette nuit-là, pendant que le Maitre dormait, les apôtres se relayèrent deux par deux pour monter la garde, et nombre d'entre eux avaient ceint leur épée. Le lendemain matin de bonne heure, ils furent réveillés par des centaines de pèlerins venant de Jérusalem, même en ce jour de sabbat, pour voir Jésus et Lazare, qu'il avait ressuscité d'entre les morts.

172.1  Le Sabbat à Béthanie

172:1.1 Des pèlerins étrangers à la Judée, ainsi que les autorités juives, avaient tous demandé : « Qu'en pensez-vous ? Jésus va-t-il venir à la fête ? » Le peuple fut donc heureux d'apprendre que Jésus était à Béthanie, mais les chefs des prêtres et des pharisiens furent quelque peu désorientés. Ils étaient contents de l'avoir sous leur juridiction, mais ils étaient légèrement déconcertés par son audace. Ils se rappelaient que, lors de sa précédente visite à Béthanie, Lazare avait été ressuscité d'entre les morts, et Lazare devenait un grand problème pour les ennemis de Jésus.

172:1.2 Six jours avant la Pâque, le soir après le sabbat, tout Béthanie et tout Bethphagé se réunirent pour célébrer l'arrivée de Jésus par un banquet public chez Simon. Ce souper était en l'honneur de Jésus et de Lazare ; il fut offert en bravant le Sanhédrin. Marthe dirigea le service du repas. Sa soeur Marie se trouvait parmi les spectatrices, car il était contraire à la coutume des Juifs qu'une femme prenne part à un banquet public. Les agents du Sanhédrin étaient présents, mais craignaient d'appréhender Jésus au milieu de ses amis.

172:1.3 Jésus s'entretint avec Simon du Josué de jadis, dont le prénom était homonyme du sien, et raconta comment Josué et les Israélites étaient arrivés à Jérusalem par Jéricho. En commentant la légende de la chute des remparts de Jéricho, Jésus dit : « Je ne m'intéresse pas à ces murailles de brique et de pierre, mais je voudrais provoquer l'effondrement des remparts de préjugés, de pharisaïsme et de haine devant la proclamation de l'amour du Père pour tous les hommes. »

172:1.4 Le banquet continua très gaiement et normalement, sauf que tous les apôtres étaient empreints d'une gravité inhabituelle. Jésus était exceptionnellement gai et avait joué avec les enfants jusqu'au moment de se mettre à table.

172:1.5 Rien d'extraordinaire ne se produisit jusque vers la fin du festin, lorsque Marie, soeur de Lazare, sortit du groupe des spectatrices, s'avança jusqu'au divan où Jésus était étendu comme hôte d'honneur et se mit à déboucher un grand flacon d'albâtre contenant un onguent très rare et couteux. Après en avoir oint la tête du Maitre, elle commença à en verser sur ses pieds et défit ses cheveux pour les lui essuyer. Toute la maison fut remplie du parfum de l'onguent, et tous les assistants furent stupéfaits de ce que Marie avait fait. Lazare ne dit rien, mais, lorsque certains convives murmurèrent en s'indignant de cet emploi d'un onguent aussi couteux, Judas Iscariot s'approcha de l'endroit où André était allongé et dit : « Pourquoi n'a-t-on pas vendu cet onguent et donné l'argent pour nourrir les pauvres ? Tu devrais dire au Maitre de réprouver ce gaspillage. »

172:1.6 Sachant ce qu'ils pensaient et entendant ce qu'ils disaient, Jésus posa sa main sur la tête de Marie agenouillée à son côté et, avec une expression de bonté sur son visage, il dit : « Que chacun de vous la laisse tranquille. Pourquoi la troublez-vous à ce propos, vu qu'elle a commis une bonne action dans son coeur ? À vous qui murmurez en disant que cet onguent aurait dû être vendu et l'argent donné aux pauvres, laissez-moi vous dire que vous avez toujours les pauvres avec vous, de sorte que vous pouvez vous occuper d'eux quand bon vous semble. Mais moi, je ne serai pas toujours avec vous ; j'irai bientôt auprès de mon Père. Cette femme a conservé depuis longtemps cet onguent pour mon corps lors de mon enterrement ; puisqu'elle a cru bon de procéder à cette onction en anticipant sur ma mort, cette satisfaction ne lui sera pas refusée. En faisant cela, Marie vous a tous blâmés, en ce sens que, par cet acte, elle manifeste sa foi en ce que j'ai dit sur ma mort et mon ascension auprès du Père qui est aux cieux. Cette femme ne sera pas réprimandée pour ce qu'elle a fait ce soir. Je vous dis au contraire que, dans les âges à venir, partout où l'évangile sera prêché dans le monde, ce qu'elle a fait sera raconté en mémoire d'elle. »

172:1.7 Ce fut à cause de ce blâme, pris pour un reproche personnel, que Judas Iscariot se décida finalement à chercher une vengeance pour ses sentiments froissés. Il avait maintes fois entretenu ces idées dans son subconscient, mais maintenant il osa nourrir d'aussi mauvaises pensées dans son mental, ouvertement et consciemment. Beaucoup d'autres convives l'encouragèrent dans cette attitude, car le prix de l'onguent équivalait au salaire d'un homme pendant une année - assez pour fournir du pain à cinq-mille personnes. Mais Marie aimait Jésus ; elle s'était procuré le précieux onguent pour embaumer son corps après sa mort, car elle croyait à ses paroles quand il les avertissait qu'il devait mourir. L'application de l'onguent ne devait pas être refusée à Marie, même si elle changeait d'avis et décidait de faire cette offrande au Maitre pendant qu'il était encore vivant.

172:1.8 Lazare et Marthe savaient tous deux que Marie avait mis longtemps à épargner l'argent destiné à acheter ce flacon de nard ; ils approuvaient de tout coeur qu'elle ait agi en cette affaire selon le désir de son coeur, car ils étaient fortunés et pouvaient facilement s'offrir le luxe d'une telle offrande.

172:1.9 Quand les chefs des prêtres eurent vent de ce diner à Béthanie en l'honneur de Jésus et de Lazare, ils commencèrent à tenir conseil sur la ligne de conduite à suivre envers Lazare. Ils décidèrent bientôt que Lazare devait également mourir. Ils conclurent, à juste titre, qu'il serait inutile de mettre Jésus à mort s'ils laissaient vivre Lazare, que Jésus avait ressuscité d'entre les morts.

172.2  Le Dimanche Matin avec les Apôtres

172:2.1 Ce dimanche matin, dans le magnifique jardin de Simon, le Maitre appela ses douze apôtres autour de lui et leur donna ses instructions finales préalablement à l'entrée à Jérusalem. Il leur dit qu'il prononcerait probablement beaucoup de sermons et enseignerait de nombreuses leçons avant de retourner auprès du Père, mais il leur recommanda de s'abstenir de toute action publique durant ce séjour pour la Pâque à Jérusalem. Il leur prescrivit de rester près de lui et de « veiller et prier » . Jésus savait qu'un grand nombre de ses apôtres et disciples immédiats portaient déjà des épées dissimulées sur eux, mais ne fit aucune allusion à cet état de choses.

172:2.2 Les instructions de cette matinée comportaient un bref résumé du ministère des apôtres depuis le jour de leur ordination près de Capharnaüm jusqu'à ce jour même où ils se préparaient à entrer à Jérusalem. Les apôtres écoutèrent en silence et ne posèrent aucune question.

172:2.3 De bonne heure ce matin-là, David Zébédée avait remis à Judas les fonds provenant de la vente de l'équipement du camp de Pella. À son tour, Judas avait remis la majeure partie de cet argent à Simon, leur hôte, pour qu'il le conserve en anticipation des exigences de leur entrée à Jérusalem.

172:2.4 Après la conférence avec les apôtres, Jésus eut un entretien avec Lazare et lui recommanda d'éviter de sacrifier sa vie à l'esprit de vengeance du Sanhédrin. Ce fut pour obtempérer à cette recommandation que Lazare s'enfuit quelques jours plus tard à Philadelphie, quand les fonctionnaires du Sanhédrin envoyèrent des agents pour l'arrêter.

172:2.5 Dans un certain sens, tous les disciples de Jésus sentaient la crise imminente, mais furent empêchés d'en comprendre pleinement la gravité par la gaité inhabituelle et l'exceptionnelle bonne humeur du Maitre.

172.3  Le Départ pour Jérusalem

172:3.1 Béthanie était à peu près à trois kilomètres du temple, et ce fut à une heure et demie, ce dimanche après-midi, que Jésus se prépara à partir pour Jérusalem. Il avait des sentiments de profonde affection pour Béthanie et les gens simples qui l'habitaient. Nazareth, Capharnaüm et Jérusalem l'avaient rejeté, mais Béthanie l'avait accepté et avait cru en lui. Ce fut dans ce petit village, où presque tous les hommes, femmes et enfants étaient des croyants, que Jésus choisit d'accomplir la plus puissante oeuvre de son effusion terrestre, la résurrection de Lazare. S'il le ressuscita, ce ne fut pas pour amener les habitants à croire, mais plutôt parce qu'ils croyaient déjà.

172:3.2 Jésus avait réfléchi toute la matinée à son entrée à Jérusalem. Jusque-là, il s'était toujours efforcé d'empêcher que le public ne l'acclame en tant que Messie, mais, ce jour-là, la situation était différente. Il approchait de la fin de son incarnation, sa mort avait été décrétée par le Sanhédrin et il n'y avait pas d'inconvénient à permettre à ses disciples d'exprimer librement leurs sentiments, exactement comme cela se serait produit s'il avait choisi de faire une entrée officielle et publique dans la ville.

172:3.3 Ce ne fut ni comme un dernier appel à la faveur populaire, ni comme une ultime tentative pour s'emparer du pouvoir, que Jésus décida de faire publiquement son entrée à Jérusalem. Ce ne fut pas non plus uniquement pour satisfaire les désirs humains de ses disciples et apôtres. Jésus n'entretenait aucune des illusions fantasmagoriques d'un rêveur : il savait bien quel serait le dénouement de cette visite.

172:3.4 Après avoir décidé de faire une entrée publique à Jérusalem, le Maitre fut confronté à la nécessité de choisir une méthode convenable pour exécuter sa résolution. Il passa en revue les nombreuses prophéties, plus ou moins contradictoires, dites messianiques, mais n'en trouva qu'une seule susceptible d'être décemment suivie. La plupart des affirmations prophétiques décrivaient un roi, fils et successeur de David, un homme audacieux et agressif, capable de délivrer temporellement tout Israël du joug de la domination étrangère. Mais il existait un passage des Écritures, parfois associé au Messie par ceux qui s'attachaient davantage au concept spirituel de sa mission. Jésus pensa que ce passage pouvait logiquement servir de guide pour son entrée à Jérusalem. Ce texte se trouvait dans Zacharie et disait : « Réjouis-toi grandement, ô fille de Sion ; pousse des cris de joie, ô fille de Jérusalem. Voici, ton roi vient à toi. Il est juste et apporte le salut. Il vient humblement monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse. »

172:3.5 Un roi belliqueux entrait toujours dans une ville monté sur un cheval ; un roi en mission pacifique et amicale entrait toujours monté sur un âne. Jésus ne voulait pas entrer à Jérusalem monté sur un cheval, mais il était disposé à y entrer pacifiquement et avec bénévolence, monté sur un âne, en tant que Fils de l'Homme.

172:3.6 Jésus avait essayé depuis longtemps d'inculquer, par enseignement direct, à ses apôtres et à ses disciples que son royaume n'était pas de ce monde, qu'il s'agissait d'une affaire purement spirituelle ; mais il n'y était pas parvenu. Maintenant, il voulait essayer d'accomplir, par un appel symbolique, ce qu'il n'avait pas réussi à faire par son enseignement clair et personnel. En conséquence, Jésus appela Pierre et Jean tout de suite après le repas de midi et leur ordonna d'aller à Bethphagé, un village voisin situé un peu à l'écart de la grande route et à une courte distance au nord-ouest de Béthanie. Il leur dit : « Allez à Béthphagé et, lorsque vous arriverez au croisement des routes, vous trouverez le petit d'une ânesse attaché là. Détachez l'ânon et ramenez-le. Si quelqu'un vous demande pourquoi vous faites cela, dites simplement : Le Maitre en a besoin. » Lorsque les deux apôtres furent allés à Bethphagé conformément aux instructions reçues, ils trouvèrent l'ânon attaché dans la rue à côté de sa mère et près d'une maison d'angle. Tandis que Pierre détachait l'ânon, le propriétaire arriva et demanda pourquoi ils faisaient cela. Lorsque Pierre lui eut répondu conformément aux instructions du Maitre, l'homme dit : « Si votre Maitre est Jésus de Galilée, l'ânon est à sa disposition. » Et ils ramenèrent donc l'ânon.

172:3.7 Entretemps, plusieurs centaines de pèlerins s'étaient réunis autour de Jésus et de ses apôtres. Depuis le milieu de la matinée, les visiteurs de passage qui se rendaient à la Pâque s'étaient arrêtés là. Cependant, David Zébédée et quelques-uns de ses anciens messagers prirent sur eux d'aller en hâte à Jérusalem, où ils répandirent, parmi les foules de pèlerins visitant le temple, la nouvelle que Jésus de Nazareth faisait une entrée triomphale dans la ville. En conséquence, plusieurs milliers de ces pèlerins s'avancèrent en troupe pour saluer ce prophète, auteur de prodiges dont on avait tant parlé, et que certains prenaient pour le Messie. Cette multitude qui sortait de Jérusalem rencontra Jésus et la foule qui se dirigeaient vers Jérusalem, aussitôt après qu'ils eurent franchi la crête du Mont des Oliviers et commencé à descendre vers la ville.

172:3.8 Quand la procession partit de Béthanie, l'enthousiasme était grand parmi la foule joyeuse de disciples, de croyants et de pèlerins visiteurs, dont beaucoup venaient de Galilée et de Pérée. Au moment du départ, les douze femmes du corps évangélique initial, accompagnées de quelques collaboratrices, arrivèrent sur la scène et se joignirent à cette procession extraordinaire qui se dirigeait gaiement vers la ville.

172:3.9 Avant le départ, les jumeaux Alphée posèrent leurs manteaux sur l'âne et maintinrent l'animal pendant que le Maitre l'enfourchait. Alors que la procession gravissait le Mont d'Olivet, la foule joyeuse jeta ses vêtements sur le sol et apporta des branches cueillies sur les arbres voisins pour faire un tapis d'honneur à l'âne portant le Fils royal, le Messie promis. Tout en descendant vers Jérusalem, la foule heureuse commença à chanter, ou plutôt à crier à l'unisson le Psaume : « Hosanna au Fils de David ; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit le royaume qui descend des cieux. »

172:3.10 Jésus fut gai et joyeux au cours du trajet, jusqu'au moment où il arriva sur la crête du Mont des Oliviers, d'où l'on avait une vue panoramique sur la ville et les tours du temple. Le Maitre arrêta la procession, et un grand silence s'abattit sur l'assistance qui le voyait pleurer. Abaissant son regard sur la vaste multitude sortant de la ville pour l'accueillir, le Maitre dit, avec beaucoup d'émotion et une voix mouillée de larmes : « O Jérusalem, si tu avais seulement connu, toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donné, les choses qui appartiennent à ta paix et que tu aurais pu avoir si largement ! Mais, maintenant, ces gloires vont être cachées à tes yeux. Tu es sur le point de rejeter le Fils de la Paix et de tourner le dos à l'évangile du salut. Les jours viendront bientôt où tes ennemis creuseront une tranchée autour de toi et t'assiègeront de tous côtés ; ils te détruiront de fond en comble, et il ne restera pas pierre sur pierre de toi. Et tout cela t'arrivera parce que tu n'as pas connu le temps de ta divine visitation. Tu es sur le point de rejeter le don de Dieu, et tous les hommes te rejetteront. »

172:3.11 Lorsque Jésus eut fini de parler, ils commencèrent la descente du Mont des Oliviers et rencontrèrent bientôt la multitude des visiteurs qui venaient de Jérusalem en agitant des branches de palmier, en criant des hosannas et en exprimant, de diverses façons son allégresse et sa solidarité. Le Maitre n'avait rien fait pour que des foules sortent de Jérusalem à leur rencontre ; d'autres que lui s'en étaient chargés. Il ne prémédita jamais aucune scène théâtrale.

172:3.12 À la multitude qui affluait pour souhaiter la bienvenue au Maitre, s'étaient joints de nombreux pharisiens et autres ennemis de Jésus. Ils furent tellement déconcertés par cette explosion soudaine et inattendue d'acclamations populaires qu'ils eurent peur d'arrêter Jésus, de crainte que cet acte ne précipite ouvertement une révolte populaire. Ils craignaient grandement le comportement de la masse des visiteurs, qui avaient beaucoup entendu parler de Jésus, et dont un grand nombre croyaient en lui.

172:3.13 À l'approche de Jérusalem, la foule devint plus démonstrative, au point que certains pharisiens se frayèrent un chemin jusqu'à Jésus et dirent : « Maitre, tu devrais réprimander tes disciples et les exhorter à se conduire plus convenablement. » À quoi Jésus répondit : « Il convient que ces enfants souhaitent la bienvenue au Fils de la Paix, que les chefs des prêtres ont rejeté. Il serait inutile de les arrêter, de crainte qu'à leur place ces pierres du bord de la route ne se mettent à crier. »

172:3.14 Les pharisiens se hâtèrent de devancer la procession pour rejoindre le Sanhédrin, qui siégeait alors au temple, et ils rendirent compte à leurs confrères : « Voyez, tout ce que nous faisons ne sert à rien ; nous sommes confondus par ce Galiléen. Le peuple est devenu fou de lui ; si nous n'arrêtons pas ces ignorants, le monde entier va le suivre. »

172:3.15 En réalité, il n'y avait pas lieu d'attacher une signification profonde à cette explosion superficielle et spontanée d'enthousiasme populaire. Bien que joyeux et sincère, cet accueil ne dénotait aucune conviction réelle ou profonde dans le coeur de cette multitude allègre. Les mêmes foules furent tout aussi promptes à rejeter Jésus, plus tard dans la même semaine, dès lors que le Sanhédrin eut pris fermement et résolument position contre lui, quand elles perdirent leurs illusions - quand elles se rendirent compte que Jésus n'allait pas instaurer le royaume conformément à leurs espoirs longtemps nourris.

172:3.16 Mais toute la ville fut puissamment agitée, au point que tout le monde demandait : « Qui est cet homme ? » Et la multitude répondait : « C'est Jésus de Nazareth, le prophète de Galilée. »

172.4  La Visite au Temple

172:4.1 Pendant que les jumeaux Alphée allaient restituer l'âne à son propriétaire, Jésus et les dix apôtres se séparèrent de leurs associés les plus proches et déambulèrent dans le temple en observant les préparatifs de la Pâque. Aucune tentative ne fut faite pour molester Jésus, car le Sanhédrin craignait beaucoup le peuple, et, après tout, cette crainte était l'une des raisons pour lesquelles Jésus avait permis à la multitude de l'acclamer ainsi. Les apôtres ne comprenaient guère que c'était l'unique procédé humain susceptible d'empêcher efficacement que Jésus ne soit immédiatement arrêté lors de son entrée dans la ville. Le Maitre désirait donner aux habitants de Jérusalem, humbles et notables, ainsi qu'aux dizaines de milliers d'assistants à la Pâque, cette dernière chance supplémentaire d'entendre l'évangile et de recevoir, s'ils le voulaient, le Fils de la Paix.

172:4.2 Maintenant, tandis que l'après-midi se terminait et que les foules allaient se restaurer, Jésus et ses disciples immédiats furent laissés seuls. Quelle étrange journée cela avait été ! Les apôtres étaient pensifs, mais muets. Jamais, au cours de leur association avec Jésus, ils n'avaient assisté à une journée semblable. Ils s'assirent pendant un moment près de l'emplacement du trésor du temple, observant les gens qui y versaient leur contribution : les riches mettaient de grosses sommes dans la caisse des offrandes, et chacun donnait quelque chose selon ses moyens. À la fin arriva une pauvre veuve, misérablement vêtue, et ils remarquèrent qu'elle mettait deux pites (petites pièces de cuivre) dans le tronc. Alors, Jésus attira l'attention des apôtres sur la veuve en disant : « Retenez bien ce que vous venez de voir. Cette pauvre veuve a donné plus que tous les autres, car les autres ont donné une petite fraction de leur superflu, tandis que, malgré sa misère, cette pauvre femme a donné tout ce qu'elle avait, même son nécessaire. »

172:4.3 Tandis que la soirée s'avançait, ils circulèrent en silence dans les cours du temple, et, après avoir observé une fois de plus ces scènes familières, Jésus se rappela les émotions liées à ses visites antérieures, sans oublier les premières, et il dit : « Montons à Béthanie pour nous reposer. » Jésus, avec Pierre et Jean, alla habiter chez Simon, tandis que les apôtres logèrent chez leurs amis à Béthanie et à Bethphagé.

172.5  L'Attitude des Apôtres

172:5.1 Ce dimanche soir, durant le retour à Béthanie, Jésus marcha devant les apôtres. Aucune parole ne fut prononcée jusqu'au moment où ils se séparèrent après être arrivés à la maison de Simon. Jamais douze humains n'éprouvèrent des sentiments aussi variés et inexplicables que ceux qui surgissaient maintenant dans le mental et l'âme de ces ambassadeurs du royaume. Ces robustes Galiléens étaient troublés et déconcertés ; ils ne savaient pas à quoi s'attendre ; ils étaient trop surpris pour être effrayés. Ils ne savaient rien des plans du Maitre pour le lendemain, et ils ne posèrent pas de questions. Ils se rendirent à leurs logements, mais ne dormirent pas beaucoup, sauf les jumeaux. Toutefois, ils ne montèrent pas une garde armée autour de Jésus chez Simon.

172:5.2 André était complètement abasourdi et presque désorienté. Il fut le seul apôtre qui ne chercha pas sérieusement à évaluer l'explosion populaire des acclamations. Il était trop préoccupé par la pensée de sa responsabilité de chef du corps apostolique pour analyser sérieusement le sens ou la signification des bruyants hosannas de la multitude. André était fort affairé à veiller sur certains de ses associés, dont il craignait qu'ils ne se laissent emporter par leurs émotions durant l'excitation populaire, spécialement Pierre, Jacques, Jean et Simon Zélotès. Durant toute cette journée et celles qui suivirent immédiatement, André fut assailli de doutes graves, mais n'exprima jamais aucune de ces inquiétudes à ses associés apostoliques. Il était préoccupé de l'attitude de certains des douze, qu'il savait armés d'épée, mais il ignorait que son propre frère Pierre en portait une. La procession entrant à Jérusalem ne fit donc qu'une impression relativement superficielle sur André. Il était trop occupé par les responsabilités de sa charge pour être autrement touché.

172:5.3 Simon Pierre fut d'abord presque grisé par cette manifestation populaire d'enthousiasme ; mais il était fortement dégrisé au moment où ils rentrèrent à Béthanie ce soir-là. Pierre ne pouvait tout simplement pas imaginer où le Maitre voulait en venir. Il était terriblement déçu que Jésus n'ait pas profité de cette vague de faveur populaire pour faire une proclamation quelconque. Pierre n'arrivait pas à comprendre pourquoi Jésus n'avait pas parlé à la multitude en arrivant au temple, ou tout au moins permis à l'un des apôtres de haranguer la foule. Pierre était un grand prédicateur, et il lui déplaisait de voir se perdre un auditoire aussi vaste, aussi réceptif et aussi enthousiasme. Il aurait tant aimé prêcher l'évangile du royaume à cette foule, sur place dans le temple, mais le Maitre leur avait expressément interdit d'enseigner ou de prêcher à Jérusalem durant cette semaine de la Pâque. La réaction à la procession spectaculaire dans la ville fut désastreuse pour Simon Pierre. À la nuit, il était dégrisé et empreint d'une tristesse inexprimable.

172:5.4 Pour Jacques Zébédée, ce dimanche fut un jour de perplexité et de trouble profond ; il ne saisissait pas le but des évènements ; il ne pouvait comprendre le dessein du Maitre qui permettait ces folles acclamations, puis refusait de dire un mot à la foule en arrivant au temple. Pendant que la procession descendait d'Olivet vers Jérusalem, et plus spécialement au moment où elle rencontra les milliers de pèlerins qui affluaient pour accueillir le Maitre, Jacques fut cruellement déchiré par des sentiments contradictoires : exaltation et satisfaction pour ce qu'il voyait, et profonde crainte de ce qui allait se passer à leur arrivée au temple. Ensuite, il fut découragé et accablé de déception lorsqu'il vit Jésus descendre de l'âne et se promener posément dans les cours du temple. Jacques ne pouvait comprendre pourquoi il gâchait cette magnifique occasion de proclamer le royaume. Le soir, son mental fut étreint par une angoissante et terrible incertitude.

172:5.5 Jean Zébédée arriva presque à comprendre les mobiles des actes de Jésus ; tout au moins, il saisit partiellement la signification spirituelle de ce que l'on appelle l'entrée triomphale à Jérusalem. Pendant que la multitude se dirigeait vers le temple et qu'il voyait son Maitre à califourchon sur l'ânon, il se souvint d'avoir entendu Jésus citer le passage des Écritures où Zacharie décrivait le Messie comme un homme de paix entrant à Jérusalem sur un âne. En réfléchissant à cette citation des Écritures, Jean commença à comprendre le sens symbolique du spectacle de ce dimanche après-midi. Tout au moins, il comprit suffisamment la signification du passage des Écritures pour jouir quelque peu de l'épisode et ne pas se laisser déprimer à l'excès par la fin apparemment inutile de la procession triomphale. Jean avait un type de mental qui l'inclinait naturellement à penser et à sentir en symboles.

172:5.6 Philippe fut complètement désarçonné par la soudaineté et la spontanéité de l'explosion. En descendant d'Olivet, il ne put rassembler suffisamment ses idées pour arriver à une conclusion précise sur la signification du défilé. Dans un sens, il jouissait du spectacle parce que son Maitre était à l'honneur. En arrivant au temple, il fut troublé par l'idée que Jésus pourrait lui demander de nourrir la multitude, ainsi donc, la conduite de Jésus s'éloignant paisiblement des foules, qui avait si cruellement déçu la majorité des apôtres fut, pour Philippe, un grand soulagement. Les multitudes avaient parfois constitué une grande épreuve pour l'intendant des douze. Après avoir été libéré de ces craintes personnelles concernant les besoins matériels de la foule, Philippe se joignit à Pierre pour exprimer sa déception de ce que l'on ne fasse rien pour enseigner la multitude. Ce soir-là, Philippe repensa à ces expériences et fut tenté de mettre en doute toute l'idée du royaume. Il se demanda honnêtement et avec étonnement la signification possible de tous ces évènements, mais ne fit part de ses doutes à personne. Il aimait trop Jésus et avait une grande foi personnelle dans le Maitre

172:5.7 Nathanael fut l'apôtre qui, en dehors des aspects symboliques et prophétiques des évènements, était le plus près de comprendre la raison du Maitre pour s'assurer le soutien populaire des pèlerins de la Pâque. Avant d'arriver au temple, il raisonna que, sans cette entrée spectaculaire à Jérusalem, Jésus aurait été arrêté par les agents du Sanhédrin et jeté en prison dès l'instant où il aurait osé entrer dans la ville. Il ne fut donc aucunement surpris de voir que le Maitre ne se servait plus de la foule enthousiaste après avoir pénétré dans l'enceinte de la ville et fait une telle impression sur les dirigeants juifs qu'ils s'abstinrent de le mettre immédiatement en état d'arrestation. Comprenant la véritable raison du Maitre pour pénétrer dans la ville de cette manière, Nathanael resta naturellement mieux équilibré en suivant le groupe, et fut moins troublé et déçu que les autres apôtres par la conduite ultérieure de Jésus. Nathanael avait grande confiance dans l'aptitude de Jésus à comprendre les hommes, et dans sa sagacité et son habileté à manier des situations difficiles.

172:5.8 Matthieu fut d'abord désemparé par le déroutement du spectacle. Il ne saisit la signification de ce que ses yeux voyaient qu'au moment où, à son tour, il se souvint de la citation de Zacharie dans laquelle le prophète faisait allusion à la joie de Jérusalem parce que son roi était venu, apportant le salut et monté sur le petit d'une ânesse. Pendant que la procession se dirigeait vers la ville puis s'orientait vers le temple, Matthieu tomba en extase ; il avait la conviction que quelque chose d'extraordinaire se produirait au moment où le Maitre arriverait au temple à la tête de cette multitude poussant des clameurs. Lorsqu'un pharisien se moqua de Jésus en disant : « Regardez tous, voyez celui qui vient ici, le roi des Juifs monté sur un âne » , Matthieu ne s'abstint de le frapper que grâce à un grand effort sur lui-même. Aucun des douze n'était plus déprimé que lui, ce soir-là, sur le chemin du retour à Béthanie. Après Simon Pierre et Simon Zélotès, ce fut lui qui éprouva la plus violente tension nerveuse et se trouva, le soir, dans un état de complet épuisement. Mais, le lendemain matin, Matthieu avait repris courage ; après tout, il était beau joueur.

172:5.9 Thomas fut le plus désorienté et le plus perplexe des douze. La plupart du temps, il se borna à suivre les autres, regardant le spectacle et se demandant honnêtement quel pouvait bien être le mobile du Maitre pour participer à un aussi étrange défilé. Au plus profond de son coeur, il considérait toute la scène comme un peu enfantine, sinon tout à fait stupide. Il n'avait jamais vu Jésus faire quelque chose de semblable, et il était embarrassé pour expliquer l'étrange conduite du Maitre, ce dimanche après-midi. Au moment où ils arrivèrent au temple, Thomas avait conclu que ce défilé populaire avait pour dessein d'effrayer le Sanhédrin au point qu'il n'oserait pas faire arrêter immédiatement le Maitre. Sur le chemin de retour à Béthanie, Thomas réfléchit beaucoup, mais ne dit rien. Au moment de se coucher, l'habileté du Maitre à organiser la tumultueuse entrée à Jérusalem avait commencé à faire quelque peu appel à son sens de l'humour, et il fut très encouragé par cette réaction.

172:5.10 Ce dimanche avait débuté comme un grand jour pour Simon Zélotès. Il avait des visions d'actions merveilleuses accomplies à Jérusalem au cours des prochains jours, et en cela il avait raison, mais Simon rêvait de l'instauration de la nouvelle souveraineté nationale des Juifs, avec Jésus sur le trône de David. Simon imaginait les nationalistes passant à l'action dès la proclamation du royaume, avec lui-même au commandement suprême des forces militaires du nouveau royaume, en voie de rassemblement. Sur la descente du Mont des Oliviers, il envisageait même que les membres du Sanhédrin et tous leurs partisans seraient morts, ce jour-là avant le coucher du soleil. Il croyait réellement qu'un grand évènement allait se produire. Il était l'homme le plus bruyant de toute la foule. Mais, à cinq heures de l'après-midi, il n'était plus qu'un apôtre silencieux, abattu et désillusionné. Il ne se remit jamais complètement de la dépression qui l'affecta à la suite du choc de cette journée ; du moins, il ne s'en remit que longtemps après la résurrection du Maitre.

172:5.11 Pour les jumeaux Alphée, cette journée fut parfaite. Ils en jouirent réellement tout le temps. Par suite de leur absence pendant la paisible visite au temple, ils échappèrent en grande partie au contrecoup des acclamations populaires. Ils ne pouvaient absolument pas comprendre le comportement effondré des apôtres à leur retour à Béthanie, ce soir-là. Dans les souvenirs des jumeaux, cette journée fut toujours celle où ils se sentirent le plus près du ciel sur la terre ; elle fut l'apogée satisfaisant de toute leur carrière d'apôtres. Le souvenir de l'exaltation de ce dimanche après-midi les soutint durant toute la tragédie de cette mémorable semaine, jusqu'à l'heure de la crucifixion. C'était l'entrée royale la plus appropriée que les jumeaux pouvaient concevoir ; ils jouirent de chaque instant du spectacle. Ils approuvaient pleinement tout ce qu'ils virent, et en chérirent longtemps le souvenir.

172:5.12 Parmi tous les apôtres, c'est Judas Iscariot qui fut le plus défavorablement affecté par l'entrée processionnelle à Jérusalem. Son mental fermentait désagréablement parce que le Maitre l'avait réprimandé, la veille, au sujet de l'onction faite par Marie au festin donné chez Simon. Judas était dégouté de tout le spectacle, qui lui paraissait enfantin, sinon franchement ridicule. Tandis que cet apôtre enclin à la vengeance observait les évènements de ce dimanche après-midi, Jésus lui paraissait ressembler davantage à un clown qu'à un roi. Judas était profondément froissé de tout ce spectacle. Il partageait le point de vue des Grecs et des Romains qui méprisaient toute personne acceptant de monter sur un âne ou sur un ânon. Au moment où la procession triomphale entra dans la ville, Judas s'était à peu près décidé à abandonner toute idée d'un pareil royaume. Il était presque résolu à renoncer à toutes ces tentatives burlesques pour établir le royaume des cieux. Puis il pensa à la résurrection de Lazare, et à maints autres évènements, et décida de rester avec les douze, au moins un jour de plus. En outre, il portait leur bourse et ne voulait pas déserter en emportant les fonds apostoliques. Sur le chemin du retour à Béthanie, ce soir-là, sa conduite ne parut pas étrange, car tous les apôtres étaient également déprimés et silencieux.

172:5.13 Judas fut prodigieusement influencé par le fait que ses amis sadducéens le tournèrent en ridicule. Aucun autre facteur n'exerça, sur sa détermination finale d'abandonner Jésus et les autres apôtres, une aussi puissante influence qu'un épisode survenu au moment où Jésus arriva à la porte de la ville. Un notable sadducéen, ami de la famille de Judas, se précipita vers lui avec l'intention de le ridiculiser gaiement, lui donna une tape dans le dos et dit : « Pourquoi fais-tu si piteuse mine, mon bon ami ? Réjouis-toi, et joins-toi à nous pour acclamer ce Jésus de Nazareth, le roi des Juifs, tandis qu'il franchit la porte de Jérusalem, monté sur un âne. » Judas n'avait jamais reculé devant les persécutions, mais il ne put supporter d'être ainsi tourné en dérision. S'ajoutant à son sentiment longtemps entretenu de revanche, se mélangeait maintenant cette fatale peur du ridicule, ce sentiment terrible et effrayant d'être honteux de son Maitre et de ses compagnons apôtres. Dans son coeur, cet ambassadeur ordonné du royaume était déjà un déserteur ; il ne lui restait plus qu'à trouver un prétexte plausible pour rompre ouvertement avec le Maitre.

173. Le Lundi à Jérusalem

173:0.1 COMME il avait été convenu au préalable, Jésus et les apôtres se réunirent, ce lundi matin de bonne heure, chez Simon à Béthanie et, après une brève conférence, ils partirent pour Jérusalem. Les douze restèrent étrangement silencieux pendant le trajet pour aller au temple ; ils ne s'étaient pas remis des expériences de la veille. Ils étaient dans l'expectative, craintifs et profondément affectés par un certain sentiment de détachement résultant du soudain changement de tactique du Maitre auquel s'ajoutait l'instruction qui leur avait été donnée de ne s'engager dans aucun enseignement public durant toute cette semaine de la Pâque.

173:0.2 Le groupe descendit le mont Olivet, Jésus en tête, et les apôtres suivant de près dans un silence méditatif. Tous, sauf Judas Iscariot, ne pensaient qu'à une chose : Que va faire le Maitre aujourd'hui ? Quant à Judas, il était absorbé par cette seule pensée : Que vais-je faire ? Vais-je rester avec Jésus et mes associés ou me retirer ? Et, si je les quitte, comment romprai-je ?

173:0.3 La matinée était magnifique lorsque ces hommes arrivèrent au temple vers neuf heures. Ils se rendirent aussitôt dans la grande cour où Jésus enseignait si souvent et, après avoir salué les croyants qui l'attendaient, Jésus monta sur l'une des estrades réservées aux éducateurs et commença à parler à la foule qui s'assemblait. Les apôtres s'écartèrent un peu et attendirent les évènements.

173.1  L'Épuration du Temple

173:1.1 Un immense trafic commercial s'était développé en liaison avec les offices et les rites du culte au temple. Il y avait le commerce consistant à fournir des animaux appropriés pour les divers sacrifices. Bien que les fidèles eussent la faculté d'apporter leurs propres offrandes, le fait subsistait que les animaux ne devaient présenter aucune « tare » au sens de la loi lévitique interprétée par les inspecteurs officiels du temple. Bien des fidèles avaient subi l'humiliation de voir leur animal, supposé parfait, rejeté par les examinateurs du temple. La pratique se généralisa donc d'acheter les animaux sacrificiels au temple même. Il y avait bien à proximité, sur le mont Olivet, divers fournisseurs chez qui l'on pouvait se les procurer, mais la coutume s'était établie de les acquérir directement dans les parcs à bestiaux situés dans le temple. L'habitude de vendre toutes sortes d'animaux sacrificiels dans les cours du temple s'était développée graduellement. Des affaires très actives et procurant d'énormes profits avaient ainsi vu le jour. Une part des bénéfices était réservée au trésor du temple, mais la majeure partie en revenait indirectement aux familles des grands prêtres au pouvoir.

173:1.2 La vente des animaux dans le temple prospérait, car, si un fidèle y achetait un animal, bien que le prix en fût assez élevé, il n'avait plus de taxes à payer et il était sûr que le sacrifice proposé ne serait pas rejeté, sous prétexte que l'animal était réellement ou théoriquement taré. De temps à autre, on augmentait, d'une manière exorbitante, les prix demandés aux gens du peuple, spécialement durant les grandes fêtes nationales. À un certain moment, les prêtres avides allèrent jusqu'à exiger l'équivalent d'une semaine de travail pour un couple de pigeons que l'on aurait normalement vendu aux pauvres pour quelques deniers. Les « fils d'Annas » avaient déjà commencé à installer leurs boutiques dans l'enceinte du temple, sur ces mêmes emplacements de marché qui subsistèrent jusqu'à leur démolition, par la populace, trois ans avant la destruction du temple lui-même.

173:1.3 Mais le trafic des animaux sacrificiels et de diverses marchandises n'était pas la seule manière dont les cours du temple étaient profanées. On avait développé, à l'époque, un vaste système de banque et de change, qui se pratiquait jusque dans l'enceinte du temple et s'était instauré de la manière suivante : durant la dynastie Asmonéenne, les Juifs avaient frappé leur propre monnaie d'argent, et la pratique s'était établie d'exiger que la taxe d'un demi-sicle et tous les autres droits du temple fussent payés avec cette monnaie juive. Cette règlementation rendait nécessaire l'octroi de licences à des changeurs de devises pour qu'ils fournissent des sicles orthodoxes de frappe juive en échange des nombreuses sortes de monnaie circulant en Palestine et dans d'autres provinces de l'empire romain. L'impôt du temple, payable par tout le monde, excepté les femmes, les enfants et les mineurs, était d'un demi-sicle, une monnaie de la taille d'une pièce d'argent de deux centimètres de diamètre, mais assez épaisse. À l'époque de Jésus, les prêtres avaient également été exemptés de l'impôt du temple. En conséquence, du 15 au 25 du mois précédant la Pâque, des changeurs accrédités dressaient leurs baraques dans les principales villes de Palestine en vue de fournir aux Juifs la monnaie appropriée pour payer les taxes du temple à leur arrivée à Jérusalem. Après cette période de dix jours, ces changeurs partaient pour Jérusalem et installaient leurs comptoirs dans les cours du temple. Ils étaient autorisés à prélever une commission de quinze à vingt centimes sur l'échange d'une pièce valant à peu près cinquante centimes, et le double sur une pièce de valeur supérieure. Ces banquiers du temple tiraient également profit du change de tout l'argent destiné à l'achat des animaux à sacrifier, et au paiement des voeux et des offrandes.

173:1.4 Non seulement ces changeurs du temple faisaient des affaires régulières de banque pour tirer bénéfice du change d'au moins vingt sortes de monnaies apportées périodiquement par les pèlerins, lors de leur passage à Jérusalem, mais ils s'engageaient aussi dans toutes sortes d'opérations relevant du métier de banquier. Le trésor du temple et les chefs religieux tiraient d'immenses profits de ces activités commerciales. Il n'était pas rare que le trésor du temple contint l'équivalent de dix tonnes d'or, tandis que le petit peuple languissait dans la misère et continuait à payer ces prélèvements injustes.

173:1.5 Ce lundi matin, Jésus tenta d'enseigner l'évangile du royaume céleste au milieu de cette bruyante multitude de changeurs, de vendeurs et de marchands de bestiaux. Il n'était pas seul à s'indigner de cette souillure du temple ; les gens du peuple, et spécialement les Juifs des provinces étrangères, étaient profondément froissés dans leur coeur de voir ainsi profaner leur temple national pour de l'argent. À cette époque, le Sanhédrin lui-même tenait ses réunions régulières dans une salle autour de laquelle se poursuivait le brouhaha de ces discussions et ce pêle-mêle de commerce et de troc.

173:1.6 Au moment où Jésus allait commencer son allocution, deux incidents se produisirent qui attirèrent son attention. Au comptoir d'un changeur voisin, une discussion violente et passionnée s'était élevée à propos d'une commission trop élevée demandée à un Juif d'Alexandrie, et, au même instant, l'air était déchiré par les beuglements d'une centaine de boeufs que l'on transférait d'une section du parc à bestiaux à une autre. Tandis que Jésus s'arrêtait en contemplant silencieusement, mais méditativement, cette scène de commerce et de confusion, il aperçut près de lui un candide Galiléen à qui il avait parlé à Iron, et que des Judéens, arrogants et se prétendant supérieurs, ridiculisaient et bousculaient. Tout ceci se conjugua dans l'âme de Jésus pour provoquer l'un de ces étranges accès d'indignation émotive qui le prenaient périodiquement.

173:1.7 À la stupéfaction de ses apôtres, qui se tenaient à proximité immédiate et s'abstinrent de participer à la scène qui suivit, Jésus descendit de l'estrade d'enseignement, se dirigea vers le garçon qui conduisait le bétail à travers la cour, lui prit son fouet de cordes et chassa rapidement les animaux du temple, mais ce ne fut pas tout. Sous les regards émerveillés des milliers de personnes assemblées dans la cour du temple, il marcha à grands pas majestueux vers la section la plus éloignée du parc à bestiaux et se mit à ouvrir les portes de chaque étable et à en chasser les animaux emprisonnés. Dès lors, les pèlerins assemblés furent galvanisés ; avec des clameurs tumultueuses, ils allèrent vers les bazars et commencèrent à renverser les tables des changeurs. En moins de cinq minutes, tout commerce avait été balayé du temple. Au moment où les gardes romains du voisinage apparurent sur la scène, tout était de nouveau paisible et la foule s'était disciplinée. Remontant sur l'estrade des orateurs, Jésus s'adressa à la multitude et dit : « Vous avez assisté, aujourd'hui, à ce qui est annoncé dans les Écritures : `Ma maison sera appelée une maison de prières pour toutes les nations, mais vous en avez fait une caverne de voleurs.' »

173:1.8 Avant qu'il ait pu en dire davantage, des hosannas de louanges éclatèrent dans la grande assemblée et, bientôt, une bande de jeunes gens sortit de la foule pour chanter des hymnes de reconnaissance, parce que les marchands profanes et les spéculateurs avaient été chassés du temple sacré. Entretemps, certains prêtres étaient arrivés sur la scène et l'un d'eux dit à Jésus : « N'entends-tu pas ce que disent les enfants des lévites ? » Et le Maitre répondit : « N'as-tu jamais lu dans les Écritures que la louange est sortie parfaite de la bouche des enfants et des nourrissons » . Durant le reste de la journée, tandis que Jésus enseignait, des gardes établis par le peuple veillèrent à tous les porches et ne permirent à personne de transporter même un récipient vide à travers les cours du temple.

173:1.9 Quand les chefs religieux et les scribes eurent vent de ces évènements, ils furent abasourdis. Ils eurent d'autant plus peur du Maitre et furent d'autant plus résolus à l'exterminer. Mais ils étaient fort embarrassés, ils ne savaient comment le mettre à mort, car ils craignaient beaucoup les foules, qui approuvaient maintenant si ouvertement l'expulsion des spéculateurs profanes. Durant toute la journée, qui fut tranquille et paisible dans les cours du temple, la foule écouta les enseignements de Jésus et fut littéralement suspendue à ses paroles.

173:1.10 Cet acte surprenant de Jésus dépassait la compréhension de ses apôtres. Ils furent tellement déconcertés par cette action soudaine et inattendue de leur Maitre que, durant toute cette scène, ils restèrent en groupe compact près de l'estrade des orateurs. Ils ne firent pas le moindre geste pour participer à l'épuration du temple. Si cet évènement spectaculaire avait eu lieu la veille, au moment de l'arrivée triomphale de Jésus au temple, à l'issue de la procession tumultueuse à travers les portes de la ville, où il avait été sans cesse bruyamment acclamé par la multitude, ils auraient été prêts à agir ; mais, de la manière dont l'incident arriva, ils n'étaient aucunement préparés à y participer.

173:1.11 Cette épuration du temple révèle l'attitude du Maitre envers la commercialisation des pratiques religieuses ainsi que sa répulsion pour toutes les formes d'injustice et de spéculation aux dépens des pauvres et des ignorants. L'épisode montre également que Jésus n'approuvait pas le refus d'employer la force pour protéger la majorité d'un groupe humain contre les pratiques déloyales et asservissantes de minorités injustes capables de se retrancher derrière le pouvoir politique, financier ou ecclésiastique. On ne doit pas permettre à des hommes astucieux, pervers et entreprenants de s'organiser pour exploiter et opprimer ceux qui, à cause de leur idéalisme, ne sont pas disposés à recourir à la violence pour se protéger ou pour mettre à exécution leurs projets dignes de louanges.

173.2  Un Défi à l'Autorité du Maitre

173:2.1 Le dimanche, la triomphale entrée de Jésus à Jérusalem inspira une telle crainte aux dirigeants juifs qu'ils s'abstinrent de le faire arrêter. Le lendemain, l'épuration spectaculaire du temple retarda de même effectivement l'arrestation du Maitre. Jour après jour, les chefs des Juifs étaient plus décidés à le détruire, mais ils en étaient détournés par deux craintes qui se conjuguaient pour retarder l'heure de frapper. Les chefs des prêtres et les scribes ne voulaient pas arrêter Jésus en public, car ils craignaient que la foule ne se retourne contre eux avec rancune et fureur. Ils craignaient également l'éventualité d'un appel aux gardes romains pour calmer une émeute populaire.

173:2.2 Au cours de sa session de midi, le Sanhédrin décida à l'unanimité qu'il fallait en finir rapidement avec Jésus, car aucun des amis du Maitre n'assistait à cette réunion. Les membres du Sanhédrin ne purent toutefois se mettre d'accord sur le moment et la manière de l'arrêter. Ils décidèrent finalement de désigner cinq groupes qui se mêleraient au public en vue d'embrouiller Jésus dans ses enseignements ou de le discréditer de quelque manière aux yeux de ceux qui écoutaient son instruction. En conséquence, vers deux heures, au moment où Jésus venait de commencer son discours sur « La Liberté de la Filiation » , un groupe d'anciens d'Israël se fraya un chemin jusqu'auprès de lui, l'interrompit à leur manière habituelle et lui demanda : « Par quelle autorité fais-tu ces choses ? Qui t'a donné cette autorité ? »

173:2.3 Les dirigeants et les fonctionnaires du Sanhédrin juif avaient parfaitement le droit de poser cette question à quiconque prétendait enseigner et agir de la manière extraordinaire qui avait caractérisé Jésus, spécialement dans sa récente conduite en éliminant du temple tous les commerces. Ces marchands et changeurs opéraient avec une licence directement octroyée par les dirigeants les plus élevés, et un pourcentage de leurs gains était supposé revenir directement au trésor du temple. N'oubliez pas que l'autorité était le mot de passe de toute la société juive. Les prophètes suscitaient toujours des troubles parce qu'ils avaient l'audace de prétendre enseigner sans autorité, sans avoir été dument instruits dans les académies rabbiniques ni avoir ensuite reçu l'ordination régulière du Sanhédrin. L'absence de cette autorité pour enseigner ostensiblement en public était considérée comme dénotant soit une ignorance présomptueuse, soit une rébellion ouverte. À cette époque, seul le Sanhédrin pouvait conférer l'ordination à un ancien ou à un éducateur, et cette cérémonie devait avoir lieu devant au moins trois personnes précédemment ordonnées de la même manière. Cette ordination conférait le titre de « rabbin » à l'éducateur et le qualifiait également pour agir en tant que juge « liant et déliant les questions soumises à sa décision » .

173:2.4 Les chefs du temple se présentèrent devant Jésus, à cette heure de l'après-midi, en portant un défi non seulement à son enseignement, mais à ses actes. Jésus savait bien que ces mêmes hommes avaient depuis longtemps affirmé en public que l'autorité de son enseignement était satanique et que toutes ses oeuvres puissantes avaient été accomplies grâce au pouvoir du prince des démons. C'est pourquoi, le Maitre commença sa réponse à leur question par une autre question. Jésus dit : « Je voudrais également vous poser une question. Si vous me répondez, je vous dirai aussi par quelle autorité j'accomplis mes oeuvres. D'où venait le baptême de Jean ? Tirait-il son autorité du ciel ou des hommes ? » .

173:2.5 Quand ils entendirent cela, les interrogateurs de Jésus se retirèrent à l'écart pour se concerter sur la réponse qu'ils pouvaient donner. Ils avaient pensé embarrasser Jésus devant la foule, mais, maintenant ils se trouvaient eux-mêmes fort confus devant les auditeurs alors assemblés dans la cour du temple. Et leur déconfiture fut encore plus évidente lorsqu'ils revinrent vers Jésus en disant : « Au sujet du baptême de Jean, nous ne pouvons répondre ; nous ne savons pas. » Ils répondirent ainsi au Maitre parce qu'ils avaient tenu entre eux le raisonnement suivant : Si nous disons que le baptême de Jean vient du ciel, Jésus dira : Pourquoi n'y avez-vous pas cru ? Et il risque d'ajouter qu'il tient son autorité de Jean. Et si nous disons que ce baptême vient des hommes, la foule pourrait se retourner contre nous, car la majorité estime que Jean était un prophète. Ils furent ainsi obligés de revenir devant Jésus et la foule en confessant qu'eux, les éducateurs religieux et les chefs d'Israël, ne pouvaient pas (ou ne voulaient pas) exprimer une opinion sur la mission de Jean. Lorsqu'ils eurent ainsi parlé, Jésus abaissa le regard sur eux et dit : « Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité j'accomplis ces choses. »

173:2.6 Jésus n'avait jamais eu l'intention de se targuer de l'autorité de Jean, qui n'avait pas reçu l'ordination du Sanhédrin. L'autorité de Jésus résidait en lui-même et dans la suprématie éternelle de son Père.

173:2.7 En employant cette méthode vis-à-vis de ses adversaires, Jésus ne cherchait pas à éluder la question. Au premier abord, il pouvait sembler coupable d'une magistrale évasion, mais ce n'était pas le cas. Jésus n'était jamais disposé à tirer injustement avantage de quiconque, même de ses ennemis. Dans cette apparente évasion, il fournit réellement, à tous ses auditeurs, la réponse à la question sur l'autorité conférée à sa mission. Les pharisiens avaient affirmé qu'il l'accomplissait par autorité du prince des démons. Or, Jésus avait maintes fois répété qu'il enseignait et oeuvrait par le pouvoir et l'autorité de son Père céleste, chose que les dirigeants juifs refusaient d'accepter. Ils cherchaient donc à le discréditer en lui faisant admettre l'irrégularité de son enseignement, puisqu'il n'avait jamais été sanctionné par le Sanhédrin. En répondant comme il fit, sans prétendre avoir reçu l'autorité de Jean, il satisfit l'auditoire avec l'inférence que l'effort de ses ennemis, pour le prendre au piège, se retournait efficacement contre eux et les discréditait beaucoup aux yeux de toutes les personnes présentes.

173:2.8 C'était ce génie du Maitre pour manier ses adversaires qui leur inspirait une si grande peur de lui. Ils n'essayèrent plus de le questionner ce jour-là et se retirèrent pour se consulter à nouveau entre eux. Mais le peuple ne fut pas long à discerner la malhonnêteté et le manque de sincérité dans les questions posées à Jésus par les dirigeants juifs. Même le petit peuple ne pouvait manquer de noter la différence entre la majesté morale du Maitre et l'hypocrisie calculée de ses ennemis. Mais l'épuration du temple avait rallié les sadducéens aux pharisiens pour parfaire les plans destinés à détruire Jésus. Et les sadducéens représentaient alors la majorité du Sanhédrin.

173.3  La Parabole des Deux Fils

173:3.1 Tandis que les pharisiens ergoteurs se tenaient là en silence, Jésus abaissa son regard sur eux et dit : « Puisque vous doutez de la mission de Jean et que vous êtes hostiles à l'enseignement et aux oeuvres du Fils de l'Homme, écoutez la parabole que je vais vous conter : Un grand propriétaire respecté avait deux fils et désirait leur aide pour administrer ses vastes domaines. Il alla trouver le cadet et lui dit : `Mon fils, va travailler aujourd'hui dans mon vignoble.' Ce fils irréfléchi répondit à son père : `Je n'irai pas', mais ensuite il se repentit et s'y rendit. Le propriétaire alla ensuite trouver son fils ainé et lui dit également : `Mon fils, va travailler dans mon vignoble.' Et ce fils hypocrite et infidèle répondit : `Oui, mon père, j'irai.' Mais, quand son père eut tourné le dos, il n'y alla pas. Je vous pose la question, lequel de ces fils a réellement fait la volonté de son père ? »

173:3.2 L'auditoire répondit unanimement : « C'est le premier fils. » Alors, Jésus dit : « C'est exact ; et, maintenant, je proclame que les publicains et les prostituées, même s'ils paraissaient refuser l'appel à la repentance, verront l'erreur de leur voie et entreront dans le royaume de Dieu avant vous, qui prétendez avec ostentation servir le Père qui est aux cieux tout en refusant d'accomplir ses oeuvres. Ce n'est pas vous, scribes et pharisiens, qui avez cru à Jean, mais plutôt les publicains et les pécheurs. Vous ne croyez pas non plus à mon enseignement, mais le peuple écoute mes paroles avec joie. »

173:3.3 Jésus ne méprisait pas personnellement les pharisiens et les sadducéens. C'était leur système d'enseignement et de pratique qu'il cherchait à discréditer. Il n'était hostile à personne, mais, ici, se produisait le conflit inévitable entre une religion spirituelle nouvelle et vivante et l'ancienne religion de cérémonie, de tradition et d'autorité.

173:3.4 Durant tout ce temps, les douze apôtres se tenaient près du Maitre, mais sans participer en aucune façon à ces échanges. Chacun des douze réagissait à sa manière particulière aux évènements de ces journées clôturant le ministère de Jésus dans la chair, et chacun observait également la consigne du Maitre de s'abstenir d'enseigner ou de prêcher en public durant cette semaine de la Pâque.

173.4  La Parabole du Propriétaire Absent

173:4.1 Lorsque les chefs des pharisiens et des scribes, qui avaient cherché à embrouiller Jésus avec leurs questions, eurent fini d'écouter la parabole des deux fils, ils se retirèrent pour se concerter à nouveau. Le Maitre, tournant son attention vers la foule attentive, conta une autre parabole :

173:4.2 « Un homme de bien, qui possédait une propriété, planta un vignoble. Il l'entoura d'une haie, creusa une fosse pour le pressoir et construisit une tour de guet pour les gardes. Puis il donna son vignoble en location et partit pour un long voyage dans un pays étranger. Quand la saison des vendanges approcha, il envoya des serviteurs aux locataires pour percevoir son fermage. Mais, après s'être concertés, les fermiers refusèrent de donner à ces serviteurs les revenus qu'ils devaient à leur Maitre ; au lieu de cela, ils attaquèrent les serviteurs, frappèrent l'un, lapidèrent le deuxième et renvoyèrent les autres les mains vides. Lorsque le propriétaire eut vent de l'histoire, il envoya d'autres serviteurs plus sûrs pour régler la question avec ces méchants locataires ; mais ceux-ci blessèrent les nouveaux serviteurs et les traitèrent honteusement. Alors, le propriétaire envoya son serviteur favori, son intendant, et les locataires le tuèrent. Pourtant patient et longanime, le propriétaire envoya beaucoup d'autres serviteurs, mais les locataires ne voulurent en recevoir aucun ; ils frappèrent les uns et tuèrent les autres. Quand le propriétaire eut été ainsi traité, il décida d'envoyer son fils vers ces locataires ingrats en se disant : `Ils peuvent maltraiter mes serviteurs, mais ils montreront certainement du respect pour mon fils bien-aimé.' Mais, en voyant venir le fils, les mauvais locataires impénitents tinrent entre eux le raisonnement suivant : `Celui-ci est l'héritier. Allons, tuons-le, et, alors, l'héritage nous appartiendra.' Ainsi donc, ils s'emparèrent de lui, le jetèrent hors du vignoble et le tuèrent. Quand le maitre de ce vignoble apprendra qu'ils ont rejeté et tué son fils, que fera-t-il à ces locataires ingrats et méchants ? »

173:4.3 Lorsque les auditeurs eurent entendu cette parabole et la question de Jésus, ils répondirent : « Le propriétaire anéantira ces misérables et louera son vignoble à des fermiers honnêtes, qui lui rendront les fruits en leur saison. » Certains d'entre eux comprirent que la parabole faisait allusion à la nation juive, à la manière dont elle avait traité les prophètes, et au rejet imminent de Jésus et de l'enseignement du royaume. Ils dirent alors tristement : « Dieu veuille que nous ne continuions pas à faire de pareilles choses. »

173:4.4 Jésus vit qu'un groupe de pharisiens et de sadducéens se frayait un chemin vers lui à travers la foule. Il s'arrêta un moment, jusqu'à ce qu'ils se fussent approchés, et dit alors : « Vous savez comment vos pères ont rejeté les prophètes, et vous savez bien que, dans votre coeur, vous avez résolu de rejeter le Fils de l'Homme. » Puis, promenant un regard inquisiteur sur les prêtres et les anciens qui se tenaient près de lui, Jésus dit : « N'avez-vous jamais lu dans les Écritures l'histoire de la pierre que les bâtisseurs avaient rejetée et qui devint la pierre angulaire quand le peuple la découvrit ? Je vous avertis donc une fois de plus que, si vous continuez à rejeter cet évangile, le royaume de Dieu vous sera bientôt enlevé pour être donné à un peuple disposé à recevoir la bonne nouvelle et à produire les fruits de l'esprit. Cette pierre comporte un mystère, car quiconque tombe sur elle sera brisé en morceaux, mais sauvé ; mais celui sur qui elle tombera sera réduit en poussière, et ses cendres seront dispersées aux quatre vents. »

173:4.5 Quand les pharisiens entendirent ces paroles, ils comprirent que Jésus faisait allusion à eux et aux autres dirigeants juifs. Ils avaient grande envie de s'emparer de lui sur-le-champ, mais ils craignaient la multitude. Toutefois, ils furent tellement irrités par les paroles du Maitre qu'ils se retirèrent pour se consulter de nouveau sur la manière de le faire périr. Ce soir-là, les pharisiens et les sadducéens s'entendirent pour essayer de le prendre au piège le lendemain.

173.5  La Parabole du Festin de Mariage

173:5.1 Après que les scribes et les dirigeants se furent retirés, Jésus s'adressa de nouveau à la foule assemblée et conta la parabole du festin de mariage. Il dit :

173:5.2 « On peut comparer le royaume des cieux à un roi qui donna un festin de mariage pour son fils et dépêcha des messagers pour appeler ceux qui avaient été préalablement invités à la fête, en disant : `Tout est prêt pour le diner de mariage au palais du roi.' Or, beaucoup de ceux qui avaient promis d'y assister refusèrent maintenant de s'y rendre. Quand le roi apprit le rejet de ses invitations, il envoya d'autres serviteurs et messagers avec ces mots : `Dites à tous ceux qui étaient invités, de venir, car, voici, mon diner est préparé. Mes boeufs et mes bêtes grasses sont tués, et tout est prêt pour le mariage imminent de mon fils.' Mais, de nouveau, les invités sans égards traitèrent à la légère l'appel de leur roi et allèrent leur chemin, l'un à sa ferme, l'autre à sa poterie et d'autres à leurs marchandises. D'autres encore ne se contentèrent pas de marquer ainsi du dédain pour la convocation du roi, mais se révoltèrent ouvertement, s'emparèrent des messagers du roi, les maltraitèrent honteusement et même en tuèrent quelques-uns. Quand le roi s'aperçut que ses invités choisis, même ceux qui avaient accepté son invitation préliminaire et promis d'assister à la fête de mariage, avaient finalement rejeté son appel, s'étaient révoltés, puis avaient attaqué et assassiné ses messagers spéciaux, il entra dans une violente colère. Alors, le roi insulté mobilisa ses armées et celles de ses alliés, puis leur ordonna d'anéantir ces meurtriers rebelles et d'incendier leur cité.

173:5.3 « Après avoir puni ceux qui avaient méprisé son invitation, il fixa un nouveau jour pour le festin de mariage et dit à ses messagers : `Les premiers invités au mariage n'étaient pas dignes de ma sollicitude. Allez maintenant aux croisées des chemins et sur les grandes routes, même au delà des limites de la ville, et invitez tous ceux que vous rencontrerez, même les étrangers, à venir assister au festin de mariage.' Les serviteurs allèrent donc sur les grandes routes et dans les lieux écartés ; ils rassemblèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, bons et mauvais, riches et pauvres, de sorte qu'enfin la salle du mariage fut remplie de convives de bonne volonté. Lorsque tout fut prêt, le roi entra pour examiner ses hôtes et, à sa grande surprise, il vit un homme sans robe de noces. Or, le roi avait généreusement fourni des robes de noces pour tous ses invités ; il s'adressa à l'homme en disant : `Ami, comment se fait-il que tu entres dans la salle des invités, en cette occasion, sans robe de noces ?' Et cet homme non préparé ne sut que dire. Alors, le roi dit à ses serviteurs : `Chassez cet écervelé de ma maison et faites-lui partager le sort de tous ceux qui ont dédaigné mon hospitalité et rejeté mon appel. Je ne veux avoir personne ici en dehors de ceux qui se réjouissent d'accepter mon invitation, et qui me font l'honneur de porter les vêtements de noces que j'ai si libéralement mis à la disposition de tout le monde.' »

173:5.4 Après avoir conté cette parabole, Jésus allait congédier la multitude lorsqu'un croyant sympathisant se fraya un chemin à travers la foule jusqu'à lui et demanda : « Maitre, comment serons-nous informés de ces choses ? Comment serons-nous prêts pour l'invitation du roi ? Quel signe nous donneras-tu pour que nous sachions que tu es le Fils de Dieu ? » Après avoir entendu ces questions, le Maitre dit : « Il ne vous sera donné qu'un seul signe. » Puis, montrant du doigt son propre corps, il poursuivit : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le rebâtirai. » Mais les auditeurs ne le comprirent pas et se dispersèrent en se disant entre eux : « Il y a près de cinquante ans que ce temple est en construction, et pourtant Jésus dit qu'il le détruira et le relèvera en trois jours. » Même ses propres apôtres ne saisirent pas la signification de cette phrase, mais ultérieurement, après la résurrection, ils se rappelèrent ce que le Maitre avait dit.

173:5.5 Vers quatre heures de l'après-midi, Jésus fit signe à ses apôtres et leur indiqua qu'il désirait quitter le temple et aller à Béthanie pour y prendre le repas du soir et une nuit de repos. Sur la montée d'Olivet, Jésus donna des instructions à André, Philippe et Thomas pour que, le lendemain, ils établissent un camp plus proche de la ville, un campement qu'ils pourraient occuper durant le reste de la semaine de la Pâque. Conformément à ces instructions, ils plantèrent leurs tentes, le lendemain matin, dans le ravin à flanc de coteau qui dominait le parc de campement public de Gethsémani, sur un petit terrain appartenant à Simon de Béthanie.

173:5.6 De nouveau, ce fut un groupe de Juifs silencieux qui gravit le versant occidental du mont Olivet, ce lundi soir. Comme jamais auparavant, ces douze hommes commençaient à pressentir qu'un évènement tragique était imminent. D'une part la spectaculaire épuration du temple aux premières heures de la matinée avait suscité leur espoir de voir le Maitre s'affirmer et manifester ses puissants pouvoirs ; d'autre part les évènements de l'après-midi avaient agi à rebours, en ce sens qu'ils laissaient prévoir avec certitude que les autorités juives rejetteraient les enseignements de Jésus. Les apôtres étaient dans une expectative inquiète et sous l'emprise d'une terrible incertitude. Ils réalisaient que seules quelques brèves journées pouvaient s'intercaler entre les évènements de la veille et le choc d'une ruine imminente. Ils sentaient tous qu'il allait se passer quelque chose de prodigieux, mais ne savaient à quoi s'attendre. Ils allèrent se reposer chacun dans son coin, mais dormirent très peu. Même les jumeaux Alphée avaient fini par s'éveiller à l'idée que les évènements de la vie du Maitre se déroulaient rapidement vers leur apogée final.

174. Le Mardi Matin au Temple

174:0.1 CE mardi matin vers sept heures, Jésus retrouva, chez Simon, les apôtres, le corps évangélique féminin et environ deux douzaines d'autres disciples influents. À cette réunion, il fit ses adieux à Lazare et lui donna des directives qui l'incitèrent à fuir très rapidement à Philadelphie, en Pérée, où il se lia plus tard avec le mouvement missionnaire qui avait son siège dans cette cité. Jésus prit également congé du vieux Simon et donna au groupe féminin ses ultimes conseils, car il ne lui adressa plus jamais d'allocution officielle.

174:0.2 Ce matin-là, il salua chacun des douze en lui adressant un mot personnel. À André, il dit : « Ne te laisse pas décourager par les évènements imminents. Garde une ferme emprise sur tes frères et veille à ce qu'ils ne te trouvent pas abattu. » À Pierre, il dit : « Ne mets ta confiance ni dans la vigueur de ton bras ni dans les armes d'acier. Établis-toi sur les fondements spirituels des rochers éternels. » À Jacques, il dit : « Ne faiblis pas devant les apparences extérieures. Reste ferme dans ta foi, et tu connaîtras bientôt la réalité de ce que tu crois. » À Jean, il dit : « Sois doux ; aime même tes ennemis. Sois tolérant, et rappelle-toi que je t'ai confié bien des choses. » À Nathanael, il dit : « Ne juge pas sur les apparences ; reste ferme dans ta foi quand tout semblera s'effondrer ; sois fidèle à ton mandat d'ambassadeur du royaume. » À Philippe, il dit : « Ne te laisse pas ébranler par les évènements imminents. Reste impassible, même quand tu ne peux voir le chemin. Sois fidèle à ton serment de consécration. » À Matthieu, il dit : « N'oublie pas la miséricorde qui t'a fait recevoir dans le royaume. Ne laisse personne te dérober ta récompense éternelle. Puisque tu as résisté aux tendances de la nature humaine, décide d'être ferme. » À Thomas, il dit : « Si difficile que ce soit, il faut actuellement que tu marches par la foi et non par la vue. Ne doute pas que je sois capable d'achever l'oeuvre que j'ai commencée, et que je reverrai finalement tous mes fidèles ambassadeurs dans le royaume de l'au-delà. » Aux jumeaux Alphée, il dit : « Ne vous laissez pas écraser par les choses que vous ne comprenez pas. Soyez fidèles aux affections de votre coeur, et ne mettez votre confiance ni dans les grands hommes, ni dans l'attitude changeante du peuple. Restez auprès de vos compagnons. » À Simon Zélotès, il dit : « Tu seras peut-être écrasé de déception, mais ton esprit s'élèvera au-dessus de tout ce qui pourra t'arriver. Ce que tu n'as pas réussi à apprendre de moi, mon esprit te l'enseignera. Recherche les vrais réalités de l'esprit et cesse d'être attiré par des ombres irréelles et matérielles. » Et à Judas Iscariot, il dit : « Judas, je t'ai aimé et j'ai prié pour que tu aimes tes frères. Ne te lasse pas de bien faire. Je t'avertis de te méfier de ceux qui font glisser les hommes sur les sentiers de la flatterie et qui les empoisonnent par les flèches du ridicule. »

174:0.3 Après avoir achevé ces salutations, Jésus partit pour Jérusalem avec André, Pierre, Jacques et Jean, tandis que les autres apôtres s'occupaient d'établir le camp de Gethsémani, où ils devaient se rendre ce soir-là et où ils installèrent leur quartier général pour le reste de la vie incarnée du Maitre. À mi-chemin de la descente du versant d'Olivet, Jésus s'arrêta et s'entretint durant plus d'une heure avec les quatre apôtres.

174.1  Le Pardon Divin

174:1.1 Depuis plusieurs jours, Pierre et Jacques avaient entrepris de discuter leurs divergences d'opinion sur l'enseignement du Maitre concernant le pardon des péchés. Ils avaient convenu de soumettre la question à Jésus, et Pierre saisit l'occasion comme fort opportune pour obtenir l'avis du Maitre. En conséquence, Simon Pierre interrompit la conversation sur les différences entre la louange et l'adoration en demandant : « Maitre, Jacques et moi, nous ne sommes pas d'accord sur tes enseignements au sujet du pardon des péchés. Jacques prétend que, d'après toi, le Père nous pardonne même avant que nous ne lui demandions, et, moi, je maintiens que le repentir et la confession doivent précéder le pardon. Qui de nous a raison ? Qu'en dis-tu ? »

174:1.2 Après un bref silence, Jésus jeta un coup d'oeil significatif sur les quatre apôtres et répondit : « Mes frères, vous vous trompez dans vos opinions parce que vous ne comprenez pas la nature intime des relations entre la créature et le Créateur, entre l'homme et Dieu. Vous ne saisissez pas la sympathie compréhensive que de sages parents éprouvent pour leurs enfants dépourvus de maturité et parfois égarés. Il est en effet douteux que des parents intelligents et affectueux soient jamais appelés à pardonner à un enfant moyen et normal. Des rapports compréhensifs, associés à des attitudes pleines d'amour, empêchent efficacement toutes les désunions qui nécessitent ultérieurement un rajustement par le repentir chez l'enfant et le pardon des parents.

174:1.3 « Dans chaque enfant vit une fraction de son père. Le père bénéficie d'une priorité et d'une supériorité de compréhension dans toutes les questions liées aux rapports entre parents et enfants. Le père peut regarder l'immaturité de l'enfant à la lumière de la maturité parentale plus grande, de l'expérience plus mûre du partenaire le plus âgé. Dans le cas de l'enfant terrestre et du Père céleste, le parent divin possède, dans une mesure infinie et divine, la compassion et l'aptitude à comprendre avec l'amour. Le pardon divin est inévitable ; il est inaliénable et inhérent à la compréhension infinie de Dieu, à sa parfaite connaissance de tout ce qui concerne le faux jugement et le choix erroné de l'enfant. La justice divine est si éternellement équitable qu'elle englobe infailliblement la miséricorde compréhensive.

174:1.4 « Quand un homme avisé comprend les impulsions intérieures de ses semblables, il les aime ; et, quand vous aimez votre frère, vous lui avez déjà pardonné. Cette aptitude à comprendre la nature de l'homme et à pardonner ses actions apparemment mauvaises est divine. Si vous êtes de sages parents, c'est ainsi que vous aimerez et comprendrez vos enfants, et même que vous leur pardonnerez quand des malentendus temporaires auront paru vous séparer. L'enfant est dépourvu de maturité et ne comprend pas la profondeur des relations entre enfant et père ; il éprouve donc souvent un sentiment de séparation coupable quand il ne reçoit pas la pleine approbation de son père ; mais un véritable père n'est jamais conscient d'une telle séparation. Le péché est une expérience de la conscience des créatures ; il ne fait pas partie de la conscience de Dieu

174:1.5 « Votre inaptitude ou votre répugnance à pardonner à vos semblables donne la mesure de votre immaturité, et dénote que vous n'avez pas atteint le niveau adulte de sympathie, de compréhension et d'amour. Vos rancunes et vos idées de vengeance sont directement proportionnelles à votre ignorance de la nature intérieure et des véritables aspirations de vos enfants et de vos semblables. L'amour est la manifestation de l'impulsion vitale intérieure et divine. Il est fondé sur la compréhension, entretenu par le service désintéressé et accompli dans la sagesse. »

174.2  Les Questions des Dirigeants Juifs

174:2.1 Le lundi soir, il y avait eu conseil comprenant le Sanhédrin et une cinquantaine d'autres notables choisis parmi les scribes, les pharisiens et les sadducéens. Cette assemblée estima, d'un commun accord, qu'il serait dangereux d'arrêter Jésus en public, du fait de l'emprise qu'il avait sur les sentiments des gens du peuple. La majorité fut également d'avis qu'il fallait faire un effort résolu pour le discréditer aux yeux de la multitude avant de l'arrêter et de le traduire en jugement. En conséquence, divers groupes d'érudits furent désignés pour aller, le lendemain matin, au temple afin d'essayer de prendre Jésus au piège avec des questions difficiles et de chercher, de quelque manière, à l'embarrasser devant le peuple. Les pharisiens, les sadducéens et même les hérodiens, étaient enfin tous unis dans cet effort pour discréditer Jésus aux yeux de la foule pascale.

174:2.2 Le mardi matin, lorsque Jésus arriva dans la cour du temple et commença à enseigner, il fut interrompu dès ses premiers mots par un groupe de jeunes étudiants des académies, qui avaient subi une préparation spéciale à cet effet. Ils s'avancèrent et s'adressèrent à Jésus par le truchement de leur porte-parole : « Maitre, nous savons que tu es un instructeur droit, que tu proclames les voies de la vérité et que tu es au service de Dieu seul, car tu ne crains aucun homme et tu ne fais pas acception de personnes. Nous ne sommes que des étudiants, et nous voudrions connaître la vérité sur une question qui nous trouble. Voici la difficulté : Est-il licite pour nous de payer le tribut à César ? Le payerons-nous ou ne le payerons-nous pas ? » Percevant leur hypocrisie et leur sournoiserie, Jésus leur dit : « Pourquoi venez-vous me tenter ainsi ? Montrez-moi l'argent du tribut, et je vous répondrai. » Les étudiants lui donnèrent un denier qu'il examina, puis il dit : « De qui cette pièce porte-t-elle l'effigie et l'inscription ? » Ils répondirent : « De César » . Sur quoi, Jésus dit : « Rendez à César ce qui appartient à César, et rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu. »

174:2.3 Après avoir reçu cette réponse, les jeunes scribes et leurs complices hérodiens se retirèrent hors de sa présence, et le peuple, y compris les sadducéens, se réjouit de leur déconfiture. Même les jeunes gens qui avaient essayé de prendre le Maitre au piège s'émerveillèrent grandement de la surprenante sagacité de sa réponse.

174:2.4 La veille, les dirigeants avaient cherché à prendre Jésus en défaut devant la foule sur des questions d'autorité ecclésiastique. N'y étant pas parvenus, ils cherchaient maintenant à l'impliquer dans une discussion préjudiciable sur l'autorité civile. Pilate et Hérode se trouvaient tous deux à Jérusalem à ce moment-là, et les ennemis de Jésus supputèrent que, s'il osait déconseiller le paiement du tribut à César, ils pourraient aller immédiatement trouver les autorités romaines et l'accuser de sédition. D'autre part, s'il recommandait explicitement le paiement du tribut, ses ennemis calculaient, à juste titre, qu'il infligerait une profonde blessure à l'orgueil national de ses auditeurs juifs, ce qui lui aliènerait la bienveillance et l'affection de la multitude.

174:2.5 En tout ceci, les ennemis de Jésus furent battus, car un décret bien connu du Sanhédrin, fait pour la gouverne des Juifs dispersés parmi les Gentils, précisait que « le droit de battre monnaie comportait le droit de percevoir des impôts. » Jésus évita ainsi leur piège. S'il avait répondu « non » à leur question, cela aurait été l'équivalent d'une incitation à la rébellion. S'il avait répondu « oui » , cela aurait choqué les sentiments nationalistes profondément enracinés de l'époque. Le Maitre n'éluda pas la question ; il eut simplement la sagesse de faire une double réponse. Jésus n'était jamais évasif, mais toujours bien avisé dans ses rapports avec ceux qui cherchaient à le harceler et à le détruire.

174.3  Les Sadducéens et la Résurrection

174:3.1 Avant que Jésus ait pu commencer son enseignement, un autre groupe s'avança pour le questionner. Cette fois, il s'agissait d'un groupe de sadducéens érudits et rusés, dont le porte-parole s'approcha en disant : « Maitre, Moïse a dit que, si un homme marié meurt sans laisser d'enfants, son frère devra épouser sa veuve et engendrer une postérité à son frère décédé. Or, il s'est produit un cas où un homme qui avait six frères mourut sans enfants ; son frère cadet prit sa femme, mais mourut bientôt également sans laisser d'enfants. Le second frère prit alors la femme, mais lui aussi mourut sans postérité. Et ainsi de suite jusqu'à ce que les six frères l'eussent épousée et fussent tous morts sans laisser d'enfants. Enfin, la femme elle-même mourut après eux tous. Ceci dit, nous voudrions te poser la questions suivante : Lors de la résurrection, de qui sera-t-elle la femme, vu que les sept frères l'ont épousée ? »

174:3.2 Jésus, aussi bien que l'assistance, savait que ces sadducéens n'étaient pas sincères en posant leur question, car il était peu probable qu'un tel cas se produise réellement ; en outre, la coutume pour les frères d'un mort de chercher à lui engendrer une postérité était pratiquement devenue lettre morte parmi les Juifs à cette époque. Jésus condescendit néanmoins à répondre à leur question insidieuse. Il dit : « Vous vous trompez tous en posant de telles questions parce que vous ne connaissez ni les Écritures ni le pouvoir vivant de Dieu. Vous savez que les fils de ce monde peuvent se marier et sont donnés en mariage, mais vous ne semblez pas comprendre que ceux qui, par la résurrection des justes, sont estimés dignes d'atteindre les mondes à venir ne se marient pas et ne sont pas donnés en mariage. Ceux qui font l'expérience de la résurrection d'entre les morts ressemblent plus aux anges des cieux ; ils ne meurent jamais. Ces ressuscités sont éternellement les fils de Dieu. Ils sont les enfants de lumière ressuscités dans le progrès de la vie éternelle. Même votre Père Moïse le comprit, car, en liaison avec ses expériences auprès du buisson ardent, il entendit le Père dire : `Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.' Ainsi, avec Moïse, je proclame que mon Père n'est pas le Dieu des morts, mais celui des vivants. En lui vous vivez tous, vous vous reproduisez et vous possédez votre existence de mortels. »

174:3.3 Lorsque Jésus eut fini de répondre à ces questions, les sadducéens se retirèrent, et certains pharisiens s'oublièrent au point de s'écrier : « C'est vrai, c'est vrai, Maitre, tu as bien répondu à ces sadducéens incroyants. » Les sadducéens n'osèrent plus poser d'autres questions à Jésus, et le peuple s'émerveilla de la sagesse de son enseignement.

174:3.4 Jésus ne fit appel qu'à Moïse dans son duel avec les sadducéens, car cette secte politico-religieuse ne reconnaissait comme valable que le prétendu Pentateuque de Moïse. Elle n'admettait pas que les enseignements des prophètes puissent servir de base à des dogmes doctrinaux. Dans sa réponse, le Maitre affirma positivement la survie des créatures mortelles par la technique de la résurrection, mais en aucun sens il ne mentionna avec approbation la croyance pharisienne à la résurrection du corps humain sous sa forme physique. Jésus voulait souligner que le Père avait dit : « Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » , et non « J'étais leur Dieu » .

174:3.5 Les sadducéens avaient cru soumettre Jésus à l'influence flétrissante du ridicule, sachant bien que toute persécution en public créerait certainement un renouveau de sympathie pour lui dans le mental de la multitude.

174.4  Le Grand Commandement

174:4.1 Un autre groupe de sadducéens avait reçu des instructions pour poser à Jésus des questions embarrassantes sur les anges, mais, après avoir vu le sort de leurs camarades qui avaient essayé de le prendre au piège avec des questions concernant la résurrection, ils décidèrent fort sagement de rester tranquilles ; ils se retirèrent sans poser une seule question. Les scribes, pharisiens, sadducéens et hérodiens coalisés avaient prémédité de remplir toute la journée de ces questions embarrassantes. Ils espéraient ainsi discréditer Jésus devant le peuple, et en même temps empêcher efficacement qu'il ait le temps de proclamer ses enseignements perturbateurs.

174:4.2 Un groupe de pharisiens s'avança ensuite pour le harceler de questions. Son porte-parole fit un signe à Jésus et dit : « Maitre, je suis juriste, et je voudrais te demander quel est, à ton avis, le plus grand commandement ? » Jésus répondit : « Il n'y a qu'un seul commandement, qui est le plus grand de tous et qui ordonne : `Écoute, O Israël, le Seigneur notre Dieu ; le Seigneur est un ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.' Ceci est le premier et grand commandement. Et le second lui est semblable ; en vérité, il découle directement du premier et ordonne : `Tu aimeras ton prochain comme toi-même.' Il n'y a en pas d'autres plus grands que ceux-là ; de ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. »

174:4.3 Percevant que non seulement la réponse de Jésus était conforme au concept le plus élevé de la religion juive, mais aussi qu'il avait répondu sagement au vu de la multitude assemblée, le docteur de la loi pensa qu'il valait mieux faire preuve de courage en louant ouvertement la réponse du Maitre. En conséquence, il dit : « En vérité, Maitre, tu as dit, à juste titre, que Dieu est un, qu'il n'y en a pas d'autre en dehors de lui et que le premier et grand commandement consiste à l'aimer de tout notre coeur, de toute notre intelligence et de toute notre force, et aussi qu'il faut aimer son prochain comme soi-même. Nous sommes d'accord que ce commandement a beaucoup plus d'importance que toutes les offrandes brulées et tous les sacrifices. » Lorsque le juriste eut ainsi répondu prudemment, Jésus abaissa son regard sur lui et dit : « Mon ami, je perçois que tu n'es pas loin du royaume de Dieu. »

174:4.4 Jésus disait vrai lorsqu'il fit allusion à ce docteur de la loi comme n'étant « pas éloigné du royaume » , car, le même soir, ce juriste se rendit au camp du Maitre près de Gethsémani, confessa sa foi dans l'évangile du royaume et fut baptisé pas Josias, l'un des disciples d'Abner.

174:4.5 Deux ou trois autres groupes de scribes et de pharisiens étaient présents avec l'intention de poser des questions, mais ils furent soit désarmés par la réponse de Jésus au docteur de la loi, soit découragés par la déconfiture de tous ceux qui avaient entrepris de le prendre au piège. Après cela, personne n'osa plus lui poser de questions en public.

174:4.6 Voyant qu'aucune question n'était plus soulevée et que l'heure de midi approchait, Jésus ne reprit pas son enseignement, mais se borna à poser à son tour une question aux pharisiens et à leurs associés. Il dit : « Puisque vous ne soulevez plus de questions, je voudrais vous en poser une. Que pensez-vous du Libérateur ? C'est-à-dire de qui est-il le fils ? » Après une courte pause, l'un des scribes répondit : « Le Messie est fils de David. » Or, Jésus savait qu'il y avait eu de nombreuses discussions, même parmi ses disciples, sur le point de savoir s'il était ou non fils de David. Il posa donc une nouvelle question : « Si le Libérateur est vraiment le fils de David, comment se fait-il que, dans le psaume que vous lui attribuez, David, parlant selon l'esprit, ait dit : `Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que j'aie réduit tes ennemis à te servir de marche-pied ?' Si David l'appelle Seigneur, comment peut-il être son fils ? » Les dirigeants, les scribes et les chefs des prêtres ne firent aucune réponse à cette question, mais ils s'abstinrent également d'en poser de nouvelles pour essayer d'embarrasser Jésus. En fait, ils ne répondirent jamais à la question qu'il leur avait posée, mais, après la mort du Maitre, ils essayèrent d'éluder la difficulté en changeant l'interprétation de ce psaume de manière qu'il se réfère à Abraham au lieu du Messie. D'autres essayèrent d'échapper au dilemme en niant que David fût l'auteur de ce psaume dit messianique.

174:4.7 Quelques moments auparavant, les pharisiens s'étaient réjouis de la manière dont les sadducéens avaient été réduits au silence par le Maitre. C'étaient maintenant les sadducéens qui prenaient plaisir à l'échec des pharisiens, mais cette rivalité n'était que momentanée. Ils oublièrent rapidement les points de vue divergents, qu'ils soutenaient depuis longtemps, dans leur effort commun pour mettre fin aux enseignements et aux agissements de Jésus. Mais, au cours de toutes ces expériences, le petit peuple se réjouit de l'entendre.

174.5  Les Grecs Investigateurs

174:5.1 Vers midi, tandis que Philippe achetait des vivres pour le nouveau camp que l'on établissait ce jour-là près de Gethsémani, il fut accosté par une délégation d'étrangers, un groupe de croyants grecs d'Alexandrie, d'Athènes et de Rome. Leur porte-parole dit à l'apôtre : « Tu nous as été signalé par des gens qui te connaissent ; alors, nous t'abordons en te demandant de voir Jésus, ton Maitre. » Philippe fut pris au dépourvu en rencontrant ainsi, sur la place du marché, ces éminents investigateurs Grecs et Gentils. Or, Jésus avait explicitement recommandé aux douze apôtres de ne pratiquer aucun enseignement en public durant la semaine pascale. Philippe fut donc un peu embarrassé sur la meilleure manière d'arranger cette affaire. Le fait que ces hommes étaient des Gentils étrangers l'avait également déconcerté. S'ils avaient été des Juifs, ou des Gentils habitant les environs, il n'aurait pas montré tant d'hésitation. Philippe s'arrêta à la solution consistant à demander aux Grecs de l'attendre sur place. Tandis qu'il s'éloignait en hâte, les Grecs supposèrent qu'il était allé chercher Jésus, mais en réalité Philippe se dépêchait d'aller chez Joseph, où il savait qu'André et les autres apôtres prenaient leur déjeuner. Il appela André, lui expliqua le motif de sa venue, puis retourna avec André auprès des Grecs qui l'attendaient.

174:5.2 Ayant à peu près fini d'acheter ses provisions, Philippe revint avec André et les Grecs chez Joseph, où Jésus les reçut. Ils s'assirent près de lui, tandis qu'il parlait à ses apôtres et à un certain nombre de disciples éminents réunis à ce déjeuner. Jésus dit :

174:5.3 « Mon Père m'a envoyé dans ce monde pour révéler sa bienveillance affectueuse aux enfants des hommes, mais les premiers vers qui je suis allé ont refusé de me recevoir. En vérité, beaucoup d'entre vous ont cru par eux-mêmes à mon évangile, mais les enfants d'Abraham et leurs dirigeants sont sur le point de me rejeter ; ce faisant, ils rejetteront Celui qui m'a envoyé. J'ai libéralement proclamé l'évangile du salut à ce peuple ; je lui ai parlé de la filiation accompagnée de joie, de liberté et de vie plus riche dans l'esprit. Mon Père a accompli nombre d'oeuvres merveilleuses parmi ces fils des hommes paralysés par la peur. C'est à juste titre que le prophète Isaïe s'est référé à ce peuple en écrivant : `Seigneur, qui a cru à nos enseignements ? Et à qui le Seigneur a-t-il été révélé ?' En vérité, les dirigeants de mon peuple se sont délibérément rendus aveugles pour ne pas voir et ont endurci leur coeur de peur de croire et d'être sauvés. Au long de toutes ces dernières années, j'ai cherché à les guérir de leur incrédulité, afin qu'ils reçoivent le salut éternel du Père. Je sais que tous ne m'ont pas fait défaut ; certains d'entre vous ont vraiment cru à mon message. Il y a, dans cette salle, plus de vingt hommes qui ont été membres du Sanhédrin ou qui ont occupé de hauts postes dans les conseils de la nation, bien que certains d'entre eux n'osent encore confesser ouvertement la vérité, de crainte d'être expulsés de la synagogue. Quelques-uns parmi vous sont tentés de préférer la gloire des hommes à la gloire de Dieu. Mais je suis obligé de faire preuve de longanimité, car je crains pour la sécurité et la fidélité de certains, même parmi ceux qui m'ont accompagné depuis si longtemps et ont vécu si proches de moi.

174:5.4 « Je perçois que, dans cette salle de banquet, les Juifs et les Gentils se trouvent en nombre à peu près égal. Je m'adresse à vous en tant que premier et dernier groupe de cette nature que je puisse instruire des affaires du royaume avant de retourner auprès de mon Père. »

174:5.5 Ces Grecs avaient fidèlement suivi les enseignements de Jésus au temple. Le lundi soir, ils avaient tenu, chez Nicodème, une conférence qui avait duré jusqu'à l'aube, et trente d'entre eux avaient décidé d'entrer dans le royaume.

174:5.6 Tandis que Jésus se tenait là devant eux, il perçut qu'une dispensation prenait fin et qu'une autre commençait. Tournant son attention vers les Grecs, le Maitre dit :

174:5.7 « Quiconque croit en cet évangile croit non seulement en moi, mais en Celui qui m'a envoyé. Quand vous me regardez, vous ne voyez pas seulement le Fils de l'Homme, mais aussi Celui qui m'a envoyé. Je suis la lumière du monde, et quiconque croira en mon enseignement ne demeurera plus dans les ténèbres. Si vous autres, Gentils, vous voulez bien m'écouter, vous recevrez les paroles de vie et entrerez aussitôt dans la joyeuse liberté de la vérité de la filiation avec Dieu. Si mes compatriotes, les Juifs, décident de me rejeter et de refuser mes enseignements, je ne me poserai pas en juge contre eux, car je ne suis pas venu pour juger ce monde, mais pour lui offrir le salut. Néanmoins, ceux qui me rejettent et refusent de recevoir mon enseignement seront traduits en jugement, en temps utile, par mon Père et par ceux qu'il a désignés pour juger ceux qui rejettent le don de la miséricorde et les vérités du salut. Souvenez-vous tous que je ne parle pas de moi-même, mais que j'ai fidèlement proclamé ce que mon Père m'a commandé de révéler aux enfants des hommes. Et ces paroles que le Père m'a ordonné de proclamer au monde sont des paroles de vérité divine, de miséricorde perpétuelle et de vie éternelle.

174:5.8 « Mais je déclare aussi bien aux Juifs qu'aux Gentils, que l'heure est bientôt venue où le Fils de l'Homme va être glorifié. Vous savez bien qu'un grain de blé reste isolé, à moins qu'il ne tombe en terre et ne meure ; mais, s'il meurt dans une bonne terre, il surgit de nouveau à la vie et donne beaucoup de fruits. Quiconque tient égoïstement à sa vie est en danger de la perdre ; mais quiconque est disposé à sacrifier sa vie pour moi et pour l'évangile jouira d'une existence plus riche sur terre, et au ciel il jouira de la vie éternelle. Si vous voulez sincèrement me suivre, même après que je serai retourné auprès du Père, alors vous deviendrez mes disciples et les fidèles serviteurs de vos semblables.

174:5.9 « Je sais que mon heure approche, et je suis troublé. Je perçois que mon peuple est décidé à repousser le royaume, mais je me réjouis de recevoir les Gentils ici présents, qui recherchent la vérité et s'enquièrent des voies de la lumière. J'ai toutefois le coeur serré en pensant à mon peuple, et mon âme est bouleversée par ce qui va m'arriver incessamment. Que dirai-je tandis que je contemple les jours qui viennent et que je discerne le sort qui m'attend ? Dirai-je : Père, épargne-moi cette heure terrifiante ? Non ! car c'est dans cette intention même que je suis venu dans ce monde et y suis resté jusqu'à cette heure. Je dirai plutôt, en priant pour que vous vous joigniez à moi : Père, glorifie ton nom, et que ta volonté soit faite. »

174:5.10 Lorsque Jésus eut ainsi parlé, l'Ajusteur Personnalisé, qui avait habité en lui avant son baptême, apparut devant lui, et Jésus fit une pause que l'assistance remarqua. L'Ajusteur, qui était maintenant un puissant esprit et qui représentait le Père, dit à Jésus de Nazareth : « J'ai déjà maintes fois glorifié mon nom dans tes effusions, et je le glorifierai encore une fois. »

174:5.11 Les Juifs et les Gentils de l'assistance n'entendirent aucune voix, mais ils ne purent éviter de remarquer que Jésus s'était interrompu dans son discours pendant qu'un message lui parvenait de quelque source suprahumaine. Chacun d'eux dit à son voisin : « Un ange lui a parlé. »

174:5.12 Puis Jésus reprit la parole et dit : « Tout ceci n'est pas arrivé par égard pour moi, mais par égard pour vous. Je sais avec certitude que le Père me recevra et acceptera ma mission en votre faveur, mais il est nécessaire que vous soyez encouragés et préparés à la rude épreuve qui est imminente. Laissez-moi vous assurer que la victoire finira par couronner nos efforts conjugués pour éclairer le monde et libérer l'humanité. L'ancien ordre de choses se présente lui-même au jugement. J'ai abattu le Prince de ce monde, et tous les hommes vont devenir libres par la lumière de l'esprit que je répandrai sur toute chair après mon ascension auprès du Père qui est aux cieux.

174:5.13 « Maintenant, je vous déclare que, si je suis élevé sur terre et dans votre vie, j'attirerai tous les hommes à moi et dans la communauté de mon Père. Vous avez cru que le Libérateur demeurerait perpétuellement sur terre, mais je vous dis que le Fils de l'Homme va être rejeté par les hommes et qu'il retournera auprès du Père. Je ne demeurerai plus bien longtemps avec vous ; la lumière vivante ne restera plus qu'un peu de temps auprès de cette génération enténébrée. Marchez pendant que vous avez cette lumière, afin que les ténèbres et la confusion imminentes ne vous surprennent pas. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va ; mais, si vous choisissez de marcher dans la lumière, vous deviendrez tous, en vérité, des fils de Dieu affranchis. Et, maintenant, accompagnez-moi tous au temple où je vais retourner pour dire mes paroles d'adieu aux chefs des prêtres, aux scribes, aux pharisiens, aux sadducéens, aux hérodiens et aux dirigeants enténébrés d'Israël. »

174:5.14 Après avoir ainsi parlé, Jésus marcha en tête du groupe et reprit le chemin du temple par les rues étroites de Jérusalem. Ses auditeurs venaient d'entendre le Maitre dire que ce serait son discours d'adieu dans le temple, et ils le suivirent silencieusement en méditant profondément.

175. Le Dernier Discours au Temple

175:0.1 CE mardi après-midi, un peu après deux heures, Jésus arriva au temple en compagnie de onze apôtres, de Joseph d'Arimathie, des trente Grecs et de quelques autres disciples, et commença à prononcer son dernier discours dans les cours de l'édifice sacré. Ce discours constituait son ultime appel au peuple juif et l'accusation finale contre les véhéments ennemis qui cherchaient à l'anéantir - scribes, pharisiens, sadducéens et principaux dirigeants d'Israël. Durant la matinée, leurs divers groupes avaient eu l'occasion d'interroger Jésus ; durant cet après-midi, nul ne lui posa de question.

175:0.2 Quand le Maitre commença à parler, la cour du temple était paisible et ordonnée. Les changeurs et les marchands n'avaient pas osé revenir dans le temple depuis que Jésus et la foule excitée les en avaient chassés la veille. Avant de prendre la parole, Jésus regarda avec tendresse son auditoire qui allait bientôt entendre son allocution d'adieux publics exprimant sa miséricorde envers l'humanité, en même temps que sa dernière dénonciation des faux éducateurs et des dirigeants juifs sectaires.

175.1  Le Discours

175:1.1 « J'ai été longtemps avec vous, parcourant le pays en long et en large, et proclamant l'amour de Dieu pour les enfants des hommes. Nombreux sont ceux qui ont vu la lumière et qui sont entrés, par la foi, dans le royaume des cieux. En liaison avec cet enseignement et ces sermons, le Père a accompli bien des oeuvres merveilleuses, allant jusqu'à ressusciter des morts. Beaucoup de malades et d'affligés ont été guéris parce qu'ils croyaient. Mais toutes ces proclamations de la vérité et ces guérisons de maladies n'ont pas ouvert les yeux de ceux qui refusent de voir la lumière, de ceux qui ont résolu de rejeter cet évangile du royaume.

175:1.2 « De toutes les manières compatibles avec l'accomplissemnt de la volonté de mon Père, mes apôtres et moi, nous avons fait l'impossible pour vivre en paix avec nos frères, pour nous conformer aux exigences raisonnables des lois de Moïse et des traditions d'Israël. Nous avons constamment cherché la paix, mais les dirigeants d'Israël n'en veulent pas. En rejetant la vérité de Dieu et la lumière du ciel, ils se rangent du côté de l'erreur et des ténèbres. Il ne peut y avoir de paix entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort, entre la vérité et l'erreur.

175:1.3 « Nombre d'entre vous ont osé croire à mes enseignements et sont déjà entrés dans la joie et la liberté de la conscience de leur filiation avec Dieu. Vous m'êtes témoins que j'ai offert cette filiation avec Dieu à toute la nation juive, même à ceux qui cherchent maintenant à me détruire. Mon Père recevrait encore maintenant ces éducateurs aveuglés et ces chefs hypocrites, si seulement ils voulaient se tourner vers lui et accepter sa miséricorde. Encore maintenant, il n'est pas trop tard pour que ce peuple reçoive la parole du ciel et accueille favorablement le Fils de l'Homme.

175:1.4 « Mon Père a longtemps traité ce peuple avec miséricorde. Génération après génération, nous avons envoyé nos prophètes pour l'enseigner et l'avertir et, génération après génération, ils ont tué ces instructeurs venant du ciel. Et, maintenant, vos grands-prêtres obstinés et vos dirigeants entêtés continuent à faire exactement la même chose. De même qu'Hérode a provoqué la mort de Jean le Baptiste, vous vous préparez maintenant à tuer le Fils de l'Homme.

175:1.5 « Tant qu'il y a une chance pour que les Juifs se tournent vers mon Père et cherchent le salut, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob gardera sa main miséricordieuse tendue vers vous ; mais, une fois que vous aurez rempli votre coupe d'impénitence et une fois que vous aurez définitivement rejeté la miséricorde de mon Père, cette nation sera abandonnée à elle-même et vouée rapidement à une fin peu glorieuse. Ce peuple était appelé à devenir la lumière du monde, à proclamer la gloire spirituelle d'une race connaissant Dieu. Mais vous vous êtes tellement écartés de l'accomplissement de vos divins privilèges que vos chefs vont commettre la suprême folie de tous les âges, en ce sens qu'ils sont sur le point de rejeter définitivement le don de Dieu à tous les hommes et pour tous les âges - la révélation de l'amour du Père qui est aux cieux pour toutes ses créatures terrestres.

175:1.6 « Et, une fois que vous aurez rejeté cette révélation de Dieu aux hommes, le royaume de Dieu sera donné à d'autres peuples, à ceux qui le recevront avec joie et bonheur. Au nom du Père qui m'a envoyé, je vous avertis solennellement que vous êtes sur le point de perdre votre position dans le monde en tant que porte-drapeau de la vérité éternelle et gardiens de la loi divine. Je vous offre maintenant votre dernière chance de vous avancer et de vous repentir, pour signifier votre intention de rechercher Dieu de tout votre coeur et d'entrer, comme des petits enfants et par une foi sincère, dans la sécurité et le salut du royaume des cieux.

175:1.7 « Mon Père a longtemps oeuvré pour votre salut, et je suis descendu pour vivre parmi vous pour vous montrer personnellement la voie. Beaucoup de Juifs, de Samaritains, et même de Gentils, ont cru à l'évangile du royaume ; mais ceux qui auraient dû être les premiers à s'avancer pour accepter la lumière du ciel ont obstinément refusé de croire à la révélation de la vérité de Dieu - Dieu révélé dans l'homme et l'homme élevé à Dieu.

175:1.8 « Cet après-midi, mes apôtres se tiennent devant vous en silence, mais vous entendrez bientôt leurs voix faire résonner l'appel au salut et l'exhortation à s'unir au royaume céleste en tant que fils du Dieu vivant. Et, maintenant, je prends à témoins mes disciples et les croyants à l'évangile du royaume, ainsi que les messagers invisibles à leurs côtés, que j'ai une fois de plus offert, à Israël et à ses chefs, l'affranchissement et le salut. Mais vous constatez tous que la miséricorde du Père est dédaignée et que les messagers de la vérité sont rejetés. Je vous rappelle néanmoins que les scribes et les pharisiens occupent encore le siège de Moïse ; en conséquence, et jusqu'à ce que les Très Hauts qui gouvernent dans les royaumes des hommes aient finalement renversé cette nation et détruit le lieu où sont ses dirigeants, je vous demande de coopérer avec ces anciens d'Israël. Il n'est pas nécessaire que vous participiez à leurs plans pour détruire le Fils de l'Homme, mais, en tout ce qui concerne la paix d'Israël, soumettez-vous à eux. Dans toutes ces questions, faites ce qu'ils vous demandent et observez l'essentiel de la loi, mais n'imitez pas leurs mauvaises actions. Souvenez-vous que le péché de ces dirigeants consiste à dire ce qui est bien et à ne pas le faire. Vous savez bien que ces dirigeants attachent sur vos épaules de lourds fardeaux, pénibles à porter, et qu'ils ne lèvent pas même le petit doigt pour vous en soulager un peu. Ils vous ont opprimés par des cérémonies et rendus esclaves par des traditions.

175:1.9 « En outre, ces dirigeants égocentriques prennent plaisir à faire leurs bonnes oeuvres de manière à être vus par les hommes. Ils agrandissent leurs phylactères et élargissent la bordure de leurs vêtements officiels. Ils recherchent les places d'honneur aux festins et exigent les sièges d'honneur dans les synagogues. Ils convoitent des salutations élogieuses sur la place publique et désirent que tous les hommes les appellent rabbi. Et, pendant qu'ils cherchent à être ainsi honorés par les hommes, ils s'emparent à la dérobée des maisons des veuves et tirent profit des offices du temple sacré. Ces hypocrites font le simulacre de prier longtemps en public et de donner des aumônes pour attirer l'attention de leurs concitoyens.

175:1.10 « Il faut honorer vos chefs et révérer vos éducateurs, mais vous ne devriez donner à aucun homme le nom de Père au sens spirituel, car un seul est votre Père et c'est Dieu. Ne cherchez pas non plus à régenter vos frères dans le royaume. Souvenez-vous de ce que je vous ai enseigné : celui qui veut être le plus grand parmi vous doit se faire le serviteur de tous. Si vous prétendez vous élever devant Dieu, vous serez certainement abaissés, mais celui qui s'humilie sincèrement sera sûrement élevé. Dans votre vie quotidienne, ne cherchez pas votre propre glorification, mais la gloire de Dieu. Subordonnez intelligemment votre volonté à celle du Père qui est aux cieux.

175:1.11 « Ne vous méprenez pas sur mes paroles. Je n'ai pas de rancune contre les chefs des prêtres et les dirigeants qui, en ce moment même, cherchent à me détruire ; je n'en veux pas aux scribes et aux pharisiens qui rejettent mes enseignements. Je sais que beaucoup d'entre vous croient en secret, et confesseront ouvertement leur allégeance au royaume quand mon heure sera venue. Mais comment vos rabbins se justifieront-ils, puisqu'ils prétendent parler avec Dieu, et qu'ensuite ils osent rejeter et tuer celui qui vient révéler le Père aux mondes ?

175:1.12 « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Vous voudriez fermer les portes du royaume des cieux aux hommes sincères qui se trouvent dans l'ignorance au sens de votre enseignement. Vous refusez d'entrer dans le royaume et, en même temps, vous faites tout votre possible pour empêcher les autres d'y entrer. Vous vous tenez le dos tourné aux portes du salut, et luttez contre tous ceux qui voudraient les franchir.

175:1.13 « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites que vous êtes ! Car, en vérité, vous parcourez la terre et la mer pour faire un prosélyte et, quand vous avez réussi, vous n'êtes pas satisfaits avant de l'avoir rendu deux fois pire qu'il n'était comme enfant de païens.

175:1.14 « Malheur à vous, chefs des prêtres et dirigeants, qui vous emparez des biens des pauvres et qui exigez de lourds impôts de ceux qui voudraient servir Dieu comme ils croient que Moïse l'a ordonné ! Vous, qui refusez de montrer de la miséricorde, comment pouvez-vous en espérer dans les mondes à venir ?

175:1.15 « Malheur à vous, faux éducateurs et guides aveugles ! Que peut-on attendre d'une nation quand les aveugles conduisent les aveugles ? Ils tomberont tous dans le puits de la destruction.

175:1.16 « Malheur à vous, qui dissimulez quand vous prêtez serment ! Vous êtes des tricheurs, car vous enseignez qu'un homme peut jurer par le temple et violer son serment, mais que quiconque a juré par l'or du temple doit rester lié à son serment. Vous êtes tous stupides et aveugles ; vous n'êtes même pas logiques dans votre malhonnêteté, car lequel est le plus grand, l'or, ou le temple qui est censé avoir sanctifié l'or ? Vous enseignez aussi que, si un homme jure par l'autel, cela ne signifie rien, mais que, s'il jure par le don qui est sur l'autel, alors il sera tenu pour débiteur. Là encore, vous êtes aveugles à la vérité, car lequel est le plus grand, le don, ou l'autel qui a sanctifié le don ? Comment pouvez-vous justifier une telle hypocrisie et malhonnêteté devant le Dieu des cieux ?

175:1.17 « Malheur à vous, scribes, pharisiens et tous autres hypocrites, qui veillez à donner la dime de la menthe, de l'anis et du cumin, et qui négligez en même temps les affaires plus importantes de la loi - la foi, la miséricorde et le jugement ! Vous avez raison de faire les premières choses, mais vous n'auriez pas dû laisser les secondes inaccomplies. Vous êtes vraiment des guides aveugles et des éducateurs stupides. Vous filtrez les moucherons et vous avalez les chameaux.

175:1.18 « Malheur à vous, scribes, pharisiens et hypocrites, car vous nettoyez scrupuleusement l'extérieur de la coupe et du plat, mais vous laissez à l'intérieur les immondices de l'extorsion, des excès et des tromperies. Vous êtes spirituellement aveugles. Ne reconnaissez-vous pas combien il serait meilleur de nettoyer d'abord l'intérieur de la coupe, et, alors, ce qui en déborde nettoierait automatiquement l'extérieur ? Méchants réprouvés, vous accomplissez les actes extérieurs de votre religion pour vous conformer littéralement à votre interprétation de la loi de Moïse, tandis que vos âmes croupissent dans l'iniquité et sont pleines d'intentions meurtrières.

175:1.19 « Malheur à vous tous, qui rejetez la vérité et repoussez la miséricorde ! Beaucoup d'entre vous ressemblent à des sépulcres blanchis dont l'extérieur apparaît magnifique, mais dont l'intérieur est plein d'ossements et de toutes sortes d'impuretés. C'est ainsi que vous, qui rejetez sciemment les conseils de Dieu, vous apparaissez extérieurement aux hommes comme saints et justes, mais, à l'intérieur, votre coeur est rempli d'iniquité et d'hypocrisie.

175:1.20 « Malheur à vous, faux guides d'une nation ! Vous avez érigé là-bas un monument aux prophètes martyrisés de jadis, tandis que vous complotez de détruire Celui dont ils parlaient. Vous ornez les tombeaux des justes, et vous vous flattez que, si vous aviez vécu au temps de vos pères, vous n'auriez pas tué les prophètes ; et ensuite, tout en professant cette idée pharisaïque, vous vous préparez à assassiner celui dont les prophètes ont parlé, le Fils de l'Homme. Dans la mesure où vous faites ces choses, vous témoignez contre vous-mêmes que vous êtes les fils pervers de ceux qui ont tué les prophètes. Continuez donc, et remplissez jusqu'au bord la coupe de votre condamnation.

175:1.21 « Malheur à vous, enfants du mal ! C'est à juste titre que Jean vous a appelés race de vipères, et je vous demande comment vous pourrez échapper au jugement que Jean a prononcé contre vous ?

175:1.22 « Mais, maintenant encore, au nom de mon Père, je vous offre miséricorde et pardon. Maintenant encore, je vous tends la main amicale de la communion éternelle. Mon Père vous a envoyé les sages et les prophètes ; vous avez persécuté les uns et tué les autres. Alors, Jean est apparu, proclamant la venue du Fils de l'Homme, et vous l'avez tué après qu'un grand nombre ont cru à son enseignement. Maintenant, vous vous préparez à verser encore du sang innocent. Ne comprenez-vous pas qu'un terrible jour de règlement de comptes viendra quand le Juge de toute la terre exigera de ce peuple des explications sur la manière dont ils ont rejeté, persécuté et tué ces messagers du ciel ? Ne comprenez-vous pas qu'il vous faudra rendre compte de tout ce sang des justes, depuis le premier prophète tué jusqu'à l'époque de Zacharie, qui fut assassiné entre le sanctuaire et l'autel ? Si vous persévérez dans vos mauvaises voies, cette reddition de comptes pourra même être exigée de la présente génération.

175:1.23 « O Jérusalem et enfants d'Abraham, vous qui avez lapidé les prophètes et tué les instructeurs qui vous furent envoyés, maintenant encore je voudrais rassembler vos enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, mais vous ne le voulez pas !

175:1.24 « Et, maintenant, je prends donc congé de vous. Vous avez entendu mon message et pris votre décision. Ceux qui ont cru à mon évangile sont déjà en sureté dans le royaume de Dieu. À vous, qui avez choisi de rejeter le don de Dieu, je dis que vous ne me verrez plus enseigner dans le temple. Mon oeuvre en votre faveur est achevée. Voici, je sors maintenant avec mes enfants, et votre maison vous est laissée dans la désolation. »

175:1.25 Et le Maitre fit alors signe à ses disciples de quitter le temple.

175.2  Le Statut Individuel des Juifs

175:2.1 Le fait que les dirigeants spirituels et les éducateurs religieux de la nation juive rejetèrent jadis les enseignements de Jésus, et conspirèrent pour provoquer sa mort cruelle, n'affecte en rien le statut individuel d'un Juif dans sa position vis-à-vis de Dieu. Ces évènements ne devraient pas inciter les disciples avoués du Christ à entretenir des préjugés contre les Juifs en tant que compagnons mortels. Les Juifs, en tant que nation et que groupe sociopolitique, ont payé à plein le prix terrible d'avoir rejeté le Prince de la Paix. Il y a longtemps qu'ils ont cessé d'être les porte-flambeau spirituels de la vérité divine auprès des races de l'humanité. Mais cela ne constitue pas une raison valable pour faire subir, aux descendants individuels de ces Juifs de jadis, les persécutions que leur ont infligées certains prétendus disciples intolérants, indignes et sectaires de Jésus de Nazareth, qui était lui-même un Juif de naissance.

175:2.2 Cette haine et ces persécutions irréfléchies et contraires au modèle christique contre les Juifs contemporains se sont maintes fois terminées par les souffrances et la mort d'un Juif innocent et inoffensif dont les ancêtres, à l'époque de Jésus, avaient sincèrement accepté l'évangile puis moururent stoïquement pour la vérité à laquelle ils croyaient de tout leur coeur. Un frisson d'horreur passe sur les êtres célestes quand ils observent les prétendus disciples de Jésus prendre plaisir à persécuter, harceler et même assassiner les descendants actuels de Pierre, de Philippe, de Matthieu et d'autres Juifs palestiniens qui donnèrent si glorieusement leur vie en tant que premiers martyrs de l'évangile du royaume des cieux.

175:2.3 Combien il est cruel et stupide de faire souffrir des enfants innocents pour les péchés de leurs ancêtres, méfaits qu'ils ignorent entièrement et dont ils ne peuvent aucunement être responsables ! Et l'on accomplit ces mauvaises actions au nom de celui qui enseigna à ses disciples d'aimer même leurs ennemis ! Dans le présent récit de la vie de Jésus, il était nécessaire de décrire la manière dont certains de ses compatriotes juifs le rejetèrent et conspirèrent pour provoquer sa mort infamante. Mais nous avertissons tous les lecteurs de la présente narration que la présentation de ce récit historique ne justifie en aucune manière la haine injuste et l'attitude mentale inéquitable que tant de chrétiens avoués ont maintenues au cours des siècles contre des individus Juifs. Il faut que les croyants au royaume, ceux qui suivent les enseignements de Jésus, cessent de maltraiter le Juif en tant qu'individu, en le considérant comme coupable du rejet et de la crucifixion de Jésus. Le Père et son Fils Créateur n'ont jamais cessé d'aimer les Juifs. Dieu ne fait pas acception de personnes, et le salut est destiné aux Juifs aussi bien qu'aux Gentils.

175.3  La Réunion Décisive du Sanhédrin

175:3.1 La réunion décisive du Sanhédrin fut convoquée pour ce mardi soir à huit heures. En maintes occasions antérieures, cette cour suprême de la nation juive avait officieusement condamné Jésus à mort. Ce corps auguste de gouvernants avait maintes fois résolu de mettre fin à l'oeuvre du Maitre, mais jamais auparavant il n'avait décidé de l'arrêter et de le faire mourir à n'importe quel prix. C'est un peu avant minuit, ce mardi 4 avril de l'an 30, que le Sanhédrin, tel qu'il était alors constitué, vota officiellement et à l'unanimité d'infliger la peine de mort aussi bien à Jésus qu'à Lazare. Telle fut la réponse à l'ultime appel du Maitre aux dirigeants juifs, appel qu'il avait lancé dans le temple seulement quelques heures auparavant. Cette réponse représentait leur réaction d'amère rancune envers Jésus pour sa dernière et vigoureuse accusation contre les chefs religieux et contre les pharisiens et sadducéens impénitents. La condamnation à mort du Fils de Dieu (même avant son jugement) fut la réplique du Sanhédrin à l'ultime offre de miséricorde céleste, offre étendue à la nation en tant que telle.

175:3.2 À partir de ce moment-là, les Juifs furent laissés à eux-mêmes durant la courte période de vie nationale qui leur restait à vivre, et qu'ils terminèrent en conformité complète avec leur statut purement humain parmi les nations d'Urantia. Israël avait répudié le Fils du Dieu qui avait fait une alliance avec Abraham. Le plan destiné à faire des enfants d'Abraham les porte-flambeau de la vérité dans le monde avait été ruiné. L'alliance divine avait été abrogée, et la fin de la nation hébraïque approchait rapidement.

175:3.3 Les agents du Sanhédrin reçurent mandat d'arrêter Jésus le lendemain matin de bonne heure, mais avec ordre de ne pas s'emparer de lui en public. Ils devaient s'arranger pour l'arrêter en secret, de préférence à l'improviste et de nuit. Comprenant qu'il pouvait ne pas revenir enseigner au temple ce jour-là (mercredi), les dirigeants ordonnèrent aux agents du Sanhédrin « d'amener Jésus devant la haute cour juive, jeudi, un peu avant minuit » .

175.4  La Situation à Jérusalem

175:4.1 À la fin du dernier discours de Jésus, les apôtres furent laissés une fois de plus dans le désarroi et la consternation. Judas était revenu au temple avant que le Maitre ne commençât son terrible réquisitoire contre les dirigeants juifs, de sorte que les douze apôtres entendirent tous la seconde moitié du dernier discours de Jésus au temple. Il est malheureux que Judas Iscariot n'ait pu entendre la première partie empreinte de miséricorde de ce discours d'adieu. Il n'entendit pas cette dernière offre de miséricorde aux dirigeants juifs parce qu'il était encore en conférence avec un groupe de parents et d'amis sadducéens avec lequel il avait déjeuné et avec lequel il examinait la manière la plus convenable de se dissocier de Jésus et de ses collègues apôtres. Ce fut en écoutant l'accusation finale des chefs et des dirigeants juifs par le Maitre que Judas prit sa décision pleine et entière d'abandonner le mouvement évangélique et de se laver les mains de toute l'entreprise. Néanmoins, il quitta le temple en compagnie des douze et se rendit avec eux au mont Olivet, où, avec ses compagnons apôtres, il écouta le discours fatidique sur la destruction de Jérusalem et la fin de la nation juive. Durant la nuit du mardi, Judas resta avec eux au nouveau camp proche de Gethsémani.

175:4.2 La multitude qui entendit Jésus lancer son appel miséricordieux aux dirigeants juifs puis passer soudain à des reproches cinglants, frisant une accusation impitoyable, fut abasourdie et déconcertée. Ce soir-là, tandis que le Sanhédrin prononçait la peine de mort contre Jésus et que le Maitre, assis avec ses apôtres et certains disciples sur le mont des Oliviers, prédisait la mort de la nation juive, tout Jérusalem s'était lancé dans la discussion sérieuse et discrète d'une seule et unique question : « Que vont-ils faire de Jésus ? »

175:4.3 Chez Nicodème, plus de trente notables juifs qui croyaient secrètement au royaume se réunirent et discutèrent de la ligne de conduite à suivre en cas de rupture ouverte avec le Sanhédrin. Tous les assistants furent d'accord pour reconnaître publiquement leur allégeance au Maitre dès qu'ils recevraient la nouvelle de son arrestation. Et ce fut exactement ce qu'ils firent.

175:4.4 Les sadducéens, qui contrôlaient et dominaient maintenant le Sanhédrin, étaient désireux de se débarrasser de Jésus pour les raisons suivantes :

175:4.5 1. Ils craignaient que la faveur populaire croissante accordée par la multitude à Jésus ne mette en danger l'existence de la nation juive par un conflit possible avec les autorités romaines.

175:4.6 2. Le zèle de Jésus pour la réforme du temple réduisait directement leurs revenus ; l'épuration du temple affectait leur bourse.

175:4.7 3. Ils se sentaient responsables de la préservation de l'ordre et craignaient les conséquences d'une ultérieure expansion de la nouvelle et étrange doctrine de Jésus sur la fraternité des hommes.

175:4.8 Les pharisiens avaient des motifs différents pour désirer que Jésus soit mis à mort. Ils le craignaient pour les raisons suivantes :

175:4.9 1. Il s'était dressé dans une opposition efficace à leur emprise traditionnelle sur le peuple. Les pharisiens étaient ultraconservateurs, et ils éprouvaient un violent ressentiment contre ces attaques, supposées fondamentales, contre leur prestige d'éducateurs religieux acquis de longue date.

175:4.10 2. Ils soutenaient que Jésus violait la Loi, qu'il avait montré un mépris total pour le sabbat et pour de nombreuses autres exigences cérémonielles et légales.

175:4.11 3. Ils l'accusaient de blasphème parce qu'il faisait allusion à Dieu comme étant son Père.

175:4.12 4. Et, maintenant, ils étaient foncièrement irrités contre lui à cause de la dernière partie du sermon d'adieu qu'il avait prononcé ce matin-là dans le temple, et où il les accusait violemment.

175:4.13 Le Sanhédrin leva la séance ce mardi-là vers minuit, après avoir officiellement décrété la mort de Jésus, donné des ordres pour son arrestation, et convenu de se réunir le lendemain matin, à dix heures, chez le grand-prêtre Caïphe pour formuler les accusations qui permettraient d'inculper Jésus.

175:4.14 Un petit groupe de sadducéens avait été jusqu'à proposer de se débarrasser de Jésus en l'assassinant, mais les pharisiens désapprouvèrent formellement ce procédé.

175:4.15 Telle était la situation à Jérusalem et parmi les hommes lors de ce jour mouvementé, tandis que planait, au-dessus de cette mémorable scène terrestre, une vaste assemblée d'êtres célestes désireuse de faire quelque chose pour aider son souverain bien-aimé, mais impuissante à agir, parce qu'elle en était effectivement empêchée par les supérieurs qui la commandaient.

176. Le Mardi Soir sur le Mont Olivet

176:0.1 CE mardi après-midi, tandis que Jésus et les apôtres sortaient du temple pour aller au camp de Gethsémani, Matthieu attira l'attention sur la structure du temple en disant : « Maitre , observe la qualité de ces bâtiments. Regarde leurs pierres massives et leur magnifique ornementation. Est-il possible qu'un jour ces édifices soient détruits ? » . Alors qu'ils poursuivaient leur chemin vers Olivet, Jésus dit : « Vous voyez ces pierres et ce temple massif. En vérité, en vérité, je vous dis que les jours viennent bientôt où il n'en sera pas laissé pierre sur pierre. Elles seront toutes jetées bas. » Ces remarques décrivant la destruction du temple sacré éveillèrent la curiosité des apôtres qui marchaient derrière le Maitre. À part la fin du monde, ils ne pouvaient concevoir aucun évènement qui occasionnerait la destruction du temple.

176:0.2 Pour éviter les foules qui longeaient la vallée du Cédron vers Gethsémani, Jésus et ses associés avaient l'intention de remonter sur une petite distance le versant occidental du mont des Oliviers, puis de suivre une piste conduisant à leur camp privé situé près de Gethsémani, un peu au-dessus des terrains publics de campement. En bifurquant pour quitter la route allant à Béthanie, ils contemplèrent le temple, glorifié par les rayons du soleil couchant. Au cours de leur halte sur la colline, ils virent s'allumer les lumières de la ville et contemplèrent la beauté du temple illuminé. Jésus et les douze s'assirent là, sous la douce lumière de la pleine lune. Le Maitre s'entretint avec eux, et Nathanael posa bientôt la question suivante : « Maitre, dis-nous comment nous saurons que ces évènements sont sur le point d'arriver ? »

176.1  La Destruction de Jérusalem

176:1.1 En réponse à la question de Nathanael, Jésus dit : « Oui, je vais vous parler de l'époque où ce peuple aura rempli la coupe de son iniquité, et où la justice s'abattra rapidement sur cette ville de nos ancêtres. Je suis sur le point de vous quitter ; je vais auprès du Père. Après mon départ, prenez garde que personne ne vous trompe, car plusieurs se présenteront comme libérateurs et induiront beaucoup de gens en erreur. Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés, car toutes ces choses arriveront, mais la fin de Jérusalem ne sera pas encore imminente. Ne soyez pas angoissés par des famines ou des tremblements de terre, ni préoccupés quand vous serez livrés aux autorités civiles et persécutés à cause de l'évangile. Vous serez expulsés de la synagogue et mis en prison à cause de moi, et certains d'entre vous seront tués. Quand vous serez traduits devant des gouverneurs et des chefs, ce sera pour donner le témoignage de votre foi et pour montrer votre fermeté dans l'évangile du royaume. Quand vous comparaîtrez devant des juges, ne vous inquiétez pas d'avance de ce qu'il faut dire, car l'esprit vous enseignera à l'instant même la réponse à faire à vos adversaires. En ces jours de douleur, les personnes de votre propre famille, sous le commandement de ceux qui ont rejeté le Fils de l'Homme, vous livreront à la prison et à la mort. Pendant un temps, il se peut que vous soyez haïs de toute l'humanité à cause de moi, mais, même au cours de ces persécutions, je ne vous abandonnerai pas ; mon esprit ne vous désertera pas. Soyez patients. Ne mettez pas en doute que l'évangile du royaume triomphera de tous ses ennemis et sera finalement proclamé à toutes les nations. »

176:1.2 Jésus s'interrompit et abaissa son regard sur la ville. Le Maitre se rendait compte que le rejet du concept spirituel du Messie, la résolution de s'attacher obstinément et aveuglément à la mission matérielle du libérateur attendu, amènerait bientôt un conflit direct entre les Juifs et les puissantes armées romaines, et que cette lutte se terminerait inévitablement par la destruction finale et complète de la nation juive. Quand le peuple de Jésus rejeta son effusion spirituelle et refusa de recevoir la lumière céleste, qui brillait si miséricordieusement sur lui, il scella sa ruine en tant que peuple indépendant chargé d'une mission spirituelle spéciale sur terre. Les dirigeants juifs eux-mêmes reconnurent ultérieurement que cette idée laïque du Messie était directement responsable de l'agitation qui provoqua finalement leur anéantissement.

176:1.3 Puisque Jérusalem devait être le berceau du mouvement évangélique primitif, Jésus ne voulait pas que ses instructeurs et prédicateurs périssent dans la terrible ruine du peuple juif liée à la destruction de Jérusalem, et c'est pourquoi il donna ces instructions à ses partisans. Jésus craignait beaucoup que certains de ses disciples ne soient impliqués dans les révoltes prochaines et ne périssent ainsi dans la chute de Jérusalem.

176:1.4 André demanda alors : « Maitre, si la ville sainte et le temple doivent être détruits, et si tu n'es pas là pour nous diriger, quand devrons-nous abandonner Jérusalem ? » Jésus dit : « Vous pouvez rester dans la ville après mon départ, et même durant ces temps de douleurs et d'amères persécutions, mais, quand vous verrez finalement Jérusalem encerclée par les armées romaines après la révolte des faux prophètes, vous saurez que sa désolation est proche ; alors, il vous faudra fuir dans les montagnes. Que nul habitant de la ville et des faubourgs ne s'attarde pour sauver quoi que ce soit. Ne laissez pas non plus ceux qui habitent à l'extérieur avoir l'audace de pénétrer dans la ville. Il y aura de grandes tribulations, car ce seront les jours de vengeance des Gentils. Après que vous aurez abandonné la ville, cette population désobéissante sera passée au fil de l'épée ou envoyée captive chez toutes les nations, et ainsi Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils. Entretemps, je vous en avertis, ne vous laissez pas tromper. Si un homme vient vers vous en disant : `Regarde, le Libérateur, il est ici', ou `Regarde, il est là', ne le croyez pas, car de nombreux faux éducateurs surgiront et en égareront beaucoup. Mais vous ne devriez pas vous laisser tromper, car je vous ai annoncé tout cela d'avance. »

176:1.5 Les apôtres restèrent très longtemps assis en silence, sous la lumière de la lune, tandis que ces étonnantes prédictions du Maitre s'incrustaient dans leur mental désemparé. Ce fut en conformité avec ce même avertissement que la quasi-totalité du groupe des croyants et des disciples s'enfuit de Jérusalem dès la première apparition des troupes romaines et trouva un abri sûr à Pella en direction du nord.

176:1.6 Même après cet avertissement explicite, beaucoup de disciples de Jésus interprétèrent ces prédictions comme se rapportant aux changements qui se produiraient évidemment dans Jérusalem quand la réapparition du Messie aurait pour résultat d'instaurer la Nouvelle Jérusalem et d'agrandir la ville pour qu'elle devienne la capitale du monde. Dans leur mental, ces Juifs étaient déterminés à lier la destruction du temple avec la « fin du monde » . Ils croyaient que la Nouvelle Jérusalem remplirait toute la Palestine ; que la fin du monde serait immédiatement suivie de l'apparition « des nouveaux cieux et de la nouvelle terre » . Il n'est donc pas surprenant que Pierre ait dit : « Maitre, nous savons que toutes choses disparaîtront lors de l'apparition des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, mais comment connaîtrons-nous le moment où tu reviendras pour accomplir tout cela ? »

176:1.7 Quand Jésus entendit cette question, il resta un moment pensif, puis il dit : « Vous vous trompez constamment parce que vous essayez toujours de rattacher le nouvel enseignement à l'ancien. Vous êtes décidés à comprendre de travers tout ce que je vous apprends. Vous persistez à interpréter l'évangile conformément à vos croyances établies. Néanmoins, je vais essayer de vous éclairer. »

176.2  La Seconde Venue du Maitre

176:2.1 En plusieurs occasions, Jésus avait formulé des affirmations qui amenèrent ses auditeurs à conclure qu'il avait l'intention de quitter prochainement ce monde, mais qu'il reviendrait très certainement pour parachever l'oeuvre du royaume céleste. À mesure que ses disciples étaient plus convaincus que Jésus allait les quitter, et après son départ de ce monde, il était bien naturel que tous les croyants se cramponnent à ces promesses de retour. La doctrine de la seconde venue du Christ fut donc incorporée de bonne heure dans les enseignements chrétiens ; presque toutes les générations ultérieures de disciples ont pieusement cru à cette vérité et espéré avec confiance que Jésus reviendrait un jour.

176:2.2 Puisque ces premiers disciples et apôtres devaient être séparés de leur Maitre et Éducateur, ils s'attachèrent d'autant plus à cette promesse de retour et ne tardèrent pas à associer la destruction prédite de Jérusalem à cette seconde venue promise. Ils persistèrent à interpréter ainsi ses paroles, bien que le Maitre, durant toute cette soirée d'instruction sur le mont Olivet, se fût spécialement appliqué à prévenir précisément cette faute.

176:2.3 Continuant à répondre à la question de Pierre, Jésus dit : « Pourquoi supposez-vous encore que le Fils de l'Homme va siéger sur le trône de David, et espérez-vous que les rêves matériels des Juifs s'accompliront ? Ne vous ai-je pas dit, au cours de toutes ces années, que mon royaume n'est pas de ce monde ? L'état de choses que vous considérez maintenant avec mépris arrive à sa fin, mais cette fin constituera un nouveau commencement, à partir duquel l'évangile du royaume se répandra dans le monde entier et le salut sera étendu à tous les peuples. Quand le royaume sera parvenu à sa pleine maturité, soyez assurés que le Père qui est aux cieux ne manquera pas de vous apporter une révélation élargie de la vérité et une démonstration accrue de la droiture. Il a déjà effusé sur ce monde celui qui est devenu le prince des ténèbres, puis Adam, suivi de Melchizédek et, présentement, le Fils de l'Homme. C'est ainsi que mon Père continuera à manifester sa miséricorde et à exprimer son amour, même à ce monde obscur et mauvais. Après que le Père m'aura investi de tout pouvoir et de toute autorité, moi aussi, je continuerai à suivre votre sort et à vous guider dans les affaires du royaume par la présence de mon esprit qui sera bientôt répandu sur toute chair. Non seulement je serai ainsi présent auprès de vous en esprit, mais aussi je promets que je reviendrai un jour sur ce monde, où j'ai vécu ma vie dans la chair et accompli la double expérience simultanée de révéler Dieu aux hommes et de conduire les hommes à Dieu. Il faut que je vous quitte très prochainement et que je reprenne le travail que le Père m'a confié, mais ayez bon courage, car je reviendrai un jour. Entretemps, mon Esprit de la Vérité d'un univers vous consolera et vous guidera.

176:2.4 Vous me voyez maintenant faible et dans la chair, mais, quand je reviendrai, ce sera avec puissance et en esprit. Les yeux de la chair voient le Fils de l'Homme dans la chair, mais seul l'oeil de l'esprit verra le Fils de l'Homme glorifié par le Père et apparaissant sur terre en son propre nom.

176:2.5 Toutefois, l'époque de la réapparition du Fils de l'Homme n'est connue que dans les conseils du Paradis. Les anges du ciel eux-mêmes ne savent pas quand elle aura lieu. Cependant, vous devriez comprendre ceci : quand l'évangile du royaume aura été proclamé dans le monde entier pour le salut de tous les peuples, et quand l'âge aura atteint sa plénitude, le Père vous enverra une autre effusion dispensationnelle, ou bien, alors, le Fils de l'Homme reviendra pour juger l'âge.

176:2.6 En ce qui concerne le sort douloureux de Jérusalem, dont je vous ai parlé, cette génération ne passera pas sans que mes paroles n'aient été accomplies. Mais, en ce qui concerne l'époque du retour du Fils de l'homme, nul dans le ciel ou sur terre ne peut prétendre en parler. Par contre, vous devriez faire preuve de sagesse concernant la maturation d'un âge et discerner avec promptitude les signes des temps. Quand le figuier montre ses branches tendres et fait sortir ses feuilles, vous savez que l'été est proche. De même, quand le monde aura passé par le long hiver de la mentalité matérialiste et que vous discernerez la venue du printemps spirituel d'une nouvelle dispensation, vous devriez savoir que l'été d'une nouvelle visitation approche.

176:2.7 « Mais que signifie cet enseignement sur la venue des Fils de Dieu ? Chacun de vous sera appelé un jour à abandonner les luttes de la vie et à passer par les portes de la mort ; ne percevez-vous pas que vous vous trouverez, alors, en présence immédiate du jugement, face à face avec les faits d'une nouvelle dispensation de service dans le plan éternel du Père infini ? Ce à quoi le monde entier doit faire face, littéralement, comme un fait appartenant à la fin d'un âge, vous, en tant qu'individus, devrez très certainement y faire face aussi en tant qu'expérience personnelle quand vous arriverez à la fin de votre vie terrestre et que le passage dans l'au-delà vous confrontera avec les conditions et les exigences inhérentes à la révélation suivante de la progression éternelle du royaume du Père. »

176:2.8 De tous les discours que le Maitre adressa à ses apôtres, aucun n'engendra chez eux une confusion mentale plus grande que celui-là, prononcé ce mardi soir au mont des Oliviers, sur le double sujet de la destruction de Jérusalem et de la seconde venue de Jésus. En conséquence, les narrations écrites ultérieurement et basées sur le souvenir de ce que le Maitre avait dit en cette occasion extraordinaire ne concordèrent pas beaucoup, c'est pourquoi, quand les récits laissèrent en blanc une grande partie de ce qui fut dit ce mardi soir, cela fit naître de nombreuses traditions. Tout au début du second siècle, une apocalypse juive au sujet du Messie fut écrite par un certain Selta, attaché à la cour de l'empereur Caligula. Elle fut intégralement insérée dans l'Évangile selon Matthieu et ultérieurement ajoutée (en partie) aux récits de Marc et de Luc. C'est dans ce qu'écrivit Selta qu'apparut la parabole des dix vierges. Aucune partie des écrits évangéliques ne souffrit d'une fausse interprétation plus trompeuse que l'enseignement donné ce soir-là. Mais l'apôtre Jean ne se laissa jamais embrouiller sur ce point.

176:2.9 En reprenant leur marche vers le camp, les treize hommes étaient muets et soumis à une grande tension émotionnelle. Judas s'était définitivement résolu à abandonner ses associés. Il était tard quand David Zébédée, Jean Marc et un certain nombre des principaux disciples accueillirent Jésus et les douze dans le nouveau camp, mais les apôtres n'avaient pas envie de dormir ; ils voulaient en savoir davantage sur la destruction de Jérusalem, le départ du Maitre et la fin du monde.

176.3  Suite de la Discussion au Camp

176:3.1 Tandis qu'ils se réunissaient au nombre d'une vingtaine autour du feu de camp, Thomas demanda : « Puisque tu dois revenir pour achever l'oeuvre du royaume, quel devra être notre attitude pendant que tu seras absent pour t'occuper des affaires du Père ? » Jésus les regarda à la lumière du feu et répondit :

176:3.2 « Même toi, Thomas, tu ne réussis pas à comprendre ce que j'ai dit. Ne vous ai-je pas constamment enseigné que votre lien avec le royaume est spirituel et individuel, qu'il est entièrement une affaire d'expérience personnelle dans l'esprit, en réalisant, par la foi, que vous êtes fils de Dieu ? Que dirai-je de plus ? La chute des nations, l'effondrement des empires, la destruction des Juifs incroyants, la fin d'un âge, ou même la fin du monde, en quoi ces choses concernent-elles celui qui croit à l'évangile et qui a enfoui sa vie dans la sécurité du royaume éternel ? Vous, qui connaissez Dieu et qui croyez à l'évangile, vous avez déjà reçu les assurances de la vie éternelle. Puisque votre vie a été vécue dans l'esprit et pour le Père, rien ne peut vous inquiéter sérieusement. Les bâtisseurs du royaume, les citoyens accrédités des mondes célestes, ne doivent pas être dérangés par des bouleversements temporels ou perturbés par des cataclysmes terrestres. À vous, qui croyez à cet évangile du royaume, en quoi vous importe-t-il que des nations soient renversées, que l'âge prenne fin, ou que toutes les choses visibles s'effondrent, puisque vous savez que votre vie est le don du Fils, et qu'elle est éternellement en sécurité chez le Père ? Puisque vous avez vécu la vie temporelle par la foi et produit les fruits de l'esprit sous forme de droiture en servant vos semblables avec amour, vous pouvez, avec cette même foi en la survie qui vous a fait traverser sur terre votre première aventure de filiation avec Dieu, envisager avec plaisir et confiance le prochain pas dans la carrière éternelle.

176:3.3 Chaque génération de croyants devrait poursuivre son travail en prenant en considération le retour possible du Fils de l'Homme, exactement comme chaque croyant poursuit individuellement le travail de sa vie en prenant en considération l'inévitable mort naturelle toujours imminente. Lorsque, par la foi, vous vous êtes établis comme fils de Dieu, rien d'autre n'a d'importance pour la sécurité de la survie. Mais ne vous y trompez pas ! Cette foi, qui assure la survie est une foi vivante manifestant de plus en plus les fruits de cet esprit divin qui l'a inspirée tout d'abord au coeur humain. Le fait que vous ayez autrefois accepté la filiation dans le royaume céleste ne vous sauvera pas si vous rejetez sciemment et obstinément les vérités concernant la fécondité spirituelle progressive des fils de Dieu incarnés. Vous, qui m'avez accompagné dans les affaires terrestres du Père, vous pouvez encore maintenant déserter le royaume si vous constatez que vous n'aimez pas la voie du service du Père pour l'humanité.

176:3.4 En tant qu'individus et que génération de croyants, laissez-moi vous conter une parabole : Avant de partir pour un long voyage dans un pays étranger, un homme important convoqua ses serviteurs de confiance et remit tous ses biens entre leurs mains. À l'un il donna cinq talents, à un autre deux, à un autre encore un seul talent et ainsi de suite pour tout le groupe de serviteurs estimés. Il confia ses biens aux intéressés selon leurs aptitudes variées, puis il partit pour son voyage. Quand ce seigneur s'en fut allé, ses serviteurs se mirent au travail pour tirer profit des richesses à eux confiées. Celui qui avait reçu cinq talents commença immédiatement à s'en servir pour commercer, et il eut bientôt fait un bénéfice de cinq autres talents. De même, celui qui avait reçu deux talents en eut bientôt gagné deux de plus. Et, ainsi, tous ces serviteurs firent des bénéfices pour leur Maitre, excepté celui qui n'avait reçu qu'un seul talent. Celui-là partit de son côté et creusa dans la terre un trou où il cacha l'argent de son seigneur. Bientôt, le Maitre revint à l'improviste et convoqua tous ses serviteurs pour régler les comptes, et, lorsqu'ils furent tous en sa présence, celui qui avait reçu les cinq talents s'avança avec l'argent qui lui avait été confié et apporta cinq talents supplémentaires en disant : `Seigneur, tu m'as donné cinq talents à investir, et je suis heureux de t'offrir cinq autres talents que j'ai gagnés.' Alors, son Maitre lui dit : `Bravo, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle dans un domaine restreint, je vais maintenant t'établir régisseur sur beaucoup d'autres. Partage dorénavant la joie de ton Maitre.' Ensuite, celui qui avait reçu les deux talents s'avança en disant : `Seigneur, tu as remis deux talents entre mes mains ; regarde, j'ai gagné ces deux autres talents.' Et son Maitre lui dit alors : `Bravo, bon et fidèle économe ; toi aussi, tu as été fidèle dans un domaine restreint et je vais maintenant t'établir sur beaucoup d'autres ; partage la joie de ton Maitre.' Ensuite, celui qui avait reçu un seul talent vint rendre ses comptes. Ce serviteur s'avança en disant : `Seigneur, je te connaissais et j'avais compris que tu es un homme astucieux, en ce sens que tu espérais des bénéfices là où tu n'avais pas personnellement travaillé ; j'ai donc eu peur de risquer quoi que ce soit de ce qui m'avait été confié. J'ai caché ton talent en sécurité dans la terre ; le voici ; tu as maintenant ce qui t'appartient.' Mais son Maitre répondit : `Tu es un économe indolent et paresseux. De ta propre bouche, tu confesses avoir su que j'exigerais de toi un règlement avec des bénéfices raisonnables, comme ceux que tes diligents compagnons m'ont restitués aujourd'hui. Sachant cela, tu aurais au moins dû placer mon argent chez les banquiers, afin qu'à mon retour, je puisse recevoir ce qui m'appartient avec des intérêts.' Puis ce seigneur dit au chef des économes : `Enlève cet unique talent des mains de ce serviteur inutile, et donne-le à celui qui a les dix talents.'

176:3.5 À quiconque possède, il sera donné davantage, et il possèdera abondamment ; mais, à qui n'a rien, on enlèvera même ce qu'il détient. On ne peut rester stagnant dans les affaires du royaume éternel. Mon Père demande à tous ses enfants de croitre en grâce et dans la connaissance de la vérité. Vous, qui connaissez ces vérités, devez produire l'accroissement des fruits de l'esprit et manifester un dévouement croissant au service désintéressé de vos compagnons qui servent avec vous. Souvenez-vous que, dans la mesure où vous servez le plus humble de mes frères, c'est à moi que vous rendez service.

176:3.6 « C'est ainsi que vous devriez vous occuper des affaires du Père, maintenant et désormais, et même éternellement. Persévérez jusqu'à mon retour. Exécutez fidèlement la tâche qui vous est confiée, et vous serez alors prêts pour le règlement de comptes qui accompagne l'appel de la mort. Ayant ainsi vécu pour la gloire du Père et la satisfaction du Fils, vous entrerez avec joie et un plaisir extrême au service éternel du royaume perpétuel. »

176:3.7 La vérité est vivante. L'Esprit de Vérité conduit toujours les enfants de lumière dans de nouveaux domaines de réalité spirituelle et de service divin. La vérité ne vous est pas donnée pour que vous la cristallisiez dans des formes établies, sûres et honorées. Elle se révèle à vous en passant par votre expérience personnelle. Il faut que ce passage la rehausse de manière à dévoiler une nouvelle beauté et de réels gains spirituels à tous ceux qui observent vos fruits spirituels, et que ces spectateurs soient ainsi amenés à glorifier le Père qui est aux cieux. Seuls ces fidèles serviteurs qui croissent dans la connaissance de la vérité, et qui développent ainsi leur capacité d'appréciation divine des réalités spirituelles, peuvent espérer jamais « entrer pleinement dans la joie de leur Seigneur » . Combien il est attristant de voir des générations successives de disciples avoués de Jésus dire au sujet de leur gestion de la vérité divine : « Maitre, voici la vérité que tu nous as confiée il y a cent ans ou mille ans. Nous n'en avons rien perdu ; nous avons fidèlement préservé tout ce que tu nous as donné. Nous n'avons admis aucun changement dans ce que tu nous as enseigné. Nous te restituons la vérité que tu nous as apportée. » Ce prétexte à indolence spirituelle ne justifiera pas aux yeux du Maitre le gestionnaire stérile de la vérité. Le Maitre de la vérité exigera une reddition de comptes conforme à la vérité confiée à vos soins.

176:3.8 Dans le monde suivant, il vous sera demandé de rendre compte de vos dons et de votre gestion dans ce monde-ci. Que vos talents innés soient rares ou nombreux, il faudra faire face à un règlement juste et miséricordieux. Si des serviteurs n'emploient leurs dons que pour des fins égoïstes et n'accordent aucune attention au devoir supérieur d'obtenir une récolte accrue des fruits de l'esprit - tels qu'ils se manifestent dans une expansion constante du service des hommes et de l'adoration de Dieu - ces gestionnaires égoïstes doivent accepter les conséquences de leur choix délibéré.

176:3.9 Combien le serviteur infidèle muni d'un seul talent ressemble à tous les mortels égoïstes quand il reproche directement sa propre paresse à son Maitre. Quand un homme est confronté aux échecs qui proviennent de lui-même, combien il a tendance à les imputer aux autres, et bien souvent à ceux qui en sont le moins responsables !

176:3.10 Cette nuit-là, au moment où ses auditeurs allaient se reposer, Jésus leur dit : « Vous avez reçu libéralement la vérité du ciel ; vous devriez donc la donner libéralement et, par ce don, cette vérité se multipliera et annoncera la lumière croissante de la grâce qui sauve, dès le moment où vous la dispenserez. »

176.4  Le Retour de Micaël

176:4.1 De tous les enseignements du Maitre, aucune phase n'a été aussi mal comprise que sa promesse de revenir un jour en personne dans ce monde. Il n'est pas surprenant que Micaël fût intéressé à revenir un jour ou l'autre sur la planète où, en tant que mortel du royaume, il a fait l'expérience de sa septième et dernière effusion. Il est tout naturel de croire que Jésus de Nazareth, maintenant chef souverain d'un vaste univers, s'intéresse à revenir non seulement une fois, mais bien des fois, sur le monde où il a vécu une vie si exceptionnelle et finalement gagné pour lui-même le pouvoir et l'autorité universels dont le Père lui a fait le don illimité. Urantia restera éternellement l'une des sept sphères natales de Micaël au cours de sa conquête de la souveraineté sur son univers.

176:4.2 Jésus a déclaré, en maintes occasions et à de nombreuses personnes, son intention de revenir sur ce monde. Tandis que ses disciples s'éveillaient au fait que leur Maitre n'allait pas agir comme libérateur temporel, et qu'ils écoutaient ses prédictions sur la destruction de Jérusalem et l'écroulement de la nation juive, ils commencèrent tout naturellement à établir un lien entre son retour promis et ces évènements catastrophiques. Mais, lorsque les armées romaines nivelèrent les murs de Jérusalem, détruisirent le temple et dispersèrent les Juifs de Judée, et que le Maitre continua à ne pas se révéler en pouvoir et en gloire, ses disciples commencèrent à élaborer la croyance qui finit par associer la seconde venue du Christ à la fin de l'âge, et même à la fin du monde.

176:4.3 Jésus a promis de faire deux choses après son ascension auprès du Père et après que tous pouvoirs au ciel et sur terre lui auraient été remis. Premièrement, il a promis d'envoyer à sa place dans le monde un nouvel instructeur, l'Esprit de Vérité, et il l'a fait le jour de la Pentecôte. Deuxièmement, il a très certainement promis à ses disciples qu'un jour, il reviendrait personnellement sur ce monde. Mais il n'a pas dit où, ni quand, ni comment il revisiterait cette planète sur laquelle il avait fait l'expérience de son effusion en incarnation. En une occasion, il laissa entendre qu'à l'époque où il vivait ici-bas dans la chair, les yeux charnels avaient pu le voir, mais qu'à son retour (ou tout au moins lors d'une de ses visites possibles) il ne pourrait être discerné que par l'oeil de la foi spirituelle.

176:4.4 Beaucoup d'entre nous ont tendance à croire que Jésus reviendra maintes fois sur Urantia au cours des âges à venir. Nous n'avons pas sa promesse expresse qu'il fera ces multiples visites, mais, puisqu'il porte, parmi ses titres universels, celui de Prince Planétaire d'Urantia, il semble fort probable qu'il visitera de nombreuses fois la planète dont la conquête lui a valu ce titre aussi exceptionnel.

176:4.5 Nous croyons fermement que Micaël reviendra en personne sur Urantia, mais nous n'avons pas la moindre idée de la date ni de la manière qu'il choisira pour venir. Sa seconde venue sur terre sera-t-elle synchronisée de manière à se produire en liaison avec le jugement final du présent âge, avec ou sans l'apparition concomitante d'un Fils Magistral ? Viendra-t-il en liaison avec la fin d'un âge ultérieur sur Urantia ? Sa venue aura-t-elle lieu sans être annoncée et comme un évènement isolé ? Nous ne le savons pas. Nous n'avons de certitude que sur un point : quand il reviendra, le monde entier en sera vraisemblablement informé, car il faudra qu'il vienne en tant que chef suprême d'un univers, et non comme l'obscur nouveau-né de Bethléem. Mais, si tout oeil doit le voir, et si seuls les yeux spirituels peuvent discerner sa présence, alors il faudra que sa venue soit longtemps différée.

176:4.6 Vous feriez donc bien de n'associer le retour personnel du Maitre sur terre à aucun évènement prévu et à aucune époque déterminée. Nous ne sommes certains que d'une chose : il a promis de revenir. Nous n'avons aucune idée de la date où il accomplira cette promesse ni des évènements qui y seront liés. Autant que nous le sachions, il peut apparaître sur terre à tout moment, mais il peut aussi venir seulement après que des âges et des âges se seront écoulés et auront été dument jugés par ses associés, les Fils du corps paradisiaque.

176:4.7 La seconde venue de Micaël sur terre est un évènement dont la valeur sentimentale est prodigieuse aussi bien pour les médians que pour les humains, mais autrement elle n'a pas d'importance immédiate pour les médians, et pas plus d'importance pratique pour les êtres humains que l'évènement ordinaire de la mort naturelle. En effet, la mort précipite brusquement les hommes dans l'emprise immédiate de la succession des évènements universels qui les conduisent directement en présence de ce même Jésus, chef souverain de notre univers. Les enfants de lumière sont tous destinés à le voir. Que nous allions à lui ou qu'il vienne d'abord à nous, cela n'a pas une grande importance. Soyez donc toujours prêts à l'accueillir sur terre, de même qu'il se tient prêt à vous accueillir au ciel. Nous nous attendons avec confiance à sa glorieuse apparition, et même à des visites répétées, mais nous ignorons complètement quand, comment et en rapport avec quels évènements il doit apparaître.

177. Mercredi, Jour de Repos

177:0.1 QUAND leur tâche d'éducateur du peuple leur laissait un peu de répit, Jésus et ses apôtres avaient coutume de se reposer de leurs travaux tous les mercredis. Ce mercredi-là, ils prirent leur déjeuner un peu plus tard que d'habitude ; le camp était imprégné d'un silence de mauvais augure, et peu de mots furent prononcés durant la première moitié de ce repas matinal. Enfin, Jésus dit : « Je désire que vous vous reposiez aujourd'hui. Prenez du temps pour réfléchir à tout ce qui s'est passé depuis notre arrivée à Jérusalem, et méditez sur ce qui nous attend prochainement et que je vous ai clairement exposé. Assurez-vous que la vérité demeure dans votre vie et que vous croissez journellement en grâce. »

177:0.2 Après le déjeuner, le Maitre informa André qu'il avait l'intention de s'absenter pour la journée. Il lui suggéra de donner aux apôtres la permission de passer le temps à leur gré, sous réserve qu'en aucune circonstance, ils ne pénétreraient à l'intérieur de Jérusalem.

177:0.3 Quand Jésus s'apprêta à partir seul dans la montagne, David Zébédée l'accosta en disant : « Maitre, tu sais bien que les pharisiens et les dirigeants cherchent à te détruire, et cependant tu t'apprêtes à partir seul dans les collines. C'est une folie. Je vais donc te faire accompagner par trois hommes bien préparés à veiller à ce qu'il ne t'arrive aucun mal. » Jésus regarda les trois Galiléens vigoureux et bien armés, et dit à David : « Ton intention est bonne, mais tu te trompes, en ce sens que tu ne comprends pas que le Fils de l'Homme n'a besoin de personne pour le défendre. Nul ne mettra la main sur moi avant l'heure où je serai prêt à abandonner ma vie conformément à la volonté de mon Père. Ces hommes ne peuvent pas m'accompagner. Je désire aller seul, pour pouvoir communier avec le Père. »

177:0.4 Après avoir entendu cette réponse, David et ses gardes armés se retirèrent ; mais, alors que Jésus partait seul, Jean Marc s'avança avec un petit panier contenant des vivres et de l'eau, et suggéra que, si Jésus avait l'intention d'être absent toute la journée, il pourrait avoir faim. Le Maitre sourit à Jean Marc et tendit la main pour prendre le panier.

177.1  Une Journée Seul avec Dieu

177:1.1 Tandis que Jésus allait prendre le panier du déjeuner des mains de Jean, le jeune homme s'aventura à dire : « Mais, Maitre, il pourrait arriver que tu poses le panier par terre pendant que tu t'en vas prier, et qu'ensuite tu l'oublies en poursuivant ton chemin. En outre, si je t'accompagne en portant le déjeuner, tu seras plus libre d'adorer Dieu, et je garderai sûrement le silence. Je ne poserai pas de questions, et je resterai près du panier quand tu iras seul à l'écart pour prier. »

177:1.2 En prononçant ces phrases, dont la témérité étonna certains auditeurs proches, Jean Marc eut l'audace de retenir l'anse. Jean Marc et Jésus étaient là, tenant tous deux le panier. Bientôt, le Maitre le lâcha, regarda le garçon et dit : « Puisque de tout ton coeur tu désires ardemment m'accompagner, cela ne te sera pas refusé. Nous partirons seuls ensemble et nous aurons une bonne conversation. Tu pourras me poser toutes les questions qui surgiront dans ton coeur, et nous nous réconforterons et nous consolerons mutuellement. Au commencement, tu porteras le déjeuner et, quand tu seras fatigué, je t'aiderai. Suis-moi. »

177:1.3 Ce soir-là, Jésus ne revint au camp qu'après le coucher du soleil. Le Maitre passa sa dernière journée tranquille sur terre à s'entretenir avec ce garçon assoiffé de vérité, et à parler avec son Père du Paradis. Dans les sphères supérieures, on a appelé cet évènement « la journée qu'un jeune homme a passée avec Dieu dans les collines » . Cette occasion donne, pour toujours, l'exemple de la bonne volonté mise par le Créateur à fraterniser avec les créatures. Même un adolescent, si le désir de son coeur est réellement suprême, peut attirer l'attention et jouir de la compagnie affectueuse du Dieu d'un univers ; il peut éprouver l'inoubliable extase d'être seul avec Dieu dans les collines, et ce, pendant toute une journée. Telle fut l'extraordinaire expérience de Jean Marc, ce mercredi-là, dans les collines de Judée.

177:1.4 Jésus s'entretint longuement avec Jean, et parla franchement des affaires de ce monde et du monde à venir. Jean Marc dit à Jésus combien il regrettait de n'avoir pas été assez âgé pour être l'un des apôtres. Il exprima sa grande reconnaissance pour avoir eu la permission de suivre constamment le groupe apostolique depuis la première prédication au gué du Jourdain près de Jéricho, sauf pendant le voyage en Phénicie. Jésus avertit le garçon de ne pas se laisser décourager par les évènements imminents et l'assura qu'il deviendrait un puissant messager du royaume.

177:1.5 Jean Marc fut fasciné par le souvenir de cette journée avec Jésus dans les collines, mais il n'oublia jamais la dernière recommandation du Maitre. Au moment de retourner au camp de Gethsémani, Jésus lui dit : « Eh bien, Jean, nous avons eu une bonne conversation, un vrai jour de repos, mais veille à ne dire à personne ce que je t'ai raconté. » Et Jean Marc ne révéla rien de ce qui s'était passé au cours de cette journée avec Jésus dans les collines.

177:1.6 Durant les quelques heures que Jésus avait encore à passer sur terre, Jean Marc ne laissa jamais le Maitre longtemps hors de portée de sa vue. Le garçon était toujours caché à proximité. Il ne dormait que lorsque Jésus dormait.

177.2  L'Enfance au Foyer

177:2.1 Au cours des entretiens de cette journée avec Jean Marc, Jésus passa un temps considérable à comparer les expériences de leur enfance et de leur adolescence. Les parents de Jean possédaient plus de biens terrestres que ceux de Jésus, mais il y avait eu, dans leur enfance, beaucoup d'expériences très similaires. Jésus dit de nombreuses choses qui aidèrent Jean à mieux comprendre ses parents et d'autres membres de sa famille. Lorsque le garçon demanda comment le Maitre pouvait savoir qu'il deviendrait un « puissant messager du royaume » Jésus dit :

177:2.2 « Je sais que tu te montreras fidèle à l'évangile du royaume, parce que je peux compter sur la foi et l'amour que tu as déjà, étant donné que ces qualités sont basées sur une formation aussi précoce que celle que tu as reçue chez toi. Tu es le fruit d'un foyer où les parents se portent mutuellement une sincère affection, de sorte que tu n'as pas été choyé à l'excès au point d'exalter pernicieusement ton concept de ta propre importance. Ta personnalité n'a pas non plus été déformée par des manoeuvres où l'amour est absent, faites par des parents opposés l'un à l'autre, cherchant à gagner ta confiance et ta fidélité. Tu as joui d'un amour parental qui assure une louable confiance en soi et entretient un sentiment normal de sécurité. Mais tu as eu également la chance que tes parents soient doués de sagesse autant que d'amour. C'est la sagesse qui les a conduits à renoncer à la plupart des complaisances et des superfluités que la fortune peut procurer, tandis qu'ils t'envoyaient à l'école de la synagogue avec tes compagnons de jeux du voisinage, et ils t'ont aussi encouragé à apprendre comment vivre en ce monde en te permettant une expérience originale. Tu es venu avec ton jeune ami Amos au gué du Jourdain, où nous prêchions et où les disciples de Jean baptisaient. Vous désiriez tous deux nous accompagner. Quand tu revins à Jérusalem, tes parents y consentirent. Les parents d'Amos ne le permirent pas ; ils aimaient tant leur fils qu'ils lui refusèrent l'expérience bénie que tu as eue, celle-là même dont tu jouis aujourd'hui. En s'enfuyant de chez lui, Amos aurait pu se joindre à nous, mais en le faisant, il aurait blessé l'amour et sacrifié la fidélité. Même si cette ligne de conduite avait été sage, elle aurait représenté un prix terrible à payer pour l'expérience, l'indépendance et la liberté. Des parents avisés comme les tiens veillent à ce que leurs enfants n'aient pas à blesser l'amour ou à étouffer la fidélité pour développer l'indépendance et jouir d'une liberté fortifiante quand ils ont atteint ton âge.

177:2.3 « L'amour, Jean, est la réalité suprême de l'univers quand il est donné par des êtres infiniment sages, mais il présente un caractère dangereux et souvent semi-égoïste tel qu'il est manifesté dans l'expérience de parents mortels. Quand tu seras marié et que tu auras tes propres enfants à élever, assure-toi que ton amour est conseillé par la sagesse et guidé par l'intelligence.

177:2.4 « Ton jeune ami Amos croit tout autant que toi à cet évangile du royaume, mais je ne peux compter pleinement sur lui ; je ne suis pas certain de ce qu'il va faire dans les années à venir. Son enfance à son foyer n'a pas été de nature à produire un homme à qui l'on puisse se fier complètement. Amos ressemble trop à l'un de mes apôtres qui n'a pas bénéficié d'une éducation familiale normale, affectueuse et sage. Ta vie ultérieure sera plus heureuse et méritera plus de confiance, parce que tu as passé tes huit premières années dans un foyer normal et bien réglé. Tu possèdes un caractère fort et bien équilibré, parce que tu as grandi dans un foyer où prévalait l'amour et où régnait la sagesse. Une telle formation de l'enfance produit un type de fidélité m'assurant que tu poursuivras la voie dans laquelle tu t'es engagé. »

177:2.5 Pendant plus d'une heure, Jésus et Jean continuèrent cette discussion de la vie au foyer. Le Maitre poursuivit en expliquant à Jean qu'un enfant dépend complètement de ses parents et de l'atmosphère du foyer pour la formation de ses premiers concepts sur toute chose, intellectuelle, sociale, morale et même spirituelle, puisque la famille représente pour le jeune enfant tout ce qu'il peut savoir pour commencer des relations humaines ou divines. L'enfant doit tirer des soins de sa mère ses premières impressions sur l'univers ; il dépend entièrement de son père terrestre pour ses premières idées sur le Père céleste. La vie mentale et sentimentale du jeune âge, conditionnée par les relations sociales et spirituelles du foyer, détermine si la vie ultérieure de l'enfant sera heureuse ou malheureuse, facile ou difficile. Toute la vie d'un être humain est immensément influencée par tout ce qui se passe pendant les premières années de l'existence.

177:2.6 Nous croyons sincèrement que l'enseignement de l'évangile de Jésus, fondé comme il l'est sur la relation entre enfant et père, ne pourra guère être accepté dans le monde entier avant l'époque où la vie familiale des peuples civilisés modernes comportera plus d'amour et plus de sagesse. Bien que les parents du vingtième siècle possèdent des connaissances très étendues et davantage de vérité pour améliorer leur foyer et ennoblir la vie familiale, il n'en reste pas moins vrai que, pour élever des garçons et des filles, très peu de foyers modernes peuvent rivaliser avec le foyer de Jésus en Galilée et celui de Jean Marc en Judée ; toutefois, l'acceptation de l'évangile de Jésus produira une amélioration immédiate de la vie familiale. Une vie d'amour dans un sage foyer et une dévotion fidèle à la vraie religion exercent l'une sur l'autre une profonde influence. Cette vie de foyer rehausse la religion, et la religion authentique glorifie toujours le foyer.

177:2.7 Il est vrai que bien des influences étiolantes fâcheuses et d'autres caractéristiques restrictives des anciens foyers juifs ont été virtuellement éliminées dans beaucoup de foyers modernes mieux organisés. En vérité, on y trouve plus d'indépendance spontanée et beaucoup plus de liberté personnelle, mais cette liberté n'est ni refrénée par l'amour, ni motivée par la fidélité, ni dirigée par l'intelligente discipline de la sagesse. Tant que nous apprenons à l'enfant à prier « Notre Père qui es aux cieux » , tous les pères terrestres porteront l'immense responsabilité de vivre et d'ordonner leur foyer de telle sorte que le mot père soit dignement enchâssé dans le mental et le coeur de tous les enfants qui grandissent.

177.3  La Journée au Camp

177:3.1 Les apôtres passèrent la plus grande partie de la journée à se promener sur le mont Olivet et à s'entretenir avec les disciples qui campaient avec eux, mais, tôt dans l'après-midi, ils éprouvèrent le vif désir de voir revenir Jésus. Tandis que les heures passaient, ils s'inquiétaient de plus en plus de sa sécurité ; ils se sentaient inexprimablement seuls sans lui. Ils discutèrent toute la journée sur la question de savoir s'il avait été raisonnable de laisser le Maitre partir seul dans les collines, accompagné seulement d'un garçon de courses. Quoique personne n'exprimât cette pensée, il n'y en avait pas un parmi eux, sauf Judas Iscariot, qui n'eût souhaité être à la place de Jean Marc.

177:3.2 Ce fut vers le milieu de l'après-midi que Nathanael adressa, à une demi douzaine d'apôtres et à autant de disciples, son discours sur le « Désir Suprême » , qui se termina comme suit : « Ce qui ne va pas chez la plupart d'entre nous, c'est que nous manquons d'enthousiasme. Nous n'aimons pas le Maitre comme il nous aime. Si nous avions tous éprouvé aussi intensément que Jean Marc le désir de l'accompagner, il nous aurait sûrement tous emmenés. Nous sommes restés là à regarder le garçon s'approcher du Maitre et lui offrir le panier, mais, quand le Maitre l'a pris, le garçon n'a pas voulu le lâcher. Alors le Maitre nous a laissés ici, tandis qu'il partait dans les collines avec panier, garçon et tout. »

177:3.3 Vers les quatre heures, des coureurs arrivèrent auprès de David pour lui apporter de Bethsaïde des nouvelles de sa mère, et de la mère de Jésus. Plusieurs jours auparavant, David était arrivé à la conviction que les chefs des prêtres et les dirigeants allaient tuer Jésus. David savait qu'ils étaient résolus à supprimer le Maitre, et il était à peu près convaincu que Jésus n'exercerait pas son pouvoir divin pour son propre salut et ne permettrait pas non plus à ses partisans de recourir à la force pour le défendre. Étant parvenu à ces conclusions, il se hâta d'envoyer un messager à Salomé pour la presser de venir immédiatement à Jérusalem et d'amener Marie, mère de Jésus, et tous les membres de la famille du Maitre.

177:3.4 La mère de David fit ce que son fils lui demandait, et, maintenant, les coureurs revenaient auprès de David, apportant la nouvelle que Salomé et toute la famille de Jésus étaient en route pour Jérusalem, et qu'ils arriveraient tard le lendemain ou de très bonne heure le surlendemain matin. Ayant agi de sa propre initiative, David crut sage de garder pour lui cette information. En conséquence, il ne dit à personne que la famille de Jésus était en route pour Jérusalem.

177:3.5 Un peu après midi, plus de vingt des Grecs qui avaient rencontré Jésus et les douze chez Joseph d'Arimathie arrivèrent au camp, et Pierre et Jean passèrent plusieurs heures en conférence avec eux. Ces Grecs, ou tout au moins quelques-uns d'entre eux, avaient une très bonne connaissance du royaume, car ils en avaient été instruits par Rodan à Alexandrie.

177:3.6 Ce soir-là, après son retour au camp, Jésus s'entretint avec les vingt Grecs ; il leur aurait volontiers conféré l'ordination comme aux soixante-dix, s'il n'avait pas su qu'en agissant ainsi, il aurait profondément troublé ses apôtres et ses principaux disciples.

177:3.7 Pendant que tout cela se passait au camp, à Jérusalem les chefs des prêtres et les anciens étaient stupéfaits que Jésus ne revienne pas haranguer les multitudes. Il est vrai qu'en quittant le temple la veille, il avait dit : « Je vous laisse votre maison désolée. » Mais les dirigeants ne pouvaient comprendre pourquoi Jésus renonçait au grand avantage qu'il s'était assuré par l'attitude amicale des foules. Ils craignaient qu'il ne soulève un tumulte chez le peuple, bien que les dernières paroles du Maitre à la multitude aient été une exhortation à se conformer, de toutes les manières raisonnables, à l'autorité de ceux qui « trônent sur le siège de Moïse » . Toutefois, la journée fut très active dans la ville pour les dirigeants, car ils se préparaient pour la Pâque et mettaient en même temps au point leurs plans pour tuer Jésus.

177:3.8 Le camp ne reçut que peu de visiteurs, car son établissement était resté un secret bien gardé par tous ceux qui savaient que Jésus comptait y rester, au lieu de se rendre toutes les nuits à Béthanie.

177.4  Judas et les Chefs des Prêtres

177:4.1 Peu après que Jésus et Jean Marc eurent quitté le camp, Judas Iscariot disparut du groupe de ses frères et ne revint que tard dans l'après-midi. Malgré la recommandation expresse de son Maitre de ne pas entrer à Jérusalem, cet apôtre troublé et mécontent se rendit en hâte à son rendez-vous avec les ennemis de Jésus, chez le grand-prêtre Caïphe. Il s'agissait d'une réunion officieuse du sanhédrin, fixée pour un peu après dix heures ce matin-là, en vue de discuter la nature des accusations qu'il fallait porter contre Jésus et de décider la procédure à suivre pour le faire comparaître devant les autorités romaines ; en effet, il était nécessaire d'obtenir de celles-ci la confirmation civile de la sentence de mort déjà prononcée par le sanhédrin contre Jésus.

177:4.2 La veille, Judas avait révélé à quelques membres de sa famille, et à certains sadducéens, amis de la famille de son père, qu'il était arrivé à la conclusion que Jésus était un rêveur et un idéaliste bien intentionné, mais non le libérateur attendu d'Israël. Judas exposa qu'il aimerait beaucoup trouver une manière élégante de se retirer de tout le mouvement. Ses amis l'assurèrent flatteusement que son retrait serait salué par les dirigeants juifs comme un grand évènement, et, ensuite, il pourrait prétendre à n'importe quoi. Ils l'amenèrent à croire qu'il recevrait aussitôt de grands honneurs du sanhédrin et qu'enfin, il serait en position d'effacer la flétrissure de son « association bien intentionnée, mais malencontreuse avec des Galiléens incultes » .

177:4.3 Judas ne pouvait pas entièrement croire que les grandes oeuvres du Maitre avaient été accomplies par le pouvoir du prince des démons, mais il était désormais pleinement convaincu que Jésus n'exercerait pas son pouvoir pour s'assurer des avantages personnels. Il avait enfin acquis la certitude que Jésus se laisserait tuer par les dirigeants juifs, et Judas ne pouvait supporter la pensée humiliante d'être identifié avec un mouvement voué à l'échec. Il refusait de considérer l'idée d'un échec apparent. Il comprenait pleinement la fermeté de caractère de son Maitre et l'acuité de son mental majestueux et miséricordieux ; néanmoins, il prit plaisir à accepter, ne fût-ce que partiellement, la suggestion d'un membre de sa famille selon laquelle Jésus, bien qu'il fût un fanatique bien intentionné, n'était probablement pas vraiment sain d'esprit et avait toujours paru être une personne étrange et mal comprise.

177:4.4 Et maintenant plus que jamais, Judas commença à éprouver un étrange ressentiment parce que Jésus ne lui avait jamais attribué une situation plus honorifique. Judas avait continuellement gouté l'honneur d'être le trésorier apostolique, mais, désormais, il commençait à sentir qu'il n'était pas apprécié, que ses aptitudes n'étaient pas reconnues. Il fut soudain submergé d'indignation du fait que Pierre, Jacques et Jean aient été honorés d'une association étroite avec Jésus, et, à ce moment-là, tandis qu'il se dirigeait vers la maison du grand-prêtre, il était beaucoup plus préoccupé de prendre sa revanche sur Pierre, Jacques et Jean que de songer à trahir Jésus. Mais surtout, à ce moment précis, une nouvelle idée dominante commença à occuper la première place dans son mental conscient ; il avait entrepris d'obtenir des honneurs pour lui-même, et s'il pouvait se les assurer en même temps qu'il prendrait sa revanche sur ceux qui avaient contribué à la plus grande déception de sa vie, eh bien, tant mieux. Il était la proie d'un terrible complexe de honte, d'orgueil, de désespoir et de résolution. Il faut donc qu'il soit clair que ce n'était pas pour de l'argent que Judas se rendait chez Caïphe en vue de prendre des dispositions pour trahir Jésus.

177:4.5 Tandis que Judas approchait de la demeure de Caïphe, il prit définitivement la décision d'abandonner Jésus et ses compagnons apôtres. Ayant ainsi résolu de déserter la cause du royaume des cieux, il décida de s'assurer pour lui-même le maximum de cet honneur et de cette gloire dont il avait espéré être un jour gratifié, quand il s'identifia, pour la première fois, avec Jésus et le nouvel évangile du royaume. Tous les apôtres avaient jadis partagé cette ambition avec Judas, mais, au cours des années, ils avaient appris à admirer la vérité et à aimer Jésus, tout au moins mieux que Judas.

177:4.6 Le traitre fut présenté à Caïphe et aux dirigeants juifs par son cousin. Celui-ci expliqua que Judas, ayant découvert l'erreur qu'il avait commise en se laissant égarer par le subtil enseignement de Jésus, était arrivé au point où il désirait renoncer publiquement et officiellement à son association avec le Galiléen, et, en même temps, demander à être rétabli dans la confiance et la communauté de ses frères judéens. Le porte-parole de Judas continua en exposant que, d'après Judas, il valait mieux, pour la paix en Israël, que Jésus fût mis en prison. Comme preuve de son regret d'avoir participé à ce mouvement d'erreur, et de la sincérité de son retour aux enseignements de Moïse, Judas était venu s'offrir lui-même au sanhédrin comme étant celui qui pouvait prendre, avec le capitaine détenteur du mandat d'arrêt, des dispositions pour que Jésus soit mis en prison sans esclandre, ce qui écarterait tout danger d'ameuter les multitudes, ou la nécessité de retarder son arrestation jusqu'après la Pâque.

177:4.7 Après avoir fini de parler, le cousin présenta Judas, qui s'approcha du grand-prêtre et dit : « Je ferai tout ce que mon cousin a promis, mais qu'êtes-vous disposés à me donner pour ce service ? » Judas ne sembla pas discerner l'expression de dédain, ou même de dégout, qui passa sur le visage du vaniteux Caïphe au coeur endurci ; le coeur de Judas était trop préoccupé de sa propre gloire et du désir de satisfaire l'exaltation de son moi.

177:4.8 Caïphe abaissa alors son regard sur le traitre et dit : « Judas, va trouver le capitaine de la garde et arrange-toi avec cet officier pour qu'il nous amène ton Maitre ce soir ou demain soir. Quand il aura été livré par toi entre nos mains, tu recevras ta récompense pour ce service. » Après avoir entendu ces paroles, Judas quitta les chefs des prêtres et les dirigeants pour conférer avec le capitaine des gardes du temple sur la manière d'appréhender Jésus. Judas savait que Jésus était alors absent du camp, et il n'avait aucune idée de l'heure de son retour ce soir-là. Ils convinrent donc d'arrêter Jésus le lendemain soir (jeudi) après que le peuple de Jérusalem et tous les pèlerins visiteurs se seraient retirés pour la nuit.

177:4.9 Judas retourna au camp auprès de ses associés, enivré de pensées de grandeur et de gloire comme il n'en avait pas eu depuis bien longtemps. Il s'était enrôlé auprès de Jésus avec l'espoir de devenir, un jour, un grand homme dans le nouveau royaume, et s'était enfin rendu compte qu'il n'y aurait pas de nouveau royaume conforme à ses espérances. Mais il se réjouissait d'être assez sagace pour troquer la déception de son échec, qui était de parvenir à la gloire dans le nouveau royaume espéré, contre l'obtention immédiate d'honneurs et de récompenses dans l'ancien ordre de choses. Il croyait maintenant que cet ancien ordre survivrait et détruirait certainement Jésus et tout ce qu'il représentait. Dans son ultime mobile d'intention consciente, la trahison de Jésus par Judas fut l'action lâche d'un déserteur égoïste ne pensant qu'a sa propre sécurité et à sa glorification, quels que dussent être les résultats de sa conduite pour son Maitre et pour ses anciens associés.

177:4.10 Mais il en avait toujours été ainsi. Depuis longtemps, et avec une conscience délibérée, obstinée, égoïste et vindicative, Judas avait progressivement accumulé, dans son mental, et entretenu, dans son coeur, ces désirs mauvais et haïssables de revanche et d'infidélité. Jésus aimait Judas et lui faisait confiance autant qu'aux autres apôtres, mais Judas ne parvint pas à manifester en retour une confiance loyale ni à éprouver un amour sincère. Combien l'ambition peut devenir dangereuse quand elle se marie entièrement avec l'égoïsme et que sa motivation suprême est une sombre vengeance longtemps refoulée ! Quelle chose écrasante que la déception dans la vie de ces insensés qui fixent leur regard sur les attraits fugitifs et évanescents du temps, et deviennent ainsi aveugles aux accomplissements supérieurs et plus effectifs des aboutissements perpétuels des mondes éternels des valeurs divines et des vraies réalités spirituelles. Dans son mental, Judas désirait ardemment les honneurs terrestres, et en vint à aimer ce désir de tout son coeur. Dans leur mental, les autres apôtres désiraient également les honneurs de ce monde, mais, dans leur coeur, ils aimaient Jésus et faisaient de leur mieux pour apprendre à aimer les vérités qu'il leur enseignait.

177:4.11 À ce moment, Judas ne le réalisait pas, mais il avait toujours critiqué Jésus dans son subconscient depuis le jour où Jean le Baptiste avait été décapité par Hérode. Au plus profond de son coeur, Judas avait toujours été froissé que Jésus n'ait pas sauvé Jean. Il ne faut pas oublier que Judas avait été un disciple de Jean avant de se mettre à suivre Jésus. Et tout cet amoncellement de ressentiments humains et d'amères déceptions que Judas avait accumulé dans l'âme, sous couleur de haine, était maintenant bien organisé dans son mental subconscient, et prêt à surgir et à l'engloutir s'il osait se séparer du soutien influent de ses compagnons, et, en même temps, s'exposer aux habiles insinuations et aux subtiles moqueries des ennemis de Jésus. Chaque fois qu'il avait laissé ses espérances monter à un diapason élevé et que Jésus avait dit ou fait quelque chose pour les anéantir, il subsistait toujours, dans le coeur de Judas, une cicatrice de ressentiment amer. Et comme ces cicatrices se multipliaient, ce coeur si souvent blessé perdit, bientôt, toute affection réelle pour celui qui avait infligé cette expérience désagréable à une personnalité bien intentionnée, mais poltronne et égocentrique. Judas ne s'en rendait pas compte, mais il était un lâche. En conséquence, il avait toujours tendance à attribuer à la lâcheté les mobiles qui conduisirent si souvent Jésus à refuser de saisir le pouvoir et la gloire, alors qu'en apparence, ils étaient si facilement à sa portée. Et tout mortel sait bien que l'amour - même s'il a jadis été sincère - peut finalement se transformer en haine réelle sous l'influence des déceptions, de la jalousie et d'un ressentiment longtemps entretenu.

177:4.12 Les chefs des prêtres et les anciens purent enfin respirer tranquillement pendant quelques heures. Ils n'allaient pas être obligés d'arrêter Jésus en public. Les services de Judas, en tant qu'allié et traitre, leur assuraient que Jésus n'échapperait pas à leur juridiction comme il l'avait fait si souvent dans le passé.

177.5  La Dernière Heure d'Intimité

177:5.1 Puisque ce jour était un mercredi, cette soirée au camp fut une heure d'intimité. Le Maitre essaya d'encourager ses apôtres abattus, mais c'était à peu près impossible. Ils commençaient tous à se rendre compte de l'imminence d'évènements déconcertants et écrasants. Ils ne pouvaient être gais, même quand le Maitre leur rappelait leurs années d'association cordiale et mouvementée. Jésus s'enquit soigneusement des familles de tous les apôtres, puis se tourna vers David Zébédée et demanda si quelqu'un avait des nouvelles récentes de sa mère, de sa plus jeune soeur, ou d'autres membres de sa famille. David baissa les yeux et regarda ses pieds ; il avait peur de répondre.

177:5.2 Ce fut l'occasion ou Jésus avertit ses disciples de se méfier du soutien de la multitude. Il rappela leurs expériences en Galilée où de grandes foules les avaient maintes fois suivis avec enthousiasme, et ensuite s'étaient tout aussi ardemment détournées d'eux pour revenir à leurs croyances et modes de vie antérieurs. Puis Jésus dit : « Il ne faut donc pas vous laisser tromper par les grandes foules qui nous ont entendus au temple et qui semblaient croire à nos enseignements. Ces multitudes écoutent la vérité et leur mental y croit superficiellement, mais peu d'entre eux laissent la parole de vérité s'incruster dans leur coeur avec des racines vivantes. Ceux qui ne connaissent l'évangile que dans leur mental et qui ne l'ont pas expérimenté dans leur coeur ne peuvent être fiables lorsque les troubles réels surviennent. Quand les dirigeants Juifs se seront mis d'accord pour tuer le Fils de l'Homme, et qu'ils le frapperont à l'unanimité, vous verrez la multitude fuir effarée, ou bien rester là, silencieuse et stupéfaite, pendant que ces dirigeants affolés et aveuglés conduiront à la mort les instructeurs de la vérité de l'évangile. Ensuite, quand l'adversité et les persécutions s'abattront sur vous, d'autres encore que vous croyez aimer la vérité seront dispersés, et d'autres encore renonceront à l'évangile et vous abandonneront. Certains parmi ceux qui ont été fort proches de nous ont déjà résolu de déserter. Vous avez pris aujourd'hui un repos préliminaire aux évènements imminents. Veillez donc, et priez pour que demain vous ayez une force accrue pour supporter les prochaines journées. »

177:5.3 L'atmosphère du camp était chargée d'un tension inexplicable. Des messagers silencieux allaient et venaient, communiquant seulement avec David Zébédée. Avant la fin de la soirée, certains savaient que Lazare s'était enfui précipitamment de Béthanie. Jean Marc observait un silence de mauvais augure après son retour au camp, bien qu'il eût passé toute la journée en compagnie du Maitre. Chaque effort pour l'inciter à parler aboutissait seulement à faire ressortir que Jésus lui avait enjoint de se taire.

177:5.4 Les apôtres furent même effrayés par la bonne humeur du Maitre et sa sociabilité exceptionnelle. Ils sentaient tous l'approche du terrible isolement qui allait s'abattre sur eux avec une soudaineté écrasante et une terreur inéluctable. Ils pressentaient vaguement ce qui allait arriver, et aucun d'eux ne se sentait préparé à faire face à l'épreuve. Le Maitre avait été absent toute la journée et leur avait terriblement manqué.

177:5.5 Ce mercredi soir marqua le niveau le plus bas de leur statut spirituel jusqu'à l'heure effective de la mort du Maitre. Bien que le lendemain les ait encore rapprochés d'un jour du vendredi tragique, du moins était-il encore avec eux, et les heures d'inquiétudes s'écoulèrent avec moins de malaise.

177:5.6 Jésus savait que ce serait la dernière nuit où il pourrait dormir tranquille auprès de la famille qu'il s'était choisie sur terre. Un peu avant minuit, il congédia les apôtres pour leur repos nocturne en disant : « Allez dormir, mes frères, et que la paix soit sur vous jusqu'à notre lever de demain, une journée de plus pour faire la volonté du Père et éprouver la joie de savoir que nous sommes ses fils. »

178. Le Dernier Jour au Camp

178:0.1 POUR Jésus, ce jeudi était son dernier jour de liberté sur terre en tant que Fils divin incarné ; il projeta de le passer avec ses apôtres et quelques disciples fidèles et dévoués. Peu après l'heure du petit déjeuner, en cette matinée magnifique, le Maitre les conduisit en un lieu isolé situé à proximité, un peu au-dessus de leur camp, et là il leur enseigna nombre de vérités nouvelles. Jésus adressa encore d'autres harangues à ses apôtres au début de la soirée, mais cette causerie du jeudi matin fut son discours d'adieu au groupe du camp réunissant les apôtres et des disciples choisis, tant Juifs que Gentils. Les douze étaient tous présents, sauf Judas. Pierre et plusieurs apôtres firent des remarques sur son absence ; quelques-uns crurent qu'il avait été envoyé en ville par Jésus pour régler une question, probablement pour mettre au point les détails de leur prochaine célébration de la Pâque. Judas ne revint au camp qu'au milieu de l'après-midi, peu de temps avant que Jésus n'emmenât les douze à Jérusalem pour partager le Dernier Souper.

178.1  Discours sur la Filiation et la Citoyenneté

178:1.1 Jésus parla pendant près de deux heures à une cinquantaine de ses disciples de confiance et répondit à une vingtaine de questions relatives aux relations entre le royaume des cieux et les royaumes de ce monde, et concernant les rapports entre la filiation avec Dieu et la citoyenneté dans les gouvernements terrestres. On peut résumer comme suit, en langage moderne, ce discours ainsi que les réponses aux questions :

178:1.2 Étant matériels, les royaumes de ce monde peuvent souvent trouver nécessaire d'employer la force physique pour faire appliquer leurs lois et maintenir l'ordre. Dans le royaume des cieux, les vrais croyants n'ont pas recours à l'emploi de la force physique. Le royaume des cieux est une fraternité spirituelle de fils de Dieu nés d'esprit ; il ne peut donc être promulgué que par le pouvoir de l'esprit. Cette différence de processus se rapporte aux relations entre le royaume des croyants et les royaumes des gouvernements civils ; elle n'annule pas le droit que possèdent les groupes de croyants de maintenir l'ordre dans leurs rangs et de discipliner leurs membres rebelles et indignes de confiance.

178:1.3 Il n'y a rien d'incompatible entre la filiation dans le royaume spirituel et la citoyenneté dans un gouvernement laïque ou civil. Les croyants ont le devoir de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Il ne peut y avoir de désaccord entre ces deux exigences, l'une étant matérielle et l'autre spirituelle, à moins que quelque César ne prétende usurper les prérogatives de Dieu et n'exige qu'on lui rende l'hommage spirituel et le culte suprême. Dans ce cas, vous adorerez uniquement Dieu et vous chercherez, en même temps, à éclairer ces chefs terrestres égarés et à les conduire ainsi à reconnaître également le Père qui est aux cieux. Vous ne rendrez pas de culte spirituel aux dirigeants terrestres. Vous n'emploierez pas non plus les forces physiques des gouvernements terrestres, dont les chefs peuvent, un jour, devenir des croyants, pour faire progresser la mission du royaume spirituel.

178:1.4 Du point de vue d'une civilisation en progrès, la filiation dans le royaume céleste devrait vous aider à devenir les citoyens idéaux des royaumes de ce monde, car la fraternité et le service sont les pierres angulaires de l'évangile du royaume. L'appel d'amour du royaume spirituel devrait se révéler comme étant le destructeur effectif de la pulsion de haine des citoyens incroyants et belliqueux des royaumes terrestres. Mais ces fils matérialistes, vivant dans les ténèbres, n'auront jamais connaissance de votre lumière spirituelle de vérité, à moins que vous ne les approchiez de très près, grâce au service social désintéressé qui résulte naturellement des fruits de l'esprit produits au cours de l'expérience de la vie de chaque croyant pris individuellement.

178:1.5 En tant qu'hommes mortels et matériels, vous êtes en vérité des citoyens des royaumes terrestres, et vous devriez être de bons citoyens, d'autant meilleurs que vous êtes devenus des fils du royaume céleste par votre nouvelle naissance d'esprit. En tant que fils du royaume des cieux éclairés par la foi et libérés par l'esprit, vous avez à faire face à une double responsabilité, le devoir envers l'homme et le devoir envers Dieu, et, en même temps, vous assumez volontairement une troisième obligation sacrée, celle de servir la fraternité des croyants qui connaissent Dieu.

178:1.6 Il ne vous est pas permis d'adorer vos chefs temporels, et vous ne devriez pas employer le pouvoir temporel pour faire progresser le royaume spirituel. Mais vous devriez rendre manifeste le service exprimant la droiture et l'amour, tant auprès des croyants que des incroyants. Le puissant Esprit de Vérité se trouve dans l'évangile du royaume, et je répandrai bientôt ce même esprit sur toute chair. Les fruits de l'esprit, votre service sincère et expression de l'amour, sont le puissant levier social capable d'élever les races enténébrées, et cet Esprit de Vérité deviendra le point d'appui qui multipliera votre pouvoir.

178:1.7 Faites montre de sagesse et manifestez de la sagacité dans vos rapports avec les chefs civils incroyants. Par votre discernement, montrez-vous habiles à aplanir des désaccords mineurs et à ajuster de petits malentendus. De toutes les manières possibles - sauf en sacrifiant votre allégeance aux chefs de l'univers - cherchez à vivre en paix avec tout le monde. Soyez toujours aussi prudents que les serpents, mais aussi inoffensifs que les colombes.

178:1.8 Vous devriez devenir de bien meilleurs citoyens d'une nation laïque en raison du fait que vous devenez des fils plus éclairés du royaume. De même, les chefs des gouvernements terrestres dirigeraient bien mieux les affaires civiles en raison du fait qu'ils croient à cet évangile du royaume des cieux. L'attitude consistant à servir l'homme avec désintéressement et à adorer Dieu intelligemment devrait faire de tous les croyants au royaume de meilleurs citoyens du monde, tandis que l'attitude consistant à être un citoyen honnête et à se dévouer sincèrement à son devoir terrestre devrait aider à rendre de tels citoyens d'autant plus accessibles à l'appel de l'esprit à la filiation dans le royaume céleste.

178:1.9 Tant que les chefs des gouvernements terrestres chercheront à exercer l'autorité de dictateurs religieux, vous, qui croyez à l'évangile, ne pouvez guère vous attendre qu'à des difficultés, à des persécutions et même à la mort. Mais la lumière même que vous apportez au monde et jusqu'à la manière dont vous souffrirez et mourrez pour cet évangile du royaume illumineront finalement, par elles-mêmes, le monde entier et aboutiront au divorce graduel de la politique et de la religion. La prédication persévérante de cet évangile du royaume apportera, un jour, à toutes les nations, une libération nouvelle et incroyable, la liberté intellectuelle et religieuse.

178:1.10 Sous l'aiguillon des persécutions imminentes de ceux qui haïssent cet évangile de joie et de liberté, vous vous développerez, et le royaume prospérera. Mais vous vous trouverez en grand danger, à une époque ultérieure, quand la plupart des hommes parleront favorablement des croyants au royaume, et quand nombre de personnes occupant des situations importantes accepteront nominalement l'évangile du royaume céleste. Apprenez à être fidèles au royaume même aux époques de paix et de prospérité. Ne provoquez pas chez les anges qui vous supervisent la tentation de vous discipliner avec amour en vous menant dans des tribulations destinées à sauver votre âme indolente.

178:1.11 Souvenez-vous que vous êtes mandatés pour prêcher cet évangile du royaume - le désir suprême de faire la volonté du Père, doublé de la joie suprême de réaliser, par la foi, la filiation avec Dieu. Rien ne doit détourner votre consécration à cet unique devoir. Que toute l'humanité bénéficie du débordement de votre affectueux ministère spirituel, de votre communion intellectuelle qui apporte la lumière et de votre service social exaltant. Mais il ne faut permettre à aucun de ces travaux humanitaires, ni à leur ensemble, de remplacer la proclamation de l'évangile. Ces puissants ministères sont les sous-produits sociaux des ministères et des transformations encore plus puissants et sublimes accomplis dans le coeur du croyant au royaume par le vivant Esprit de Vérité, et par la réalisation personnelle du fait que la foi d'un homme né d'esprit lui confère l'assurance d'une communion vivante avec le Dieu éternel.

178:1.12 Il ne faut chercher ni à promulguer la vérité ni à établir la droiture par le pouvoir des gouvernements civils ou par l'application de lois laïques. Vous pouvez toujours vous efforcer de persuader le mental des hommes, mais n'ayez jamais l'audace de le contraindre. N'oubliez pas la grande loi de l'équité humaine que je vous ai apprise sous forme positive : tout ce que vous voudriez que les hommes vous fassent, faites-le-leur.

178:1.13 Quand un croyant du royaume est appelé à servir le gouvernement civil, qu'il exécute son service en tant que citoyen temporel de ce gouvernement ; toutefois, ce croyant devrait déployer, dans son service civil, toutes les qualités ordinaires d'un citoyen, rehaussées par l'éclairement spirituel résultant de l'association ennoblissante de son mental humain avec l'esprit intérieur du Dieu éternel. Si les incroyants peuvent se qualifier comme fonctionnaires supérieurs, vous devriez examiner sérieusement si les racines de la vérité dans votre coeur ne sont pas desséchées, faute de tremper dans les eaux vivantes de la communion spirituelle conjuguée avec le service de la société. La conscience de la filiation avec Dieu devrait animer toute la vie de service de chaque homme, de chaque femme et de chaque enfant devenu possesseur de ce puissant stimulant des pouvoirs inhérents à la personnalité humaine.

178:1.14 Ne soyez ni des mystiques passifs ni des ascètes insipides. Ne devenez pas des rêveurs et des indolents comptant nonchalamment sur une Providence fictive pour vous procurer jusqu'aux nécessités de la vie. En vérité, il faut que vous soyez doux dans vos relations avec les mortels égarés, patients dans vos rapports avec les ignorants et longanimes en cas de provocation ; mais il vous faut également être vaillants dans la défense de la droiture, puissants dans la promulgation de la vérité et dynamiques dans la prédication de cet évangile du royaume, même jusqu'aux confins de la terre.

178:1.15 Cet évangile du royaume est une vérité vivante. Je vous ai dit qu'il ressemble au levain dans la pâte et au grain de sénevé. Maintenant, je déclare qu'il ressemble au germe de l'être vivant, qui reste le même de génération en génération, mais se manifeste infailliblement en de nouvelles expressions ; et il croît d'une manière acceptable dans des voies de nouvelles adaptations aux besoins particuliers et aux conditions particulières de chaque génération successive. La révélation que je vous ai faite est une révélation vivante, et je désire qu'elle produise des fruits appropriés dans chaque individu et dans chaque génération, conformément aux lois de la croissance spirituelle, de l'accroissement, et du développement adaptatif. De génération en génération, il faut que cet évangile fasse preuve d'une vitalité croissante et montre une plus grande profondeur de pouvoir spirituel. Il ne faut pas le laisser devenir un simple souvenir sacré, une simple tradition à propos de moi et de l'époque où nous vivons présentement.

178:1.16 Et n'oubliez pas ceci : Nous n'avons directement attaqué ni les personnes ni l'autorité de ceux qui trônent sur le siège de Moïse ; nous leur avons simplement offert la lumière nouvelle qu'ils ont si énergiquement rejetée. Nous ne les avons attaqués qu'en dénonçant leur déloyauté spirituelle envers les vérités mêmes qu'ils prétendent enseigner et préserver. Nous sommes entrés en conflit avec ces dirigeants installés et ces chefs reconnus seulement quand ils se sont opposés directement à la prédication de l'évangile du royaume aux fils des hommes. Encore maintenant, ce n'est pas nous qui les attaquons, ce sont eux qui cherchent notre destruction. N'oubliez pas que vous êtes uniquement mandatés pour aller prêcher la bonne nouvelle. Il ne faut pas attaquer les anciens modes de vie ; il faut introduire habilement le levain de la nouvelle vérité au milieu des anciennes croyances. Laissez l'Esprit de Vérité accomplir son propre travail. N'ouvrez de controverse que si vous y êtes contraints par ceux qui méprisent la vérité. Mais, quand l'incroyant obstiné vous attaque, n'hésitez pas à défendre énergiquement la vérité qui vous a sauvés et sanctifiés.

178:1.17 À travers toutes les vicissitudes de la vie, souvenez-vous toujours de vous aimer les uns les autres. Ne luttez pas contre les hommes, même contre les incroyants. Montrez de la miséricorde même à ceux qui abusent outrageusement de vous. Soyez des citoyens loyaux, des artisans probes, des voisins dignes de louanges, des membres dévoués de votre famille, des parents compréhensifs et des croyants sincères à la fraternité du royaume du Père. Et mon esprit sera sur vous, maintenant et jusqu'à la fin du monde.

178:1.18 Quand Jésus eut terminé son enseignement, il était presque une heure de l'après-midi ; et ils rentrèrent immédiatement au camp, où David et ses associés avaient préparé le déjeuner.

178.2  Après le Repas de Midi

178:2.1 Très peu d'auditeurs du Maitre furent capables d'assimiler, même en partie, son allocution de la matinée. Parmi eux, ce furent les Grecs qui la comprirent le mieux. Même les onze apôtres furent déconcertés par ses allusions à des royaumes politiques futurs et à des générations successives de croyants au royaume. Les disciples de Jésus les plus dévoués ne pouvaient concilier la fin imminente de son ministère terrestre avec ces références à un long avenir d'activités évangéliques. Quelques-uns de ces Juifs croyants commençaient à pressentir que la plus grande tragédie du monde était sur le point d'avoir lieu ; mais ils ne pouvaient concilier ce désastre menaçant ni avec le comportement personnel de gaité indifférente du Maitre, ni avec son discours de la matinée, où il avait fait des allusions répétées aux futures opérations du royaume céleste s'étendant sur de vastes intervalles de temps et embrassant des relations avec de nombreux et successifs royaumes temporels terrestres.

178:2.2 Ce jour-là, à midi, tous les apôtres et disciples avaient appris que Lazare s'était enfui précipitamment de Béthanie. Ils commençaient à pressentir que les dirigeants juifs étaient farouchement résolus à se débarrasser de Jésus et de ses enseignements.

178:2.3 Par ses agents secrets à Jérusalem, David Zébédée était pleinement renseigné sur les progrès du plan pour arrêter et tuer Jésus. Il était parfaitement au courant du rôle de Judas dans le complot, mais il ne révéla jamais cette connaissance aux autres apôtres ni à aucun des disciples. Peu après le déjeuner, il prit Jésus à part et se permit de lui demander s'il savait... Mais il ne put jamais formuler entièrement sa question. Le Maitre leva la main pour l'interrompre et dit : « Oui, David, je suis au courant de tout, et je sais que tu es au courant, mais veille à n'en parler à personne. Seulement, ne doute pas, dans ton propre coeur, que la volonté de Dieu finira par prévaloir. »

178:2.4 La conversation avec David fut interrompue par l'arrivée d'un messager venant de Philadelphie ; il apportait la nouvelle qu'Abner avait eu vent du complot pour tuer Jésus et demandait s'il devait venir à Jérusalem. Ce coureur repartit en hâte pour Philadelphie avec le message suivant pour Abner : « Poursuis ton oeuvre. Si je me sépare physiquement de vous, c'est seulement pour pouvoir revenir en esprit. Je ne vous abandonnerai pas. Je vous accompagnerai jusqu'à la fin. »

178:2.5 À ce moment, Philippe vint trouver le Maitre et lui demanda : « Maitre, vu que l'heure de la Pâque approche, où voudrais-tu que nous préparions ce qu'il faut pour la manger ? » Après avoir écouté la question de Philippe, Jésus répondit : « Va chercher Pierre et Jean, et je vous donnerai des instructions concernant le souper que nous partagerons ce soir. Quant à la Pâque, vous en parlerez après avoir d'abord fait cela. »

178:2.6 Quand Judas entendit le Maitre parler de ces questions avec Philippe, il s'approcha pour essayer de surprendre leur entretien. Mais David Zébédée, qui se tenait à proximité, s'avança et entraina Judas dans une conversation, tandis que Philippe, Pierre et Jean allaient à l'écart pour causer avec le Maitre.

178:2.7 Jésus dit aux trois : « Allez immédiatement à Jérusalem. En franchissant la porte, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau. Il vous parlera, et ensuite vous le suivrez. Il vous conduira jusqu'à une maison où vous entrerez à sa suite et vous demanderez à l'honorable propriétaire : `Où est la salle des invités dans laquelle le Maitre doit prendre son souper avec ses apôtres ?' Lorsque vous vous serez ainsi enquis, le maitre de la maison vous montrera au premier étage une grande salle toute meublée et prête pour nous. »

178:2.8 Quand les apôtres arrivèrent à la ville, ils rencontrèrent, près de la porte, l'homme avec la cruche d'eau et le suivirent jusqu'à la maison de Jean Marc, où le père du garçon les reçut et leur montra la salle d'en haut préparée pour le repas du soir.

178:2.9 Tout ceci arriva par suite d'une entente conclue entre le Maitre et Jean Marc durant l'après-midi de la veille, alors qu'ils étaient seuls ensemble dans les collines. Jésus voulait être certain de prendre ce dernier repas avec ses apôtres sans être dérangé. Il pensait que, si Judas connaissait d'avance le lieu de la réunion, celui-ci pourrait prendre des dispositions avec ses ennemis pour s'y emparer de lui ; c'est pourquoi, il se mit secrètement d'accord avec Jean Marc. De cette manière, Judas ne connut le lieu de la réunion que plus tard, au moment où il y arriva en compagnie de Jésus et des autres apôtres.

178:2.10 David Zébédée avait beaucoup d'affaires à régler avec Judas, qui fut aisément empêché de suivre Pierre, Jean et Philippe comme il le désirait si vivement. Quand Judas donna à David une certaine somme d'argent pour les provisions, David lui dit : « Judas, étant donné les circonstances, ne serait-il pas opportun que tu me remettes un peu d'argent en anticipant sur mes besoins actuels ? » Judas réfléchit un moment puis répondit : « Oui, David, je crois que ce serait sage. En fait, vu les conditions troublées à Jérusalem, je crois que le mieux serait de te donner tout l'argent. On complote contre le Maitre, et, au cas où il m'arriverait quelque chose, tu ne serais pas gêné. »

178:2.11 David reçut donc tous les fonds apostoliques liquides et tous les reçus de l'argent en dépôt. Les apôtres n'apprirent cette opération que dans la soirée du lendemain.

178:2.12 Il était environ quatre heures et demie lorsque les trois apôtres revinrent et informèrent Jésus que tout était prêt pour le souper. Le Maitre se prépara immédiatement à conduire ses douze apôtres à Jérusalem par la piste qui rejoignait la route de Béthanie. Ce fut son dernier déplacement avec le groupe complet des douze.

178.3  En Chemin vers le Souper

178:3.1 Cherchant de nouveau à éviter les foules qui circulaient par la vallée du Cédron entre le Parc de Gethsémani et Jérusalem, Jésus et les douze passèrent par la crête occidentale du mont Olivet pour rejoindre la route descendant de Béthanie dans la ville. Lorsqu'ils approchèrent de l'endroit où Jésus s'était arrêté la veille au soir pour discourir sur la destruction de Jérusalem, ils firent inconsciemment une halte et se tinrent là en regardant silencieusement la ville. Ils étaient un peu en avance sur leur horaire et, puisque Jésus ne désirait pas traverser la ville avant le coucher du soleil, il dit à ses associés :

178:3.2 « Asseyez-vous et reposez-vous pendant que je vous parlerai de ce qui doit arriver incessamment. Au cours de toutes ces années, j'ai vécu en vous considérant comme mes frères ; je vous ai appris la vérité au sujet du royaume des cieux, et je vous en ai révélé les mystères. En vérité, mon Père a accompli de nombreux prodiges liés à ma mission terrestre. Vous avez été témoins de tout cela, et vous avez participé à l'expérience d'être des compagnons de travail de Dieu. Vous êtes témoins que, depuis quelque temps, je vous ai avertis qu'il me faudrait bientôt retourner à la tâche que le Père m'a assignée. Je vous ai nettement dit qu'il me fallait vous laisser dans le monde pour continuer l'oeuvre du royaume. C'est pour cette raison que je vous ai pris à part, dans les collines de Capharnaüm. Il faut maintenant vous préparer à partager avec d'autres l'expérience que vous avez eue avec moi. De même que le Père m'a envoyé dans ce monde, de même je vais vous y envoyer pour me représenter et achever l'oeuvre que j'ai commencée.

178:3.3 « Vous contemplez cette ville avec tristesse, car vous avez entendu mes paroles annonçant la fin de Jérusalem. Je vous en ai avertis longtemps d'avance, de crainte que vous ne périssiez dans sa destruction et que cela ne retarde la proclamation de l'évangile du royaume. De même, je vous préviens de prendre garde et de ne pas vous exposer inutilement au péril, au moment de l'arrestation du Fils de l'Homme. Il faut que je m'en aille, mais vous devez rester pour témoigner en faveur de cet évangile après mon départ ; de même, j'ai ordonné à Lazare de fuir la colère des hommes pour qu'il puisse vivre et faire connaître la gloire de Dieu. Si c'est la volonté du Père que je parte, rien de ce que vous ferez ne pourra contrecarrer le plan divin. Prenez garde à vous, de crainte que l'on ne vous tue aussi. Que vos âmes défendent courageusement l'évangile par le pouvoir de l'esprit, mais ne vous laissez pas aller à de folles tentatives pour défendre le Fils de l'Homme. Je n'ai besoin d'aucune protection humaine ; les armées célestes sont maintenant même à proximité. Mais je suis décidé à faire la volonté de mon Père qui est aux cieux, et c'est pourquoi il faut nous soumettre à ce qui va si prochainement nous arriver.

178:3.4 « Quand vous verrez cette cité détruite, n'oubliez pas que vous serez déjà entrés dans la vie éternelle de service perpétuel dans le royaume, toujours progressant, des cieux, et même du ciel des cieux. Vous devriez savoir qu'il y a de nombreuses demeures dans l'univers de mon Père et dans le mien, et qu'une révélation attend les enfants de lumière, la révélation de villes bâties par Dieu et de mondes dont les habitudes de vie sont la droiture et la joie dans la vérité. Je vous ai apporté le royaume céleste ici sur terre, mais je déclare que tous ceux d'entre vous qui y entrent par la foi, et y demeurent par le service vivant de la vérité, s'élèveront sûrement dans les mondes supérieurs et siègeront avec moi dans le royaume spirituel de notre Père. Mais il faut d'abord vous cuirasser et parachever l'oeuvre que vous avez entreprise avec moi. Il vous faut d'abord passer par bien des tribulations et souffrir beaucoup de chagrins - et ces épreuves sont maintenant imminentes. Quand vous aurez terminé votre oeuvre terrestre, vous entrerez dans ma joie, de même que j'ai achevé sur terre l'oeuvre de mon Père et que je vais retourner vers son embrassement. »

178:3.5 Après avoir ainsi parlé, le Maitre se leva, et tous le suivirent sur la descente d'Olivet et entrèrent avec lui dans la ville. En dehors de Philippe, Pierre et Jean, aucun des apôtres ne savait où ils allaient tandis qu'ils poursuivaient leur chemin dans les rues étroites de Jérusalem et que la nuit tombait. La foule les bousculait, mais nul ne les reconnut ni ne sut que le Fils de Dieu passait par là en allant à son dernier rendez-vous humain avec ses ambassadeurs choisis du royaume. Les apôtres ne savaient pas non plus que l'un d'entre eux faisait déjà partie d'une conspiration destinée à livrer traitreusement le Maitre aux mains de ses ennemis.

178:3.6 Jean Marc les avait suivis tout le long de la route jusqu'à leur entrée dans la ville. Lorsqu'ils en eurent franchi la porte, il courut chez lui par une autre rue, de sorte qu'il les attendait pour les accueillir à leur arrivée chez son père.

179. Le Dernier Souper

179:0.1 DURANT l'après-midi de ce jeudi, lorsque Philippe rappela au Maitre que la Pâque approchait et s'enquit de ses plans pour la célébrer, il pensait au souper de la Pâque qui devait avoir lieu le lendemain soir, vendredi. La coutume voulait que l'on commençât les préparatifs de la célébration au plus tard à midi la veille de la Pâque. Or, les Juifs comptaient les journées à partir du coucher du soleil ; cela signifiait que le souper du samedi de la Pâque aurait lieu le vendredi soir avant minuit.

179:0.2 Les apôtres ne parvenaient donc absolument pas à comprendre l'annonce du Maitre qu'ils célèbreraient la Pâque un jour plus tôt. Ils crurent, ou du moins certains crurent, que Jésus savait qu'il serait arrêté avant l'heure du souper de la Pâque le vendredi soir, et qu'en conséquence, il les réunissait pour un souper spécial ce jeudi soir. D'autres pensèrent qu'il s'agissait simplement d'une occasion particulière précédant la célébration régulière de la Pâque.

179:0.3 Les apôtres savaient que Jésus avait célébré d'autres Pâques sans agneau ; ils savaient qu'il ne participait personnellement à aucun office sacrificiel du système juif. Il avait maintes fois mangé de l'agneau pascal à titre d'invité, mais, quand il recevait, on ne servait jamais d'agneau. Les apôtres n'auraient pas été surpris de voir l'agneau supprimé, même le soir de la Pâque, et, puisque ce souper avait lieu un jour plus tôt, l'absence d'agneau passa inaperçue.

179:0.4 Après que le père et la mère de Jean Marc leur eurent souhaité la bienvenue, les apôtres montèrent immédiatement dans la salle du haut, tandis que Jésus s'attardait à causer avec la famille Marc.

179:0.5 Il avait été convenu d'avance que Jésus célèbrerait cette fête seul avec ses douze apôtres, et, en conséquence, on n'avait prévu aucun serviteur pour les servir.

179.1  Le Désir d'Être Préféré

179:1.1 Quand les apôtres eurent été conduits au premier étage par Jean Marc, ils virent une salle vaste et commode, complètement apprêtée pour le souper. Ils remarquèrent que le pain, le vin, l'eau et les herbes étaient tout prêts à une extrémité de la table. Sauf à cette extrémité où se trouvaient le pain et le vin, la longue table était entourée de treize divans pour s'étendre, exactement comme elle aurait été préparée pour la célébration de la Pâque dans une famille juive aisée.

179:1.2 Tandis que les douze entraient dans cette pièce, ils remarquèrent, tout près de la porte, les cruches d'eau, les bassines et les serviettes destinées au lavage de leurs pieds poussiéreux. Aucun serviteur n'ayant été prévu pour leur rendre ce service, les apôtres commencèrent à se regarder les uns les autres dès que Jean Marc les eut quittés, et chacun se mit à penser en lui-même : Qui va nous laver les pieds ? Et chacun pensa également que ce ne serait pas lui qui assumerait ce rôle apparent de serviteur des autres.

179:1.3 Tandis qu'ils se tenaient là, agitant la question dans leur coeur, ils promenèrent leur regard sur l'arrangement des sièges autour de la table et remarquèrent le divan surélevé de l'hôte d'honneur, avec un divan à sa droite et onze autres disposés autour de la table, le dernier faisant face au second siège d'honneur placé à droite du divan de l'hôte.

179:1.4 Ils attendaient l'arrivée du Maitre à tout moment, mais ils étaient dans l'embarras, ne sachant s'ils devaient s'assoir ou attendre sa venue en comptant sur lui pour leur désigner leur place. Tandis qu'ils hésitaient, Judas s'avança vers le siège d'honneur à gauche de l'hôte, et signifia qu'il avait l'intention de s'y allonger à titre de convive préféré. Cet acte de Judas provoqua immédiatement une violente dispute parmi les autres apôtres. À peine Judas s'était-il emparé du siège d'honneur que Jean Zébédée prétendit occuper le second siège d'honneur, à droite de l'hôte. Simon Pierre fut tellement furieux de la prétention de Judas et de Jean à des positions de choix que, sous les regards irrités des autres apôtres, il tourna autour de la table et prit sa place sur le divan le plus bas, à la fin de la rangée, exactement à l'opposé de celui choisi par Jean Zébédée. D'autres apôtres ayant pris possession des sièges élevés, Pierre s'était décidé à choisir le plus bas non seulement pour protester contre l'orgueil indécent de ses compagnons, mais avec l'espoir qu'en entrant et en le voyant à la place la moins honorifique, Jésus le ferait monter à une place plus élevée, et déplacerait ainsi un apôtre ayant eu la présomption de s'honorer lui-même.

179:1.5 La position la plus élevée et la position la plus basse étant ainsi occupées, les autres apôtres choisirent leurs places, les uns près de Judas, et les autres près de Pierre, jusqu'à ce qu'ils fussent tous installés. Sur ces divans autour de la table en forme d'U, ils étaient assis dans l'ordre suivant : à droite du Maitre, Jean ; à gauche du Maitre, Judas, Simon Zélotès, Matthieu, Jacques Zébédée, André, les jumeaux Alphée, Philippe, Nathanael, Thomas et Simon Pierre.

179:1.6 Ils sont réunis pour célébrer, au moins en esprit, une institution datant même d'avant Moïse et qui se référait à l'époque où leurs ancêtres étaient esclaves en Égypte. Ce souper est leur dernier rendez-vous avec Jésus, et, même dans ce cadre solennel, les apôtres, sous la conduite de Judas, sont amenés une fois de plus à céder à leur ancienne prédilection pour les honneurs, la préférence et l'élévation personnelle.

179:1.7 Ils étaient encore en train de récriminer avec irritation lorsque le Maitre apparut dans l'embrasure de la porte, où il hésita un instant, tandis qu'une expression de désappointement gagnait lentement son visage. Il prit sa place sans commentaire et ne changea rien aux dispositions que les apôtres avaient prises pour les leurs.

179:1.8 Ils étaient maintenant prêts pour le souper, sauf que leurs pieds n'étaient pas encore lavés et que leur humeur n'était rien moins que plaisante. À l'arrivée du Maitre, ils étaient encore en train de se faire des observations peu flatteuses les uns sur les autres, sans parler des pensées de certains d'entre eux, qui avaient suffisamment de contrôle émotif pour s'abstenir d'exprimer ouvertement leurs sentiments.

179.2  Le Début du Souper

179:2.1 Pendant quelques instants après que le Maitre eut pris sa place, aucune parole ne fut prononcée. Jésus promena son regard sur eux et détendit l'atmosphère avec un sourire en disant : « J'ai grandement désiré manger cette Pâque avec vous. Je voulais prendre une fois de plus un repas avec vous avant de souffrir. Sachant que mon heure est arrivée, j'ai pris des dispositions pour souper avec vous ce soir, car, en ce qui concerne demain, nous sommes tous entre les mains du Père, dont je suis venu exécuter la volonté. Je ne mangerai plus avec vous avant que vous ne siégiez avec moi dans le royaume que mon Père me donnera quand j'aurai achevé ce pourquoi il m'a envoyé dans ce monde. »

179:2.2 Après qu'ils eurent mélangé le vin et l'eau, ils apportèrent la coupe à Jésus qui la reçut des mains de Thaddée et la tint en rendant grâces. Quand il eut fini de rendre grâces, il dit : « Prenez cette coupe et partagez-la entre vous, et, quand vous boirez, réalisez que je ne boirai plus du fruit de la vigne avec vous, car c'est notre dernier souper. Quand nous siègerons encore de cette manière, ce sera dans le royaume à venir. »

179:2.3 Jésus commença à parler ainsi à ses apôtres parce qu'il savait que son heure était venue. Il comprenait que le moment était arrivé où il devait retourner auprès du Père et où son oeuvre terrestre était presque achevée. Le Maitre savait qu'il avait révélé, sur terre, l'amour du Père et proclamé sa miséricorde à l'humanité, et qu'il avait parachevé ce pourquoi il était venu dans le monde, jusqu'à recevoir tout pouvoir et toute autorité dans le ciel et sur terre. De même, il savait que Judas Iscariot avait pleinement résolu de le livrer ce soir-là à ses ennemis. Il réalisait parfaitement que cette trahison était l'oeuvre de Judas, mais aussi qu'elle plaisait à Lucifer, à Satan et à Caligastia, le prince des ténèbres. Mais il ne craignait aucun de ceux qui cherchaient à abolir son pouvoir spirituel, pas plus qu'il ne craignait ceux qui cherchaient à le faire mourir physiquement. Le Maitre n'avait qu'une inquiétude, et elle concernait la sécurité et le salut de ses disciples choisis. Ainsi donc, sachant pleinement que le Père avait placé toutes choses sous son autorité, le Maitre se prépara à mettre en pratique la parabole de l'amour fraternel.

179.3  Le Lavement des Pieds des Apôtres

179:3.1 Après que l'hôte eut bu la première coupe de la Pâque, la coutume juive voulait qu'il se lève de table et se lave les mains. Au cours du repas, et après la seconde coupe, tous les invités se levaient également et se lavaient les mains. Les apôtres savaient que le Maitre n'observait jamais ces rites de lavage cérémoniel des mains ; ils étaient donc curieux de savoir ce qu'il avait l'intention de faire après qu'ils auraient partagé cette première coupe. Or, le Maitre se leva de table et se dirigea silencieusement vers la porte auprès de laquelle les cruches d'eau, les bassines et les serviettes avaient été placées. La curiosité des apôtres se changea en étonnement lorsqu'ils le virent ôter son vêtement, se ceindre d'une serviette et commencer à verser de l'eau dans l'un des pédiluves. Imaginez la stupéfaction de ces douze hommes, qui venaient de refuser de se laver mutuellement les pieds et de se disputer indécemment au sujet des places d'honneur à table, quand ils virent le Maitre contourner la table vers le siège le plus bas du festin, où Simon Pierre était allongé, et s'agenouiller dans l'attitude d'un serviteur se préparant à laver les pieds de Simon. Lorsque le Maitre s'agenouilla, les douze se levèrent comme un seul homme ; même le traitre Judas oublia pour un moment son infamie au point de se lever avec ses compagnons dans cette expression de surprise, de respect et de profonde stupéfaction.

179:3.2 Voilà donc Simon Pierre regardant le visage redressé de son Maitre. Jésus ne dit rien ; il était inutile qu'il parle. Son attitude révélait clairement qu'il se proposait de laver les pieds de Simon Pierre. Malgré ses faiblesses humaines, Pierre aimait le Maitre. Ce pêcheur galiléen fut le premier être humain à croire de tout coeur à la divinité de Jésus et à confesser pleinement et publiquement cette croyance. Et, depuis lors, Pierre n'avait plus jamais vraiment douté de la nature divine du Maitre. Puisque Pierre révérait et honorait pareillement Jésus dans son coeur, il n'était pas surprenant que son âme fut froissée à l'idée que Jésus était agenouillé là devant lui, tel un banal serviteur, et se proposait de lui laver les pieds comme l'aurait fait un esclave. Lorsque Pierre se ressaisit suffisamment pour parler au Maitre, il exprima les sentiments du coeur de tous ses compagnons apôtres.

179:3.3 Après ces quelques moments de grand embarras, Pierre dit : « Maitre, as-tu réellement l'intention de me laver les pieds ? » Relevant la tête pour regarder Pierre en face, Jésus dit : « Peut-être ne comprends-tu pas pleinement ce que je vais faire, mais, plus tard, tu connaîtras la signification de toutes ces choses. » Alors, Simon Pierre prit une longue respiration et dit : « Maitre, jamais tu ne me laveras les pieds. » Et chacun des apôtres approuva d'une signe de tête la ferme déclaration de Pierre refusant de laisser Jésus s'humilier ainsi devant eux.

179:3.4 L'appel dramatique de cette scène inaccoutumée toucha, tout d'abord, même le coeur de Judas Iscariot ; mais, lorsque son vaniteux intellect jugea le spectacle, il conclut que ce geste d'humilité était simplement un épisode supplémentaire apportant la preuve concluante que Jésus ne serait jamais qualifié pour être le libérateur d'Israël, et que lui, Judas, ne s'était pas trompé en décidant d'abandonner la cause du Maitre.

179:3.5 Tandis que les apôtres stupéfaits retenaient leur souffle, Jésus dit : « Pierre, je déclare que, si je ne te lave pas les pieds, tu ne participeras pas à l'oeuvre que je vais accomplir. » Lorsque Pierre entendit cette déclaration, doublée du fait que Jésus restait agenouillé à ses pieds, il prit une de ces décisions d'acquiescement aveugle consistant à accéder au désir de celui qu'il respectait et aimait. Comme Simon Pierre commençait à se rendre compte que cet acte de service projeté comportait une signification qui déterminerait les liens futurs de l'intéressé avec l'oeuvre du Maitre, non seulement il admit l'idée que Jésus lui lave les pieds, mais encore, de sa manière caractéristique et impétueuse, il dit : « Alors, Maitre, ne me lave pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête. »

179:3.6 Tandis que le Maitre se préparait à laver les pieds de Pierre, il dit : « Celui qui est déjà pur n'a besoin que d'avoir ses pieds lavés. Vous, qui êtes assis avec moi aujourd'hui, vous êtes purs - mais pas tous. Toutefois, la poussière de vos pieds aurait dû être lavée avant que vous ne preniez place au repas avec moi. En outre, je voudrais accomplir ce service pour vous à titre de parabole pour illustrer la signification d'un nouveau commandement que je vais bientôt vous donner. »

179:3.7 De la même manière, le Maitre fit le tour de la table en silence et lava les pieds des douze apôtres sans même en excepter Judas. Lorsqu'il eut fini de laver les pieds des douze, il remit son vêtement, retourna à sa place d'hôte, puis, après avoir regardé ses apôtres déconcertés, il dit :

179:3.8 « Comprenez-vous réellement ce que je vous ai fait ? Vous m'appelez Maitre, et vous dites bien, car je le suis. Si donc le Maitre vous a lavé les pieds, pourquoi n'étiez-vous pas disposés à vous les laver mutuellement ? Quelle leçon devriez-vous apprendre de cette parabole où le Maitre rend si volontiers le service que ses frères ne voulaient pas se rendre l'un à l'autre ? En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n'est pas plus grand que son Maitre, ni l'envoyé plus grand que celui qui l'envoie. Dans ma vie parmi vous, vous avez vu la manière de servir, et bénis sont ceux qui ont la grâce et le courage de servir ainsi. Mais pourquoi êtes-vous si lents à apprendre que le secret de la grandeur dans le royaume spirituel ne ressemble pas aux méthodes de pouvoir dans le monde matériel ?

179:3.9 « Quand je suis entré ce soir dans cette salle, vous ne vous contentiez pas de refuser orgueilleusement de vous laver réciproquement les pieds, mais il fallait aussi que vous vous disputiez les places d'honneur à ma table. Ces honneurs-là sont recherchés par les pharisiens et les enfants de ce monde, mais il ne devrait pas en être ainsi parmi les ambassadeurs du royaume céleste. Ne savez-vous pas que ma table ne comporte aucune place de préférence ? Ne comprenez-vous pas que j'aime chacun de vous autant que les autres ? Ignorez-vous que la place à côté de moi, considérée comme honorifique par les hommes, peut ne rien signifier quant à votre position dans le royaume des cieux ? Vous savez que les rois des Gentils ont la souveraineté sur leurs sujets, et que l'on appelle parfois bienfaiteurs ceux qui exercent cette autorité. Mais il n'en sera pas ainsi dans le royaume des cieux. Que celui qui veut être grand devienne le cadet et que celui qui veut être chef devienne celui qui sert. Qui est le plus grand, celui qui siège au repas ou celui qui le sert ? Ne considère-t-on pas en général que celui qui est assis à table est le plus grand ? Mais vous observerez que je suis parmi vous comme celui qui sert. Si vous voulez bien être mes compagnons dans le service en accomplissant la volonté du Père, vous siègerez avec moi en puissance dans le royaume à venir, en continuant à faire la volonté du Père dans la gloire future. »

179:3.10 Quand Jésus eut fini de parler, les jumeaux Alphée apportèrent le pain et le vin, avec les herbes amères et la pâte de fruits secs, qui composaient le plat suivant du Dernier Souper.

179.4  Dernières Paroles au Traitre

179:4.1 Durant quelques minutes, les apôtres mangèrent en silence, mais, sous l'influence de l'attitude de bonne humeur du Maitre, ils furent bientôt entrainés dans des conversations, et le repas ne tarda pas à se poursuivre comme si rien d'anormal ne s'était passé pour troubler la bonne humeur et l'aménité sociale de cette réunion extraordinaire. Après un moment, vers le milieu de ce second service du repas, Jésus promena son regard sur les apôtres et dit : « Je vous ai dit combien je désirais prendre ce souper avec vous. Sachant de quelle façon les forces des ténèbres ont conspiré pour faire mourir le Fils de l'Homme, j'ai décidé de prendre ce souper avec vous dans cette salle secrète, un jour d'avance sur la Pâque, car demain soir, à cette heure, je ne serai plus avec vous. Je vous ai maintes fois répété que je dois retourner auprès du Père. Maintenant, mon heure est venue, mais il n'était pas nécessaire que l'un de vous me trahisse et me livre à mes ennemis. »

179:4.2 La parabole du lavement des pieds et le discours subséquent du Maitre avaient déjà fait perdre aux apôtres une bonne partie de leur outrecuidance et de leur présomption. Quand ils entendirent cela, ils commencèrent à se regarder les uns les autres et à demander avec hésitation d'un ton déconcerté : « Est-ce moi ? » Quand ils eurent tous posé la même question, Jésus dit : « Alors qu'il est nécessaire que je retourne auprès du Père pour accomplir sa volonté, il n'était pas requis que l'un de vous devienne un traitre. Ceci est la maturation du mal caché dans le coeur de l'un de vous, qui n'a pas réussi à aimer la vérité de toute son âme. Combien est trompeur l'orgueil intellectuel qui précède la chute spirituelle ! Mon ami de longue date, qui mange actuellement mon pain, est prêt à me trahir, même pendant qu'il trempe sa main avec moi dans le plat. »

179:4.3 Quand Jésus eut ainsi parlé, les douze recommencèrent tous à demander : « Est-ce moi ? » Quand Judas, assis à la gauche du Maitre, redemanda « Est-ce moi ? » , Jésus trempa du pain dans le plat d'herbes et le tendit à Judas en disant : « Tu l'as dit. » Mais les autres n'entendirent pas Jésus parler à Judas. Jean, qui était allongé à la droite de Jésus, se pencha et demanda au Maitre : « Qui est-ce ? Nous devrions savoir qui est infidèle à sa mission. » Jésus répondit : « Je vous ai déjà dit que c'est celui à qui j'ai donné le pain trempé. » Mais il était si naturel qu'un hôte donne du pain trempé au convive assis à sa gauche qu'aucun des douze n'y prêta attention, bien que le Maitre se fût clairement exprimé. Mais Judas fut douloureusement conscient de la signification des paroles du Maitre associées à son acte, et il se mit à craindre que ses compagnons ne se rendent également compte, maintenant, que c'était lui, le traitre.

179:4.4 Pierre était fort excité par ce qui avait été dit. Il se pencha sur la table et interpella Jean : « Demande-lui qui c'est, ou s'il te l'a fait savoir, dis-moi qui est le traitre. »

179:4.5 Jésus mit fin à leurs chuchotements en disant : « Je suis attristé que ce mal soit arrivé et j'ai espéré jusqu'à la minute présente que le pouvoir de la vérité pourrait triompher des duperies du mal, mais on ne gagne pas de telles victoires sans la foi résultant d'un sincère amour de la vérité. Je n'aurais pas voulu vous dire ces choses à notre dernier souper, mais je désire vous avertir de ces chagrins et vous préparer ainsi à ce qui nous attend sous peu. Je vous ai dit cela parce que je souhaite qu'après mon départ, vous vous souveniez que je connaissais tous ces perfides complots, et que je vous ai avertis que j'allais être trahi. Je fais tout cela uniquement pour vous fortifier en vue des tentations et des épreuves imminentes. »

179:4.6 Après avoir ainsi parlé, Jésus se pencha vers Judas et dit : « Ce que tu as décidé de faire, fais-le promptement. » Lorsque Judas entendit ces paroles, il se leva de table et quitta hâtivement la salle, sortant dans la nuit pour faire ce qu'il avait décidé d'accomplir. Quand les autres apôtres virent Judas partirent précipitamment après que le Maitre lui eut parlé, ils crurent qu'il était allé chercher un mets supplémentaire pour le repas ou faire quelque autre commission pour le Maitre, car ils supposaient que Judas portait encore la bourse.

179:4.7 Jésus savait que, désormais, il n'y avait plus rien à faire pour empêcher Judas de devenir un traitre. Il avait commencé avec douze apôtres - il n'en avait plus que onze. Il en avait choisi six. Bien que Judas fût parmi ceux qui avaient été nommés par ses premiers apôtres choisis, le Maitre l'avait accepté. Jusqu'à cette dernière minute, il avait fait l'impossible pour le sanctifier et le sauver, de même qu'il avait oeuvré pour la paix et le salut des autres.

179:4.8 Avec ses témoignages d'affection nuancés d'attendrissement, ce souper fut le dernier appel de Jésus au déserteur Judas, mais cet appel eut lieu en vain. Une fois que l'amour est réellement mort, les avertissements, même quand ils vous sont donnés avec le maximum de tact, et transmis dans l'esprit le plus amical, n'aboutissent généralement qu'à intensifier la haine et à enflammer la mauvaise résolution d'exécuter entièrement vos propres projets égoïstes.

179.5  L'Institution du Souper du Souvenir

179:5.1 Quand ils apportèrent à Jésus la troisième coupe de vin, la « coupe de la bénédiction » , il se leva de son divan et prit la coupe dans ses mains, la bénit en disant : « Prenez cette coupe et buvez-en tous. Ce sera la coupe de mon souvenir. C'est la coupe de la bénédiction d'une nouvelle dispensation de grâce et de vérité. Ceci sera pour vous l'emblème de l'effusion et du ministère du divin Esprit de Vérité. Et je ne boirai plus cette coupe avec vous jusqu'à ce que je boive sous une nouvelle forme avec vous dans le royaume éternel du Père. »

179:5.2 Tandis qu'ils buvaient cette coupe de la bénédiction avec un profond respect et en parfait silence, tous les apôtres perçurent qu'il se passait quelque chose hors de l'ordinaire. L'ancienne Pâque commémorait l'émergence de leurs pères d'un état d'esclavage racial à leur accession à la liberté individuelle. Maintenant, le Maitre instituait un nouveau souper du souvenir, symbolisant la nouvelle dispensation où l'individu asservi émerge de l'esclavage du cérémoniel et de l'égoïsme, et accède à la joie spirituelle de la fraternité et de la communauté des fils du Dieu vivant libérés par la foi.

179:5.3 Quand ils eurent fini de boire cette nouvelle coupe du souvenir, le Maitre prit le pain et, après avoir rendu grâce, le rompit en morceaux et leur demanda de le faire passer en disant : « Prenez ce pain du souvenir et mangez-le. Je vous ai dit que je suis le pain de vie. Et ce pain de vie est la vie unifiée du Père et du Fils en un seul don. La parole du Père, telle qu'elle est révélée dans le Fils, est en vérité le pain de vie. » Quand ils eurent partagé le pain du souvenir, symbole de la parole vivante de vérité incarnée dans la similitude de la chair mortelle, ils se rassirent tous.

179:5.4 En instituant ce souper du souvenir, le Maitre eut recours, comme il en avait toujours l'habitude, à des paraboles et à des symboles. Il employait des symboles parce qu'il voulait enseigner certaines grandes vérités spirituelles d'une manière qui rendrait malaisé à ses successeurs d'attacher à ses paroles des interprétations précises et des significations définies. Il cherchait ainsi à empêcher des générations successives de cristalliser son enseignement et d'immobiliser ses significations spirituelles par les chaines mortes des traditions et des dogmes. En établissant l'unique cérémonie, ou sacrement, associée à l'ensemble de la mission de sa vie, Jésus prit grand soin de suggérer ses significations plutôt que de s'en remettre à des définitions précises. Il ne souhaitait pas détruire, par l'établissement d'un cérémonial précis, le concept individuel de la communion divine, et ne voulait pas non plus limiter l'imagination spirituelle des croyants en la paralysant d'une manière formelle. Il cherchait plutôt à libérer l'âme humaine née à nouveau, afin qu'elle prenne son envol sur les ailes joyeuses d'une liberté spirituelle nouvelle et vivante.

179:5.5 Malgré l'effort du Maitre pour établir ainsi ce nouveau sacrement du souvenir, ses successeurs, au cours des siècles, se chargèrent de contrecarrer efficacement son désir formel de telle manière que le symbolisme spirituel simple de cette dernière soirée d'incarnation a été réduit à des interprétations strictes et enserré dans la précision presque mathématique d'une formule fixe. De tous les enseignements de Jésus, aucun n'a été plus uniformisé par la tradition.

179:5.6 Quand le souper du souvenir est partagé par ceux qui croient au Fils et qui connaissent Dieu, son symbolisme n'a besoin d'être associé à aucune des fausses interprétations humaines et puériles concernant la signification de la présence divine, car, en toutes ces occasions, le Maitre est réellement présent. Le souper du souvenir est le rendez-vous symbolique du croyant avec Micaël. Quand on devient ainsi conscient de l'esprit, le Fils est effectivement présent, et son esprit fraternise avec le fragment intérieur de son Père.

179:5.7 Après qu'ils eurent médité durant quelques moments, Jésus poursuivit : « Quand vous ferez ces choses, souvenez-vous de la vie que j'ai vécue sur terre parmi vous, et réjouissez-vous du fait que je vais continuer à vivre sur terre avec vous et servir par vous. En tant qu'individus, n'ayez pas entre vous de contestations sur qui sera le plus grand. Soyez tous comme des frères. Quand le royaume aura grandi au point d'englober d'importants groupes de croyants, vous devriez également éviter la lutte pour la notoriété ou la recherche des honneurs entre ces groupes. »

179:5.8 Ce grandiose évènement eut lieu dans la salle d'en haut d'un ami. Ni le souper ni la maison ne comportaient une forme sacrée ou une consécration cérémonielle. Le souper du souvenir fut établi sans approbation ecclésiastique.

179:5.9 Après avoir instauré le souper du souvenir, Jésus dit aux apôtres : « Chaque fois que vous ferez cela, faites-le en souvenir de moi. Et, quand vous vous souviendrez de moi, faites d'abord un retour sur ma vie dans la chair, rappelez-vous que j'ai été jadis avec vous et, ensuite, discernez par la foi que vous souperez tous un jour avec moi dans le royaume éternel du Père. Ceci est la nouvelle Pâque que je vous laisse, le souvenir même de la vie d'effusion, la parole de vérité éternelle et de mon amour pour vous, l'effusion de mon Esprit de Vérité sur toute chair. »

179:5.10 Puis ils terminèrent la célébration de l'ancienne Pâque, mais sans effusion de sang en relation avec l'inauguration du nouveau souper du souvenir en chantant tous ensemble le psaume cent-dix-huit.

180. Le Discours d'Adieu

180:0.1 APRÈS avoir chanté le psaume à la fin du Dernier Souper, les Apôtres pensèrent que Jésus avait l'intention de retourner immédiatement au camp, mais il leur fit signe de s'assoir. Le Maitre dit :

180:0.2 « Vous vous souvenez bien que je vous ai une fois envoyés en mission sans bourse ni sac, et même en vous recommandant de n'emporter aucun vêtement de rechange. Et vous vous rappelez tous que vous n'avez manqué de rien. Mais, aujourd'hui, vous entrez dans une époque de troubles, et vous ne pouvez plus compter sur la bonne volonté des foules. Désormais, que celui qui a une bourse la porte sur lui. Quand vous irez dans le monde pour proclamer l'évangile, prenez, pour votre entretien, les dispositions que vous croirez les meilleures. Je suis venu apporter la paix, mais elle n'apparaîtra pas avant un certain temps.

180:0.3 « L'heure de la glorification du Fils de l'Homme est maintenant venue, et le Père sera glorifié en moi. Mes amis, je ne serai plus avec vous que pour peu de temps. Bientôt, vous me chercherez, mais vous ne me trouverez pas, car je vais en un lieu où, pour l'heure, vous n'avez pas accès. Mais, quand vous aurez achevé votre oeuvre terrestre comme j'ai maintenant terminé la mienne, vous viendrez auprès de moi, de même que je me prépare maintenant à aller auprès de mon Père. Dans très peu de temps, je vais vous quitter, et vous ne me verrez plus sur terre, mais vous me verrez tous dans l'âge à venir quand vous vous élèverez dans le royaume que mon Père m'a donné. »

180.1  Le Nouveau Commandement

180:1.1 Après quelques moments de conversation amicale, Jésus se leva et dit : « Quand je vous ai présenté une parabole montrant comment vous devriez être disposés à vous servir les uns les autres, j'ai dit que je désirais vous donner un nouveau commandement ; je voudrais le faire maintenant puisque je suis sur le point de vous quitter. Vous connaissez bien le commandement qui vous ordonne de vous aimer les uns les autres ; que vous aimiez votre prochain comme vous-même. Mais même cette dévotion sincère de la part de mes enfants ne me satisfait pas entièrement. Je voudrais vous voir accomplir des actes d'amour encore plus grands dans le royaume de la fraternité des croyants. Je vous donne donc ce nouveau commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Si vous faites cela, si vous vous aimez ainsi les uns les autres, tous les hommes sauront que vous êtes mes disciples.

180:1.2 « En vous donnant ce nouveau commandement, je ne charge vos âmes d'aucun fardeau supplémentaire ; je vous apporte plutôt une nouvelle joie et je vous donne la possibilité d'éprouver un nouveau plaisir en connaissant les délices d'effuser l'affection de votre coeur sur vos semblables. Même en supportant extérieurement des afflictions, je suis sur le point d'éprouver la joie suprême d'effuser mon amour sur vous et vos compagnons mortels.

180:1.3 « Quand je vous invite à vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés, je vous présente la mesure suprême de la véritable affection, car nul ne peut avoir de plus grand amour que d'être prêt à donner sa vie pour ses amis. Or, vous êtes mes amis, et vous continuerez à l'être, pourvu que vous vouliez bien faire ce que je vous ai enseigné. Vous m'avez appelé Maitre, mais je ne vous appelle pas serviteurs. Si seulement vous vous aimez les uns les autres comme je vous aime, vous serez mes amis et je vous dirai toujours ce que le Père me révèle.

180:1.4 « Vous ne m'avez pas simplement choisi, mais, moi aussi, je vous ai choisis, et je vous ai conféré l'ordination afin que vous alliez porter des fruits dans le monde en servant vos semblables avec amour, de même que j'ai vécu parmi vous en vous révélant le Père. Le Père et moi, nous opèrerons tous deux avec vous, et vous éprouverez la divine plénitude de la joie si seulement vous voulez obéir à mon commandement de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. »

180:1.5 Si vous voulez partager la joie du Maitre, vous devez partager son amour, et partager son amour signifie que vous avez partagé son service. Cette expérience d'amour ne vous délivre pas des difficultés de ce monde ; elle ne crée pas un nouveau monde, mais il est certain qu'elle rend l'ancien monde nouveau.

180:1.6 Souvenez-vous que c'est la fidélité, et non le sacrifice, que Jésus demande. La conscience de faire un sacrifice implique l'absence de cette affection sincère qui aurait transformé ce service expression de l'amour en une joie suprême. L'idée de devoir signifie que vous avez une mentalité de serviteur, et qu'en conséquence, vous n'éprouverez pas la joie suprême d'accomplir ce service en tant qu'ami et pour un ami. L'impulsion de l'amitié transcende toute conviction de devoir, et jamais l'on ne peut qualifier de sacrifice le service rendu à un ami par un ami. Le Maitre a enseigné aux apôtres qu'ils sont les fils de Dieu. Il les a appelés frères et, maintenant, avant de les quitter, il les appelle ses amis.

180.2  Le Cep et les Sarments

180:2.1 Ensuite, Jésus se leva de nouveau et continua à instruire ses apôtres : « Je suis le vrai cep, et mon Père est le cultivateur. Je suis le cep, et vous êtes les sarments. Le Père me demande seulement que vous portiez beaucoup de fruits. On n'élague le cep que pour augmenter la productivité de ses sarments. Tout sarment stérile issu de moi sera retranché par le Père. Tout sarment portant des fruits sera émondé par le Père afin qu'il donne encore plus de fruits. Vous êtes déjà purifiés par la parole que j'ai prononcée, mais vous devez continuer à être purs. Il faut que vous demeuriez en moi, et moi en vous ; le sarment meurt s'il est séparé du cep. De même que le sarment ne peut porter de fruits à moins qu'il ne demeure dans le cep, de même vous ne pouvez pas non plus produire les fruits du service expression de l'amour si vous ne demeurez pas en moi. Souvenez-vous : je suis le vrai cep et vous êtes les sarments vivants. Si quelqu'un vit en moi et moi en lui, il portera beaucoup de fruits de l'esprit et il éprouvera la joie suprême de produire cette moisson spirituelle. Si vous voulez maintenir ce lien spirituel vivant avec moi, vous porterez des fruits en abondance. Si vous demeurez en moi et si mes paroles demeurent en vous, vous pourrez communier librement avec moi ; alors, mon esprit vivant pourra vous imprégner de telle sorte que vous serez à même de demander tout ce que mon esprit veut, et de l'accomplir avec l'assurance que le Père fera droit à notre requête. Le Père est glorifié en ceci : que le cep ait beaucoup de sarments vivants, et que chaque sarment porte beaucoup de fruits. Et, quand le monde verra ces sarments fertiles - mes amis qui s'aiment les uns les autres comme je les ai aimés - tous les hommes sauront que vous êtes vraiment mes disciples.

180:2.2 « De même que le Père m'a aimé, je vous ai aimés. Vivez dans mon amour comme je vis dans l'amour du Père. Si vous faites ce que je vous ai enseigné, vous demeurerez dans mon amour, de même que j'ai gardé la parole du Père et que je demeure perpétuellement dans son amour. »

180:2.3 Les Juifs avaient enseigné depuis longtemps que le Messie serait « une tige issue du cep » des ancêtres de David. En commémoration de cet ancien enseignement, un grand emblème du raisin attaché au cep décorait l'entrée du temple d'Hérode. Tous les apôtres se souvinrent de ces choses alors que leur Maitre leur parlait, ce soir-là, dans la salle du haut.

180:2.4 Plus tard, les conclusions du Maitre sur la prière furent faussement interprétées, et il en résulta de grands chagrins. Ces enseignements n'auraient guère provoqué de difficultés si l'on s'était rappelé les paroles exactes du Maitre et si elles avaient ensuite été transcrites correctement. Mais, d'après la manière dont l'histoire fut écrite, les croyants finirent par considérer la prière au nom de Jésus comme une sorte de magie suprême, persuadés qu'ils recevraient du Père tout ce qu'ils demanderaient ainsi. Pendant des siècles, des âmes sincères ont continué à faire naufrager leur foi contre cette pierre d'achoppement. Combien de temps faudra-t-il au monde des croyants pour comprendre que la prière n'est pas un procédé pour obtenir ce que l'on désire, mais plutôt un processus pour suivre les voies de Dieu, une expérience pour apprendre à reconnaître et à exécuter la volonté du Père ? Il est néanmoins parfaitement exact que, si votre volonté a été vraiment harmonisée avec la sienne, vous pouvez demander n'importe quelle chose conçue par cette union de volontés, et que cette chose vous sera accordée. C'est par Jésus que s'effectue cette union de volontés, de même que la vie du cep irrigue et traverse les sarments vivants.

180:2.5 Quand ce lien vivant existe entre la divinité et l'humanité, il se peut que l'humanité irréfléchie et ignorante prie pour ses commodités égoïstes et pour de vaniteux accomplissements ; dans ce cas, il ne peut y avoir qu'une seule réponse divine : que les tiges des sarments vivants portent une plus grande quantité de fruits de l'esprit. Quand le sarment de la vigne est vivant, toutes ses requêtes ne peuvent recevoir qu'une seule réponse : produisez davantage de raisins. En fait, le sarment n'existe que pour porter des fruits et ne peut rien faire d'autre que produire des raisins. De même, le vrai croyant n'existe que pour porter les fruits de l'esprit, qui consistent à aimer les hommes comme les hommes ont été aimés par Dieu - à s'aimer les uns les autres comme Jésus nous a aimés.

180:2.6 Quand le Père étend sur le cep sa main disciplinaire, il le fait avec amour afin que les sarments portent beaucoup de fruits. Un sage cultivateur ne coupe que les branches mortes et stériles.

180:2.7 Jésus eut de grandes difficultés pour amener simplement ses apôtres à reconnaître que la prière est une fonction des croyants nés d'esprit, dans le royaume dominé par l'esprit.

180.3  L'Inimitié du Monde

180:3.1 Les onze venaient à peine de cesser leurs commentaires sur le discours du cep et des sarments lorsque le Maitre leur fit signe qu'il désirait continuer à leur parler. Sachant qu'il lui restait très peu de temps à vivre, il dit : « Quand je vous aurai quittés, ne vous laissez pas décourager par l'inimitié du monde. Ne soyez pas abattus, même quand des croyants pusillanimes se retourneront contre vous et se joindront aux ennemis du royaume. Si le monde vous hait, n'oubliez pas qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez de ce monde, le monde aimerait ce qui serait sien, mais, parce que vous n'en êtes pas, le monde refuse de vous aimer. Vous êtes dans ce monde, mais vous ne devez pas vivre à sa manière. Je vous ai choisis et tirés du monde pour représenter l'esprit d'un autre monde auprès du monde même dans lequel vous avez été choisis. Mais souvenez-vous toujours de ce que je vous ai dit : le serviteur n'est pas plus grand que son Maitre. S'ils osent me persécuter, ils vous persécuteront aussi. Si mes paroles offensent les incroyants, les vôtres offenseront également les impies. Ils vous feront tout cela parce qu'ils ne croient ni en moi, ni en Celui qui m'a envoyé ; vous subirez donc beaucoup de souffrances à cause de mon évangile. Mais, au cours de ces tribulations, vous devriez vous souvenir que moi aussi, j'aurai souffert avant vous à cause de cet évangile du royaume céleste.

180:3.2 « Beaucoup de ceux qui vous attaqueront ignorent la lumière du ciel, mais ce n'est pas le cas pour certains de ceux qui nous persécutent maintenant. Si nous ne leur avions pas enseigné la vérité, ils pourraient faire bien des choses étranges sans encourir de condamnation, mais, du moment qu'ils ont connu la lumière et se sont permis de la rejeter, leur comportement n'a pas d'excuse. Quiconque me hait hait aussi mon Père. Il ne peut en être autrement : la lumière qui vous sauverait si vous l'acceptiez ne peut que vous condamner si vous la rejetez sciemment. Et qu'ai-je fait à ces hommes pour qu'ils me haïssent d'une haine aussi terrible ? Rien, sinon de leur avoir offert la fraternité sur terre et le salut dans le ciel. Mais n'avez-vous pas lu dans les Écritures le verset : `et ils m'ont haï sans cause' ?

180:3.3 « Mais je ne vous laisserai pas seuls dans le monde. Très peu de temps après mon départ, je vous enverrai un auxiliaire spirituel. Vous aurez auprès de vous quelqu'un qui prendra ma place parmi vous, quelqu'un qui continuera à vous enseigner la voie de la vérité et qui vous consolera.

180:3.4 « Que votre coeur ne se trouble pas. Vous croyez en Dieu ; continuez à croire aussi en moi. Bien que je doive vous quitter, je ne serai pas loin de vous. Je vous ai déjà dit qu'il y a beaucoup de demeures dans l'univers de mon Père. Si ce n'était pas vrai, je ne vous en aurais pas maintes fois parlé. Je vais retourner dans ces mondes de lumière, ces stations dans le ciel du Père, auxquelles vous accèderez un jour. Je suis venu de là sur ce monde et l'heure est maintenant venue où il faut que je retourne à l'oeuvre de mon Père dans les sphères supérieures.

180:3.5 « Si je vous précède ainsi dans le royaume céleste du Père, je vous ferai certainement chercher, afin que vous soyez auprès de moi dans les lieux préparés pour les fils mortels de Dieu avant même que ce monde ne fût. Il faut que je vous quitte, mais je serai présent auprès de vous en esprit, et finalement vous serez auprès de moi en personne quand vous vous serez élevés jusqu'à moi dans mon univers, de même que je suis sur le point de m'élever auprès de mon Père dans son plus grand univers. Ce que je vous dis est éternellement vrai, bien que vous ne puissiez pas le comprendre pleinement. Je vais auprès du Père, et vous ne pouvez pas m'accompagner, mais vous me suivrez certainement dans les âges à venir. »

180:3.6 Lorsque Jésus se rassit, Thomas se leva et dit : « Maitre, nous ne savons pas où tu vas, donc, comme de juste, nous ne connaissons pas le chemin ; mais nous te suivrons dès ce soir si tu veux nous le montrer. »

180:3.7 Quand Jésus entendit Thomas, il répondit : « Thomas, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père que par moi. Tous ceux qui trouvent le Père me trouvent, moi, d'abord. Si vous me connaissez, vous connaissez le chemin vers le Père. Or vous me connaissez, car vous avez vécu avec moi et vous me voyez maintenant. »

180:3.8 Mais cet enseignement était trop profond pour beaucoup d'apôtres, et spécialement pour Philippe qui, après avoir dit quelques mots à Nathanael, se leva et dit : « Maitre, montre-nous le Père, et tout ce que tu nous as dit deviendra clair. »

180:3.9 Lorsque Philippe eut ainsi parlé, Jésus dit : « Philippe, ai-je été si longtemps avec toi pour que même maintenant tu ne me connaisses pas ! Je déclare de nouveau que quiconque m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu alors dire : montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je sois dans le Père, et le Père en moi ? Ne vous ai-je pas enseigné que les paroles que je prononce ne sont pas mes paroles mais les paroles du Père ? Je parle pour le Père, et non de moi-même. Je suis dans ce monde pour faire la volonté du Père, et je l'ai faite. Mon Père demeure en moi et opère par moi. Croyez-moi quand je dis que le Père est en moi, et que je suis dans le Père, ou alors croyez-moi à cause de la vie même que j'ai vécue - à cause de l'oeuvre. »

180:3.10 Pendant que le Maitre allait prendre un peu d'eau pour se rafraichir, les onze s'engagèrent dans une discussion animée sur ces enseignements. Pierre se préparait à s'engager dans un long discours lorsque Jésus revint et leur fit signe de s'assoir.

180.4  L'Auxiliaire Promis

180:4.1 Jésus continua à enseigner en disant : « Quand je serai allé auprès du Père et qu'il aura pleinement accepté l'oeuvre que j'ai accomplie pour vous sur terre, et après que j'aurai reçu la souveraineté définitive sur mon propre domaine, je dirai à mon Père : `J'ai laissé mes enfants seuls sur terre, et il est conforme à ma promesse de leur envoyer un nouvel instructeur.' Et, quand le Père aura approuvé, je répandrai l'Esprit de Vérité sur toute chair. L'Esprit de mon Père se trouve déjà dans votre coeur. Quand viendra le jour de l'approbation, vous m'aurez également en vous comme vous avez maintenant le Père. Ce nouveau don est l'esprit de la vérité vivante. Les incroyants commenceront par ne pas écouter son enseignement, mais les fils de lumière le recevront de tout coeur avec bonheur. Quand cet Esprit viendra, vous le connaîtrez comme vous m'avez connu, vous recevrez ce don dans votre coeur et il demeurera avec vous. Vous percevez donc que je ne vais pas vous abandonner, sans assistance ni directives. Je ne vous laisserai pas dans la désolation. Aujourd'hui, je ne peux être auprès de vous qu'en personne. Dans les temps à venir, je serai auprès de vous et de tous les autres hommes qui désirent ma présence, où que vous soyez, et simultanément avec chacun de vous. Ne discernez-vous pas qu'il vaut mieux que je m'en aille, que je vous quitte corporellement, de manière à pouvoir être d'autant mieux et d'autant plus complètement avec vous en esprit ?

180:4.2 « Dans quelques heures à peine, le monde ne me verra plus, mais vous continuerez à me connaître dans votre coeur jusqu'à ce que je vous envoie ce nouvel instructeur, l'Esprit de Vérité. De même que j'ai vécu en personne auprès de vous, je vivrai alors en vous. Je serai uni à votre expérience personnelle dans le royaume spirituel et, quand ceci se sera réalisé, vous saurez certainement que je suis dans le Père, et aussi en vous, tandis que votre vie sera enfouie en moi auprès du Père. J'ai aimé le Père et j'ai gardé sa parole ; vous m'avez aimé et vous garderez ma parole. De même que mon Père m'a communiqué de son esprit, de même je vous communiquerai de mon esprit. Et cet Esprit de Vérité, que j'effuserai sur vous, vous guidera, vous consolera et, en fin de compte, vous conduira dans toute la vérité.

180:4.3 « Je vous raconte ces choses pendant que je suis encore avec vous, afin que vous soyez d'autant mieux préparés à supporter les épreuves maintenant imminentes. Quand ce nouveau jour viendra, vous serez habités à la fois par le Fils et le Père, et ces dons du ciel agiront toujours l'un avec l'autre, de même que le Père et moi, nous avons oeuvré sur terre sous vos propres yeux comme une seule personne, le Fils de l'Homme. Et cet ami spirituel vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai enseigné. »

180:4.4 Tandis que le Maitre faisait une courte pause, Judas Alphée s'enhardit à poser l'une des rares questions que lui ou son frère aient jamais adressées à Jésus en public. Judas dit : « Maitre, tu as toujours vécu parmi nous comme un ami. Comment te connaîtrons-nous quand tu ne te manifesteras plus à nous que par cet esprit ? Si le monde ne te voit pas, comment aurons-nous une certitude à ton sujet ? Comment te manifesteras-tu à nous ? »

180:4.5 Jésus promena son regard sur tous les apôtres, sourit et dit : « Mes petits enfants, je m'en vais, je retourne auprès de mon Père. D'ici peu, vous ne me verrez plus comme ici en chair et en os. Je vous enverrai très prochainement mon esprit, qui est exactement semblable à moi, à l'exception de ce corps matériel. Ce nouvel instructeur est l'Esprit de Vérité qui vivra avec chacun de vous, dans votre coeur, et, ainsi, tous les enfants de lumière ne feront plus qu'un et seront attirés les uns vers les autres. C'est de cette manière que mon Père et moi, nous pourrons vivre dans l'âme de chacun de vous, et aussi dans le coeur de tous les autres hommes qui nous aiment et qui réalisent cet amour dans leurs expériences en s'aimant les uns les autres comme je vous aime maintenant. »

180:4.6 Judas Alphée ne comprit pas entièrement ce que le Maitre dit, mais il saisit la promesse d'un nouvel instructeur ; et, d'après l'expression du visage d'André, il perçut que sa question avait reçu une réponse satisfaisante.

180.5  L'Esprit de Vérité

180:5.1 Le nouvel auxiliaire que Jésus avait promis d'envoyer dans le coeur des croyants, de répandre sur toute chair, est l'Esprit de Vérité. Ce don divin n'est pas la lettre ou loi de la vérité ; il n'est pas non plus destiné à opérer en tant que forme ou expression de la vérité. Le nouvel instructeur est la conviction de la vérité, la conscience et l'assurance des vraies significations sur les niveaux réellement spirituels. Il est l'esprit de la vérité vivante et croissante, de la vérité en voie d'expansion, de développement et d'adaptation.

180:5.2 La vérité divine est une réalité vivante discernée par l'esprit. La vérité n'existe que sur les niveaux spirituels supérieurs de la réalisation de la divinité et de la conscience de la communion avec Dieu. Vous pouvez connaître la vérité et vous pouvez vivre la vérité ; vous pouvez expérimenter la croissance de la vérité dans l'âme, et jouir de la liberté que sa lumière apporte au mental ; mais vous ne pouvez pas emprisonner la vérité dans des formules, des codes, des credo, ou dans des modèles intellectuels de conduite humaine. Si vous entreprenez de formuler humainement la vérité divine, elle ne tarde pas à mourir. Même en mettant les choses au mieux, le sauvetage posthume de la vérité emprisonnée ne peut aboutir qu'à réaliser une forme particulière de sagesse intellectuelle glorifiée. La vérité statique est une vérité morte, et seule la vérité morte peut être considérée comme une théorie. La vérité vivante est dynamique et ne peut jouir que d'une existence expérientielle dans le mental humain.

180:5.3 L'intelligence est issue d'une existence matérielle illuminée par la présence du mental cosmique. La sagesse comporte la conscience de la connaissance, élevée à des niveaux nouveaux de signification et animée par la présence du don universel de l'adjuvat de sagesse. La vérité est une valeur de réalité spirituelle dont seuls font l'expérience les êtres doués d'esprit qui fonctionnent sur des niveaux supramatériels de conscience de l'univers, et qui, après avoir réalisé la vérité, permettent à son esprit animateur de vivre et de régner dans leur âme.

180:5.4 Le véritable enfant doué de clairvoyance universelle recherche le vivant Esprit de Vérité dans toute parole de sagesse. L'individu qui connaît Dieu élève constamment la sagesse à des niveaux de vérité vivante d'aboutissement divin ; l'âme spirituellement routinière abaisse constamment la vérité vivante aux niveaux stagnants de la sagesse et dans le domaine d'une simple exaltation de la connaissance.

180:5.5 Quand la règle d'or est dépourvue de la clairvoyance suprahumaine de l'Esprit de Vérité, elle n'est rien de plus qu'une règle de conduite hautement éthique. Quand la règle d'or est interprétée à la lettre, elle peut devenir un instrument outrageant pour vos compagnons. Si vous ne discernez pas par l'esprit la règle d'or de la sagesse, vous pouvez tenir le raisonnement suivant : qu'étant donné que vous désirez que tous les hommes vous disent pleinement et franchement le fond de leur pensée, vous devriez, en conséquence, leur dire pleinement et franchement le fond de la vôtre. Une interprétation aussi peu spirituelle de la règle d'or pourrait aboutir à des malheurs indicibles et à des chagrins sans fin.

180:5.6 Certaines personnes discernent et interprètent la règle d'or comme une affirmation purement intellectuelle de la fraternité humaine. D'autres éprouvent cette expression des relations humaines comme une satisfaction émotive des tendres sentiments de la personnalité humaine. D'autres mortels prennent la règle d'or comme étalon pour mesurer toutes les relations sociales, le critère de la conduite sociale. D'autres encore la considèrent comme l'injonction positive d'un grand instructeur moral qui a incorporé dans cette formule le plus haut concept d'obligation morale concernant toutes les relations fraternelles. Dans la vie de ces êtres moraux, la règle d'or devient le centre de leur sagesse et la circonférence de toute leur philosophie.

180:5.7 Au royaume de la fraternité croyante de ceux qui aiment la vérité et connaissent Dieu, la règle d'or revêt des qualités vivantes de réalisation spirituelle sur ces niveaux supérieurs d'interprétation qui amènent les fils mortels de Dieu à considérer cette injonction du Maitre comme requérant d'eux qu'ils se situent par rapport à leurs semblables de telle manière que ceux-ci recevront le plus grand bien possible de leur contact avec les croyants. Ceci est l'essence de la vraie religion : que vous aimiez votre prochain comme vous-même.

180:5.8 Mais la réalisation la plus élevée et l'interprétation la plus vraie de la règle d'or réside dans la conscience de l'esprit de la vérité de la réalité vivante et durable d'une telle déclaration divine. La vraie signification cosmique de cette règle de relations universelles ne se révèle que dans sa réalisation spirituelle, dans l'interprétation de la loi de conduite par l'esprit du Fils envers l'esprit du Père qui habite l'âme du mortel. Quand les mortels ainsi dirigés par l'esprit réalisent la véritable signification de cette règle d'or, ils débordent de l'assurance qu'ils sont citoyens d'un univers amical, et leurs idéaux de réalité d'esprit ne sont satisfaits que s'ils aiment leurs semblables comme Jésus nous a tous aimés. Telle est la réalité de la réalisation de l'amour de Dieu.

180:5.9 Cette même philosophie de flexibilité vivante et d'adaptabilité cosmique de la vérité divine aux besoins et à la capacité de chaque fils de Dieu doit être perçue avant que vous ne puissiez espérer comprendre convenablement l'enseignement et la pratique du Maitre concernant la non-résistance au mal. L'enseignement du Maitre est fondamentalement une proclamation spirituelle. Même les implications matérielles de sa philosophie ne sauraient être utilement prises en considération en dehors de leurs corollaires spirituels. L'esprit de l'injonction du Maitre consiste à ne pas opposer de résistance aux réactions égoïstes envers l'univers, et en même temps à atteindre dynamiquement et progressivement les niveaux de droiture où se situent les vraies valeurs d'esprit : la beauté divine, la bonté infinie et la vérité éternelle - connaître Dieu et lui devenir semblable de plus en plus.

180:5.10 L'amour, le désintéressement, doit constamment subir une vivante réadaptation interprétative des relations conforme aux directives de l'Esprit de Vérité. Il faut que l'amour saisisse ainsi les concepts toujours changeants et plus étendus du bien cosmique le plus élevé pour la personne qui est aimée. Ensuite, l'amour continue en observant cette même attitude envers toutes les autres personnes susceptibles d'être influencées par les rapports vivants et croissants de l'amour d'un mortel dirigé par l'esprit pour d'autres citoyens de l'univers. Toute cette adaptation vivante de l'amour doit être effectuée en tenant compte à la fois de la présence du mal ambiant, et du but éternel de perfection de la destinée divine.

180:5.11 Il nous faut donc clairement reconnaître que ni la règle d'or ni l'enseignement de la non-résistance ne peuvent être correctement compris en tant que dogmes ou préceptes. Ils ne peuvent être compris qu'en les vivant, en réalisant leur signification dans l'interprétation vivante de l'Esprit de Vérité qui ordonne les contacts affectueux entre humains.

180:5.12 Et tout cela implique clairement la différence entre l'ancienne religion et la nouvelle. L'ancienne enseignait le sacrifice de soi ; la nouvelle enseigne seulement l'oubli de soi, la réalisation de soi mise en valeur dans un service social associé à la compréhension de l'univers. L'ancienne religion était motivée par la conscience de la peur. Le nouvel évangile du royaume est dominé par la conviction de la vérité, l'esprit de la vérité éternelle et universelle. Dans l'expérience de vie des croyants au royaume, aucune somme de piété ou de fidélité à un credo ne peut compenser l'absence de la bienveillance spontanée, généreuse et sincère, qui caractérise les fils du Dieu vivant nés d'esprit. Ni la tradition, ni un système cérémoniel de culte officiel ne peuvent compenser le manque de compassion sincère pour vos semblables.

180.6  La Nécessité du Départ

180:6.1 Après que Pierre, Jacques, Jean et Matthieu eurent posé au Maitre de nombreuses questions, il continua son discours d'adieu en disant : « Je vous raconte tout cela avant de vous quitter, afin que vous soyez suffisamment préparés à ce qui va vous arriver pour ne pas commettre de graves erreurs. Les autorités ne se contenteront pas de vous expulser des synagogues. Je vous préviens que l'heure approche où ceux qui vous tueront croiront rendre service à Dieu. Ils vous traiteront ainsi, vous et tous ceux que vous conduisez dans le royaume des cieux, parce qu'ils ne connaissent pas le Père. Ils ont refusé de connaître le Père en refusant de me recevoir, et ils refusent de me recevoir quand ils vous rejettent, à condition que vous ayez gardé mon nouveau commandement de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Je vous annonce ces choses d'avance, afin qu'au moment où votre heure viendra, comme la mienne est maintenant venue, vous soyez fortifiés par la connaissance que je savais tout cela et que mon esprit vous accompagnera dans tout ce que vous souffrirez à cause de moi et de l'évangile. C'est pourquoi, je vous ai parlé si explicitement depuis le commencement. Je vous ai même avertis qu'un homme pourra avoir pour ennemis les membres de sa propre famille. Bien que cet évangile du royaume ne manque jamais d'apporter une grande paix dans l'âme individuelle des croyants, il n'apportera pas la paix sur terre avant que les hommes ne soient disposés à croire de tout leur coeur à mes enseignements et à instaurer la pratique de faire la volonté du Père comme but principal de leur vie de mortels.

180:6.2 « Maintenant que je vous quitte, puisque l'heure est venue pour moi de retourner auprès du Père, je suis étonné qu'aucun de vous ne m'ait demandé pourquoi je vous quitte. Néanmoins, je sais que, dans votre coeur, vous vous posez cette question et je vous en parlerai clairement comme on se parle entre amis. Il est réellement profitable pour vous que je m'en aille. Si je ne m'en vais pas, le nouvel instructeur ne peut venir dans votre coeur. Il faut que je sois dépouillé de ce corps mortel et rétabli à ma place au ciel avant de pouvoir envoyer cet instructeur spirituel vivre dans votre âme et conduire votre esprit dans la vérité. Quand mon esprit viendra demeurer en vous, il jettera de la lumière sur la différence entre le péché et la droiture, et vous rendra capable de juger sagement dans votre coeur à leur sujet.

180:6.3 « J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez en supporter plus à présent. Toutefois, quand l'Esprit de Vérité viendra, il vous guidera, en fin de compte, dans toute la vérité, à mesure que vous passerez par les nombreuses demeures de l'univers de mon Père.

180:6.4 « Cet esprit ne parlera pas de lui-même, mais il vous déclarera ce que le Père aura révélé au Fils et vous fera même connaître des évènements futurs ; il me glorifiera comme j'ai glorifié mon Père. Cet esprit est issu de moi et vous révèlera ma vérité. Tout ce que le Père possède dans ce domaine est désormais mien ; c'est pourquoi je vous ai dit que le nouvel instructeur puiserait dans ce qui est mien et vous le révèlerait.

180:6.5 « Très prochainement, je vous quitterai pour un peu de temps. Après cela, quand vous me reverrez, je serai déjà sur mon chemin vers le Père, de sorte que, même alors, vous ne me verrez pas longtemps. »

180:6.6 Pendant que Jésus faisait une courte pause, les apôtres se mirent à parler entre eux en disant : « Qu'est-ce qu'il nous raconte ? `Très prochainement je vais vous quitter, et, quand vous me reverrez, ce ne sera pas pour longtemps, car je serai sur mon chemin vers le Père.' Que veut-il dire par `très prochainement' et par `pas longtemps' ? Nous ne pouvons comprendre ce qu'il nous dit. »

180:6.7 Sachant qu'ils se posaient ces questions, Jésus dit : « Cherchez-vous à comprendre ce que j'ai voulu dire quand j'ai annoncé que, très prochainement, je ne serai plus avec vous, et qu'au moment où vous me reverrez, je serai en chemin vers le Père ? Je vous ai clairement dit que le Fils de l'Homme doit mourir, mais qu'il ressuscitera. Ne pouvez-vous donc discerner la signification de mes paroles ? Vous aurez d'abord du chagrin, mais, plus tard, vous vous réjouirez avec nombre de personnes qui comprendront ces évènements après qu'ils se seront produits. En vérité, une femme est anxieuse à l'heure de son enfantement, mais, une fois qu'elle a été délivrée de son enfant, elle oublie immédiatement son angoisse dans la joie de savoir qu'un être humain est né dans le monde. De même, vous allez vous attrister de mon départ, mais je vous reverrai bientôt, et alors votre chagrin se transformera en joie, et vous recevrez une nouvelle révélation du salut de Dieu, une révélation que nul ne pourra jamais vous enlever. Tous les mondes seront bénis dans cette révélation de la vie triomphant de la mort. Jusqu'ici, vous avez formulé toutes vos requêtes au nom du Père. Après que vous m'aurez revu, vous pourrez aussi demander en mon nom, et je vous entendrai.

180:6.8 « Ici bas, je vous ai enseigné par proverbes et parlé en paraboles. Je l'ai fait parce que spirituellement vous n'étiez que des enfants ; mais l'heure vient où je vous parlerai sans ambages du Père et de son royaume. Je le ferai parce que le Père lui-même vous aime et désire vous être plus pleinement révélé. L'homme mortel ne peut voir le Père qui est esprit ; c'est pourquoi je suis venu dans ce monde pour montrer le Père à vos yeux de créatures. Mais, quand votre croissance spirituelle sera accomplie, vous verrez alors le Père lui-même. »

180:6.9 Après avoir entendu parler Jésus, les onze se dirent les uns aux autres : « Voici, il nous parle clairement. Le Maitre est sûrement venu de Dieu. Mais pourquoi dit-il qu'il doit retourner auprès du Père ? » Jésus vit que, même alors, ils ne le comprenaient pas. Ces onze hommes n'arrivaient pas à s'écarter des idées qu'ils avaient entretenues si longtemps sur le concept juif du Messie. Plus ils croyaient pleinement en Jésus en tant que Messie, plus leurs notions profondément enracinées, concernant le glorieux triomphe matériel sur terre du royaume, devenaient embarrassantes.

181. Ultimes Exhortations et Avertissements

181:0.1 APRÈS la conclusion du discours d'adieu aux onze, Jésus s'entretint familièrement avec eux et rappela maintes expériences qui les concernaient individuellement et collectivement. Ces Galiléens commençaient enfin à entrevoir que leur ami et instructeur allait les quitter, et leur espoir s'accrochait à la promesse qu'après un court laps de temps, il serait de nouveau avec eux, mais ils avaient tendance à oublier que cette visite de retour ne durerait, elle aussi, que peu de temps. La plupart des apôtres et les principaux disciples croyaient réellement que cette promesse de revenir pour peu de temps (le bref intervalle entre la résurrection et l'ascension) indiquait que Jésus s'en allait simplement pour un bref entretien avec son Père, après quoi, il reviendrait pour établir le royaume. Cette interprétation de son enseignement cadrait à la fois avec leurs idées préconçues et avec leurs ardentes espérances. Dès lors que les croyances de toute leur vie et leurs espoirs de voir leurs souhaits réalisés concordaient, il n'était guère difficile aux apôtres de trouver une interprétation des paroles du Maitre qui justifierait leurs intenses désirs.

181:0.2 Après que les apôtres eurent analysé le discours d'adieu et commencé à l'assimiler, Jésus demanda de nouveau l'attention des apôtres et commença à leur communiquer ses ultimes exhortations et avertissements.

181.1  Dernières Paroles de Réconfort

181:1.1 Quand les onze eurent repris leur place, Jésus se leva et leur dit : « Tant que je suis avec vous dans la chair, je ne peux être qu'un individu parmi vous ou dans le monde entier. Mais, quand j'aurai été délivré de ce corps de nature mortelle, je serai en mesure de revenir en tant qu'esprit habitant chez chacun de vous et chez tous les autres croyants à l'évangile du royaume. De cette manière, le Fils de l'Homme deviendra une incarnation spirituelle dans l'âme de tous les vrais croyants.

181:1.2 « Quand je serai revenu vivre en vous et oeuvrer à travers vous, je pourrai d'autant mieux continuer à vous conduire dans cette vie et vous guider dans la vie future à travers les nombreuses demeures dans le ciel des cieux. La vie dans la création éternelle du Père n'est pas un repos sans fin dans l'oisiveté et un confort égoïste, mais plutôt une incessante progression en grâce, en vérité et en gloire. Chacun des nombreux, des très nombreux postes dans la maison de mon Père est une halte, une vie destinée à vous préparer à la suivante. Les enfants de lumière iront ainsi de gloire en gloire, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'état divin où ils seront spirituellement rendus parfaits comme le Père est parfait en toutes choses.

181:1.3 « Si vous voulez me suivre quand je vous quitterai, faites des efforts sérieux pour vivre conformément à l'esprit de mes enseignements et à l'idéal de ma vie - à l'accomplissement de la volonté de mon Père. Faites cela au lieu d'essayer d'imiter le cours naturel de ma vie d'incarnation telle que j'ai été tenu, par nécessité, de la vivre sur ce monde.

181:1.4 « Le Père m'a envoyé dans ce monde, mais seul un petit nombre d'entre vous a choisi de me recevoir pleinement. Je répandrai mon esprit sur toute chair, mais les hommes ne choisiront pas tous de recevoir ce nouvel instructeur comme guide et conseiller de leur âme. Mais tous ceux qui le recevront seront illuminés, purifiés et réconfortés. Et cet esprit de vérité deviendra en eux une source d'eau vive qui jaillira jusque dans la vie éternelle.

181:1.5 « Et, maintenant, au moment de vous quitter, je voudrais prononcer des paroles de réconfort. Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. Je vous fais ces dons non à la manière du monde - parcimonieusement ; je donne à chacun de vous tout ce qu'il veut recevoir. Que votre coeur ne se trouble pas et ne craigne pas. J'ai vaincu le monde, et en moi vous triompherez tous par la foi. Je vous ai prévenus que le Fils de l'Homme va être tué, mais je vous assure que je reviendrai avant d'aller auprès du Père, bien que ce ne soit que pour peu de temps. Et, après mon ascension auprès du Père, je vous enverrai certainement le nouvel instructeur, afin qu'il vous accompagne et habite dans votre coeur. Quand vous verrez ces évènements se produire, n'ayez pas de crainte, mais croyez plutôt, d'autant plus que vous les aurez connus d'avance. Je vous ai aimés d'une grande affection, et je ne voudrais pas vous quitter, mais telle est la volonté de mon Père. Mon heure est venue.

181:1.6 « Ne doutez d'aucune de ces vérités, même quand vous serez dispersés par les persécutions et abattus par de nombreux chagrins. Quand vous vous sentirez seuls dans le monde, je connaîtrai votre isolement, de même que vous connaîtrez le mien quand vous serez dispersés chacun de votre côté, en laissant le Fils de l'Homme aux mains de ses ennemis. Mais je ne suis jamais seul ; le Père est toujours avec moi. Même à ce moment-là, je prierai pour vous. Je vous ai dit tout cela pour que vous puissiez avoir la paix et l'avoir plus abondamment. Vous aurez des tribulations ici-bas, mais ayez bon courage ; j'ai triomphé dans le monde et je vous ai montré le chemin de la joie éternelle et du service perpétuel. »

181:1.7 Jésus donne la paix à ceux qui accomplissent avec lui la volonté de Dieu, mais celle-ci n'est pas semblable aux joies et satisfactions matérielles. Les matérialistes et les fatalistes incroyants ne peuvent espérer que deux sortes de paix et de consolations de l'âme : ou bien ils doivent être stoïques, déterminés à faire face, avec une résolution inébranlable, à l'inévitable et à endurer le pire, ou bien ils doivent être optimistes et s'abandonner indéfiniment à l'espoir qui jaillit éternellement dans le sein des hommes aspirant en vain à une paix qui ne vient jamais réellement.

181:1.8 Une certaine somme de stoïcisme et d'optimisme sont utiles pour vivre une vie sur terre, mais aucun des deux ne peut se comparer à cette paix magnifique que le Fils de Dieu effuse sur ses frères incarnés. La paix que Micaël donne à ses enfants terrestres est celle-là même qui a rempli sa propre âme quand il a vécu lui-même la vie mortelle dans la chair précisément sur ce monde. La paix de Jésus est la joie et la satisfaction d'une personne connaissant Dieu, et qui est parvenue au triomphe d'apprendre pleinement à faire la volonté de Dieu tout en vivant la vie d'un mortel incarné. La paix mentale de Jésus était fondée sur une foi humaine absolue en l'actualité de la diligence, pleine de sagesse et de compassion, du Père divin. Jésus rencontra des difficultés sur terre, et fut même appelé à tort « l'homme de douleurs » , mais, dans toutes ces expériences et à travers elles, il bénéficia du réconfort de cette confiance qui lui permit toujours de poursuivre le but de sa vie avec la pleine assurance qu'il accomplissait la volonté du Père.

181:1.9 Jésus était résolu, persévérant et entièrement dévoué à l'exécution de sa mission, mais il n'était pas un stoïque insensible et endurci. Il recherchait toujours les aspects encourageants de ses expériences de vie, mais n'était pas un optimiste aveugle se leurrant lui-même. Le Maitre savait tout ce qui l'attendait et ne le redoutait pas. Après avoir effusé sa paix sur chacun de ses disciples, il pouvait à juste titre leur dire : « Que votre coeur ne se trouble pas et ne craigne pas. »

181:1.10 La paix de Jésus est donc la paix et l'assurance d'un fils qui croit fermement que sa carrière dans le temps et l'éternité est entièrement en sécurité sous la garde et la surveillance d'un Père esprit infiniment sage, aimant et puissant. C'est en vérité une paix qui transcende toute compréhension d'un mental humain, mais qu'un coeur humain peut savourer pleinement.

181.2  Exhortations Individuelles d'Adieu

181:2.1 Le Maitre avait fini de donner ses instructions d'adieu et de communiquer ses ultimes exhortations à ses apôtres en tant que groupe. Il leur dit alors au revoir individuellement, donnant à chacun quelques conseils personnels en même temps que sa bénédiction de départ. Les apôtres étaient encore assis autour de la table dans l'ordre où ils s'étaient installés au début pour partager le Dernier Souper. Le Maitre tourna autour de la table pour leur parler successivement, et chacun d'eux se leva quand Jésus s'adressa à lui.

181:2.2 À Jean, Jésus dit : « Toi, Jean, tu es le plus jeune de mes frères. Tu as été très proche de moi. Je vous aime tous de l'amour qu'un père effuse sur ses fils, mais tu as été désigné par André comme l'un des trois qui devaient constamment rester auprès de moi. En outre, tu as agi en mon nom en beaucoup d'affaires concernant ma famille terrestre, et il faut que tu continues à le faire. Jean, je vais auprès du Père en ayant pleine confiance que tu continueras à protéger ceux qui sont miens par les liens de la chair. Veille à ce que leur présent désarroi au sujet de ma mission ne t'empêche en rien de leur accorder toute la sympathie, les conseils et l'aide nécessaires, comme tu sais que je le ferais si je restais incarné. Et, quand ils parviendront tous à voir la lumière et à entrer pleinement dans le royaume, et que vous les recevrez tous joyeusement, je compte sur toi, Jean, pour leur souhaiter la bienvenue de ma part.

181:2.3 « Maintenant que j'en arrive aux heures finales de ma carrière terrestre, reste toujours à proximité de moi pour que je puisse te laisser quelque message concernant ma famille. Quant à l'oeuvre que le Père m'a confiée, elle est maintenant achevée, sauf en ce qui concerne ma mort charnelle, et je suis prêt à boire cette dernière coupe. Quant aux responsabilités que m'a laissées mon père terrestre Joseph, je les ai assumées durant ma vie, mais il faut maintenant que je compte sur toi pour agir à ma place en toutes ces affaires. Je t'ai choisi pour le faire, Jean, parce que tu es le plus jeune, et qu'en conséquence il est très probable que tu vivras plus longtemps que les autres apôtres.

181:2.4 « Jadis, nous t'avons donné, à toi et à ton frère, le surnom de fils du tonnerre. En débutant avec nous, tu étais autoritaire et intolérant, mais tu as beaucoup changé depuis le jour où tu voulais que je fasse descendre le feu du ciel sur la tête d'incroyants écervelés et ignorants. Il faut que tu changes encore davantage. Tu devrais devenir l'apôtre du nouveau commandement que je vous ai donné ce soir. Consacre ta vie à apprendre à tes frères à s'aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. »

181:2.5 Tandis que Jean Zébédée se tenait là, debout dans la salle du haut, avec des larmes coulant le long de ses joues, il regarda le Maitre en face et dit : « Je vais le faire, mon Maitre, mais comment puis-je apprendre à aimer davantage mes frères ? » Et Jésus répondit alors : « Tu apprendras à mieux aimer tes frères en apprenant d'abord à aimer davantage leur Père qui est aux cieux, et après t'être réellement plus intéressé à leur bien-être dans le temps et l'éternité. Et tout intérêt humain de ce genre est nourri par une sympathie compréhensive, un service désintéressé et un pardon sans bornes. Nul ne devrait te traiter avec dédain à cause de ta jeunesse, mais je t'exhorte à toujours considérer dument le fait que l'âge représente bien souvent l'expérience et que, dans les affaires humaines, rien ne peut remplacer l'expérience effective. Efforce-toi de vivre en paix avec tout le monde, et spécialement avec tes amis dans la fraternité du royaume céleste. Et puis, Jean, rappelle-toi toujours qu'il ne faut pas lutter avec les âmes que tu voudrais gagner au royaume. »

181:2.6 Ensuite, le Maitre contourna son propre siège et s'arrêta un instant à côté de la place vide de Judas Iscariot. Les apôtres étaient plutôt surpris de voir que Judas n'était pas encore rentré, et ils étaient fort curieux de connaître la signification de l'expression de tristesse sur le visage de Jésus, debout à côté du siège vide du traitre. Mais nul d'entre eux, sauf peut-être André, ne soupçonnait le moins du monde que leur trésorier était sorti pour trahir son Maitre, comme Jésus le leur avait laissé entendre auparavant dans la soirée et pendant le souper. Il s'était passé tant de choses depuis lors que, pour l'instant, les apôtres avaient complètement oublié la déclaration de Jésus que l'un d'eux le trahirait.

181:2.7 Jésus s'approcha ensuite de Simon Zélotès, qui se leva pour écouter l'exhortation suivante : « Tu es un vrai fils d'Abraham, mais quelle peine j'ai eue à faire de toi un fils du royaume céleste. Je t'aime, et tous tes frères t'aiment également. Je sais que tu m'aimes, Simon, et que tu aimes aussi le royaume, mais tu as encore l'idée fixe de faire advenir ce royaume conformément à tes gouts. Je sais bien que tu finiras par saisir la nature et la signification spirituelles de mon évangile, et que tu travailleras courageusement à le proclamer, mais je suis désolé de ce qui pourrait t'arriver après mon départ. Je me réjouirais de savoir que tu ne chancelleras pas. Je serais heureux si je pouvais savoir qu'après mon retour auprès du Père tu ne cesseras pas d'être mon apôtre, et que tu te comporteras acceptablement comme un ambassadeur du royaume céleste. »

181:2.8 À peine Jésus avait-il fini de parler à Simon Zélotès que le fougueux patriote, essuyant les larmes de ses yeux, répondit : « Maitre, ne crains rien pour ma fidélité. J'ai tourné le dos à tout pour pouvoir consacrer ma vie à l'établissement de ton royaume sur terre, et je ne chancellerai pas. Jusqu'ici, j'ai survécu à toutes les déceptions et je ne t'abandonnerai pas. »

181:2.9 Alors, posant la main sur l'épaule de Simon, Jésus dit : « En vérité, il est réconfortant de t'entendre parler ainsi, spécialement à un moment comme celui-ci, mais, mon bon ami, tu ne sais pas encore de quoi tu parles. Je ne doute pas un instant de ta fidélité, de ta dévotion. Je sais que tu n'hésiterais pas à te lancer dans la bataille et à mourir pour moi, comme le feraient tous tes compagnons (et ils approuvèrent tous vigoureusement d'un signe de tête), mais cela ne te sera pas demandé. Je t'ai maintes fois répété que mon royaume n'est pas de ce monde et que mes disciples ne se battront pas pour l'établir. Je t'ai dit ceci bien des fois, Simon, mais tu refuses de regarder la vérité en face. Je ne suis pas inquiet au sujet de ta fidélité envers moi et le royaume, mais que vas-tu faire quand je serai parti et qu'enfin, ta pensée s'éveillera et réalisera que tu n'avais pas saisi la signification de mon enseignement et qu'il te faut réadapter tes fausses interprétations à la réalité d'un ordre spirituel différent des affaires du royaume ? »

181:2.10 Simon voulut encore parler, mais Jésus leva la main pour l'arrêter et continua : « Aucun de mes apôtres n'a un coeur plus sincère et honnête que le tien, mais, après mon départ, aucun ne sera plus bouleversé et plus désespéré que toi. Dans tout ton découragement, mon esprit habitera en toi, et tes frères que voici ne t'abandonneront pas. N'oublie pas ce que je t'ai enseigné au sujet des rapports entre la citoyenneté sur terre et la filiation dans le royaume spirituel du Père. Réfléchis bien à tout ce que je t'ai dit sur la nécessité de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Consacre ta vie, Simon, à montrer qu'un mortel peut convenablement accomplir mon injonction de reconnaître simultanément le devoir temporel envers le pouvoir civil et le service spirituel dans la fraternité du royaume. Si tu acceptes d'être enseigné par l'Esprit de Vérité, il n'y aura jamais de conflit entre les exigences de la citoyenneté terrestre et celles de ta filiation céleste, à moins que les chefs temporels ne prétendent exiger de toi l'hommage et l'adoration qui n'appartiennent qu'à Dieu.

181:2.11 « Et, maintenant, Simon, quand tu finiras par voir tout cela, que tu auras secoué ta dépression et que tu seras parti proclamer l'évangile avec grande autorité, n'oublie jamais que je t'aurai accompagné pendant toute ta période de découragement, et que je t'accompagnerai jusqu'au bout. Tu seras toujours mon apôtre. Après que tu auras accepté de voir par l'oeil de l'esprit et d'abandonner plus complètement ta volonté à la volonté du Père qui est aux cieux, tu redeviendras alors mon ambassadeur actif, et nul ne prendra prétexte de ta lenteur à comprendre les vérités que je t'ai enseignées pour t'enlever l'autorité que je t'ai conférée. Donc, Simon, je t'avertis une fois de plus que ceux qui combattent par l'épée périssent par l'épée, tandis que ceux qui oeuvrent dans l'esprit obtiennent la vie éternelle dans le royaume à venir, ainsi que la joie et la paix dans le royaume présent. Quand la mission qui t'est confiée sera achevée sur terre, toi, Simon, tu siègeras avec moi dans mon royaume de l'au-delà. Tu verras réellement le royaume que tu as ardemment désiré, mais pas au cours de cette vie. Continue à croire en moi et en ce que je t'ai révélé, et tu recevras le don de la vie éternelle. »

181:2.12 Quand Jésus eut fini de parler à Simon Zélotès, il alla vers Matthieu Lévi et dit : « Il ne t'incombera plus d'assurer la trésorerie du groupe apostolique. Bientôt, très bientôt, vous serez tous dispersés. Il ne vous sera même plus permis de jouir de l'association consolante et réconfortante d'un seul de vos frères apôtres. En poursuivant la prédication de l'évangile du royaume, il vous faudra trouver chacun de nouveaux associés. Je vous ai envoyés deux par deux pendant la durée de votre formation, mais, maintenant que je vous quitte ; et, après que vous serez remis du choc, vous irez seuls, jusqu'aux confins de la terre, proclamer cette bonne nouvelle que les mortels vivifiés par la foi sont les fils de Dieu. »

181:2.13 Alors, Matthieu dit : « Mais, Maitre, qui va nous envoyer et comment saurons-nous où aller ? André nous indiquera-t-il le chemin ? » Et Jésus répondit : « Non, Lévi, André ne vous donnera plus de directives pour proclamer l'évangile. Il continuera en réalité à être votre ami et votre conseiller jusqu'au jour où vous viendra le nouvel instructeur, et, alors, l'Esprit de Vérité vous conduira chacun au loin pour travailler à l'expansion du royaume. Tu as subi beaucoup de transformations depuis le jour où tu te trouvais au bureau de la douane et où tu pris la décision de me suivre ; mais il faut que tu en subisses encore beaucoup d'autres avant que tu puisses avoir la vision d'une fraternité où les Gentils siègeront avec les Juifs dans une association fraternelle. Continue à répondre au besoin que tu éprouves à gagner tes compatriotes juifs au royaume jusqu'à ce que tu sois pleinement satisfait, et, ensuite, tourne-toi avec autorité vers les Gentils. Lévi, tu peux être certain d'une chose, c'est que tu as gagné la confiance et l'affection de tes frères ; ils t'aiment tous. » (Et tous les dix firent signe qu'ils acquiesçaient aux paroles du Maitre.)

181:2.14 « Lévi, je suis au courant de bien des choses que tes frères ignorent concernant tes soucis, tes sacrifices et tes efforts pour assurer la trésorerie du groupe. Bien que celui qui portait la bourse soit absent, je me réjouis de ce que l'ambassadeur publicain soit ici, à ma réunion d'adieu, avec les messagers du royaume. Je prie pour que tu puisses discerner la signification de mon enseignement avec les yeux de l'esprit. Quand le nouvel instructeur viendra dans ton coeur, suis-le où il te conduira et fais voir à tes frères - et même au monde entier - ce que le Père peut faire pour un collecteur d'impôts détesté qui a osé suivre le Fils de l'Homme et croire à l'évangile du royaume. Dès le début, Lévi, je t'ai aimé comme j'ai aimé ces autres Galiléens. Puisque tu sais si bien que ni le Père ni le Fils ne font acception de personnes, veille à ne pas faire de distinction de cet ordre parmi ceux qui se mettront à croire à l'évangile grâce à ton ministère. Donc, Matthieu, consacre toute ta future vie de service à montrer aux hommes que Dieu ne fait pas acception de personnes et, qu'aux yeux de Dieu et dans la communauté du royaume, tous les hommes sont égaux, tous les croyants sont les fils de Dieu. »

181:2.15 Ensuite, Jésus alla vers Jacques Zébédée, qui se tint debout en silence, tandis que le Maitre s'adressait à lui en disant : « Jacques, lorsque toi et ton jeune frère, vous êtes venus un jour vers moi en recherchant une préférence dans les honneurs du royaume, je vous ai dit qu'il appartenait au Père d'attribuer ces honneurs, et je vous ai demandé si vous étiez capables de boire ma coupe ; vous m'avez tous deux répondu que vous l'étiez. Même si vous ne l'étiez pas alors et si vous n'en êtes pas encore capables aujourd'hui, vous serez bientôt préparés à ce service grâce à l'expérience par laquelle vous allez prochainement passer. Tu as irrité tes frères, à l'époque, par une telle conduite. S'ils ne t'ont pas déjà entièrement pardonné, ils le feront quand ils te verront boire ma coupe. Que ton ministère soit long ou court, domine ton âme avec patience. Quand le nouvel instructeur viendra, laisse-le t'enseigner l'équilibre de la compassion et la tolérance sympathisante née d'une sublime confiance en moi et d'une parfaite soumission à la volonté du Père. Consacre ta vie à démontrer la conjugaison de l'affection humaine et de la dignité divine d'un disciple qui connaît Dieu et croit au Fils. Tous ceux qui vivent ainsi révèleront l'évangile, même par leur manière de mourir. Toi et ton frère Jean, vous suivrez des chemins différents, et il se peut que l'un de vous siège avec moi bien avant l'autre dans le royaume éternel. Cela t'aiderait beaucoup si tu voulais apprendre que la vraie sagesse inclut le discernement aussi bien que le courage. Tu devrais apprendre que la sagacité doit accompagner l'agressivité. Ils viendront ces moments suprêmes où mes disciples n'hésiteront pas à sacrifier leur vie pour l'évangile, mais, dans toutes les circonstances ordinaires, il vaudrait beaucoup mieux apaiser le courroux des incroyants, afin de pouvoir vivre et continuer à prêcher la bonne nouvelle. Dans la mesure où tu le peux, vis longtemps sur terre, afin qu'au cours de tes longues années, tu puisses gagner de nombreuses âmes au royaume céleste. »

181:2.16 Quand le Maitre eut fini de parler à Jacques Zébédée, il contourna la table jusqu'à l'extrémité où se trouvait André, regarda son fidèle assistant bien dans les yeux et lui dit : « André, tu m'as fidèlement représenté en tant que chef en fonction des ambassadeurs du royaume céleste. Bien que tu aies parfois douté et parfois manifesté une timidité dangereuse, tu as néanmoins toujours été sincèrement juste et éminemment équitable dans tes rapports avec tes associés. Depuis ton ordination et celle de tes frères comme messagers du royaume, vous avez agi de manière autonome dans toutes les affaires administratives du groupe, sauf que je t'ai désigné comme chef en fonction de ces hommes choisis. Dans aucun autre domaine temporel je n'ai agi pour te commander ou influencer tes décisions. Je m'en suis abstenu en vue de préparer quelqu'un à diriger vos délibérations collectives ultérieures. Dans mon univers, comme dans l'univers des univers de mon Père, nos fils-frères sont traités en tant qu'individus dans tous leurs rapports spirituels, mais, dans tous les rapports collectifs, nous établissons invariablement une fonction précise de commandement. Notre royaume est un domaine ordonné et, quand deux ou plusieurs créatures volitives agissent en coopération, l'autorité d'un chef est toujours prévue.

181:2.17 « Et, maintenant, André, puisque tu es le chef de tes frères, en vertu de l'autorité que je t'ai conférée, puisque tu m'as ainsi servi de représentant personnel et puisque je vais vous quitter pour aller auprès de mon Père, je te libère de toute responsabilité concernant ces affaires temporelles et administratives. Désormais, tu n'exerceras plus de juridiction sur tes frères en dehors de celle que tu as gagnée en tant que chef spirituel, et que tes frères reconnaissent donc librement. Dorénavant, tu n'as plus le droit d'exercer ton autorité sur tes frères, à moins qu'ils ne te la restituent par un acte législatif formel et précis après que je serai retourné auprès du Père. Toutefois, le fait d'être libéré de toute responsabilité, en tant que chef administratif de ce groupe, ne diminue en rien ta responsabilité morale de faire tout ce qui sera en ton pouvoir pour maintenir la cohésion de tes frères avec fermeté et amour durant les heures éprouvantes qui vont arriver incessamment ; il s'agit des journées qui doivent intervenir entre mon départ, en tant qu'être charnel, et l'envoi du nouvel instructeur qui vivra dans votre coeur et vous conduira finalement dans toute la vérité. Au moment où je me prépare à te quitter, je voudrais te libérer de toute responsabilité administrative tirant son origine et son autorité de ma présence parmi vous comme l'un de vous. Désormais, je n'exercerai plus, sur vous et parmi vous, que l'autorité spirituelle.

181:2.18 « Si tes frères désirent te conserver comme conseiller, je te commande de faire tout ce que tu peux, dans toutes les questions temporelles et spirituelles, pour promouvoir la paix et l'harmonie parmi les divers groupes de croyants sincères à l'évangile. Consacre le reste de ta vie à développer les aspects pratiques de l'amour fraternel parmi tes frères. Sois bon pour mes frères par le sang quand ils parviendront à croire pleinement à l'évangile ; manifeste un dévouement affectueux et impartial envers les Grecs à l'occident et envers Abner à l'orient. Bien que mes apôtres, ici devant moi, doivent prochainement être dispersés aux quatre coins de la terre pour proclamer la bonne nouvelle du salut par la filiation avec Dieu, il t'appartient de les maintenir réunis durant les heures d'épreuve imminentes, la période intensément éprouvante durant laquelle vous devrez apprendre à croire à l'évangile hors de ma présence personnelle, tout en attendant patiemment l'arrivée du nouvel instructeur, l'Esprit de Vérité. Donc, André, bien qu'il puisse ne pas t'échoir d'accomplir les grandes oeuvres du point de vue humain, contente-toi d'être l'éducateur et le conseiller de ceux qui les accomplissent. Poursuis jusqu'à la fin ton travail sur terre et, ensuite, tu continueras ce ministère dans le royaume éternel, car ne t'ai-je pas maintes fois dit que j'ai d'autres brebis en dehors de ce troupeau ? »

181:2.19 Jésus alla ensuite vers les jumeaux Alphée, se mit entre eux deux et dit : « Mes petits enfants, vous êtes l'une des trois paires de frères qui ont choisi de me suivre. Tous les six vous avez bien fait de travailler en paix avec votre frère par le sang, mais aucun ne l'a fait mieux que vous. De durs moments nous attendent sous peu. Peut-être ne comprendrez-vous pas tout ce qui vous arrivera, à vous et à vos frères, mais ne doutez jamais que vous ayez été un jour appelés à l'oeuvre du royaume. Pendant quelque temps, il n'y aura pas de foules à diriger, mais ne vous découragez pas. Quand le travail de votre vie sera achevé, je vous recevrai au ciel où vous pourrez raconter votre salut aux armées séraphiques et aux multitudes de Fils élevés de Dieu. Consacrez votre vie à magnifier les travaux pénibles de la vie de tous les jours. Montrez à tous les habitants de la terre et aux anges du ciel comment un homme mortel peut retourner avec gaité et courage à son dur labeur de jadis, après avoir été appelé pendant un temps au service spécial de Dieu. Si, pour le moment, votre travail dans les affaires extérieures du royaume est achevé, vous devriez retourner à vos anciens travaux avec l'illumination nouvelle de l'expérience d'être fils de Dieu, et avec la compréhension élevée que, pour celui qui connaît Dieu, il n'existe ni travail banal, ni labeur séculier. Pour vous, qui avez oeuvré avec moi, toutes choses sont devenues sacrées, et tout labeur terrestre est devenu un service pour Dieu le Père lui-même. Quand vous entendrez raconter les actes de vos anciens associés apostoliques, réjouissez-vous avec eux et poursuivez votre besogne quotidienne comme ceux qui attendent Dieu et travaillent en l'attendant. Vous avez été mes apôtres et vous le serez toujours ; je me souviendrai de vous dans le royaume à venir. »

181:2.20 Ensuite, Jésus alla vers Philippe, qui se leva pour entendre le message suivant de son Maitre : « Philippe, tu m'as posé beaucoup de sottes questions, et j'ai fait mon possible pour répondre à chacune d'elles. Maintenant je voudrais répondre à la dernière qui est venue à ton mental fort honnête, mais fort peu spirituel. Pendant tout le temps que je contournais la table vers toi, tu n'as cessé de te demander : `Que vais-je bien faire si le Maitre s'en va et nous laisse seuls dans le monde ?' Homme de peu de foi ! Et, pourtant, tu en as presque autant que nombre de tes frères. Tu as été un bon intendant, Philippe. Tes défaillances ont été rares, et nous avons utilisé l'une d'elles pour manifester la gloire du Père. Ton service d'intendance va prendre fin. Il faudra te consacrer bientôt plus complètement à l'oeuvre pour laquelle tu as été appelé - la prédication de l'évangile du royaume. Philippe, tu as toujours voulu des démonstrations et tu vas bientôt voir de grandes choses. Il aurait bien mieux valu que tu aies perçu tout ceci par la foi, mais, puisque tu étais sincère même dans ta vision matérielle, tu vivras pour voir l'accomplissement de mes paroles. Ensuite, quand tu auras été béni par la vision spirituelle, fais ton travail en consacrant ta vie à guider l'humanité dans sa recherche de Dieu et des réalités éternelles avec l'oeil de la foi spirituelle, et non avec les yeux du mental matériel. Souviens-toi, Philippe, que tu as une grande mission sur terre, car le monde est rempli de gens qui ont tendance à regarder la vie exactement comme toi. Tu as une tâche importante à accomplir et, quand elle sera achevée dans la foi, tu viendras à moi dans mon royaume, et je prendrai grand plaisir à te montrer ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu et ce que le mental humain n'a pas conçu. Entretemps, deviens comme un petit enfant dans le royaume de l'esprit et permets-moi, en tant qu'esprit du nouvel instructeur, de t'entrainer dans le royaume spirituel. De cette manière, je pourrai faire pour toi beaucoup de choses que je ne pouvais pas accomplir quand je séjournais avec toi comme mortel du royaume. Et souviens-toi toujours, Philippe, que quiconque m'a vu a vu le Père. »

181:2.21 Ensuite, le Maitre alla vers Nathanael, qui se leva ; mais Jésus le pria de se rassoir, s'assit à côté de lui et dit : « Nathanael, tu as appris à vivre au-dessus des préjugés et à pratiquer une tolérance accrue depuis que tu es devenu mon apôtre. Mais tu as encore beaucoup à apprendre. Tu as été une bénédiction pour tes collègues parce que ta persévérante sincérité les appelait toujours à l'ordre. Après mon départ, il se peut que ta franchise t'empêche de rester en bons termes avec tes frères, tant anciens que nouveaux. Tu devrais apprendre que l'expression d'une pensée, même bonne, doit être modulée en harmonie avec le statut intellectuel et le développement spirituel de l'interlocuteur. La sincérité est fort utile dans l'oeuvre du royaume quand elle est alliée au discernement.

181:2.22 « Si tu voulais apprendre à travailler avec tes frères, tu pourrais accomplir des oeuvres plus durables ; par contre, si tu pars à la recherche de ceux qui pensent comme toi, consacre alors ta vie à prouver que le disciple connaissant Dieu peut devenir un bâtisseur du royaume, même s'il est seul dans le monde et complètement isolé de ses compagnons croyants. Je sais que tu seras fidèle jusqu'au bout, et je t'accueillerai, un jour, dans le service plus étendu de mon royaume du ciel. »

181:2.23 Alors, Nathanael prit la parole pour demander à Jésus : « J'ai écouté ton enseignement depuis le premier moment où tu m'as appelé au service du royaume, mais, en toute honnêteté, je n'arrive pas à comprendre la pleine signification de tout ce que tu nous dis. Je ne sais pas à quels évènements je dois m'attendre, et je crois que la plupart de mes compagnons sont également désorientés, mais qu'ils hésitent à avouer leur embarras. Peux-tu m'aider ? » Jésus posant la main sur l'épaule de Nathanael dit : « Mon ami, il n'est pas surprenant que tu sois embarrassé pour essayer de saisir la signification de mon enseignement spirituel, puisque tu es tellement handicapé par tes idées préconçues sur la tradition juive et embrouillé par ta tendance persistante à interpréter mon évangile conformément aux leçons des scribes et des pharisiens.

181:2.24 « Je vous ai beaucoup enseigné par la parole et j'ai vécu ma vie parmi vous. J'ai fait tout ce qui était possible pour illuminer votre mental et libérer votre âme. Ce que vous n'avez pas été capables de tirer de mes enseignements et de ma vie, il faut maintenant vous préparer à l'acquérir auprès du maitre de tous les instructeurs - l'expérience effective. Dans toutes ces expériences nouvelles qui vous attendent, je vous précèderai et l'Esprit de Vérité vous accompagnera. Ne craignez pas. Quand le nouvel instructeur sera venu, il vous révèlera ce que vous ne réussissez pas à comprendre maintenant ; il le fera durant le reste de votre vie terrestre et poursuivra votre formation dans les âges éternels. »

181:2.25 Puis le Maitre se tournant vers tous les apôtres dit : « N'ayez pas de crainte si vous ne comprenez pas la pleine signification de l'évangile. Vous n'êtes que des êtres finis, des hommes mortels, et ce que je vous ai enseigné est infini, divin et éternel. Soyez patients et ayez bon courage, car vous avez les âges éternels devant vous pour continuer votre expérience progressive et devenir parfaits, comme votre Père au Paradis est parfait. »

181:2.26 Ensuite, Jésus alla vers Thomas, qui, debout, l'entendit dire : « Thomas, tu as souvent manqué de foi ; toutefois, après tes périodes de doute, tu n'as jamais manqué de courage. Je sais que les faux prophètes et les éducateurs illégitimes ne te tromperont pas. Après mon départ, tes frères apprécieront d'autant plus ta manière critique de considérer les nouveaux enseignements. Quand vous serez tous dispersés aux confins du monde dans les temps à venir, souviens-toi que tu es encore mon ambassadeur. Consacre-ta vie à la grande oeuvre consistant à montrer que le mental matériel critique de l'homme peut triompher de l'inertie du doute intellectuel quand il se trouve en face de la manifestation démonstrative de la vérité vivante ; je parle de la vérité vivante telle qu'elle opère dans l'expérience des hommes et des femmes nés d'esprit, qui produisent dans leur vie les fruits de l'esprit, et qui s'aiment les uns les autres comme je vous ai aimés. Thomas, je suis heureux que tu te sois joint à nous, et je sais qu'après une courte période de perplexité, tu continueras à servir le royaume. Tes doutes ont embarrassé tes frères, mais ne m'ont jamais dérangé. J'ai confiance en toi et je te précèderai jusqu'aux confins de la terre. »

181:2.27 Ensuite, le Maitre alla vers Simon Pierre, qui se leva, tandis que Jésus s'adressait à lui en ces termes : « Pierre, je sais que tu m'aimes, et que tu consacreras ta vie à prêcher publiquement l'évangile aux Juifs et aux Gentils, mais je suis désolé que tes années d'association étroite avec moi n'aient pas mieux réussi à t'aider à réfléchir avant de parler. Par quelle expérience faudra-t-il que tu passes pour apprendre à surveiller tes paroles ? Que de difficultés tu nous as causées par tes paroles irréfléchies, par ta présomptueuse confiance en toi ! Tu vas t'attirer encore bien plus de difficultés si tu ne maitrises pas ce défaut. Tu sais que tes frères t'aiment malgré cette faiblesse, et tu dois aussi comprendre que cette imperfection ne diminue en rien mon affection pour toi, mais elle réduit ton utilité et ne cesse jamais de te valoir des ennuis. Toutefois il est indubitable que l'expérience que tu vas passer cette nuit même sera pour toi d'un grand secours. Ce que je te dis maintenant, Simon Pierre, je le dis également à tous tes frères assemblés ici : Ce soir, vous serez tous en grand péril de trébucher à cause de moi. Vous savez qu'il est écrit : `Le berger sera frappé et les brebis seront dispersées.' Quand je ne serai plus là, il y aura grand danger que certains d'entre vous succombent à des doutes et trébuchent à cause de ce qui me sera arrivé. Mais je vous promets maintenant que je reviendrai pour un peu de temps et que je vous précèderai alors en Galilée. »

181:2.28 Alors Pierre mit sa main sur l'épaule de Jésus et dit : « Peu importe si tous mes frères succombent à des doutes à ton sujet ; moi, je te promets que je ne trébucherai sur rien de ce que tu pourras faire. Je t'accompagnerai et, au besoin, je mourrai pour toi. »

181:2.29 Tandis que Pierre se tenait là devant son Maitre, tout tremblant d'une émotion intense et débordant d'amour sincère pour lui, Jésus le regarda droit dans ses yeux humides de larmes et dit : « Pierre, en vérité, en vérité, je te le dis, cette nuit, le coq ne chantera pas avant que tu ne m'aies renié trois ou quatre fois. Et ainsi, ce que tu n'as pas appris par ton association paisible avec moi, tu vas l'apprendre par beaucoup d'ennuis et de grands chagrins. Après que tu auras réellement appris cette indispensable leçon, tu devrais fortifier tes frères et poursuivre une vie consacrée à prêcher l'évangile, bien que tu puisses être mis en prison, et peut-être me suivre en payant le prix suprême du service expression de l'amour pour édifier le royaume du Père.

181:2.30 « Mais souviens-toi de ma promesse : Quand je serai ressuscité, je demeurerai quelque temps avec vous avant d'aller vers le Père. Ce soir même, je supplierai le Père de fortifier chacun de vous pour l'épreuve que vous allez si prochainement traverser. Je vous aime tous de l'amour dont le Père m'aime, et vous devriez donc vous aimer désormais les uns les autres comme je vous ai aimés. »

181:2.31 Ensuite, après avoir chanté un hymne, ils partirent pour le camp du mont des Oliviers.

182. À Gethsémani

182:0.1 IL ÉTAIT environ dix heures ce jeudi soir, lorsque Jésus emmena les onze apôtres de chez Élie et Marie Marc pour les reconduire au camp de Gethsémani. Depuis la journée passée avec le Maitre dans les collines, Jean Marc s'était toujours arrangé pour garder un oeil vigilant sur Jésus. Ayant besoin de sommeil, Jean avait pris plusieurs heures de repos pendant que le Maitre avait été avec ses apôtres dans la salle du haut. Mais, lorsqu'il les entendit descendre, il se ceignit rapidement d'un manteau de lin et les suivit à travers la ville, puis au delà du ruisseau Cédron jusqu'à leur campement privé adjacent au Parc de Gethsémani. Durant toute cette nuit et le lendemain, Jean Marc resta si près du Maitre qu'il fut témoin de tout et entendit une grande partie des paroles que le Maitre prononça entre ce moment-là et l'heure de la crucifixion.

182:0.2 Tandis que Jésus et les onze retournaient au camp, les apôtres commencèrent à se demander ce que signifiait l'absence prolongée de Judas. Ils s'entretinrent de la prédiction du Maitre que l'un d'eux le trahirait, et, pour la première, fois ils soupçonnèrent que tout n'allait pas bien du côté de Judas Iscariot. Toutefois, ils ne firent pas ouvertement de commentaires sur Judas avant d'atteindre le camp et de constater qu'il n'était pas là à les attendre. Quand ils assaillirent tous André de questions pour savoir ce que Judas était devenu, leur chef se borna à répondre : « Je ne sais pas où est Judas, mais je crains qu'il ne nous ait abandonnés. »

182.1  La Dernière Prière en Commun

182:1.1 Quelques instants après leur arrivée au camp, Jésus leur dit : « Mes amis et mes frères, je n'ai plus que très peu de temps à passer avec vous, et je désirerais que nous nous isolions cependant que nous prierons notre Père qui est aux cieux de nous accorder la force pour nous soutenir en cette heure et ensuite dans toute l'oeuvre que nous devons accomplir en son nom. »

182:1.2 Après avoir ainsi parlé, Jésus les conduisit un peu plus haut sur le mont Olivet, jusqu'à une vaste plate-forme rocheuse d'où l'on voyait tout Jérusalem. Il pria les apôtres de s'agenouiller en cercle autour de lui sur le rocher, comme ils l'avaient fait le jour de leur ordination. Ensuite, debout au milieu d'eux et glorifié dans la douce lumière de la lune, il leva les yeux vers le ciel et pria :

182:1.3 « Père, mon heure est venue ; glorifie maintenant ton Fils afin que le Fils puisse te glorifier. Je sais que tu m'as donné pleine autorité sur toutes les créatures vivantes de mon royaume, et je donnerai la vie éternelle à tous ceux qui deviendront fils de Dieu par la foi. Et la vie éternelle, c'est que mes créatures te connaissent comme le seul vrai Dieu et Père de tous, et qu'elles croient en celui que tu as envoyé dans ce monde. Père, je t'ai exalté sur terre et j'ai accompli l'oeuvre dont tu m'as chargé. J'ai presque achevé mon effusion sur les enfants de notre propre création ; il ne me reste plus qu'à abandonner ma vie charnelle. Maintenant, ô mon Père, glorifie-moi de la gloire que j'avais avec toi avant que ce monde n'existe, et reçois-moi une fois de plus à ta droite.

182:1.4 « Je t'ai manifesté aux hommes que tu as choisis dans le monde et que tu m'as donnés. Ils sont à toi - comme toute vie est entre tes mains - tu me les as donnés et j'ai vécu parmi eux en leur enseignant les voies de la vie, et ils ont cru. Ces hommes apprennent que tout ce que j'ai vient de toi et que ma vie dans la chair est destinée à faire connaître mon Père aux mondes. La vérité que tu m'as donnée, je la leur ai révélée, et eux, mes amis et mes ambassadeurs, ont sincèrement voulu recevoir ta parole. Je leur ai dit que je suis issu de toi, que tu m'avais envoyé dans ce monde et que je suis sur le point de retourner vers toi. Père, en vérité, je prie pour ces hommes choisis. Et je prie pour eux non comme je prierais pour le monde, mais comme pour des hommes que j'ai choisis dans le monde pour me représenter auprès de ce monde après que je serai retourné à ton oeuvre, de même que je t'ai représenté dans ce monde durant mon séjour dans la chair. Ces hommes sont miens ; tu me les as donnés, mais tout ce qui est à moi est toujours à toi, et tu as fait que tout ce qui était à toi soit à moi. Tu as été exalté en moi, et maintenant je prie pour être honoré en ces hommes. Je ne puis rester plus longtemps dans ce monde ; je vais bientôt retourner à la tâche que tu m'as assignée. Il faut que je laisse ces hommes derrière moi pour nous représenter et représenter notre royaume parmi les hommes. Père, préserve la fidélité de ces hommes pendant que je me prépare à abandonner ma vie dans la chair. Aide ces hommes, mes amis, à être un en esprit comme nous aussi, nous sommes un. Tant que je pouvais être auprès d'eux, je pouvais veiller sur eux et les guider, mais maintenant je vais partir. Sois près d'eux, Père, jusqu'à ce que nous puissions envoyer le nouvel instructeur pour les consoler et les fortifier.

182:1.5 « Tu m'as donné douze hommes, et je les ai tous gardés sauf un, le fils de la vengeance, qui n'a pas voulu maintenir la communion avec nous. Ces hommes sont faibles et frêles, mais je sais que nous pouvons leur faire confiance ; je les ai éprouvés ; ils m'aiment autant qu'ils te révèrent. Bien qu'ils doivent souffrir beaucoup à cause de moi, je désire qu'ils soient aussi remplis de joie à l'idée d'être assurés de leur filiation dans le royaume céleste. J'ai donné ta parole à ces hommes et je leur ai enseigné la vérité. Le monde peut les haïr comme il m'a haï, mais je ne demande pas que tu les retires du monde, seulement que tu les gardes du mal qui sévit dans le monde. Sanctifie-les dans la vérité ; ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans ce monde, je vais envoyer ces hommes de par le monde. Pour eux, j'ai vécu parmi les hommes et j'ai consacré ma vie à ton service, afin de les inspirer pour qu'ils se purifient par la vérité que je leur ai enseignée et par l'amour que je leur ai révélé. Je sais bien, mon Père, que je n'ai pas besoin de te prier de veiller sur ces frères après mon départ ; je sais que tu les aimes autant que moi. Mais je fais cela pour qu'ils puissent d'autant mieux réaliser que le Père aime les hommes mortels comme le Fils les aime.

182:1.6 « Et maintenant, mon Père, je voudrais prier non seulement pour ces onze hommes, mais aussi pour tous les autres qui croient maintenant à l'évangile du royaume ou qui pourront y croire plus tard grâce à la parole du futur ministère de mes apôtres. Je veux qu'ils soient tous un, comme toi et moi, nous ne faisons qu'un. Tu es en moi et je suis en toi, et je désire que ces croyants soient également en nous, que nos deux esprits les habitent. Si mes enfants ne font qu'un comme nous ne faisons qu'un, et qu'ils s'aiment les uns les autres comme je les ai aimés, alors tous les hommes croiront que je suis issu de toi et seront prêts à accepter la révélation de vérité et de gloire que j'ai apportée. J'ai révélé à ces croyants la gloire que tu m'as donnée. De même que tu as vécu avec moi en esprit, de même j'ai vécu avec eux dans la chair. De même que tu n'as fait qu'un avec moi, de même je n'ai fait qu'un avec eux, et de même le nouvel instructeur ne fera également à jamais qu'un avec eux et en eux. J'ai fait tout cela pour que mes frères incarnés puissent savoir que le Père les aime comme le Fils les aime, et que tu les aimes comme tu m'aimes. Père, travaille avec moi à sauver ces croyants, afin qu'ils puissent bientôt demeurer avec moi en gloire et te rejoindre ensuite dans l'étreinte du Paradis. Ceux qui servent avec moi dans l'humiliation, je voudrais les avoir auprès de moi en gloire, afin qu'ils puissent voir tout ce que tu as remis entre mes mains comme moisson éternelle de la semence du temps dans la similitude de la chair mortelle. Je désire ardemment montrer à mes frères terrestres la gloire que j'avais avec toi avant la fondation de ce monde. Ce monde te connaît si peu, ô juste Père, mais moi, je te connais, et je t'ai fait connaître à ces croyants, et ils feront connaître ton nom à d'autres générations. Maintenant, je leur promets que tu seras auprès d'eux dans le monde comme tu as été auprès de moi - ainsi soit-il. »

182:1.7 Durant plusieurs minutes, les onze restèrent agenouillés en cercle autour de Jésus avant de se relever et de regagner silencieusement le camp voisin.

182:1.8 Jésus pria pour l'unité parmi ses disciples, mais il ne désirait pas l'uniformité. Le péché crée un niveau stérile d'inertie mauvaise, mais la droiture nourrit l'esprit créatif de l'expérience individuelle dans les réalités vivantes de la vérité éternelle et dans la communion progressive des divins esprits du Père et du Fils. Dans la communion spirituelle d'un fils croyant avec le divin Père, il ne peut jamais y avoir de finalité doctrinale ni de supériorité sectaire provenant d'une conscience de groupe.

182:1.9 Au cours de cette prière finale avec ses apôtres, le Maitre fit allusion au fait qu'il avait rendu manifeste le nom du Père au monde. C'est bien ce qu'il fit en révélant Dieu par sa vie incarnée, qui avait atteint la perfection. Le Père qui est aux cieux avait cherché à se révéler à Moïse, mais ne put aller plus loin que de faire dire : « JE SUIS » . Lorsqu'il fut pressé de se manifester davantage, il dévoila seulement : « JE SUIS ce que JE SUIS » . Mais, lorsque Jésus eut achevé sa vie terrestre, le nom du Père avait été révélé de telle sorte que le Maitre, qui était le Père incarné, pouvait dire à juste titre :

182:1.10 « Je suis le pain de vie.

182:1.11 « Je suis l'eau vivante.

182:1.12 « Je suis la lumière du monde.

182:1.13 « Je suis le désir de tous les âges.

182:1.14 « Je suis la porte ouverte au salut éternel.

182:1.15 « Je suis la réalité de la vie sans fin.

182:1.16 « Je suis le bon berger.

182:1.17 « Je suis le sentier de la perfection infinie.

182:1.18 « Je suis la résurrection et la vie.

182:1.19 « Je suis le secret de la survie éternelle.

182:1.20 « Je suis le chemin, la vérité et la vie.

182:1.21 « Je suis le Père infini de mes enfants finis.

182:1.22 « Je suis le vrai cep ; vous êtes les sarments.

182:1.23 « Je suis l'espoir de tous ceux qui connaissent la vérité vivante.

182:1.24 « Je suis le pont vivant qui relie un monde à l'autre.

182:1.25 « Je suis le lien vivant entre le temps et l'éternité.

182:1.26 C'est ainsi que Jésus élargit pour toutes les générations, la révélation vivante du nom de Dieu. De même que l'amour divin révèle la nature de Dieu, de même la vérité éternelle dévoile son nom dans une mesure toujours croissante.

182.2  La Dernière Heure avant la Trahison

182:2.1 À leur retour au camp, les apôtres furent extrêmement choqués de ne pas y trouver Judas. Tandis que les onze s'engageaient dans un débat animé au sujet de la traitrise de leur compagnon apôtre, David Zébédée et Jean Marc prirent Jésus à part et lui révélèrent qu'ils avaient surveillé, depuis plusieurs jours, les agissements de Judas et savaient que Judas avaient l'intention de le livrer traitreusement aux mains de ses ennemis. Jésus les écouta, mais se borna à répondre : « Mes amis, rien ne peut arriver au Fils de l'Homme à moins que le Père qui est aux cieux ne le veuille. Que votre coeur ne soit pas troublé ; toutes choses concourront à la gloire de Dieu et au salut des hommes. »

182:2.2 L'attitude sereine de Jésus s'altérait. Dans l'heure qui suivit, il devint de plus en plus grave et même triste. Les apôtres étaient très agités et répugnaient à rentrer dans leurs tentes, même quand le Maitre lui-même les en priait. Au retour de son entretien avec David et Jean Marc, il adressa ses dernières paroles au groupe des onze en disant : « Mes amis, allez vous reposer. Préparez-vous au travail de demain. Rappelez-vous que nous devrions tous nous soumettre à la volonté du Père qui est aux cieux. Je vous laisse ma paix. » Ayant ainsi parlé, il les invita à regagner leurs tentes. Alors qu'ils s'éloignaient, il appela Pierre, Jacques et Jean en leur disant : « Je désire que vous restiez un moment auprès de moi. »

182:2.3 Les apôtres s'endormirent uniquement parce qu'ils étaient littéralement épuisés ; depuis leur arrivée à Jérusalem, ils n'avaient jamais eu leur compte de sommeil. Avant de se séparer pour s'étendre chacun sur sa couche, Simon Zélotès les emmena tous à sa tente, où étaient conservées les épées et autres armes, et remit à chacun son équipement de combat. Tous sauf Nathanael prirent les armes et s'en ceignirent. En refusant de s'armer, Nathanael dit : « Mes frères, le Maitre nous a dit à maintes reprises que son royaume n'est pas de ce monde et que ses disciples ne devraient pas combattre par l'épée pour l'établir. Je le crois, et je ne pense pas que le Maitre ait besoin que nous utilisions l'épée pour le défendre. Nous avons tous été témoins de sa puissance et nous savons qu'il pourrait se défendre contre ses ennemis s'il le désirait. S'il ne veut pas leur résister, c'est parce que cette ligne de conduite représente sa façon de chercher à accomplir la volonté de son Père. Je prierai, mais je ne tirerai pas l'épée. » Après avoir entendu la harangue de Nathanael, André rendit son épée à Simon Zélotès. Neuf d'entre eux restèrent donc armés quand ils se séparèrent pour la nuit.

182:2.4 Leur ressentiment contre le fait que Judas était un traitre éclipsait, pour le moment, toute autre préoccupation dans le mental des apôtres. Le commentaire du Maitre sur Judas au cours de la dernière prière avait ouvert leurs yeux sur le fait qu'il les avait abandonnés.

182:2.5 Lorsque les huit apôtres se furent finalement retirés dans leurs tentes, tandis que Pierre, Jacques et Jean se tenaient prêts à recevoir les ordres du Maitre, Jésus dit à David Zébédée : « Envoie-moi ton messager le plus rapide et le plus sûr. » David lui amena un certain Jacob, jadis coureur au service des messages de nuit entre Jérusalem et Bethsaïde. Jésus, s'adressant à lui, dit : « Rends-toi en toute hâte auprès d'Abner à Philadelphie et dis-lui : le Maitre t'envoie ses souhaits de paix et dit que l'heure est venue où il va être livré aux mains de ses ennemis qui le mettront à mort ; mais il ressuscitera d'entre les morts et t'apparaîtra bientôt avant d'aller auprès du Père ; il te donnera alors des directives jusqu'au moment où le nouvel instructeur viendra vivre dans votre coeur. » Lorsque Jacob eut répété le message à la satisfaction du Maitre, Jésus le dépêcha en disant : « Ne crains rien de ce que les hommes pourraient te faire, Jacob, car cette nuit un messager invisible courra à tes côtés. »

182:2.6 Jésus se tourna ensuite vers le chef des visiteurs grecs qui campaient avec son groupe et lui dit : « Mon frère, ne sois pas troublé par ce qui va arriver, car je t'en ai déjà averti. Le Fils de l'homme sera mis à mort à l'instigation de ses ennemis, les chefs des prêtres et les dirigeants des Juifs, mais je ressusciterai pour rester un peu de temps avec vous avant d'aller auprès du Père. Quand tu auras vu tout cela se passer, glorifie Dieu et fortifie tes frères. »

182:2.7 Dans des circonstances ordinaires, chacun des apôtres aurait souhaité personnellement bonne nuit au Maitre, mais, ce soir-là ils, étaient si préoccupés de la soudaine réalisation de la désertion de Judas et si émus par la nature insolite de la prière d'adieu du Maitre, qu'ils se bornèrent à écouter sa salutation d'adieu et partirent en silence.

182:2.8 Au moment où André le quitta cette nuit-là, Jésus lui fit la recommandation suivante : « André, fais ce que tu peux pour garder tes frères ensemble jusqu'à ce que je revienne vers vous après avoir bu cette coupe. Fortifie tes frères, puisque je t'ai déjà tout dit. Que la paix soit avec toi. »

182:2.9 Aucun des apôtres ne s'attendait à ce qu'il arrivât quelque chose d'extraordinaire cette nuit-là, car il était déjà très tard. Ils cherchaient à dormir afin de se lever de bonne heure le lendemain matin et d'être prêts pour le pire. Ils pensaient que les chefs des prêtres essayeraient d'appréhender leur Maitre le matin de bonne heure, car on ne faisait jamais de travail profane l'après-midi du jour de la préparation de la Pâque. Seuls David Zébédée et Jean Marc comprirent que les ennemis de Jésus allaient venir avec Judas cette nuit même.

182:2.10 David s'était arrangé pour prendre la garde de nuit sur la piste supérieure qui conduisait à la route de Béthanie à Jérusalem, tandis que Jean Marc devait veiller le long de la route montant du Cédron à Gethsémani. Avant de partir pour sa mission volontaire de sentinelle avancée, David prit congé de Jésus en disant : « Maitre, j'ai eu grande joie à servir auprès de toi. Mes frères sont tes apôtres, mais je me suis réjoui de faire les moindres choses comme elles devaient l'être, et je te regretterai de tout mon coeur quand tu seras parti. » Jésus lui répondit : « David, mon fils, les autres ont fait ce qui leur avait été ordonné, mais c'est de ton propre coeur que tu as rendu service, et j'ai bien remarqué ta dévotion. Toi aussi, tu serviras, un jour, auprès de moi dans le royaume éternel. »

182:2.11 Alors, tandis qu'il se préparait à aller prendre la garde sur la piste supérieure, David dit à Jésus : « Tu sais, Maitre, j'ai envoyé chercher les membres de ta famille et un messager m'a dit qu'ils étaient ce soir à Jéricho. Ils seront ici demain matin de bonne heure, car il serait risqué de monter de nuit par ce chemin dangereux. » Jésus abaissant le regard sur David dit simplement : « Qu'il en soit ainsi, David. »

182:2.12 Lorsque David fut monté à son poste sur le mont Olivet, Jean Marc prit sa garde près de la route qui descendait le long du ruisseau vers Jérusalem. Il serait resté à ce poste s'il n'avait été tenaillé par le désir d'être près de Jésus et de savoir ce qui se passait. Peu après que David l'eut quitté et qu'il eut observé Jésus se retirant avec Pierre, Jacques et Jean dans un proche ravin, Jean Marc fut tellement dominé par sa dévotion et sa curiosité conjuguées qu'il abandonna son poste de sentinelle et les suivit en se cachant dans des buissons. De là, il put voir et entendre tout ce qui se passa durant ces derniers moments dans le jardin et juste avant l'apparition de Judas et des gardes armés venus pour arrêter Jésus.

182:2.13 Pendant que tous ces évènements se déroulaient au camp du Maitre, Judas Iscariot conférait avec le capitaine des gardes du temple, qui avait rassemblé ses hommes avant de partir pour procéder à l'arrestation de Jésus sous la direction du traitre.

182.3  Seul à Gethsémani

182:3.1 Quand tout fut silencieux et tranquille dans le camp, Jésus emmena Pierre, Jacques et Jean, et leur fit remonter, sur une courte distance, un proche ravin où il était souvent allé auparavant prier et communier. Les trois apôtres ne purent s'empêcher de constater que Jésus était profondément accablé ; jamais auparavant ils n'avaient vu leur Maitre aussi triste et abattu. En arrivant à l'endroit de ses dévotions, il leur demanda de s'assoir et de veiller avec lui pendant qu'il s'éloignait à la distance d'un jet de pierre pour prier. Tombant face contre terre, il pria : « Mon Père, je suis venu dans ce monde pour faire ta volonté et je l'ai faite. Je sais que l'heure est venue d'abandonner ma vie dans la chair, et je ne m'y dérobe pas, mais je voudrais savoir si c'est bien ta volonté que je boive cette coupe. Envoie-moi l'assurance que je te satisferai dans ma mort comme je t'ai satisfait dans ma vie. »

182:3.2 Le Maitre resta quelques instants dans une attitude de prière, puis retourna vers les trois apôtres ; il les trouva profondément endormis, car leurs paupières étaient pesantes et ils ne pouvaient rester éveillés. Jésus les réveilla en disant : « Quoi ! Ne pouvez-vous veiller avec moi, même pendant une heure ? Ne pouvez-vous voir que mon âme éprouve une tristesse extrême, une tristesse mortelle, et que je désire ardemment votre compagnie ? » Après les avoir secoués de leur torpeur, le Maitre repartit seul et retomba de nouveau face contre terre en priant : « Père, je sais qu'il est possible d'éviter cette coupe - toutes choses sont possibles pour toi - mais je suis venu pour faire ta volonté et, bien que la coupe soit amère, je la boirai si telle est ta volonté. » Après qu'il eut ainsi prié, un ange puissant descendit auprès de lui, lui parla, le toucha et le fortifia.

182:3.3 Quand Jésus retourna s'entretenir avec les trois apôtres, il les trouva de nouveau profondément endormis. Il les réveilla en leur disant : « En cette heure, j'ai besoin que vous veilliez et que vous priiez avec moi - et vous avez bien besoin de prier pour ne pas succomber à la tentation - pourquoi donc vous endormez-vous quand je vous quitte ? »

182:3.4 Ensuite, le Maitre se retira une troisième fois à l'écart et pria : « Père, tu vois mes apôtres endormis ; étends ta miséricorde sur eux. En vérité, l'esprit est prompt, mais la chair est faible. Et maintenant, ô Père, si cette coupe ne peut s'éloigner, alors je la boirai. Que ta volonté soit faite et non la mienne. » Lorsqu'il eut fini de prier, il resta pendant un instant prostré sur le sol. Lorsqu'il se releva et qu'il retourna vers ses apôtres, une fois de plus il les trouva endormis. Il les observa, puis dit tendrement avec un geste de pitié : « Dormez maintenant et prenez votre repos ; le moment de la décision est passé. Voici venir l'heure où le Fils de l'Homme va être trahi et livré aux mains de ses ennemis. » Puis il se baissa pour les secouer et les réveilla en disant : « Debout, retournons au camp, car voici que celui qui me trahit est à portée de la main, et l'heure est venue où mon troupeau va être dispersé. Mais je vous ai déjà parlé de ces choses. »

182:3.5 Durant les années vécues par Jésus parmi ses disciples, ils eurent vraiment de nombreuses preuves de sa nature divine, mais, à ce moment-là, ils sont sur le point de recevoir de nouvelles preuves de son humanité. Juste avant la plus grande révélation de sa divinité, sa résurrection, il faut maintenant que surviennent les plus grandes preuves de sa nature humaine, son humiliation et sa crucifixion.

182:3.6 Chaque fois que Jésus avait prié dans le jardin, sa nature humaine avait, par la foi, saisi plus fermement sa divinité ; sa volonté humaine s'était plus complètement unifiée avec la volonté divine de son Père. Parmi d'autres paroles que lui avait dites le puissant ange, se trouvait le message que le Père désirait voir son Fils terminer son effusion terrestre en passant par l'expérience que la créature a de la mort, exactement comme toutes les créatures mortelles doivent faire l'expérience de la dissolution matérielle en passant de l'existence dans le temps à la progression dans l'éternité.

182:3.7 Plus tôt dans la soirée, il n'avait pas paru si difficile au Maitre de boire la coupe, mais, tandis que le Jésus humain disait adieu à ses apôtres et les envoyait se reposer, l'épreuve devenait plus terrible. Jésus éprouvait le flux et le reflux naturel des sentiments communs à toute expérience humaine, et, à ce moment-là, il était fatigué de son travail, épuisé par les longues heures d'efforts assidus et d'anxiété douloureuse au sujet de la sécurité de ses apôtres. Bien que nul mortel ne puisse prétendre saisir les pensées et les sentiments du Fils incarné de Dieu à un moment comme celui-là, nous savons qu'il éprouva une grande angoisse et souffrit d'une tristesse indicible, car la sueur coulait à grosses gouttes sur son visage. Il était enfin convaincu que le Père avait l'intention de laisser les évènements naturels suivre leur cours, et il était pleinement décidé à ne pas recourir, pour se sauver, à son pouvoir souverain de chef suprême d'un univers.

182:3.8 Les armées assemblées d'une immense création planaient maintenant au-dessus de cette scène sous le commandement temporaire conjoint de Gabriel et de l'Ajusteur Personnalisé de Jésus. Les chefs divisionnaires de ces armées célestes ont été avertis à maintes reprises de ne pas s'immiscer dans ces opérations terrestres, à moins que Jésus lui-même ne leur ordonne d'intervenir.

182:3.9 L'expérience de sa séparation d'avec les apôtres exerçait une grande tension sur le coeur humain de Jésus ; cette tristesse d'amour l'accablait et lui rendait plus difficile d'affronter en pleine connaissance de cause une mort semblable à celle qui l'attendait. Il se rendait compte de la faiblesse et de l'ignorance de ses apôtres, et craignait de les abandonner. Il savait bien que l'heure de son départ était arrivée, mais son coeur humain cherchait ardemment à découvrir s'il n'y avait pas d'issue possible pour échapper à cette terrible épreuve de souffrance et de chagrin. Après que son coeur eut ainsi cherché une échappatoire sans y parvenir, il accepta de boire la coupe. Le mental divin de Micaël savait qu'il avait fait de son mieux pour les douze apôtres, mais le coeur humain de Jésus eut souhaité que davantage eût été fait avant de les laisser seuls dans le monde. Le coeur de Jésus était broyé. Il aimait sincèrement ses frères ; il était séparé de sa famille charnelle ; l'un de ses associés choisis le trahissait ; le peuple de son père Joseph l'avait rejeté et avait scellé ainsi son propre destin en tant que peuple chargé d'une mission spéciale sur terre ; son âme était torturée par son amour déçu et sa miséricorde rejetée. Il s'agissait d'un de ces moments terribles dans la vie d'un homme, où tout semble l'accabler avec une cruauté et une angoisse affreuse.

182:3.10 La nature humaine de Jésus n'était pas insensible à cette situation de solitude personnelle, d'opprobre public et d'échec apparent de sa cause. Tous ces sentiments pesaient sur lui avec une lourdeur indescriptible. Dans cette grande tristesse, sa pensée revint à l'époque de son enfance à Nazareth et de ses premiers travaux en Galilée. Au moment de cette grande épreuve, de nombreuses scènes agréables de son ministère terrestre se présentèrent à son mental. Grâce à ces vieux souvenirs de Nazareth, de Capharnaüm, du mont Hermon et du lever et du coucher de soleil sur la scintillante mer de Galilée, il parvint à se calmer tout en fortifiant et en préparant son coeur humain à rencontrer le félon qui devait si prochainement le trahir.

182:3.11 Avant l'arrivée de Judas et des soldats, le Maitre avait pleinement repris son équilibre habituel. L'esprit avait triomphé de la chair ; la foi s'était affirmée supérieure à toutes les tendances humaines à craindre ou à entretenir des doutes. L'épreuve suprême de la pleine réalisation de la nature humaine avait été affrontée et passée d'une manière satisfaisante. Une fois de plus, le Fils de l'Homme était prêt à faire face à ses ennemis avec sérénité et avec la pleine assurance qu'il était invincible en tant que mortel voué sans réserve à faire la volonté de son Père.

183. Jésus Trahi et Arrêté

183:0.1 APRÈS que Jésus eut finalement réveillé Pierre, Jacques et Jean, il leur suggéra de retourner dans leurs tentes et de chercher à dormir pour se préparer aux tâches du lendemain. Mais les apôtres étaient maintenant tout à fait réveillés ; leurs brefs moments de sommeil les avaient reposés. En outre, ils étaient stimulés et excités par l'arrivée sur la scène de deux messagers très agités qui s'enquirent de David Zébédée et partirent rapidement à sa recherche dès que Pierre leur eut indiqué où se trouvait son poste de garde.

183:0.2 Quoique huit des apôtres fussent profondément endormis, les Grecs qui campaient près d'eux craignaient davantage des troubles, au point qu'ils avaient posté une sentinelle pour donner l'alarme en cas de danger. Lorsque les deux messagers entrèrent précipitamment dans le camp, la sentinelle grecque se mit à réveiller tous ses compatriotes, qui sortirent de leurs tentes tout habillés et complètement armés. Tout le camp était maintenant en éveil, sauf les huit apôtres. Pierre voulait les appeler, mais Jésus le lui interdit formellement. Le Maitre leur recommanda doucement à tous de retourner dans leurs tentes, mais ils étaient peu disposés à suivre cette invite.

183:0.3 N'ayant pas réussi à disperser ses partisans, le Maitre les quitta et descendit vers le pressoir à olives proche de l'entrée du Parc de Gethsémani. Les trois apôtres, les Grecs et les autres membres du camp hésitèrent à le suivre immédiatement, mais Jean Marc se hâta de contourner les oliviers et se cacha dans une petite baraque proche du pressoir à olives. Si Jésus s'éloignait du camp et de ses amis, c'était afin que les hommes venus pour s'emparer de lui puissent l'arrêter à leur arrivée sans déranger les apôtres. Le Maitre préférait que ses apôtres ne fussent pas réveillés et présents au moment de son arrestation ; il craignait que le spectacle de la trahison de Judas n'excite leur animosité au point de les faire résister aux soldats et emmener en prison avec lui. S'ils étaient arrêtés avec lui, il avait peur qu'ils ne périssent aussi avec lui.

183:0.4 Jésus savait que le plan pour le faire mourir avait son origine dans les conseils des dirigeants juifs, mais il était également conscient que tous ces projets néfastes avaient la pleine approbation de Lucifer, de Satan et de Caligastia. Il savait bien que ces rebelles des royaumes verraient aussi avec plaisir tous les apôtres exterminés avec lui.

183:0.5 Jésus s'assit, dans la solitude, sur le pressoir à olives et y attendit l'arrivée du traitre, et il n'était vu, à ce moment-là, que par Jean Marc et une multitude d'observateurs célestes.

183.1  La Volonté du Père

183:1.1 Il y a de grands risques de malentendus sur la signification de nombreux évènements et récits associés à la fin de la carrière du Maitre dans la chair. Le traitement cruel envers Jésus par les serviteurs ignorants et les soldats sans coeur, la manière injuste dont il fut jugé et l'insensibilité des prétendus chefs religieux ne doivent pas être confondus avec le fait qu'en supportant patiemment toutes ces souffrances et humiliations, Jésus accomplissait vraiment la volonté du Père du Paradis. En fait et en vérité, la volonté du Père était bien que son Fils boive pleinement la coupe de l'expérience des mortels depuis la naissance jusqu'à la mort ; mais jamais le Père qui est aux cieux ne contribua en quoi que ce soit à provoquer la conduite barbare de ces êtres humains soi-disant civilisés qui torturèrent si brutalement le Maitre et accumulèrent successivement des indignités si horribles sur sa personne qui ne résistait pas. Ces épreuves inhumaines et choquantes que Jésus eut à subir dans les dernières heures de sa vie de mortel ne furent en aucun sens une partie de la volonté divine du Père, que la nature humaine de Jésus s'était si triomphalement engagé à exécuter au moment de la reddition finale de l'homme à Dieu, comme l'exprimait la triple prière qu'il formula dans le jardin de Gethsémani pendant que ses apôtres fatigués dormaient du sommeil de l'épuisement physique.

183:1.2 Le Père qui est aux cieux désirait que le Fils d'effusion terminât sa carrière terrestre d'une manière naturelle, exactement comme tous les mortels doivent terminer leur vie sur terre et dans la chair. Les hommes et les femmes ordinaires ne peuvent s'attendre à ce que leurs dernières heures sur terre et la survenance de l'épisode de la mort leur soient facilitées par une dispense spéciale. En conséquence, Jésus choisit d'abandonner sa vie charnelle d'une manière conforme au cours naturel des évènements. Il refusa fermement de se dégager des griffes cruelles d'une perfide conspiration d'évènements inhumains qui l'entraînait avec une horrible certitude vers son incroyable humiliation et sa mort ignominieuse. Chaque élément de cette stupéfiante manifestation de haine et de cette démonstration de cruauté sans précédent fut l'oeuvre d'hommes mauvais et de mortels méchants. Elle ne fut ni voulue par Dieu dans les cieux, ni prescrite par les ennemis acharnés et supramatériels de Jésus, bien que ces derniers eussent largement contribué à faire rejeter ainsi le Fils d'effusion par des mortels irréfléchis et mauvais. Même le père du péché détourna sa face de l'atroce scène d'horreur de la crucifixion.

183.2  Judas dans la Ville

183:2.1 Après que Judas eut si brusquement quitté la table au milieu du Dernier Souper, il se rendit tout droit chez son cousin, puis tous deux allèrent directement trouver le capitaine des gardes du temple. Judas demanda au capitaine de réunir les gardes et l'informa qu'il était prêt à les conduire vers Jésus. Judas était venu un peu plus tôt qu'on ne l'attendait, de sorte qu'il fallut un certain temps pour se mettre en route vers la maison de Marc, où Judas s'attendait à trouver Jésus s'entretenant encore avec les apôtres. Le Maitre et les onze apôtres quittèrent le domicile d'Élie Marc au moins un quart d'heure avant l'arrivée du traitre et des gardes. Au moment où ceux qui venaient l'arrêter arrivèrent chez Marc, Jésus et les onze étaient déjà sortis de l'enceinte de la ville et en route vers le camp d'Olivet.

183:2.2 Judas fut très inquiet de ne pas trouver Jésus à la résidence de Marc et en compagnie des onze hommes, dont deux seulement étaient armés pour résister. Il avait appris fortuitement que, l'après-midi où il avait quitté le camp seul Simon Pierre et Simon Zélotès s'étaient ceints d'une épée. Judas avait espéré s'emparer de Jésus pendant que la ville était tranquille et qu'il y avait peu de chances de résistance. Le traitre craignait d'avoir à faire face à plus de soixante disciples dévoués s'il attendait leur retour au camp, et il savait aussi que Simon Zélotès disposait d'une ample réserve d'armes. Judas devenait de plus en plus nerveux en songeant à quel point les onze apôtres loyaux le détesteraient, et il redoutait qu'ils ne cherchent tous à le tuer. Non seulement il était déloyal, mais aussi réellement lâche dans son coeur.

183:2.3 Faute de trouver Jésus dans la salle du haut, Judas demanda au capitaine des gardes de retourner au temple. À cette heure, les dirigeants avaient commencé à s'assembler chez le grand-prêtre pour se préparer à recevoir Jésus, vu que leur convention avec le traitre comportait l'arrestation de Jésus à minuit ce jour-là. Judas expliqua à ses associés qu'ils avaient manqué Jésus à la maison de Marc, et qu'il faudrait aller à Gethsémani pour l'arrêter. Le traitre poursuivit en précisant que plus de soixante disciples dévoués campaient avec lui et qu'ils étaient tous bien armés. Les chefs des juifs rappelèrent à Judas que Jésus avait toujours prêché la non-résistance, mais il répliqua que l'on ne pouvait compter sur tous les disciples de Jésus pour obéir à cet enseignement. Judas avait réellement peur pour lui-même, et c'est pourquoi il osa demander une compagnie de quarante soldats en arme. N'ayant pas sous leur juridiction une force aussi importante, les autorités juives se rendirent aussitôt à la forteresse d'Antonia et requirent le commandant romain de leur fournir cette garde. Mais, en apprenant leur intention d'arrêter Jésus, le commandant refusa aussitôt d'accéder à leur demande et les adressa à son officier supérieur. De cette manière, ils perdirent plus d'une heure en allant d'une autorité à l'autre, jusqu'au moment où ils furent contraints d'aller jusqu'à Pilate en personne pour obtenir l'autorisation d'employer les gardes romains armés. Quand ils arrivèrent à la maison de Pilate, il était tard, et Pilate s'était retiré avec sa femme dans son appartement privé. Il hésita à s'immiscer en quoi que ce soit dans l'entreprise ; d'autant plus que sa femme lui avait demandé de ne pas faire droit à la requête. Mais, puisque le président du Sanhédrin juif était présent et demandait personnellement cette assistance, le gouverneur crut sage de donner l'autorisation ; il s'estimait en mesure de rectifier ultérieurement n'importe quelle mauvaise action qu'ils auraient pu être amenés à commettre.

183:2.4 En conséquence, lorsque Judas Iscariot partit du temple vers onze heures et demie du soir, il était accompagné de plus de soixante personnes - gardes du temple, soldats romains et serviteurs curieux des dirigeants et chefs des prêtres.

183.3  L'Arrestation du Maitre

183:3.1 Tandis que cette compagnie de soldats armés et de gardes, portant torches et lanternes, approchait du jardin, Judas prit une bonne avance sur la troupe pour être prêt à identifier rapidement Jésus afin de permettre aux hommes chargés de l'arrêter de mettre facilement la main sur lui avant que ses associés n'aient le temps de se rassembler pour le défendre. Il y avait encore une autre raison pour que Judas choisisse de précéder les ennemis du Maitre : il pensait qu'ainsi il semblerait être arrivé sur la scène avant les soldats, de sorte que les apôtres et les autres disciples réunis autour de Jésus n'établiraient peut-être pas de lien direct entre sa venue et les gardes armés qui le suivaient de si près. Judas avait même pensé prétendre s'être hâté pour les prévenir de l'approche de ceux qui venaient l'arrêter, mais ce plan fut contrecarré par la manière flétrissante dont Jésus salua le félon. Bien que le Maitre parla aimablement à Judas, il l'accueillit comme un traitre.

183:3.2 Aussitôt que Pierre, Jacques, Jean et une trentaine de campeurs virent la troupe armée munie de torches contourner la crête de la colline, ils surent que ces soldats venaient arrêter Jésus, et tous descendirent précipitamment vers le pressoir à olives, où le Maitre était assis seul sous le clair de lune. Tandis que la compagnie de soldats s'approchait d'un côté, les trois apôtres et leurs associés s'approchaient de l'autre, et, alors que Judas s'avançait à grandes enjambées pour accoster le Maitre, les deux groupes s'immobilisèrent avec le Maitre entre eux, Judas se préparant à déposer le baiser de trahison sur le front de Jésus.

183:3.3 Le traitre avait espéré qu'après avoir conduit les gardes à Gethsémani, il pourrait simplement désigner Jésus aux soldats ou tout au plus exécuter la promesse de le saluer par un baiser, puis quitter rapidement la scène. Judas craignait beaucoup que les apôtres ne soient tous présents et ne concentrent leur attaque sur lui pour le punir d'avoir osé trahir leur instructeur bien-aimé, mais, lorsque le Maitre l'accueillit comme un traitre, il fut tellement confus qu'il ne fit aucune tentative pour s'enfuir.

183:3.4 Jésus fit un dernier effort pour éviter à Judas d'accomplir effectivement son geste de trahison. Avant que le traitre ait pu le joindre, il fit quelques pas de côté et interpella le militaire de tête sur la gauche, le capitaine des Romains, en lui disant : « Qui cherches-tu ? » Le capitaine répondit : « Jésus de Nazareth. » Alors, Jésus se planta immédiatement devant l'officier et, avec la calme majesté du Dieu de toute notre création, il lui dit : « C'est moi. » Beaucoup de membres de la garde armée avaient entendu Jésus enseigner dans le temple, et d'autres avaient entendu parler de ses oeuvres puissantes. Lorsqu'ils l'entendirent déclarer son identité si audacieusement, les soldats des premiers rangs reculèrent soudainement. Ils furent saisis de surprise devant la calme et majestueuse déclaration de son identité. Judas n'avait donc aucun besoin de poursuivre son plan de trahison. Le Maitre s'était audacieusement dévoilé à ses ennemis, qui auraient pu s'emparer de lui sans l'assistance de Judas. Mais il fallait que le traitre fit quelque chose pour justifier sa présence avec cette troupe armée ; en outre, il voulait donner le spectacle de jouer son rôle dans l'accord de trahison avec les chefs des Juifs, pour mériter les grosses récompenses et les grands honneurs qui, croyait-il, allaient s'amonceler sur lui en compensation de sa promesse de livrer Jésus entre leurs mains.

183:3.5 Tandis que les gardes se ressaisissaient après avoir d'abord vacillé à la vue de Jésus et au son de sa voix inhabituelle, et tandis que les apôtres et les disciples se rapprochaient, Judas s'avança vers Jésus, déposa un baiser sur son front et dit : « Salut, Maitre et Instructeur. » Au moment où Judas embrassa ainsi son Maitre, Jésus lui dit : « Ami, ne suffit-il pas de faire cela ! Veux-tu encore trahir le Fils de l'Homme par un baiser ? »

183:3.6 Les apôtres et les disciples furent littéralement abasourdis de ce qu'ils voyaient. Pendant un moment, nul ne fit un geste. Puis Jésus, se dégageant de la traitresse étreinte de Judas, s'avança vers les gardes et les soldats, et demanda de nouveau : « Qui cherchez-vous ? » Le capitaine répéta : « Jésus de Nazareth. » Et Jésus répondit encore une fois : « Je t'ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que tu cherches, laisse les autres aller leur chemin. Je suis prêt à te suivre. »

183:3.7 Jésus était prêt à retourner à Jérusalem avec les gardes, et le capitaine des soldats était entièrement disposé à permettre aux trois apôtres et à leurs associés d'aller leur chemin en paix. Mais, avant qu'ils n'aient pu repartir, et tandis que Jésus attendait les ordres du capitaine, un certain Malchus, un Syrien garde de corps du grand-prêtre, s'avança vers Jésus et se prépara à lui lier les mains derrière le dos, bien que le capitaine romain ne lui eût rien ordonné de tel. Lorsque Pierre et ses associés virent leur Maitre soumis à cette indignité, ils furent incapables de se contenir plus longtemps. Pierre tira son épée et se précipita avec les autres pour frapper Malchus. Mais, avant que les soldats n'aient pu accourir à la défense du serviteur du grand-prêtre, Jésus leva la main vers Pierre en un geste d'interdiction et lui parla sévèrement en disant : « Pierre, rengaine ton épée. Quiconque tire l'épée périra par l'épée. Ne comprends-tu pas que c'est la volonté du Père que je boive cette coupe ? Ne sais-tu pas non plus que, même maintenant, je pourrais commander plus de douze légions d'anges et leurs associés, qui me délivreraient des mains de ces quelques hommes ? »

183:3.8 Bien que Jésus eût ainsi mis fin à cette démonstration de résistance physique par ses disciples, c'en fut assez pour susciter la peur chez le capitaine des gardes qui, alors, avec l'aide de ses soldats, abattit ses lourdes mains sur Jésus et le lia rapidement. Tandis qu'ils lui attachaient les mains avec de fortes cordes, Jésus leur dit : « Pourquoi sortez-vous contre moi avec des épées et des bâtons comme pour saisir un voleur ? J'étais tous les jours dans le temple avec vous, enseignant publiquement le peuple, et vous n'avez fait aucun effort pour m'appréhender. »

183:3.9 Après avoir lié Jésus, le capitaine, craignant que les disciples du Maitre n'essayent de le délivrer, donna des ordres pour les saisir aussi ; mais les soldats ne furent pas assez rapides, car les disciples avaient entendu le capitaine donner des ordres pour les arrêter et s'étaient enfuis précipitamment dans le ravin. Pendant tout ce temps, Jean Marc était resté cloitré dans la baraque voisine. Quand les gardes repartirent pour Jérusalem avec Jésus, Jean Marc essaya de sortir subrepticement de la baraque pour rejoindre les apôtres et les disciples qui s'enfuyaient, mais, au moment précis où il sortait, un des derniers soldats qui revenaient de poursuivre les disciples en fuite passait à côté. Voyant ce jeune homme dans son manteau de lin, il lui donna la chasse et réussit presque à l'attraper. En fait, le soldat arriva assez près de Jean Marc pour saisir son manteau, mais le jeune homme se libéra du vêtement et s'échappa tout nu tandis que le soldat tenait le manteau vide. Jean Marc se rendit en toute hâte auprès de David Zébédée sur la piste supérieure. Après qu'il eut raconté à David tout ce qui était arrivé, ils allèrent tous deux bien vite aux tentes des apôtres endormis et mirent les huit au courant de ce que le Maitre avait été trahi et arrêté.

183:3.10 À peu près au moment où les huit apôtres furent ainsi réveillés, leurs compagnons qui avaient fui en remontant le ravin commençaient à revenir, et tous se réunirent au pressoir à olives pour discuter de ce qu'il fallait faire. Entretemps, Simon Pierre et Jean Zébédée, qui s'étaient cachés parmi les oliviers, étaient déjà partis suivre la troupe des soldats, gardes et serviteurs qui ramenaient maintenant Jésus à Jérusalem comme ils auraient conduit un criminel invétéré. Jean Zébédée suivait la troupe de très près, mais Pierre suivait à bonne distance. Jean Marc, après avoir échappé aux griffes du soldat, s'était couvert d'une cape qu'il avait trouvée dans la tente de Simon Pierre et de Jean Zébédée. Il soupçonnait que les gardes allaient emmener Jésus chez Annas, le grand-prêtre honoraire ; il fit donc un détour par les olivaies et arriva avant la troupe au palais du grand-prêtre, où il se cacha près de la principale porte d'entrée.

183.4  La Discussion auprès du Pressoir à Olives

183:4.1 Jacques Zébédée se trouva séparé de Simon Pierre et de son frère Jean, de sorte qu'il rejoignit les autres apôtres et campeurs au pressoir à olives pour délibérer sur ce qu'il y avait lieu de faire au sujet de l'arrestation du Maitre.

183:4.2 André avait été dégagé de toute responsabilité en tant que directeur du groupe apostolique ; en conséquence, dans ce qui était la plus grande crise de leur vie, il resta silencieux. Après une brève discussion, Simon Zélotès monta sur le mur de pierre du pressoir à olives et fit un plaidoyer passionné en faveur de la fidélité au Maitre et de la cause du royaume ; il exhorta ses compagnons apôtres et les autres disciples à courir après la troupe et à libérer Jésus. La majorité du groupe aurait été disposée à suivre sa conduite agressive sans le conseil de Nathanael qui, dès que Simon Zélotès eut fini de parler, se leva et attira l'attention de l'auditoire sur les enseignements maintes fois répétés de Jésus au sujet de la non-résistance. Il rappela en outre que, cette nuit même, Jésus leur avait ordonné de protéger leur vie en attendant le moment où ils se répandraient dans le monde pour proclamer la bonne nouvelle de l'évangile du royaume céleste. Jacques Zébédée encouragea Nathanael dans cette prise de position ; il raconta comment Pierre et d'autres avaient tiré l'épée pour empêcher l'arrestation du Maitre, et comment Jésus avait commandé à Pierre et à ceux de ses compagnons qui portaient une épée de rengainer leurs lames. Matthieu et Philippe firent aussi des discours, mais il ne sortit rien de précis de la discussion avant l'intervention de Thomas, qui attira leur attention sur le fait que Jésus avait recommandé à Lazare de ne pas s'exposer à la mort. Thomas fit remarquer que les apôtres ne pouvaient rien faire pour sauver leur Maitre, puisqu'il avait refusé de permettre à ses amis de le défendre et qu'il persistait à s'abstenir d'user de ses pouvoirs divins pour contrecarrer ses ennemis humains. Thomas les persuada de se disperser, chacun de son côté, en convenant que David Zébédée resterait au camp pour maintenir un centre de coordination et un quartier général de messagers pour le groupe. Vers deux heures et demie ce matin-là, le camp était abandonné ; seul David restait là avec trois ou quatre messagers, après avoir dépêché les autres pour se procurer des renseignements sur l'endroit où l'on avait emmené Jésus et sur ce qu'on allait faire de lui.

183:4.3 Cinq apôtres, Nathanael, Matthieu, Philippe et les jumeaux, allèrent se cacher à Béthanie et à Bethphagé. Thomas, André, Jacques et Simon Zélotès se dissimulèrent dans Jérusalem. Simon Pierre et Jean Zébédée suivirent la cohorte jusque chez Annas.

183:4.4 Peu après le lever du jour, Simon Pierre, morne image d'un profond désespoir, retourna errer dans le camp de Gethsémani. David le fit accompagner par un messager pour qu'il rejoigne son frère André chez Nicodème à Jérusalem.

183:4.5 Jusqu'à l'extrême fin de la crucifixion, Jean Zébédée resta toujours à portée de la main, comme Jésus le lui avait ordonné, et ce fut lui qui, d'heure en heure, fournit aux messagers les renseignements qu'ils apportaient à David au camp du jardin et qui étaient ensuite retransmis aux apôtres terrés et à la famille de Jésus.

183:4.6 Certes, le berger est frappé et les brebis sont dispersées ! Les apôtres se rendent vaguement compte que Jésus les a avertis précisément de cette situation, mais ils sont trop violemment bouleversés par la disparition soudaine du Maitre pour pouvoir utiliser normalement leurs facultés mentales.

183:4.7 Ce fut un peu après le lever du jour, et après que Pierre eut été envoyé rejoindre André, que Jude, le frère charnel de Jésus, arriva au camp, presque hors d'haleine et en avance sur le reste de la famille de Jésus, pour apprendre seulement que le Maitre avait déjà été mis en état d'arrestation. Il se hâta de redescendre la route de Jéricho pour apporter ce renseignement à sa mère et à ses frères et soeurs. David Zébédée chargea Jude d'inviter la famille de Jésus à se rassembler chez Marthe et Marie à Béthanie et à y attendre les nouvelles que ses messagers leur apporteraient régulièrement.

183:4.8 Telle était, durant la seconde moitié de la nuit du jeudi et les premières heures de la matinée du vendredi, la situation concernant les apôtres, les principaux disciples et la famille terrestre de Jésus. Tous ces groupes et individus restaient en contact les uns avec les autres par le service des messagers que David Zébédée continuait à faire fonctionner depuis son quartier général du camp de Gethsémani.

183.5  Sur le Chemin du Palais du Grand-Prêtre

183:5.1 Avant de quitter le jardin avec Jésus, une dispute s'éleva entre le capitaine juif des gardes du temple et le capitaine romain de la compagnie de soldats au sujet de l'endroit où il fallait emmener Jésus. Le capitaine des gardes du temple donna des ordres pour qu'il fût emmené chez Caïphe, le grand-prêtre en exercice. Le capitaine des soldats romains ordonna que Jésus fût emmené au palais d'Annas, l'ancien grand-prêtre et beau-père de Caïphe. Il le fit parce que les Romains avaient l'habitude de traiter directement avec Annas toutes les questions concernant l'application des lois ecclésiastiques juives. Les ordres du capitaine romain furent exécutés, et Jésus fut conduit à la maison d'Annas pour son interrogatoire préliminaire.

183:5.2 Judas marchait près des capitaines, entendant tout ce qui se disait, mais sans prendre part à la dispute, car ni le capitaine juif ni l'officier romain ne voulaient s'abaisser à parler au traitre - tellement ils le méprisaient.

183:5.3 À ce moment-là, Jean Zébédée se rappela les instructions de son Maitre de rester toujours à proximité immédiate, et se hâta de rattraper Jésus qui marchait entre les deux capitaines. Voyant Jean s'avancer à sa hauteur, le commandant des gardes du temple dit à son assistant : « Prends cet homme et lie-le. Il est l'un des disciples de cet homme. » Mais, lorsque le capitaine romain entendit cela, il tourna la tête, vit Jean et donna des ordres pour que l'apôtre vienne auprès de lui et que personne ne le moleste. Le capitaine romain dit ensuite au capitaine juif : « Cet homme n'est ni un traitre ni un lâche. Je l'ai vu dans le jardin, où il n'a pas tiré l'épée pour nous résister. Il a le courage de s'avancer pour être auprès de son Maitre, et nul ne mettra la main sur lui. La loi romaine permet que tout prisonnier puisse avoir au moins un ami qui l'accompagne à la barre du tribunal ; on n'empêchera pas cet homme de rester aux côtés de son Maitre, le prisonnier. » Lorsque Judas entendit cela, il fut tellement honteux et humilié qu'il ralentit le pas derrière les marcheurs et arriva seul au palais d'Annas.

183:5.4 Ceci explique pourquoi Jean Zébédée put rester auprès de Jésus tout au long des sévères épreuves que le Maitre eut à subir cette nuit-là et le lendemain. Les Juifs craignaient de faire une observation quelconque à Jean ou de le molester d'aucune manière, parce que son statut était quelque peu devenu celui d'un conseiller romain désigné pour agir comme observateur des opérations du tribunal ecclésiastique juif. La position privilégiée de Jean fut d'autant mieux assurée que le capitaine romain, en remettant Jésus au capitaine des gardes du temple devant la porte du palais d'Annas, dit à son assistant : « Accompagne le prisonnier, et veille à ce que ces Juifs ne le tuent pas sans le consentement de Pilate. Veille à ce qu'ils ne l'assassinent pas et assure-toi que son ami, le Galiléen, soit autorisé à rester auprès de lui et à observer tout ce qui se passera. » C'est ainsi que Jean put rester auprès de Jésus jusqu'au moment de sa mort sur la croix, tandis que les dix autres apôtres étaient obligés de rester cachés. Jean agissait sous la protection romaine, et les Juifs n'osèrent pas le molester avant la mort du Maitre.

183:5.5 Sur tout le trajet jusqu'au palais d'Annas, Jésus n'ouvrit pas la bouche. Depuis le moment de son arrestation jusqu'à son apparition devant Annas, le Fils de l'Homme ne dit pas un mot.

184. Devant le Tribunal du Sanhédrin

184:0.1 DES représentants d'Annas avaient donné des ordres secrets au capitaine des soldats romains pour amener immédiatement Jésus au palais d'Annas après son arrestation. L'ancien grand-prêtre désirait maintenir son prestige comme principale autorité ecclésiastique des Juifs. Il avait aussi un autre dessein en retenant Jésus pendant plusieurs heures chez lui, celui de gagner du temps pour permettre de convoquer légalement le tribunal du Sanhédrin. Il était illégal de le réunir avant l'heure de l'offrande du sacrifice matinal dans le temple, et ce sacrifice était offert vers trois heures du matin.

184:0.2 Annas savait qu'un tribunal de Sanhédrin attendait au palais de son gendre, Caïphe. Une trentaine de membres du Sanhédrin s'étaient réunis, vers minuit, au domicile du grand-prêtre, pour être prêts à juger Jésus quand on l'amènerait devant eux. Seuls étaient assemblés les membres fortement et ouvertement opposés à Jésus et à ses enseignements, et il n'en fallait que vingt-trois pour constituer une cour de jugement.

184:0.3 Jésus passa environ trois heures au palais d'Annas sur le mont Olivet, non loin du jardin de Gethsémani où il fut arrêté. Jean Zébédée était libre et en sécurité dans le palais d'Annas, non seulement à cause de la parole du capitaine romain, mais aussi parce que lui et son frère Jacques étaient bien connus des vieux serviteurs pour avoir été maintes fois invités au palais, car le grand-prêtre était un parent éloigné de leur mère Salomé.

184.1  Interrogatoire par Annas

184:1.1 Enrichi par les revenus du temple, avec son gendre exerçant la fonction de grand-prêtre, et en raison de ses relations avec les autorités romaines, Annas était certainement l'individu le plus puissant du monde juif. Il était un politicien doucereux et habile dans ses plans et ses complots. Il désirait prendre la direction de l'affaire pour se débarrasser de Jésus, et craignait de confier entièrement cette importante entreprise à son gendre impulsif et agressif. Annas voulait s'assurer que le jugement du Maitre resterait entre les mains des sadducéens ; il craignait la sympathie possible de certains pharisiens, car pratiquement tous les membres du Sanhédrin qui avaient épousé la cause de Jésus étaient des pharisiens.

184:1.2 Annas n'avait pas vu Jésus depuis plusieurs années, depuis l'époque où le Maitre s'était présenté chez lui et était immédiatement reparti en remarquant la froideur et la réserve de l'accueil qui lui était fait. Annas avait pensé faire état de ces anciens rapports pour essayer de persuader Jésus d'abandonner ses prétentions et de quitter la Palestine. Il répugnait à participer au meurtre d'un homme de bien et avait pensé que Jésus pourrait préférer quitter le pays plutôt que d'y subir la mort. Mais, quand Annas se trouva devant le Galiléen vaillant et résolu, il se rendit immédiatement compte que des propositions de ce genre seraient inutiles. Jésus était encore plus majestueux et pondéré qu'Annas ne se le rappelait.

184:1.3 Quand Jésus était jeune, Annas s'était beaucoup intéressé à lui, mais, maintenant, ses revenus étaient menacés par l'action récente de Jésus chassant du temple les changeurs et autres commerçants. Beaucoup plus que les enseignements de Jésus, cet acte avait suscité l'inimitié de l'ancien grand-prêtre.

184:1.4 Annas entra dans sa spacieuse salle d'audience, s'assit dans un grand fauteuil et ordonna que Jésus fût amené devant lui. Après avoir observé le Maitre en silence pendant quelques instants, il dit : « Tu comprends bien qu'il faut faire quelque chose au sujet de ton enseignement, puisque tu troubles la paix et l'ordre de notre pays. » Tandis qu'Annas jetait sur Jésus un regard inquisiteur, le Maitre le regarda droit dans les yeux, mais ne fit aucune réponse. Annas reprit la parole et dit : « Quels sont les noms de tes disciples, en dehors de Simon Zélotès, l'agitateur ? » De nouveau, Jésus le regarda, mais ne répondit rien.

184:1.5 Annas fut très troublé par le refus de Jésus de répondre à ses questions, au point qu'il lui dit : « Ne te soucies-tu pas que je sois bienveillant envers toi ou non ? N'as-tu pas de considération pour le pouvoir dont je dispose pour déterminer l'issue de ton prochain jugement ? » En entendant cela, Jésus dit : « Annas, tu sais que tu ne pourrais avoir aucun pouvoir sur moi sans la permission de mon Père. Certains voudraient tuer le Fils de l'Homme parce qu'ils sont ignorants et ne connaissent rien de mieux ; mais toi, ami, tu sais ce que tu fais. Alors comment peux-tu rejeter la lumière de Dieu ? »

184:1.6 Annas fut presque abasourdi par la manière aimable dont Jésus lui parlait, mais il avait déjà décidé mentalement que Jésus devait soit quitter la Palestine, soit mourir. Il rassembla donc son courage et demanda : « Qu'essayes-tu exactement d'enseigner au peuple ? Que prétends-tu être ? » Jésus répondit : « Tu sais fort bien que j'ai parlé ouvertement au monde. J'ai enseigné dans les synagogues et bien des fois dans le temple, où tous les Juifs et beaucoup de Gentils m'ont entendu. Je n'ai rien dit en secret. Alors, pourquoi m'interroges-tu sur mon enseignement ? Pourquoi ne convoques-tu pas ceux qui m'ont entendu pour t'enquérir auprès d'eux ? Voici, tout Jérusalem a entendu ce que j'ai dit, même si toi-même tu n'as pas entendu ces enseignements. » Avant qu'Annas ait pu répondre, l'intendant du palais, qui se trouvait à proximité, souffleta Jésus en disant : « Comment oses-tu répondre de la sorte au grand-prêtre ? » Annas ne fit aucune réprimande à son intendant, mais Jésus se tourna vers lui et dit : « Mon ami, si j'ai mal parlé, témoigne contre le mal ; mais si j'ai dit la vérité, pourquoi alors me frappes-tu ? »

184:1.7 Annas regrettait que son intendant eût souffleté Jésus, mais il était trop orgueilleux pour prêter attention à l'affaire. Dans sa confusion, il alla dans une autre pièce et laissa Jésus seul pendant près d'une heure avec les serviteurs de sa maison et les gardes du temple.

184:1.8 Quand il revint, il s'approcha du Maitre et dit : « Prétends-tu être le Messie, le libérateur d'Israël ? » Jésus dit : « Annas, tu me connais depuis le temps de ma jeunesse. Tu sais que je ne prétends être rien d'autre que ce que mon Père a prescrit, et que j'ai été envoyé vers tous les hommes, les Gentils aussi bien que les Juifs. » Alors Annas dit : « J'ai entendu dire que tu as prétendu être le Messie ; est-ce vrai ? » Jésus regarda Annas et se borna à répondre : « Tu l'as dit. »

184:1.9 À ce moment, des messagers arrivèrent du palais de Caïphe pour s'enquérir de l'heure à laquelle Jésus serait amené devant le tribunal du Sanhédrin. Or, le lever du jour approchait, et Annas pensa que le mieux était d'envoyer à Caïphe Jésus enchainé, sous la surveillance des gardes du temple. Lui-même ne tarda pas à les suivre.

184.2  Pierre dans la Cour

184:2.1 Au moment où la troupe de gardes et de soldats s'approcha du palais d'Annas, Jean Zébédée marchait à côté du capitaine des soldats romains. Judas s'était laissé distancer quelque peu, et Simon Pierre suivait de très loin. Après que Jean fut entré dans la cour du palais avec Jésus et les gardes, Judas arriva à la grille, mais, apercevant Jésus et Jean, il se dirigea vers la maison de Caïphe, où il savait que le vrai jugement du Maitre aurait lieu plus tard. Peu après que Judas fut parti, Simon Pierre arriva. Tandis qu'il se tenait devant la grille, Jean le vit juste au moment où l'on allait faire entrer Jésus dans le palais. La gardienne chargée d'ouvrir la grille connaissait Jean et, lorsqu'il lui demanda de laisser entrer Pierre, elle y consentit avec plaisir.

184:2.2 En entrant dans la cour, Pierre se dirigea vers le feu de charbon de bois et chercha à se réchauffer, car la nuit était très fraiche. Il se sentait fort déplacé ici, parmi les ennemis de Jésus, et en vérité il n'était pas à sa place. Le Maitre ne lui avait pas ordonné de rester à proximité comme il l'avait recommandé à Jean. Pierre faisait partie du groupe des apôtres qui avaient été expressément avertis de ne pas risquer leur vie pendant le jugement et la crucifixion de leur Maitre.

184:2.3 Pierre s'était débarrassé de son épée peu avant d'arriver à la grille du palais, de sorte qu'il entra sans armes dans la cour d'Annas. Son mental n'était qu'un tourbillon confus ; il avait peine à concevoir que Jésus avait été arrêté. Il n'arrivait pas à saisir la réalité de la situation - le fait qu'il était là, dans la cour d'Annas, en train de se réchauffer auprès des serviteurs du grand-prêtre. Il se demandait ce que faisaient les autres apôtres. En essayant de comprendre comment Jean avait pu être admis au palais, il arriva à la conclusion que les serviteurs le connaissaient, puisque Jean avait demandé à la gardienne de la grille de le laisser entrer.

184:2.4 Peu après que la gardienne eut laissé entrer Pierre, et tandis qu'il se chauffait auprès du feu, elle alla vers lui et lui demanda malicieusement : « N'es-tu pas aussi l'un des disciples de cet homme ? » Or, Pierre n'aurait pas dû être surpris d'être ainsi reconnu, car c'était Jean qui avait demandé à la femme de lui laisser franchir la grille du palais ; mais il était dans un tel état de tension nerveuse que son identification comme disciple rompit son équilibre. Avec une seule idée dominant sa pensée - celle d'échapper vivant - il répondit promptement à la question de la servante : « Je ne le suis pas. »

184:2.5 Bientôt une autre servante s'approcha de Pierre et lui demanda : « Ne t'ai-je pas vu dans le jardin au moment où l'on arrêtait cet homme ? N'es-tu pas aussi l'un de ses disciples ? » Pierre fut alors extrêmement effrayé ; il ne voyait pas le moyen d'échapper sain et sauf à ses accusateurs. Il nia donc avec véhémence toute connexion avec Jésus en disant : « Je ne connais pas cet homme et je ne suis pas non plus l'un de ses disciples. »

184:2.6 Peu après, la gardienne de la grille tira Pierre de côté et dit : « Je suis sûre que tu es un disciple de ce Jésus, non seulement parce que l'un de ses partisans m'a demandé de te laisser entrer dans la cour, mais parce que ma soeur t'a vu dans le temple avec cet homme. Pourquoi nies-tu cela ? » Lorsque Pierre entendit la servante l'accuser, il renia toute accointances avec Jésus, avec beaucoup de malédictions et de jurons, en répétant : « Je ne suis pas un disciple de cet homme ; je ne le connais même pas ; je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant. »

184:2.7 Pierre quitta le coin du feu pendant un moment pour marcher dans la cour. Il aurait aimé s'enfuir, mais craignait d'attirer l'attention sur lui. Ayant froid, il retourna auprès du feu, et l'un des hommes qui se trouvaient là lui dit : « Certainement tu es l'un des disciples de cet homme. Ce Jésus est un Galiléen, et ton langage te trahit, car tu parles aussi comme un Galiléen. » Et de nouveau Pierre dénia tout rapport avec son Maitre.

184:2.8 Pierre était tellement troublé qu'il chercha à éviter le contact avec ses accusateurs en s'éloignant du feu et en restant seul sous le porche. Après plus d'une heure de cet isolement, la gardienne de la grille et sa soeur le rencontrèrent par hasard et toutes deux le taquinèrent encore en l'accusant d'être un disciple de Jésus. De nouveau, il nia l'accusation. Alors qu'il venait de renier une fois de plus tout rapport avec Jésus, le coq chanta, et Pierre se rappela les paroles d'avertissement que le Maitre lui avait adressées plus tôt, cette même nuit. Tandis qu'il se tenait là, le coeur lourd et accablé du sentiment de sa culpabilité, les portes du palais s'ouvrirent pour laisser sortir les gardes conduisant Jésus chez Caïphe. En passant près de Pierre, le Maitre vit, à la lumière des torches, l'aspect désespéré du visage de son apôtre auparavant présomptueux et au courage superficiel. Il tourna la tête et regarda Pierre. Tant que Pierre vécut, il n'oublia jamais ce regard. C'était un regard de pitié et d'amour confondus comme aucun mortel n'en avait jamais vu sur le visage du Maitre.

184:2.9 Après que Jésus et les gardes eurent franchi la grille du palais, Pierre les suivit, mais seulement sur une courte distance. Il ne put aller plus loin. Il s'assit sur le côté de la route et pleura amèrement ; après avoir versé ces larmes d'angoisse, il reprit le chemin du camp, espérant y trouver son frère André. En arrivant au camp, il ne trouva que David Zébédée, qui le fit accompagner par un messager jusqu'à l'endroit où son frère s'était caché à Jérusalem.

184:2.10 Toute l'expérience de Pierre eut lieu dans la cour du Palais d'Annas sur le Mont Olivet. Il ne suivit pas Jésus au palais du grand-prêtre Caïphe. Le fait que Pierre ait été amené, par le chant d'un coq, à se rendre compte qu'il avait plusieurs fois renié son Maitre indique que tout ceci se passait hors de Jérusalem, car la loi interdisait de garder des volailles à l'intérieur de la ville proprement dite.

184:2.11 Jusqu'à ce que le chant du coq eût ramené Pierre au bon sens, il ne pensait qu'à une chose, en faisant les cent pas sous le porche pour se réchauffer, c'était à l'habileté avec laquelle il avait éludé les accusations des servantes et à la manière dont il avait contrecarré leur dessein de l'identifier comme partisan de Jésus. Pour l'instant, il avait seulement considéré que ces servantes n'avaient ni moralement ni légalement le droit de le questionner ainsi, et il se félicitait réellement de la manière dont il croyait avoir évité d'être identifié, et peut-être arrêté et emprisonné. Ce fut seulement lorsque le coq chanta que Pierre se rendit compte qu'il avait renié son Maitre. Ce fut seulement lorsque Jésus le regarda qu'il réalisa n'être pas demeuré à la hauteur de ses privilèges en tant qu'ambassadeur du royaume.

184:2.12 Après avoir fait le premier pas dans le sentier du compromis et de la moindre résistance, Pierre ne voyait pas d'autre solution que de poursuivre la ligne de conduite qu'il avait adoptée. Il faut un grand et noble caractère pour revenir sur ses pas et prendre le bon chemin après s'être engagé dans le mauvais. Bien trop souvent, notre propre mental tend à justifier la poursuite du sentier de l'erreur une fois que nous nous y sommes engagés.

184:2.13 Jusqu'au moment où il rencontra son Maitre après la résurrection et vit qu'il était accueilli exactement comme avant les expériences de la tragique nuit des reniements, Pierre ne crut jamais totalement qu'il pût être pardonné.

184.3  Devant le Tribunal des Sanhédristes

184:3.1 Il était environ trois heures et demie, ce vendredi matin, lorsque le grand-prêtre Caïphe réunit officiellement le tribunal d'enquête sanhédriste et demanda que Jésus fût amené devant eux pour être jugé dans les formes. En trois occasions antérieures, et à une large majorité de votants, le Sanhédrin avait décrété sa mort ; il avait décidé que Jésus méritait la mort d'après des témoignages officieux l'accusant d'avoir violé la loi, blasphémé et tourné en dérision les traditions des Pères d'Israël.

184:3.2 Cette réunion du Sanhédrin n'avait pas été convoquée régulièrement et n'eut pas lieu à l'endroit habituel, la salle en pierre de taille du temple. Il s'agissait d'un tribunal spécial composé d'une trentaine de sanhédristes, qui furent convoqués au palais du grand-prêtre. Jean Zébédée était présent avec Jésus durant tout ce prétendu jugement.

184:3.3 Combien ces chefs des prêtres, scribes et sadducéens, ainsi que certains pharisiens, se flattaient de détenir maintenant avec sécurité ce Jésus qui troublait leur situation et défiait leur autorité ! Ils étaient décidés à ne pas le laisser échapper vivant de leurs griffes vindicatives.

184:3.4 Ordinairement, quand les Juifs jugeaient quelqu'un pour une offense capitale, ils procédaient avec une grande prudence et fournissaient toutes les garanties d'équité dans le choix des témoins et dans toute la conduite du jugement. Mais, en cette occasion, Caïphe était plus un procureur qu'un juge impartial.

184:3.5 Jésus apparut devant ce tribunal vêtu de ses vêtements habituels et les mains liées derrière le dos. Toute la cour fut impressionnée et quelque peu troublée par son apparence majestueuse. Jamais ils n'avaient considéré un tel prisonnier ni été témoins d'une pareille maitrise de soi chez un prévenu dont la vie était en jeu.

184:3.6 La loi juive exigeait que deux témoins au moins fussent d'accord sur un point quelconque avant qu'une accusation puisse être portée contre un prisonnier. Judas ne pouvait servir de témoin contre Jésus, parce que la loi juive interdisait expressément le témoignage d'un traitre. Plus d'une vingtaine de faux témoins étaient là, tout prêts à témoigner contre Jésus, mais leurs témoignages étaient si contradictoires et si évidemment inventés que les sanhédristes eux-mêmes éprouvaient grand-honte du spectacle. Jésus se tenait là, regardant ces parjures avec mansuétude ; la seule expression de son visage déconcertait les témoins menteurs. Durant tous ces faux témoignages, le Maitre ne prononça jamais une parole ; il ne répliqua rien à leurs nombreuses et fausses accusations.

184:3.7 La première fois que deux témoins approchèrent d'un semblant d'accord fut le moment où deux hommes témoignèrent qu'ils avaient entendu Jésus dire, dans un de ses discours au temple, qu'il « détruirait ce temple fait de main d'homme et qu'en trois jours, il en rebâtirait un autre non fait de main d'homme » . Ce n'était pas exactement ce que Jésus avait dit, indépendamment du fait qu'il avait désigné son propre corps en faisant la remarque citée.

184:3.8 Bien que le grand-prêtre eût crié à Jésus : « Ne réponds-tu rien à aucune de ces accusations ? » , Jésus n'ouvrit pas la bouche. Il se tint là en silence pendant que tous ces faux témoins apportaient leur témoignage. La haine, le fanatisme et les exagérations sans scrupule caractérisaient tellement les paroles de ces parjures que leurs témoignages se prenaient dans leurs propres filets. La meilleure réfutation de leurs fausses accusations était le calme et majestueux silence du Maitre.

184:3.9 Peu après le commencement du témoignage des faux témoins, Annas arrivait et prenait un siège à côté de Caïphe. Annas se leva alors pour soutenir que la menace de Jésus de détruire le temple était suffisante pour justifier trois chefs d'accusation contre lui :

184:3.10 1. Qu'il fourvoyait dangereusement les gens du peuple. Qu'il leur enseignait des choses impossibles et qu'il les trompait encore autrement.

184:3.11 2. Qu'il était un révolutionnaire fanatique, en ce sens qu'il recommandait la violence contre le temple sacré, car comment pourrait-il le détruire autrement ?

184:3.12 3. Qu'il enseignait la magie, en ce sens qu'il promettait de construire un nouveau temple sans l'aide des mains.

184:3.13 Déjà, tous les sanhédristes étaient d'accord pour reconnaître Jésus comme coupable d'infractions que la loi juive punissait de mort, mais ils se préoccupaient maintenant davantage d'établir, au sujet de sa conduite et de ses enseignements, des accusations qui permettraient à Pilate de prononcer à juste titre la sentence de mort contre leur prisonnier. Ils savaient qu'ils devaient obtenir le consentement du gouverneur romain avant de pouvoir mettre légalement Jésus à mort. Annas penchait pour la méthode consistant à faire apparaître que Jésus était un éducateur trop dangereux pour être laissé en liberté parmi la population.

184:3.14 Mais Caïphe ne put supporter plus longtemps la vue du Maitre se tenant là avec un sang-froid parfait et dans un constant silence. Il pensa qu'il connaissait au moins une manière d'inciter le prisonnier à parler. En conséquence, il se précipita vers Jésus, agita devant le visage du Maitre un doigt accusateur et lui dit : « Au nom de Dieu vivant, je t'adjure de nous dire si tu es le Libérateur, le Fils de Dieu. » Jésus répondit à Caïphe : « Je le suis et j'irai bientôt vers le Père ; bientôt le Fils de l'Homme sera revêtu de pouvoir et règnera de nouveau sur les armées célestes. »

184:3.15 Quand le grand-prêtre entendit Jésus prononcer ces mots, il entra dans une colère extrême, déchira ses vêtements et s'écria : « Qu'avons-nous besoin de nouveaux témoins ? Voici, vous avez maintenant tous entendu le blasphème de cet homme. Que pensez-vous qu'il faille faire de ce violateur de la loi et de ce blasphémateur ? » Et ils répondirent tous à l'unisson : « Il mérite la mort. Qu'il soit crucifié. »

184:3.16 Jésus n'avait manifesté aucun intérêt aux questions qui lui furent posées devant Annas et les sanhédristes, sauf à celle qui concernait sa mission d'effusion. Quand on lui demanda s'il était le Fils de Dieu, il répondit instantanément et sans équivoque par l'affirmative.

184:3.17 Annas aurait voulu que le procès soit poursuivi et que des accusations de nature définie concernant les rapports de Jésus avec la loi romaine et les institutions romaines soient formulées pour être présentées ensuite à Pilate. Les conseillers étaient désireux de terminer rapidement cette affaire, non seulement parce que c'était le jour de la préparation de la Pâque et que nul travail non religieux ne devait être exécuté passé midi, mais aussi parce qu'ils craignaient qu'à tout moment Pilate ne retourne à Césarée, capitale romaine de la Judée, car il était venu à Jérusalem seulement pour la célébration de la Pâque.

184:3.18 Mais Annas ne réussit pas à garder le contrôle de la cour. Après la réponse inattendue de Jésus, Caïphe le grand-prêtre s'avança et le souffleta. Annas fut vraiment choqué de voir les autres membres de la Cour cracher au visage de Jésus en sortant de la salle ; beaucoup d'entre eux le frappèrent de la paume de la main en se moquant de lui. C'est ainsi que la première session du jugement de Jésus par les sanhédristes prit fin, à quatre heures et demie du matin, dans le désordre et dans une confusion inouïe.

184:3.19 Trente faux juges remplis de préjugés, aveuglés par la tradition et accompagnés de leurs faux témoins ont la prétention de juger le juste Créateur d'un univers. Et ces accusateurs passionnés sont exaspérés par le silence majestueux et la prestance superbe de ce Dieu-homme. Son silence est terrible à supporter ; sa parole est un défi intrépide. Il reste impassible devant leurs menaces et n'est nullement intimidé par leurs attaques. L'homme juge Dieu, mais même alors Dieu les aime et les sauverait s'il le pouvait.

184.4  L'Heure de l'Humiliation

184:4.1 Quand il s'agissait de prononcer une condamnation à mort, la loi juive exigeait que la cour siégeât deux fois. La seconde session devait être tenue le lendemain de la première, et les membres du tribunal devaient passer l'intervalle dans le jeûne et le deuil. Mais ces hommes ne purent attendre le lendemain pour confirmer leur décision condamnant Jésus à mort. Ils n'attendirent qu'une heure. Entretemps, ils laissèrent Jésus dans la salle d'audience sous la surveillance des gardes du temple. Ceux-ci, avec les serviteurs du grand-prêtre, s'amusèrent à accumuler toutes sortes d'indignités sur le Fils de l'Homme. Ils se moquèrent de lui, crachèrent sur lui et le souffletèrent cruellement. Certains frappaient son visage d'une verge et disaient ensuite : « Prophétise, toi le Libérateur, et dis-nous qui t'a frappé. » Ils continuèrent ainsi pendant une heure entière, insultant et maltraitant cet homme de Galilée qui ne résistait pas.

184:4.2 Durant cette heure tragique de souffrances et de simulacre de procès devant les gardes et serviteurs ignorants et insensibles, Jean Zébédée terrifié attendait seul dans une salle adjacente. Lorsque ces sévices commencèrent, Jésus fit un signe de tête à Jean pour lui notifier qu'il devait se retirer. Le Maitre savait bien que, s'il permettait à son apôtre de rester dans la pièce pour assister à ces indignités, Jean en éprouverait un tel ressentiment qu'il se livrerait à un éclat de protestation indignée qui s'achèverait probablement par sa mort.

184:4.3 Durant cette heure affreuse, Jésus ne prononça pas un mot. Pour cette âme humaine douce et sensible, unie, par relation de personnalité, au Dieu de tout cet univers, il n'y eut pas de moment plus amer dans sa coupe d'humiliation que cette heure terrible où il resta à la merci de ces gardes et serviteurs ignorants et cruels qui avaient été incités à le maltraiter par l'exemple de ce prétendu tribunal du Sanhédrin.

184:4.4 Il est impossible à un coeur humain de concevoir le frisson d'indignation qui parcourut tout un vaste univers, tandis que les intelligences célestes assistaient au spectacle de leur bien-aimé souverain se soumettant à la volonté de ses propres créatures ignorantes et dévoyées sur l'infortunée sphère d'Urantia assombrie par le péché.

184:4.5 Quelle est donc cette caractéristique animale dans l'homme qui le conduit à vouloir insulter et attaquer physiquement ce qu'il ne peut ni atteindre spirituellement ni accomplir intellectuellement ? Chez l'homme à demi-civilisé sommeille encore une brutalité méchante qui cherche à se donner libre cours sur ceux qui lui sont supérieurs en sagesse et en aboutissement spirituel. Voyez la grossièreté mauvaise et la brutale férocité de ces hommes soi-disant civilisés tirant une certaine forme de plaisir animal à attaquer physiquement le Fils de l'Homme qui ne résistait pas. Tandis que les insultes, les sarcasmes et les coups pleuvaient sur Jésus, il ne se défendait pas, mais il n'était pas sans défense. Jésus n'était pas vaincu ; il se bornait à ne pas lutter au sens matériel.

184:4.6 Ce sont les moments des plus grandes victoires du Maitre dans sa longue carrière mouvementée de créateur, soutien et sauveur d'un vaste univers. Après avoir vécu dans sa plénitude une vie révélant Dieu aux hommes, Jésus est maintenant en train de révéler l'homme à Dieu d'une manière nouvelle et inouïe. Il révèle maintenant aux mondes la victoire finale sur toutes les craintes d'isolement de la personnalité ressenties par la créature. Le Fils de l'Homme est finalement parvenu à la réalisation de son identité en tant que Fils de Dieu. Jésus n'hésite pas à affirmer que lui et le Père ne font qu'un. Se basant sur le fait et la vérité de cette expérience suprême et céleste, il exhorte tout croyant au royaume de ne faire qu'un avec lui, de même que lui et son Père ne font qu'un. L'expérience vivante dans la religion de Jésus devient ainsi la technique sûre et certaine par laquelle les mortels terrestres, spirituellement isolés et cosmiquement solitaires, peuvent échapper à l'isolement de la personnalité avec toute sa séquelle de peurs et de sentiments d'impuissance associés. Dans les réalités fraternelles du royaume des cieux, les fils de Dieu par la foi trouvent définitivement la délivrance de l'isolement du moi, tant personnel que planétaire. Le croyant qui connaît Dieu éprouve de plus en plus l'extase et la grandeur de la socialisation spirituelle à l'échelle de l'univers - la citoyenneté céleste associée à la réalisation éternelle de la destinée divine consistant à atteindre la perfection.

184.5  La Seconde Session du Tribunal

184:5.1 À cinq heures et demie du matin,le tribunal se réunit de nouveau, et Jésus fut conduit dans la salle adjacente où Jean attendait. Là, le soldat romain et les gardes du temple surveillèrent Jésus pendant que le tribunal commençait à formuler les accusations qui devaient être présentées à Pilate. Annas fit comprendre clairement à ses associés que l'accusation de blasphème n'aurait aucun poids auprès de Pilate. Judas assista à cette seconde réunion du tribunal, mais ne donna pas de témoignage.

184:5.2 Cette session de la cour ne dura qu'une demi-heure ; lorsque les sanhédristes l'ajournèrent pour se présenter devant Pilate, ils avaient rédigé l'accusation de Jésus en estimant qu'il méritait la mort pour trois raisons :

184:5.3 1. Il pervertissait la nation juive ; il trompait le peuple et l'incitait à la rébellion.

184:5.4 2. Il enseignait au peuple à refuser le paiement du tribut à César.

184:5.5 3. En prétendant qu'il était un roi et le fondateur d'une nouvelle sorte de royaume, il incitait à la trahison contre l'empereur.

184:5.6 Toute cette procédure était irrégulière et entièrement contraire aux lois juives. Il n'y avait pas eu deux témoins d'accord sur une question quelconque, sauf les deux qui avaient témoigné au sujet de l'affirmation de Jésus qu'il détruirait le temple et le rebâtirait en trois jours. Même sur ce point, aucun témoin n'avait été appelé en faveur de la défense, et l'on n'avait pas non plus demandé à Jésus d'expliquer ce qu'il avait voulu dire

184:5.7 Le seul point sur lequel la cour aurait pu le juger logiquement était celui du blasphème, et le jugement aurait reposé sur le seul témoignage de l'accusé. Même au sujet du blasphème, les sanhédristes avaient omis de procéder au vote officiel sur la peine de mort.

184:5.8 Maintenant, pour se présenter devant Pilate, ils prétendaient formuler trois accusations au sujet desquelles aucun témoin n'avait été entendu et sur lesquelles ils s'étaient mis d'accord en l'absence du détenu. Quand ce fut fait, trois des pharisiens se retirèrent ; ils voulaient bien voir tuer Jésus, mais ne voulaient pas formuler d'accusations contre lui sans témoins, ni en son absence.

184:5.9 Jésus ne comparut plus devant le tribunal des sanhédristes. Ceux-ci ne voulaient pas revoir son visage pendant qu'ils siégeaient pour condamner sa vie innocente. Jésus ne connut pas (en tant qu'homme) leurs accusations officielles avant le moment où il les entendit énoncer par Pilate.

184:5.10 Pendant que Jésus était dans la salle avec Jean et les gardes, et que le tribunal tenait sa seconde session, quelques femmes proches du palais du grand-prêtre vinrent avec leurs amies regarder l'étrange prisonnier, et l'une d'elles lui demanda : « Es-tu le Messie, le Fils de Dieu ? » Et Jésus répondit : « Si je te le dis, tu ne me croiras pas, et, si je te le demande, tu ne répondras pas. »

184:5.11 À six heures ce matin-là, on emmena Jésus de la maison de Caïphe pour le faire comparaître devant Pilate et voir confirmer la condamnation à mort que le tribunal sanhédriste avait si injustement et si irrégulièrement prononcée.

185. Le Jugement Devant Pilate

185:0.1 CE VENDREDI 7 avril de l'an 30, peu après six heures du matin, Jésus fut amené devant Pilate, le procurateur romain qui gouvernait la Judée, la Samarie et l'Idumée sous la supervision immédiate du légat de Syrie. Les gardes du temple amenèrent le Maitre lié en présence du gouverneur romain. Il était escorté d'une cinquantaine de ses accusateurs, y compris les sanhédristes du tribunal (principalement des sadducéens), de Judas Iscariot, du grand-prêtre Caïphe et de l'apôtre Jean. Annas ne se présenta pas devant Pilate.

185:0.2 Pilate était levé et prêt à recevoir ces visiteurs très matinaux. Les hommes qui, la veille au soir, avaient obtenu son consentement pour employer les soldats romains à l'arrestation de Jésus, avaient prévenu Pilate que l'on amènerait Jésus de bonne heure devant lui. Des dispositions avaient été prises pour que la séance de jugement se passe devant la façade du prétoire, bâtiment ajouté à la forteresse d'Antonia où Pilate et sa femme établissaient leur quartier général quand ils s'arrêtaient à Jérusalem.

185:0.3 Pilate procéda à une grande partie de l'interrogatoire de Jésus à l'intérieur des salles du prétoire, mais le jugement public eut lieu au dehors, sur les marches de l'escalier montant vers l'entrée principale. C'était une concession faite aux Juifs, qui refusaient d'entrer dans la maison d'un Gentil où l'on avait peut-être employé du levain en ce jour de la préparation de la Pâque. S'ils y avaient pénétré, non seulement cela les aurait rendus cérémoniellement impurs, donc exclus de toute participation à la célébration d'actions de grâces de l'après-midi, mais aussi il aurait fallu qu'ils se soumettent aux cérémonies de purification après le coucher du soleil pour être admis à partager le souper de la Pâque.

185:0.4 Bien que ces Juifs n'aient nullement eu la conscience troublée alors qu'ils intriguaient pour assassiner Jésus légalement, ils n'en étaient pas moins scrupuleux en ce qui concernait toutes ces questions de pureté cérémonielle et de régularité traditionnelle. Et ces Juifs n'ont pas été les seuls à ne pas reconnaître leurs hautes et saintes obligations de nature divine, tout en accordant une attention méticuleuse à des choses de peu d'importance pour le bien-être humain aussi bien dans le temps que dans l'éternité.

185.1  Ponce Pilate

185:1.1 Si Ponce Pilate n'avait pas été un gouverneur acceptable des provinces mineures, Tibère n'aurait guère supporté qu'il restât procurateur de Judée pendant dix ans. Bien que Pilate fût un assez bon administrateur, moralement c'était un lâche. Il n'avait pas l'envergure voulue pour comprendre la nature de sa tâche en tant que gouverneur des Juifs. Il ne comprit pas le fait que ces Hébreux avaient une religion réelle, une foi pour laquelle ils étaient prêts à mourir, et que des millions et des millions d'entre eux, éparpillés çà et là dans l'empire, considéraient Jérusalem comme le haut lieu de leur foi et respectaient le Sanhédrin comme le plus haut tribunal de la terre.

185:1.2 Pilate n'aimait pas les Juifs, et sa haine profonde commença de bonne heure à se manifester. De toutes les provinces romaines, nulle n'était plus difficile à gouverner que la Judée. Pilate ne comprit jamais véritablement les problèmes soulevés par l'administration des Juifs ; c'est pourquoi, dès le début de son expérience de gouverneur, il fit une série de bévues presque fatales équivalant pratiquement à un suicide. Ce furent ces bévues qui donnèrent aux Juifs un si grand pouvoir sur lui. Quand ils voulaient influencer ses décisions, il leur suffisait de le menacer d'un soulèvement, et Pilate capitulait rapidement. Ce flottement apparent, ou manque de courage moral du procurateur, provenait principalement du souvenir d'un certain nombre de controverses avec les Juifs où, dans chaque cas, il avait eu le dessous. Les Juifs savaient que Pilate avait peur d'eux et craignait pour sa situation vis-à-vis de Tibère ; et ils employèrent cette connaissance au grand préjudice du gouverneur en de nombreuses occasions.

185:1.3 La défaveur de Pilate auprès des Juifs résultait de plusieurs rencontres malheureuses. D'abord, il n'avait pas pris au sérieux leur préjugé profondément enraciné contre toutes les images, considérées comme symbole d'idolâtrie. Il permit donc à ses soldats d'entrer dans Jérusalem sans enlever les effigies de César de leurs étendards comme les soldats romains avaient l'habitude de le faire sous son prédécesseur. Une nombreuse députation des Juifs attendit Pilate pendant cinq jours, l'implorant de faire enlever ces effigies des bannières militaires. Il refusa net de faire droit à leur demande et les menaça de mort immédiate. Étant lui-même un sceptique, Pilate ne comprenait pas que des hommes ayant de puissants sentiments religieux n'hésitent pas à mourir pour leurs convictions religieuses. Il fut donc consterné quand ces Juifs se réunirent devant son palais en un geste de défi, inclinèrent leurs visages jusqu'à terre et lui notifièrent qu'ils étaient prêts à mourir. Pilate réalisa alors qu'il avait fait une menace qu'il n'avait pas la volonté de mettre à exécution. Il céda et ordonna que les effigies fussent enlevées des drapeaux de ses soldats à Jérusalem. Depuis ce jour-là, il fut dans une large mesure soumis aux caprices des dirigeants juifs, qui avaient ainsi découvert sa faiblesse consistant à faire des menaces qu'il n'osait mettre à exécution.

185:1.4 Pilate décida ultérieurement de regagner son prestige et, en conséquence, il fit apposer sur les murs du palais d'Hérode, à Jérusalem, les écussons de l'empereur tels qu'on les employait généralement pour adorer César. Lorsque les Juifs protestèrent, il fut intraitable. Lorsqu'il refusa de prêter attention à leurs protestations, les Juifs interjetèrent promptement appel à Rome, et l'empereur ordonna tout aussi promptement que les écussons offensants fussent enlevés. Ensuite, Pilate fut tenu en piètre estime encore plus que précédemment.

185:1.5 Une autre chose lui valut une grande défaveur auprès des Juifs : il osa prendre de l'argent dans le trésor du temple pour construire un aqueduc en vue de fournir plus d'eau aux millions de visiteurs de Jérusalem à l'époque des grandes fêtes religieuses. Les Juifs estimaient que seul le Sanhédrin pouvait disposer des fonds du temple ; ils ne cessèrent jamais d'invectiver Pilate au sujet de cette ordonnance jugée abusive. Sa décision provoqua au moins une vingtaine d'émeutes et fit verser beaucoup de sang. Le dernier de ces graves soulèvements se rapportait au massacre jusqu'au pied de l'autel d'un nombreux groupe de Galiléens pendant l'exercice de leur culte.

185:1.6 Il est significatif de constater que d'une part ce chef romain hésitant sacrifia Jésus par peur des Juifs et pour sauvegarder sa situation personnelle, et que d'autre part il fut finalement révoqué pour avoir inutilement massacré des Samaritains à propos d'un faux Messie qui conduisit des troupes au mont Garizim, où il prétendait que les vases du temple avaient été enterrées ; de féroces émeutes éclatèrent quand celui-ci ne réussit pas à révéler la cachette des vases sacrées comme il l'avait promis. À la suite de cet épisode, le légat de Syrie ordonna à Pilate de se rendre à Rome. Tibère mourut pendant que Pilate était en route pour Rome, et le mandat de Pilate comme procurateur de la Judée ne fut pas renouvelé. Il ne se remit jamais complètement de la regrettable décision par laquelle il consentit à la crucifixion de Jésus. Ne trouvant pas faveur aux yeux du nouvel empereur, il se retira dans la province de Lausanne, où il finit par se suicider.

185:1.7 Claudia Procula, la femme de Pilate, avait beaucoup entendu parler de Jésus par sa camériste, qui était une Phénicienne croyant à l'évangile du royaume. Après la mort de Pilate, Claudia joua un rôle important dans la diffusion de la bonne nouvelle.

185:1.8 Et tout ceci explique une grande partie des évènements de ce tragique vendredi matin. Il est facile de comprendre pourquoi les Juifs se permirent d'imposer leur volonté à Pilate - le faisant lever à six heures du matin pour juger Jésus - et aussi pourquoi ils n'hésitèrent pas à le menacer de l'accuser de trahison devant l'empereur s'il avait l'audace de refuser leur demande de mettre Jésus à mort.

185:1.9 Un gouverneur romain digne de ce nom, et qui n'aurait pas été malencontreusement impliqué dans les affaires des dirigeants juifs, n'aurait jamais permis à ces fanatiques religieux assoiffés de sang de faire mourir un homme que lui-même avait déclaré sans faute et innocent des fausses accusations portées contre lui. Rome fit une grande bévue, une erreur aux conséquences profondes sur les affaires terrestres, lorsqu'elle envoya ce médiocre Pilate gouverner la Palestine. Tibère aurait été mieux avisé d'envoyer aux Juifs le meilleur administrateur provincial de l'empire.

185.2  Jésus Comparaît devant Pilate

185:2.1 Lorsque Jésus et ses accusateurs furent réunis devant la salle du tribunal de Pilate, le gouverneur romain sortit sur le perron et demanda en s'adressant à la compagnie assemblée : « Quelles accusations portez-vous contre cet homme ? » Les sadducéens et les conseillers qui avaient pris sur eux de se débarrasser de Jésus avaient décidé de se présenter devant Pilate pour demander confirmation de la sentence de mort prononcée contre Jésus, mais sans vouloir porter d'accusations précises. C'est pourquoi le porte-parole du tribunal sanhédrin répondit à Pilate : « Si cet homme n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. »

185:2.2 Lorsque Pilate remarqua qu'ils répugnaient à formuler leurs accusations contre Jésus, bien qu'il sût qu'ils avaient passé toute la nuit à délibérer sur sa culpabilité, il leur répondit : « Puisque vous n'êtes pas d'accord sur des accusations précises, pourquoi n'emmenez-vous pas cet homme pour le juger conformément à vos propres lois ? »

185:2.3 Alors le greffier du tribunal du Sanhédrin dit à Pilate : « Nous n'avons pas le droit de mettre un homme à mort, et ce perturbateur de notre nation mérite la mort pour tout ce qu'il a dit et fait. Nous sommes donc venus devant toi pour que tu confirmes cette décision. »

185:2.4 Cette tentative d'échappatoire devant le gouverneur romain révèle à la fois la malveillance et la fureur des sanhédristes envers Jésus, ainsi que leur manque de respect pour l'équité, l'honneur et la dignité de Pilate. Quelle effronterie pour ces citoyens assujettis de comparaître devant le gouverneur de leur province en demandant un décret d'exécution contre un homme avant d'avoir assuré à cet homme un jugement équitable, et même sans porter contre lui des accusations précises de crime.

185:2.5 Pilate connaissait quelque peu l'oeuvre de Jésus parmi les Juifs ; il conjectura que les accusations susceptibles d'être portées contre lui concernaient des infractions aux lois ecclésiastiques juives, et chercha en conséquence à renvoyer Jésus devant leur propre tribunal. En outre, Pilate prit plaisir à leur faire confesser publiquement qu'ils étaient impuissants à prononcer et à exécuter une sentence de mort, même contre un membre de leur propre race qu'ils en étaient venus à mépriser avec une haine pleine d'amertume et d'envie.

185:2.6 Quelques heures auparavant, peu avant minuit et après qu'il eut autorisé l'emploi des soldats romains pour arrêter secrètement Jésus, Pilate avait reçu des informations complémentaires sur Jésus et son enseignement, par le truchement de sa femme Claudia, qui était partiellement convertie au judaïsme et devint plus tard une croyante à part entière en l'évangile de Jésus.

185:2.7 Pilate aurait aimé reporter l'audience, mais il vit que les dirigeants juifs étaient décidés à poursuivre l'affaire. Il savait que non seulement cette matinée était celle de la préparation à la Pâque, mais que le vendredi était aussi le jour de préparation au sabbat juif de repos et de culte.

185:2.8 Pilate, étant extrêmement sensible à la manière désinvolte dont les Juifs l'avaient abordé, n'était pas enclin à faire droit à leurs exigences de condamner Jésus à mort sans jugement. Il attendit donc quelques moments pour leur laisser présenter leurs accusations contre le détenu, puis se tourna vers eux et dit : « Je ne condamnerai pas cet homme à mort sans jugement, et je ne consentirai pas non plus à l'interroger avant que vous ayez présenté par écrit vos accusations contre lui. »

185:2.9 Lorsque le grand-prêtre et les autres sanhédristes entendirent Pilate dire cela, ils firent signe au greffier de la cour, lequel remit à Pilate les accusations écrites suivantes contre Jésus, et ces accusations étaient :

185:2.10 « Le tribunal sanhédriste estime que cet homme est un malfaiteur et un perturbateur de notre nation en ce sens qu'il est coupable :

185:2.11 « 1. De pervertir notre nation et d'exciter le peuple à la rébellion.

185:2.12 « 2. D'interdire aux gens de payer le tribut à César.

185:2.13 « 3. De se qualifier de roi des Juifs et d'enseigner la fondation d'un nouveau royaume. »

185:2.14 Jésus n'avait été ni jugé de manière régulière ni légalement condamné sur aucune de ces accusations. Il ne les avait même pas entendues au moment où elles furent formulées pour la première fois, mais Pilate le fit amener du prétoire où il se trouvait sous la surveillance des gardes et insista pour que ces accusations fussent répétées devant Jésus.

185:2.15 Lorsque Jésus les entendit, il savait bien qu'il n'avait pas été interrogé sur ces sujets devant le tribunal juif. Jean Zébédée et les accusateurs le savaient tout aussi bien, mais Jésus ne répondit rien à ces fausses accusations. Même lorsque Pilate le pria de répondre à ses accusateurs, il n'ouvrit pas la bouche. Pilate fut si étonné de l'injustice de toute la procédure et si impressionné par le silence et la maitrise de Jésus qu'il décida d'emmener le prisonnier à l'intérieur de la salle et de l'interroger en privé.

185:2.16 Le mental de Pilate était dans la confusion. Tout en craignant les Juifs au fond de lui-même, il était fortement ému dans son esprit par le spectacle de Jésus se tenant majestueusement devant ses accusateurs assoiffés de sang et les considérant, non avec un mépris silencieux, mais avec une expression de pitié sincère et d'affection attristée.

185.3  L'Interrogatoire en Privé par Pilate

185:3.1 Pilate emmena Jésus et Jean Zébédée dans une chambre privée, laissa les gardes dehors dans la grande salle, pria le prisonnier de s'assoir, s'assit lui-même à côté de lui et lui posa plusieurs questions. Pilate commença son entretien avec Jésus en l'assurant qu'il ne croyait pas à la première accusation, à savoir que Jésus pervertissait la nation et incitait à la rébellion. Puis il demanda : « As-tu jamais enseigné qu'il fallait refuser le tribut à César ? » Jésus montra Jean du doigt et dit : « Demande-le à celui-là ou à toute autre personne qui a entendu mon enseignement. » Pilate questionna alors Jean sur cette affaire du tribut, et Jean témoigna au sujet de l'enseignement de son Maitre et expliqua que Jésus et ses apôtres payaient des impôts à la fois à César et au trésor du temple. Lorsque Pilate eut fini d'interroger Jean, il lui dit : « Veille à ne dire à personne que je t'ai parlé. » Et Jean ne révéla jamais cet épisode.

185:3.2 Pilate se retourna ensuite pour poser de nouvelles questions à Jésus en disant : « Maintenant, au sujet de la troisième accusation contre toi, es-tu le roi des Juifs ? » Du fait qu'il y avait dans la voix de Pilate un ton d'enquête peut être sincère, Jésus sourit au procurateur et lui dit : « Pilate, poses-tu cette question de toi-même, ou l'as-tu prise chez mes accusateurs ? » Sur quoi, le gouverneur répondit d'un ton partiellement indigné : « Suis-je un Juif ? Ton propre peuple et les chefs des prêtres t'ont livré et m'ont demandé de te condamner à mort. Je mets en doute la validité de leurs accusations et j'essaye seulement de découvrir pour moi-même ce que tu as fait. Dis-le-moi, as-tu dit que tu es le roi des Juifs et as-tu cherché à fonder un nouveau royaume ? »

185:3.3 Jésus dit alors à Pilate : « Ne perçois-tu pas que mon royaume n'est pas de ce monde ? S'il était de ce monde, mes disciples se battraient sûrement pour que je ne sois pas livré aux mains des Juifs. Ma présence ici, devant toi et dans ces liens, suffit pour montrer à tous les hommes que mon royaume est une domination spirituelle, la fraternité même des hommes qui sont devenus fils de Dieu par la foi et par amour. Ce salut est offert aussi bien aux Gentils qu'aux Juifs. »

185:3.4 « Alors, après tout, tu es un roi ? » dit Pilate. Et Jésus répondit : « Oui, je suis un roi de ce genre, et mon royaume est la famille de ceux qui, par la foi, sont fils de mon Père qui est aux cieux. Je suis né à dessein dans ce monde pour révéler mon Père à tous les hommes et témoigner de la vérité de Dieu. Même maintenant, je te déclare que quiconque aime la vérité entend ma voix. »

185:3.5 Alors, Pilate dit à moitié ironiquement et à moitié sincèrement : « La vérité, qu'est-ce que la vérité ? - qui la connaît ? »

185:3.6 Pilate n'était capable ni de sonder la profondeur des paroles de Jésus ni de comprendre la nature de son royaume spirituel, mais il était désormais certain que le prisonnier n'avait rien fait qui méritât la mort. Un seul regard jeté sur Jésus face à face suffisait pour convaincre même Pilate que cet homme débonnaire et fatigué, mais intègre et majestueux, n'était pas un sauvage et dangereux révolutionnaire aspirant à s'établir sur le trône temporel d'Israël. Pilate croyait comprendre quelque chose de ce que Jésus avait voulu dire en se qualifiant de roi, car il connaissait les enseignements des stoïciens qui proclamaient que « l'homme sage est un roi » . Pilate fut entièrement convaincu qu'au lieu d'être un dangereux fauteur de sédition, Jésus n'était ni plus ni moins qu'un visionnaire inoffensif, un fanatique innocent.

185:3.7 Après avoir interrogé le Maitre, Pilate retourna vers les chefs des prêtres et les accusateurs de Jésus et leur dit : « J'ai interrogé cet homme et je ne trouve aucune faute en lui. Je ne crois pas qu'il soit coupable des accusations que vous avez formulées contre lui. Je pense qu'il devrait être libéré. » Lorsque les Juifs entendirent cela, ils furent saisis d'une grande fureur, au point de crier sauvagement que Jésus devait mourir. L'un des sanhédristes monta audacieusement à côté de Pilate en disant : « Cet homme excite le peuple, en commençant par la Galilée et en continuant dans toute la Judée. Il est un fauteur de désordre et un malfaiteur. Si tu remets cet homme mauvais en liberté, tu le regretteras longtemps. »

185:3.8 Pilate était aux abois, il ne savait que faire de Jésus, aussi, lorsqu'il entendit les Juifs dire que Jésus avait commencé son travail en Galilée, il pensa éviter la responsabilité de trancher le cas, ou tout au moins gagner du temps pour réfléchir, en envoyant Jésus comparaître devant Hérode, qui se trouvait alors à Jérusalem pour assister à la Pâque. Pilate crut aussi que ce geste servirait d'antidote à la rancoeur qui avait existé depuis quelque temps entre lui et Hérode par suite de nombreux malentendus sur des questions de juridiction.

185:3.9 Pilate appela les gardes et leur dit : « Cet homme est un Galiléen. Conduisez-le immédiatement devant Hérode et, quand Hérode l'aura interrogé, venez me rapporter ses conclusions. » Et les gardes conduisirent Jésus devant Hérode.

185.4  Jésus Devant Hérode

185:4.1 Quand Hérode Antipas s'arrêtait à Jérusalem, il habitait l'ancien palais macchabéen d'Hérode le Grand. C'est à cette résidence de l'ancien roi que Jésus fut donc amené par les gardes du temple, suivis de ses accusateurs et d'une foule toujours croissante. Hérode avait depuis longtemps entendu parler de Jésus et il était fort curieux de le connaître. Lorsque le Fils de l'Homme se tint devant lui ce vendredi matin, le pervers Iduméen ne se souvint pas un instant du garçon d'autrefois qui était venu le voir à Sepphoris en demandant justice au sujet de l'argent dû à son père, qui avait été tué accidentellement pendant qu'il travaillait à l'un des édifices publics. Autant qu'Hérode pouvait se le rappeler, il n'avait jamais vu Jésus, bien qu'il se fût fait beaucoup de soucis à son sujet à l'époque où l'activité du Maitre était concentrée en Galilée. Maintenant que Jésus était détenu par Pilate et les Judéens, Hérode était désireux de le voir, car il se sentait garanti contre les nouveaux troubles que Jésus aurait pu fomenter à l'avenir. Hérode avait beaucoup entendu parler des miracles opérés par Jésus et il espérait réellement le voir accomplir quelque prodige.

185:4.2 Lorsque les gardes amenèrent Jésus devant Hérode, le tétrarque fut saisi par son aspect imposant et la sérénité de son expression. Durant un quart d'heure, Hérode posa des questions à Jésus, mais le Maitre ne voulut pas répondre. Hérode lui fit des reproches ironiques et le défia d'accomplir un miracle, mais Jésus ne voulut ni répondre à ses nombreuses questions ni réagir à ses sarcasmes.

185:4.3 Alors, Hérode se tourna vers les chefs des prêtres et sadducéens, et prêta l'oreille à leurs accusations. Il entendit tout ce qui avait été dit à Pilate, et plus encore, au sujet des prétendus méfaits du Fils de l'Homme. Convaincu finalement que Jésus ne voudrait ni parler ni accomplir un prodige pour lui, Hérode, après l'avoir tourné en dérision pendant quelque temps, le revêtit d'une ancienne robe royale de pourpre et le renvoya à Pilate. Hérode savait que sa juridiction ne s'étendait pas sur Jésus en Judée, bien qu'il fut heureux de penser qu'il serait finalement débarrassé de Jésus en Galilée, il était reconnaissant du fait que la responsabilité de le mettre à mort incombât à Pilate. Hérode ne s'était jamais complètement remis de la peur dont il souffrait comme une malédiction depuis qu'il avait fait exécuter Jean le Baptiste. À certains moments, Hérode avait même craint que Jésus ne soit Jean ressuscité d'entre les morts. Maintenant, il était dégagé de cette peur, car il observa que Jésus était une personne fort différente du fougueux prophète au franc parler qui avait osé dévoiler et condamner sa vie privée.

185.5  Jésus Revient Devant Pilate

185:5.1 Quand les gardes eurent ramené Jésus à Pilate, ce dernier sortit sur les marches du prétoire où son siège de justice avait été placé, il appela les chefs des prêtres et les sanhédristes, et leur dit : « Vous avez amené cet homme devant moi en l'accusant de pervertir le peuple, d'interdire le paiement des impôts et de se prétendre le roi des Juifs. Je l'ai interrogé et je ne l'ai pas trouvé coupable de ces griefs. En fait, je ne trouve aucune faute en lui. Ensuite je l'ai envoyé à Hérode, et le tétrarque doit être arrivé aux mêmes conclusions, puisqu'il nous l'a renvoyé. Cet homme n'a certainement rien commis qui mérite la mort. Si vous pensez toujours qu'il a besoin d'être discipliné, je suis disposé à lui infliger une correction avant de le relâcher. »

185:5.2 Au moment précis où les Juifs allaient crier leurs protestations contre la mise en liberté de Jésus, une foule nombreuse arriva au prétoire pour demander à Pilate de libérer un prisonnier en l'honneur de la fête de la Pâque. Depuis quelque temps, les gouverneurs romains avaient eu coutume de permettre à la populace de choisir un prisonnier ou un condamné destiné à être amnistié à l'époque de la Pâque. Maintenant que cette foule arrivait devant lui pour demander la délivrance d'un prisonnier, Jésus ayant été si récemment en grande faveur auprès des multitudes, Pilate eut l'idée qu'il pourrait peut-être se tirer de cette mauvaise affaire en proposant au groupe de relâcher cet homme de Galilée comme gage de sa bonne volonté à l'occasion de la Pâque, puisqu'il était actuellement détenu devant son tribunal.

185:5.3 Tandis que la foule s'amassait sur les marches du bâtiment, Pilate entendit des voix crier le nom d'un certain Barabbas. Barabbas était un agitateur politique notoire, voleur et assassin, fils d'un prêtre et avait été récemment arrêté en flagrant délit de rapine et de meurtre sur la route de Jéricho. Il avait été condamné à mort, et la sentence devait être exécutée aussitôt après les fêtes de la Pâque.

185:5.4 Pilate se leva et expliqua à la foule que Jésus lui avait été amené par les chefs des prêtres qui demandaient sa mise à mort en formulant certaines accusations, mais qu'il ne croyait pas que cet homme méritât la mort. Pilate dit : « Alors, qui préférez-vous que je vous relâche, ce Barabbas, l'assassin, ou ce Jésus de Galilée ? » Lorsque Pilate eut ainsi parlé, les chefs des prêtres et les conseillers du Sanhédrin crièrent tous de leur voix la plus perçante « Barabbas, Barabbas ! » Et, quand les gens assemblés virent que les chefs des prêtres voulaient que Jésus fût mis à mort, ils se joignirent rapidement aux clameurs réclamant son exécution tandis qu'ils vociféraient pour la libération de Barabbas.

185:5.5 Quelques jours auparavant, la même foule avait observé Jésus avec une crainte respectueuse, mais elle n'avait plus de considération pour un homme qui, après avoir prétendu être le Fils de Dieu, se trouvait maintenant prisonnier des principaux prêtres et dirigeants, et traduit en jugement devant Pilate avec le risque d'être condamné à mort. Jésus pouvait être un héros aux yeux de la populace quand il chassait du temple les changeurs et les marchands, mais non quand il était prisonnier sans résistance aux mains de ses ennemis, et quand sa vie était en jeu.

185:5.6 Pilate fut irrité de voir les chefs des prêtres pousser des clameurs en faveur d'un assassin notoire et hurler pour obtenir le sang de Jésus. Il vit leur méchanceté et leur haine, et perçut leurs préjugés et leur jalousie. En conséquence, il leur dit : « Comment pouvez-vous choisir la vie d'un assassin de préférence à celle de cet homme dont le pire crime consiste à se qualifier symboliquement de roi des Juifs ? » Ces paroles de Pilate manquaient de sagesse. Les Juifs étaient un peuple fier, alors soumis au joug politique romain, mais espérant la venue d'un Messie qui les délivrerait de la servitude des Gentils avec un grand déploiement de puissance et de gloire. À l'idée que cet instructeur aux manières douces, qui enseignait d'étranges doctrines et qui était maintenant arrêté et inculpé de crimes méritant la mort, pouvait être cité comme « le roi des Juifs » , ils éprouvèrent un ressentiment plus grand que Pilate ne pouvait l'imaginer. Ils prirent cette remarque comme une insulte envers tout ce qu'ils considéraient comme sacré et honorable dans leur existence nationale, et c'est pourquoi ils se déchainèrent en clameurs pour la relaxe de Barabbas et la mort de Jésus.

185:5.7 Pilate savait que Jésus était innocent des accusations portées contre lui et, s'il avait été un juge intègre et courageux, il l'aurait acquitté et relaxé, mais il avait peur de défier ces Juifs irrités. Tandis qu'il hésitait à faire son devoir, un messager arriva et lui remit un message scellé de sa femme Claudia.

185:5.8 Pilate signifia à son auditoire son désir de lire la communication qu'il venait de recevoir, avant de poursuivre l'examen de l'affaire en cours. Il ouvrit la lettre de sa femme et y lut : « Je te supplie de ne participer en rien à la condamnation de l'homme intègre et innocent que l'on appelle Jésus. J'ai beaucoup souffert en rêve cette nuit à cause de lui. » Cette note venant de Claudia eut pour effet non seulement de bouleverser Pilate et de retarder ainsi le jugement de l'affaire, mais aussi de laisser aux dirigeants juifs un temps considérable pour circuler librement dans la foule. Ils en profitèrent pour inciter la populace à demander la libération de Barabbas et à réclamer à grands cris la crucifixion de Jésus.

185:5.9 Finalement, Pilate s'attaqua une fois de plus à la solution du problème en demandant à l'assemblée mixte des dirigeants juifs et des gens demandant une amnistie : « Que ferai-je de celui que l'on appelle le roi des Juifs ? » Ils crièrent à l'unisson : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » L'unanimité de cette exigence de la part de cette foule bigarrée effraya et alarma Pilate, juge injuste et tenaillé par la peur.

185:5.10 Il demanda une fois de plus : « Pourquoi voulez-vous crucifier cet homme ? Quel mal a-t-il fait ? Qui veut s'avancer pour témoigner contre lui ? » Mais lorsqu'ils entendirent Pilate prendre la défense de Jésus, ils crièrent de plus belle : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »

185:5.11 Alors, Pilate fit de nouveau appel à eux au sujet de la relaxe du prisonnier de la Pâque en disant : « Je vous demande une fois de plus quel prisonnier je dois libérer à cette date où vous fêtez votre Pâque ? » Et de nouveau la foule hurla : « Donne-nous Barabbas ! »

185:5.12 Alors, Pilate dit : « Si je relâche Barabbas, l'assassin, que vais-je faire de Jésus ? » Et une fois de plus la foule hurla à l'unisson : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »

185:5.13 Pilate fut terrorisé par les clameurs insistantes de la populace agissant sous les directives immédiates des chefs des prêtres et des conseillers du Sanhédrin ; il décida néanmoins de faire encore au moins une tentative pour apaiser la foule et sauver Jésus.

185.6  Le Dernier Appel de Pilate

185:6.1 Seuls les ennemis de Jésus participent à tout ce qui se passe ce vendredi matin devant Pilate. Ses nombreux amis ou bien ignorent encore son arrestation nocturne et son jugement aux premières heures du matin, ou bien se cachent de peur d'être également appréhendés et condamnés à mort parce qu'ils croient aux enseignements de Jésus. Dans la multitude qui pousse maintenant des clameurs pour la mort de Jésus, on ne trouve que ses ennemis jurés et la populace irréfléchie facile à manoeuvrer.

185:6.2 Pilate voulut faire un dernier appel à leur pitié. Ayant peur de défier les clameurs de cette foule égarée qui criait pour obtenir le sang de Jésus, il ordonna aux gardes juifs et aux soldats romains de prendre Jésus et de le flageller. C'était en soi une procédure injuste et illégale, car la loi romaine réservait uniquement la flagellation aux condamnés à mort par crucifixion. Les gardes emmenèrent Jésus pour ce supplice dans la cour ouverte du prétoire. Ses ennemis n'assistèrent pas à la flagellation, mais Pilate y assista. Avant que les flagellateurs en eussent fini avec ce flagrant abus, il leur ordonna de s'arrêter et fit signe qu'on lui amenât Jésus. Avant d'attacher Jésus au poteau de flagellation et de le frapper de leurs fouets à noeuds, ses bourreaux l'avaient de nouveau vêtu de la robe pourpre et avaient tressé une couronne d'épines qu'ils posèrent sur son front. Après avoir placé un roseau dans sa main comme simulacre d'un sceptre, ils s'agenouillèrent devant lui et se moquèrent de lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Puis ils crachèrent sur lui et le souffletèrent. Avant de le rendre à Pilate, l'un d'eux lui prit le roseau des mains et lui en frappa la tête.

185:6.3 Ensuite, Pilate conduisit le prisonnier saignant et lacéré devant la foule bigarrée et le présenta en disant : « Voici l'homme ! De nouveau je vous déclare que je ne le trouve coupable d'aucun crime et, après l'avoir flagellé, je voudrais le relaxer. »

185:6.4 Jésus de Nazareth se tenait là, vêtu d'une vieille robe pourpre royale et ceint d'une couronne d'épines qui perçait son front bienveillant. Son visage était souillé de sang et son corps plié de souffrance et de chagrin. Mais rien ne peut émouvoir le coeur insensible de ceux qui sont victimes d'une intense haine émotionnelle et esclaves de préjugés religieux. Ce spectacle engendra un profond frisson dans les royaumes d'un vaste univers, mais ne toucha pas le coeur de ceux qui avaient mentalement décidé d'exterminer Jésus.

185:6.5 Quand ils se furent remis de leur premier choc à la vue du triste état du Maitre, ils ne firent que crier plus fort et plus longuement : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! Crucifie-le ! »

185:6.6 Maintenant, Pilate comprenait la futilité de faire appel à leurs hypothétiques sentiments de pitié. Il s'avança et dit : « Je me rends compte que vous avez décidé la mort de cet homme, mais qu'a-t-il fait pour mériter la mort ? Qui veut faire connaître son crime ? »

185:6.7 Alors le grand-prêtre lui-même s'avança, monta les marches vers Pilate et déclara avec irritation : « Nous avons une loi sacrée d'après laquelle cet homme doit mourir parce qu'il a lui-même proclamé qu'il était le Fils de Dieu. » Lorsque Pilate entendit cela, il fut d'autant plus effrayé, non seulement par les Juifs, mais en se souvenant du message de sa femme et de la mythologie grecque où les dieux descendent sur terre ; il tremblait maintenant à l'idée que Jésus pouvait être un personnage divin. Il adressa un salut de la main à la foule pour la faire tenir tranquille, tandis qu'il prenait Jésus par le bras et le reconduisait à l'intérieur de l'édifice pour l'interroger encore une fois. Pilate était maintenant tenaillé par la peur, déconcerté par la superstition et épuisé par l'entêtement de la populace.

185.7  Le Dernier Face à Face avec Pilate

185:7.1 Tandis que Pilate, tremblant de peur et d'émotion, s'asseyait à côté de Jésus, il lui demanda : « D'où viens-tu ? Qui es-tu réellement ? Pourquoi disent-ils que tu es le Fils de Dieu ? »

185:7.2 Mais Jésus ne pouvait guère répondre à ces questions lorsqu'elles étaient posées par un juge hésitant, faible, craignant les hommes et qui avait été assez injuste pour le faire flageller même après avoir proclamé son entière innocence et avant d'avoir ratifié sa condamnation à mort. Jésus regarda Pilate droit dans les yeux, mais ne lui répondit pas. Alors, Pilate lui dit : « Refuses-tu de me parler ? Ne comprends-tu pas que j'ai encore le pouvoir de te rendre la liberté ou de te crucifier ? » Jésus lui répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si ce n'était autorisé d'en haut. Tu ne pourrais exercer aucune autorité sur le Fils de l'Homme à moins que le Père qui est aux cieux ne le permette. Mais tu n'es pas tellement coupable, car tu ignores l'évangile. Celui qui m'a trahi et celui qui m'a livré à toi ont commis le plus grand péché. »

185:7.3 Ce dernier entretien avec Jésus terrifia Pilate. Cet homme moralement lâche, ce juge débile, peinait maintenant sous le double fardeau de la crainte superstitieuse de Jésus et de la peur mortelle que lui inspiraient les dirigeants juifs.

185:7.4 Pilate revint devant la foule en disant : « Je suis certain que cet homme n'a contrevenu qu'à la religion. Vous devriez le prendre et le juger d'après votre propre loi. Pourquoi espérez-vous que je consentirai à sa mort parce qu'il est entré en conflit avec vos traditions ? »

185:7.5 Pilate était sur le point de libérer Jésus lorsque Caïphe, le grand-prêtre, s'approcha du lâche juge romain, secoua un doigt vengeur devant son visage et prononça d'un ton irrité ces paroles que toute la populace put entendre : « Si tu relâches cet homme, tu n'es pas l'ami de César, et je veillerai à ce que l'empereur sache tout. » Cette menace publique dépassa ce que Pilate pouvait endurer. La crainte pour sa situation personnelle éclipsa toute autre considération, et le lâche gouverneur ordonna que Jésus fût amené devant le tribunal. Lorsque le Maitre se tint là devant eux, Pilate le montra du doigt et dit sarcastiquement : « Voici votre roi. » Et les Juifs répondirent : « Finis-en avec lui. Crucifie-le ! » Alors, Pilate dit avec beaucoup d'ironie et de sarcasme : « Vais-je crucifier votre roi ? » Et les Juifs répondirent : « Crucifie-le ! Nous n'avons pas d'autre roi que César. » Alors, Pilate se rendit compte qu'il n'y avait plus d'espoir de sauver Jésus, puisque lui-même n'osait pas défier les Juifs.

185.8  Le Tragique Abandon par Pilate

185:8.1 Incarné en tant que Fils de l'Homme, le Fils de Dieu se tenait là. Il avait été arrêté sans inculpation, accusé sans preuves, jugé sans témoins, puni sans verdict et il allait bientôt être condamné à mort par un juge injuste qui confessait ne pouvoir trouver aucune faute en lui. Si Pilate avait cru pouvoir faire appel à leur patriotisme en appelant Jésus « le roi des Juifs » , il avait complètement échoué. Les Juifs n'attendaient pas un roi de ce genre. Lorsque les chefs des prêtres et les sadducéens déclarèrent : « Nous n'avons pas d'autre roi que César » , cela fut un choc même pour la foule ignorante, mais il était désormais trop tard pour sauver Jésus, même si la populace avait osé prendre parti pour le Maitre.

185:8.2 Pilate craignait un tumulte ou une émeute. Il n'osa pas risquer de troubles de cet ordre au moment de la Pâque à Jérusalem. Il avait récemment reçu une réprimande de César et ne voulait pas risquer d'en recevoir une autre. La populace applaudit lorsqu'il ordonna de relâcher Barabbas. Il fit ensuite apporter une bassine et un peu d'eau, puis se lava les mains devant la foule en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme. Vous êtes décidés à ce qu'il meure, mais je n'ai trouvé aucune culpabilité en lui. Occupez-vous-en. Les soldats le conduiront. » Alors, la populace applaudit et répondit : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. »

186. Peu avant la Crucifixion

186:0.1 AU MOMENT où Jésus et ses accusateurs partirent pour voir Hérode, le Maitre se tourna vers l'apôtre Jean et dit : « Jean, tu ne peux rien faire de plus pour moi. Va vers ma mère et ramène-la pour qu'elle me voie avant que je ne meure. » Lorsque Jean entendit la requête de son Maitre, et bien qu'il répugnât à le laisser seul parmi ses ennemis, il se hâta de partir pour Béthanie où toute la famille de Jésus était rassemblée dans l'expectative chez Marthe et Marie, les soeurs de Lazare que Jésus avait ressuscité d'entre les morts.

186:0.2 Plusieurs fois durant la matinée, des messagers avaient apporté à Marthe et à Marie des nouvelles des développements du procès de Jésus, mais la famille de Jésus n'arriva à Béthanie que quelques minutes avant Jean qui apportait le message de Jésus demandant à voir sa mère avant d'être mis à mort. Après que Jean Zébédée leur eut raconté tout ce qui s'était passé depuis l'arrestation de Jésus à minuit, Marie sa mère partit aussitôt en sa compagnie pour voir son fils ainé. Au moment où Marie et Jean parvinrent à Jérusalem, Jésus, accompagné des soldats romains qui devaient le crucifier, était déjà arrivé au Golgotha.

186:0.3 Quand Marie, mère de Jésus, partit de Béthanie avec Jean pour voir son fils, Ruth, la soeur du Maitre, refusa de rester en arrière avec le reste de la famille. Puisqu'elle était décidée à accompagner sa mère, son frère Jude partit avec elle. Les autres membres de la famille du Maitre restèrent à Béthanie sous la direction de Jacques. Presque une fois par heure, les messagers de David Zébédée leur apportaient des nouvelles concernant le déroulement de la terrible affaire, la mise à mort de leur frère ainé, Jésus de Nazareth.

186.1  La Fin de Judas Iscariot

186:1.1 Il était à peu près huit heures et demie du matin, ce vendredi, lorsque l'audition de Jésus devant Pilate prit fin et que le Maitre fut remis à la garde des soldats romains chargés de le crucifier. Aussitôt que les Romains prirent possession de Jésus, le capitaine des gardes juifs retourna avec ses hommes à leur quartier général du temple. Le chef des prêtres et ses associés sanhédristes suivirent de près les gardes et allèrent directement à leur lieu de réunion habituel dans la salle en pierre de taille du temple. Ils y trouvèrent de nombreux autres membres du Sanhédrin attendant de savoir ce que l'on avait fait de Jésus. Tandis que Caïphe faisait son rapport au Sanhédrin sur le jugement et la condamnation de Jésus, Judas apparut devant eux en réclamant sa récompense pour le rôle qu'il avait joué dans l'arrestation et la condamnation à mort de son Maitre.

186:1.2 Tous ces Juifs abhorraient Judas ; ils n'éprouvaient pour le traitre que des sentiments de total mépris. Durant tout le jugement de Jésus devant Caïphe et sa comparution devant Pilate, Judas eut des troubles de conscience concernant sa félonie. Il commençait aussi à perdre quelque peu ses illusions sur la récompense qu'il devait recevoir en paiement de sa trahison envers Jésus. Il n'aimait pas la froideur et la réserve des autorités juives ; cependant, il comptait être largement récompensé pour sa lâche conduite. Il s'attendait à être convoqué devant les sanhédristes réunis au complet pour y entendre son propre panégyrique et se voir conférer des honneurs appropriés en récompense du grand service qu'il se flattait d'avoir rendu à sa nation. On peut donc imaginer la grande surprise de ce traitre égotiste lorsqu'un serviteur du grand-prêtre lui tapa sur l'épaule, le fit sortir de la salle et lui dit : « Judas, j'ai été chargé de te payer pour avoir trahi Jésus. Voici ta récompense. » Et le serviteur de Caïphe tendit une bourse contenant trente pièces d'argent - le prix courant d'un bon esclave valide.

186:1.3 Judas fut abasourdi, muet de stupeur. Il se précipita pour rentrer dans la salle, mais l'huissier lui barra le chemin. Il voulait faire appel au Sanhédrin, mais on ne voulut pas le laisser entrer. Judas ne pouvait pas croire que les dirigeants des Juifs lui avaient permis de trahir ses amis et son Maitre pour lui offrir ensuite trente pièces d'argent en récompense. Il était humilié, désillusionné et complètement écrasé. Il s'éloigna du temple pour ainsi dire en transe. Comme un automate, il fit tomber la bourse dans sa grande poche, la même où il avait si longtemps transporté la bourse contenant les fonds apostoliques. Il erra dans la ville, et en sortit en suivant la foule qui allait assister aux crucifixions.

186:1.4 Judas aperçut de loin que l'on dressait la croix où Jésus était cloué. À cette vue, il retourna précipitamment au temple, écarta de force le gardien de la porte et se trouva en présence du Sanhédrin, qui était encore en session. Le traitre était à peu près hors d'haleine et profondément bouleversé, mais il réussit à balbutier les paroles suivantes : « J'ai péché en ce sens que j'ai trahi un sang innocent. Vous m'avez insulté. Vous m'avez offert de l'argent pour ce service - le prix d'un esclave. Je me repens d'avoir fait cela ; voilà votre argent. Je veux échapper à la culpabilité de cet acte. »

186:1.5 Quand les dirigeants des Juifs entendirent Judas, ils se gaussèrent de lui. L'un d'eux, qui était assis près de l'endroit où Judas était debout, l'invita à sortir de la salle et lui dit : « Ton Maitre a déjà été mis à mort par les Romains ; quant à ta culpabilité, en quoi nous concerne-t-elle ? Occupe-t'en - et va-t'en. »

186:1.6 En quittant la salle du Sanhédrin, Judas sortit les trente pièces d'argent de la bourse et les lança à la volée sur le sol du temple. Lorsque le traitre sortit, il était presque hors de lui-même. Judas passait maintenant par l'expérience de la réalisation de la véritable nature du péché. Tout l'éclat, la fascination et l'ivresse des mauvaises actions avaient disparu. Maintenant, le malfaiteur se trouvait seul, face à face avec le verdict du jugement de son âme désillusionnée et déçue. Le péché était ensorcelant et aventureux pendant qu'il le commettait, mais maintenant Judas devait faire face à la moisson des faits mis à nu et dépourvus de romanesque.

186:1.7 Celui qui avait été jadis ambassadeur sur terre du royaume des cieux errait maintenant seul et abandonné dans les rues de Jérusalem. Son désespoir était affreux et presque absolu. Il poursuivit sa route dans la ville, puis hors des murs jusque dans la solitude sauvage de la vallée du Hinnom, où il grimpa sur des rochers abrupts. Il prit la ceinture de son vêtement, en attacha une extrémité à un petit arbre, noua l'autre autour de son cou et se jeta dans le précipice. Avant qu'il fût mort, le noeud qu'il avait attaché de ses mains nerveuses s'était desserré, et le corps du traitre fut déchiqueté par les rochers pointus sur lesquels il tomba.

186.2  L'Attitude du Maitre

186:2.1 Quand Jésus fut arrêté, il savait que son oeuvre sur terre, dans la similitude de la chair mortelle, était achevée. Il comprenait pleinement le genre de mort qui allait lui être infligé, et ne s'intéressait guère aux détails de ses prétendus jugements.

186:2.2 Devant le Sanhédrin, Jésus refusa de répondre aux témoignages des témoins parjures. Une seule question attirait toujours une réponse, qu'elle fût posée par des amis ou des ennemis : c'était celle qui concernait la nature et la divinité de sa mission sur terre. Quand on lui demandait s'il était le Fils de Dieu, il donnait infailliblement une réponse. Il refusa fermement de parler durant sa comparution devant le curieux et inique Hérode. Devant Pilate, il parla simplement quand il crut que Pilate ou quelque autre homme sincère pouvait être aidé par ses paroles à mieux connaître la vérité. Jésus avait enseigné à ses apôtres qu'il était inutile de jeter leurs perles aux pourceaux, et maintenant il osait pratiquer ce qu'il avait enseigné. Sa conduite, à ce moment-là, donna l'exemple de la patiente soumission de la nature humaine doublée du majestueux silence et de la solennelle dignité de la nature divine. Il était tout à fait prêt à discuter avec Pilate de toute question concernant les inculpations politiques portées contre lui - de toute question reconnue par lui comme relevant de la juridiction du gouverneur.

186:2.3 Jésus était convaincu que la volonté de son Père était qu'il se soumette au cours naturel et ordinaire des évènements humains, exactement comme toute autre créature mortelle doit le faire. C'est pourquoi il refusa d'employer même ses pouvoirs purement humains d'éloquence persuasive pour influencer l'issue des machinations de ses contemporains socialement myopes et spirituellement aveugles. Bien que Jésus ait vécu et soit mort sur Urantia, toute sa carrière humaine, depuis le commencement jusqu'à la fin, fut un spectacle destiné à influencer et à instruire tout l'univers local qu'il avait créé et qu'il soutenait sans cesse.

186:2.4 Les Juifs à courte vue poussaient des clameurs indécentes pour la mort du Maitre tandis qu'il se tenait là dans un silence terrible, contemplant la scène de mort d'une nation - du propre peuple de son père terrestre.

186:2.5 Jésus avait acquis le type de caractère humain qui peut conserver son sang-froid et affirmer sa dignité en face d'insultes constantes et gratuites. On ne pouvait l'intimider. Lors des premières voies de fait par le serviteur d'Annas, il se borna à suggérer qu'il vaudrait mieux appeler des témoins qui puissent dument témoigner contre lui.

186:2.6 Du commencement jusqu'à la fin de son prétendu jugement devant Pilate, les légions célestes en observation ne purent se retenir de télédiffuser à l'univers la description de la scène de « Pilate en jugement devant Jésus » .

186:2.7 Lors de sa comparution devant Caïphe, quand tous les témoignages parjures se furent effondrés, Jésus n'hésita pas à répondre à la question du chef des prêtres et à fournir ainsi, par son propre témoignage, la base sur laquelle le tribunal désirait s'appuyer pour le convaincre de blasphème.

186:2.8 Le Maitre ne manifesta jamais le moindre intérêt aux efforts bien intentionnés, mais tièdes, de Pilate pour arriver à le relaxer. Il avait réellement pitié de Pilate et s'efforça sincèrement d'éclairer son mental enténébré. Il resta entièrement passif devant tous les appels du gouverneur romain aux Juifs pour qu'ils retirent leurs inculpations criminelles contre lui. Durant toute la triste épreuve, il se comporta avec une dignité simple et une majesté sans ostentation. Il ne voulut même pas faire remarquer l'insincérité de ceux qui voulaient l'assassiner lorsqu'ils lui demandèrent s'il était « roi des Juifs » . Avec un minimum de rectifications, il accepta l'appellation, sachant qu'ils avaient choisi de le rejeter, mais que, même au sens spirituel, il serait le dernier à représenter réellement un chef pour leur nation.

186:2.9 Jésus parla peu durant ces procès, mais il en dit assez pour montrer, à tous les mortels, le genre de caractère que les humains peuvent perfectionner en association avec Dieu, et pour révéler, à tout l'univers, la manière dont Dieu peut se manifester dans la vie d'une créature quand celle-ci choisit véritablement de faire la volonté du Père et devient ainsi un fils actif du Dieu vivant.

186:2.10 Son amour pour des mortels ignorants est pleinement mis en lumière par sa patience et sa grande maitrise de soi en face des railleries, des coups et des soufflets des soldats grossiers et des serviteurs irréfléchis. Il ne s'irrita même pas quand ils lui bandèrent les yeux et le frappèrent ironiquement au visage en s'écriant : « Phophétise et dis-nous qui t'a frappé. »

186:2.11 Pilate était plus proche de la vérité qu'il ne le croyait quand, après avoir fait flageller Jésus, il le présenta à la foule en s'écriant : « Voici l'homme ! » En vérité le gouverneur romain, transi de peur, n'imaginait guère qu'au même instant l'univers se tenait au garde-à-vous, contemplant le spectacle unique de son Souverain bien-aimé ainsi humilié et subissant les sarcasmes et les coups de ses sujets mortels avilis et plongés dans l'ignorance. Pendant que Pilate parlait, la phrase « Voici Dieu et l'homme ! » retentissait dans tout Nébadon. Depuis lors, dans un univers entier, des myriades de créatures ont continué à contempler cet homme, tandis que le Dieu de Havona, chef suprême de l'univers des univers, accepte l'homme de Nazareth comme satisfaisant l'idéal des créatures mortelles de cet univers local du temps et de l'espace. Dans sa vie incomparable, Jésus ne manqua jamais de révéler Dieu à l'homme. Maintenant au cours de ces derniers épisodes de sa carrière humaine et de sa mort, il faisait une nouvelle et émouvante révélation de l'homme à Dieu.

186.3  David Zébédée, celui sur qui on pouvait compter

186:3.1 Peu après que Jésus eut été remis aux soldats romains à la fin de l'audience devant Pilate, un détachement de gardes du temple fut envoyé d'urgence à Gethsémani pour disperser ou arrêter les disciples du Maitre. Mais, longtemps avant son arrivée, ceux-ci s'étaient égaillés. Les apôtres s'étaient retirés dans des cachettes convenues d'avance ; les Grecs s'étaient séparés et rendus dans diverses maisons de Jérusalem ; les autres disciples avaient également disparu. David Zébédée se doutait que les ennemis de Jésus allaient revenir, de sorte qu'il transporta sans tarder cinq ou six tentes plus haut dans le ravin, près de l'endroit où le Maitre s'était si souvent retiré pour prier et adorer. C'était là qu'il se proposait de se cacher tout en maintenant un centre, une station coordonnatrice, pour son service de messagers. À peine David avait-il quitté le camp que les gardes du temple arrivèrent. Ne trouvant plus personne sur place, ils se contentèrent d'incendier le camp et de retourner en hâte au temple. En entendant leur rapport, le Sanhédrin fut assuré que les disciples de Jésus étaient si complètement effrayés et subjugués qu'il n'y avait plus de danger d'émeute ni d'une quelconque tentative pour sauver Jésus des mains de ses bourreaux. Enfin, les sanhédristes pouvaient respirer à l'aise ; ils levèrent donc la séance, chacun allant son chemin pour préparer la Pâque.

186:3.2 Aussitôt que Pilate eut remis Jésus aux soldats romains pour le crucifier, un messager partit en hâte pour Gethsémani afin d'informer David. En moins de cinq minutes, des coureurs étaient partis pour Bethsaïde, Pella, Philadelphie, Sidon, Shéchem, Hébron, Damas et Alexandrie, portant la nouvelle que Jésus était sur le point d'être crucifié par les Romains à la demande instante des chefs des Juifs.

186:3.3 Durant toute cette journée tragique, et jusqu'au dernier message informant que le Maitre avait été couché dans la tombe, David envoya, presque toutes les demi-heures, des messagers porteurs de rapports aux apôtres, aux Grecs et à la famille terrestre de Jésus rassemblée chez Lazare à Béthanie. Quand les messagers partirent avec la nouvelle que Jésus avait été enseveli, David donna congé à son groupe de coureurs locaux pour la célébration de la Pâque et le repos du sabbat du lendemain. Il leur ordonna de se présenter discrètement à lui, le dimanche matin, chez Nicodème, où il se proposait de se cacher quelques jours avec André et Simon Pierre.

186:3.4 Ce David Zébédée, dont le mental était si particulier, était le seul des principaux disciples de Jésus à être enclin à prendre au pied de la lettre et comme un fait positif l'affirmation que le Maitre allait mourir et « ressusciter le troisième jour » . David avait une fois entendu Jésus faire cette prédiction. Ayant une tournure de pensée pratique, il se proposait maintenant de rassembler ses messagers de bonne heure, le dimanche matin, chez Nicodème afin de les avoir à sa disposition pour répandre la nouvelle, au cas où Jésus ressusciterait d'entre les morts. David ne tarda pas à découvrir qu'aucun des disciples de Jésus ne s'attendait à le voir revenir si tôt de la tombe. Il parla donc peu de sa conviction et ne dit pas qu'il avait mobilisé tout son corps de messagers de bonne heure le dimanche matin, sauf aux coureurs qui avaient été dépêchés le vendredi matin vers les villes lointaines et les centres de croyants.

186:3.5 Ainsi, les disciples de Jésus, dispersés dans Jérusalem et ses environs, mangèrent la Pâque cette nuit-là et restèrent cloitrés le lendemain.

186.4  Préparatifs pour la Crucifixion

186:4.1 Après que Pilate se fut lavé les mains devant la foule, cherchant ainsi à échapper à la culpabilité d'avoir livré un innocent à la crucifixion simplement parce qu'il craignait de résister aux clameurs des dirigeants juifs, il ordonna que le Maitre fût remis aux soldats romains et donna pour instructions à leur capitaine de le crucifier immédiatement. En prenant charge de Jésus, les soldats le reconduisirent à la cour du prétoire, lui ôtèrent la robe qu'Hérode lui avait mise et l'habillèrent de ses propres vêtements. Ces soldats se moquèrent de lui et le tournèrent en dérision, mais ne lui infligèrent pas de nouveaux sévices physiques. Jésus se trouvait désormais seul avec ces soldats romains. Ses amis se cachaient, ses ennemis étaient allés leur chemin, et même Jean Zébédée n'était plus à ses côtés.

186:4.2 Il était un peu plus de huit heures du matin, lorsque Pilate remit Jésus aux soldats, et un peu moins de neuf heures, lorsqu'ils partirent pour la scène de la crucifixion. Durant cet intervalle de plus d'une demi-heure, Jésus ne prononça pas une parole. Les affaires exécutives d'un grand univers étaient pratiquement au point mort. Gabriel et les principaux dirigeants de Nébadon étaient soit assemblés ici sur Urantia, soit à l'affut des rapports spatiaux des archanges dans un effort pour suivre de près ce qui advenait au Fils de l'Homme sur Urantia.

186:4.3 Lorsque les soldats furent prêts à partir avec Jésus pour le Golgotha, ils avaient déjà commencé à être impressionnés par son sang-froid insolite et son extraordinaire dignité, ainsi que par son silence sans plaintes.

186:4.4 Une grande partie du retard à emmener Jésus au lieu de la crucifixion provint d'une décision du capitaine prise à la dernière minute. Il voulut emmener également deux voleurs qui avaient été condamnés à mort. Puisque Jésus devait être crucifié ce matin-là, le capitaine romain pensa que les deux larrons pouvaient tout aussi bien mourir avec lui que d'attendre la fin des festivités de la Pâque.

186:4.5 Aussitôt que les voleurs purent être mis à sa disposition, on les conduisit dans la cour où ils regardèrent Jésus. L'un d'eux le voyait pour la première fois, mais l'autre l'avait souvent entendu parler, d'une part dans le temple, et d'autre part bien des mois auparavant au camp de Pella.

186.5  Relation entre la Mort de Jésus et la Pâque

186:5.1 Il n'y a pas de relation directe entre la mort de Jésus et la Pâque juive. Il est vrai que le Maitre abandonna sa vie charnelle ce jour-là, le jour de la préparation de la Pâque juive et à peu près à l'heure où l'on sacrifiait les agneaux pascals dans le temple. Mais la coïncidence de ces évènements n'indique, en aucune manière, que la mort du Fils de l'Homme sur terre ait un rapport quelconque avec le système sacrificiel juif. Jésus était un Juif, mais, en tant que Fils de l'Homme, il était un mortel du royaume. Les évènements déjà racontés et aboutissant à cette heure où le Maitre allait être crucifié suffisent à démontrer que sa mort, à cette époque, fut une affaire purement naturelle et manigancée par les hommes.

186:5.2 Ce fut l'homme, et non Dieu, qui projeta et mit à exécution la mort de Jésus sur la croix. Il est vrai que le Père refusa de s'immiscer dans la marche des évènements humains sur Urantia, mais le Père du Paradis ne décréta, ne demanda, ni n'exigea la mort de son Fils telle qu'elle eut lieu sur terre. Il est de fait que tôt ou tard, et d'une certaine manière, Jésus aurait été obligé de se séparer de son corps mortel, de mettre fin à son incarnation, mais il aurait pu le faire par d'innombrables moyens sans mourir sur une croix entre deux larrons. Ces actes furent tous l'oeuvre de l'homme, et non de Dieu.

186:5.3 À l'époque de son baptême, le Maitre avait déjà achevé la partie technique de l'expérience terrestre et charnelle nécessaire pour parachever sa septième et dernière effusion universelle. Dès ce moment-là, Jésus avait accompli son devoir sur terre. Toute la vie qu'il vécut ensuite, et même la manière dont il mourut, ne furent qu'un ministère personnel de sa part pour le bien-être et l'élévation de ses créatures mortelles sur ce monde et sur d'autres mondes.

186:5.4 L'évangile de la bonne nouvelle que l'homme mortel peut, par la foi, devenir conscient en esprit qu'il est fils de Dieu, ne dépend pas de la mort de Jésus. Il reste cependant vrai que tout cet évangile du royaume fut prodigieusement éclairé par la mort du Maitre, mais il le fut plus encore par sa vie.

186:5.5 Tout ce que le Fils de l'Homme dit ou fit sur terre embellit considérablement les doctrines de la filiation avec Dieu et de la fraternité des hommes, mais ces rapports essentiels entre Dieu et les hommes sont inhérents aux faits universels de l'amour de Dieu pour ses créatures et de la miséricorde innée des Fils divins. Ces relations touchantes et divinement belles entre l'homme et son Créateur, sur ce monde et sur tous les autres mondes de l'univers des univers, ont existé de toute éternité. Elles ne dépendent en aucun sens de la pratique des effusions périodiques des Fils Créateurs de Dieu, qui revêtent ainsi la nature et la similitude des intelligences créées par eux, en tant que partie du prix qu'ils doivent payer pour acquérir définitivement la souveraineté illimitée sur leurs univers locaux respectifs.

186:5.6 Le Père qui est aux cieux aimait tout autant l'homme mortel de la terre avant la vie et la mort de Jésus sur Urantia qu'il l'aime après cette manifestation transcendante de l'association de l'homme avec Dieu. Cette grandiose opération de l'incarnation du Dieu de Nébadon en tant qu'homme sur Urantia ne pouvait accroitre les attributs du Père éternel, infini et universel, mais elle enrichit et éclaira tous les autres administrateurs et les créatures de l'univers de Nébadon. Le Père qui est aux cieux ne nous aime pas davantage à cause de cette effusion de Micaël, mais toutes les autres intelligences célestes ont accru leur amour pour nous. Cela tient à ce que non seulement Jésus fit une révélation de Dieu aux hommes, mais aussi effectua une nouvelle révélation des hommes aux Dieux et aux intelligences célestes de l'univers des univers.

186:5.7 Jésus ne va pas mourir à titre de sacrifice pour le péché ; il ne va pas expier la culpabilité morale innée de la race humaine. L'humanité n'est pas racialement coupable de cette manière devant Dieu. La culpabilité est uniquement une affaire de péché personnel, la rébellion consciente et délibérée contre la volonté du Père et l'administration de ses Fils.

186:5.8 Le péché et la rébellion n'ont rien à voir avec le plan fondamental d'effusion des Fils Paradisiaques de Dieu, bien qu'il nous semble que le plan de salut soit une caractéristique provisoire du plan d'effusion.

186:5.9 Dieu aurait sauvé les mortels d'Urantia d'une manière tout aussi efficace et absolument certaine si Jésus n'avait pas été mis à mort par la main cruelle de mortels ignorants. Si le Maitre avait été reçu favorablement par les mortels de la terre, et s'il était parti d'Urantia en abandonnant volontairement sa vie charnelle, le fait de l'amour de Dieu et de la miséricorde du Fils - le fait de la filiation avec Dieu - n'en aurait été affecté en rien. Vous autres mortels, vous êtes les fils de Dieu et, pour transformer cette vérité en un fait dans votre expérience personnelle, on ne vous demande qu'une seule chose : votre foi née d'esprit.

187. La Crucifixion

187:0.1 APRÈS que les deux brigands eurent été préparés, les soldats partirent, sous le commandement d'un centurion, pour le lieu de la crucifixion. Le centurion commandant ces douze soldats était le capitaine qui avait conduit les soldats romains la nuit précédente pour arrêter Jésus à Gethsémani. Les Romains avaient coutume d'assigner quatre soldats à toute personne qui devait être crucifiée. Les deux brigands furent dument flagellés avant d'être emmenés pour être crucifiés, mais Jésus ne subit pas de nouveaux sévices physiques. Sans aucun doute, le capitaine estimait qu'il avait déjà été suffisamment flagellé avant même sa condamnation.

187:0.2 Les deux larrons crucifiés avec Jésus étaient des associés de Barabbas et auraient été mis à mort plus tard avec leur chef si ce dernier n'avait pas été relaxé en vertu du pardon de Pilate pour la Pâque. Jésus fut donc crucifié à la place de Barabbas.

187:0.3 Ce que Jésus est sur le point de faire, se soumettre à la mort sur la croix, il le fait de son plein gré. En prédisant cette expérience, il avait dit : « Le Père m'aime et me soutient parce que je suis disposé à abandonner ma vie. Mais je la reprendrai. Nul ne peut m'ôter ma vie - je l'abandonne de moi-même. J'ai autorité pour l'abandonner, et j'ai autorité pour la reprendre. J'ai reçu de mon Père ce pouvoir. »

187:0.4 C'est juste avant neuf heures, ce matin-là, que les soldats amenèrent Jésus du prétoire vers le Golgotha. Ils étaient suivis par beaucoup de personnes qui sympathisaient secrètement avec Jésus, mais la plupart des quelque deux-cents membres au plus, du groupe étaient soit ses ennemis, soit des badauds qui désiraient simplement jouir du choc émotionnel du spectacle de la crucifixion. Seuls quelques dirigeants juifs allèrent voir Jésus mourir sur la croix. Sachant qu'il avait été remis par Pilate aux soldats romains et qu'il était condamné à mourir, les autres s'occupèrent de leur réunion dans le temple, où ils discutèrent ce qu'il y avait lieu de faire de ses disciples.

187.1  Sur le Chemin du Golgotha

187:1.1 Avant de quitter la cour du prétoire, les soldats placèrent la traverse de la croix sur les épaules de Jésus. La coutume voulait que le condamné porte la traverse de sa croix jusqu'au lieu de la crucifixion. Le condamné ne portait pas toute la croix, mais seulement la courte branche horizontale. Les poteaux de bois verticaux des trois croix avaient déjà été transportés au Golgotha et, avant l'arrivée des soldats et de leurs prisonniers, ils avaient été solidement implantés dans le sol.

187:1.2 Conformément à la coutume, le capitaine conduisit la procession en portant de petits écriteaux blancs sur lesquels on avait inscrit au fusain les noms des criminels et la nature des crimes ayant motivé leur condamnation. Pour les deux voleurs, le centurion avait des notices donnant leur nom au-dessous duquel était écrit le seul mot « Brigand » . Après que la victime eut été clouée à la traverse et hissée en place sur le poteau vertical, la coutume voulait que son écriteau fût fixé au sommet de la croix, juste au-dessus de la tête du criminel, afin que tous les témoins puissent savoir pour quel crime le condamné était crucifié. L'écriteau que le centurion portait pour l'apposer sur la croix de Jésus avait été rédigé par Pilate lui-même en latin, en grec et en araméen, et l'on y lisait : « Jésus de Nazareth - le Roi des Juifs. »

187:1.3 Certains dignitaires juifs, encore présents quand Pilate écrivit cette légende, protestèrent vigoureusement contre le qualificatif de « Roi des Juifs » appliqué à Jésus. Mais Pilate leur rappela que cette accusation faisait partie de l'inculpation qui avait conduit à le faire condamner. Voyant qu'ils ne pourraient forcer Pilate à changer d'idée, les Juifs demandèrent que l'inscription fût au moins changée en « Il a dit : Je suis le roi des Juifs » . Mais Pilate fut intraitable et ne voulut pas modifier l'écriteau. À toutes leurs nouvelles suppliques, il se borna à répondre : « Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. »

187:1.4 Ordinairement, les cortèges de cet ordre allaient au Golgotha par la route la plus longue, afin qu'un grand nombre de personnes puissent regarder le criminel condamné, mais ce jour-là on prit le chemin le plus court vers la porte de Damas, qui marquait la sortie de la ville vers le nord. Le cortège suivit cette route et arriva bientôt au Golgotha, lieu officiel des crucifixions à Jérusalem. Au delà du Golgotha, se trouvaient des villas de citoyens riches, et de l'autre côté de la route on voyait les tombeaux de beaucoup de Juifs fortunés.

187:1.5 La crucifixion n'était pas un châtiment juif. Les Grecs et les Romains avaient appris des Phéniciens cette méthode d'exécution. Même Hérode, avec toute sa cruauté, n'avait pas recours à la crucifixion. Les Romains ne crucifiaient jamais un citoyen romain ; ils ne soumettaient à ce genre de mort déshonorante que des esclaves et des citoyens des peuples assujettis. Quarante ans exactement après la crucifixion de Jésus, durant le siège de Jérusalem, tout le Golgotha fut couvert de milliers et de milliers de croix sur lesquelles périssait, jour après jour, la fleur de la race juive. Ce fut, en vérité, une terrible moisson pour la graine semée ce jour-là.

187:1.6 Tandis que la procession funèbre passait dans les rues étroites de Jérusalem, un grand nombre de Juives au coeur tendre, qui avaient entendu les paroles d'encouragement et de compassion de Jésus, et connaissaient le ministère d'amour qu'était sa vie, ne purent s'empêcher de pleurer quand elles le virent conduit vers une mort aussi ignominieuse. À son passage, beaucoup de ces femmes pleuraient et se lamentaient. Quand quelques-unes osèrent même le suivre en marchant à ses côtés, le Maitre tourna la tête vers elles et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas pour moi, mais pleurez plutôt pour vous-mêmes et vos enfants. Mon oeuvre est à peu près achevée - je m'en vais bientôt auprès de mon Père - mais l'époque des malheurs terribles pour Jérusalem ne fait que commencer. Voici venir les jours où vous direz : Bénies les stériles et celles dont les seins n'ont jamais allaité leurs petits. En ces jours-là, vous prierez les rochers des montagnes de tomber sur vous pour vous délivrer de la terreur de vos tribulations. »

187:1.7 Ces femmes de Jérusalem étaient vraiment courageuses en manifestant de la sympathie pour Jésus, car la loi interdisait strictement de montrer des sentiments amicaux à un condamné que l'on conduisait à la crucifixion. La populace était autorisée à huer, à railler et à ridiculiser le condamné, mais il n'était pas permis d'exprimer une sympathie quelconque. Jésus apprécia cette manifestation de sympathie en cette heure sombre où ses amis se cachaient, mais il ne voulut pas que ces femmes de coeur encourent la réprobation des autorités pour avoir osé lui témoigner de la compassion. Même dans un moment pareil, Jésus ne pensait guère à lui-même, mais seulement aux affreux jours de tragédie qui attendaient Jérusalem et toute la nation juive.

187:1.8 Tandis que le Maitre cheminait péniblement vers la crucifixion, il éprouva une fatigue extrême ; il était presque épuisé. Il n'avait reçu ni nourriture ni boisson depuis le dernier souper chez Élie Marc. On ne lui avait pas non plus permis de jouir d'un instant de sommeil. En outre, les interrogatoires s'étaient succédé sans interruption jusqu'à l'heure de sa condamnation, sans compter la flagellation abusive avec les souffrances physiques et les pertes de sang consécutives. Se superposant à tout cela, il y avait son extrême angoisse mentale, sa tension spirituelle aiguë et un terrible sentiment de solitude humaine.

187:1.9 Peu après avoir passé la porte conduisant hors de la ville, tandis que Jésus chancelait en portant la traverse de sa croix, sa force physique fléchit momentanément, et il tomba sous le poids de son lourd fardeau. Les soldats l'invectivèrent et lui donnèrent des coups de pied, mais il ne put se relever. Le capitaine savait ce que Jésus avait déjà enduré ; voyant cela, il commanda aux soldats de se tenir tranquilles. Puis il ordonna à un passant, un certain Simon de Cyrène, d'enlever la traverse de croix des épaules de Jésus, et la lui fit porter tout le reste du chemin jusqu'au Golgotha.

187:1.10 Ce Simon avait parcouru toute la route depuis Cyrène, en Afrique du Nord, pour assister à la Pâque. Il logeait, avec d'autres Cyrénéens, juste en dehors des remparts de la ville et se rendait au temple pour assister aux services quand le capitaine romain lui ordonna de porter la traverse de croix de Jésus. Simon s'attarda auprès du Maitre durant les heures de sa mort sur la croix en conversant avec beaucoup d'amis de Jésus et avec ses ennemis. Après la résurrection et avant de quitter Jérusalem, il devint un courageux croyant à l'évangile du royaume et, lors de son retour chez lui, il fit entrer sa famille dans le royaume céleste. Ses deux fils, Alexandre et Rufus, enseignèrent très efficacement le nouvel évangile en Afrique. Mais Simon ne sut jamais que Jésus, dont il avait porté le fardeau, et le précepteur juif qui avait jadis porté secours à son fils blessé, étaient la même personne.

187:1.11 Il était un peu plus de neuf heures lorsque la procession funèbre arriva au Golgotha et que les soldats romains se mirent à l'oeuvre pour clouer les deux brigands et le Fils de l'Homme sur leurs croix respectives.

187.2  La Crucifixion

187:2.1 Les soldats commencèrent par attacher les bras du Maitre à la traverse avec des cordes, puis ils clouèrent ses mains au bois. Après avoir hissé la traverse sur le poteau et l'avoir solidement clouée sur le bras vertical de la croix, ils lièrent les pieds de Jésus et les clouèrent au bois en se servant d'un seul grand clou pour percer les deux pieds. Le poteau vertical portait une grosse cheville insérée à la bonne hauteur pour soutenir le poids du corps comme une sorte de selle. La croix n'était pas haute ; les pieds du Maitre ne se trouvaient qu'à environ un mètre du sol. Il pouvait donc entendre tout ce que l'on disait de lui en dérision et bien distinguer l'expression du visage de tous ceux qui se moquaient si bêtement de lui. Les personnes présentes pouvaient de même entendre facilement toutes les paroles que Jésus prononça durant ces heures de torture prolongée et de mort lente.

187:2.2 La coutume voulait que l'on ôte tous leurs vêtements à ceux qui allaient être crucifiés, mais les Juifs faisaient de grandes objections à ce que l'on exposât publiquement la nudité d'une forme humaine. À Jérusalem, les Romains fournissaient donc toujours un pagne à tous les condamnés à la crucifixion. En conséquence, après que l'on eut déshabillé Jésus, on le ceignit de la sorte avant de le mettre en croix.

187:2.3 On avait recours à la crucifixion pour infliger un châtiment cruel et prolongé, car la victime ne mourait parfois qu'après plusieurs jours. Il y avait à Jérusalem une forte opposition sentimentale à la crucifixion, et il y existait une association féminine juive qui envoyait toujours un représentant aux crucifixions en vue d'offrir à la victime un vin mêlé d'un stupéfiant pour diminuer ses souffrances. Lorsque Jésus eut gouté ce vin narcotisé, et bien qu'il fût assoiffé, il refusa de le boire. Le Maitre choisit de conserver sa conscience humaine jusqu'à la dernière extrémité. Il voulait rencontrer la mort, même sous cette forme cruelle et inhumaine, et en triompher par soumission volontaire à la pleine expérience humaine.

187:2.4 Avant que Jésus fût mis sur sa croix, les deux brigands avaient déjà été placés sur la leur, maudissant constamment leurs bourreaux et crachant sur eux. Les seules paroles de Jésus pendant qu'ils le clouaient sur la traverse furent : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Il n'aurait pu intercéder avec tant d'amour et de miséricorde en faveur de ses bourreaux si de telles pensées de dévotion affectueuse n'avaient été le principe même de toute sa vie de service désintéressé. Les idées, les mobiles et les désirs profonds de toute une vie se révèlent au grand jour dans une crise.

187:2.5 Après que le Maitre eut été hissé sur la croix, le capitaine cloua l'écriteau au-dessus de sa tête, et l'on y pouvait lire en trois langues : « Jésus de Nazareth - le Roi des Juifs. » S'estimant insultés, les Juifs furent exaspérés. Mais leurs manières irrespectueuses avaient agacé Pilate ; il sentait qu'il avait été intimidé et humilié, et adopta cette méthode pour obtenir une mesquine revanche. Il aurait pu écrire : « Jésus, un rebelle » , mais il savait combien ces Juifs de Jérusalem détestaient le nom même de Nazareth, et il était résolu à les humilier ainsi. Pilate savait aussi qu'il les toucherait au vif en voyant appelé ce Galiléen exécuté « Le Roi des Juifs » .

187:2.6 En apprenant comment Pilate avait cherché à les tourner en dérision en plaçant cette inscription sur la croix de Jésus, beaucoup de dirigeants juifs se hâtèrent d'aller au Golgotha, mais ils n'osèrent pas enlever l'écriteau parce que les soldats romains montaient la garde. Dans leur impuissance, ces chefs se mêlèrent à la foule et firent tout leur possible pour inciter les spectateurs à railler et à ridiculiser le crucifié, de crainte que certains ne prennent l'inscription au sérieux.

187:2.7 L'apôtre Jean, accompagné de Marie mère de Jésus, de Ruth et de Jude, arriva sur la scène tout de suite après que Jésus eut été hissé en position sur la croix, et au moment où le capitaine clouait l'écriteau au-dessus de la tête du Maitre. Jean fut le seul des onze apôtres à assister à la crucifixion, et même lui n'y fut pas présent tout le temps, car il courut à Jérusalem pour amener sa mère et les amies de sa mère au Golgotha, peu après y avoir conduit la mère de Jésus.

187:2.8 Lorsque Jésus vit sa mère avec son frère, sa soeur et Jean, il sourit sans rien dire. Entretemps, les quatre soldats affectés à la crucifixion du Maitre avaient, selon la coutume, partagé ses vêtements entre eux. L'un avait pris les sandales, un autre le turban, un autre la ceinture et le quatrième le manteau. Restait la tunique, le vêtement sans couture descendant presque jusqu'aux genoux, à couper en quatre morceaux ; voyant combien cette pièce était inhabituelle, les soldats décidèrent de la tirer au sort. D'en haut, Jésus les regardait se partager ses vêtements, tandis que la foule irréfléchie se moquait de lui.

187:2.9 Il est heureux que les soldats romains se soient emparés des vêtements du Maitre. Autrement, si ses disciples en avaient pris possession, ils auraient été tentés d'en faire des reliques, des objets d'adoration superstitieuse. Le Maitre désirait que ses disciples n'aient rien de matériel à lier avec sa vie terrestre. Il voulait laisser à l'humanité uniquement le souvenir d'une vie humaine dédiée au haut idéal spirituel d'une consécration à faire la volonté du Père.

187.3  Ceux qui virent la Crucifixion

187:3.1 Vers neuf heures et demie ce vendredi matin, Jésus fut suspendu à la croix. Avant onze heures, plus de mille personnes s'étaient rassemblés pour assister au spectacle de la crucifixion du Fils de l'Homme. Durant ces heures épouvantables, les armées invisibles d'un univers regardaient en silence cet extraordinaire phénomène du Créateur mourant de la mort de la créature, et même de la mort la plus infamante d'un criminel condamné.

187:3.2 Parmi les personnes qui se tinrent près de la croix à un moment ou à un autre durant la crucifixion, il y eut Marie, Ruth, Jude, Jean, Salomé (la mère de Jean) et un groupe de croyantes sincères et convaincues comprenant Marie (femme de Clopas et soeur de la mère de Jésus), Marie-Madeleine et Rébecca, qui avait autrefois habité à Sepphoris. Ceux-ci, et d'autres amis de Jésus, gardèrent le silence tandis qu'ils observaient sa grande patience et sa force d'âme, et le voyaient souffrir intensément.

187:3.3 Beaucoup de passants hochaient la tête et disaient en le raillant : « Toi, qui voulais détruire le temple et le rebâtir en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi ne descends-tu pas de ta croix ? » D'une manière analogue, certains dirigeants des Juifs se moquaient de lui en disant : « Il en a sauvé d'autres, mais il ne peut se sauver lui-même. » D'autres disaient : « Si tu es le roi des Juifs, descends de la croix, et nous croirons en toi. » Plus tard, ils se moquèrent encore plus de lui en disant : « Il s'est fié à Dieu pour le délivrer. Il a même prétendu être le Fils de Dieu - regardez-le maintenant - crucifié entre deux larrons. » Même les deux larrons le raillèrent et l'accablèrent de reproches.

187:3.4 Puisque Jésus ne voulait rien répondre à leurs sarcasmes, et que midi approchait en ce jour de préparation spéciale, la majeure partie de la foule gouailleuse et goguenarde s'était dispersée vers onze heures et demie ; moins de cinquante personnes étaient restées sur place. Les soldats se mirent alors à manger leur déjeuner et à boire leur vin aigre et bon marché, puis ils s'installèrent pour la longue veillée mortuaire. Tandis qu'ils buvaient leur vin, ils burent ironiquement à la santé de Jésus en disant : « Salut et bonne chance ! Au roi des Juifs. » Et ils furent étonnés de voir le Maitre tolérer avec mansuétude leurs dérisions et leurs moqueries.

187:3.5 En les voyant manger et boire, Jésus abaissa les yeux sur eux et dit : « J'ai soif. » Quand le capitaine de la garde entendit Jésus dire qu'il avait soif, il prit un peu de vin de sa bouteille, piqua le bouchon spongieux saturé au bout d'un javelot et l'éleva jusqu'à Jésus pour lui permettre d'humecter ses lèvres desséchées.

187:3.6 Jésus avait décidé de vivre sans avoir recours à son pouvoir surnaturel ; de même il choisit de mourir sur la croix comme un mortel ordinaire. Il avait vécu comme un homme et voulait mourir comme un homme - en faisant la volonté du Père.

187.4  Le Larron sur la Croix

187:4.1 L'un des brigands railla Jésus en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi n'assures-tu pas ton salut et le nôtre ? » Lorsqu'il eut ainsi fait des reproches à Jésus, l'autre voleur, qui avait souvent entendu le Maitre enseigner, dit au premier : « Ne crains-tu même pas Dieu ? Ne vois-tu pas que nous souffrons à juste titre pour nos agissements, mais que cet homme souffre injustement ? Nous ferions mieux de rechercher le pardon pour nos péchés et le salut pour notre âme. » Quand Jésus entendit le larron dire cela, il tourna son visage vers lui et sourit d'un air approbateur. En voyant le visage de Jésus tourné vers lui, le malfaiteur rassembla son courage, ralluma la flamme vacillante de sa foi et dit : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume. » Jésus dit alors : « En vérité, en vérité, je te le dis aujourd'hui, tu seras un jour avec moi au Paradis. »

187:4.2 Au milieu des douleurs du trépas physique, le Maitre avait le temps d'écouter la confession de foi du brigand croyant. Quand ce larron essaya d'obtenir le salut, il trouva la délivrance. Bien des fois auparavant, il avait été amené à croire en Jésus, mais ce fut seulement au cours de ces dernières heures de conscience qu'il se tourna de tout son coeur vers l'enseignement du Maitre. Quand il vit la manière dont Jésus affrontait la mort sur la croix, ce larron ne put résister plus longtemps à la conviction que ce Fils de l'Homme était en vérité le Fils de Dieu.

187:4.3 Durant cet épisode de la conversion du larron et de son admission au royaume par Jésus, l'apôtre Jean s'était absenté pour aller à la ville afin d'amener sa mère et les amies de celle-ci à la scène de la crucifixion. Luc apprit ultérieurement cette histoire de la bouche du capitaine romain converti.

187:4.4 L'apôtre Jean parla de la crucifixion en se souvenant de l'évènement deux tiers de siècle après le déroulement des faits. Les autres narrations furent basées sur le récit du centurion romain de la garde qui, en raison de ce qu'il avait vu et entendu, crut en Jésus et, par suite, entra pleinement dans la communauté du royaume des cieux sur terre.

187:4.5 Ce jeune homme, le brigand repentant, avait été conduit à une vie de violence et de méfaits par ceux qui prônaient une telle carrière de brigandage comme une protestation patriotique efficace contre l'oppression politique et l'injustice sociale. Cette sorte d'enseignement, accru du besoin d'aventure, conduisit beaucoup de jeunes gens, par ailleurs bien intentionnés, à s'enrôler dans d'audacieuses expéditions de vol à main armée. Ce jeune homme avait considéré Barabbas comme un héros. Maintenant, il voyait qu'il s'était trompé. Ici, sur la croix à côté de lui, il voyait un homme réellement grand, un vrai héros. Celui-ci était un héros qui enflammait son zèle, inspirait ses plus hautes idées de dignité morale et vivifiait tous ses idéaux de courage, de virilité et de bravoure. En observant Jésus, il sentait jaillir dans son coeur un sentiment irrésistible d'amour, de loyauté et d'authentique grandeur.

187:4.6 Si, parmi la foule sarcastique, une autre personne avait ressenti la naissance de la foi dans son âme et fait appel à la miséricorde de Jésus, elle aurait été reçue avec une affectueuse considération analogue à celle témoignée au brigand croyant.

187:4.7 Tout de suite après que le voleur repentant eut entendu la promesse du Maitre qu'ils se reverraient un jour au Paradis, Jean revint de la ville, amenant avec lui sa mère et un groupe de près d'une douzaine de femmes croyantes. Jean reprit sa place auprès de Marie, mère de Jésus, et la soutint. Son fils Jude se tenait de l'autre côté. Au moment où Jésus abaissa son regard sur cette scène, il était midi, et il dit à sa mère : « Femme, voilà ton fils ! » Ensuite, parlant à Jean, il dit : « Mon fils, voilà ta mère ! » Puis il s'adressa aux deux en disant : « Je désire que vous quittiez ce lieu. » Jean et Jude éloignèrent donc Marie du Golgotha. Jean emmena la mère de Jésus à l'endroit où il séjournait à Jérusalem, puis se hâta de revenir à la scène de la crucifixion. Après la Pâque, Marie retourna à Bethsaïde où elle vécut chez Jean durant le reste de sa vie terrestre. Elle survécut à peine une année à la mort de Jésus.

187:4.8 Après que Marie se fut éloignée, les autres femmes se retirèrent à une courte distance et restèrent à veiller sur Jésus jusqu'à ce qu'il eût expiré sur la croix. Elles étaient encore là quand le corps du Maitre fut descendu pour être inhumé.

187.5  La Dernière Heure sur la Croix

187:5.1 Bien qu'il fût tôt dans la saison pour ce phénomène, le ciel s'assombrit peu après midi par suite de la présence de sable fin dans l'atmosphère. La population de Jérusalem savait que cela signifiait l'arrivée d'une tempête de sable par vent chaud venant du désert d'Arabie. Avant une heure de l'après-midi, le ciel était devenu tellement sombre que le soleil était voilé ; le reste de la foule se hâta de rentrer en ville. Quand le Maitre abandonna sa vie peu après ce moment-là, moins de trente personnes étaient présentes. Il n'y avait plus que les treize soldats romains et un groupe d'une quinzaine de croyants. Ces croyants étaient tous des femmes sauf deux, Jude, le frère de Jésus, et Jean Zébédée, qui était revenu sur les lieux juste avant le dernier soupir du Maitre.

187:5.2 Peu après une heure de l'après-midi, dans l'obscurité croissante de la violente tempête de sable, Jésus commença à perdre sa conscience humaine. Il avait prononcé ses dernières paroles de miséricorde, de pardon et d'exhortation. Son dernier souhait - concernant le soin de sa mère - avait été exprimé. Durant cette heure où la mort approchait, le mental humain de Jésus eut recours à la répétition de nombreux passages des Écritures hébraïques, particulièrement des Psaumes. La dernière pensée conscience du Jésus humain fut sa répétition mentale d'une partie du Livre des Psaumes maintenant appelée Psaumes XX, XXI et XXII. Ses lèvres remuaient souvent, mais il était trop faible pour prononcer, au moment où elles traversaient son mental, les paroles de ces passages qu'il connaissait par coeur. De rares fois seulement, ceux qui se trouvaient à proximité purent entendre des citations telles que : « Je sais que le Seigneur sauvera son oint » , « Ta main découvrira tous mes ennemis » et « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Jésus n'eut jamais le moindre doute qu'il avait vécu conformément à la volonté du Père et qu'il abandonnait maintenant sa vie charnelle conformément à la volonté de son Père. Il n'avait pas le sentiment que le Père l'eût abandonné. Il se bornait à réciter dans sa conscience évanescente de nombreux passages des Écritures parmi lesquels le Psaume XXII qui commence par : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Il advint que ce fut l'une des trois citations qu'il prononça assez clairement pour que puissent l'entendre ceux qui se tenaient près de lui.

187:5.3 La dernière demande que Jésus, en tant que mortel, adressa à ses semblables fut formulée vers une heure et demie lorsqu'il dit une seconde fois « J'ai soif » . Le capitaine de la garde humecta de nouveau les lèvres du Maitre avec la même éponge trempée dans du vin aigre que l'on appelait alors communément vinaigre.

187:5.4 La violence de la tempête de sable allait croissant et le ciel s'obscurcissait de plus en plus. Pourtant les soldats et le petit groupe de croyants demeuraient là. Les soldats se blottissaient près de la croix, pelotonnés pour se protéger du sable cinglant. La mère de Jean et quelques autres personnes observaient à distance, d'un endroit où elles étaient un peu abritées par un rocher en surplomb. Quand le Maitre rendit finalement son dernier soupir, il y avait au pied de sa croix Jean Zébédée, Jude le frère de Jésus, Ruth sa soeur, Marie-Madeleine et Rébecca, jadis établie à Sepphoris.

187:5.5 Ce fut juste avant trois heures que Jésus, d'une voix forte, s'écria : « C'est fini ! Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Après avoir ainsi parlé, il inclina la tête et abandonna la lutte pour la vie. Voyant comment Jésus était mort, le centurion romain se frappa la poitrine et dit : « C'était en vérité un homme juste ; il doit vraiment avoir été un Fils de Dieu. » Et, à partir de cette heure, il commença à croire en Jésus.

187:5.6 Jésus mourut royalement - comme il avait vécu. Il admit franchement sa royauté et resta maitre de la situation durant toute la journée tragique. Il alla volontairement à sa mort infamante après avoir veillé à la sauvegarde de ses apôtres choisis. Il empêcha sagement Pierre de causer des troubles par sa violence, et s'arrangea pour que Jean puisse rester auprès de lui jusqu'à la fin de son existence de mortel. Il révéla sa vraie nature au Sanhédrin meurtrier et rappela à Pilate la source de son autorité souveraine en tant que Fils de Dieu. Il partit pour le Golgotha en portant sa propre traverse de croix, et termina son effusion d'amour en remettant au Père du Paradis l'esprit qu'il avait acquis en tant que mortel. Après une telle vie - et au moment d'une telle mort - le Maitre pouvait vraiment dire : « C'est fini. »

187:5.7 Parce que c'était le jour de préparation à la fois de la Pâque et du sabbat, les Juifs ne voulaient pas que les corps restent exposés sur le Golgotha. Ils se rendirent donc devant Pilate pour demander que les jambes des trois hommes fussent brisées et qu'on les achevât, de manière à pouvoir les descendre de leur croix et les jeter, avant le coucher du soleil, dans les fosses mortuaires des criminels. À la suite de cette requête, Pilate envoya aussitôt trois soldats pour briser les jambes et donner le coup de grâce à Jésus et aux deux brigands.

187:5.8 Quand ces soldats arrivèrent au Golgotha, ils exécutèrent leur consigne sur les deux voleurs, mais, à leur grande surprise, ils trouvèrent Jésus déjà mort. Toutefois, en vue de s'assurer de son décès, l'un des soldats lui perça le flanc gauche de sa lance. Il était commun, pour les victimes de la crucifixion, de trainer leur vie sur la croix pendant deux ou trois jours ; mais, dans le cas de Jésus, son martyr émotionnel accablant et son angoisse spirituelle aiguë provoquèrent la fin de sa vie charnelle en un peu moins de cinq heures et demie.

187.6  Après la Crucifixion

187:6.1 Au milieu de l'obscurité de la tempête de sable, vers trois heures et demie, David Zébédée envoya son dernier messager portant la nouvelle de la mort du Maitre. Il expédia le dernier de ses coureurs vers la maison de Marthe et Marie à Béthanie, où il supposait que la mère de Jésus demeurait avec le reste de sa famille.

187:6.2 Après la mort du Maitre, Jean envoya les femmes, sous la direction de Jude, chez Élie Marc, où elles demeurèrent jusqu'au lendemain du sabbat. Quant à Jean, désormais bien connu du centurion romain, il resta au Golgotha jusqu'à l'arrivée de Joseph d'Arimathie et de Nicodème munis d'un ordre de Pilate les autorisant à prendre possession du corps de Jésus.

187:6.3 Ainsi se termina une journée de tragédie et de douleur pour un vaste univers dont les myriades d'intelligences avaient frémi au spectacle choquant de la crucifixion de la forme humaine incarnée de leur bien-aimé Souverain ; elles étaient abasourdies par cette exhibition de perversité humaine et d'insensibilité de la part des mortels.

188. L'Heure du Tombeau

188:0.1 LE corps mortel de Jésus reposa durant un jour et demi dans le tombeau de Joseph. Cette période entre sa mort sur la croix et sa résurrection est un chapitre de la carrière terrestre de Micaël qui nous est peu connu. Nous pouvons raconter la mise au tombeau du Fils de l'Homme et insérer dans ce récit les évènements associés à sa résurrection, mais nous ne pouvons fournir beaucoup de renseignements authentiques sur ce qui se passa réellement durant l'intervalle d'environ trente-six heures compris entre le vendredi après-midi à trois heures et le dimanche matin à trois heures. Cette période de la carrière du Maitre commença peu avant que les soldats romains l'eurent descendu de la croix. Il resta suspendu à la croix environ une heure après sa mort. Il en aurait été descendu plus tôt s'il n'y avait pas eu de retard pour donner le coup de grâce aux deux brigands.

188:0.2 Les dirigeants des Juifs avaient projeté de faire jeter le corps de Jésus dans l'une des fosses communes ouvertes de la Géhenne, au sud de la ville ; la coutume voulait que l'on disposât ainsi des victimes de la crucifixion. Si ce plan avait été suivi, le corps du Maitre aurait risqué d'être à la merci des bêtes sauvages.

188:0.3 Entretemps, Joseph d'Arimathie, accompagné de Nicodème, était allé trouver Pilate pour lui demander que le corps de Jésus leur fût remis pour lui assurer une inhumation décente. Il n'était pas rare que les amis des personnes crucifiées offrent des pots-de-vin aux autorités romaines pour avoir le privilège d'entrer en possession des corps. Joseph se présenta devant Pilate avec une forte somme d'argent pour le cas où il aurait été nécessaire d'acheter l'autorisation de transporter le corps de Jésus dans un caveau funéraire privé. Mais Pilate ne voulut pas accepter d'argent pour cela. Après avoir entendu la requête, il signa rapidement l'ordre qui permettait à Joseph de se rendre au Golgotha et d'y prendre immédiatement pleine et entière possession du corps du Maitre. Entretemps, la tempête de sable s'était beaucoup calmée, et un groupe de Juifs représentant le Sanhédrin était parti pour le Golgotha afin de s'assurer que le corps de Jésus était bien emporté avec celui des brigands pour être jeté dans la fosse commune publique et ouverte.

188.1  La Mise au Tombeau de Jésus

188:1.1 Lorsque Joseph et Nicodème arrivèrent au Golgotha, ils trouvèrent les soldats descendant Jésus de la croix, et les représentants du Sanhédrin présents pour s'assurer qu'aucun de ses disciples n'empêcherait qu'on ne jette le corps de Jésus dans la fosse commune des criminels. Quand Joseph présenta au centurion l'ordre concernant le corps du Maitre, les Juifs soulevèrent un tumulte et poussèrent des clameurs pour avoir le droit d'en disposer. Dans leur frénésie, ils cherchèrent à s'emparer de force du corps. Voyant cela, le centurion appela auprès de lui quatre soldats qui se tinrent debout, avec leurs épées dégainées, enjambant le corps du Maitre étendu là sur le sol. Le centurion ordonna aux autres soldats de laisser là les deux brigands et de refouler la troupe irritée des Juifs exaspérés. Quand l'ordre fut rétabli, le centurion lut aux Juifs l'autorisation de Pilate, fit un pas de côté et dit à Joseph : « Ce corps t'appartient pour en faire ce que tu jugeras bon. Moi-même et mes soldats te soutiendront pour s'assurer que nul ne te contrecarre. »

188:1.2 Un crucifié ne pouvait être enterré dans un cimetière juif ; un loi l'interdisait strictement. Joseph et Nicodème connaissaient cette loi et, en allant au Golgotha, ils avaient décidé d'ensevelir Jésus dans le nouveau caveau de famille de Joseph, creusé en plein roc et situé à proximité, au nord du Golgotha, de l'autre côté de la route conduisant à Samarie. Nul n'avait jamais été couché dans ce tombeau, et ils jugèrent opportun que le Maitre y reposât. Joseph croyait réellement que Jésus allait ressusciter d'entre les morts, mais Nicodème était fort sceptique. Ces anciens membres du Sanhédrin avaient plus ou moins dissimulé leur foi en Jésus, bien que leurs collègues sanhédristes aient eu depuis longtemps des soupçons à leur égard, même avant leur démission du conseil. À dater de ce moment, ils furent ceux des disciples de Jésus qui s'exprimèrent le plus ouvertement à Jérusalem.

188:1.3 Vers quatre heures et demie, le cortège funéraire de Jésus de Nazareth partit du Golgotha pour le tombeau de Joseph, situé de l'autre côté de la route. Le corps était enveloppé dans un drap de lin et porté par les quatre hommes suivis des fidèles Galiléennes qui avaient participé à la veillée. Les mortels qui portèrent à la tombe le corps matériel de Jésus étaient : Joseph, Nicodème, Jean et le centurion romain.

188:1.4 Ils transportèrent le corps dans le tombeau carré qui mesurait environ trois mètres de côté, et se préparèrent en hâte à l'ensevelir. En réalité, les Juifs n'enterraient pas leurs morts ; ils les embaumaient. Joseph et Nicodème avaient apporté de grandes quantités de myrrhe et d'aloès, et ils enveloppèrent alors le corps avec des bandelettes saturées de ces solutions. Quand l'embaumement fut achevé, ils attachèrent un linge autour du visage, enveloppèrent le corps dans un drap de lin et le placèrent respectueusement sur un rayon du caveau.

188:1.5 Après cette mise au tombeau, le centurion fit signe à ses soldats d'aider à rouler la pierre de fermeture devant l'entrée du tombeau. Les soldats partirent ensuite pour la Géhenne avec les corps des deux larrons, tandis que les autres assistants retournaient tristement à Jérusalem pour observer la fête de la Pâque conformément aux lois de Moïse.

188:1.6 La mise au tombeau de Jésus eut lieu avec une hâte et une précipitation extrême parce que c'était le jour de la préparation et que le sabbat approchait rapidement. Les hommes se dépêchèrent de retourner à Jérusalem, mais les femmes s'attardèrent près du tombeau jusqu'à la tombée de la nuit.

188:1.7 Pendant le déroulement de toutes ces opérations, les femmes étaient dissimulées à proximité, de sorte qu'elles virent tout et observèrent l'endroit où le Maitre avait été couché. Elles s'étaient ainsi cachées parce qu'il n'était pas permis aux femmes de s'associer aux hommes en de pareils moments. Ces femmes jugèrent que le corps de Jésus n'avait pas été préparé convenablement pour être enseveli. Elles se mirent d'accord pour retourner chez Joseph, s'y reposer jusqu'au lendemain du sabbat, préparer des aromates et des onguents, et revenir, le dimanche matin, embaumer le corps du Maitre comme il convenait en vue du repos mortuaire. Voici les noms des femmes qui s'attardèrent ainsi près du tombeau ce vendredi soir : Marie-Madeleine, Marie la femme de Clopas, Marthe (une autre soeur de la mère de Jésus) et Rébecca de Sepphoris.

188:1.8 En dehors de David Zébédée et de Joseph d'Arimathie, très peu de disciples croyaient réellement ou comprenaient que Jésus devait ressusciter au troisième jour.

188.2  La Protection du Tombeau

188:2.1 Les disciples de Jésus ne pensaient plus à sa promesse de sortir du tombeau au troisième jour, mais ses ennemis ne l'oubliaient pas. Les chefs des prêtres, pharisiens et sadducéens se souvenaient d'avoir reçu des rapports selon lesquels il aurait dit qu'il ressusciterait d'entre les morts.

188:2.2 Ce vendredi soir vers minuit, après le souper de la Pâque, un groupe de dirigeants juifs se réunit chez Caïphe, où ils s'entretinrent de leurs craintes concernant les affirmations du Maitre qu'il ressusciterait d'entre les morts au troisième jour. La réunion se termina par la nomination d'un comité de sanhédristes chargé de rendre visite à Pilate le lendemain de bonne heure, en lui apportant la requête officielle du Sanhédrin de faire stationner une garde romaine devant le tombeau de Jésus pour empêcher ses amis d'y toucher. Le porte-parole de ce comité dit à Pilate : « Seigneur, nous nous souvenons que Jésus de Nazareth, ce trompeur, a dit pendant qu'il était encore vivant : Après trois jours, je ressusciterai. En conséquence, nous sommes venus à toi en te demandant de donner les ordres nécessaires pour que le sépulcre soit protégé contre ses disciples, au moins jusqu'après le troisième jour. Nous craignons beaucoup que ses disciples ne viennent l'enlever de nuit pour proclamer ensuite au peuple qu'il est ressuscité d'entre les morts. Si nous laissions cela se produire, ce serait une faute bien pire que si nous lui avions permis de vivre. »

188:2.3 Après avoir entendu cette requête des sanhédristes, Pilate leur dit : « Je vais vous donner une garde de dix soldats. Allez-vous-en, et faites en sorte que la tombe soit en sureté. » Ils retournèrent au temple, recrutèrent dix de leurs propres gardes, puis se dirigèrent vers la tombe de Joseph avec ces dix gardes juifs et les dix soldats romains, bien que ce fût un matin de sabbat, pour les installer comme veilleurs devant le tombeau. Ces hommes roulèrent encore une autre pierre devant la tombe et apposèrent le sceau de Pilate sur ces pierres et autour d'elles, de crainte qu'elles ne fussent déplacées à leur insu. Et ces vingt hommes restèrent à veiller jusqu'à l'heure de la résurrection, et les Juifs leur apportèrent à manger et à boire.

188.3  Durant le Jour du Sabbat

188:3.1 Durant toute cette journée de sabbat, les disciples et les apôtres restèrent cachés, tandis que tout Jérusalem parlait de la mort de Jésus sur la croix. À cette date, il y avait à Jérusalem presque un million et demi de Juifs venant de toutes les parties de l'empire romain et de la Mésopotamie. C'était le commencement de la semaine de la Pâque, et tous ces pèlerins allaient se trouver dans la ville pour apprendre la nouvelle de la résurrection de Jésus et la rapporter chez eux.

188:3.2 Tard le samedi soir, Jean Marc invita secrètement les onze apôtres à venir dans la maison de son père. Peu avant minuit, ils étaient tous réunis dans cette même salle du haut où, deux jours auparavant, ils avaient partagé le Dernier Souper avec leur Maitre.

188:3.3 Juste avant le coucher du soleil, ce samedi soir, Marie mère de Jésus, accompagnée de Jude et de Ruth, revint à Béthanie pour y rejoindre sa famille. David Zébédée resta chez Nicodème ; il avait pris des dispositions pour que ses messagers s'y rassemblent le dimanche matin de bonne heure. Les femmes de Galilée, qui préparaient des aromates pour mieux embaumer le corps de Jésus, demeurèrent chez Joseph d'Arimathie.

188:3.4 Nous ne sommes pas capables d'expliquer pleinement ce qui advint de Jésus de Nazareth durant cette période d'un jour et demi durant laquelle il était censé reposer dans le nouveau tombeau de Joseph. Apparemment, il mourut sur la croix de la même mort naturelle dont serait mort tout autre mortel dans les mêmes circonstances. Nous l'avons entendu dire : « Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Nous ne comprenons pas exactement la signification de ces paroles, puisque l'Ajusteur de Pensée de Jésus avait été personnalisé depuis longtemps et maintenait ainsi une existence séparée de l'être mortel de Jésus. En aucun sens l'Ajusteur Personnalisé du Maitre ne pouvait être affecté par sa mort physique sur la croix. Ce que Jésus remit aux mains du Père à ce moment doit avoir été la contrepartie spirituelle du travail initial de l'Ajusteur consistant à spiritualiser le mental humain de manière à ce que la transcription de son expérience soit transférée aux mondes des maisons. L'expérience de Jésus a dû comporter quelque réalité spirituelle analogue à la nature spirituelle, ou âme des mortels des mondes dont la foi grandit. Mais ceci est simplement notre opinion - nous ne savons pas réellement ce que Jésus confia à son Père.

188:3.5 Nous savons que la forme physique du Maitre reposa dans le tombeau de Joseph jusqu'au dimanche matin vers trois heures, mais nous sommes dans une complète incertitude au sujet du statut de la personnalité de Jésus durant cette période de trente-six heures. Nous nous sommes parfois enhardis à nous expliquer ces choses à peu près comme suit :

188:3.6 1. La conscience de Créateur de Micaël doit avoir été libre et entièrement dégagée du mental humain associé de son incarnation physique.

188:3.7 2. Nous savons que l'ancien Ajusteur de Pensée de Jésus était présent sur terre durant cette période et commandait personnellement les armées célestes rassemblées.

188:3.8 3. L'homme de Nazareth avait acquis une identité spirituelle, bâtie durant sa vie dans la chair, d'abord par les efforts directs de son Ajusteur de Pensée et, plus tard, par son propre équilibre parfait entre les nécessités physiques et les exigences spirituelles de l'existence idéale de mortel, équilibre qu'il atteignit en choisissant sans cesse de faire la volonté du Père. C'est cette identité spirituelle qui a dû être remise à la garde du Père du Paradis. Nous ne savons pas si oui ou non cette réalité spirituelle est revenue pour faire partie de la personnalité ressuscitée, mais nous penchons pour l'affirmative. D'autres intelligences de l'univers soutiennent que cette identité d'âme de Jésus repose maintenant dans le « sein du Père » et qu'elle sera ultérieurement libérée pour prendre la direction du Corps de la Finalité de Nébadon dans sa destinée mystérieuse en relation avec les univers incréés des domaines encore inorganisés de l'espace extérieur.

188:3.9 4. Nous pensons que la conscience humaine ou mortelle de Jésus dormit pendant ces trente-six heures. Nous avons des raisons de croire que le Jésus humain ne savait rien de ce qui se passait dans l'univers durant cette période. Sa conscience de mortel n'enregistra pas d'écoulement de temps. Pour elle, la résurrection à la vie suivit instantanément le sommeil de la mort.

188:3.10 C'est à peu près tout ce que nous pouvons insérer dans le présent récit au sujet du statut de Jésus durant cette période du tombeau. Il existe un certain nombre de faits corrélatifs auxquels nous pouvons faire allusion, bien que nous ne soyons guère compétents pour les interpréter.

188:3.11 Dans la vaste cour des salles de résurrection du premier monde des maisons de Satania, on peut maintenant observer un magnifique édifice morontiel-matériel connu sous le nom de « Monument commémoratif de Micaël » et portant actuellement le sceau de Gabriel. Ce mémorial fut créé peu après que Micaël eut quitté ce monde, et il porte l'inscription suivante : « En commémoration du transit humain de Jésus de Nazareth sur Urantia. »

188:3.12 Il existe des documents montrant que, durant cette période, le conseil suprême de Salvington, comportant cent membres, tint sur Urantia une réunion délibérative sous la présidence de Gabriel. Il existe également des archives montrant que, durant cette période, les Anciens des Jours d'Uversa communiquèrent avec Micaël au sujet du statut de l'univers de Nébadon.

188:3.13 Nous savons qu'au moins un message fut échangé entre Micaël et Emmanuel sur Salvington pendant que le corps du Maitre était couché dans le tombeau.

188:3.14 Il y a de bonnes raisons de croire qu'une certaine personnalité occupa le siège de Caligastia au conseil systémique des Princes Planétaires qui se réunit sur Jérusem pendant que le corps de Jésus reposait dans le tombeau.

188:3.15 Les archives d'Édentia indiquent que le Père de la Constellation de Norlatiadek se trouvait sur Urantia et reçut des instructions de Micaël durant l'intervalle où ce dernier était dans le tombeau.

188:3.16 Il existe bien d'autres preuves suggérant que la personnalité de Jésus n'était pas tout entière endormie et inconsciente durant cette période de mort physique apparente.

188.4  La Signification de la Mort sur la Croix

188:4.1 Bien que Jésus n'ait pas enduré cette mort sur la croix pour expier la culpabilité raciale de l'homme mortel, ni pour procurer une sorte d'accès effectif auprès d'un Dieu par ailleurs offensé et implacable ; même si le Fils de l'Homme ne s'est pas offert en holocauste pour apaiser le courroux de Dieu et ouvrir aux pécheurs la voie du salut ; et en dépit du fait que toutes ces idées d'expiation et de propitiation soient erronées, il ne faudrait néanmoins pas négliger certaines significations attachées à la mort de Jésus sur la croix. Il est de fait que, sur d'autres planètes habitées voisines, on appelle Urantia le « Monde de la Croix » .

188:4.2 Jésus désirait vivre dans sa totalité, dans la chair, une vie de mortel sur Urantia. La mort est généralement une partie de la vie. La mort est le dernier acte du drame des mortels. Dans vos efforts bien intentionnés pour éviter les erreurs superstitieuses provenant d'une fausse interprétation de ce que signifie la mort sur la croix, il vous faut être prudent afin d'éviter une autre grande faute, celle de ne pas percevoir la vraie signification et l'authentique importance de la mort du Maitre.

188:4.3 L'homme mortel n'a jamais été la propriété des maitres fourbes. Jésus n'a pas donné sa vie comme rançon pour dégager les hommes des griffes des chefs apostats et des princes déchus des sphères. Le Père qui est aux cieux n'a jamais conçu la grossière injustice de condamner une âme de mortel à cause des méfaits de ses ancêtres. La mort du Maitre sur la croix n'a pas non plus été un sacrifice pour rembourser à Dieu une dette que la race humaine aurait contractée envers lui.

188:4.4 Avant que Jésus n'ait vécu sur terre, vous auriez peut-être eu des raisons de croire en un tel Dieu, mais cela ne se justifie plus depuis que le Maitre vécut et mourut parmi des mortels, vos semblables. Moïse enseigna la dignité et la justice d'un Dieu Créateur, mais Jésus dépeignit l'amour et la miséricorde d'un Père céleste.

188:4.5 La nature animale - la tendance à la malfaisance - peut être héréditaire, mais le péché ne se transmet pas de parent à enfant. Le péché est un acte de rébellion consciente et délibérée contre la volonté du Père et les lois des Fils, commis par une créature volitive individuelle.

188:4.6 Jésus vécut et mourut pour un univers entier, et non simplement pour les races de ce seul monde. Les mortels des royaumes disposaient du salut avant même que Jésus ne vive et ne meure sur Urantia, mais le fait subsiste néanmoins que son effusion sur ce monde éclaira grandement la voie du salut ; sa mort contribua beaucoup à rendre évidente pour toujours la certitude de la survie des mortels après la mort dans la chair.

188:4.7 Il n'est guère approprié de parler de Jésus comme d'un sacrificateur, d'un payeur de rançon ou d'un rédempteur, mais il est entièrement correct de l'appeler un sauveur. Il a définitivement rendu plus claire et plus certaine la voie du salut (de la survie) : il a effectivement mieux montré et avec plus de sureté la voie du salut au bénéfice de tous les mortels de tous les mondes de l'univers de Nébadon.

188:4.8 L'idée de Dieu en tant que véritable Père aimant est le seul concept que Jésus ait jamais enseigné. Une fois que l'on a saisi cette idée, il faut, immédiatement et en toute logique, abandonner complètement toutes ces notions primitives de Dieu considéré comme un monarque offensé, un souverain sévère et tout-puissant dont le principal plaisir consiste à détecter ses sujets en train de mal agir et de veiller à ce qu'ils soient convenablement punis - à moins qu'un autre être à peu près égal à lui n'accepte volontairement, en tant que substitut, de souffrir pour eux et de mourir à leur place. Toute l'idée de rançon et d'expiation est incompatible avec le concept de Dieu tel qu'il fut enseigné et donné en exemple par Jésus de Nazareth. L'amour infini de Dieu tient la première place dans la nature divine.

188:4.9 Tout ce concept d'expiation et de salut sacrificiel est enraciné dans l'égoïsme et fondé sur lui. Jésus enseigna que le service envers son prochain est le concept le plus élevé de la fraternité des croyants en l'esprit. Le salut doit être considéré comme acquis par ceux qui croient à la paternité de Dieu. La principale préoccupation des croyants ne devrait pas être le désir égoïste de salut personnel, mais plutôt le besoin désintéressé d'aimer leurs semblables, donc de les servir, de même que Jésus a aimé et servi les mortels.

188:4.10 Les croyants authentiques ne se préoccupent guère non plus de la punition future du péché. Le vrai croyant n'est concerné que par la présente séparation d'avec Dieu. Il est vrai que des pères avisés peuvent châtier leurs fils, mais ils le font par amour et dans un but disciplinaire. Ils ne punissent pas avec colère et ne châtient pas en représailles.

188:4.11 Même si Dieu était le sévère et légal monarque d'un univers dans lequel règne par-dessus tout la justice, il ne serait certainement pas satisfait du plan enfantin consistant à substituer une victime innocente à un offenseur coupable.

188:4.12 En ce qui concerne l'enrichissement de l'expérience humaine et l'élargissement de la voie du salut, relativement à la mort de Jésus, la grande chose n'est pas le fait de sa mort, mais plutôt le comportement superbe et l'esprit incomparable avec lesquels il fit face à la mort.

188:4.13 Toute cette idée de rançon dans l'expiation place le salut sur un plan d'irréalité ; un tel concept est purement philosophique. Le salut humain est réel ; il est basé sur deux réalités que les créatures peuvent saisir par la foi et incorporer ainsi dans l'expérience humaine individuelle : le fait de la paternité de Dieu et, la vérité corollaire, la fraternité des hommes. Après tout, il est vrai que l'on vous « remettra vos dettes comme vous remettez les leurs à vos débiteurs » .

188.5  Les Leçons de la Croix

188:5.1 La croix de Jésus dépeint la pleine mesure du dévouement suprême du vrai berger aux membres, même indignes, de son troupeau. Elle place définitivement toutes les relations entre Dieu et l'homme sur la base de la famille. Dieu est le Père, l'homme est son fils. L'amour, l'amour d'un père pour son fils, devient la vérité centrale des relations entre Créateur et créature dans l'univers - et non la justice d'un roi qui cherche sa satisfaction dans les souffrances et la punition de ses sujets malfaisants.

188:5.2 La croix montre pour toujours que l'attitude de Jésus envers les pécheurs n'était ni une condamnation ni une indulgence, mais plutôt la recherche éternelle et aimante de leur salut. Jésus est vraiment un sauveur en ce sens que sa vie et sa mort gagnent bel et bien les hommes à la bonté et à une juste survie. Jésus aime tellement les hommes que son amour éveille une réponse d'amour dans le coeur humain. L'amour est vraiment contagieux et éternellement créatif. La mort de Jésus sur la croix donne l'exemple d'un amour suffisamment fort et divin pour pardonner les péchés et engloutir toute malfaisance. Jésus révéla à ce monde une qualité de droiture supérieure à la justice - simple technique du bien et du mal. L'amour divin ne se borne pas à pardonner les torts ; il les absorbe et les détruit réellement. Le pardon de l'amour transcende de loin le pardon de la miséricorde. La miséricorde met de côté la culpabilité du méfait, mais l'amour détruit définitivement le péché et toutes les faiblesses qui en résultent. Jésus apporta une nouvelle manière de vivre sur Urantia. Il ne nous enseigna pas à résister au mal, mais à trouver à travers lui, Jésus, une bonté qui détruit efficacement le mal. Le pardon de Jésus n'est pas une indulgence ; il sauve de la condamnation. Le salut ne minimise pas les torts, il les redresse. Le véritable amour ne comporte ni compromis avec la haine ni indulgence pour elle ; il la détruit. L'amour de Jésus ne se satisfait jamais du simple pardon. L'amour du Maitre implique la réhabilitation, la survie éternelle. Il est parfaitement correct de qualifier le salut de rédemption si l'on veut parler de cette réhabilitation éternelle.

188:5.3 Par le pouvoir de son amour personnel pour les hommes, Jésus pouvait briser l'emprise du péché et du mal. Il donnait ainsi la liberté de choisir de meilleurs modes de vie. Jésus présenta une délivrance du passé qui, en elle-même, promettait un triomphe pour l'avenir. Le pardon procurait donc le salut. Quand l'amour divin est pleinement admis dans le coeur humain, sa beauté détruit pour toujours l'envoutement du péché et le pouvoir du mal.

188:5.4 Les souffrances de Jésus ne furent pas limitées à la crucifixion. En réalité, Jésus de Nazareth passa plus de vingt-cinq ans sur la croix d'une existence de mortel réelle et intense. La vraie valeur de la croix consiste dans le fait qu'elle fut l'expression suprême et finale de l'amour de Jésus, le parachèvement de la révélation de sa miséricorde.

188:5.5 Sur des millions de mondes habités, des dizaines de billions de créatures évoluantes auraient pu être tentées de renoncer à la lutte morale et d'abandonner le bon combat de la foi. Elles ont jeté un nouveau regard sur Jésus crucifié, puis ont repris leur chemin en avant, inspirées par la vue de Dieu abandonnant sa vie incarnée par dévotion au service désintéressé des hommes.

188:5.6 Le triomphe de la mort sur la croix est résumé dans l'esprit du comportement de Jésus envers ses agresseurs. Il fit de la croix un symbole éternel de la victoire de l'amour sur la haine et de la victoire de la vérité sur le mal quand il pria : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Cet amour dévoué fut contagieux dans tout un vaste univers ; les disciples le prirent de leur Maitre. Le tout premier instructeur de son évangile appelé à abandonner sa vie dans ce service fut lapidé à mort pendant qu'il disait : « Ne fais pas retomber sur eux la responsabilité de ce péché. »

188:5.7 La croix fait un suprême appel à ce qu'il y a de meilleur chez l'homme, parce qu'elle dévoile un être disposé à donner sa vie au service de ses semblables. Nul ne peut avoir de plus grand amour que d'être disposé à donner sa vie pour ses amis - et Jésus avait un tel amour qu'il était prêt à donner sa vie pour ses ennemis, un amour plus grand que tout ce que l'on avait connu jusque-là sur terre.

188:5.8 Sur d'autres mondes aussi bien que sur Urantia, ce spectacle sublime de la mort du Jésus humain sur la croix du Golgotha a soulevé les émotions des mortels en même temps qu'il suscitait la plus haute dévotion des anges.

188:5.9 La croix est le symbole supérieur du service sacré, la consécration de votre vie au bien-être et au salut de vos semblables. La croix n'est pas le symbole du sacrifice de l'innocent Fils de Dieu se substituant aux pécheurs coupables en vue d'apaiser le courroux d'un Dieu offensé. Elle se dresse pour toujours, sur terre et dans tout un vaste univers, comme un symbole sacré des bons s'effusant sur les méchants, et les sauvant ainsi par la dévotion même de leur amour. La croix se dresse véritablement comme le signe de la plus haute forme de service désintéressé, du dévouement suprême consistant à effuser pleinement une vie de droiture au service d'un ministère accompli de tout coeur, même dans la mort, la mort sur la croix. La seule vue de ce grand symbole de la vie d'effusion de Jésus inspire véritablement à chacun de nous le désir d'en faire autant.

188:5.10 Quand les hommes et les femmes réfléchis considèrent Jésus offrant sa vie sur la croix, ils ne peuvent plus guère se permettre de se plaindre, même des plus rudes épreuves de la vie, et encore bien moins des petites vexations et des nombreux griefs purement fictifs qui en découlent. La vie du Maitre fut si glorieuse et sa mort si triomphale que nous sommes tous attirés et incités à partager les deux. Toute l'effusion de Micaël possède un véritable pouvoir d'attraction, depuis l'époque de sa jeunesse jusqu'au spectacle accablant de sa mort sur la croix.

188:5.11 Assurez-vous donc qu'en regardant la croix comme une révélation de Dieu, vous ne regardez ni avec les yeux des hommes primitifs, ni du point de vue des barbares qui les suivirent, car tous deux considéraient Dieu comme un Souverain implacable exerçant sévèrement la justice et appliquant rigidement la loi. Assurez-vous plutôt que vous voyez dans la croix la manifestation finale de l'amour et de la dévotion de Jésus à la mission d'effusion de sa vie sur les races de mortels de son vaste univers. Voyez dans la mort du Fils de l'Homme l'apogée de la manifestation de l'amour divin du Père pour ses fils des sphères habitées par des mortels. La croix dépeint ainsi le dévouement d'une affectueuse volonté de bien et l'effusion du salut volontaire sur ceux qui sont disposés à recevoir de tels dons et un tel dévouement. Dans la croix, il n'y avait rien que le Père ait exigé - mais seulement ce que Jésus donna si volontiers et refusa d'éviter.

188:5.12 Si l'homme ne peut, d'une autre manière, apprécier Jésus et comprendre le sens de son effusion sur la terre, il peut au moins comprendre qu'il a partagé avec lui ses souffrances de mortel. Nul ne peut plus jamais craindre que le Créateur ignore la nature ou l'étendue de ses afflictions temporelles.

188:5.13 Nous savons que la mort sur la croix n'était pas destinée à réconcilier l'homme avec Dieu, mais à stimuler l'homme dans sa réalisation de l'éternel amour du Père et de la miséricorde sans fin de son Fils, ainsi qu'à diffuser ces vérités universelles dans un univers entier.

189. La Résurrection

189:0.1 PEU après que Jésus eut été enseveli le vendredi après-midi, le chef des archanges de Nébadon, alors présent sur Urantia, convoqua son conseil préposé à la résurrection des créatures volitives endormies et se mit à étudier une technique possible pour ressusciter Jésus. Ces fils assemblés de l'univers local, créatures de Micaël, agissaient sous leur propre responsabilité ; Gabriel ne les avait pas réunis. Vers minuit, ils étaient parvenus à la conclusion que la créature ne pouvait rien faire pour faciliter la résurrection du Créateur. Ils étaient disposés à accepter l'avis de Gabriel, qui leur fit comprendre que, puisque Jésus avait « abandonné sa vie de son plein gré, il avait aussi le pouvoir de la reprendre de sa propre décision. » Peu après l'ajournement de ce conseil des archanges, des Porteurs de Vie et de leurs divers associés dans l'oeuvre de réhabilitation de la créature et de la création morontielle, l'Ajusteur Personnalisé de Jésus prit la parole. Il commandait personnellement les légions célestes alors assemblées sur Urantia et s'adressa dans les termes suivants à ces veilleurs qui attendaient anxieusement :

189:0.2 « Nul d'entre vous ne peut rien faire pour aider votre Créateur-père à revenir à la vie. En tant que mortel du royaume, il a passé par l'expérience de la mort charnelle ; en tant que Souverain d'un univers, il vit toujours. Ce que vous observez est le transit mortel de Jésus de Nazareth passant de la vie dans la chair à la vie dans la morontia. Le transit d'esprit de ce Jésus fut parachevé le jour où je me séparais de sa personnalité et devins votre directeur temporaire. Votre Créateur-père a choisi de faire l'expérience entière de ses créatures mortelles, depuis la naissance sur les mondes matériels jusqu'au statut de l'existence véritable en tant qu'esprit, en passant par la mort naturelle et la résurrection de la morontia. Vous allez observer une certaine phase de cette expérience, mais il ne vous est pas permis d'y participer. Vous ne pouvez faire pour le Créateur ce que vous faites ordinairement pour les créatures. Un Fils Créateur possède en lui-même le pouvoir de s'effuser dans la similitude de n'importe lequel de ses fils créés, il a en lui-même le pouvoir d'abandonner sa vie observable et de la reprendre de nouveau. Il dispose de ce pouvoir à cause du commandement direct du Père du Paradis, et je sais de quoi je parle. »

189:0.3 Après avoir entendu l'Ajusteur Personnalisé s'exprimer ainsi, ils prirent tous une attitude expectative anxieuse, depuis Gabriel jusqu'au plus humble chérubin. Ils voyaient le corps mortel de Jésus dans le tombeau ; ils décelaient des preuves de l'activité de leur bien-aimé Souverain dans l'univers et, faute de comprendre ces phénomènes, ils attendaient patiemment la suite des évènements.

189.1  Le Transit Morontiel

189:1.1 Le dimanche matin à deux heures quarante-cinq, la commission paradisiaque d'incarnation arriva sur les lieux ; elle se composait de sept personnalités du Paradis, non identifiées, qui se déployèrent immédiatement autour de la tombe. À trois heures moins dix, d'intenses vibrations d'activités mixtes matérielles et morontielles commencèrent à émaner du tombeau neuf de Joseph d'Arimathie et, à trois heures deux minutes, ce dimanche 9 avril de l'an 30, la forme et la personnalité morontielle ressuscitées de Jésus de Nazareth sortirent du tombeau.

189:1.2 Après que Jésus ressuscité eut émergé de son tombeau, le corps de chair, dans lequel il avait vécu et travaillé sur terre durant près de trente-six ans, gisait encore là dans la niche du sépulcre, intact et enveloppé dans le drap de lin, exactement tel qu'il y avait été couché le vendredi après-midi par Joseph et ses compagnons. La pierre fermant l'entrée du tombeau n'avait pas subi le moindre déplacement ; le sceau de Pilate était intact ; les soldats montaient toujours la garde. Les gardes du temple avaient veillé sans interruption ; la garde romaine avait été changée à minuit. Aucun de ces veilleurs ne soupçonnait que l'objet de leur vigile s'était élevé à une forme d'existence nouvelle et supérieure, ni que le corps qu'ils gardaient n'était plus qu'une enveloppe extérieure abandonnée, désormais sans connexion avec la personnalité morontielle délivrée et ressuscitée de Jésus.

189:1.3 L'humanité est lente à percevoir que, dans tout ce qui est personnel, la matière est seulement le squelette de la morontia, et que les deux sont l'ombre réfléchie de la réalité spirituelle durable. Combien de temps faudra-t-il pour que vous considériez le temps comme l'image mouvante de l'éternité, et l'espace comme l'ombre fugitive des réalités du Paradis ?

189:1.4 Autant que nous puissions en juger, nulle créature de cet univers ni aucune personnalité d'un autre univers ne joua le moindre rôle dans la résurrection morontielle de Jésus de Nazareth. Le vendredi, il abandonna sa vie en tant que mortel du royaume ; le dimanche matin, il la reprit en tant qu'être morontiel du système de Satania dans Norlatiadek. Il y a bien des choses que nous ne comprenons pas en ce qui concerne la résurrection de Jésus, mais nous savons qu'elle eut lieu comme nous l'avons dit et à peu près à l'heure indiquée. Nous pouvons aussi affirmer que tous les phénomènes connus associés à ce transit de mortel, ou résurrection morontielle, se produisirent là, dans le tombeau neuf de Joseph d'Arimathie, où la dépouille mortelle matérielle de Jésus gisait enveloppée dans les linges mortuaires.

189:1.5 Nous savons que nulle créature de l'univers local ne participa à ce réveil morontiel. Nous perçûmes les sept personnalités du Paradis qui entouraient la tombe, mais nous ne les vîmes pas faire quoi que ce soit en liaison avec le réveil du Maitre. Aussitôt que Jésus apparut à côté de Gabriel, juste au-dessus du tombeau, les sept personnalités du Paradis signifièrent leur intention de partir immédiatement pour Uversa.

189:1.6 Clarifions définitivement le concept de la résurrection de Jésus en faisant les déclarations suivantes :

189:1.7 1. Son corps matériel ou physique ne faisait pas partie de sa personnalité ressuscitée. Lorsque Jésus sortit du tombeau, son corps de chair resta intact dans le sépulcre. Le Maitre émergea du tombeau sans déplacer les pierres qui en bouchaient l'entrée et sans briser les sceaux de Pilate.

189:1.8 2. Il n'émergea du tombeau ni en tant qu'esprit, ni en tant que Micaël de Nébadon, il n'apparut pas sous la forme du Souverain Créateur semblable à celle qu'il avait avant son incarnation dans la similitude de la chair mortelle sur Urantia.

189:1.9 3. Il sortit du tombeau de Joseph dans la similitude exacte des personnalités morontielles de ceux qui émergent, en tant qu'ascendeurs morontiels ressuscités, des salles de résurrection du premier monde des maisons du système local de Satania. La présence du monument commémoratif de Micaël au centre de la vaste cour des salles de résurrection de maisonnia numéro 1 nous conduit à supposer que la résurrection du Maitre sur Urantia fut agencée d'une certaine manière sur ce premier monde des maisons du système.

189:1.10 Le premier acte de Jésus en sortant du tombeau fut de saluer Gabriel et de l'inviter à continuer d'assumer la responsabilité administrative des affaires de son univers sous la supervision d'Emmanuel. Puis il pria le chef des Melchizédeks de transmettre ses salutations personnelles à Emmanuel. Ensuite, il demanda au Très Haut d'Édentia la certification des Anciens des Jours concernant son transit de mortel. Puis il se tourna vers l'assemblée des groupes morontiels des sept mondes des maisons, réunis là pour saluer leur Créateur et lui souhaiter la bienvenue en tant que créature de leur ordre ; Jésus prononça les premières paroles de carrière post-mortelle. Le Jésus morontiel leur dit : « Ayant terminé ma vie dans la chair, je voudrais m'arrêter ici un peu de temps dans ma forme de transition pour connaître plus complètement la vie de mes créatures ascendantes et poursuivre mes révélations de la volonté de mon Père qui est au Paradis. »

189:1.11 Après avoir ainsi parlé, Jésus fit un signe à l'Ajusteur Personnalisé, et toutes les intelligences de l'univers qui s'étaient réunies sur Urantia pour être témoins de la résurrection furent immédiatement priées de rejoindre leurs postes respectifs dans l'univers.

189:1.12 Jésus commença ensuite à établir les contacts sur le niveau morontiel et prit connaissance, en tant que créature, des exigences de la vie qu'il avait choisi de vivre durant cette brève période sur Urantia. Cette initiation au monde morontiel demanda plus d'une heure du temps terrestre et fut deux fois interrompue par le désir de Jésus de communiquer avec ses anciens associés charnels venus de Jérusalem pour scruter avec étonnement le tombeau vide et y découvrir ce qu'ils considéraient comme une preuve de sa résurrection.

189:1.13 Le transit de Jésus en tant que mortel - la résurrection morontielle du Fils de l'Homme - est maintenant parachevée. L'expérience transitoire du Maitre en tant que personnalité médiane entre le niveau matériel et le niveau spirituel a commencé. Et il a accompli tout cela par un pouvoir inhérent à lui-même ; nulle personnalité ne lui apporta une aide quelconque. Il vit maintenant en tant que Jésus morontiel et, tandis qu'il commence cette vie morontielle, son corps matériel de chair gît intact dans le tombeau. Les soldats montent toujours la garde, et le sceau du gouverneur sur les pierres n'a pas encore été brisé.

189.2  Le Corps Matériel de Jésus

189:2.1 À trois heures dix, tandis que Jésus ressuscité fraternisait avec les personnalités morontielles rassemblées des sept mondes des maisons de Satania, le chef des archanges - les anges de la résurrection - aborda Gabriel et lui demanda le corps mortel de Jésus en disant : « Nous n'avons pas le droit de participer à la résurrection morontielle de notre souverain Micaël après son expérience d'effusion, mais nous voudrions que sa dépouille mortelle nous soit remise pour la dissoudre immédiatement. Nous ne nous proposons pas d'employer notre technique de dématérialisation ; nous désirons simplement faire appel au processus de l'accélération du temps. Nous avons vu notre Souverain vivre et mourir sur Urantia. Cela suffit. Nous épargnerions aux légions du ciel le souvenir d'avoir supporté le spectacle de la lente décomposition de la forme humaine du Créateur et Soutien d'un univers. Au nom des intelligences célestes de tout Nébadon, je demande un ordre me confiant la garde du corps mortel de Jésus de Nazareth et nous donnant pouvoir de procéder à sa dissolution immédiate. »

189:2.2 Après que Gabriel eut conféré avec le doyen des Très Hauts d'Édentia, l'archange porte-parole des légions célestes reçut l'autorisation de disposer à son gré de la dépouille physique de Jésus.

189:2.3 Quand sa demande eut été exaucée, le chef des archanges appela à son aide un grand nombre de ses semblables ainsi qu'une foule de représentants de tous les ordres de personnalités célestes ; puis, avec l'assistance des médians d'Urantia, il se mit à l'oeuvre pour prendre possession du corps physique de Jésus. Ce corps de mort était une création purement matérielle, littéralement physique. On ne pouvait pas le retirer du tombeau à la manière dont la forme morontielle ressuscitée avait pu s'échapper du sépulcre scellé. Avec l'aide de certaines personnalités morontielles auxiliaires, on peut, à certains moments, rendre la forme morontielle semblable à celle de l'esprit ; elle devient alors indifférente à la matière ordinaire ; à d'autres moments, elle peut devenir discernable et touchable par des êtres matériels tels que les mortels du royaume.

189:2.4 Pendant que les archanges et leur assistants se préparaient à retirer le corps de Jésus du tombeau avant d'en disposer d'une manière respectueuse et digne par le processus de la dissolution quasi instantanée, les médians secondaires d'Urantia furent chargés d'écarter les deux pierres qui bouchaient l'entrée du tombeau. La plus grosse était un énorme bloc circulaire très semblable à une meule ; elle se déplaçait dans une rainure taillée dans le roc, de sorte que l'on pouvait la rouler en avant ou en arrière pour ouvrir ou fermer le tombeau. Quand les gardes juifs et les soldats romains qui veillaient virent, à la faible lueur de l'aube, l'énorme pierre qui, apparemment de son propre chef, commençait à rouler pour dégager l'entrée du caveau - sans aucun moyen visible expliquant ce mouvement - ils furent saisis de peur panique et quittèrent précipitamment les lieux. Les Juifs s'enfuirent d'abord chez eux, se rendant plus tard au temple pour faire rapport de ces faits au capitaine. Les Romains s'enfuirent vers la forteresse d'Antonia et, dès que le centurion fut arrivé à son poste, ils lui rapportèrent ce qu'ils avaient vu.

189:2.5 En soudoyant le traitre Judas, les dirigeants juifs avaient commencé la sordide opération par laquelle ils croyaient se débarrasser de Jésus. Maintenant, en face de cette nouvelle situation embarrassante, au lieu de songer à punir les gardes qui avaient déserté leur poste, ils en vinrent à soudoyer ces gardes et les soldats romains. Ils donnèrent une somme d'argent à chacun des vingt hommes avec l'ordre de dire à tout le monde : « Tandis que nous dormions au cours de la nuit, les disciples de Jésus nous ont surpris et ont enlevé son corps. » Et les dirigeants juifs promirent solennellement aux soldats de les défendre devant Pilate si jamais le gouverneur apprenait qu'ils avaient été soudoyés.

189:2.6 La croyance chrétienne à la résurrection de Jésus a été basée sur le fait du « tombeau vide » . Assurément c'est un fait que le tombeau était vide, mais ce n'est pas la vérité de la résurrection. Le sépulcre était vraiment vide quand les premiers croyants arrivèrent, et ce fait, associé à celui de la résurrection indubitable du Maitre, les conduisit à formuler un credo inexact : l'enseignement que le corps matériel de Jésus avait été ressuscité de la tombe. La vérité se rapportant aux réalités spirituelles et aux valeurs éternelles ne peut pas toujours être établie par une combinaison de faits apparents. Bien que des faits individuels puissent être matériellement exacts, il ne s'ensuit pas nécessairement que le groupement d'un certain nombre de faits conduise à des conclusions spirituelles véridiques.

189:2.7 Le tombeau de Joseph était vide, non parce que le corps de Jésus avait été ranimé ou ressuscité, mais parce que les légions célestes avaient reçu l'autorisation demandée de lui faire subir une dissolution spéciale et exceptionnelle, un retour « de la poussière à la poussière » , sans l'intervention des délais du temps et sans la mise en oeuvre des processus ordinaires et visibles de décomposition mortelle et de putréfaction matérielle.

189:2.8 La dépouille mortelle de Jésus a subi le processus naturel de désintégration élémentale qui caractérise tous les corps humains sur terre, sauf qu'au point de vue du facteur temps, ce mode de dissolution naturelle fut considérablement accéléré, et hâté au point de devenir presque instantané.

189:2.9 Les véritables preuves de la résurrection de Micaël sont de nature spirituelle, bien que cet enseignement soit corroboré par le témoignage de nombreux mortels du royaume qui rencontrèrent le Maitre morontiel ressuscité, le reconnurent et conversèrent avec lui. Jésus fit partie de l'expérience personnelle de presque mille êtres humains avant de prendre finalement congé d'Urantia.

189.3  La Résurrection Dispensationnelle

189:3.1 Un peu après quatre heures du matin ce même dimanche, Gabriel convoqua les archanges à ses côtés et se prépara à inaugurer la résurrection générale de la fin de la dispensation adamique sur Urantia. Quand la vaste armée de séraphins et de chérubins participant à ce grand évènement fut rangée en formation appropriée, Micaël dans sa forme morontielle apparut devant Gabriel en disant : « De même que mon Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. Bien que je n'aie pas encore entièrement repris l'exercice de la juridiction sur mon univers, la limitation que je m'impose ne restreint en rien l'effusion de la vie sur mes fils endormis. Que l'appel nominal de la résurrection planétaire commence. »

189:3.2 Le circuit des archanges opéra alors pour la première fois à partir d'Urantia. Gabriel et les armées d'archanges se rendirent au pôle spirituel de la planète et, lorsque Gabriel donna le signal, sa voix fut transmise comme un éclair sur le premier monde systémique des maisons. Elle disait : « Par ordre de Micaël, que les morts d'une dispensation d'Urantia ressuscitent ! » Alors, tous les survivants des races humaines d'Urantia qui s'étaient endormis depuis l'époque d'Adam, et qui n'avaient pas encore comparu en jugement, apparurent dans les salles de résurrection de maisonnia, prêts à l'investiture morontielle. Et, en une fraction de seconde, les séraphins et leurs associés se préparèrent à partir pour les mondes des maisons. Ordinairement, ces gardiens séraphiques jadis affectés à la garde collective de ces mortels survivants auraient été présents au moment de leur réveil dans les salles de résurrection de maisonnia, mais ils se trouvaient alors sur Urantia parce que la présence de Gabriel y était nécessaire en liaison avec la résurrection morontielle de Jésus.

189:3.3 D'innombrables individus ayant des gardiens séraphiques personnels, et d'autres ayant atteint le niveau nécessaire de progrès spirituel de la personnalité, étaient déjà parvenus à maisonnia durant les âges consécutifs à l'époque d'Adam et d'Ève ; et, bien qu'il y ait eu de nombreuses séances de résurrections spéciales et millénaires pour les fils d'Urantia, le présent évènement était le troisième appel nominal planétaire, ou résurrection dispensationnelle complète. Le premier avait eu lieu à l'époque de l'arrivée du Prince Planétaire et le second à l'époque d'Adam ; quant à celui-ci, le troisième, il marquait la résurrection morontielle, le transit de Jésus de Nazareth en tant que mortel.

189:3.4 Quand le chef des archanges eut reçu le signal de la résurrection planétaire, l'Ajusteur Personnalisé du Fils de l'Homme se dessaisit de son autorité sur les armées célestes assemblées sur Urantia et renvoya tous les fils de l'univers local qui les composaient à la juridiction de leurs chefs respectifs. Sur quoi l'Ajusteur partit pour Salvington en vue de faire enregistrer par Emmanuel le parachèvement du transit de Micaël en tant que mortel, et fut immédiatement suivi par toutes les armées célestes dont les services n'étaient pas requis sur Urantia. Mais Gabriel resta sur Urantia avec Jésus morontiel.

189:3.5 Telle est l'histoire des évènements de la résurrection de Jésus, vue par ceux qui en furent témoins au moment où elle eut réellement lieu, et dégagée des limitations de la vision humaine partielle et restreinte.

189.4  La Découverte du Tombeau Vide

189:4.1 Il faut se rappeler qu'à l'approche du moment de la résurrection de Jésus, ce dimanche matin de bonne heure, les dix apôtres séjournaient au domicile d'Élie et de Marie Marc, où ils dormaient dans la salle du haut, reposant sur les mêmes divans où ils s'étaient allongés durant le dernier souper avec leur Maitre. Ce dimanche matin, ils étaient tous réunis là, excepté Thomas. Ce dernier avait passé quelques minutes avec eux tard le samedi soir au moment où ils se réunissaient, mais la vue des apôtres, jointe à la pensée de ce qui était arrivé à Jésus, dépassa ce qu'il pouvait supporter. Il jeta un coup d'oeil sur ses compagnons et quitta immédiatement la pièce pour se rendre chez Simon à Bethphagé, où il comptait, dans la solitude, s'abimer dans la douleur de sa peine. Les apôtres souffraient tous, non pas tant de doute et de désespoir que de crainte, de chagrin et de honte.

189:4.2 Chez Nicodème, se trouvaient rassemblés, avec David Zébédée et Joseph d'Arimathie, douze à quinze disciples de Jésus parmi les plus en vue à Jérusalem. Chez Joseph d'Arimathie, se trouvaient quinze à vingt des principales femmes croyantes. Seules ces femmes demeuraient dans la maison de Joseph et y étaient restées cloitrées durant les heures du sabbat et la soirée du sabbat, de sorte qu'elles ignoraient qu'une garde militaire veillait sur le tombeau. Elles ne savaient pas non plus qu'une deuxième pierre avait été roulée devant l'entrée du tombeau et que l'on avait apposé le sceau de Pilate sur les deux pierres.

189:4.3 Un peu avant trois heures ce dimanche matin, quand les premiers signes de l'aube apparurent à l'orient, cinq des femmes partirent pour la tombe de Jésus. Elles avaient préparé en abondance des onguents spéciaux pour l'embaumement, et emportaient de nombreuses bandelettes de lin. Elles avaient l'intention de mieux embaumer le corps de Jésus et de l'envelopper plus soigneusement dans les nouvelles bandelettes.

189:4.4 Voici les noms des femmes qui partirent en mission pour oindre le corps de Jésus : Marie-Madeleine, Marie la mère des jumeaux Alphée, Salomé la mère des frères Zébédée, Jeanne la femme de Chuza et Suzanne la fille d'Ezra d'Alexandrie.

189:4.5 Il était à peu près trois heures et demie lorsque ces cinq femmes, chargées de leurs onguents, arrivèrent devant le tombeau vide. Au moment où elles sortirent de Jérusalem par la porte de Damas, elles croisèrent quelques soldats plus ou moins frappés de panique et fuyant vers l'intérieur de la ville. Cela les incita à s'arrêter quelques minutes, mais, en voyant qu'il ne se passait rien d'autre, elles se remirent en route.

189:4.6 Elles furent grandement surprises de voir la pierre roulée de côté pour dégager l'entrée du tombeau, d'autant qu'elles s'étaient demandées tout le long du chemin : « Qui va nous aider à rouler la pierre de côté ? » Elles déposèrent leurs fardeaux et commencèrent à se regarder mutuellement avec crainte et stupéfaction. Tandis qu'elles se tenaient là, tremblantes de peur, Marie-Madeleine s'aventura autour de la plus petite des deux pierres et osa entrer dans le sépulcre ouvert. Le tombeau était situé dans le jardin de Joseph, sur la pente du côté oriental de la route, et faisait également face à l'orient. Vers cette heure, l'aube du nouveau jour donnait juste suffisamment de clarté pour permettre à Marie de voir l'endroit où le corps du Maitre avait été étendu et pour constater qu'il n'y était plus. Dans le renfoncement de pierre où Jésus avait été couché, Marie ne vit que la serviette pliée sur laquelle sa tête avait reposé et les bandelettes avec lesquelles il avait été enveloppé, gisant intactes telles qu'elles avaient été étendues sur la pierre avant que les armées célestes n'eussent enlevé le corps. Le linceul gisait au pied de la niche mortuaire.

189:4.7 Après que Marie se fut arrêtée quelques instants à l'entrée du tombeau (car au début elle ne distinguait pas assez nettement) elle vit que le corps de Jésus avait disparu et que seuls les linges mortuaires étaient restés en place. Elle poussa alors un cri d'alarme et d'angoisse. Toutes les femmes venues là souffraient d'une grande tension nerveuse ; elles avaient été constamment tendues depuis qu'elles avaient rencontré les soldats en panique à la porte de la ville. Lorsque Marie poussa ce cri d'angoisse, elles furent frappées de terreur et s'enfuirent précipitamment. Elles ne s'arrêtèrent pas avant d'avoir couru tout le long du chemin jusqu'à la porte de Damas. À ce moment, Jeanne prit conscience qu'elles avaient abandonné Marie. Elle rallia ses compagnes, et les quatre repartirent pour le tombeau.

189:4.8 Tandis qu'elles s'approchaient du sépulcre, Marie-Madeleine apeurée, qui avait été encore plus terrorisée en ne trouvant pas ses soeurs en train de l'attendre à sa sortie du tombeau, se précipita maintenant vers elles en s'écriant avec excitation : « Il n'est plus là - on l'a enlevé ! » Puis elle les ramena au tombeau, et elles y entrèrent toutes pour constater qu'il était vide.

189:4.9 Les cinq femmes s'assirent alors sur la pierre près de l'entrée et discutèrent la situation. Il ne leur était pas encore venu à l'idée que Jésus était ressuscité. Elles n'avaient vu personne durant le sabbat et supposaient que le corps avait été transporté dans un autre lieu de repos. Mais, en réfléchissant à cette solution de leur dilemme, elles furent embarrassées pour expliquer l'arrangement ordonné des linges mortuaires. Comment le corps aurait-il pu être enlevé, puisque les bandelettes mêmes dans lesquelles il était enveloppé avaient été laissées en place, apparemment intactes, sur le rayon mortuaire ?

189:4.10 Tandis que ces femmes étaient assises là, aux premières heures de l'aurore du nouveau jour, elles regardèrent de côté et virent un étranger silencieux et immobile. Pendant un moment, elles eurent de nouveau peur, mais Marie-Madeleine se précipita vers lui en le prenant pour le jardinier et lui dit : « Où avez-vous emmené le Maitre ? Où l'ont-ils couché ? Dis-le-nous pour que nous allions le prendre. » Voyant que l'étranger ne lui répondait pas, Marie se mit à pleurer. Alors, Jésus parla aux femmes et leur dit : « Qui cherchez-vous ? » Marie répondit : « Nous cherchons Jésus qui a été enseveli dans le tombeau de Joseph, mais il n'y est plus. Sais-tu où il a été emporté ? » Alors, Jésus dit : « Ce Jésus ne vous a-t-il pas dit, même en Galilée, qu'il mourrait, mais qu'il ressusciterait ? » Ces mots stupéfièrent les femmes, mais le Maitre était tellement changé qu'elles ne le reconnurent pas dans la faible lueur du contrejour. Tandis qu'elles méditaient ses paroles, il s'adressa à Madeleine d'une voix familière en disant « Marie. » En entendant ce mot de sympathie bien connue et de salutation affectueuse, elle sut que c'était la voix du Maitre et se précipita pour s'agenouiller à ses pieds en s'écriant : « Mon Seigneur et mon Maitre ! » Toutes les autres femmes reconnurent que c'était bien le Maitre qui se tenait devant elles dans une forme glorifiée, et elles s'agenouillèrent aussitôt devant lui.

189:4.11 Leurs yeux humains furent rendus capables de voir la forme morontielle de Jésus à cause du ministère spécial des transformateurs et des médians associés à certaines personnalités morontielles qui accompagnaient alors Jésus.

189:4.12 Tandis que Marie cherchait à embrasser ses pieds, Jésus dit : « Ne me touche pas, Marie, car je ne suis pas tel que tu m'as connu dans la chair. Sous cette forme, je resterai un temps avec vous avant de monter auprès du Père. Allez toutes maintenant, et dites à mes apôtres - et à Pierre - que je suis ressuscité et que vous m'avez parlé.

189:4.13 Quand ces femmes se furent remises du choc de leur stupéfaction, elles retournèrent en hâte à la ville et chez Élie Marc, où elles racontèrent aux dix apôtres tout ce qui leur était arrivé ; mais les apôtres n'étaient pas disposés à les croire. Ils pensèrent d'abord que les femmes avaient eu une vision, mais, lorsque Marie-Madeleine répéta les paroles que Jésus leur avait adressées et que Pierre entendit son nom, il sortit précipitamment de la salle du haut, suivi de près par Jean, pour arriver au tombeau aussi vite que possible et voir les choses par lui-même.

189:4.14 Les femmes répétèrent aux autres apôtres l'histoire de leur entretien avec Jésus, mais ils ne voulaient pas croire, et ils ne voulaient pas aller se rendre compte par eux-mêmes comme Pierre et Jean.

189.5  Pierre et Jean au Tombeau

189:5.1 Tandis que les deux apôtres couraient vers le Golgotha et le tombeau de Joseph, les pensées de Pierre oscillaient entre la crainte et l'espérance ; il craignait de rencontrer le Maitre, mais son espoir était éveillé par l'histoire que Jésus lui avait envoyé un message spécial. Il était à demi persuadé que Jésus était réellement vivant ; il se rappelait sa promesse de ressusciter le troisième jour. Chose étrange, il n'avait plus pensé à cette promesse depuis la crucifixion jusqu'au moment actuel où il traversait Jérusalem en courant vers le nord. Quant à Jean, tandis qu'il sortait de la ville en toute hâte, une étrange extase faite de joie et d'espoir jaillissait dans son âme. Il était à demi convaincu que les femmes avaient réellement vu le Maitre ressuscité.

189:5.2 Étant plus jeune que Pierre, Jean courut plus vite que lui et arriva le premier au tombeau. Il s'attarda à la porte pour contempler le tombeau, qui se trouvait exactement dans l'état décrit par Marie. Simon Pierre arriva aussitôt après en courant, entra dans le tombeau et vit ce même tombeau vide avec les linges funéraires disposés d'une façon si particulière. Lorsque Pierre fut ressorti, Jean entra à son tour, et vit tout cela par lui-même, puis ils s'assirent tous deux sur la pierre pour réfléchir à la signification de tout ce qu'ils avaient vu et entendu. Assis là, ils retournèrent dans leur pensée tout ce qu'on leur avait dit de Jésus, mais ils ne pouvaient percevoir clairement ce qui s'était passé.

189:5.3 Pierre suggéra d'abord que le tombeau avait été violé, que des ennemis avaient volé le corps et peut-être soudoyé les gardes. Mais Jean conclut que le sépulcre n'aurait pas été laissé en aussi bon ordre si le corps avait été volé. Il souleva également la question de savoir comment les bandelettes avaient pu être laissées sur place et apparemment intactes. Ils retournèrent tous deux dans le caveau pour examiner de plus près les linges funéraires. En ressortant pour la seconde fois, ils trouvèrent Marie-Madeleine revenue et pleurant devant l'entrée. Marie était allée vers les apôtres avec la conviction que Jésus était ressuscité de la tombe, mais, devant leur refus unanime de croire à son récit, elle fut abattue et désespérée. Elle souhaita ardemment retourner près du tombeau, à l'endroit où elle pensait avoir entendu la voix familière de Jésus.

189:5.4 Tandis que Marie s'attardait après le départ de Pierre et de Jean, le Maitre lui apparut de nouveau en disant : « Ne reste pas dans le doute ; aie le courage de croire ce que tu as vu et entendu. Retourne auprès de mes apôtres et dis-leur de nouveau que je suis ressuscité, que je leur apparaîtrai et que bientôt je les précèderai en Galilée comme je leur ai promis. »

189:5.5 Marie se hâta de revenir à la maison de Marc et raconta aux apôtres qu'elle s'était de nouveau entretenue avec Jésus, mais ils refusèrent de la croire. Toutefois, après le retour de Pierre et de Jean, ils cessèrent de se moquer et furent remplis de crainte et d'appréhension.

190. Les Apparitions Morontielles de Jésus

190:0.1 JÉSUS ressuscité se prépare maintenant à passer une courte période sur Urantia pour faire l'expérience de la carrière morontielle ascendante d'un mortel des royaumes. Bien que cette période de la vie morontielle doive s'écouler sur le monde de son incarnation en tant que mortel, elle sera, sous tous les rapports, la contrepartie de l'expérience des mortels de Satania qui passent par la vie morontielle progressive des sept mondes des maisons de Jérusem.

190:0.2 Tout ce pouvoir inhérent à Jésus - le don de vie - et qui lui a permis de ressusciter d'entre les morts, est le don même de la vie éternelle qu'il effuse sur les croyants au royaume et qui, aujourd'hui encore, rend certaine leur résurrection hors de l'emprise de la mort naturelle.

190:0.3 Les mortels des royaumes se lèveront, au matin de la résurrection, avec un corps morontiel, ou de transition, du même type que celui de Jésus quand il sortit du tombeau ce dimanche matin. Ces corps n'ont pas de circulation sanguine et ces êtres ne se servent pas de nourriture matérielle ordinaire, mais ces formes morontielles sont néanmoins réelles. Quand les divers croyants aperçurent Jésus après sa résurrection, ils le virent réellement ; ils n'étaient pas victimes de leurs propres visions ou hallucinations.

190:0.4 Une foi inébranlable en la résurrection de Jésus fut la caractéristique essentielle de la foi de toutes les branches de l'enseignement primitif de l'évangile. À Jérusalem, Alexandrie, Antioche et Philadelphie, tous les éducateurs évangélistes s'unirent dans cette foi implicite en la résurrection du Maitre.

190:0.5 En examinant le rôle éminent que joua Marie-Madeleine dans la proclamation de la résurrection du Maitre, il faut noter que Marie était le principal porte-parole du groupe féminin, comme Pierre l'était pour les apôtres. Marie n'était pas chargée de diriger les femmes qui travaillaient pour le royaume, mais elle était leur principale éducatrice et leur porte-parole public. Marie était devenue fort circonspecte, de sorte que son audace, en s'adressant à l'homme qu'elle prenait pour le jardinier de Joseph, dénote simplement à quel point elle fut horrifiée de trouver le tombeau vide. Ce sont la profondeur et l'angoisse de son amour, la plénitude de sa dévotion, qui lui firent oublier un instant la réserve conventionnelle imposée aux femmes juives abordant un étranger.

190.1  Les Annonciateurs de la Résurrection

190:1.1 Les apôtres ne voulaient pas que Jésus les quitte, et c'est pourquoi ils avaient minimisé toutes ses déclarations concernant sa mort, ainsi que ses promesses de résurrection. Ils ne s'attendaient pas à la résurrection de la manière dont elle survint, et refusèrent de croire avant d'y être contraints par des témoignages irréfutables et par la preuve absolue de leurs propres expériences.

190:1.2 Devant le refus des apôtres de croire au récit des cinq femmes qui affirmaient avoir vu Jésus et lui avoir parlé, Marie-Madeleine retourna au tombeau, et ses compagnes retournèrent chez Joseph, où elles relatèrent leurs expériences à sa fille et aux autres femmes. Et les femmes crurent à leur récit. Peu après six heures, la fille de Joseph d'Arimathie et les quatre femmes qui avaient vu Jésus se rendirent chez Nicodème, où elles racontèrent tous ces évènements à Joseph, Nicodème, David Zébédée et aux autres hommes réunis là. Nicodème et les autres doutèrent de l'histoire, doutèrent que Jésus fût ressuscité d'entre les morts ; ils supposèrent que les Juifs avaient enlevé le corps. Joseph et David étaient disposés à croire au rapport, de sorte qu'ils se hâtèrent d'aller inspecter le tombeau, et ils trouvèrent tout exactement dans l'état que les femmes avaient décrit. Ils furent les derniers à voir ainsi le sépulcre, car le grand-prêtre envoya le capitaine des gardes du temple au tombeau, à sept heures et demie, pour enlever les linges funéraires. Le capitaine les enveloppa dans le drap de lin et les jeta par-dessus le bord d'une falaise voisine.

190:1.3 Quittant le tombeau, David et Joseph allèrent immédiatement chez Élie Marc, où ils tinrent une conférence avec les dix apôtres dans la salle du haut. Seul Jean Zébédée était disposé à croire, même faiblement, que Jésus était ressuscité d'entre les morts. Pierre l'avait d'abord cru, mais, faute de trouver le Maitre, il tomba dans de sérieux doutes. Les apôtres étaient tous enclins à croire que les Juifs avaient enlevé le corps. David ne voulut pas discuter avec eux, mais, en s'en allant, il dit : « Vous êtes les apôtres et vous devriez comprendre ces choses. Je ne discuterai pas avec vous. Quoi qu'il en soit, je retourne chez Nicodème où j'ai donné rendez-vous ce matin à tous les messagers. Quand ils seront rassemblés, je les enverrai accomplir leur dernière mission, celle d'annoncer la résurrection du Maitre. J'ai entendu le Maitre dire qu'après sa mort, il ressusciterait le troisième jour, et je le crois. » Après avoir ainsi parlé aux ambassadeurs du royaume mornes et désespérés, celui qui avait pris sur lui d'être chef des communications et des renseignements prit congé des apôtres. En sortant de la pièce du haut, il déposa, sur les genoux de Matthieu Lévi, le sac de Judas contenant tous les fonds apostoliques.

190:1.4 Il était à peu près neuf heures et demie quand le dernier des vingt-six messagers de David arriva chez Nicodème. David les rassembla promptement dans la cour spacieuse et leur dit :

190:1.5 « Vous tous mes frères, vous m'avez servi tout ce temps conformément à votre serment envers moi et entre vous, et je vous prends à témoins que je n'ai encore jamais diffusé par votre entremise de fausses informations. Je vais vous confier votre dernière mission en tant que messagers volontaires du royaume. Ce faisant, je vous libère de vos serments et je licencie le corps des messagers. Amis, je vous déclare que nous avons terminé notre travail. Le Maitre n'a plus besoin de messagers mortels ; il est ressuscité d'entre les morts. Avant son arrestation, il nous a dit qu'il mourrait et ressusciterait le troisième jour. J'ai vu le tombeau - il est vide. J'ai parlé à Marie-Madeleine et à quatre autres femmes qui se sont entretenues avec Jésus. Je vous licencie maintenant, je vous dis adieu et je vous envoie à vos missions respectives avec le message suivant que vous porterez aux croyants : `Jésus est ressuscité d'entre les morts ; le tombeau est vide.' »

190:1.6 La plupart des disciples présents s'efforcèrent de dissuader David d'agir ainsi, mais ils ne réussirent pas à l'influencer. Ils cherchèrent alors à dissuader les messagers, mais ceux-ci ne voulurent pas prêter attention à leurs paroles de doute. Donc, peu avant dix heures ce dimanche matin, les vingt-six coureurs partirent comme premiers annonciateurs de ce fait grandiose et de cette puissante vérité de Jésus ressuscité. Ils partirent pour cette mission, comme auparavant pour tant d'autres, en tenant le serment qu'ils avaient fait à David Zébédée et qu'ils s'étaient fait entre eux. Ces hommes avaient grande confiance en David. Le prenant au mot, ils partirent pour remplir cette mission sans même prendre le temps d'interroger les femmes qui avaient vu Jésus. La majorité d'entre eux croyait ce que David leur avait dit, et même ceux qui en doutaient quelque peu portèrent le message tout aussi vite et tout aussi fidèlement que les autres.

190:1.7 Ce jour-là, les apôtres - le corps spirituel du royaume - sont réunis dans la salle du haut où ils manifestent de la crainte et expriment des doutes, tandis que ces messagers laïques, représentant la première tentative pour répandre dans la société l'évangile du Maitre de la fraternité des hommes, s'en vont sur l'ordre de David, leur chef intrépide et efficace, proclamer que le Sauveur d'un monde et d'un univers est ressuscité. Et ils s'engagent dans ce service mémorable avant que les représentants choisis du Maitre ne soient disposés à croire sa parole ou à accepter comme preuve les témoignages oculaires.

190:1.8 Les vingt-six coureurs furent envoyés à la maison de Lazare à Béthanie et vers tous les centres de croyants, depuis Beershéba dans le sud jusqu'à Damas et Sidon dans le nord, et depuis Philadelphie à l'est jusqu'à Alexandrie à l'ouest.

190:1.9 Après avoir pris congé de ses frères, David alla chez Joseph d'Arimathie chercher sa mère et partit avec elle pour Béthanie retrouver la famille de Jésus qui les y attendait. David demeura à Béthanie chez Marthe et Marie jusqu'à ce qu'elles eussent disposé de leurs biens terrestres ; ensuite, il les accompagna dans leur voyage pour rejoindre leur frère Lazare à Philadelphie.

190:1.10 Environ une semaine plus tard, Jean Zébédée emmena Marie mère de Jésus chez lui à Bethsaïde. Jacques, le frère cadet de Jésus, resta avec sa famille à Jérusalem. Ruth demeura à Béthanie chez les soeurs de Lazare. Le reste de la famille de Jésus retourna en Galilée. David Zébédée partit de Béthanie pour Philadelphie avec Marthe et Marie au début de juin, le lendemain de son mariage avec Ruth, la plus jeune soeur de Jésus.

190.2  L'Apparition de Jésus à Béthanie

190:2.1 Depuis l'instant de sa résurrection morontielle jusqu'à son ascension en esprit dans les sphères élevées, Jésus apparut dix-neuf fois sous forme visible à ses fidèles sur terre. Il n'apparut pas à ses ennemis ni à ceux qui ne pouvaient faire un usage spirituel de sa manifestation sous forme visible. Sa première apparition fut aux cinq femmes près du tombeau, et la seconde à Marie-Madeleine, également près du tombeau.

190:2.2 Sa troisième apparition eut lieu vers midi ce dimanche à Béthanie. Peu après midi, Jacques, le frère cadet de Jésus, se trouvait dans le jardin de Lazare devant le tombeau vide du frère ressuscité de Marthe et Marie, repassant mentalement les nouvelles que le messager de David leur avait apportées une heure auparavant. Jacques avait toujours eu tendance à croire à la mission sur terre de son frère ainé, mais il avait depuis longtemps perdu contact avec le travail de Jésus et s'était laissé aller à douter sérieusement de l'affirmation ultérieure des apôtres que Jésus était le Messie. Toute la famille fut stupéfaite et presque confondue par la nouvelle apportée par le messager. Jacques se tenait encore devant le tombeau vide de Lazare lorsque Madeleine arriva et, tout excitée, relata à la famille ses expériences des premières heures du matin auprès du tombeau de Joseph. Avant qu'elle eût fini, David Zébédée et sa mère arrivèrent. Bien entendu, Ruth crut au récit, et Jude fit de même après un entretien avec David et Salomé.

190:2.3 Entretemps, tandis qu'on cherchait Jacques et avant qu'on ne le trouve, alors qu'il se trouvait là debout dans le jardin près du tombeau, celui-ci eut conscience d'une présence à proximité, comme si quelqu'un lui avait touché l'épaule. Il se retourna pour regarder et vit une forme étrange apparaître graduellement à côté de lui. Il était trop stupéfait pour parler et trop effrayé pour s'enfuir. Alors, la forme étrange parla et dit : « Jacques, je viens t'appeler au service du royaume. Joins-toi sérieusement à tes frères et suis-moi. » Lorsque Jacques entendit mentionner son nom, il sut que c'était son frère ainé Jésus qui lui avait adressé la parole. Ils avaient tous plus ou moins de difficulté à reconnaître la forme morontielle du Maitre, mais peu d'entre eux avaient la moindre difficulté à reconnaître sa voix ou à identifier autrement sa séduisante personnalité dès qu'il avait commencé à communiquer avec eux.

190:2.4 Percevant que Jésus s'adressait à lui, Jacques commença à tomber à ses genoux en s'écriant « Mon père et mon frère » , mais Jésus le pria de rester debout tandis qu'il lui parlait. Ils marchèrent dans le jardin et causèrent environ trois minutes ; ils parlèrent des expériences d'autrefois et des prévisions pour le proche avenir. Tandis qu'ils approchaient de la maison, Jésus dit : « Au revoir, Jacques, jusqu'à ce que je vous salue tous ensemble. »

190:2.5 Jacques se précipita dans la maison, tandis qu'on le cherchait à Bethphagé, et s'écria : « Je viens de voir Jésus et de lui parler. Nous nous sommes entretenus. Il n'est pas mort, il est ressuscité ! Il a disparu devant moi en disant : Au revoir, jusqu'à ce que je vous salue tous ensemble. » À peine avait-il fini de parler que Jude revint, et Jacques répéta pour Jude l'histoire de sa rencontre avec Jésus dans le jardin. Alors, ils commencèrent tous à croire à la résurrection de Jésus. Jacques annonça maintenant qu'il ne retournerait pas en Galilée, et David s'écria : « Il n'a pas été aperçu seulement par des femmes excitées ; même des hommes courageux ont commencé à le voir. Je m'attends à le voir moi-même. »

190:2.6 David n'eut pas longtemps à attendre, car la quatrième apparition de Jésus reconnue par des mortels eut lieu, un peu avant deux heures de l'après-midi, dans cette maison même de Marthe et de Marie. Le Maitre se rendit visible aux membres de sa famille terrestre et à leurs amis, vingt personnes en tout. Il apparut dans la porte de derrière, qui était ouverte, et dit : « Que la paix soit sur vous. Salutations à ceux qui furent proches de moi dans la chair, et communion pour mes frères et soeurs dans le royaume des cieux. Comment avez-vous pu douter ? Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant de choisir de suivre de tout coeur la lumière de la vérité ? Entrez donc tous dans la communion de l'Esprit de Vérité dans le royaume du Père. » Tandis qu'ils commençaient à se remettre du premier choc de leur stupéfaction et à s'approcher de lui comme pour l'embrasser, il disparut de leur vue.

190:2.7 Ils voulurent tous se précipiter vers la ville pour raconter aux apôtres incrédules ce qui était arrivé, mais Jacques les retint. Seule Marie-Madeleine reçut la permission de retourner à la maison de Joseph. Jacques leur interdit d'annoncer publiquement le fait de cette visite morontielle, à cause de certaines choses que Jésus lui avait dites au cours de leur conversation dans le jardin. Mais Jacques ne révéla rien de plus au sujet de son entretien de ce jour-là, chez Lazare à Béthanie, avec le Maitre ressuscité.

190.3  Au Foyer de Joseph

190:3.1 La cinquième manifestation morontielle de Jésus reconnue par des yeux mortels eut lieu en présence d'environ vingt-cinq croyantes réunies au foyer de Joseph d'Arimathie, vers quatre heures et quart ce même dimanche après-midi. Marie-Madeleine était revenue chez Joseph quelques minutes avant cette apparition. Jacques, le frère de Jésus, avait demandé que l'on ne dise rien aux apôtres au sujet de l'apparition du Maitre à Béthanie, mais n'avait pas demandé à Marie de s'abstenir de rapporter l'évènement à ses soeurs croyantes. En conséquence, après que Marie eut fait jurer le secret à toutes ses compagnes, elle se mit à leur raconter tout ce qui venait de se passer pendant son séjour à Béthanie avec la famille de Jésus. Elle en était au milieu de ce passionnant récit lorsqu'un silence soudain et solennel tomba sur ces femmes ; elles voyaient, au beau milieu de leur groupe, la forme entièrement visible de Jésus ressuscité. Il les salua en disant : « Que la paix soit sur vous. Dans la communion du royaume, il n'y aura ni Juif ni Gentil, ni riche ni pauvre, ni homme libre ni esclave, ni homme ni femme. Vous aussi, vous êtes appelées à publier la bonne nouvelle de la libération de l'humanité par l'évangile de la filiation avec Dieu dans le royaume des cieux. Allez dans le monde entier proclamer cet évangile et confirmer les croyants dans cette foi. En même temps que vous ferez cela, n'oubliez pas de soigner les malades et de fortifier les timides et les craintifs. Je serai avec vous toujours, même aux confins de la terre. » Après avoir ainsi parlé, il disparut de leur vue, tandis que les femmes tombaient face contre terre et adoraient en silence.

190:3.2 Marie-Madeleine avait été témoin de quatre des apparitions morontielles de Jésus survenues jusqu'à ce moment-là.

190:3.3 À la suite de l'envoi des messagers durant le milieu de la matinée, et par les fuites inconscientes d'indications concernant l'apparition de Jésus dans la maison de Joseph, les dirigeants des Juifs commencèrent à apprendre au début de la soirée que le bruit de la résurrection de Jésus se répandait dans la ville et que de nombreuses personnes prétendaient l'avoir vu. Les sanhédristes furent profondément troublés par ces rumeurs. Après avoir hâtivement consulté Annas, Caïphe convoqua une réunion du sanhédrin le même soir à huit heures. C'est à cette réunion que des dispositions furent prises pour chasser des synagogues toute personne qui mentionnerait la résurrection de Jésus. On suggéra même que quiconque prétendrait l'avoir vu serait mis à mort ; toutefois, cette proposition ne fut pas mise aux voix, car la réunion se dispersa dans une confusion voisine d'une réelle panique. Les sanhédristes avaient osé penser qu'ils en avaient fini avec Jésus. Ils allaient bientôt découvrir que leurs véritables difficultés avec l'homme de Nazareth ne faisaient que commencer.

190.4  L'Apparition aux Grecs

190:4.1 Vers quatre heures et demie, au domicile d'un certain Flavius, le Maitre fit sa sixième apparition morontielle à une quarantaine de croyants grecs rassemblés là. Tandis qu'ils étaient occupés à discuter les rapports sur la résurrection du Maitre, celui-ci se manifesta au milieu d'eux, bien que les portes fussent solidement verrouillées. Il leur parla en ces termes : « Que la paix soit sur vous. Bien que le Fils de l'Homme soit apparu sur terre parmi les Juifs, il est venu apporter son ministère à tous les hommes. Dans le royaume de mon Père, il n'y aura ni Juifs ni Gentils ; vous serez tous des frères - les fils de Dieu. Allez donc dans le monde entier proclamer cet évangile de salut tel que vous l'avez reçu des ambassadeurs du royaume, et je vous recevrai dans la communion de la fraternité des fils du Père dans la foi et la vérité. » Après avoir donné cette mission aux Grecs, il prit congé d'eux, et ils ne le virent plus. Ils restèrent dans la maison toute la soirée, car ils étaient trop accablés de crainte respectueuse et transis de peur pour s'aventurer au dehors. Aucun de ces Grecs ne dormit cette nuit-là. Ils restèrent éveillés en discutant ces choses et en espérant que le Maitre leur ferait une nouvelle visite. Il y avait dans ce groupe beaucoup de Grecs qui étaient à Gethsémani quand les soldats arrêtèrent Jésus et que Judas le trahit par un baiser.

190:4.2 Des rumeurs de la résurrection de Jésus et des rapports concernant ses nombreuses apparitions à ses disciples se répandent rapidement. Toute la ville est portée à un haut degré d'agitation. Déjà, le Maitre est apparu à sa famille, aux femmes et aux Grecs, et bientôt il va se manifester au milieu des apôtres. Le sanhédrin ne va pas tarder à commencer l'étude de ces nouveaux problèmes qui s'imposent si soudainement aux dirigeants des Juifs. Jésus pense beaucoup à ses apôtres, mais désire leur laisser encore quelques heures de réflexion solennelle et de considération réfléchie avant de leur rendre visite.

190.5  La Promenade avec Deux Frères

190:5.1 À Emmaüs, à une douzaine de kilomètres à l'ouest de Jérusalem, vivaient deux frères, des bergers, qui avaient passé la semaine de la Pâque à Jérusalem, assistant aux sacrifices, aux cérémonies et aux fêtes. L'ainé, Cléopas, croyait plus ou moins en Jésus ; du moins, il avait été chassé de la synagogue. Son frère Jacob n'était pas croyant, bien qu'il fût fort intrigué par ce qu'il avait entendu au sujet des enseignements et des oeuvres du Maitre.

190:5.2 Ce dimanche après-midi, à cinq kilomètres environ de Jérusalem et quelques minutes avant cinq heures, les deux frères cheminaient sur la route d'Emmaüs en parlant très sérieusement de Jésus, de son enseignement, de ses oeuvres et plus spécialement des rumeurs rapportant que son tombeau était vide et que certaines des femmes lui avaient parlé. Cléopas était à moitié disposé à croire ces rapports, mais Jacob affirmait avec insistance que toute l'affaire était probablement une mystification. Tandis qu'ils raisonnaient et discutaient ainsi sur la route de retour à leur maison, la manifestation morontielle de Jésus, sa septième apparition, s'approcha des deux marcheurs. Cléopas avait souvent entendu Jésus enseigner et avait partagé des repas avec lui en plusieurs occasions chez des croyants de Jérusalem, mais il ne reconnut pas le Maitre, même quand ce dernier leur eut franchement parlé.

190:5.3 Après les avoir accompagnés un bout de chemin, Jésus dit : « Quelles étaient les paroles que vous échangiez si sérieusement lorsque je me suis approché de vous ? » Lorsqu'il eut dit cela, les deux frères s'arrêtèrent et le regardèrent avec une surprise attristée. Cléopas dit : « Est-il possible que tu séjournes à Jérusalem et que tu ne connaisses pas les évènements qui viennent de s'y dérouler ? » Le Maitre demanda : « Quels évènements ? » Cléopas répondit : « Si tu ne connais pas ces choses, tu es le seul à Jérusalem à ne pas avoir entendu les rumeurs concernant Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en paroles et en actions devant Dieu et le peuple. Les chefs des prêtres et nos dirigeants l'ont livré aux Romains en exigeant qu'ils le crucifient. Or, beaucoup d'entre nous avaient espéré que ce serait lui qui délivrerait Israël du joug des Gentils. Mais ce n'est pas tout. Nous sommes maintenant au troisième jour après sa crucifixion, et certaines femmes nous ont stupéfiés aujourd'hui en déclarant qu'elles étaient allées au tombeau et qu'elles l'avaient trouvé vide. Ces mêmes femmes répètent avec insistance qu'elles se sont entretenues avec cet homme et soutiennent qu'il est ressuscité d'entre les morts. Et, quand elles sont allées raconter cela aux hommes, deux de ses apôtres ont couru voir au tombeau et l'ont également trouvé vide » - ici Jacob interrompit son frère pour dire « mais ils n'ont pas vu Jésus » .

190:5.4 Tandis qu'ils poursuivaient leur chemin, Jésus leur dit : « Que vous êtes lents à comprendre la vérité ! Si vous me dites que c'est au sujet des enseignements et des oeuvres de cet homme que vous avez vos discussions, je peux vous éclairer, car je suis plus que familier de ces enseignements. Ne vous souvenez-vous pas que ce Jésus a toujours enseigné que son royaume n'était pas de ce monde et que tous les hommes, étant les fils de Dieu, devraient donc trouver la libération et la liberté dans la joie spirituelle de la communion fraternelle du service expression de l'amour dans ce nouveau royaume de la vérité de l'amour du Père céleste ? Ne vous rappelez-vous pas comment ce Fils de l'Homme proclama le salut de Dieu pour tous les hommes, soignant les malades et les affligés, et libérant ceux qui étaient liés par la peur et esclaves du mal ? Ne savez-vous pas que cet homme de Nazareth a dit à ses disciples qu'il lui faudrait aller à Jérusalem et être livré à ses ennemis qui le mettraient à mort, et qu'il ressusciterait le troisième jour ? Ne vous a-t-on pas dit tout cela ? Et n'avez-vous jamais lu les passages des Écritures concernant ce jour de salut pour les Juifs et les Gentils, où il est dit qu'en lui toutes les familles de la terre seront bénies ; qu'il entendra le cri des nécessiteux et sauvera les âmes des pauvres qui le recherchent ; que toutes les nations le qualifieront de béni ? Que ce Libérateur ressemblera à l'ombre d'un grand rocher dans un pays épuisé. Qu'il nourrira le troupeau comme un vrai berger, rassemblant les agneaux dans ses bras et les portant tendrement sur son sein. Qu'il ouvrira les yeux des aveugles spirituels et fera sortir les prisonniers du désespoir, en pleine liberté et dans la lumière. Que tous ceux qui siègent dans les ténèbres verront la grande lumière du salut éternel. Qu'il pansera les coeurs brisés, proclamera la liberté aux captifs du péché et ouvrira les portes de la prison aux esclaves de la peur et à ceux qui sont enchainés par le mal. Qu'il consolera les affligés et effusera sur eux la joie du salut à la place du chagrin et de l'oppression. Qu'il sera le désir de toutes les nations et la joie perpétuelle de ceux qui recherchent la droiture. Que ce Fils de la vérité et de la droiture se dressera sur le monde avec une lumière de guérison et un pouvoir de salut ; et même qu'il sauvera son peuple de ses péchés ; que réellement il cherchera et sauvera ceux qui sont perdus. Qu'il ne détruira pas les faibles, mais apportera le salut à tous ceux qui ont faim et soif de droiture. Que ceux qui croient en lui auront la vie éternelle. Qu'il répandra son esprit sur toute chair, et qu'en chaque croyant, cet Esprit de Vérité sera une source d'eau vive jaillissant jusque dans la vie éternelle. N'avez-vous pas compris la grandeur de l'évangile du royaume que cet homme vous a donné ? Ne percevez-vous pas combien est grand le salut dont vous bénéficiez ? »

190:5.5 Pendant ce temps, ils étaient arrivés près du village où habitaient ces deux frères. Ces deux hommes n'avaient pas dit un mot depuis que Jésus avait commencé à les enseigner le long de la route. Ils arrivèrent bientôt devant leur humble demeure, et Jésus allait prendre congé d'eux en continuant à descendre la route, mais ils le contraignirent à entrer et à rester avec eux. Ils insistèrent pour qu'il demeurât chez eux, car la nuit allait tomber, et Jésus finit par y consentir. Très peu de temps après être entrés dans la maison, ils s'assirent pour manger. Les frères lui donnèrent le pain à bénir et, tandis qu'il commençait à le rompre et à le leur passer, leurs yeux s'ouvrirent ; Cléopas reconnut que leur hôte était le Maitre lui-même. Dès que Cléopas eut dit : « C'est le Maitre... » , le Jésus morontiel disparut de leur vue.

190:5.6 Alors, ils se dirent l'un à l'autre : « Il n'y a rien d'étonnant à ce que nos coeurs aient brulé en nous quand il nous parlait pendant que nous marchions le long de la route et pendant qu'il ouvrait nos intelligences aux enseignements des Écritures ! »

190:5.7 Ils ne voulurent pas s'attarder à manger. Ils avaient vu le Maitre morontiel. Ils sortirent précipitamment de la maison et se hâtèrent de retourner à Jérusalem pour répandre la bonne nouvelle du Sauveur ressuscité.

190:5.8 Vers les neuf heures ce soir-là, juste avant l'apparition du Maitre aux dix apôtres, ces deux frères surexcités firent irruption auprès des apôtres, dans la salle du haut, en déclarant qu'ils avaient vu Jésus et lui avaient parlé. Ils racontèrent tout ce que Jésus leur avait dit, et comment ils ne l'avaient identifié qu'au moment où il rompit le pain.

191. Apparitions aux Apôtres et à d'autres Disciples

191:0.1 LE DIMANCHE de la résurrection fut un jour terrible dans la vie des apôtres. Dix d'entre eux passèrent la majeure partie de la journée dans la chambre du haut derrière des portes barricadées. Ils auraient pu s'enfuir de Jérusalem, mais ils avaient peur d'être arrêtés par les agents du sanhédrin si on les trouvait dehors. Thomas broyait du noir, tout seul à Bethphagé. Il aurait mieux fait de rester avec les autres apôtres ; il les aurait aidés à orienter leurs discussions dans un sens plus profitable.

191:0.2 Tout au long de la journée, Jean soutint l'idée que Jésus était ressuscité d'entre les morts. Il rappela au moins cinq occasions différentes où le Maitre avait affirmé qu'il ressusciterait, et au moins trois où il avait fait allusion au troisième jour. L'attitude de Jean eut une influence considérable sur les apôtres, spécialement sur son frère Jacques et sur Nathanael. Jean les aurait influencés encore davantage s'il n'avait été le benjamin du groupe.

191:0.3 Leurs difficultés tenaient pour beaucoup à leur isolement. Jean Marc les tenait au courant de ce qui se passait autour du temple et les informait des nombreuses rumeurs qui prenaient corps dans la ville, mais il ne lui vint pas à l'idée de recueillir des nouvelles auprès des divers groupes de croyants auxquels Jésus était déjà apparu. C'était le genre de service rendu jusqu'alors par les messagers de David, mais ceux-ci s'étaient tous absentés pour leur dernière mission d'annonciateurs de la résurrection aux groupes de croyants qui habitaient loin de Jérusalem. Pour la première fois au cours de toutes ces années, les apôtres réalisèrent combien ils avaient dépendu des messagers de David pour être renseignés quotidiennement sur les affaires du royaume.

191:0.4 De sa manière caractéristique, Pierre oscilla émotivement toute la journée entre la foi et le doute au sujet de la résurrection du Maitre. Pierre ne pouvait se détacher de la vision des linges funéraires disposés dans le tombeau comme si le corps de Jésus s'était évaporé de leur intérieur. « Mais » , raisonnait Pierre, « s'il est ressuscité et s'il peut se montrer aux femmes, pourquoi ne se montre-t-il pas à nous, ses apôtres ? » Pierre devenait triste à l'idée que peut-être Jésus ne venait pas vers eux à cause de sa propre présence parmi les apôtres, parce qu'il l'avait renié cette nuit-là dans la cour d'Annas. Ensuite, il tirait réconfort des paroles rapportées par les femmes, « Allez dire à mes apôtres et à Pierre. » Mais, pour tirer un encouragement de ce message, il fallait croire que les femmes avaient réellement vu et entendu le Maitre ressuscité. Ainsi, Pierre oscilla toute la journée entre la foi et le doute jusqu'à peu après huit heures du soir, où il s'aventure à sortir dans la cour. Pierre songeait à s'éloigner des apôtres pour ne pas empêcher Jésus de venir vers eux à cause de son reniement du Maitre.

191:0.5 Jacques Zébédée préconisa d'abord qu'ils devaient tous se rendre au tombeau ; il était fermement d'avis de faire quelque chose pour pénétrer le fond du mystère. Ce fut Nathanael qui les empêcha de se montrer en public selon la demande pressante de Jacques. À cet effet, il leur rappela que Jésus leur avait recommandé de ne pas mettre indument leur vie en péril à ce moment-là. Vers midi, Jacques s'était calmé comme les autres pour rester dans une expectative vigilante. Il parla peu ; il était prodigieusement déçu de constater que Jésus ne leur apparaissait pas, et il ne connaissait pas les nombreuses apparitions du Maitre à d'autres groupes et à d'autres personnes.

191:0.6 André écouta beaucoup ce jour-là. Il était extrêmement perplexe au sujet de la situation et avait plus que sa part de doutes, mais, au moins dans un certain sens, il jouissait de ne plus avoir la responsabilité de guider les autres apôtres. Il était vraiment reconnaissant au Maitre de l'avoir libéré du fardeau du commandement avant qu'ils ne se trouvent confrontés aux évènements de ces heures affolantes.

191:0.7 Plus d'une fois durant les longues heures épuisantes de ce jour tragique, le seul soutien moral pour le groupe fut la fréquente contribution des conseils de Nathanael, avec sa philosophie caractéristique. Il fut réellement l'élément de contrôle parmi les dix durant toute la journée. Pas une seule fois, il ne dit qu'il croyait ou ne croyait pas à la résurrection du Maitre, mais, à mesure que la journée avançait, il eut de plus en plus tendance à croire que Jésus avait tenu sa promesse de résurrection.

191:0.8 Simon Zélotès était trop atterré pour participer aux discussions. La plupart du temps, il resta allongé sur une couche dans un coin de la chambre, le visage tourné contre le mur ; il ne parla pas même une demi-douzaine de fois durant toute la journée. Son concept du royaume s'était effondré, et il ne parvenait pas à discerner que la résurrection du Maitre pouvait matériellement changer la situation. Sa déception était très personnelle et bien trop violente pour qu'il ait pu la surmonter à bref délai, même devant un fait aussi stupéfiant que la résurrection.

191:0.9 Chose étrange, Philippe, qui habituellement ne s'exprimait guère, prit souvent la parole au cours de l'après-midi de ce jour. Durant la matinée, il eut peu à dire, mais, tout au long de l'après-midi, il posa des questions aux autres apôtres. Pierre s'irritait souvent des questions de Philippe, mais les autres les prenaient de bonne grâce. Philippe était particulièrement désireux de savoir, au cas où Jésus serait réellement sorti de sa tombe, si son corps porterait les marques physiques de la crucifixion.

191:0.10 Matthieu était dans une grande confusion ; il écouta les discussions de ses compagnons, mais passa la majeure partie de son temps à retourner dans sa tête le problème de leurs futures finances. Indépendamment de la résurrection supposée de Jésus, Judas avait disparu, David avait, sans cérémonie, remis les fonds à Matthieu, et ils n'avaient plus de chef ayant autorité. Avant que Matthieu ne se soit décidé à considérer sérieusement leurs arguments sur la résurrection, il avait déjà revu le Maitre face à face.

191:0.11 Les jumeaux Alphée ne prirent guère part à ces débats ; ils étaient suffisamment occupés à leurs travaux habituels. Répondant à une question de Philippe, l'un d'eux exprima leur opinion commune en disant : « Nous ne comprenons pas l'histoire de la résurrection, mais notre mère dit qu'elle a parlé au Maitre, et nous la croyons. »

191:0.12 Thomas traversait une de ses périodes typiques de dépression désespérante. Il dormit une partie de la journée et se promena dans les collines le reste du temps. Il se sentait poussé à rejoindre ses compagnons, mais son désir de solitude fut plus fort.

191:0.13 Le Maitre retarda sa première apparition morontielle aux apôtres pour plusieurs raisons. D'abord, il voulait qu'après avoir entendu parler de la résurrection, ils aient le temps de bien réfléchir à ce qu'il leur avait dit sur sa mort et sa résurrection alors qu'il était encore avec eux dans la chair. Le Maitre voulait que Pierre ait triomphé dans sa lutte contre certaines de ses difficultés particulières avant de se manifester à eux tous. En second lieu, il désirait que Thomas fût avec eux lors de sa première apparition. De bonne heure ce dimanche matin, Jean Marc repéra Thomas chez Simon à Bethphagé et en informa les apôtres vers onze heures. À tout moment durant cette journée, Thomas serait retourné vers eux si Nathanael ou deux autres apôtres étaient venus le chercher. Il avait réellement le désir de revenir, mais, après la manière dont il les avait quittés la veille au soir, il était trop orgueilleux pour le faire si tôt de son propre chef. Le lendemain sa dépression était telle qu'il lui fallut presque une semaine pour se décider à revenir. Les apôtres l'attendaient, et lui attendait que ses compagnons viennent le chercher et lui demandent de revenir auprès d'eux. Thomas resta donc éloigné de ses associés jusqu'au soir du samedi suivant où, après la tombée de la nuit, Pierre et Jean allèrent à Bethphagé et le ramenèrent avec eux. C'est aussi la raison pour laquelle ils ne partirent pas immédiatement pour la Galilée après que Jésus leur fut apparu pour la première fois. Ils ne voulaient pas partir sans Thomas.

191.1  L'Apparition à Pierre

191:1.1 Il était près de huit heures et demie, ce dimanche soir, lorsque Jésus apparut à Simon Pierre dans le jardin de la demeure de Marc. Ce fut sa huitième manifestation morontielle. Depuis son reniement du Maitre, Pierre avait constamment vécu avec un lourd fardeau de doute et de culpabilité. Toute la journée du samedi et ce dimanche, il avait lutté contre la peur de n'être peut-être plus un apôtre. Il avait frémi d'horreur devant le sort de Judas et même pensé avoir, lui aussi, trahi son Maitre. Tout au long de cet après-midi, il songea que c'était peut-être sa présence parmi les apôtres qui avaient empêché Jésus de leur apparaître, bien entendu à condition qu'il fût réellement ressuscité d'entre les morts. Et ce fut à Pierre, dans cette disposition mentale et dans cet état d'âme, que Jésus apparut pendant que l'apôtre déprimé déambulait parmi les fleurs et les arbustes.

191:1.2 Quand Pierre songea au regard affectueux du Maitre passant par le porche d'Annas, quand il retourna dans sa tête le merveilleux message « Allez dire à mes apôtres - et à Pierre... » que lui avaient apporté tôt dans la matinée les femmes revenant du tombeau vide, quand il contempla ces gages de miséricorde, sa foi commença à triompher de ses doutes ; il s'arrêta, serra les poings et dit à haute voix : « Je crois qu'il est ressuscité d'entre les morts ; je vais aller le dire à mes frères » . À ces mots, la forme d'un homme apparut soudainement devant lui, une forme qui lui parlait d'une voix familière en disant : « Pierre, l'ennemi désirait t'avoir, mais je n'ai pas voulu t'abandonner à lui. Je savais que ce n'était pas dans ton coeur que tu m'avais renié ; je t'avais donc pardonné avant même que tu ne le demandes. Maintenant il faut cesser de penser à toi-même et aux difficultés du moment, mais te préparer à apporter la bonne nouvelle de l'évangile à ceux qui se trouvent dans les ténèbres. Il ne faut plus t'occuper de ce que tu peux obtenir du royaume, mais plutôt t'inquiéter de ce que tu peux donner à ceux qui vivent dans une affreuse misère spirituelle. Ceins-toi, Simon, pour la bataille d'un nouveau jour, pour la lutte contre les ténèbres spirituelles et la tendance au doute funeste du mental naturel de l'homme. »

191:1.3 Pierre et le Jésus morontiel marchèrent dans le jardin et parlèrent, pendant près de cinq minutes, du passé, du présent et de l'avenir. Puis le Maitre disparut de sa vue en disant : « Au revoir, Pierre, jusqu'à ce que je te voie avec tes frères. »

191:1.4 Pendant un instant, Pierre fut suffoqué par la réalisation du fait qu'il avait parlé avec le Maitre ressuscité et qu'il pouvait être certain d'être encore un ambassadeur du royaume. Il venait d'entendre le Maitre glorifié l'exhorter à poursuivre la prédication de l'évangile. Tout cela jaillissait dans son coeur ; il se précipita dans la salle du haut où se trouvaient ses compagnons et, haletant d'excitation, s'écria : « J'ai vu le Maitre ; il était dans le jardin. Je lui ai parlé, et il m'a pardonné. »

191:1.5 La déclaration de Pierre disant qu'il avait vu Jésus dans le jardin fit une profonde impression sur ses compagnons apôtres. Ils étaient presque prêts à abandonner leurs doutes quand André se leva et leur recommanda de ne pas trop se laisser influencer par le compte rendu de son frère. André leur laissa entendre que Pierre avait déjà vu des choses irréelles. Sans faire directement allusion à la vision de la nuit sur la Mer de Galilée où Pierre avait prétendu voir le Maitre venant vers eux en marchant sur les eaux, André en dit assez pour laisser entendre à tous les apôtres qu'il gardait cet incident présent à la mémoire. Simon Pierre fut très froissé par les insinuations de son frère et tomba immédiatement dans un mutisme déconfit. Les jumeaux furent désolés pour Pierre et allèrent tous deux auprès de lui pour lui exprimer leur sympathie, et lui dire qu'ils le croyaient, et pour réaffirmer que leur propre mère avait également vu le Maitre.

191.2  Première Apparition aux Apôtres

191:2.1 Peu après neuf heures ce soir-là, après le départ de Cléopas et Jacob, et tandis que les jumeaux Alphée consolaient Pierre, que Nathanael faisait des remontrances à André et que les dix apôtres étaient là, assemblés dans la chambre du haut en ayant verrouillé toutes les portes par crainte d'être arrêtés, le Maitre apparut soudain au milieu d'eux sous sa forme morontielle en disant : « Que la paix soit sur vous. Pourquoi êtes-vous si effrayés quand j'apparais, comme si vous aviez vu un esprit ? Ne vous avais-je pas parlé de ces choses quand j'étais présent en incarnation avec vous ? Ne vous avais-je pas dit que les chefs des prêtres et les dirigeants me livreraient à la mort, que l'un de vous me trahirait et que je ressusciterais le troisième jour ? Pourquoi donc tous vos doutes et toute cette discussion sur les comptes rendus des femmes, de Cléopas et de Jacob, et même de Pierre ? Combien de temps douterez-vous de mes paroles et refuserez-vous de croire à mes promesses ? Et, maintenant que vous me voyez en réalité, allez-vous croire ? Même maintenant l'un d'entre vous est absent. Quand vous serez réunis une fois de plus et après que vous saurez tous avec certitude que le Fils de l'Homme est sorti du tombeau, partez d'ici pour la Galilée. Ayez foi en Dieu, ayez foi les uns dans les autres, et vous entrerez ainsi dans le nouveau service du royaume des cieux. Je resterai à Jérusalem avec vous jusqu'à ce que vous soyez prêts à aller en Galilée. Je vous laisse ma paix. »

191:2.2 Quand le Jésus morontiel leur eut ainsi parlé, il disparut de leur vue en un instant. Ils tombèrent tous face contre terre, louant Dieu et vénérant leur Maitre disparu. Ce fut la neuvième apparition morontielle du Maitre.

191.3  Avec les Créatures Morontielles

191:3.1 Jésus passa le lendemain lundi tout entier avec les créatures morontielles alors présentes sur Urantia. Plus d'un million de directeurs morontiels avec leurs associés, ainsi que des mortels de divers ordres en transition sur les sept mondes des maisons de Satania, étaient venus sur Urantia pour participer à l'expérience de transition morontielle du Maitre. Le Jésus morontiel séjourna durant quarante jours avec ces splendides intelligences. Il les instruisit, et apprit de leurs directeurs la vie de transition morontielle telle que les mortels des mondes habités de Satania la traversent en passant par le système des sphères morontielles.

191:3.2 Ce lundi vers minuit, la forme morontielle du Maitre fut ajustée pour la transition au second stade de progression morontielle. Lors de son apparition suivante sur terre, à ses enfants mortels, il était un être morontiel du second stade. À mesure que le Maitre progressait dans la carrière morontielle, les intelligences morontielles et leurs associés transformateurs éprouvaient des difficultés techniques croissantes à rendre le Maitre visible aux yeux matériels des mortels.

191:3.3 Jésus effectua le transit au troisième stade morontiel le vendredi 14 avril ; au quatrième stade le lundi 17 avril ; au cinquième stade le samedi 22 avril ; au sixième stade le jeudi 27 avril ; au septième stade le mardi 2 mai ; à la citoyenneté de Jérusem le dimanche 7 mai ; et il entra dans l'embrassement des Très Hauts d'Édentia le dimanche 14 mai.

191:3.4 Micaël de Nébadon paracheva ainsi son service d'expérience universelle, car déjà, en liaison avec ses effusions antérieures, il avait fait la pleine expérience de la vie des ascendeurs du temps et de l'espace, depuis le séjour au siège de la constellation jusqu'au service du quartier général du superunivers y compris. Ce fut par ces expériences morontielles que le Fils Créateur de Nébadon acheva réellement et termina d'une manière agréable à Dieu sa septième et dernière effusion dans l'univers.

191.4  La Dixième Apparition (à Philadelphie)

191:4.1 La dixième manifestation morontielle de Jésus à la récognition des mortels se produisit, peu après huit heures le mardi 11 avril, à Philadelphie. Il se montra à Abner, à Lazare et à environ cent-cinquante de leurs associés, y compris plus de cinquante membres du corps évangélique des soixante-dix. Cette apparition eut lieu dans la synagogue, juste après l'ouverture d'une réunion spécialement convoquée par Abner pour discuter de la crucifixion de Jésus et le rapport plus récent sur sa résurrection apporté par le messager de David. Puisque Lazare ressuscité faisait maintenant partie de ce groupe de croyants, il ne leur était pas difficile de croire à la nouvelle que Jésus était ressuscité d'entre les morts.

191:4.2 La séance dans la synagogue venait d'être ouverte par Abner et Lazare qui se tenaient ensemble dans la chaire, lorsque tout l'auditoire de croyants vit la forme du Maitre apparaître soudainement. Il s'avança de l'endroit où il était apparu entre Abner et Lazare, qui ne l'avaient remarqué ni l'un ni l'autre, salua l'assemblée et dit :

191:4.3 « Que la paix soit sur vous. Vous savez tous que nous avons un seul Père au ciel et qu'il n'existe qu'un seul évangile du royaume - la bonne nouvelle du don de la vie éternelle que les hommes reçoivent par la foi. En vous réjouissant dans votre fidélité à l'évangile, priez le Père de la vérité de répandre dans votre coeur un nouvel et plus grand amour pour vos frères. Il vous faut aimer tous les hommes comme je vous ai aimés : il vous faut servir tous les hommes comme je vous ai servis. Avec une sympathie compréhensive et une compréhension fraternelle, considérez comme vos compagnons tous vos frères consacrés à la proclamation de la bonne nouvelle, qu'ils soient Juifs ou Gentils, Grecs ou Romains, Perses ou Éthiopiens. Jean a prêché le royaume par anticipation ; vous avez prêché l'évangile en puissance ; les Grecs enseignent déjà la bonne nouvelle ; et moi, je vais bientôt envoyer l'Esprit de Vérité dans l'âme de tous ces hommes, mes frères qui ont si généreusement consacré leur vie à l'illumination de leurs compagnons plongés dans les ténèbres spirituelles. Vous êtes tous des enfants de lumière ; ne trébuchez donc pas dans l'enchevêtrement de la mésentente due à la méfiance et à l'intolérance humaines. Si, par la grâce de la foi, vous êtes ennoblis jusqu'à aimer les incroyants, ne devriez-vous pas aussi aimer également vos compagnons croyants de la grande famille de la foi ? Rappelez-vous que, dans la mesure où vous vous aimerez les uns les autres, tous les hommes sauront que vous êtes mes disciples.

191:4.4 « Allez donc dans le monde entier proclamer à toutes les nations et races cet évangile de la paternité de Dieu et de la fraternité des hommes, et soyez toujours sages dans le choix de vos méthodes pour présenter la bonne nouvelle aux différentes races et tribus de l'humanité. Vous avez reçu libéralement cet évangile du royaume ; vous apporterez libéralement la bonne nouvelle à toutes les nations. Ne craignez pas la résistance du mal, car je suis avec vous pour toujours, même jusqu'à la fin des âges. Et je vous laisse ma paix. »

191:4.5 Après avoir dit « Je vous laisse ma paix » , il disparut de leur vue. À l'exception d'une de ses apparitions en Galilée, où plus de cinq-cents croyants le virent simultanément, ce groupe de Philadelphie comportait le plus grand nombre de mortels qui l'aient vu ensemble en une seule et même occasion.

191:4.6 Le lendemain matin de bonne heure, alors que les apôtres s'attardaient encore à Jérusalem en attendant que Thomas retrouve son équilibre émotionnel, ces croyants de Philadelphie s'en allèrent proclamer que Jésus de Nazareth était ressuscité d'entre les morts.

191:4.7 Jésus passa le lendemain, mercredi, sans interruption en compagnie de ses associés morontiels. Au milieu de l'après-midi, il reçut la visite de délégués morontiels venant des mondes des maisons de chacun des systèmes locaux de sphères habitées de toute la constellation de Norlatiadek, et tous se réjouirent de connaître leur Créateur comme membre de leur propre ordre d'intelligences de l'univers.

191.5  Seconde Apparition aux Apôtres

191:5.1 Thomas passa une semaine seul avec lui-même dans les collines entourant Olivet. Durant ce temps, il ne vit que Jean Marc et les habitants de la maison de Simon. Il était environ neuf heures du soir, le samedi 15 avril, lorsque les deux apôtres le trouvèrent et le ramenèrent à leur point de rassemblement chez les Marc. Le lendemain, Thomas les écouta raconter les histoires des différentes apparitions du Maitre, mais refusa obstinément de croire. Il soutint que Pierre, par son enthousiasme, leur avait fait croire qu'ils avaient vu le Maitre. Nathanael le raisonna, mais sans succès. Un entêtement émotif s'était associé à ses doutes habituels, et cet état mental, doublé du chagrin de les avoir fuis, contribuait à créer une situation d'isolement que Thomas lui-même ne comprenait pas pleinement. Il s'était écarté de ses compagnons, il avait suivi sa propre voie, et maintenant, même de retour parmi eux, il tendait inconsciemment à prendre une attitude de désaccord. Thomas fut lent à se rendre ; il n'aimait pas céder. Sans en avoir l'intention, il jouissait vraiment de l'intérêt qu'on lui portait ; il tirait inconsciemment satisfaction des efforts de tous ses compagnons pour le convaincre et le convertir. Ils lui avaient manqué pendant toute une semaine, et Thomas prenait grand plaisir à leurs persistantes attentions.

191:5.2 Ils prenaient leur repas du soir un peu après six heures, avec Thomas assis entre Pierre et Nathanael, lorsque l'apôtre incrédule dit : « Je ne croirai pas avant d'avoir vu le Maitre de mes propres yeux et mis mon doigt dans la marque des clous. » Tandis qu'ils étaient ainsi assis à souper et que les portes étaient soigneusement fermées et verrouillées, le Maitre sous sa forme morontielle apparut soudainement dans le fer à cheval de la table, se tenant directement en face de Thomas et dit :

191:5.3 « Que la paix soit sur vous. Pendant toute une semaine, je me suis attardé pour pouvoir vous apparaître de nouveau quand vous seriez tous réunis pour entendre une fois de plus le commandement d'aller dans le monde entier prêcher cet évangile du royaume. Je vous le répète : De même que le Père m'a envoyé dans le monde, je vous y envoie. De même que j'ai révélé le Père, de même vous révèlerez l'amour divin, non simplement avec des paroles, mais dans votre vie quotidienne. Je vous envoie non pour aimer l'âme des hommes, mais plutôt pour aimer les hommes. Il ne suffit pas que vous proclamiez les joies du ciel ; il faut aussi que vous démontriez les réalités d'esprit de la vie divine dans votre expérience quotidienne, puisque vous avez déjà, par votre foi, la vie éternelle comme don de Dieu. Puisque vous avez la foi, quand le pouvoir d'en haut, l'Esprit de Vérité, sera venu sur vous, vous ne cacherez pas votre lumière ici derrière des portes fermées ; vous ferez connaître à toute l'humanité l'amour et la miséricorde de Dieu. Par peur, vous fuyez maintenant devant les faits d'une expérience désagréable, mais, quand vous aurez été baptisés de l'Esprit de Vérité, vous irez bravement et joyeusement au-devant des nouvelles expériences où vous proclamerez la bonne nouvelle de la vie éternelle dans le royaume de Dieu. Vous pouvez rester ici et en Galilée durant une brève période, pour vous remettre du choc de transition entre la fausse sécurité de l'autorité du traditionalisme et le nouvel ordre de l'autorité des faits, de la vérité et de la foi dans les réalités suprêmes de l'expérience vivante. Votre mission dans le monde est basée sur le fait que j'ai vécu parmi vous une vie révélant Dieu, sur la vérité que vous êtes les fils de Dieu ainsi que tous les autres hommes. Cette mission se concrétisera dans la vie que vous vivrez parmi les hommes - l'expérience effective et vivante d'aimer les hommes et de les servir, comme je vous ai aimés et servis. Que la foi révèle votre lumière au monde ; que la révélation de la vérité ouvre les yeux aveuglés par la tradition ; que votre service expression de l'amour détruise efficacement les préjugés engendrés par l'ignorance. En vous rapprochant ainsi de vos contemporains par une sympathie compréhensive et par un dévouement désintéressé, vous les conduirez au salut par la connaissance de l'amour du Père. Les Juifs ont prôné la bonté, les Grecs ont exalté la beauté, les Hindous prêchent la dévotion ; les lointains ascètes enseignent le respect ; les Romains exigent la fidélité ; mais moi, je demande que la vie de mes disciples soit même une vie de service expression de l'amour pour vos frères dans la chair. »

191:5.4 Après avoir ainsi parlé, le Maitre abaissa le regard sur le visage de Thomas et dit : « Et toi, Thomas, qui as dit que tu ne croirais pas à moins de me voir et de mettre ton doigt dans les marques des clous sur mes mains, maintenant tu m'as vu et entendu mes paroles. Bien que tu ne voies aucune marque de clous sur mes mains, puisque je suis élevé sous une forme que tu revêtiras aussi quand tu quitteras ce monde, que vas-tu dire à tes frères ? Tu reconnaîtras la vérité, car déjà dans ton coeur tu avais commencé à croire, même quand tu affirmais si résolument ton incroyance. Thomas, c'est juste au moment où tes doutes commencent à s'effriter qu'ils s'affirment avec le plus d'entêtement. Thomas, je te demande de ne pas manquer de foi, mais d'être croyant - et je sais que tu croiras, et même de tout ton coeur. »

191:5.5 Quand Thomas entendit ces paroles, il tomba à genoux devant le Maitre morontiel et s'écria : « Je crois ! Mon Seigneur et mon Maitre ! » Alors, Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, Thomas, parce que tu m'as réellement vu et entendu. Bénis soient, dans les âges à venir, ceux qui croiront même sans avoir vu avec les yeux de la chair ni entendu avec les oreilles de mortels. »

191:5.6 Ensuite, tandis que sa forme s'approchait de l'extrémité de la table, le Maitre s'adressa au groupe en disant : « Maintenant, allez tous en Galilée où je vous apparaîtrai bientôt. » Et, après avoir dit cela, il disparut de leur vue.

191:5.7 Les onze apôtres étaient maintenant pleinement convaincus que Jésus était ressuscité d'entre les morts et, de très bonne heure le lendemain matin, avant l'aube, ils partirent pour la Galilée.

191.6  L'Apparition à Alexandrie

191:6.1 Pendant que les onze apôtres faisaient route vers la Galilée et approchaient du terme de leur voyage, le mardi 18 avril vers huit heures et demie du soir, Jésus apparut à Rodan et à environ quatre-vingts autres croyants, à Alexandrie. C'était la douzième apparition du Maitre sous forme morontielle. Jésus apparut devant ces Grecs et ces Juifs au moment où un messager de David terminait son compte rendu de la crucifixion. Ce messager était le cinquième coureur de relais sur la route venant de Jérusalem, et il était arrivé tard dans l'après-midi à Alexandrie. Après qu'il eut remis son message à Rodan, il fut décidé de convoquer les croyants pour qu'ils reçoivent la tragique nouvelle de la bouche du messager lui-même. Vers huit heures, Nathan de Busiris, le messager, se présenta aux croyants et leur raconta en détail tout ce que le précédent coureur lui avait dit. Nathan termina son touchant récit par ces paroles : « Mais David, qui nous envoie cette nouvelle, rapporte qu'en annonçant d'avance sa mort, le Maitre avait déclaré qu'il ressusciterait. » Tandis que Nathan parlait encore, le Maitre morontiel apparut là, aux regards de tous, et, lorsque Nathan s'assit, Jésus dit :

191:6.2 « Que la paix soit sur vous. Ce que mon Père m'a envoyé établir dans le monde n'appartient ni à une race, ni à une nation, ni à un groupe spécial d'éducateurs ou de prédicateurs. Cet évangile du royaume appartient aux Juifs et aux Gentils, aux riches et aux pauvres, aux hommes libres et aux esclaves, aux hommes et aux femmes, et même aux petits enfants. Il vous faut tous proclamer cet évangile d'amour et de vérité par la vie que vous vivez dans la chair. Vous vous aimerez les uns les autres d'un amour nouveau et remarquable, comme je vous ai aimés. Vous servirez l'humanité avec une dévotion nouvelle et étonnante, comme je vous ai servis. Quand les hommes verront que vous les aimez ainsi, et combien vous les servez avec ferveur, ils percevront que vous êtes entrés par la foi dans la communauté du royaume des cieux ; alors, ils suivront l'Esprit de Vérité, qu'ils apercevront dans votre vie, jusqu'à ce qu'ils trouvent le salut éternel.

191:6.3 « De même que le Père m'a envoyé dans ce monde, je vous y envoie aussi maintenant. Vous êtes tous appelés à porter la bonne nouvelle à ceux qui sont plongés dans les ténèbres. Cet évangile du royaume appartient à tous ceux qui y croient ; il ne sera pas remis à la garde des seuls prêtres. Bientôt l'Esprit de Vérité viendra sur vous et vous conduira dans toute la vérité. Donc, allez dans le monde entier prêcher cet évangile, et voyez, je suis avec vous toujours, même jusqu'à la fin des âges. »

191:6.4 Après avoir ainsi parlé, le Maitre disparut de leur vue. Ces croyants restèrent là ensemble toute la nuit, racontant leurs expériences de croyants au royaume et écoutant longuement Rodan et ses associés. Et ils crurent tous que Jésus était ressuscité d'entre les morts. Un messager de David arriva le surlendemain pour leur annoncer la résurrection. Imaginez sa surprise lorsqu'ils répondirent à son annonce en disant : « Oui, nous le savons, car nous avons vu le Maitre. Il est apparu devant nous avant-hier. »

192. Apparitions en Galilée

192:0.1 AU MOMENT où les apôtres quittèrent Jérusalem pour la Galilée, les dirigeants juifs s'étaient considérablement calmés. Du fait que Jésus n'était apparu qu'à sa famille de croyants au royaume, et du fait que les apôtres se cachaient et ne prêchaient pas en public, les chefs des Juifs conclurent que, somme toute, le mouvement de l'évangile était bien écrasé. Bien entendu, ils étaient déconcertés par la rumeur croissante que Jésus était ressuscité d'entre les morts, mais ils comptaient sur les gardes soudoyés pour contrecarrer efficacement les effets de toutes ces histoires en répétant le récit qu'une troupe de disciples de Jésus avait enlevé son corps.

192:0.2 Depuis ce moment-là, et jusqu'à ce que les apôtres eussent été dispersés par la marée montante des persécutions, Pierre fut le chef généralement reconnu du corps apostolique. Jamais Jésus ne lui donna pareille autorité, et jamais ses compagnons apôtres ne l'élurent officiellement à un tel poste de responsabilité ; il l'assuma naturellement et le conserva par consentement général - et aussi parce qu'il était parmi eux le principal prédicateur. Les sermons publics devinrent désormais l'occupation majeure des apôtres. Après leur retour de Galilée, Matthias, qu'ils choisirent pour remplacer Judas, devint leur trésorier.

192:0.3 Durant la semaine où ils demeurèrent à Jérusalem, Marie, mère de Jésus, passa une grande partie de son temps avec les femmes croyantes qui logeaient chez Joseph d'Arimathie.

192:0.4 Le lundi matin où les apôtres partirent à l'aube pour la Galilée, Jean Marc partit aussi et les suivit hors de la ville, et, quand ils furent bien au delà de Béthanie, il s'avança hardiment parmi eux, persuadé qu'ils ne le renverraient pas.

192:0.5 Les apôtres s'arrêtèrent plusieurs fois sur la route de Galilée pour raconter l'histoire de leur Maitre ressuscité ; ils n'arrivèrent donc à Bethsaïde que très tard le mercredi soir. Il fallut attendre le jeudi midi pour qu'ils fussent tous réveillés et prêts à prendre leur repas matinal.

192.1  Apparition près du Lac

192:1.1 Le vendredi matin 21 avril vers six heures, le Maitre morontiel fit sa treizième apparition, la première en Galilée, aux dix apôtres pendant que leur bateau s'approchait du rivage près de l'embarcadère habituel de Bethsaïde.

192:1.2 La veille, après que les apôtres eurent passé l'après-midi et le commencement de la soirée dans l'expectative chez Zébédée, Simon Pierre leur suggéra d'aller pêcher. Lorsque Pierre proposa cette expédition de pêche, ils décidèrent tous de s'y joindre. Ils peinèrent toute la nuit avec leurs filets, mais n'attrapèrent pas de poissons. Il leur était un peu indifférent de ne pas faire de prise, car ils avaient beaucoup d'expériences intéressantes à se raconter sur les choses qui leur étaient si récemment arrivées à Jérusalem. Mais, au lever du jour, ils décidèrent de retourner à Bethsaïde. En approchant du rivage, ils virent quelqu'un sur la grève, près du débarcadère, debout à côté d'un feu. Ils crurent d'abord que c'était Jean Marc venu les accueillir, eux et leur pêche, à leur retour, mais, en s'approchant encore du rivage, ils virent qu'ils s'étaient trompés - l'homme était trop grand pour être Jean. Aucun d'eux n'avait eu l'idée que la personne qui se tenait sur la plage était le Maitre. Ils ne comprenaient pas bien pourquoi Jésus voulait les rencontrer en plein air, parmi les scènes de leur première vie en commun, et en contact avec la nature, loin de l'ambiance fermée de Jérusalem avec ses associations tragiques de peur, de trahison et de mort. Il leur avait dit que, s'ils allaient en Galilée, il les y rencontrerait, et il était sur le point de tenir sa promesse.

192:1.3 Tandis que les apôtres jetaient l'ancre et se préparaient à monter dans la petite barque pour accoster, l'homme sur la plage les interpella : « Garçons, avez-vous pris quelque chose ? » Quand ils eurent répondu « Non » , l'homme leur dit encore : « Jetez le filet à droite du bateau, et vous trouverez du poisson. » Ils ne savaient pas encore que c'était Jésus qui leur donnait ce conseil, mais, d'un commun accord, ils jetèrent le filet comme on le leur avait dit, et il fut immédiatement rempli au point qu'ils pouvaient à peine le hisser. Or, Jean Zébédée avait l'esprit vif ; lorsqu'il vit le filet lourdement chargé, il perçut que c'était le Maitre qui leur avait parlé. Dès que cette pensée lui vint, il se pencha vers Pierre et lui dit à voix basse : « C'est le Maitre. » Pierre était toujours un homme d'actions impulsives et de dévotion impétueuse. Dès que Jean lui eut soufflé cela à l'oreille, il se dressa et se jeta à l'eau pour rejoindre le Maitre au plus vite. Ses frères le suivirent de près et accostèrent avec la petite barque en halant derrière eux le filet plein de poissons.

192:1.4 Entretemps, Jean Marc s'était levé ; voyant les apôtres accoster avec le filet lourdement chargé, il courut à la plage à leur rencontre. Apercevant onze hommes au lieu de dix, il conjectura que l'inconnu était Jésus ressuscité et, tandis que les dix hommes étonnés le regardaient en silence, le jeune homme se précipita vers le Maitre, s'agenouilla à ses pieds et dit : « Mon Seigneur et mon Maitre. » Alors, Jésus parla non pas comme à Jérusalem où il les avait salué en disant « Que la paix soit sur vous » , mais il s'adressa d'un ton ordinaire à Jean Marc en lui disant : « Eh bien, Jean, je suis heureux de te revoir dans cette Galilée insouciante où nous pourrons avoir un bon entretien. Reste avec nous, Jean, et viens déjeuner. »

192:1.5 Tandis que Jésus parlait au jeune homme, les dix étaient tellement étonnés et surpris qu'ils en oublièrent de haler sur la grève le filet aux poissons. Jésus dit alors : « Ramenez vos poissons et préparez-en quelques-uns pour le déjeuner. Nous avons déjà du feu et beaucoup de pain. »

192:1.6 Pendant que Jean Marc rendait hommage au Maitre, Pierre reçut un choc à la vue des braises qui rougeoyaient là sur la plage. La scène lui rappelait avec tellement de vivacité le feu de charbon de bois à minuit dans la cour d'Annas, où il avait renié le Maitre, mais il se ressaisit, s'agenouilla aux pieds de Jésus et s'écria : « Mon Seigneur et mon Maitre ! »

192:1.7 Ensuite, Pierre se joignit à ses camarades qui halaient le filet. Après avoir amené leur prise à terre, ils comptèrent les poissons et en trouvèrent 153 gros. Ils renouvelèrent l'erreur d'appeler cela une pêche miraculeuse. Il n'y eut aucun miracle lié à cet épisode. Le Maitre avait simplement exercé sa préconnaissance. Il savait que les poissons étaient là, et indiqué, en conséquence aux apôtres, où il fallait lancer leur filet.

192:1.8 Jésus leur dit ensuite : « Maintenant, venez tous déjeuner ; même les jumeaux devraient s'assoir pendant que je m'entretiens avec vous. Jean Marc préparera les poissons. » Jean Marc apporta sept poissons de bonne taille ; le Maitre les mit sur le feu et, quand ils furent cuits, le garçon les servit aux dix. Puis Jésus rompit le pain et le passa à Jean qui, à son tour, le servit aux apôtres affamés. Après que tous eurent été servis, Jésus pria Jean Marc de s'assoir tandis que lui-même servait le poisson et le pain au jeune garçon. Pendant qu'ils mangeaient, Jésus s'entretint avec eux et leur rappela leurs nombreuses expériences communes en Galilée et près de ce même lac.

192:1.9 C'était la troisième fois que Jésus s'était manifesté aux apôtres réunis en groupe. Au début, quand Jésus les interpella en leur demandant s'ils avaient du poisson, ils ne soupçonnèrent pas son identité ; en effet, c'était une expérience très courante pour ces pêcheurs de la Mer de Galilée d'être accostés ainsi, en abordant au rivage, par les marchands de poisson de Tarichée ; ceux-ci étaient généralement là en vue d'acheter les prises fraiches pour les établissements de séchage.

192:1.10 Jésus s'entretint durant plus d'une heure avec les dix apôtres et Jean Marc. Ensuite, il marcha de long en large sur la grève et leur parla en les prenant deux par deux - mais les paires d'apôtres étaient différentes de celles qu'il avait tout d'abord envoyées répandre l'enseignement. Les onze apôtres étaient descendus tous ensemble de Jérusalem, mais, à mesure qu'ils s'approchaient de la Galilée, Simon Zélotès se découragea de plus en plus, si bien qu'au moment où ils arrivèrent à Bethsaïde, il abandonna ses frères et retourna chez lui.

192:1.11 Avant de prendre congé d'eux, ce matin-là, Jésus demanda que deux apôtres se portent volontaires pour aller chercher Simon Zélotès et le ramener le même jour. Et c'est ce que firent Pierre et André.

192.2  Entretiens avec les Apôtres Deux par Deux

192:2.1 Quand ils eurent fini de déjeuner, et tandis que les autres restaient assis près du feu, Jésus fit signe à Pierre et à Jean de l'accompagner dans une promenade sur la grève. Au cours de leur marche, Jésus dit à Jean : « Jean, m'aimes-tu ? » Et, lorsque Jean eut répondu : « Oui, Maitre, de tout mon coeur » , le Maitre dit : « Alors, Jean, renonce à ton intolérance et apprends à aimer les hommes comme je t'ai aimé. Consacre ta vie à prouver que l'amour est la plus grande chose du monde. C'est l'amour de Dieu qui pousse les hommes à chercher le salut. L'amour est l'ancêtre de toute bonté spirituelle, il est l'essence du vrai et du beau. »

192:2.2 Jésus se tourna ensuite vers Pierre et lui demanda : « Pierre, m'aimes-tu ? » Pierre répondit : « Seigneur, tu sais que je t'aime de toute mon âme. » Alors, Jésus dit : « Si tu m'aimes, Pierre, nourris mes agneaux. Ne néglige pas ton ministère auprès des faibles, des pauvres et des jeunes. Prêche l'évangile sans crainte ni préférence ; n'oublie jamais que Dieu ne fait pas acception de personnes. Sers tes semblables comme je t'ai servi, pardonne à tes compagnons mortels comme je t'ai pardonné. Laisse l'expérience t'enseigner la valeur de la méditation et le pouvoir de la réflexion intelligente. »

192:2.3 Après qu'ils eurent marché encore un peu plus loin, le Maitre se tourna vers Pierre et demanda : « Pierre, m'aimes-tu réellement ? » Et Simon dit alors : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. » Et Jésus dit de nouveau : « Alors, prends bien soin de mes brebis. Sois un bon et fidèle berger pour le troupeau. Ne trahis pas sa confiance en toi. Ne te laisse pas surprendre par l'ennemi. Reste tout le temps sur tes gardes - veille et prie. »

192:2.4 Après qu'ils eurent encore fait quelques pas, Jésus se tourna vers Pierre et lui demanda pour la troisième fois : « Pierre, m'aimes-tu vraiment ? » Alors, Pierre, légèrement attristé du manque apparent de confiance du Maitre envers lui, dit avec une profonde émotion : « Seigneur, tu connais toutes choses ; tu sais donc que je t'aime réellement et vraiment. » Alors, Jésus lui dit : « Nourris mes brebis. N'abandonne pas le troupeau. Sers d'exemple et d'inspiration à tous tes compagnons bergers. Aime le troupeau comme je t'ai aimé, et consacre-toi à son bien-être comme j'ai consacré ma vie à ton bien-être. Et suis-moi jusqu'à la fin. »

192:2.5 Pierre interpréta littéralement cette dernière recommandation - qu'il devait continuer à suivre Jésus. Se tournant vers lui, il montra Jean du doigt et demanda : « Si je te suis, que fera celui-là ? » Percevant que Pierre avait mal compris ses paroles, Jésus dit : « Pierre, ne t'occupe pas de ce que feront tes frères. Si je veux que Jean reste après que tu seras parti, et même jusqu'à ce que je revienne, en quoi cela te concerne-t-il ? Assure-toi seulement que tu me suis. »

192:2.6 Cette remarque se répandit parmi les frères et fut reçue comme une affirmation de Jésus que Jean ne mourrait pas avant que le Maitre ne revienne établir le royaume en puissance et en gloire, comme beaucoup le pensaient et l'espéraient. Et ce fut cette interprétation des paroles de Jésus qui joua un grand rôle pour ramener Simon Zélotès au service et pour le maintenir à l'oeuvre.

192:2.7 Après être revenu vers les autres apôtres, Jésus repartit pour une promenade et une causerie avec André et Jacques. Lorsqu'ils eurent parcouru une petite distance, Jésus dit à André : « André, as-tu confiance en moi ? » Quand l'ancien chef des apôtres entendit Jésus lui poser une telle question, il s'arrêta et répondit : « Oui, Maitre, j'ai en toi une confiance totale, et tu le sais. » Alors, Jésus dit : « André, si tu as confiance en moi, aie plus de confiance en tes frères - même en Pierre. Je t'ai confié autrefois leur direction. Il faut maintenant que tu fasses confiance aux autres, tandis que je vous quitte pour aller auprès du Père. Quand tes frères commenceront à se disperser à cause de l'acharnement des persécutions, sois un conseiller sage et prévenant pour Jacques, mon frère par le sang, lorsqu'on le chargera de lourds fardeaux que son expérience ne lui permet pas de porter. Ensuite, continue à avoir confiance, car je ne te ferai pas défaut. Quand tu en auras fini sur terre, tu viendras auprès de moi. »

192:2.8 Puis Jésus se tourna vers Jacques en lui demandant : « Jacques, as-tu confiance en moi ? » Bien entendu, Jacques lui répondit : « Oui, Maitre, j'ai confiance en toi de tout mon coeur. » Alors, Jésus lui dit : « Jacques, si tu as plus confiance en moi, tu seras moins impatient avec tes frères. Si tu veux avoir confiance en moi, cela t'aidera à être bon pour la fraternité des croyants. Apprends à peser les conséquences de tes paroles et de tes actes. Rappelle-toi que la récolte est conforme à la semence. Prie pour la tranquillité d'esprit et cultive la patience. Avec la foi vivante, ces grâces te soutiendront quand viendra l'heure de boire la coupe du sacrifice. N'aie jamais de crainte ; quand tu en auras fini sur terre, tu viendras aussi demeurer près de moi. »

192:2.9 Jésus parla ensuite à Thomas et à Nathanael. Il dit au premier : « Thomas, me sers-tu ? » Thomas répondit : « Oui, Seigneur, je te sers maintenant et toujours. » Alors, Jésus dit : « Si tu veux me servir, sers mes frères dans la chair comme je t'ai servi. Ne te lasse pas de ce bien-agir, mais persévère comme ayant reçu l'ordination de Dieu pour ce service d'amour. Quand tu auras achevé ton service avec moi sur terre, tu serviras avec moi en gloire. Thomas, il faut que tu cesses de douter, et que tu accroisses ta foi et ta connaissance de la vérité. Crois en Dieu comme un enfant, mais cesse d'agir d'une manière aussi infantile. Aie du courage ; sois fort dans la foi et puissant dans le royaume de Dieu. »

192:2.10 Ensuite le Maitre dit à Nathanael : « Nathanael, me sers-tu ? » Et l'apôtre répondit : « Oui, Maitre, et avec une affection sans partage. » Alors, Jésus dit : « Si donc tu me sers de tout ton coeur, assure-toi que tu te consacres au bien-être de mes frères terrestres avec une affection infatigable. Mêle l'amitié à tes conseils et ajoute l'amour à ta philosophie. Sers tes contemporains comme je vous ai servis, sois fidèle aux hommes, comme moi j'ai veillé sur vous. Sois moins critique ; espère moins de certains hommes et diminue ainsi l'étendue de tes déceptions. Quand tu auras fini l'oeuvre ici-bas, tu serviras au ciel avec moi. »

192:2.11 Après cela, le Maitre s'entretint avec Philippe et Matthieu. Il dit au premier : « Philippe, m'obéis-tu ? » Philippe répondit : « Oui, Seigneur, je t'obéirai même au prix de ma vie. » Alors, Jésus lui dit : « Si tu veux m'obéir, va dans les pays des Gentils et proclame l'évangile. Les prophètes t'ont dit qu'il valait mieux obéir que sacrifier. Par la foi, tu es devenu un fils du royaume connaissant Dieu. Il n'y a qu'une seule loi à observer - c'est le commandement d'aller proclamer l'évangile du royaume. Cesse de craindre les hommes ; n'aie pas peur de prêcher la bonne nouvelle de la vie éternelle à tes semblables qui languissent dans les ténèbres et ont soif de la lumière de vérité. Philippe, tu ne t'occuperas plus d'argent et de marchandises. Tu es désormais, exactement comme tes frères, libre de prêcher la bonne nouvelle. Je te précèderai et je t'accompagnerai jusqu'à la fin. »

192:2.12 Puis le Maitre s'adressa à Matthieu et lui demanda : « Matthieu, as-tu à coeur de m'obéir ? » Matthieu répondit : « Oui, Seigneur, je suis entièrement consacré à faire ta volonté. » Alors, le Maitre lui dit : « Matthieu, si tu veux m'obéir, va enseigner à tous les peuples l'évangile du royaume. Tu ne procureras plus à tes frères les choses matérielles de la vie ; désormais, tu iras aussi proclamer la bonne nouvelle du salut spirituel. À partir de maintenant, n'aie plus en vue que d'exécuter le commandement de prêcher cet évangile du royaume du Père. De même que j'ai fait sur terre la volonté du Père, de même tu accompliras la mission divine. Rappelle-toi que Juifs et Gentils sont tous deux tes frères. Ne crains aucun homme quand tu proclameras les vérités salvatrices de l'évangile du royaume des cieux. Et là où je vais, tu viendras bientôt. »

192:2.13 Enfin, il fit une promenade et eut un entretien avec Jacques et Judas, les jumeaux Alphée. Il s'adressa aux deux ensemble et leur demanda : « Jacques et Judas, croyez-vous en moi ? » Et, après qu'ils eurent tous deux répondu « Oui, Maitre, nous croyons » , Jésus dit : « Je vais bientôt vous quitter. Vous voyez que je vous ai déjà quittés dans la chair. Je ne demeurerai que peu de temps dans ma forme actuelle avant d'aller auprès de mon Père. Vous croyez en moi - vous êtes mes apôtres, et vous le serez toujours. Continuez à croire quand je serai parti et à vous rappeler votre association avec moi après que vous serez peut-être retournés au travail dont vous aviez l'habitude avant de venir vivre avec moi. Ne laissez jamais un changement dans votre travail extérieur influer sur votre obéissance. Ayez foi en Dieu jusqu'à la fin de vos jours terrestres. N'oubliez jamais que, quand vous êtes des fils de Dieu par la foi, tout travail honnête du royaume est sacré. Rien de ce que fait un fils de Dieu ne peut être ordinaire. Donc, faites désormais votre travail comme s'il était pour Dieu. Quand vous en aurez fini sur ce monde, j'ai d'autres mondes meilleurs où vous travaillerez aussi pour moi. Dans toute cette oeuvre, sur ce monde et sur d'autres, j'oeuvrerai avec vous et mon esprit demeurera en vous. »

192:2.14 Il était près de dix heures quand Jésus revint de son entretien avec les jumeaux Alphée. En quittant les apôtres, il leur dit : « Au revoir, jusqu'à ce que je vous revoie tous demain, à midi, sur le mont de votre ordination. » Après avoir ainsi parlé, il disparut de leur vue.

192.3  Sur le Mont de l'Ordination

192:3.1 À midi, le samedi 22 avril, les onze apôtres se réunirent au rendez-vous sur la colline proche de Capharnaüm, et Jésus apparut parmi eux. Cette réunion eut lieu sur le mont même où le Maitre les avait désignés comme ses apôtres et comme ambassadeurs sur terre du royaume du Père. Ce fut la quatorzième manifestation morontielle de Jésus.

192:3.2 Alors, les onze apôtres s'agenouillèrent en cercle autour du Maitre ; ils l'entendirent réitérer leurs missions et le virent reproduire la scène de l'ordination comme la première fois où ils avaient été mis à part pour le travail particulier du royaume. Tout ceci, sauf la prière du Maitre, leur remémora leur consécration antérieure au service du Père. Lorsque le Maitre - le Jésus morontiel - pria ce jour-là, ce fut sur un ton de majesté et avec des paroles de pouvoir telles que les apôtres n'en avaient jamais entendu auparavant. Leur Maitre parlait maintenant aux dirigeants des univers comme quelqu'un qui, dans son propre univers, s'était vu remettre tout pouvoir et toute autorité. Et ces onze hommes n'oublièrent jamais cette expérience de reconsécration morontielle aux engagements antérieurs de leur rôle d'ambassadeurs. Le Maitre passa juste une heure sur ce mont avec ses ambassadeurs et, après leur avoir affectueusement dit au revoir, il disparut de leur vue.

192:3.3 Nul ne revit Jésus durant toute une semaine. Les apôtres n'avaient réellement aucune idée de ce qu'il fallait faire, car ils ne savaient pas si le Maitre était allé auprès du Père. Dans cet état d'incertitude, ils demeurèrent à Bethsaïde. Ils n'osaient pas aller à la pêche, de crainte de le manquer s'il venait les retrouver. Durant toute la semaine, Jésus fut occupé avec les créatures morontielles qui étaient sur terre et par les opérations de la transition morontielle dont il faisait l'expérience sur ce monde.

192.4  La Réunion au Bord du Lac

192:4.1 La nouvelle des apparitions de Jésus se répandait dans toute la Galilée ; des croyants en nombre croissant arrivaient tous les jours à la maison de Zébédée pour s'informer de la résurrection du Maitre et découvrir la vérité sur ces prétendues apparitions. De bonne heure dans la semaine, Pierre fit savoir qu'une réunion publique aurait lieu au bord de la mer à trois heures de l'après-midi, le jour du prochain sabbat.

192:4.2 En conséquence, le samedi 29 avril à trois heures, plus de cinq cents croyants des environs de Capharnaüm se rassemblèrent à Bethsaïde pour entendre Pierre prêcher son premier sermon depuis la résurrection. L'apôtre était au mieux de sa forme et, après qu'il eut achevé son attrayant discours, peu de ses auditeurs doutaient que le Maitre était ressuscité d'entre les morts.

192:4.3 Pierre termina son sermon en disant : « Nous affirmons que Jésus de Nazareth n'est pas mort ; nous déclarons qu'il est sorti du tombeau ; nous proclamons que nous l'avons vu et que nous lui avons parlé. » À peine finissait-il de faire cette proclamation de foi que le Maitre apparut à côté de lui sous sa forme morontielle, en pleine vue de tout cet auditoire auquel il parla d'un ton familier en disant : « Que la paix soit sur vous, et je vous laisse ma paix. » Après qu'il leur fut ainsi apparu et leur eut ainsi parlé, il disparut de leur vue. Ce fut la quinzième manifestation morontielle de Jésus ressuscité.

192:4.4 À cause de certaines choses que le Maitre avait dites aux onze durant leur conférence sur le mont de l'ordination, les apôtres avaient eu l'impression que leur Maitre ferait bientôt une apparition publique devant un groupe de croyants galiléens, et qu'après cela ils devraient retourner à Jérusalem. En conséquence, le lendemain matin dimanche 30 avril, les onze quittèrent Bethsaïde de bonne heure pour aller à Jérusalem. Ils prêchèrent et enseignèrent abondamment sur la route descendant le Jourdain, de sorte qu'ils arrivèrent seulement très tard, le mercredi 3 mai, chez les Marc à Jérusalem.

192:4.5 Ce fut un triste retour au foyer pour Jean Marc. Juste quelques heures avant qu'il n'arrive chez lui, son père, Élie Marc, était mort soudain d'une hémorragie cérébrale. Leur certitude de la résurrection des morts contribua beaucoup à consoler les apôtres ; mais en même temps ils furent véritablement affligés par la perte de leur bon ami qui avait été leur ferme soutien, même dans des moments très difficiles et décevants. Jean Marc fit tout ce qu'il put pour consoler sa mère. Parlant pour elle, il invita les apôtres à continuer à conserver sa maison comme domicile ; et les onze firent de la salle du haut leur quartier général jusqu'au lendemain de la Pentecôte.

192:4.6 Les apôtres étaient volontairement rentrés à Jérusalem après la tombée de la nuit pour ne pas être aperçus par les autorités juives. Ils n'apparurent pas non plus en public à l'occasion des funérailles d'Élie Marc. Ils restèrent toute la journée du lendemain tranquillement isolés dans cette mémorable chambre du haut.

192:4.7 Le jeudi soir, les apôtres eurent une merveilleuse réunion dans cette chambre du haut et s'engagèrent tous, sauf Thomas, Simon Zélotès et les jumeaux Alphée, à paraître en public pour prêcher le nouvel évangile du Seigneur ressuscité. Déjà se dessinaient les premières étapes de la transformation de l'évangile du royaume - la filiation avec Dieu et la fraternité avec les hommes - en la proclamation de la résurrection de Jésus. Nathanael s'opposa à ce changement dans la substance de leur message public, mais ne put ni résister à l'éloquence de Pierre, ni triompher de l'enthousiasme des disciples spécialement des femmes croyantes.

192:4.8 Ainsi, sous la vigoureuse direction de Pierre et dès avant l'ascension de Jésus auprès du Père, les représentants bien intentionnés du Maitre inaugurèrent le subtil processus de la transformation progressive et certaine de la religion de Jésus en une forme nouvelle et modifiée de religion à propos de Jésus.

193. Apparitions Finales et Ascension

193:0.1 LA seizième manifestation morontielle de Jésus eut lieu le vendredi 5 mai vers neuf heures du soir dans la cour de Nicodème. Ce soir-là, les croyants de Jérusalem avaient fait leur première tentative depuis la résurrection pour se réunir. À ce moment se trouvaient rassemblés les onze apôtres, le groupe des femmes disciples et de leurs compagnes, et une cinquantaine des autres éminents disciples du Maitre, comprenant un certain nombre de Grecs. Ces croyants avaient échangé des conversations amicales depuis plus d'une demi-heure lorsque le Maitre morontiel apparut soudainement, pleinement visible à tous, et commença immédiatement à les instruire. Jésus dit :

193:0.2 « Que la paix soit sur vous. Voici le groupe de croyants le plus représentatif - apôtres et disciples hommes et femmes - auquel je sois apparu depuis le moment où j'ai été délivré de la chair. Je vous appelle maintenant à témoigner que je vous avais prévenu qu'il fallait que mon séjour parmi vous prenne fin ; je vous ai dit que je devais bientôt retourner auprès du Père. Ensuite, je vous avais clairement exposé comment les chefs des prêtres et les dirigeants des Juifs me livreraient pour être mis à mort, et que je ressusciterais. Alors, pourquoi vous êtes-vous tellement laissé déconcerter par toutes ces choses quand elles sont advenues ? Et pourquoi avez-vous été aussi surpris quand je suis ressuscité au troisième jour ? Vous n'avez pas réussi à me croire, parce que vous entendiez mes paroles sans comprendre leur signification.

193:0.3 « Maintenant, vous devriez prêter l'oreille à ce que je dis, de crainte de renouveler la faute d'entendre mon enseignement avec votre mental sans en comprendre le sens dans votre coeur. Depuis le commencement de mon séjour parmi vous comme l'un de vos semblables, je vous ai enseigné que mon unique but était de révéler mon Père qui est aux cieux à ses enfants terrestres. J'ai vécu l'effusion révélatrice de Dieu afin que vous puissiez faire l'expérience de la carrière de la connaissance de Dieu. Je vous ai révélé Dieu comme votre Père qui est aux cieux, et je vous ai révélés comme les fils de Dieu sur terre. Dieu vous aime, vous ses fils ; c'est un fait. Par la foi en mes paroles, ce fait devient une vérité éternellement vivante dans votre coeur. Quand, par votre foi vivante, vous devenez divinement conscients de Dieu, alors vous êtes nés d'esprit en tant qu'enfants de lumière et de vie, de cette vie éternelle grâce à laquelle vous ferez l'ascension de l'univers des univers et l'expérience de trouver Dieu le Père au Paradis.

193:0.4 « Je vous exhorte à vous rappeler toujours que votre mission parmi les hommes consiste à proclamer l'évangile du royaume - la réalité que Dieu est le Père des hommes et la vérité qu'ils sont ses fils. Proclamez la vérité entière de la bonne nouvelle, et non pas seulement une partie de l'évangile sauveur. Votre message n'est pas modifié par l'expérience de ma résurrection. La filiation avec Dieu, par la foi, reste la vérité salvatrice de l'évangile du royaume. Vous irez prêcher l'amour de Dieu et le service des hommes. Ce que le monde a le plus besoin de savoir, c'est que les hommes sont les fils de Dieu et que, par la foi, ils peuvent effectivement réaliser cette vérité ennoblissante et en faire l'expérience quotidienne. Mon effusion devrait aider tous les hommes à savoir qu'ils sont les enfants de Dieu, mais cette connaissance sera insuffisante s'ils n'arrivent pas à saisir personnellement par la foi la vérité salvatrice qu'ils sont les vivants fils spirituels du Père éternel. L'évangile du royaume concerne l'amour du Père et le service de ses enfants sur terre.

193:0.5 « Ici, vous partagez ensemble la connaissance de ma résurrection d'entre les morts, mais elle n'a rien d'étrange. J'ai le pouvoir d'abandonner ma vie et de la reprendre ; le Père donne un tel pouvoir à ses Fils du Paradis. Vous devriez plutôt avoir le coeur ému de savoir que les morts d'un âge ont entrepris l'ascension éternelle peu après que j'eus quitté le tombeau neuf de Joseph d'Arimathie. J'ai vécu ma vie dans la chair pour vous montrer comment, par un service expression de l'amour, vous pouvez révéler Dieu à vos semblables, de même qu'en vous aimant et en vous servant, je suis devenu une révélation de Dieu pour vous. J'ai vécu parmi vous en tant que Fils de l'Homme pour que vous, et tous les autres hommes, puissiez savoir que vous êtes en vérité les fils de Dieu. Donc, allez maintenant dans le monde entier prêcher à tous les hommes cet évangile du royaume des cieux. Aimez tous les hommes comme je vous ai aimés ; servez vos compagnons mortels comme je vous ai servis. Vous avez reçu libéralement, donnez libéralement. Restez à Jérusalem seulement pendant que je vais auprès du Père et jusqu'à ce que je vous envoie l'Esprit de Vérité. Il vous conduira dans un plus vaste domaine de vérité, et je vous accompagnerai dans le monde entier. Je suis avec vous toujours, et je vous laisse ma paix. »

193:0.6 Après que le Maitre leur eut parlé, il disparut de leur vue. Les croyants restèrent ensemble toute la nuit, discutant sérieusement les avertissements du Maitre et méditant sur tout ce qui leur était arrivé ; ils ne se dispersèrent qu'à l'aube. Jacques Zébédée et d'autres apôtres leur racontèrent aussi leurs expériences avec le Maitre morontiel en Galilée et leur exposèrent en détail comment il leur était apparu trois fois.

193.1  L'Apparition à Sychar

193:1.1 L'après-midi du sabbat, le 13 mai vers quatre heures, le Maitre apparut à Nalda et à environ soixante-quinze croyants samaritains près du puits de Jacob à Sychar. Les croyants avaient l'habitude de se réunir à cet endroit près duquel Jésus avait parlé à Nalda de l'eau vivante. Ce jour-là, juste au moment où ils avaient fini de discuter les nouvelles de la résurrection, Jésus apparut soudain devant eux et dit :

193:1.2 « Que la paix soit sur vous. Vous vous réjouissez de savoir que je suis la résurrection et la vie, mais cela ne vous servira de rien si vous n'êtes pas d'abord nés de l'esprit éternel, ce qui vous amène à posséder, par la foi, le don de la vie éternelle. Si vous êtes les fils de mon Père par la foi, vous ne mourrez jamais ; vous ne périrez pas. L'évangile du royaume vous a appris que tous les hommes sont les fils de Dieu. Il faut que cette bonne nouvelle concernant l'amour du Père céleste pour ses enfants terrestres soit apportée au monde entier. L'heure est venue de ne plus adorer Dieu sur le mont Garizim ou à Jérusalem, mais en esprit et en vérité, là où vous êtes, tels que vous êtes. C'est votre foi qui sauve votre âme. Le salut est le don de Dieu à tous ceux qui croient être ses fils. Mais ne vous y trompez pas ; bien que le salut soit le don gratuit de Dieu et soit offert à tous ceux qui l'acceptent par la foi, il est suivi par l'expérience de porter les fruits de cette vie spirituelle telle qu'elle est vécue dans la chair. L'acceptation de la doctrine de la paternité de Dieu implique que vous acceptiez aussi librement cette vérité corollaire de la fraternité des hommes. Or, si un homme est votre frère, il est plus encore que votre prochain, que le Père vous demande d'aimer comme vous-même. Puisque votre frère appartient à votre propre famille, non seulement vous l'aimerez d'une affection familiale, mais aussi vous le servirez comme vous vous serviriez vous-même. Et vous aimerez et servirez ainsi votre frère parce que, étant mes frères, vous avez été aimés et servis par moi de cette façon. Donc, allez dans le monde entier proclamer cette bonne nouvelle à toutes les créatures de chaque race, de chaque tribu et de chaque nation. Mon esprit vous précèdera, et je serai avec vous toujours. »

193:1.3 Ces Samaritains furent stupéfaits de cette apparition du Maitre et partirent en hâte vers les villes et villages voisins, où ils répandirent la nouvelle qu'ils avaient vu Jésus et que celui-ci leur avait parlé. Ce fut la dix-septième apparition morontielle du Maitre.

193.2  L'Apparition en Phénicie

193:2.1 La dix-huitième apparition morontielle du Maitre eut lieu à Tyr, le mardi 16 mai, un peu avant neuf heures du soir et, de nouveau, à la clôture d'une réunion de croyants. Au moment où ils étaient sur le point de se séparer, Jésus dit :

193:2.2 « Que la paix soit sur vous. Vous vous réjouissez de savoir que le Fils de l'Homme est ressuscité d'entre les morts parce que vous savez par là même que vos frères et vous survivrez aussi au trépas humain. Mais, pour survivre, il faut que vous soyez préalablement nés de l'esprit qui recherche la vérité et trouve Dieu. Le pain de vie et l'eau vivante sont donnés seulement à ceux qui ont faim de vérité et soif de droiture - de Dieu. Le fait que les morts ressuscitent n'est pas l'évangile du royaume. Ces grandes vérités et ces faits universels sont tous reliés à l'évangile, parce qu'ils font partie du résultat obtenu par ceux qui croient la bonne nouvelle ; ils sont englobés dans l'expérience ultérieure de ceux qui, par la foi, deviennent, en fait et en vérité, les fils perpétuels du Dieu éternel. Mon Père m'a envoyé dans le monde pour proclamer à tous les hommes ce salut de la filiation. De même, je vous envoie au loin pour prêcher ce salut de la filiation. Le salut est un don gratuit de Dieu, mais ceux qui sont nés de l'esprit commencent immédiatement à montrer les fruits de l'esprit par leur service expression de l'amour auprès de leurs semblables. Et voici les fruits de l'esprit divin produits dans la vie des mortels nés d'esprit et connaissant Dieu : service expression de l'amour, dévouement désintéressé, fidélité courageuse, équité sincère, honnêteté éclairée, espoir vivace, confiance sans soupçons, ministère miséricordieux, bonté inaltérable, tolérance indulgente et paix durable. Si de prétendus croyants ne portent pas ces fruits de l'esprit divin dans leur vie, ils sont morts ; l'Esprit de Vérité n'est pas en eux ; ils sont des sarments inutiles de la vigne vivante et seront bientôt retranchés. Mon Père demande aux enfants de la foi de porter beaucoup de fruits de l'esprit. Si donc vous êtes stériles, il creusera autour de vos racines et coupera vos sarments improductifs. À mesure que vous progresserez vers le ciel dans le royaume de Dieu, il faudra de plus en plus que vous produisiez des fruits de l'esprit. Vous pouvez entrer dans le royaume de Dieu comme un enfant, mais le Père exige que vous grandissiez, par la grâce, jusqu'à la pleine stature d'un adulte spirituel. Quand vous irez au loin proclamer à toutes les nations la bonne nouvelle de cet évangile, je vous devancerai, et mon Esprit de Vérité demeurera dans votre coeur. Je vous laisse ma paix. »

193:2.3 Ensuite le Maitre disparut de leur vue. Le lendemain, partirent de Tyr des croyants qui témoignèrent de ces faits à Sidon et même à Antioche et à Damas. Jésus avait visité ces croyants durant sa vie dans la chair, et ils ne furent pas longs à le reconnaître quand il commença à les enseigner. Bien que ses amis eussent de la peine à reconnaître sa forme morontielle quand elle était rendue visible, ils ne tardaient jamais à identifier sa personnalité quand il leur parlait.

193.3  Dernière Apparition à Jérusalem

193:3.1 De bonne heure le jeudi matin 18 mai, Jésus fit sa dernière apparition sur terre en tant que personnalité morontielle. Tandis que les onze apôtres allaient s'assoir pour leur repas matinal dans la salle du haut de la maison de Marie Marc, Jésus leur apparut et dit :

193:3.2 « Que la paix soit sur vous. Je vous ai demandé de rester ici, à Jérusalem, jusqu'à mon ascension auprès du Père, et même jusqu'à ce que je vous envoie l'Esprit de Vérité, qui sera bientôt répandu sur toute chair et vous confèrera un pouvoir d'en haut. » Simon Zélotès interrompit Jésus en demandant : « Et alors, Maitre, rétabliras-tu le royaume et verrons-nous la gloire de Dieu manifestée sur terre ? » Après avoir écouté la question de Simon, Jésus répondit : « Simon, tu t'accroches encore à tes vieilles idées sur le Messie des Juifs et le royaume matériel, mais tu recevras un pouvoir spirituel quand l'esprit sera descendu sur toi, et tu iras bientôt dans le monde entier prêcher l'évangile du royaume. De même que le Père m'a envoyé dans le monde, de même je vous y envoie. Je souhaite que vous vous aimiez et que vous ayez confiance les uns dans les autres. Judas n'est plus avec vous parce que son amour s'était refroidi et parce qu'il vous refusait sa confiance, à vous ses frères loyaux. N'avez-vous pas lu le passage des Écritures où il est dit : `Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Nul ne vit pour lui-même' ? Et aussi celui qui dit : `Quiconque veut avoir des amis doit se montrer amical' ? Ne vous ai-je pas envoyés enseigner deux par deux afin que vous ne vous sentiez pas seuls, et que vous ne tombiez pas dans les ennuis et les malheurs de l'isolement ? Vous savez bien aussi que, lorsque j'étais dans la chair, je ne me suis jamais permis de rester longtemps seul. Dès le commencement de notre association, j'ai constamment eu deux ou trois d'entre vous auprès de moi ou tout à fait à proximité, même quand je communiais avec le Père. Donc, ayez confiance et confiez-vous les uns aux autres. C'est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui je vais vous laisser seuls dans le monde. L'heure est venue, je suis sur le point d'aller auprès du Père. »

193:3.3 Après leur avoir ainsi parlé, il leur fit signe de l'accompagner et les conduisit sur le mont des Oliviers, où il leur fit ses adieux préparatoires à son départ d'Urantia. Le trajet jusqu'à Olivet fut solennel. Aucun d'eux ne prononça un mot depuis le départ de la salle du haut jusqu'au moment où Jésus s'arrêta avec eux au mont des Oliviers.

193.4  Les Causes de la Chute de Judas

193:4.1 Ce fut dans la première partie de son message d'adieu à ses apôtres, que le Maitre fit allusion à la perte de Judas et fit ressortir le sort tragique de leur traitre compagnon comme un avertissement solennel contre les dangers de l'isolement social et fraternel. Il est peut-être utile, pour les croyants du présent âge et des âges futurs, de passer brièvement les causes de la chute de Judas à la lumière des remarques du Maitre et en tenant compte des éclaircissements accumulés des siècles ultérieurs.

193:4.2 En considérant rétrospectivement cette tragédie, nous concevons que, si Judas s'est fourvoyé, la cause première en était son caractère très marqué de personnalité solitaire, une personnalité fermée et coupée des contacts sociaux ordinaires. Il refusa avec persistance de se confier à ses compagnons apôtres ou de fraterniser franchement avec eux. Mais le fait qu'il était une personnalité du type solitaire n'aurait pas causé par lui-même un tel désastre pour Judas si, en même temps, un autre facteur n'était intervenu : Judas n'était pas parvenu à croitre en amour et en grâce spirituelle. Alors, comme pour aggraver encore une méchante affaire, il garda des rancunes persistantes et entretint des ennemis psychologiques, tels que la vengeance et le désir généralisé de « rendre la pareille » à quelqu'un pour toutes ses déceptions.

193:4.3 Cette combinaison malheureuse de particularités individuelles et de tendances mentales concourut à détruire un homme bien intentionné qui n'avait pas réussi à juguler ces maux par l'amour, la foi et la confiance. Le fait qu'il n'était pas nécessaire que Judas se fourvoie est bien démontré par les cas de Thomas et Nathanael, qui étaient tous deux affligés de la même sorte de suspicion et hyperdéveloppés dans leur tendance individualiste. André et Matthieu eux-mêmes avaient de nombreux penchants dans ce sens, mais tous ces hommes éprouvaient, pour leurs compagnons et pour Jésus, un amour qui, avec le temps, allait en croissant et non en diminuant. Ils grandirent en grâce et en connaissance de la vérité. Ils devinrent de plus en plus confiants envers leurs frères et développèrent lentement l'aptitude à se confier à leurs compagnons, alors que Judas refusa avec persistance de se confier à ses frères. Quand l'accumulation de ses conflits émotionnels l'obligeait à chercher un exutoire en s'exprimant, il allait invariablement demander l'avis - et recevoir les consolations malavisées - de ses proches parents non spiritualisés, ou bien encore il se confiait à des relations de hasard, qui étaient soit indifférentes, soit hostiles à l'intérêt et au progrès des réalités spirituelles du royaume céleste, dont il était sur terre l'un des douze ambassadeurs consacrés.

193:4.4 Judas rencontra la défaite dans sa lutte terrestre à cause des facteurs suivants concernant ses tendances personnelles et ses faiblesses de caractère :

193:4.5 1. Il était un être humain du type solitaire. Il était hautement individualiste et choisit en grandissant de devenir une personne fortement repliée sur elle-même et insociable.

193:4.6 2. En tant qu'enfant, la vie lui avait été rendue trop facile. Il éprouvait une rancune amère d'être contrarié. Il s'attendait toujours à gagner ; il était mauvais perdant.

193:4.7 3. Il n'acquit jamais une technique philosophique pour affronter les déceptions. Au lieu d'accepter les désappointements comme un évènement régulier et courant de l'existence humaine, il recourait infailliblement à la pratique de blâmer quelqu'un en particulier, ou ses associés collectivement, pour toutes ses difficultés ou ses désappointements personnels.

193:4.8 4. Il avait tendance à garder rancune, il nourrissait toujours l'idée de vengeance.

193:4.9 5. Il n'aimait pas faire franchement face aux faits ; il était malhonnête dans son attitude envers les situations de la vie.

193:4.10 6. Il détestait discuter ses problèmes personnels avec ses associés immédiats. Il refusait de parler de ses difficultés avec ses vrais amis et avec ceux qui l'aimaient réellement. Au cours de toutes ses années d'association avec le Maitre, il n'alla pas une seule fois lui soumettre un problème purement personnel.

193:4.11 7. Il n'apprit jamais qu'après tout, les récompenses réelles d'une noble vie sont des prix spirituels, qui ne sont pas toujours distribués pendant cette seule courte vie dans la chair.

193:4.12 À la suite de l'isolement persistant de sa personnalité, ses griefs se multiplièrent, ses chagrins s'accrurent, ses anxiétés augmentèrent et son désespoir atteignit une profondeur presque impossible à supporter.

193:4.13 Bien que cet apôtre égocentrique et ultra-individualiste eût de nombreux troubles psychiques, émotifs et spirituels, ses principales difficultés étaient les suivantes : en tant que personnalité, il était isolé. Mentalement, il était soupçonneux et rancunier. Par tempérament, il était revêche et vindicatif. Émotionnellement, il était dénué d'amour et incapable de pardonner. Socialement, il ne se confiait pas et restait presque entièrement renfermé sur lui-même. En esprit, il devint arrogant et égoïstement ambitieux. Dans la vie, il ignorait ceux qui l'aimaient et, dans la mort, il n'eut pas d'amis.

193:4.14 Tels sont donc les facteurs mentaux et les influences mauvaises qui, pris ensemble, expliquent la conduite d'un croyant en Jésus, qui fut jadis, par ailleurs, bien intentionné et sincère, mais qui, même après plusieurs années d'association intime avec cette personnalité transformatrice, abandonna ses compagnons, répudia une cause sacrée, renonça à sa sainte vocation et trahit son divin Maitre.

193.5  L'Ascension du Maitre

193:5.1 Il était presque sept heures et demie du matin, le jeudi 18 mai, quand Jésus arriva sur le versant ouest du mont Olivet avec ses onze apôtres silencieux et quelque peu désorientés. De cet endroit situé aux deux tiers de la montée jusqu'au sommet, ils pouvaient voir le panorama de Jérusalem avec Gethsémani à leurs pieds. Jésus se prépara alors à leur faire ses derniers adieux avant de quitter Urantia. Tandis qu'il se tenait là, debout devant eux, ils s'agenouillèrent tous spontanément en cercle autour de lui, et le Maitre dit :

193:5.2 « Je vous ai demandé de rester à Jérusalem jusqu'à ce qu'un pouvoir d'en haut vous soit donné. Je suis maintenant sur le point de prendre congé de vous et de monter auprès de mon Père. Bientôt, très bientôt, nous enverrons l'Esprit de Vérité dans ce monde où j'ai séjourné ; quand il sera venu, vous commencerez la nouvelle proclamation de l'évangile du royaume, d'abord à Jérusalem, et ensuite jusqu'aux confins du monde. Aimez les hommes avec l'amour dont je vous ai aimés, et servez vos compagnons mortels comme je vous ai servis. Par les fruits spirituels de votre vie, amenez les âmes à croire la vérité que l'homme est un fils de Dieu et que tous les hommes sont frères. Souvenez-vous de tout ce que je vous ai enseigné et de la vie que j'ai vécue parmi vous. Mon amour vous couvre de son ombre, mon esprit habitera en vous et ma paix demeurera sur vous. Adieu. »

193:5.3 Après avoir ainsi parlé, le Maitre morontiel disparut de leur vue. Cette « ascension » de Jésus ne différa en rien de ses autres disparitions de la vision humaine durant les quarante jours de sa carrière morontielle sur Urantia.

193:5.4 Le Maitre passa par Jérusem pour se rendre sur Édentia, où les Très Hauts, sous le regard du Fils du Paradis, dégagèrent Jésus de Nazareth de l'état morontiel. Ensuite, par les chenaux spirituels d'ascension, ils le rétablirent dans le statut de filiation paradisiaque et de souveraineté suprême sur Salvington.

193:5.5 Il était environ sept heures quarante-cinq le matin où Jésus, sous forme morontielle, disparut du champ d'observation de ses onze apôtres pour commencer son ascension vers la droite du Père et y recevoir la confirmation officielle du parachèvement de sa souveraineté sur l'univers de Nébadon.

193.6  Pierre Convoque une Réunion

193:6.1 Agissant selon les instructions de Pierre, Jean Marc et plusieurs autres personnes allèrent convoquer les disciples les plus éminents à une réunion chez Marie Marc. Vers dix heures et demie du matin, cent-vingt des principaux disciples de Jésus vivant à Jérusalem s'étaient rassemblés pour écouter le compte rendu du message d'adieu du Maitre et pour entendre la nouvelle de son ascension. Marie, mère de Jésus, se trouvait dans ce groupe. Elle était retournée à Jérusalem avec Jean Zébédée au moment où les apôtres revenaient de leur récent séjour en Galilée. Peu après la Pentecôte, elle retourna chez Salomé à Bethsaïde. Jacques, frère de Jésus, était également présent à cette réunion, la première conférence de disciples convoquée après la fin de la carrière planétaire du Maitre.

193:6.2 Simon Pierre prit sur lui de parler au nom de ses compagnons apôtres et fit un rapport passionnant sur la dernière réunion des onze avec leur Maitre. Il décrivit d'une manière vraiment touchante l'adieu final du Maitre et sa disparition pour l'ascension. Jamais auparavant dans ce monde il n'y avait eu de réunion semblable ; cette première partie de la réunion dura un peu moins d'une heure. Pierre expliqua ensuite que les apôtres avaient décidé de choisir un successeur à Judas Iscariot, et qu'il y aurait une pause pour permettre aux apôtres de décider entre Matthias et Justus, les deux hommes dont la candidature à cette fonction avait été proposée.

193:6.3 Les onze apôtres descendirent alors au rez-de-chaussée où ils se mirent d'accord pour tirer au sort en vue de déterminer lequel de ces hommes deviendrait apôtre et servirait à la place de Judas. Le sort tomba sur Matthias, qui fut proclamé nouvel apôtre. Il fut dument installé dans sa charge, puis nommé trésorier. Mais Matthias ne joua qu'un rôle effacé dans les activités ultérieures des apôtres.

193:6.4 Peu après la Pentecôte, les jumeaux retournèrent chez eux en Galilée. Simon Zélotès se retira pendant quelque temps avant de repartir prêcher l'évangile. Thomas se fit du souci un peu moins longtemps, puis reprit son enseignement. Nathanael différa de plus en plus d'opinion avec Pierre qui tendait à prêcher à propos de Jésus au lieu de proclamer comme auparavant l'évangile du royaume. Vers le milieu du mois suivant, leur désaccord devint si aigu que Nathanael se retira et se rendit à Philadelphie pour rendre visite à Abner et Lazare. Après y être resté plus d'un an, il alla dans les pays situés au delà de la Mésopotamie afin de prêcher l'évangile tel qu'il le comprenait.

193:6.5 Cela ne laissa que six apôtres, sur les douze originels, pour opérer sur la scène de la proclamation initiale de l'évangile à Jérusalem : Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe et Matthieu.

193:6.6 Il était près de midi quand les apôtres remontèrent auprès de leurs compagnons dans la salle du haut et annoncèrent que Matthias avait été choisi comme nouvel apôtre. Ensuite, Pierre invita tous les croyants à se mettre en prière, et à prier en vue d'être prêts à recevoir le don de l'esprit que le Maitre avait promis d'envoyer.

194. L'Effusion de l'Esprit de Vérité

194:0.1 VERS une heure de l'après-midi, tandis que les cent-vingt croyants étaient en prière, ils se rendirent tous compte d'une étrange présence dans la salle. En même temps, tous ces disciples devinrent conscients d'un sentiment nouveau et profond de joie, de sécurité et de confiance spirituelles. Cette nouvelle conscience de force spirituelle fut immédiatement suivie d'une puissante impulsion à sortir pour proclamer publiquement l'évangile du royaume et la bonne nouvelle que Jésus était ressuscité d'entre les morts.

194:0.2 Pierre se leva et déclara que ce devait être la venue de l'Esprit de Vérité que le Maitre leur avait promis. Il leur proposa d'aller au temple commencer à proclamer la bonne nouvelle confiée à leurs soins, et tous firent ce que Pierre avait suggéré.

194:0.3 L'éducation de ces hommes leur avait bien appris que l'évangile qu'ils devaient prêcher était la paternité de Dieu et la filiation des hommes, mais, à ce moment précis d'extase spirituelle et de triomphe personnel, la meilleure et la plus grande nouvelle à laquelle ils pouvaient penser était le fait que le Maitre était ressuscité. Doués d'un pouvoir d'en haut, ils allèrent donc prêcher l'heureuse nouvelle au peuple - le salut par Jésus - mais ils tombèrent involontairement dans l'erreur de substituer au message même de l'évangile certains faits associés à l'évangile. Pierre prit inconsciemment l'initiative de cette erreur, et d'autres le suivirent, jusqu'à Paul, qui créa une nouvelle religion fondée sur cette nouvelle version de la bonne nouvelle.

194:0.4 L'évangile du royaume est : le fait de la paternité de Dieu associé à la vérité qui en découle de la fraternité des hommes basée sur cette filiation. Le christianisme, tel qu'il s'est développé depuis ce jour, est : le fait de Dieu en tant que Père du Seigneur Jésus Christ, associé à l'expérience de communion du croyant avec le Christ ressuscité et glorifié.

194:0.5 Il n'est pas étonnant que ces hommes imprégnés d'esprit aient saisi cette occasion d'exprimer leur sentiment de triomphe sur les forces qui avaient cherché à détruire leur Maitre et à mettre fin à l'influence de son enseignement. En un pareil moment, il leur était plus facile de se rappeler leur association personnelle avec Jésus et d'être passionnés par l'assurance que le Maitre vivait encore, que leur amitié avec lui n'avait pas pris fin et que l'esprit était vraiment venu sur eux précisément comme il le leur avait promis.

194:0.6 Ces croyants se sentirent soudainement transportés dans un autre monde, dans une nouvelle existence de joie, de puissance et de gloire. Le Maitre leur avait dit que le royaume viendrait avec puissance, et certains d'entre eux crurent commencer à discerner ce qu'il avait voulu dire.

194:0.7 Quand tout ceci est pris en considération, il est facile de comprendre comment ces hommes en arrivèrent à prêcher un nouvel évangile à propos de Jésus à la place de leur message initial de la paternité de Dieu et de la fraternité des hommes.

194.1  Le Sermon de la Pentecôte

194:1.1 Les apôtres s'étaient cachés pendant quarante jours. Ce jour se trouvait être la fête juive de la Pentecôte, et des milliers de visiteurs de toutes les parties du monde séjournaient à Jérusalem. Bon nombre d'entre eux étaient arrivés pour cette fête, mais la majorité était restée dans la ville depuis la Pâque. Maintenant, ces apôtres effrayés réapparaissaient après leurs semaines de réclusion pour se montrer audacieusement dans le temple et commencer à y prêcher le nouveau message d'un Messie ressuscité. Et tous les disciples étaient également conscients d'avoir reçu un nouveau don spirituel de clairvoyance et de pouvoir.

194:1.2 Il était environ deux heures de l'après-midi lorsque, à l'endroit même où son Maitre avait enseigné pour la dernière fois dans le temple, Pierre se leva et prononça l'appel passionné qui aboutit à gagner près de deux-mille âmes. Le Maitre était parti, mais les apôtres découvrirent subitement que ce récit le concernant avait un grand pouvoir sur le peuple. Il est bien naturel qu'ils aient continué à proclamer ce qui justifiait leur ancienne dévotion à Jésus et, en même temps, contraignait les hommes à croire en lui. Six apôtres participèrent à cette réunion : Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe et Matthieu. Ils parlèrent pendant plus d'une heure et demie et exprimèrent leurs messages en grec, en hébreu et en araméen ; ils prononcèrent même quelques paroles en d'autres langues dont ils avaient quelque notion.

194:1.3 Les chefs des Juifs furent stupéfaits de l'audace des apôtres, mais craignirent de les molester à cause du grand nombre de gens qui croyaient à leur récit.

194:1.4 Vers quatre heures et demie, plus de deux-mille nouveaux croyants descendirent avec les apôtres à la piscine de Siloé où Pierre, André, Jacques et Jean les baptisèrent au nom du Maitre. Il faisait nuit quand ils eurent achevé de baptiser cette multitude.

194:1.5 La Pentecôte était la grande fête du baptême où l'on admettait à la communauté des prosélytes du dehors, les Gentils qui désiraient servir Yahweh. Il était donc d'autant plus facile à un grand nombre de Juifs et de Gentils croyants de se faire baptiser ce jour-là. Ce faisant, ils ne rompaient en aucune manière avec la foi juive. Les croyants en Jésus formèrent même, pendant quelque temps, une secte interne du judaïsme. Tous, y compris les apôtres, restaient fidèles aux exigences essentielles du système cérémoniel juif.

194.2  La Signification de la Pentecôte

194:2.1 Jésus vécut et enseigna sur terre un évangile qui dégagea l'homme de la superstition qu'il était un enfant du diable et l'éleva à la dignité de fils de Dieu par la foi. Ce message de Jésus, tel qu'il le prêcha et le vécut en son temps, résolvait efficacement les difficultés spirituelles de l'homme à l'époque où il fut énoncé. Et maintenant que le Maitre a personnellement quitté ce monde, il envoie à sa place l'Esprit de Vérité destiné à vivre dans l'homme et à reformuler le message de Jésus pour chaque nouvelle génération. Ainsi, chaque nouveau groupe de mortels apparaissant à la surface de la terre aura une nouvelle version mise à jour de l'évangile ; une illumination personnelle et une gouverne collective telle qu'elle se révèlera être pour l'homme une solution efficace de ses difficultés spirituelles toujours nouvelles et variées.

194:2.2 Bien entendu, la première mission de cet esprit consiste à entretenir et à personnaliser la vérité, car c'est la compréhension de la vérité qui constitue la forme la plus élevée de la liberté humaine. Ensuite, cet esprit a pour dessein de détruire chez le croyant le sentiment d'être orphelin. Jésus ayant vécu parmi les hommes, tous les croyants éprouveraient un sentiment de solitude si l'Esprit de Vérité n'était pas venu habiter dans les coeurs humains.

194:2.3 L'effusion de l'esprit du Fils prépara efficacement le mental de tous les hommes normaux à l'effusion universelle subséquente de l'esprit du Père (l'Ajusteur) sur toute l'humanité. Dans un certain sens, l'Esprit de Vérité est à la fois l'esprit du Père Universel et celui du Fils Créateur.

194:2.4 Ne commettez pas l'erreur de compter acquérir la ferme conscience intellectuelle de l'Esprit de Vérité désormais répandu. L'esprit ne crée jamais une conscience de lui-même, mais seulement une conscience de Micaël, le Fils. Dès le commencement, Jésus enseigna que l'esprit ne parlerait pas de lui-même. La preuve de votre communion avec l'Esprit de Vérité ne se trouve donc pas dans votre conscience de cet esprit, mais plutôt dans votre expérience d'une communion accrue avec Micaël.

194:2.5 L'esprit vint aussi pour aider les hommes à se rappeler et à comprendre les paroles du Maitre, ainsi qu'à éclairer et réinterpréter sa vie sur terre.

194:2.6 Ensuite, l'Esprit de Vérité vint aider les croyants à témoigner des réalités des enseignements et de la vie de Jésus telle qu'il la vécut dans la chair, et telle qu'il la vit maintenant à nouveau dans chaque croyant des générations successives de fils de Dieu imprégnés de l'esprit.

194:2.7 Il apparaît ainsi que l'Esprit de Vérité vient réellement pour conduire tous les croyants dans toute la vérité, pour les faire accéder à la connaissance grandissante de la conscience spirituelle vivante et croissante de la réalité de la filiation éternelle et ascendante avec Dieu.

194:2.8 Jésus vécut une vie qui est une révélation de l'homme soumis à la volonté du Père, et non un exemple que chacun doit essayer de suivre à la lettre. Sa vie dans la chair ainsi que sa mort sur la croix et sa résurrection ultérieure devinrent bientôt un nouvel évangile de la rançon ainsi payée pour racheter l'homme de l'emprise du malin - de la condamnation d'un Dieu offensé. Malgré tout, bien que l'évangile ait été ainsi très déformé, le fait subsiste que ce nouveau message à propos de Jésus comportait bien des vérités et des enseignements fondamentaux de son évangile initial du royaume. Tôt ou tard, ces vérités passées sous silence de la paternité de Dieu et de la fraternité des hommes émergeront pour transformer efficacement la civilisation de toute l'humanité.

194:2.9 Mais ces erreurs intellectuelles n'interfèrent en aucune manière avec les grands progrès des croyants en croissance d'esprit. En moins d'un mois après l'effusion de l'Esprit de Vérité, les apôtres firent individuellement plus de progrès spirituels que durant leurs quatre années, ou presque, d'association personnelle et affectueuse avec le Maitre. Cette substitution du fait de la résurrection de Jésus à la vérité de l'évangile sauveur de la filiation avec Dieu n'empêcha pas non plus, en quoi que ce soit, la diffusion rapide de leurs enseignements ; au contraire, le fait que le message de Jésus ait été apporté sous l'égide des nouveaux enseignements sur sa personne et sa résurrection parut faciliter grandement la prédication de la bonne nouvelle.

194:2.10 L'expression « baptême d'esprit » , qui fut si généralement employée vers cette époque, signifiait simplement la réception consciente de ce don de l'Esprit de Vérité et la récognition personnelle de ce nouveau pouvoir spirituel comme un accroissement de toutes les influences spirituelles précédemment ressenties par les âmes connaissant Dieu.

194:2.11 Depuis l'effusion de l'Esprit de Vérité, l'homme est sujet à l'enseignement et à la gouverne d'une triple dotation spirituelle : l'Esprit du Père (l'Ajusteur de Pensée), l'esprit du Fils (l'Esprit de Vérité) et l'esprit de l'Esprit (le Saint-Esprit).

194:2.12 Dans un sens, l'humanité est sujette à la double influence du septuple appel des influences spirituelles universelles. Les races primitives évolutionnaires de mortels subissent le contact progressif des sept esprits-mentaux adjuvats de l'Esprit-Mère de l'univers local. Ensuite, à mesure que l'homme progresse en s'élevant sur l'échelle de l'intelligence et de la perception spirituelle, sept influences supérieures d'esprit viennent en fin de compte planer au-dessus de lui et habiter en lui. Voici ces sept esprits des mondes en progrès :

194:2.13 1. L'esprit effusé du Père Universel - l'Ajusteur de Pensée.

194:2.14 2. La présence en esprit du Fils Éternel - la gravité d'esprit de l'univers des univers et le chenal certain de toute communion spirituelle.

194:2.15 3. La présence en esprit de l'Esprit Infini - le mental-esprit universel de toute la création, la source spirituelle de la parenté intellectuelle de toutes les intelligences progressives.

194:2.16 4. L'esprit du Père Universel et du Fils Créateur - l'Esprit de Vérité, généralement considéré comme l'esprit du Fils de l'Univers.

194:2.17 5. L'esprit de l'Esprit Infini et de l'Esprit-Mère de l'Univers - le Saint-Esprit, généralement considéré comme l'esprit de l'Esprit de l'Univers.

194:2.18 6. Le mental-esprit de l'Esprit-Mère de l'Univers - les sept esprits-mentaux adjuvats de l'univers local.

194:2.19 7. L'esprit du Père, des Fils et des Esprits - l'esprit au nouveau nom des mortels ascendeurs des royaumes après la fusion de l'âme humaine née d'esprit avec l'Ajusteur de Pensée du Paradis, et après que ces ascendeurs auront atteint ultérieurement la divinité et la glorification du statut du Corps Paradisiaque de la Finalité.

194:2.20 C'est ainsi que l'effusion de l'Esprit de Vérité apporta au monde et à ses peuples la dernière dotation d'esprit destinée à les aider dans la recherche ascendante de Dieu.

194.3  Ce qui se passa à la Pentecôte

194:3.1 Beaucoup d'enseignements bizarres et étranges furent associés aux récits initiaux du jour de la Pentecôte. Dans les temps qui suivirent les évènements de ce jour, où l'Esprit de Vérité, le nouvel instructeur, vint habiter parmi les hommes, ont été confondus avec les stupides débordements d'un sentimentalisme exacerbé. La principale mission de cet esprit, répandu par le Père et le Fils, consiste à enseigner aux hommes les vérités sur l'amour du Père et la miséricorde du Fils. Ce sont là les vérités de divinité que les hommes peuvent comprendre plus complètement que tous les autres traits de caractère divin. L'Esprit de Vérité cherche en premier lieu à révéler la nature spirituelle du Père et le caractère moral du Fils. Le Fils Créateur, dans la chair, a révélé Dieu aux hommes ; l'Esprit de Vérité, dans le coeur, révèle le Fils Créateur aux hommes. Quand un homme produit dans sa vie les « fruits de l'esprit » , il exprime simplement les traits de caractère que le Maitre a manifestés dans sa propre vie terrestre. Quand Jésus était sur terre, il a vécu sa vie comme une personnalité indivise - Jésus de Nazareth. En tant qu'esprit intérieur du « nouvel instructeur » , depuis la Pentecôte, le Maitre a pu vivre sa vie à nouveau dans l'expérience de tout croyant instruit de la vérité.

194:3.2 Bien des évènements qui surviennent au cours d'une vie humaine sont difficiles à comprendre et à concilier avec l'idée que nous habitons un univers dans lequel la vérité prévaut et la droiture triomphe. Il apparaît trop souvent que la calomnie, le mensonge, la malhonnêteté et l'injustice - le péché - ont le dessus. Après tout, la foi triomphe-t-elle du mal, du péché et de l'iniquité ? La réponse est affirmative ; la vie et la mort de Jésus sont la preuve éternelle que la vérité de la bonté et la foi des créatures dirigées par l'esprit seront toujours justifiées. Des spectateurs se gaussèrent de Jésus sur la croix en disant : « Voyons si Dieu va venir le délivrer. » Le jour de la crucifixion parut sombre, mais le matin de la résurrection fut glorieusement clair, et le jour de la Pentecôte fut encore plus brillant et joyeux. Les religions de désespoir pessimiste cherchent à se libérer des fardeaux de la vie ; elles souhaitent ardemment l'anéantissement dans un sommeil et un repos sans fin. Ce sont les religions de la peur et de la crainte primitives. La religion de Jésus est un nouvel évangile de foi à proclamer à l'humanité qui se débat. Cette religion nouvelle est fondée sur la foi, l'espérance et l'amour.

194:3.3 La vie de mortel avait porté à Jésus ses coups les plus durs, les plus cruels et les plus sévères ; et cet homme avait fait face à ces situations désespérantes avec foi et courage, et avec la détermination inébranlable de faire la volonté de son Père. Jésus affronta la vie dans toute sa terrible réalité, et la maitrisa - même jusque dans la mort. Il ne se servit pas de la religion pour se libérer de la vie. La religion de Jésus ne cherche pas à échapper à cette vie pour jouir d'une félicité qui vous attend dans une autre existence. La religion de Jésus procure la joie et la paix d'une nouvelle existence spirituelle qui rehausse et ennoblit la vie que les hommes vivent actuellement dans la chair.

194:3.4 Si une religion est un opium pour le peuple, elle n'est pas la religion de Jésus. Sur la croix, il refusa de boire le narcotique. Son esprit, répandu sur toute chair, est une puissante influence mondiale qui élève l'homme et le pousse à progresser. L'impulsion vers le progrès spirituel est la force motrice la plus puissante présente dans le monde. Les croyants qui apprennent la vérité sont les seules âmes progressives et dynamiques sur terre.

194:3.5 Le jour de la Pentecôte, la religion de Jésus rompit toutes les restrictions nationales et entraves raciales. Il est éternellement vrai que « là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté » . Ce jour-là, l'Esprit de Vérité devint le don personnel du Maitre à chaque mortel. Cet esprit fut effusé afin de qualifier les croyants pour prêcher plus efficacement l'évangile du royaume, mais ils commirent l'erreur de prendre l'expérience de recevoir l'esprit ainsi répandu pour une partie du nouvel évangile qu'inconsciemment ils formulaient.

194:3.6 Tenez compte du fait que l'Esprit de Vérité fut effusé sur tous les croyants sincères, et que les apôtres ne furent pas les seuls bénéficiaires de ce don de l'esprit. Les cent-vingt hommes et femmes assemblés dans la salle du haut reçurent tous le nouvel instructeur, aussi bien que tous les coeurs honnêtes du monde entier. Ce nouvel instructeur fut effusé sur l'humanité, et chaque âme le reçut selon son propre amour de la vérité et sa propre aptitude à saisir et à comprendre les réalités spirituelles. Enfin, la vraie religion est libérée de l'emprise des prêtres et de toutes les classes sacrées, et trouve sa manifestation réelle dans l'âme individuelle des hommes.

194:3.7 La religion de Jésus encourage le type le plus élevé de civilisation humaine, en ce sens qu'elle crée le type le plus élevé de personnalité spirituelle et proclame le caractère sacré de cette personne.

194:3.8 La venue de l'Esprit de Vérité à la Pentecôte rendit possible une religion qui n'est ni radicale ni conservatrice ; elle n'est ni l'ancienne, ni la nouvelle ; elle ne doit être dominée ni par les vieux ni par les jeunes. Le fait de la vie terrestre de Jésus fournit un point d'appui pour l'ancre du temps, tandis que l'effusion de l'Esprit de Vérité assure l'expansion perpétuelle et la croissance indéfinie de la religion que Jésus a vécue et de l'évangile qu'il a proclamé. L'esprit guide dans toute la vérité. Il enseigne l'expansion et la croissance constantes d'une religion de progrès sans fin et de révélation divine. Ce nouvel instructeur dévoilera perpétuellement aux croyants cherchant la vérité ce qui était si divinement contenu dans la personne et la nature du Fils de l'Homme.

194:3.9 Les manifestations associées à l'effusion du « nouvel instructeur » et l'accueil fait aux sermons des apôtres par les hommes des diverses races et nations, réunis à Jérusalem, dénotent l'universalité de la religion de Jésus. L'évangile du royaume ne devait être identifié avec aucune race, culture ou langue particulière. Le jour de la Pentecôte marqua le grand effort de l'esprit pour libérer la religion de Jésus des entraves juives dont elle avait hérité. Même après cette démonstration où l'esprit fut répandu sur toute chair, les apôtres s'efforcèrent d'abord d'imposer à tous leurs convertis les exigences du judaïsme. Paul lui-même eut des difficultés avec ses frères de Jérusalem parce qu'il refusait de soumettre les Gentils à ces pratiques juives. Nulle religion révélée ne peut se répandre dans le monde entier si elle commet la grave erreur de se laisser imprégner par une culture nationale, ou associer à des pratiques raciales, économiques ou sociales déjà établies.

194:3.10 L'effusion de l'Esprit de Vérité fut indépendante de toute forme, cérémonie, lieu sacré et comportement spécial de ceux qui reçurent la plénitude de sa manifestation. Au moment où l'esprit vint sur les personnes assemblées dans la salle du haut, elles étaient simplement assises là et venaient de se plonger dans une prière silencieuse. L'esprit fut effusé à la campagne aussi bien qu'à la ville. Il n'était pas nécessaire pour les apôtres de se retirer dans la solitude pendant des années de méditation solitaire afin de recevoir l'esprit. La pentecôte dissocie à jamais l'idée d'expérience spirituelle de la notion d'un environnement spécialement favorable.

194:3.11 La Pentecôte, avec sa dotation spirituelle, était destinée à détacher pour toujours la religion du Maitre de toute subordination à la force physique. Les éducateurs de cette nouvelle religion sont désormais munis d'armes spirituelles ; ils doivent partir à la conquête du monde avec une indulgence qui ne se dément jamais, une bonne volonté incomparable et un amour abondant. Ils sont équipés pour triompher du mal par le bien, pour vaincre la haine par l'amour, pour anéantir la peur avec une foi vivante et courageuse dans la vérité. Jésus avait déjà enseigné à ceux qui le suivaient que sa religion n'était jamais passive ; ses disciples devaient toujours être actifs et positifs dans leur ministère de miséricorde et dans leurs manifestations d'amour. Ces croyants ne regardaient plus Yahweh comme « le Seigneur des Armées » . Ils considéraient maintenant la Déité éternelle comme le « Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ » . Ils firent au moins ce progrès-là, même si, dans une certaine mesure, ils n'arrivèrent pas à comprendre totalement la vérité que Dieu est aussi le Père spirituel de chaque individu.

194:3.12 La Pentecôte dota l'homme mortel du pouvoir de pardonner les blessures personnelles, de supporter avec douceur les pires injustices, de rester impassibles en face de dangers effrayants et de défier les maux de la haine et de la colère par des actes intrépides d'amour et de longanimité. Au cours de son histoire, Urantia a subi les ravages de grandes guerres dévastatrices. Tous les participants à ces conflits terribles ont rencontré la défaite. Il n'est resté qu'un seul vainqueur, un seul rescapé de ces luttes acharnées, ayant accru sa renommée - Jésus de Nazareth avec son évangile de triomphe sur le mal par le bien. Le secret d'une meilleure civilisation est inclus dans les enseignements du Maitre sur la fraternité des hommes, la bonne volonté de l'amour et de la confiance mutuelle.

194:3.13 Jusqu'à la Pentecôte, la religion n'avait révélé que l'homme à la recherche de Dieu ; depuis la Pentecôte, l'homme recherche encore Dieu, mais on voit aussi briller sur le monde le spectacle de Dieu recherchant l'homme et envoyant son esprit demeurer en lui quand il l'a trouvé.

194:3.14 Avant les enseignements de Jésus, qui atteignirent leur apogée à la Pentecôte, les femmes n'étaient que peu ou pas du tout considérées du point de vue spirituel dans les doctrines des anciennes religions. Après la Pentecôte et dans la fraternité du royaume, la femme se trouva devant Dieu sur un pied d'égalité avec l'homme. Parmi les cent-vingt personnes qui reçurent cette visitation spéciale de l'esprit, se trouvaient beaucoup de femmes disciples qui eurent, dans ces bénédictions, une part égale à celle des croyants masculins. Les hommes ne peuvent plus prétendre monopoliser le ministère du service religieux. Les pharisiens pouvaient continuer à remercier Dieu de n'être pas « nés femmes, lépreux ou Gentils » , mais, parmi les fidèles de Jésus, les femmes ont été définitivement libérées de toute discrimination religieuse basée sur le sexe. La Pentecôte a effacé toute séparation religieuse fondée sur des distinctions raciales, des différences culturelles, des castes sociales ou des préjugés concernant le sexe. Il n'est pas surprenant que ces croyants à la nouvelle religion se soient écriés : « Là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté. »

194:3.15 La mère et un frère de Jésus se trouvaient tous deux parmi les cent-vingt croyants. En tant que membres de ce groupe commun de disciples, ils reçurent également l'esprit répandu. Ils ne reçurent pas de ce don béni une plus grande part que leurs compagnons. Aucun don spécial ne fut conféré aux membres de la famille terrestre de Jésus. La Pentecôte marqua la fin des prêtrises spéciales et de toute croyance à des familles sacrées.

194:3.16 Avant la Pentecôte, les apôtres avaient renoncé à bien des choses pour Jésus. Ils avaient sacrifié leur foyer, leur famille, leurs amis, leurs biens terrestres et leur situation. Lors de la Pentecôte, ils se donnèrent à Dieu, et le Père et le Fils répondirent en se donnant eux-mêmes aux hommes - en envoyant leurs esprits vivre dans les hommes. Cette expérience consistant à perdre le moi et à trouver l'esprit ne fut pas une expérience émotionnelle ; elle fut un acte de reddition intelligente du moi et de consécration sans réserve.

194:3.17 La Pentecôte fut l'appel à l'unité spirituelle parmi les croyants à l'évangile. Quand l'esprit descendit sur les disciples à Jérusalem, la même chose se produisit à Philadelphie, à Alexandrie et en tous les autres lieux où demeuraient des croyants sincères. Il fut littéralement vrai « qu'il n'y avait qu'un seul coeur et une seule âme parmi la multitude des croyants » . La religion de Jésus est la plus puissante influence unificatrice que le monde ait jamais connue.

194:3.18 La Pentecôte était destinée à diminuer l'outrecuidance d'individus, de groupes, de nations et de races - cet esprit d'outrecuidance dont la tension croit au point qu'il se déchaine périodiquement en guerres dévastatrices. Seule une approche spirituelle peut unifier l'humanité, et l'Esprit de Vérité est une influence mondiale universelle.

194:3.19 La venue de l'Esprit de vérité purifie le coeur humain et conduit ses bénéficiaires à formuler un but de vie unifié avec la volonté de Dieu et le bien-être des hommes. L'esprit d'égoïsme matériel a été englouti dans ce nouveau don spirituel d'altruisme. La Pentecôte, à cette époque comme maintenant, signifie que le Jésus historique est devenu le Fils divin d'expérience vivante. Quand la joie de cet esprit répandu est éprouvée consciemment dans la vie humaine, elle est un tonique pour la santé, un stimulant pour le mental et une énergie inépuisable pour l'âme.

194:3.20 Ce n'est pas la prière qui fit descendre l'esprit le jour de la Pentecôte, mais elle contribua beaucoup à déterminer la capacité réceptive qui caractérisa les croyants individuels. La prière n'incite pas le coeur divin à s'effuser libéralement, mais bien souvent la prière creuse des chenaux plus larges et plus profonds par lesquels les dons divins peuvent affluer vers le coeur et l'âme de ceux qui se souviennent ainsi de maintenir, par la prière sincère et la véritable adoration, une communion ininterrompue avec leur Auteur.

194.4  Les Débuts de l'Église Chrétienne

194:4.1 Quand les ennemis de Jésus s'emparèrent aussi soudainement de lui et le crucifièrent si rapidement entre deux voleurs, ses apôtres et ses disciples furent complètement démoralisés. La pensée que le Maitre avait été arrêté, lié, flagellé et crucifié était plus que ne pouvaient supporter les apôtres aux-mêmes. Ils oublièrent ses enseignements et ses avertissements. Jésus pouvait bien avoir été « un prophète puissant en paroles et en oeuvres devant Dieu et tout le peuple » , mais il ne pouvait guère être le Messie dont ils avaient espéré qu'il restaurerait le royaume d'Israël.

194:4.2 Vient alors la résurrection qui délivre les apôtres du désespoir et rétablit leur foi dans la divinité du Maitre. À maintes reprises, ils le voient et lui parlent, et il les emmène sur le mont Olivet où il leur dit adieu et leur annonce qu'il retourne auprès du Père. Il leur a recommandé de demeurer à Jérusalem jusqu'à ce qu'ils soient dotés de pouvoir - jusqu'à ce que vienne l'Esprit de Vérité. Et le jour de la Pentecôte, ce nouvel instructeur arrive, et les apôtres sortent immédiatement pour prêcher leur évangile avec une nouvelle puissance. Ils sont les disciples audacieux et courageux d'un Seigneur vivant, et non d'un chef défunt et vaincu. Le Maitre vit dans le coeur de ces évangélistes. Dieu n'est plus une doctrine dans leur mental ; il est devenu une présence vivante dans leur âme.

194:4.3 « Jour après jour, ils persévéraient d'un commun accord dans le temple et rompaient le pain à la maison. Ils prenaient leur nourriture avec joie et unité de coeur, louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple. Ils étaient tous remplis de l'esprit et proclamaient la parole de Dieu avec audace. Et la foule des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme ; aucun d'eux ne disait que les biens qu'il possédait lui appartenaient en propre, et ils avaient toutes choses en commun. »

194:4.4 Qu'est-il arrivé à ces hommes que Jésus a ordonnés pour aller prêcher l'évangile du royaume, la paternité de Dieu et la fraternité des hommes ? Ils ont un nouvel évangile ; ils brulent d'une nouvelle expérience ; ils sont pleins d'une nouvelle énergie spirituelle. Leur message a soudain changé pour devenir la proclamation du Christ ressuscité : « Jésus de Nazareth, cet homme que Dieu approuva par des oeuvres puissantes et des prodiges, qui a été livré conformément au conseil précis et selon la préconnaissance de Dieu, vous l'avez crucifié et fait périr. Il a ainsi accompli les choses que Dieu avait annoncées longtemps d'avance par la bouche de tous les prophètes. C'est ce Jésus que Dieu a ressuscité. Dieu l'a fait à la fois Seigneur et Christ. Ayant été élevé à la droite de Dieu, et ayant reçu du Père la promesse de l'esprit, il a répandu ce que vous voyez et entendez. Repentez-vous, pour que vos péchés puissent être effacés, pour que le Père puisse envoyer le Christ, qui a été désigné pour vous, Jésus lui-même, que les cieux doivent recevoir jusqu'au jour du rétablissement de toutes choses. »

194:4.5 L'évangile du royaume, le message de Jésus, venait d'être changé subitement en évangile du Seigneur Jésus Christ. Les apôtres proclamaient maintenant les faits de sa vie, de sa mort et de sa résurrection, et prêchaient l'espoir qu'il reviendrait rapidement sur ce monde pour achever l'oeuvre qu'il avait commencée. Le message des premiers croyants concernait donc la prédication au sujet des faits de sa première venue et l'enseignement de l'espérance de sa seconde venue, évènement qu'ils estimaient devoir survenir à très bref délai.

194:4.6 Le Christ allait devenir le credo de l'Église qui se formait rapidement : Jésus est vivant ; il est mort pour les hommes ; il a donné l'esprit ; il revient. Jésus remplissait toutes les pensées des disciples et déterminait tous leurs nouveaux concepts sur Dieu et sur tout le reste. Ils étaient trop enthousiastes de la nouvelle doctrine où « Dieu est le Père du Seigneur Jésus » pour se soucier de l'ancien message où « Dieu est le Père aimant de tous les hommes » , et même de chaque personne prise individuellement. Il est vrai qu'une merveilleuse manifestation d'amour fraternel et de bonne volonté sans pareille prit naissance dans ces communautés primitives de croyants, mais elles représentaient des communautés de croyants en Jésus, et non une communauté de frères dans le royaume familial du Père qui est aux cieux. Leur bonne volonté provenait de l'amour né du concept de l'effusion de Jésus, et non de la récognition de la fraternité des mortels. Néanmoins, leurs membres étaient remplis de joie et vivaient une vie si nouvelle et si exceptionnelle que tous les hommes étaient attirés par leurs enseignements au sujet de Jésus. Ils commirent la grande erreur d'utiliser le commentaire vivant et illustré de l'évangile du royaume au lieu de cet évangile lui-même, mais même cela représentait la plus grande religion que l'humanité ait connue jusqu'alors.

194:4.7 De toute évidence, une nouvelle communauté naissait dans le monde. « La multitude qui croyait persévérait dans la doctrine et la communion des apôtres, rompant le pain et priant. » Ils s'appelaient les uns les autres frère et soeur ; ils se saluaient d'un saint baiser ; ils soignaient les pauvres. C'était une communauté de vie aussi bien que d'adoration ; elle ne résultait pas d'un décret, mais du désir de partager leurs biens avec leurs compagnons croyants. Ils espéraient avec confiance que, durant leur génération, Jésus reviendrait parachever l'établissement du royaume du Père. Ce partage spontané des possessions terrestres n'était pas une caractéristique directe de l'enseignement de Jésus ; il résulta de la sincérité et de la confiance avec laquelle ces hommes et ces femmes croyaient que le Maitre allait revenir incessamment pour achever son oeuvre et instaurer le royaume. Mais les résultats finals de cette expérience bien intentionnée d'amour fraternel inconsidéré furent désastreux et générateurs de chagrins. Des milliers de croyants sincères vendirent leurs propriétés et distribuèrent tous leurs capitaux et autres actifs rentables. Avec le temps, les ressources du « partage égal » chrétien s'amenuisèrent et finirent par s'épuiser - mais la vie continuait. Au bout de très peu de temps, les croyants d'Antioche firent des collectes pour empêcher leurs coréligionnaires de Jérusalem de mourir de faim.

194:4.8 À cette époque, les croyants célébraient le souper du Seigneur de la manière dont il avait été établi, c'est-à-dire qu'ils se rassemblaient pour un repas collectif de bonne communion et prenaient part au sacrement à la fin du repas.

194:4.9 Au début, ils baptisèrent au nom de Jésus ; c'est seulement au bout d'une vingtaine d'années qu'ils commencèrent à baptiser « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » . On n'exigeait rien d'autre que le baptême pour l'admission à la communauté des croyants ; celle-ci n'avait pas encore d'organisation ; elle était simplement la fraternité de Jésus.

194:4.10 Cette secte de Jésus grandissait rapidement et, une fois de plus, les sadducéens leur prêtèrent attention. Les pharisiens s'inquiétaient peu de la situation, voyant qu'aucun des enseignements n'interférait en quoi que ce soit avec l'observance des lois juives. Mais les sadducéens commencèrent à mettre en prison les dirigeants de la secte de Jésus, jusqu'au moment où Gamaliel, l'un des principaux rabbis, les amena à accepter ses recommandations : « Abstenez-vous de toucher à ces hommes et laissez-les tranquilles, car, si ce dessein ou cette oeuvre vient des hommes, il sera anéanti ; mais, s'il vient de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire, et peut-être même vous trouverez-vous en conflit avec Dieu. » Les sadducéens décidèrent de suivre l'avis de Gamaliel, et il s'ensuivit une période de paix et de tranquillité à Jérusalem, durant laquelle le nouvel évangile à propos de Jésus se répandit rapidement.

194:4.11 Tout se passa donc bien à Jérusalem jusqu'au moment où des Grecs arrivèrent en grand nombre d'Alexandrie. Deux élèves de Rodan vinrent à Jérusalem et firent de nombreuses conversions chez les Hellénistes. Parmi les premiers se trouvaient Étienne et Barnabas. Ces Grecs compétents ne partageaient pas tellement le point de vue des Juifs, et ne se conformaient pas si bien au mode d'adoration des Juifs ni à certaines de leurs pratiques cérémonielles. Ce furent les agissements de ces croyants grecs qui mirent fin aux rapports pacifiques entre la fraternité de Jésus d'une part, et les pharisiens et sadducéens d'autre part. Étienne et son associé grec commencèrent à faire des sermons plus conformes à l'enseignement de Jésus, ce qui provoqua un conflit immédiat avec les dirigeants juifs. Au cours d'un sermon public, quand Étienne atteignit la partie de son discours jugée répréhensible, ils se dispensèrent de toute formalité juridique et le lapidèrent à mort sur place.

194:4.12 Étienne, chef de la colonie grecque des croyants en Jésus à Jérusalem, devint ainsi le premier martyr de la foi nouvelle et la cause spécifique de l'organisation officielle de l'Église chrétienne primitive. En effet, les croyants firent face à cette nouvelle crise en constatant qu'ils ne pouvaient plus prolonger leur statut de secte intérieure de la religion juive. Ils convinrent tous qu'il fallait se séparer des incroyants. Un mois après la mort d'Étienne, l'Église de Jérusalem avait été organisée sous la direction de Pierre, et Jacques, le frère de Jésus, en avait été nommé chef titulaire.

194:4.13 Alors éclatèrent les nouvelles et implacables persécutions par les Juifs, de sorte que les éducateurs actifs de la nouvelle religion à propos de Jésus, religion que l'on appela ultérieurement christianisme à Antioche, se dispersèrent jusqu'aux confins de l'empire en proclamant Jésus. Avant l'époque de Paul, ce furent donc des Grecs qui dirigèrent la diffusion du message. Ces premiers missionnaires, ainsi d'ailleurs que les suivants, reprirent l'itinéraire autrefois suivi par Alexandre, allant à Antioche par Gaza et Tyr, et de là en Macédoine par l'Asie Mineure, puis à Rome et dans les parties les plus lointaines de l'empire.

195. Après la Pentecôte

195:0.1 LES résultats de la prédication de Pierre, le jour de la Pentecôte, eurent une influence décisive sur la politique future et les plans de la majorité des apôtres dans leurs efforts pour proclamer l'évangile du royaume. Pierre fut le véritable fondateur de l'Église chrétienne ; Paul apporta le message chrétien aux Gentils et les croyants grecs le propagèrent dans tout l'empire romain.

195:0.2 Liés par la tradition et tyrannisés par les prêtres, les Hébreux, en tant que peuple, refusèrent d'accepter soit l'évangile de Jésus sur la paternité de Dieu et la fraternité des hommes, soit la proclamation de Pierre et de Paul sur la résurrection et l'ascension du Christ (le christianisme ultérieur) ; par contre, le reste de l'empire romain fut réceptif aux enseignements chrétiens en évolution. À cette époque, la civilisation occidentale était intellectuelle, fatiguée de la guerre et complètement sceptique sur toutes les religions existantes et les philosophies universelles. Les peuples du monde occidental, bénéficiaires de la culture grecque, avaient une tradition révérée d'un grand passé. Ils pouvaient contempler un héritage de grands accomplissements en philosophie, en art, en littérature et en progrès politiques. Mais, malgré tous ces accomplissements, ils n'avaient pas de religion satisfaisante pour l'âme. Leurs profonds désirs spirituels restaient insatisfaits.

195:0.3 C'est sur une telle scène de la société humaine que les enseignements de Jésus contenus dans le message chrétien furent soudainement projetés. Un nouvel ordre de vie fut ainsi présenté aux coeurs affamés de ces peuples occidentaux. Cette situation impliquait un conflit immédiat entre les anciennes pratiques religieuses et la nouvelle version christianisée du message de Jésus au monde. Ce conflit devait se terminer soit par une nette victoire des anciennes ou des nouvelles croyances, soit par une sorte de compromis. L'histoire montre que la lutte se termina par un compromis. Le christianisme eut l'ambition d'embrasser un programme trop étendu pour qu'un peuple quelconque puisse l'assimiler dans l'espace d'une ou deux générations. Ce programme n'était pas un simple appel spirituel tel que Jésus l'avait présenté à l'âme des hommes. De bonne heure, le christianisme prit nettement position sur les rituels religieux, l'éducation, la magie, la médecine, l'art, la littérature, la loi, le gouvernement, la morale, la réglementation sexuelle, la polygamie et même, dans une mesure limitée, sur l'esclavage. Le christianisme n'émergea pas simplement comme une nouvelle religion - chose que tout l'empire romain et tout l'orient attendaient - mais comme un nouvel ordre de la société humaine. Alors, très vite cette prétention précipita le conflit sociomoral des âges. Les idéaux de Jésus, tels qu'ils furent réinterprétés par la philosophie grecque et socialisés dans le christianisme, défiaient maintenant audacieusement les traditions de la race humaine incorporés dans l'éthique, la moralité et les religions de la civilisation occidentale.

195:0.4 Au début, le christianisme ne fit de conversions que dans les couches inférieures des milieux sociaux et économiques. Mais, dès le commencement du deuxième siècle, l'élite de la culture gréco-romaine s'orienta de plus en plus vers ce nouvel ordre de croyance chrétienne, ce nouveau concept de la raison de vivre et du but de l'existence.

195:0.5 Comment ce nouveau message d'origine juive, qui avait presque échoué dans son pays natal, put-il capter si vite et si efficacement le mental des élites de l'empire romain ? Le triomphe du christianisme sur les religions philosophiques et les cultes des mystères fut dû aux facteurs suivants :

195:0.6 1. L'organisation - Paul était un grand organisateur, et ses successeurs restèrent à sa hauteur.

195:0.7 2. Le christianisme était complètement hellénisé. Il englobait ce qu'il y avait de meilleur dans la philosophie grecque et dans la théologie hébraïque.

195:0.8 3. Mais, mieux que tout, il contenait un nouvel et grand idéal, l'écho de la vie d'effusion de Jésus et le reflet de son message de salut pour toute l'humanité.

195:0.9 4. Les dirigeants chrétiens étaient disposés à faire, avec le mithracisme, les compromis nécessaires pour que plus de la moitié de ses adhérents soient gagnés au culte d'Antioche.

195:0.10 5. De même, la génération suivante et les générations subséquentes de dirigeants chrétiens firent encore de tels compromis avec le paganisme que même l'empereur romain Constantin fut gagné à la nouvelle religion.

195:0.11 Toutefois, les chrétiens conclurent un marché judicieux avec les païens, en ce sens qu'ils adoptèrent l'apparat du rituel païen tout en obligeant les païens à accepter la version hellénisée du christianisme paulinien. Ils transigèrent plus heureusement avec le paganisme qu'avec le culte mithriaque, mais, même dans ce compromis initial, ils sortirent plus que vainqueurs, en ce sens qu'ils réussirent à éliminer les grossières immoralités ainsi que nombre d'autres pratiques répréhensibles des mystères persans.

195:0.12 À tort ou à raison, les premiers dirigeants du christianisme compromirent délibérément les idéaux de Jésus dans un effort pour sauver et propager beaucoup de ses idées. Et ils remportèrent de grands succès. Mais ne vous y trompez pas ! Les idéaux compromis du Maitre restent latents dans son évangile et finiront par affirmer leurs pleins pouvoirs sur le monde.

195:0.13 Par cette paganisation du christianisme, l'ancien ordre de choses gagna nombre de victoires mineures de nature ritualiste, mais les chrétiens prirent l'ascendant en ce sens que :

195:0.14 1. Ils firent résonner dans la morale humaine une nouvelle note d'un diapason infiniment plus élevé.

195:0.15 2. Ils donnèrent au monde un nouveau concept considérablement élargi de Dieu.

195:0.16 3. L'espoir de l'immortalité devint une partie de l'assurance d'une religion reconnue.

195:0.17 4. Jésus de Nazareth fut offert à l'âme affamée des hommes.

195:0.18 Des grandes vérités enseignées par Jésus, beaucoup furent presque perdues dans les premiers compromis, mais elles sommeillent encore dans cette religion de christianisme paganisé, qui était elle-même la version paulinienne de la vie et des enseignements du Fils de l'Homme. Même avant d'être paganisé, le christianisme fut d'abord complètement hellénisé. Le christianisme a une dette, une très grande dette envers les Grecs. Ce fut un Grec d'Égypte qui se dressa si courageusement à Nicée et mit l'assemblée au défi avec tant d'intrépidité que le concile n'osa pas obscurcir le concept de la nature de Jésus au point de risquer de faire perdre au monde la vérité concernant son effusion. Ce Grec s'appelait Athanase. Sans l'éloquence et la logique de ce croyant, les opinions persuasives d'Arius auraient triomphé.

195.1  Influence des Grecs

195:1.1 L'héllénisation du christianisme commença réellement le jour mémorable où l'apôtre Paul se présenta devant le conseil de l'aréopage d'Athènes et parla aux Athéniens du « Dieu inconnu » . Là, à l'ombre de l'Acropole, ce citoyen romain proclama aux Grecs sa version de la nouvelle religion qui avait pris naissance dans le pays juif de Galilée. La philosophie grecque et nombre d'enseignements de Jésus présentaient d'étranges similitudes. Ils avaient un but commun - tous deux visaient à l'émergence de l'individu. Les Grecs, à son émergence sociale et politique ; Jésus à son émergence morale et spirituelle. Les Grecs enseignaient le libéralisme intellectuel conduisant à la liberté politique ; Jésus enseignait le libéralisme spirituel conduisant à la liberté religieuse. L'union de ces deux idées formait une nouvelle et puissante charte de la liberté humaine ; elle laissait présager la liberté sociale, politique et spirituelle de l'homme.

195:1.2 Le christianisme prit naissance et triompha de toutes les religions opposantes pour deux raisons principales :

195:1.3 1. Le mental grec était disposé à emprunter de bonnes idées nouvelles, même aux Juifs.

195:1.4 2. Paul et ses successeurs étaient prêts à des compromis, mais à des compromis astucieux et sagaces ; ils étaient de fins négociateurs en matière de théologie.

195:1.5 Au moment où Paul se dressa à Athènes en prêchant « le Christ et le Christ crucifié » , les Grecs étaient spirituellement affamés. Ils étaient investigateurs, intéressés et recherchaient effectivement la vérité spirituelle. N'oubliez jamais que les Romains commencèrent par combattre le christianisme, tandis que les Grecs l'embrassèrent, et ce furent les Grecs qui, ultérieurement, forcèrent littéralement les Romains à accepter cette nouvelle religion, sous sa forme modifiée, comme faisant partie de la culture grecque.

195:1.6 Les Grecs révéraient la beauté et les Juifs, la sainteté, mais les deux peuples aimaient la vérité. Durant des siècles, les Grecs avaient sérieusement médité et sincèrement discuté tous les problèmes humains - sociaux, économiques, politiques et philosophiques - sauf la religion. Rares étaient les Grecs qui avaient vraiment prêté attention à la religion ; ils ne prenaient même pas leur propre religion très au sérieux. Pendant des siècles, les Juifs avaient négligé les autres domaines de la pensée en consacrant leur attention à la religion. Ils prenaient leur religion très sérieusement, trop sérieusement même. Éclairé par le contenu du message de Jésus, le produit unifié des siècles de pensée de ces deux peuples devint alors le moteur d'un nouvel ordre social humain et, dans une certaine mesure, d'un nouvel ordre humain de croyances et de pratiques religieuses.

195:1.7 À l'époque où Alexandre répandit la philosophie helléniste dans le Proche Orient, l'influence de la culture grecque avaient déjà pénétré les pays de la Méditerranée Occidentale. Tant qu'ils habitèrent de petites cités-États, les Grecs eurent de bons résultats avec leur religion et leur politique, mais, quand le roi de Macédoine osa faire de la Grèce un empire s'étendant de l'Adriatique à l'Indus, les difficultés commencèrent. L'art et la philosophie de la Grèce étaient parfaitement à la hauteur de l'expansion impériale, mais on ne saurait en dire autant de son administration politique ni de sa religion. Après que les cités-États de Grèce se furent développées en un empire, leurs dieux plutôt paroissiaux semblèrent un peu bizarres. Les Grecs étaient vraiment à la recherche d'un Dieu unique, d'un Dieu plus grand et meilleur, lorsque la version christianisée de l'ancienne religion juive leur parvint.

195:1.8 En tant que tel, l'Empire hellène ne pouvait durer. Son emprise culturelle continua, mais ne subsista qu'après avoir acquis de l'Occident le génie politique romain pour l'administration d'un empire, et après avoir obtenu de l'Orient une religion dont le Dieu unique possédait une dignité impériale.

195:1.9 Au premier siècle après le Christ, la culture grecque avait déjà atteint son apogée ; sa régression avait commencé ; l'instruction augmentait, mais le génie déclinait. Ce fut à cette époque précise que les idées et idéaux de Jésus, partiellement incorporés dans le christianisme, devinrent une partie de la culture et de l'instruction grecques qui purent être sauvées.

195:1.10 Alexandre avait foncé sur l'Orient avec le don de la civilisation grecque ; Paul prit d'assaut l'Occident avec la version chrétienne de l'évangile de Jésus. Dans toutes les parties de l'Occident où la culture grecque prévalut, le christianisme hellénisé prit racine.

195:1.11 La version orientale du message de Jésus, bien qu'elle demeurât plus fidèle aux enseignements du Maitre, continua de suivre l'attitude intransigeante d'Abner. Elle ne progressa jamais comme la version hellénisée, et finit par se perdre dans le mouvement islamique.

195.2  L'Influence Romaine

195:2.1 Les Romains adoptèrent en bloc la culture grecque en substituant des gouvernements représentatifs aux gouvernements par tirage au sort. Ces changements ne tardèrent pas à favoriser le christianisme, en ce sens que Rome introduisit, dans tout le monde occidental, une tolérance nouvelle pour des langues, des populations et même des religions étrangères.

195:2.2 À Rome, une grande partie des premières persécutions contre les chrétiens fut motivée uniquement par l'emploi malencontreux du mot « royaume » dans leurs prédications. Les Romains toléraient toutes les religions et n'importe laquelle, mais ne supportaient rien de ce qui avait un air de rivalité politique. Aussi, quand ces premières persécutions religieuses - si largement dues à des malentendus - prirent fin, le champ de la propagande religieuse se trouva largement ouvert. Le Romain s'intéressait à l'administration politique ; il s'intéressait peu à l'art et à la religion, mais il était exceptionnellement tolérant pour les deux.

195:2.3 La loi orientale était sévère et arbitraire ; la loi grecque était fluide et artistique ; la loi romaine avait de la dignité et imposait le respect. L'éducation romaine engendrait une fidélité incomparable et impassible. Les premiers Romains étaient des individus politiquement dévoués et sublimement consacrés. Ils étaient honnêtes, zélés et dévoués à leurs idéaux, mais sans religion digne de ce nom. Il n'est guère étonnant que leurs éducateurs grecs aient pu les persuader d'accepter le christianisme de Paul.

195:2.4 Et ces Romains étaient un grand peuple. Ils purent gouverner l'Occident parce qu'ils se gouvernaient eux-mêmes. Une telle honnêteté sans précédent, une telle consécration et une telle maitrise résolue de soi formaient un terrain idéal pour la réception et la croissance du christianisme.

195:2.5 Il était facile à ces Gréco-Romains de devenir tout aussi dévoués spirituellement à une Église institutionnelle qu'ils l'étaient politiquement à l'État. Les Romains ne combattirent l'Église qu'au moment où ils craignirent qu'elle ne fît concurrence à l'État. Ayant peu de philosophie nationale ou de culture indigène, Rome reprit à son compte la culture grecque et adopta hardiment l'enseignement du Christ comme philosophie morale. Le christianisme devint la culture morale de Rome, mais ne devint guère sa religion dans le sens d'une expérience individuelle de croissance spirituelle pour ceux qui embrassèrent le nouveau culte d'une manière aussi globale. Il est vrai qu'un bon nombre d'individus pénétrèrent sous la superficialité de toute cette religion d'État, et trouvèrent, pour nourrir leur âme, les vraies valeurs des significations cachées contenues dans les vérités latentes du christianisme hellénisé et paganisé.

195:2.6 Le stoïcien, et son vigoureux appel « à la nature et à la conscience » n'avait que mieux préparé tout Rome à recevoir le Christ, au moins dans un sens intellectuel. Le Romain était un juriste par nature et par éducation ; il révérait même les lois de la nature. Et maintenant, dans le christianisme, il discernait les lois de Dieu dans les lois de la nature. Un peuple qui pouvait produire un Cicéron et un Virgile était mûr pour le christianisme hellénisé de Paul.

195:2.7 C'est ainsi que ces Grecs romanisés forcèrent à la fois les Juifs et les chrétiens à rendre philosophique leur religion, à en coordonner les idées, à rendre systématiques ses idéaux et à adapter les pratiques religieuses au courant de vie existant. Tout ceci fut immensément aidé par la traduction en grec des Écritures hébraïques et par la rédaction ultérieure en langue grecque du Nouveau Testament.

195:2.8 Contrairement aux Juifs et à de nombreux autres peuples, les Grecs avaient depuis longtemps cru provisoirement à l'immortalité, à une sorte de survie après la mort. Or, c'était l'essence de l'enseignement de Jésus ; il était donc certain que le christianisme exercerait sur eux un puissant attrait.

195:2.9 Une succession de victoires de la culture grecque et de la politique romaine avait consolidé les pays méditerranéens eu un seul empire, avec une seule langue et une seule culture, de sorte que le monde occidental était prêt pour un seul Dieu. Le judaïsme fournissait ce Dieu, mais le judaïsme en tant que religion était inacceptable pour les Grecs romanisés. Philon en aida quelques-uns à mitiger leurs objections, mais le christianisme leur révéla un concept encore meilleur d'un Dieu unique, et ils l'adoptèrent volontiers.

195.3  Sous l'Empire Romain

195:3.1 Après la consolidation de la souveraineté politique romaine et la propagation du christianisme, les chrétiens se trouvèrent avec un seul Dieu, un grand concept religieux, mais sans empire. Les Gréco-Romains se trouvèrent avec un grand empire, mais sans un Dieu qui puisse de manière satisfaisante servir de concept religieux pour le culte d'un empire et pour son unification spirituelle. Les chrétiens acceptèrent l'empire, et l'empire adopta le christianisme. Les Romains fournirent une unité de gouvernement politique, les Grecs, une unité de culture et d'instruction, et le christianisme, une unité de pensée et de pratique religieuses.

195:3.2 Rome triompha de la tradition du nationalisme par un universalisme impérial. Pour la première fois dans l'histoire, elle rendit possible à différentes races et nations d'accepter, au moins nominalement, une même religion.

195:3.3 Le christianisme gagna la faveur de Rome à un moment de lutte ardente entre les vigoureux enseignements des stoïciens et les promesses de salut du culte des mystères. Le christianisme apporta une consolation reposante et un pouvoir libérateur à un peuple spirituellement affamé, dont le langage ne comportait pas de mot signifiant « désintéressement » .

195:3.4 Le christianisme tira son plus grand pouvoir de la manière dont ses croyants vécurent une vie de service, et même de la manière dont ils moururent pour leur foi durant les premiers temps de persécutions rigoureuses.

195:3.5 L'enseignement concernant l'amour du Christ pour les enfants mit bientôt fin à la pratique généralisée d'exposer les enfants qui n'étaient pas désirés, et particulièrement les filles.

195:3.6 Les premières formes de culte chrétien furent largement copiées sur celles des synagogues juives, modifiées par le rituel mithriaque. Plus tard, on y ajouta beaucoup d'apparat païen. Les Grecs christianisés, prosélytes du judaïsme, formaient l'ossature de l'Église chrétienne primitive.

195:3.7 Le deuxième siècle après le Christ fut le meilleur temps de toute l'histoire du monde pour qu'une bonne religion puisse progresser dans le monde occidental. Durant le premier siècle, le christianisme s'était préparé, par des luttes et des compromis, à prendre racine et à se répandre rapidement. Le christianisme adopta l'empereur, et plus tard l'empereur adopta le christianisme. C'était une grande époque pour la diffusion d'une nouvelle religion. On jouissait de la liberté religieuse, les voyages étaient universels et la pensée ne subissait pas d'entraves.

195:3.8 L'élan spirituel donné par l'acceptation nominale du christianisme hellénisé atteignit Rome trop tard pour empêcher son déclin moral bien amorcé ou pour compenser sa dégénérescence raciale déjà bien établie et croissante. Cette nouvelle religion était une nécessité culturelle pour la Rome impériale, et il est extrêmement malheureux qu'elle ne soit pas devenue un moyen de salut spirituel dans un sens plus large.

195:3.9 Même une bonne religion ne put sauver un grand empire des résultats certains du manque de participation des individus aux affaires du gouvernement, d'un excès de paternalisme, d'impôts exagérés comportant des abus grossiers dans leur recouvrement, d'un commerce déséquilibré avec le Levant qui drainait l'or, de la folie des plaisirs, de la standardisation romaine, de l'état dégradant où était tenue la femme, de la décadence raciale et de l'esclavage, des calamités physiques et d'une Église d'État qui devint à tel point une institution qu'elle frisa la stérilité spirituelle.

195:3.10 Les conditions n'étaient cependant pas aussi mauvaises à Alexandrie. Les premières écoles conservèrent beaucoup d'enseignements de Jésus, libres de compromis. Pantène enseigna Clément, puis suivit Nathanael aux Indes en proclamant le Christ. Bien que certains idéaux de Jésus aient été sacrifiés pour bâtir le christianisme, il faut constater en toute équité que, vers la fin du deuxième siècle, la quasi-totalité des grands penseurs du monde gréco-romain était devenue chrétienne. Le triomphe approchait de son parachèvement.

195:3.11 Et cet empire romain dura suffisamment longtemps pour assurer la survie du christianisme même après son propre effondrement. Nous avons souvent cherché à imaginer ce qui serait arrivé à Rome et dans le monde si l'évangile du royaume avait été adopté à la place du christianisme grec.

195.4  Les Âges de Ténèbres en Europe

195:4.1 Auxiliaire de la société et alliée de la politique, l'Église était condamnée à partager le déclin intellectuel et spirituel de ce qu'on appelle les « âges de ténèbres » européens. Durant cette époque, la religion prit un caractère de plus en plus monastique, ascétique et réglementaire. Au sens spirituel, le christianisme était en hibernation. À côté de cette religion sommeillante et sécularisée, il exista, durant toute cette période un courant continu de mysticisme, une expérience spirituelle fantastique frisant l'irréel et philosophiquement parente du panthéisme.

195:4.2 Durant ces sombres siècles de désespoir, la religion redevint pratiquement de seconde main. Les individus étaient à peu près perdus devant l'autorité, la tradition et la mainmise de l'Église qui s'étendait sur tout. Une nouvelle menace spirituelle s'éleva par la création d'une galaxie de « saints » censés avoir une influence spéciale auprès des tribunaux divins ; en conséquence, si l'on savait faire efficacement appel à eux, ils devaient pouvoir intercéder en faveur des hommes auprès des Dieux.

195:4.3 Tout en restant impuissant à barrer la route aux âges des ténèbres qui arrivaient, le christianisme était suffisamment socialisé et paganisé pour survivre d'autant mieux à une période prolongée de ténèbres morales et de stagnation spirituelle. Il subsista durant la longue nuit de la civilisation occidentale et agissait encore en tant qu'influence morale dans le monde à l'aurore de la Renaissance. Après l'écoulement des âges de ténèbres, la réhabilitation du christianisme eut pour résultat de faire naître de nombreuses sectes d'enseignement chrétien dont les croyances étaient adaptées à des types spéciaux - intellectuels, émotifs et spirituels - de personnalités humaines. Beaucoup de ces collectivités chrétiennes spéciales, ou familles religieuses, subsistent encore à l'époque où nous effectuons cette présentation.

195:4.4 L'histoire montre que le christianisme est né de la transformation involontaire de la religion de Jésus en une religion à propos de Jésus. Elle montre aussi que le christianisme a subi l'hellénisation, la paganisation, la sécularisation, l'institutionnalisme, la dépravation intellectuelle, la décadence spirituelle, l'hibernation morale, les menaces d'extinction, la régénérescence ultérieure, la fragmentation et, plus récemment, une réhabilitation relative. Ce curriculum dénote une vitalité qui lui est inhérente et la possession d'immenses facultés de récupération. Et ce même christianisme est actuellement présent dans le monde civilisé des peuples occidentaux, faisant face à une lutte pour la vie encore plus inquiétante que les mémorables crises caractéristiques de ses anciennes batailles pour la domination.

195:4.5 La religion est aujourd'hui confrontée au défi d'un nouvel âge de mentalité scientifique et de tendances matérialistes. Dans ce gigantesque conflit entre le temporel et le spirituel, la religion de Jésus finira par triompher.

195.5  Le Problème Moderne

195:5.1 Le vingtième siècle a apporté au christianisme et à toutes les autres religions de nouveaux problèmes à résoudre. Plus une civilisation s'élève, plus s'impose aux hommes le devoir impérieux de « chercher d'abord les réalités célestes » dans tous leurs efforts pour stabiliser la société et faciliter la solution de ses problèmes matériels.

195:5.2 Bien souvent la vérité devient confuse et même trompeuse quand elle est disséquée, fractionnée, isolée et trop analysée. La vérité vivante ne donne au chercheur un enseignement valable que si elle est embrassée dans sa totalité et en tant que réalité spirituelle vivante ; il ne suffit pas qu'elle soit un fait de la science matérielle ou une inspiration d'un art intermédiaire.

195:5.3 La religion est la révélation à l'homme de sa destinée divine et éternelle. La religion est une expérience purement personnelle et spirituelle ; elle doit perpétuellement être distinguée des autres formes supérieures de la pensée humaine telles que :

195:5.4 1. L'attitude logique envers les choses de la réalité matérielle.

195:5.5 2. L'appréciation esthétique de la beauté par contraste avec la laideur.

195:5.6 3. La reconnaissance éthique des obligations sociales et du devoir politique.

195:5.7 4. Même le sens de la moralité humaine n'est pas religieux en soi et par lui-même.

195:5.8 La religion est destinée à trouver dans l'univers les valeurs qui évoquent la foi, la confiance et l'assurance ; la religion culmine dans l'adoration. La religion découvre pour l'âme les valeurs suprêmes qui contrastent avec les valeurs relatives découvertes par le mental. On ne possède cette clairvoyance suprahumaine que par une expérience religieuse authentique.

195:5.9 Il n'est pas plus possible de maintenir un système social durable sans une moralité fondée sur des réalités spirituelles que de maintenir un système solaire sans la gravité.

195:5.10 N'essayez ni de satisfaire la curiosité ni de contenter tous les désirs latents d'aventure qui surgissent dans l'âme pendant la courte durée d'une vie dans la chair. Soyez patients ! Ne cédez pas à la tentation de vous plonger dans le dérèglement des aventures vulgaires et sordides. Domptez vos énergies et réfrénez vos passions. Soyez calmes en attendant le déroulement majestueux d'une carrière sans fin d'aventures progressives et de découvertes passionnantes.

195:5.11 Dans la confusion sur l'origine de l'homme, ne perdez pas de vue sa destinée éternelle. N'oubliez pas que Jésus aimait même les petits enfants, et qu'il montra, clairement et à tout jamais, la grande valeur de la personnalité humaine.

195:5.12 En observant le monde, rappelez-vous que les taches sombres du mal que vous voyez ressortent sur un arrière-plan clair de bien ultime. Vous ne voyez pas simplement le bien sous forme de taches blanches ressortant misérablement sur un noir arrière-plan de mal.

195:5.13 Quand il y a tant de vérités bonnes à publier et à proclamer, pourquoi les hommes devraient-ils prêter tant d'attention au mal dans le monde simplement parce que le mal apparaît comme un fait ? Les belles valeurs spirituelles de la vérité sont plus agréables et exaltantes que le phénomène du mal.

195:5.14 En religion, Jésus recommanda et suivit la méthode de l'expérience, de même que la science moderne poursuit la technique expérimentale. Nous trouvons Dieu par les directives de la clairvoyance spirituelle, mais nous approchons cette clairvoyance de l'âme par l'amour du beau, la poursuite de la vérité, la fidélité au devoir et l'adoration de la divine bonté. Mais, parmi toutes ces valeurs, l'amour est le véritable guide vers la clairvoyance réelle.

195.6  Le Matérialisme

195:6.1 Les savants ont involontairement précipité l'humanité dans un affolement matérialiste. Ils ont déclenché une ruée irréfléchie sur la banque morale des âges, mais cette banque de l'expérience humaine dispose de vastes ressources spirituelles et peut faire face aux demandes qui lui sont présentées. Seuls les irréfléchis s'affolent au sujet des actifs spirituels de la race humaine. Quand l'affolement matérialiste-laïque aura passé, la religion de Jésus n'aura pas fait banqueroute. La banque spirituelle du royaume des cieux fera des paiements de foi, d'espérance et de sécurité morale à tous ceux qui auront recours à elle « en Son nom » .

195:6.2 Quel que puisse être le conflit apparent entre le matérialisme et les enseignements de Jésus, vous pouvez être assurés que la doctrine du Maitre triomphera pleinement au cours des âges à venir. En réalité, il ne peut se produire aucune controverse entre la vraie religion et la science, car la première ne s'occupe aucunement des choses matérielles. La religion observe simplement vis-à-vis de la science une neutralité bienveillante, tandis qu'elle s'intéresse suprêmement au savant.

195:6.3 La poursuite de la simple connaissance, quand elle n'est accompagnée ni de l'interprétation par la sagesse ni de la clairvoyance spirituelle due à l'expérience religieuse, conduit finalement au pessimisme et au désespoir humain. Une connaissance limitée est vraiment déconcertante.

195:6.4 À l'époque du présent écrit, les pires moments de l'âge matérialiste sont passés ; l'aube d'une meilleure compréhension commence déjà à poindre. Les grands penseurs, ceux qui, dans le monde scientifique, disposent d'un mental supérieur, ont cessé d'avoir une philosophie entièrement matérialiste, mais le commun du peuple incline toujours dans cette direction par suite des enseignements antérieurs. Toutefois, cet âge de réalisme physique n'est qu'un épisode transitoire dans la vie de l'homme sur terre. La science moderne a laissé intacte la vraie religion : les enseignements de Jésus traduits dans la vie de ceux qui croient en lui. Tout l'accomplissement de la science a consisté à détruire les illusions enfantines des fausses interprétations de la vie.

195:6.5 En ce qui concerne la vie de l'homme sur terre, la science est une expérience quantitative, et la religion une expérience qualitative. La science s'occupe des phénomènes ; la religion des origines, des valeurs et des buts. Mettre en avant des causes pour expliquer des phénomènes physiques, c'est confesser son ignorance des ultimes et ne peut en fin de compte que ramener le savant à la grande cause première - le Père Universel du Paradis.

195:6.6 Le passage violent d'un âge de miracles à un âge de machines s'est révélé tout à fait déroutant pour l'homme. Le fait que les fausses philosophies mécanistes déploient de l'ingéniosité et de la dextérité dément leur prétention d'être exclusivement mécanistes. L'agilité fataliste du mental d'un matérialiste contredit perpétuellement ses affirmations que l'univers est un phénomène énergétique aveugle et sans but.

195:6.7 Le naturalisme mécaniste de certains hommes supposés instruits et la laïcité inconsidérée de l'homme de la rue s'occupent tous deux exclusivement de choses ; ils sont dénués de toute vraie valeur, sanction ou satisfaction de nature spirituelle, et sont également dépourvus de foi, d'espérance et d'assurances éternelles. L'une des grandes difficultés de la vie moderne est que l'homme se croit trop occupés pour trouver le temps nécessaire à la méditation spirituelle et à la dévotion religieuse.

195:6.8 Le matérialisme réduit l'homme à l'état d'automate sans âme, et fait simplement de lui un symbole arithmétique placé sans pouvoir dans la formule mathématique d'un univers mécaniste et dépourvu de romanesque. Mais d'où vient donc cet immense univers de mathématiques sans Maitre Mathématicien ? La science peut disserter sur la conversation de la matière, mais la religion valide la conservation des âmes humaines - elle concerne leur expérience avec des réalités spirituelles et des valeurs éternelles.

195:6.9 Le sociologue matérialiste contemporain observe une communauté, fait un rapport à son sujet et laisse les gens tels qu'il les a trouvés. Il y a dix-neuf-cents ans, des Galiléens sans instruction observèrent Jésus donnant sa vie comme contribution spirituelle à l'expérience intérieure de l'homme et ensuite ils sortirent de Galilée et mirent sens dessus dessous tout l'empire romain.

195:6.10 Mais les dirigeants religieux commettent une grave erreur en essayant d'appeler l'homme moderne à la bataille spirituelle au son des trompettes du Moyen Age. La religion doit se pourvoir elle-même de slogans nouveaux et modernes. Ni la démocratie ni aucune autre panacée politique ne remplaceront le progrès spirituel. Les fausses religions peuvent représenter une évasion hors de la réalité, mais, dans son évangile, Jésus a présenté à l'homme mortel la véritable entrée dans une réalité éternelle de progression spirituelle.

195:6.11 Dire que le mental « émergea » de la matière n'explique rien. Si l'univers était simplement un mécanisme et si le mental était solidaire de la matière, nous n'aurions jamais deux interprétations différentes d'un même phénomène observé. Les concepts de vérité, de beauté et de bonté ne sont inhérents ni à la physique ni à la chimie. Une machine ne peut pas connaître, et encore bien moins connaître la vérité, avoir soif de droiture et chérir la bonté.

195:6.12 La science peut être physique, mais le mental du savant discernant la vérité est instantanément supramatériel. La matière ne connaît pas la vérité ; elle ne peut non plus aimer la miséricorde ni prendre plaisir aux réalités spirituelles. Les convictions morales basées sur l'illumination spirituelle et enracinées dans l'expérience humaine sont tout aussi réelles et certaines que les déductions mathématiques basées sur des observations physiques, mais elles se situent sur un niveau différent et plus élevé.

195:6.13 Si les hommes n'étaient que des machines, ils réagiraient plus ou moins uniformément à un univers matériel. L'individualité n'existerait pas, et la personnalité encore bien moins.

195:6.14 Le fait du mécanisme absolu du Paradis au centre de l'univers des univers en présence de la volition sans réserve de la Source-Centre Seconde rend certain pour toujours que les causes déterminantes ne sont pas la loi exclusive du cosmos. Le matérialisme est là, mais il n'est pas exclusif. Le mécanisme est là, mais il n'est pas sans réserve. Le déterminisme est là, mais il n'est pas seul.

195:6.15 L'univers fini de la matière deviendrait finalement uniforme et déterministe s'il n'y avait pas la présence conjuguée du mental et de l'esprit. L'influence du mental cosmique injecte constamment de la spontanéité, même dans les mondes matériels.

195:6.16 Dans tout domaine d'existence, la liberté ou l'initiative est directement proportionnelle au degré d'influence spirituelle et de contrôle du mental cosmique, c'est-à-dire, dans l'expérience humaine, au degré auquel on se conforme effectivement à « la volonté du Père » . Donc, une fois que vous êtes parti à la recherche de Dieu, c'est la preuve concluante que Dieu vous a déjà trouvé.

195:6.17 La poursuite sincère de la bonté, de la beauté et de la vérité conduit à Dieu. Toute découverte scientifique démontre l'existence simultanée de la liberté et de la constance dans l'univers. L'inventeur était libre de faire sa découverte. La chose découverte est réelle et apparemment constante, car autrement elle n'aurait pu être connue en tant que chose.

195.7  La Vulnérabilité du Matérialisme

195:7.1 Combien l'homme à mentalité matérielle est insensé de permettre à des théories aussi vulnérables que celles d'un univers mécaniste de le priver des immenses ressources spirituelles de l'expérience personnelle de la vraie religion. Les faits ne sont jamais en contradiction avec la véritable foi spirituelle ; les théories peuvent l'être. La science ferait mieux de se consacrer à détruire la superstition plutôt qu'à essayer de ruiner la foi religieuse : la croyance humaine aux réalités spirituelles et aux valeurs divines.

195:7.2 La science devrait faire matériellement pour l'homme ce que la religion fait spirituellement pour lui : étendre l'horizon de la vie et agrandir sa personnalité. La vraie science ne peut avoir de querelle durable avec la vraie religion. La « méthode scientifique » est simplement un étalon intellectuel pour mesurer les aventures matérielles et les accomplissements physiques. Mais étant matérielle et entièrement intellectuelle, cette méthode ne sert absolument à rien pour évaluer les réalités spirituelles et les expériences religieuses.

195:7.3 L'illogisme du mécaniste moderne est le suivant : si notre univers était simplement matériel et l'homme seulement une machine, cet homme serait entièrement incapable de se reconnaître en tant que machine ; de même un tel homme-machine serait entièrement inconscient du fait qu'un tel univers matériel existe. Dans sa consternation et son désespoir matérialiste, la science mécaniste n'a pas réussi à reconnaître le fait que le mental du savant est habité par l'esprit, or, c'est la clairvoyance supramatérielle de ce même savant qui formule ces concepts erronés et contradictoires en soi d'un univers matérialiste.

195:7.4 Les valeurs paradisiaques d'éternité et d'infinité, de vérité, de beauté et de bonté, sont dissimulées dans les faits des phénomènes des univers du temps et de l'espace. Mais il faut l'oeil de la foi chez un mortel né d'esprit pour détecter et discerner ces valeurs spirituelles.

195:7.5 Les réalités et les valeurs du progrès spirituel ne sont pas une « projection psychologique » - un simple rêve éveillé et glorifié du mental matériel. Ces choses sont les prévisions spirituelles de l'Ajusteur intérieur, l'esprit de Dieu vivant dans le mental de l'homme. Ne laissez pas les quelques notions que vous avez au sujet des découvertes faiblement entrevues de la « relativité » troubler vos concepts de l'éternité et de l'infinité de Dieu. Et, chaque fois que vous êtes pressés par la nécessité d'exprimer votre moi, ne commettez pas la faute d'omettre l'expression de l'Ajusteur, la manifestation de votre réel et meilleur moi.

195:7.6 Si cet univers était uniquement matériel, l'homme matériel ne serait jamais capable de parvenir au concept du caractère mécaniste d'une existence exclusivement matérielle. Ce concept mécaniste de l'univers est en lui-même un phénomène non matériel du mental, et tout mental est d'origine non matérielle, indépendamment du fait qu'il puisse apparaître comme complètement conditionné matériellement et contrôlé mécaniquement.

195:7.7 Le mécanisme mental partiellement évolué de l'homme mortel est assez peu doué de sagesse et de logique. La vanité de l'homme dépasse souvent sa raison et échappe à sa logique.

195:7.8 C'est précisément le pessimisme du matérialiste le plus pessimiste qui est, en soi et par lui-même, une preuve suffisante que l'univers du pessimiste n'est pas entièrement matériel. L'optimisme et le pessimisme sont tous deux des réactions conceptuelles dans un mental conscient des valeurs aussi bien que des faits. Si l'univers était vraiment conforme à la conception des matérialistes, alors l'homme en tant que machine humaine, serait privé de toute reconnaissance consciente de ce fait. Sans la conscience du concept de valeurs dans le mental né d'esprit, l'homme ne pourrait aucunement reconnaître le fait du matérialisme universel ni les phénomènes machinaux du fonctionnement de l'univers. Une machine ne peut être consciente de la nature ni de la valeur d'une autre machine.

195:7.9 Une philosophie mécaniste de la vie et de l'univers ne saurait être scientifique, parce que la science ne reconnaît et ne traite que des objets matériels et des faits. La philosophie est inévitablement suprascientifique. L'homme est un fait matériel de la nature, mais sa vie est un phénomène qui en transcende les niveaux matériels, en ce sens qu'elle déploie les attributs contrôlants du mental et les qualités créatives de l'esprit.

195:7.10 L'effort sincère de l'homme pour devenir mécaniste représente le phénomène tragique de sa futile tentative pour se suicider intellectuellement et moralement. Mais il ne peut y parvenir.

195:7.11 Si l'univers était uniquement matériel et l'homme uniquement une machine, il n'y aurait pas de science enhardissant les savants à postuler la mécanisation de l'univers. Les machines ne peuvent ni se mesurer, ni se classifier, ni s'évaluer elles-mêmes. Cette oeuvre scientifique ne pourrait être exécutée que par une entité ayant statut supramachinal.

195:7.12 Si la réalité de l'univers n'est qu'une immense mécanique, alors il faut que l'homme soit extérieur à l'univers et séparé de lui pour reconnaître ce fait et devenir conscient de la perspicacité de cette évaluation.

195:7.13 Si l'homme n'est qu'une machine, par quelle technique parvient-il à croire ou à prétendre savoir qu'il est seulement une machine ? L'expérience de s'évaluer consciemment soi-même n'est jamais l'attribut d'une simple machine. Un mécaniste avoué et conscient de soi constitue la meilleure réponse possible au mécanisme. Si le matérialisme était un fait, il ne pourrait exister de mécaniste conscient de soi. Il est également vrai qu'il faut d'abord être une personne morale avant de pouvoir accomplir des actes immoraux.

195:7.14 La seule prétention du matérialisme implique une conscience supramatérielle du mental qui se permet d'affirmer ce dogme. Un mécanisme peut se détériorer, mais ne peut jamais progresser. Les machines ne peuvent ni penser, ni créer, ni rêver, ni aspirer à quelque chose, ni idéaliser, ni avoir faim de vérité ou soif de droiture. Elles ne motivent pas leur vie par la passion de servir d'autres machines et de choisir pour but de progression éternelle la tâche sublime de trouver Dieu et de s'efforcer de lui ressembler. Les machines ne sont jamais intellectuelles, émotives, esthétiques, éthiques, morales, ni spirituelles.

195:7.15 L'art prouve que l'homme n'est pas une machine, mais ne prouve pas qu'il soit spirituellement immortel. L'art est la morontia du mortel, le domaine intermédiaire entre l'homme matière et l'homme esprit. La poésie est un effort pour échapper aux réalités matérielles et s'approcher des valeurs spirituelles.

195:7.16 Dans une haute civilisation, l'art humanise la science, et à son tour il est spiritualisé par la vraie religion - la clairvoyance des valeurs spirituelles et éternelles. L'art représente l'évaluation humaine de la réalité dans l'espace-temps. La religion est l'emprise divine des valeurs cosmiques et implique une progression éternelle dans l'ascension et l'expansion spirituelles. L'art temporel n'est dangereux que s'il devient aveugle aux étalons spirituels des archétypes divins que l'éternité reflète en tant qu'ombres de réalité du temps. L'art véritable est la manipulation efficace des choses matérielles de la vie ; la religion est la transformation ennoblissante des faits matériels de la vie et ne cesse jamais d'évaluer l'art du point de vue spirituel.

195:7.17 Combien il est stupide de supposer qu'un automate pourrait concevoir une philosophie de l'automatisme, et ridicule de penser qu'il pourrait prétendre se former un tel concept de ses compagnons automates !

195:7.18 Toute interprétation scientifique de l'univers matériel est sans valeur, à moins qu'elle ne comporte la due récognition du savant. Nulle appréciation de l'art n'est authentique si elle ne reconnaît pas l'artiste. Nulle évaluation de la morale n'est valable à moins d'inclure le moraliste. Nulle récognition de la philosophie n'est édifiante si elle ignore le philosophe. Quant à la religion, elle ne peut exister sans l'expérience réelle de la personne religieuse qui, dans cette expérience même et à travers elle, cherche à trouver Dieu et à le connaître. Similairement, l'univers des univers est dépourvu de signification en dehors du JE SUIS, le Dieu infini qui l'a créé et qui l'administre sans cesse.

195:7.19 Les mécanistes - les humanistes - tendent à dériver avec les courants matériels. Les idéalistes et les spiritualistes osent employer leurs forces avec intelligence et vigueur pour modifier le cours, en apparence purement matériel, des circuits d'énergie.

195:7.20 La science vit par les mathématiques du mental. La musique exprime la cadence des émotions. La religion est le rythme spirituel de l'âme en harmonie spatiale-temporelle avec la mélodie des mesures supérieures et éternelles de l'Infinité. L'expérience religieuse est quelque chose de vraiment supramathématique dans la vie humaine.

195:7.21 Dans le langage, l'alphabet représente le mécanisme du matérialisme, tandis que les mots qui expriment la signification de mille pensées, grandes idées et nobles idéaux - d'amour et de haine, de lâcheté et de courage - représentent les accomplissements du mental opérant dans les limites de la loi tant matérielle que spirituelle ; ces accomplissements du mental étant dirigés par l'affirmation de la volonté de la personnalité et limités par les dotations inhérentes à la situation.

195:7.22 L'univers ne ressemble pas aux lois, mécanismes et constantes que les savants découvrent et qu'ils finissent par considérer comme la science. Il ressemble plutôt au savant curieux, pensant, choisissant, créant, combinant et discriminant, qui observe ainsi les phénomènes de l'univers et classifie les faits mathématiques inhérents aux phases machinales de l'aspect matériel de la création. L'univers ne ressemble pas non plus à l'effet artistique, mais plutôt à l'artiste qui travaille, rêve, élève ses pensées, progresse et cherche à transcender le monde des choses matérielles par un effort pour atteindre un but spirituel.

195:7.23 C'est le savant, et non la science, qui perçoit la réalité d'un univers d'énergie et de matière en évolution et en progrès. C'est l'artiste, et non l'art, qui démontre l'existence du monde morontiel transitoire interposé entre l'existence matérielle et la liberté spirituelle. C'est la personne religieuse, et non la religion, qui prouve l'existence des réalités d'esprit et des valeurs divines que l'on sera amené à rencontrer au cours du progrès dans l'éternité.

195.8  Le Totalitarisme Laïque

195:8.1 Mais, même après que le matérialisme et le machinisme auront été plus ou moins vaincus, l'influence dévastatrice du laïcisme du vingtième siècle flétrira encore l'expérience spirituelle de millions d'âmes candides.

195:8.2 Le laïcisme, ou sécularisme moderne, a été nourri par deux influences mondiales. Le père du laïcisme fut l'étroitesse de pensée et l'attitude impie de ce que l'on appelle la science du dix-neuvième et du vingtième siècles - la science athée. La mère du laïcisme moderne fut l'Église chrétienne totalitaire du Moyen Age. Le laïcisme débuta comme une protestation contre la domination à peu près complète de la civilisation occidentale par l'Église chrétienne transformée en institution.

195:8.3 À l'époque de la présente révélation, le climat intellectuel et philosophique prévalant à la fois dans la vie européenne et la vie américaine est nettement laïque - humaniste. Au cours des trois derniers siècles, la pensée occidentale a été progressivement laïcisée. La religion est devenue de plus en plus une influence nominale, et largement un exercice rituel. En majorité, ceux qui s'avouent chrétiens dans la civilisation occidentale sont en fait, sans le savoir, des laïcs.

195:8.4 Il a fallu un grand pouvoir, une puissante influence, pour libérer la pensée et la vie des peuples occidentaux de l'emprise desséchante d'une domination ecclésiastique totalitaire. Le laïcisme a effectivement brisé les entraves du contrôle de l'Église, et il menace maintenant à son tour d'établir un nouveau type de domination athée sur le coeur et le mental de l'homme moderne. L'État politique tyrannique et dictatorial est le rejeton direct du matérialisme scientifique et du laïcisme philosophique. À peine la laïcité a-t-elle libéré l'homme de la domination de l'Église passée au rang d'institution, qu'elle le vend comme esclave servile à l'État totalitaire. Le laïcisme ne libère l'homme de la servitude ecclésiastique que pour le trahir en le livrant à la tyrannie de l'esclavage politique et économique.

195:8.5 Le matérialisme renie Dieu ; le laïcisme se borne à l'ignorer ; tout au moins ce fut son attitude primitive. Plus récemment, le laïcisme a prit une attitude plus militante, prétendant prendre la place de la religion de servitude totalitaire à laquelle il avait jadis résisté. Le laïcisme du vingtième siècle tend à affirmer que l'homme n'a pas besoin de Dieu. Mais attention ! Cette philosophie athée de la société humaine ne conduira qu'à des troubles, à l'animosité, au malheur, à la guerre et à des désastres à l'échelle mondiale.

195:8.6 Le laïcisme ne peut jamais apporter la paix à l'humanité. Rien ne peut remplacer Dieu dans la société humaine. Mais prenez bien garde ! Ne vous hâtez pas d'abandonner les bénéfices de la révolte laïque qui vous a dégagés du totalitarisme ecclésiastique. La civilisation occidentale jouit aujourd'hui de beaucoup de libertés et de satisfactions qui proviennent de la révolte laïque. La grande erreur du laïcisme fut la suivante : en se révoltant contre le contrôle à peu près total de la vie par l'autorité religieuse, et après s'être libérés de cette tyrannie ecclésiastique, les laïcs ont poursuivi leur activité en instituant une révolte contre Dieu lui-même, parfois tacitement, parfois ouvertement.

195:8.7 C'est à la révolte laïque que vous devez la stupéfiante créativité de l'industrie américaine et le progrès matériel sans précédent de la civilisation occidentale. Et, parce que la révolte laïque est allée trop loin, et a perdu de vue Dieu et la vraie religion, il s'en est suivi une moisson inattendue de guerres mondiales et d'instabilité internationale.

195:8.8 Il n'est pas nécessaire de sacrifier la foi en Dieu pour jouir des bienfaits de la révolte laïque moderne : tolérance, service social, gouvernement démocratique et libertés civiles. Il n'était pas indispensable aux laïcs de s'opposer à la vraie religion pour promouvoir la science et faire progresser l'éducation.

195:8.9 Mais le laïcisme n'est pas le seul auteur de tous les gains récents dans l'épanouissement de la vie. Derrière les gains du vingtième siècle, il y a non seulement la science et le laïcisme, mais aussi l'action spirituelle de la vie et des enseignements de Jésus de Nazareth qui ne sont ni reconnus ni pris en considération.

195:8.10 Sans Dieu, sans religion, le laïcisme scientifique ne pourra jamais coordonner ses forces ni harmoniser ses divergences et rivalités d'intérêts, de races et de nationalismes. Malgré ses accomplissements matérialistes incomparables, cette société humaine laïcisée se désintègre lentement. La principale force de cohésion résistant à cette désintégration d'antagonismes est le nationalisme. Or le nationalisme est le principal obstacle à la paix mondiale.

195:8.11 La faiblesse inhérente au laïcisme vient de ce qu'il rejette la morale et la religion en faveur de la politique et du pouvoir. Il est tout simplement impossible d'établir la fraternité des hommes en ignorant ou en reniant la paternité de Dieu.

195:8.12 L'optimisme laïc en matière sociale et politique est une illusion. Sans Dieu, ni la libération et la liberté, ni les biens et la richesse n'apporteront la paix.

195:8.13 La laïcisation complète de la science, de l'éducation, de l'industrie et de la société ne peut conduire qu'au désastre. Durant le premier tiers du vingtième siècle, les Urantiens ont tué plus d'hommes que durant les dix-neuf premiers siècles de la dispensation chrétienne. Et ce n'est que le commencement de l'affreuse moisson du matérialisme et du laïcisme ; des destructions plus terribles sont encore à venir.

195.9  Le Problème du Christianisme

195:9.1 Ne négligez pas la valeur de votre héritage spirituel, le fleuve de vérité coulant à travers les siècles, même jusqu'à l'époque stérile d'un âge matérialiste et laïc. Dans tous vos valeureux efforts pour vous débarrasser des credo superstitieux des âges passés, assurez-vous que vous retenez fermement la vérité éternelle. Mais soyez patients ! Quand la présente révolte contre la superstition aura pris fin, les vérités de l'évangile de Jésus persisteront glorieusement pour illuminer une voie nouvelle et meilleure.

195:9.2 Mais le christianisme paganisé et socialisé a besoin d'un nouveau contact avec les enseignements sans compromis de Jésus ; il languit faute d'une vision neuve de la vie du Maitre sur terre. Une révélation nouvelle et plus complète de la religion de Jésus est destinée à triompher d'un empire de laïcisme matérialiste et à renverser un courant mondial de naturalisme mécaniste. Urantia frémit actuellement au bord même d'une de ses époques les plus stupéfiantes et passionnantes de rajustement social, de stimulation morale et d'illumination spirituelle.

195:9.3 Même grandement modifiés, les enseignements de Jésus ont survécu aux cultes des mystères de leur époque natale, à l'ignorance et à la superstition des âges de ténèbres ; et, en ce moment même, ils triomphent lentement du matérialisme, du machinisme et du laïcisme du vingtième siècle. Et de telles époques de grandes épreuves et de défaites menaçantes sont toujours des périodes de grande révélation.

195:9.4 La religion a besoin de nouveaux dirigeants, d'hommes et de femmes spirituels qui oseront dépendre uniquement de Jésus et de ses incomparables enseignements. Si le christianisme persiste à négliger sa mission spirituelle tout en continuant à s'occuper des problèmes sociaux et matériels, il faudra que la renaissance spirituelle attende la venue de ces nouveaux instructeurs de la religion de Jésus qui se consacreront exclusivement à la régénération spirituelle des hommes. Alors, ces âmes nées d'esprit fourniront rapidement les directives et l'inspiration nécessaires à la réorganisation sociale, morale, économique et politique du monde.

195:9.5 L'âge moderne refusera d'accepter une religion incompatible avec les faits et qui ne s'harmonise pas avec ses conceptions les plus élevées de la vérité, de la beauté et de la bonté. L'heure est venue de redécouvrir les vrais fondements originels du christianisme aujourd'hui déformé et plein de compromis - la vie et les enseignements réels de Jésus.

195:9.6 L'homme primitif vivait une vie d'asservissement superstitieux à la peur religieuse. L'homme civilisé moderne redoute de tomber sous la domination de fortes convictions religieuses. L'homme réfléchi a toujours craint d'être lié par une religion. Quand une religion forte et active menace de le dominer, il tente invariablement de la rationaliser, d'en faire une tradition et de la transformer en une institution, dans l'espoir de pouvoir ainsi la contrôler. Par ce processus, même une religion révélée devient une croyance établie et dominée par des hommes. Les hommes et les femmes modernes et intelligents fuient la religion de Jésus par crainte de ce qu'elle leur fera - et de ce qu'elle fera d'eux. Et toutes ces craintes sont bien fondées. En vérité, la religion de Jésus domine et transforme ses fidèles ; elle exige que les hommes consacrent leur vie à rechercher la connaissance de la volonté du Père qui est aux cieux et demande que les énergies de la vie soient affectées au service désintéressé de la fraternité des hommes.

195:9.7 Tout simplement, les hommes et les femmes égoïstes ne veulent pas payer ce prix, même en échange du plus grand trésor spirituel qui ait jamais été offert aux mortels. Il faut attendre que l'homme ait été suffisamment désillusionné par les tristes déceptions accompagnant la poursuite insensée et trompeuse de l'égoïsme, et qu'il ait découvert la stérilité de la religion formaliste. C'est alors seulement qu'il sera disposé à se tourner de tout coeur vers l'évangile du royaume, la religion de Jésus de Nazareth.

195:9.8 Le monde a besoin d'une religion de première main. Même le christianisme - la meilleure religion du vingtième siècle - n'est pas seulement une religion à propos de Jésus, mais il est largement une religion que les hommes expérimentent de seconde main. Ils prennent leur religion intégralement telle qu'elle leur est transmise par leurs chefs religieux reconnus. De quel réveil le monde ferait l'expérience si seulement il pouvait voir Jésus tel qu'il a réellement vécu sur terre et connaître de première main ses enseignements donnant la vie ! Des mots décrivant de belles choses ne peuvent passionner autant que la vue de ces choses ; les mots d'un credo ne peuvent pas non plus inspirer les âmes humaines comme l'expérience de connaître la présence de Dieu. Cependant, la foi attentive gardera toujours ouverte la porte d'espérance de l'âme humaine pour laisser entrer les éternelles réalités spirituelles des valeurs divines des mondes de l'au-delà.

195:9.9 Le christianisme a osé abaisser ses idéaux devant le défi lancé par l'avidité humaine, la folie guerrière et la convoitise du pouvoir. Mais la religion de Jésus subsiste comme la convocation spirituelle immaculée et transcendante ; elle appelle ce qu'il y a de meilleur dans l'homme à s'élever au-dessus de tous ces héritages de l'évolution animale, et à atteindre par la grâce les hauteurs morales de la véritable destinée humaine.

195:9.10 Le christianisme est menacé de mort lente par le formalisme, l'excès d'organisation, l'intellectualisme et d'autres tendances non spirituelles. L'Église chrétienne moderne n'est pas une fraternité de croyants dynamiques comme celle que Jésus avait chargée d'effectuer la transformation spirituelle continue des générations successives de l'humanité.

195:9.11 Ce qu'on appelle christianisme est devenu un mouvement social et culturel autant qu'une croyance et une pratique religieuse. Le courant du christianisme moderne draine un bon nombre d'anciens marécages païens et bien des marais du barbarisme. Beaucoup d'anciens bassins spirituels s'écoulent dans le courant culturel d'aujourd'hui en même temps que les cours d'eau venant des hauts plateaux de Galilée, qui sont censés être sa source exclusive.

195.10  L'Avenir

195:10.1 En vérité, le christianisme a rendu un grand service à ce monde, mais maintenant c'est de Jésus qu'ont on a le plus besoin. Le monde a besoin de voir Jésus vivre de nouveau sur terre dans l'expérience des mortels nés d'esprit qui révèlent effectivement le Maitre à tous les hommes. Il est futile de parler d'une renaissance du christianisme primitif ; il faut avancer en partant du point où l'on se trouve. Il faut que la culture moderne soit spirituellement baptisée d'une nouvelle révélation de la vie de Jésus et illuminée par une nouvelle compréhension de son évangile de salut éternel. Et, quand Jésus sera ainsi élevé dans la pensée des hommes, il les attirera tous à lui. Davantage encore que des conquérants, les disciples de Jésus devraient être pour l'humanité des sources débordantes d'inspiration et de vie rehaussée. La religion n'est qu'un humanisme exalté jusqu'à ce qu'elle soit rendue divine par la découverte de la réalité de la présence de Dieu dans l'expérience personnelle.

195:10.2 La beauté et la sublimité de la vie de Jésus sur terre, son humanité et sa divinité, sa simplicité et son caractère unique présentent une image si frappante et si attirante du sauvetage des hommes et de la révélation de Dieu, que les théologiens et les philosophes de toutes les époques devraient être efficacement empêchés de formuler des credo et créer des systèmes théologiques de servitude spirituelle en partant de cette effusion transcendantale de Dieu sous la forme de l'homme. En Jésus, l'univers a produit un homme mortel en qui l'esprit d'amour a vaincu les handicaps matériels du temps et triomphé du fait de son origine physique.

195:10.3 Souvenez-vous toujours que Dieu et l'homme ont besoin l'un de l'autre. Ils sont mutuellement nécessaires pour l'aboutissement final et complet de l'expérience de la personnalité éternelle dans la destinée divine de la finalité de l'univers.

195:10.4 « Le royaume de Dieu est en vous. » C'est probablement la plus grande proclamation que Jésus ait jamais faite, après la déclaration que son Père est un esprit vivant et aimant.

195:10.5 Pour gagner des âmes au Maitre, ce n'est pas la première lieue parcourue par obligation, devoir ou convention qui transformera l'homme et son monde, mais plutôt la seconde lieue de service libre et de dévotion aimant la liberté ; elle dénote que le disciple a tendu la main à la manière de Jésus pour saisir son frère et l'amener, sous gouverne spirituelle, vers le but supérieur et divin de l'existence de mortel. Même aujourd'hui, le christianisme parcourt volontiers la première lieue, mais l'humanité languit et marche en trébuchant dans les ténèbres morales parce qu'il y a trop peu de disciples authentiquement prêts à parcourir la seconde lieue - trop peu de partisans avoués de Jésus qui vivent et aiment réellement comme il enseigna à ses disciples à vivre, aimer et servir.

195:10.6 L'appel à l'aventure consistant à construire une société humaine nouvelle et transformée, par la renaissance spirituelle de la fraternité du royaume de Jésus, devrait passionner tous ceux qui croient en lui et leur inspirer des sentiments plus vifs que les hommes n'en ont jamais ressenti depuis l'époque où, sur terre, ils parcouraient le pays comme ses compagnons dans la chair.

195:10.7 Nul système social ou régime politique niant la réalité de Dieu ne peut contribuer d'une manière constructive et durable à l'avancement de la civilisation humaine. Mais le christianisme, tel qu'il est aujourd'hui subdivisé et laïcisé, présente le plus grand de tous les obstacles à la poursuite du progrès de l'humanité ; cela est spécialement vrai en ce qui concerne l'orient.

195:10.8 La domination ecclésiastique est immédiatement et éternellement incompatible avec cette foi vivante, cet esprit croissant et cette expérience de première main des camarades de Jésus dans la foi en la fraternité des hommes dans l'association spirituelle du royaume des cieux. Le désir louable de préserver la tradition des accomplissements passés conduit souvent à défendre des systèmes d'adoration périmés. Le désir bien intentionné d'entretenir d'anciens systèmes de pensée empêche efficacement de parrainer des méthodes et moyens nouveaux et appropriés destinés à satisfaire les ardents désirs spirituels du mental en développement et en progrès de l'homme moderne. De même, les Églises chrétiennes du vingtième siècle se dressent comme des obstacles immenses, mais d'une manière totalement inconsciente, devant le progrès immédiat du véritable évangile - les enseignements de Jésus de Nazareth.

195:10.9 Bien des personnes sérieuses, qui seraient heureuses d'offrir leur fidélité au Christ de l'évangile, trouvent très difficile de soutenir avec enthousiasme une Église qui tient si peu compte de l'esprit de sa vie et de ses enseignements, et dont il leur a été dit à tort qu'elle avait été fondée par lui. Jésus n'est pas le fondateur de l'Église chrétienne, mais, de toutes les manières compatibles avec sa nature, il l'a entretenue comme le meilleur porte-parole existant de l'oeuvre de sa vie sur terre.

195:10.10 Si l'Église chrétienne osait seulement adopter le programme du Maitre, des milliers de jeunes, apparemment indifférents, se précipiteraient pour s'enrôler dans une telle entreprise spirituelle et n'hésiteraient pas à aller jusqu'au bout dans cette grande aventure.

195:10.11 Le christianisme est sérieusement confronté à la condamnation incorporée dans un de ses propres slogans : « Une maison divisée contre elle-même ne peut subsister. » Le monde non chrétien n'acceptera pas de capituler devant une chrétienté divisée en sectes. Jésus vivant représente le seul espoir possible d'unifier le christianisme. La véritable Église - la fraternité de Jésus - est invisible, spirituelle et caractérisée par l'unité, mais non nécessairement par l'uniformité. L'uniformité est la marque distinctive du monde physique de nature mécaniste. L'unité spirituelle est le fruit de l'union par la foi avec Jésus vivant. L'Église visible devrait refuser de continuer à handicaper le progrès de la fraternité invisible et spirituelle du royaume de Dieu. Cette fraternité est destinée à devenir un organisme vivant, contrastant avec une organisation sociale passée au rang d'institution. Les organisations sociales peuvent bien être utilisées par la fraternité, mais il ne faut pas qu'elles la supplantent.

195:10.12 Toutefois, le christianisme, même celui du vingtième siècle, ne doit pas être méprisé. Il est le produit du génie moral conjugué des hommes connaissant Dieu, venant de multiples races et de nombreux âges ; il a vraiment été l'une des plus grandes puissances bénéfiques sur terre. C'est pourquoi, nul ne devrait le considérer à la légère, malgré ses défauts inhérents et acquis. Le christianisme trouve encore le moyen d'agir par de puissantes émotions morales sur le mental des hommes réfléchis.

195:10.13 Mais, quand l'Église se lance dans le commerce et la politique, elle n'a pas d'excuse ; ces alliances impies sont une flagrante trahison du Maitre. Et les amis sincères de la vérité mettront longtemps à oublier que cette puissante Église institutionnelle a souvent eu l'audace d'étouffer une foi nouvellement née et de persécuter des porteurs de vérité à qui il arrivait de se présenter sous des vêtements non orthodoxes.

195:10.14 Il est malheureusement trop vrai que cette Église n'aurait pas survécu s'il n'y avait eu, dans le monde, des hommes pour préférer cette sorte d'adoration. Beaucoup d'âmes spirituellement indolentes désirent ardemment une religion ancienne de rites et de traditions sacrées qui fasse autorité. L'évolution humaine et le progrès spirituel ne sont guère suffisants pour permettre à tous les hommes de se dispenser d'une autorité religieuse. Et la fraternité invisible du royaume peut très bien inclure ces groupes familiaux de classes sociales et de caractères variés, pourvu que leurs membres soient disposés à devenir des fils de Dieu, vraiment conduits par l'esprit. Mais, dans cette fraternité de Jésus, il n'y a place ni pour des rivalités sectaires, ni pour l'acrimonie de groupe, ni pour des affirmations de supériorité morale et d'infaillibilité spirituelle.

195:10.15 Ces divers groupements de chrétiens peuvent servir à concilier de nombreux types différents d'hommes désireux de croire, parmi les divers peuples de la civilisation occidentale, mais une telle division de la chrétienté présente une sérieuse faiblesse quand elle essaye d'apporter l'évangile de Jésus aux peuples orientaux. Ces races ne comprennent pas encore qu'il existe une religion de Jésus séparée et quelque peu distincte du christianisme, lequel est de plus en plus devenu une religion à propos de Jésus.

195:10.16 Le grand espoir d'Urantia réside dans la possibilité d'une nouvelle révélation de Jésus, avec une présentation neuve et élargie de son message sauveur, qui unirait spirituellement, dans un service expression d'amour, les nombreuses familles de ceux qui se prétendent aujourd'hui ses fidèles.

195:10.17 Même l'éducation laïque pourrait aider à cette grande renaissance spirituelle si elle voulait prêter plus d'attention à la tâche d'apprendre aux jeunes comment s'engager dans des projets de vie, et de développement du caractère. Le but de toute éducation devrait consister à entretenir et à poursuivre le dessein suprême de la vie, le développement d'une personnalité pleine de majesté et bien équilibrée. Il y a grand besoin d'enseigner la discipline morale à la place de tant de satisfactions égoïstes. Sur une telle base, la religion peut apporter la contribution de son stimulant spirituel pour élargir et enrichir la vie des mortels, même jusqu'à la sécurité et à l'élévation de la vie éternelle.

195:10.18 Le christianisme est une religion improvisée ; il faut donc qu'il opère en petite vitesse. Les performances spirituelles à grande vitesse doivent attendre la nouvelle révélation et l'acceptation plus généralisée de la vraie religion de Jésus. Le christianisme est cependant une puissante religion, puisque les simples disciples d'un charpentier crucifié ont lancé les enseignements qui ont conquis l'empire romain en trois siècles et ont poursuivi leur action en triomphant des barbares qui renversèrent Rome. Ce même christianisme a conquis - absorbé et exalté - tout le courant de la théologie hébraïque et de la philosophie grecque. Et ensuite, quand la religion chrétienne est entrée dans le coma de plus de mille ans par suite d'une dose excessive de mystères et de paganisme, elle s'est ressuscitée elle-même et a virtuellement reconquis tout le monde occidental. Le christianisme contient suffisamment d'enseignements de Jésus pour devenir immortel.

195:10.19 Si seulement le christianisme pouvait saisir une plus grande partie des enseignements de Jésus, il pourrait faire tellement plus pour aider l'homme moderne à résoudre ses problèmes nouveaux et de plus en plus complexes.

195:10.20 Le christianisme souffre d'un grand handicap parce que, dans le mental de tous les hommes du monde, il a été identifié à une partie du système social, de la vie industrielle et des critères moraux de la civilisation occidentale ; et c'est ainsi que le christianisme a involontairement paru parrainer une société qui chancelle sous la culpabilité de tolérer la science sans idéalisme, la politique sans principes, la fortune sans travail, le plaisir sans restriction, la connaissance sans caractère, le pouvoir sans conscience et l'industrie sans moralité.

195:10.21 L'espoir du christianisme moderne consiste à cesser de parrainer les systèmes sociaux et la politique industrielle de la civilisation occidentale, tout en s'inclinant humblement devant la croix qu'il exalte si vaillamment, et à y apprendre à nouveau de Jésus de Nazareth les plus grandes vérités que l'homme mortel puisse jamais entendre - l'évangile vivant de la paternité de Dieu et de la fraternité des hommes.

196. La Foi de Jésus

196:0.1 JÉSUS avait en Dieu une foi sublime et sincère. Il éprouva les hauts et les bas ordinaires de l'existence de mortel, mais il ne mit jamais religieusement en doute la certitude de la vigilance et des directives de Dieu. Sa foi était le fruit de la clairvoyance née de l'activité de la présence divine, son Ajusteur intérieur. Sa foi n'était ni traditionnelle, ni simplement intellectuelle ; elle était entièrement personnelle et purement spirituelle.

196:0.2 Le Jésus humain voyait Dieu comme étant saint, juste et grand, aussi bien que vrai, beau et bon. Il focalisa dans son mental tous ces attributs de la divinité en tant que « volonté du Père qui est aux cieux » . Le Dieu de Jésus était simultanément « le Saint d'Israël » et « le Père qui est aux cieux vivant et aimant » . Le concept de Dieu en tant que Père n'était pas originel chez Jésus, mais il exalta et éleva l'idée au niveau d'une expérience sublime en accomplissant une nouvelle révélation de Dieu et en proclamant que toute créature mortelle est un enfant de ce Père de l'amour, un fils de Dieu.

196:0.3 Jésus ne s'accrocha pas à la foi en Dieu comme une âme se débattant dans une guerre contre l'univers et menant une lutte à mort contre un monde hostile et pécheur. Il n'eut pas recours à la foi uniquement pour se consoler au milieu des difficultés ou pour s'encourager devant la menace du désespoir. La foi n'était pas pour lui une simple compensation illusoire aux réalités déplaisantes et aux tristesses de la vie. En face de toutes les difficultés naturelles et des contradictions temporelles de l'existence d'un mortel, il éprouvait la tranquillité d'une confiance suprême et indiscutée en Dieu, et la fascination de vivre, par la foi, dans la présence même du Père céleste. Cette foi triomphante était une expérience vivante d'aboutissement d'esprit effectif. La grande contribution de Jésus aux valeurs de l'expérience humaine ne fut pas de révéler tant d'idées nouvelles au sujet du Père qui est aux cieux, mais plutôt de démontrer si magnifiquement et humainement un type nouveau et supérieur de foi vivante en Dieu. Jamais sur aucun monde de notre univers, ni dans la vie d'aucun mortel particulier, Dieu ne devint une telle réalité vivante que dans l'expérience humaine de Jésus de Nazareth.

196:0.4 Ce monde et tous les autres mondes de la création locale découvrent, dans la vie du Maitre sur Urantia, une religion d'un type nouveau et supérieur, une religion basée sur les relations spirituelles personnelles avec le Père Universel, et entièrement validée par l'autorité suprême d'une expérience personnelle authentique. Cette foi vivante de Jésus était plus qu'une réflexion intellectuelle et n'était pas une méditation mystique.

196:0.5 La théologie peut fixer, formuler, définir et dogmatiser la foi, mais, dans la vie humaine de Jésus, la foi était personnelle, vivante, originale, spontanée et purement spirituelle. Cette foi n'était ni un respect pour la tradition, ni une simple croyance intellectuelle tenue pour un credo sacré, mais plutôt une expérience sublime et une profonde conviction qui le tenaient en sécurité. Sa foi était si réelle et si totalement inclusive qu'elle balaya absolument tous les doutes spirituels et détruisit efficacement tout désir conflictuel. Rien n'était capable d'arracher Jésus de l'ancrage spirituel dans cette foi fervente, sublime et intrépide. Même en face d'une défaite apparente, ou dans l'angoisse des déceptions et d'un désespoir menaçant, il se tenait calmement dans la présence divine, libéré de toute peur et pleinement conscient d'être spirituellement invincible. Jésus bénéficiait de l'assurance tonifiante de posséder une foi stoïque ; dans chaque situation éprouvante de la vie, il fit infailliblement preuve d'une fidélité totale à la volonté du Père. Et cette foi superbe ne fut pas ébranlée, même par la menace cruelle et écrasante d'une mort ignominieuse.

196:0.6 Chez un génie religieux, une puissante foi spirituelle conduit trop souvent directement à un fanatisme désastreux, à l'exagération de l'ego religieux, mais ce ne fut pas le cas pour Jésus. Sa vie pratique ne fut pas affectée défavorablement par sa foi extraordinaire et son aboutissement d'esprit, parce que cette exaltation spirituelle était l'expression entièrement inconsciente et spontanée en son âme de son expérience personnelle avec Dieu.

196:0.7 La foi spirituelle de Jésus, ardente et indomptable, ne devint jamais fanatique, car elle n'essaya jamais de l'emporter sur ses jugements intellectuels bien équilibrés concernant les valeurs relatives des situations pratiques et ordinaires de la vie sociale, économique et morale. Le Fils de l'Homme était une personnalité humaine splendidement unifiée ; il était un être divin parfaitement doué ; il était magnifiquement coordonné en tant qu'être humain et divin combiné, opérant sur terre en une seule personnalité. Le Maitre coordonnait toujours la foi de l'âme avec les sages appréciations d'une expérience mûrie. La foi personnelle, l'espérance spirituelle et la dévotion morale étaient toujours liées dans une incomparable unité religieuse s'associant harmonieusement avec la pénétrante réalisation de la réalité et du caractère sacré de toutes les allégeances humaines - honneur personnel, amour familial, obligations religieuses, devoir social et nécessités économiques.

196:0.8 La foi de Jésus voyait toutes les valeurs d'esprit comme incluses dans le royaume de Dieu, et c'est pourquoi il disait : « Cherchez d'abord le royaume des cieux. » Jésus voyait, dans la communauté idéale et évoluée du royaume, l'aboutissement et l'accomplissement de « la volonté de Dieu » . L'essentiel de la prière qu'il enseigna à ses disciples était : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite. » Ayant ainsi conçu le royaume comme incluant la volonté de Dieu, il se consacra à le manifester avec un étonnant oubli de soi et un enthousiasme illimité. Mais, dans toute l'intensité de sa mission et durant sa vie extraordinaire, il ne fit jamais apparaître l'acharnement d'un fanatique ni la futilité superficielle du religieux égotiste.

196:0.9 Toute la vie du Maitre fut constamment conditionnée par cette foi vivante, cette sublime expérience religieuse. Cette attitude spirituelle dominait complètement sa manière de penser et de sentir, de croire et de prier, d'enseigner et de prêcher. Cette foi personnelle d'un fils en la certitude de la gouverne et la sécurité de la protection du Père céleste imprégna sa vie exceptionnelle d'un profond contenu de réalité spirituelle. Cependant, malgré cette intime conscience de ses relations étroites avec la divinité, ce Galiléen, le Galiléen de Dieu, lorsqu'on s'adressa à lui en l'appelant Bon Maitre, répliqua immédiatement : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? » Quand nous nous trouvons en face d'un aussi splendide oubli de soi, nous commençons à comprendre comment le Père Universel trouva possible de se manifester si pleinement à Jésus et de se révéler à travers lui aux mortels des royaumes.

196:0.10 En tant qu'homme du royaume, Jésus apporta à Dieu la plus grande de toutes les offrandes : il consacra et dédia sa propre volonté au majestueux service de faire la volonté divine. Jésus interprétait toujours immanquablement la religion entièrement sous l'aspect de la volonté du Père. Quand vous étudiez la carrière du Maitre au point de vue de la prière ou de tout autre trait de la vie religieuse, recherchez moins ses enseignements que ses actes. Jamais Jésus ne fit une prière à titre de devoir religieux. Pour lui, la prière était une expression sincère d'attitude spirituelle, une déclaration de loyauté d'âme, un exposé de dévotion personnelle, une expression d'actions de grâces, une manière d'échapper à la tension émotive, une prévention de conflit, une exaltation de l'intellect, un anoblissement des désirs, une justification de décisions morales, un enrichissement de la pensée, un renforcement des tendances supérieures, une consécration d'impulsion, une clarification de point de vue, une déclaration de foi, une reddition transcendantale de la volonté, une sublime affirmation de confiance, une révélation de courage, la proclamation d'une découverte, une confession de dévotion suprême, la confirmation d'une consécration, une technique pour aplanir les difficultés et la puissante mobilisation des pouvoirs conjugués de l'âme pour résister à toutes les tendances humaines à l'égoïsme, au mal et au péché. Il vécut précisément cette vie de pieuse consécration à faire la volonté de son Père et la termina triomphalement par une prière de cet ordre. Le secret de son incomparable vie religieuse était cette conscience de la présence de Dieu ; il l'atteignit par des prières intelligentes et une adoration sincère - une communion ininterrompue avec Dieu - et non par des directives, des voix, des visions ou des pratiques religieuses extraordinaires.

196:0.11 Dans la vie terrestre de Jésus, la religion fut une expérience vivante, un mouvement direct et personnel de vénération spirituelle à la droiture pratique. La foi de Jésus porta les fruits transcendants de l'esprit divin. Sa foi n'était ni dépourvue de maturité ni crédule comme celle d'un enfant, mais, sous beaucoup de rapports, elle ressemblait à la confiance candide du mental de l'enfant. La confiance de Jésus en Dieu ressemblait beaucoup à celle d'un enfant en ses parents. Il avait une profonde confiance dans l'univers, précisément ce genre de confiance que l'enfant porte à son environnement parental. La foi sincère de Jésus dans la bonté fondamentale de l'univers ressemblait beaucoup à celle d'un enfant dans la sécurité de son entourage terrestre. Jésus dépendait du Père céleste comme un enfant s'appuie sur son père terrestre, et jamais sa foi ardente ne mit un instant en doute la certitude que le Père céleste veillait sur lui. Jésus ne fut pas sérieusement troublé par la peur, le doute ou le scepticisme. L'incroyance n'inhibait pas l'expression libre et originale de sa vie. Il conjuguait le courage solide et intelligent d'un adulte avec l'optimisme sincère et confiant d'un enfant croyant. Sa foi avait grandi jusqu'à un tel degré de confiance qu'elle était dépourvue de crainte.

196:0.12 La foi de Jésus atteignait la pureté d'une confiance d'enfant. Elle était si absolue et dépourvue de doutes qu'elle réagissait au charme du contact avec des compagnons et aux merveilles de l'univers. Son sentiment de dépendance envers le divin était si complet et confiant qu'il lui procurait la joie et l'assurance d'une sécurité personnelle absolue. Il n'y avait pas de simulation hésitante dans l'expérience religieuse de Jésus. Dans cette intelligence géante d'adulte, la foi de l'enfant régnait suprêmement en toutes les matières se rapportant à la conscience religieuse. Il n'est pas étonnant qu'il ait une fois dit : « À moins de devenir comme un petit enfant, vous n'entrerez pas dans le royaume. » Bien que la foi de Jésus fût enfantine, elle n'était en aucun cas infantile.

196:0.13 Jésus ne demande pas à ses disciples de croire en lui, mais plutôt de croire avec lui, de croire à la réalité de l'amour de Dieu et d'accepter en toute confiance l'assurance de leur filiation avec le Père céleste. Le Maitre désire que tous ses fidèles partagent pleinement sa foi transcendante. De la manière la plus touchante, Jésus mit ses partisans au défi non seulement de croire ce qu'il croyait, mais aussi de croire comme il croyait. Telle est la pleine signification de son unique exigence suprême : « Suis-moi. »

196:0.14 La vie terrestre de Jésus fut consacrée à un seul grand dessein - faire la volonté du Père, vivre la vie humaine religieusement et par la foi. La foi de Jésus était confiante comme celle d'un enfant, mais sans la moindre présomption. Il prit des décisions fermes et viriles, affronta courageusement de multiples déceptions, surmonta résolument d'extraordinaires difficultés et fit face sans défaillance aux rudes exigences du devoir. Il fallait une forte volonté et une confiance indéfectible pour croire ce que Jésus croyait et comme il le croyait.

196.1  Jésus - L'Homme

196:1.1 La dévotion de Jésus à la volonté du Père et au service de l'homme représentait plus qu'une décision de mortel et une détermination humaine ; c'était une consécration de tout son coeur à cette effusion d'amour sans restriction. Si grand que soit le fait de la souveraineté de Micaël, il ne faut pas enlever aux hommes le Jésus humain. Le Maitre est monté aux cieux aussi bien en tant qu'homme qu'en tant que Dieu ; il appartient aux hommes et les hommes lui appartiennent. Il est fort malheureux que l'interprétation de la religion elle-même soit défectueuse au point d'enlever le Jésus humain aux mortels qui se débattent. Il ne faudrait pas que les discussions sur l'humanité ou la divinité du Christ obscurcissent la vérité salutaire que Jésus de Nazareth était un homme religieux qui réussit, par la foi, à connaître et à faire la volonté de Dieu ; il fut l'homme le plus véritablement religieux qui ait jamais vécu sur Urantia.

196:1.2 Les temps sont mûrs pour constater la résurrection symbolique du Jésus humain, sortant du tombeau des traditions théologiques et des dogmes religieux de dix-neuf siècles. Jésus de Nazareth ne doit plus être sacrifié, même au concept splendide du Christ glorifié. Quel service transcendant rendrait la présente révélation si, par elle, le Fils de l'Homme pouvait être retiré de la tombe de la théologie traditionnelle et présenté, en tant que Jésus vivant, à l'Église qui porte son nom et à toutes les autres religions ! La communauté chrétienne des croyants n'hésiterait certainement pas à réadapter sa foi et ses habitudes de vie, de manière à pouvoir « suivre » le Maitre dans la démonstration de sa vie réelle de dévotion religieuse à faire la volonté de son Père et de consécration désintéressée au service des hommes. Les prétendus chrétiens craignent-ils de dévoiler la suffisance et la non-consécration d'une communauté faite de respectabilité sociale et d'inadaptation économique égoïste ? Le christianisme institutionnel craint-il que l'autorité ecclésiastique traditionnelle ne soit mise en péril, et même peut-être renversée, si le Jésus de Galilée est rétabli dans le mental et l'âme des hommes mortels en tant qu'idéal de vie religieuse personnelle ? En vérité, les rajustements sociaux, les transformations économiques, les régénérescences morales et les révisions religieuses de la civilisation chrétienne seraient radicaux et révolutionnaires si la religion vivante de Jésus supplantait soudainement la religion théologique à propos de Jésus.

196:1.3 « Suivre Jésus » signifie partager personnellement sa foi religieuse et entrer dans l'esprit de la vie du Maitre consacrée au service désintéressé des hommes. L'une des choses les plus importantes de la vie humaine consiste à découvrir ce que Jésus croyait, à découvrir ses idéaux et à s'efforcer d'accomplir le dessein élevé de sa vie. De toutes les connaissances humaines, celle qui présente la plus grande valeur est de connaître la vie religieuse de Jésus et la manière dont il la vécut.

196:1.4 Les gens du peuple étaient heureux d'entendre Jésus, et ils réagiront à nouveau à la présentation de sa vie humaine sincère de motivation religieuse consacrée, si ces vérités sont de nouveau proclamées dans le monde. Les gens l'écoutaient avec plaisir parce qu'il était l'un d'eux, un laïc sans prétention ; le plus grand instructeur religieux du monde était en vérité un laïc.

196:1.5 Les croyants au royaume ne devraient pas avoir pour but d'imiter à la lettre les aspects extérieurs de la vie de Jésus dans la chair, mais plutôt de partager sa foi, d'avoir confiance en Dieu comme il eut confiance en Dieu et de croire aux hommes comme il croyait aux hommes. Jésus ne discuta jamais la paternité de Dieu ni la fraternité des hommes ; il était une illustration vivante de la première et une profonde manifestation de la seconde.

196:1.6 De même que les hommes doivent progresser de la conscience de l'humain à la réalisation du divin, de même Jésus s'éleva de la nature de l'homme à la conscience de la nature de Dieu. Et le Maitre effectua cette grande ascension de l'humain au divin par l'accomplissement conjugué de la foi de son intellect de mortel et les actes de son Ajusteur intérieur. La réalisation de fait de l'aboutissement à la divinité totale (avec, à tout instant, la pleine conscience de la réalité de son humanité) passa par sept stades de conscience, par la foi, de sa divinisation progressive. Ces stades de réalisation progressive de soi furent marqués par les extraordinaires évènements suivants dans l'expérience d'effusion du Maitre :

196:1.7 1. L'arrivée de l'Ajusteur de Pensée.

196:1.8 2. La venue du messager d'Emmanuel qui apparut à Jésus, à Jérusalem, à l'époque où il avait à peu près douze ans.

196:1.9 3. Les manifestations qui accompagnèrent son baptême.

196:1.10 4. Les expériences sur le mont de la Transfiguration.

196:1.11 5. La résurrection morontielle.

196:1.12 6. L'ascension en esprit.

196:1.13 7. L'embrassement final du Père du Paradis lui conférant la souveraineté illimitée sur son univers.

196.2  La Religion de Jésus

196:2.1 Un jour, une réforme dans l'Église chrétienne pourrait avoir un impact assez profond pour revenir aux purs enseignements religieux de Jésus, source et aboutissement de notre foi. On peut prêcher une religion à propos de Jésus, mais obligatoirement, on doit vivre la religion de Jésus. Dans l'enthousiasme de la Pentecôte, Pierre inaugura involontairement une nouvelle religion, la religion du Christ ressuscité et glorifié. L'apôtre Paul transforma plus tard ce nouvel évangile en christianisme, religion où il incorpora ses propres vues théologiques et décrivit sa propre expérience personnelle avec le Jésus de la route de Damas. L'évangile du royaume est fondé sur l'expérience religieuse personnelle de Jésus de Galilée ; le Christianisme est fondé presque exclusivement sur l'expérience religieuse personnelle de l'apôtre Paul. Presque tout le Nouveau Testament est consacré non à décrire la vie religieuse significative et inspirante de Jésus, mais à analyser l'expérience religieuse de Paul et à décrire ses convictions religieuses personnelles. Les seules exceptions notables à cette affirmation, à part certains chapitres de Matthieu, de Marc et de Luc, sont le Livre des Hébreux et l'Épitre de Jacques. Même Pierre ne revint qu'une fois dans ses écrits sur la vie religieuse personnelle de son Maitre. Le Nouveau Testament est un superbe document chrétien, mais ne reflète que piètrement la religion de Jésus.

196:2.2 La vie de Jésus dans la chair dépeint une croissance religieuse transcendante, commençant par les idées anciennes de crainte primitive et de respect humain, continuant par des années de communion spirituelle personnelle et parvenant finalement au statut supérieur et exalté de la conscience de son unité avec le Père. Ainsi, en une seule courte vie, Jésus franchit l'expérience de la progression spirituelle religieuse que les hommes commencent sur terre et n'achèvent généralement qu'à la fin de leur long séjour dans les écoles d'éducation spirituelle des niveaux successifs de la carrière préparadisiaque. Jésus progressa à partir d'une conscience purement humaine des certitudes de la foi, fruit de l'expérience religieuse personnelle, jusqu'aux hauteurs spirituelles sublimes de la réalisation positive de sa nature divine et jusqu'à la prise de conscience de son association étroite avec le Père Universel dans la direction d'un univers. Il progressa depuis l'humble statut de dépendance humaine, qui l'avait incité à répondre spontanément à l'interlocuteur qui l'appelait Bon Maitre : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon sinon Dieu, » jusqu'à la conscience sublime de sa divinité parachevée, qui le conduisit à s'écrier : « Qui d'entre vous me convaincra de péché ? » Et cette ascension progressive de l'humain au divin fut purement l'accomplissement d'un mortel. Et, lorsque Jésus eut ainsi atteint la divinité, il était encore le même Jésus humain, le Fils de l'Homme aussi bien que le Fils de Dieu.

196:2.3 Marc, Matthieu et Luc gardent quelque chose du portrait du Jésus humain se lançant dans la magnifique lutte pour connaître la volonté divine et pour exécuter cette volonté. Jean présente un portrait du triomphant Jésus marchant sur terre avec la pleine conscience de sa divinité. La grande erreur commise par ceux qui ont étudié la vie du Maitre est que certains ont conçu Jésus comme entièrement humain, tandis que d'autres l'ont imaginé comme uniquement divin. Durant toute son expérience, il fut véritablement à la fois humain et divin, comme il l'est encore maintenant.

196:2.4 Mais la plus grande erreur consista en ceci : Alors que le Jésus humain était reconnu comme ayant une religion, le Jésus divin (le Christ) devint une religion presque du jour au lendemain. Le christianisme de Paul assura l'adoration du divin Christ, mais perdit à peu près complètement de vue le Jésus humain de Galilée luttant vaillamment et qui, par la vaillance de sa foi religieuse personnelle et l'héroïsme de son Ajusteur intérieur, s'éleva des humbles niveaux de l'humanité pour devenir un avec la divinité, devenant ainsi le chemin nouveau et vivant par lequel tous les mortels peuvent effectuer la même ascension depuis l'humanité jusqu'à la divinité. Les mortels, à tous les stades de spiritualité et sur tous les mondes, peuvent trouver dans la vie personnelle de Jésus ce qui les fortifiera et les inspirera pendant qu'ils progressent des niveaux spirituels les plus bas aux valeurs divines les plus élevées, depuis le commencement jusqu'à la fin de toute expérience religieuse personnelle.

196:2.5 À l'époque où fut écrit le Nouveau Testament, les auteurs croyaient profondément non seulement à la divinité du Christ ressuscité, mais ils croyaient aussi pieusement et sincèrement à son retour immédiat sur terre pour parfaire le royaume des cieux. Cette foi solide dans le retour immédiat du Seigneur contribua beaucoup à faire omettre, dans le récit, les références qui dépeignaient les expériences et les attributs purement humains du Maitre. Tout le mouvement chrétien eut tendance à s'écarter du portrait humain de Jésus de Nazareth pour s'orienter vers l'exaltation du Christ ressuscité, le Seigneur Jésus-Christ glorifié qui devait bientôt revenir.

196:2.6 Jésus fonda la religion de l'expérience personnelle en faisant la volonté de Dieu et en servant la fraternité humaine. Paul fonda une religion où Jésus glorifié devenait l'objet d'adoration, et où la fraternité se composait de compagnons croyant au divin Christ. Ces deux concepts existaient potentiellement dans la vie divine-humaine de Jésus durant son effusion, et il est vraiment dommage que ses disciples n'aient pas réussi à créer une religion unifiée qui aurait dument reconnu à la fois la nature humaine et la nature divine du Maitre, telles qu'elles étaient inséparablement liées dans sa vie terrestre et si glorieusement exposées dans l'évangile originel du royaume.

196:2.7 Vous ne seriez ni choqué ni troublé par certaines vigoureuses proclamations de Jésus si vous vouliez seulement vous rappeler qu'il était l'homme religieux le plus sincère et le plus dévoué du monde. Il était un mortel entièrement consacré, voué sans réserve à faire la volonté de son Père. Beaucoup de ses sentences apparemment dures représentaient plutôt une profession personnelle de foi et un engagement de dévotion que des commandements à ses disciples. Et ce furent précisément cette unité de dessein et sa dévotion désintéressée qui lui permirent de faire, en une courte vie, des progrès aussi extraordinaires dans la conquête du mental humain. Beaucoup de ses déclarations devraient être considérées comme des confessions de ce qu'il exigeait de lui-même plutôt que comme des exigences imposées à tous ses disciples. Dans sa dévotion à la cause du royaume, Jésus brula tous les ponts derrière lui ; il sacrifia tout ce qui était un obstacle à l'exécution de la volonté de son Père.

196:2.8 Jésus bénissait les pauvres parce qu'ils étaient généralement sincères et pieux ; il condamnait les riches parce qu'ils étaient généralement libertins et impies. Mais il condamnait aussi les pauvres quand ils étaient impies, et louait les hommes fortunés quand ils étaient pieux et consacrés.

196:2.9 Jésus amenait les hommes à se sentir chez eux dans le monde ; il les délivrait de l'esclavage des tabous et leur enseignait que le monde n'est pas fondamentalement mauvais. Il n'aspirait pas à échapper à sa vie terrestre. Durant sa vie dans la chair, il maitrisa une technique pour faire la volonté de son Père d'une manière qui fut agréable à ce Père. Il atteignit une vie religieuse idéaliste au milieu d'un monde réaliste. Jésus ne partageait pas le point de vue pessimiste de Paul sur l'humanité. Le Maitre considérait les hommes comme fils de Dieu et prévoyait un avenir éternel et magnifique pour tous ceux qui choisiraient de survivre. Il n'était pas un sceptique moral ; il regardait l'homme positivement et non négativement. Il considérait la plupart des hommes comme faibles plutôt que mauvais, désaxés plutôt que dépravés. Mais quel que fût leur statut, ils étaient tous les enfants de Dieu et ses frères.

196:2.10 Il enseigna aux hommes à s'attribuer une haute valeur dans le temps et dans l'éternité. À cause de cette haute estime que Jésus avait pour les hommes, il était prêt à se dépenser au service assidu de l'humanité. Et c'était cette valeur infinie qu'il attribuait au fini qui faisait de la règle d'or un facteur essentiel de sa religion. Quel mortel ne serait pas soulevé par la foi extraordinaire que Jésus a en lui ?

196:2.11 Jésus n'offrit pas de règles pour le progrès social. Sa mission était religieuse, et la religion est une expérience exclusivement individuelle. Le but ultime de la société dans son accomplissement le plus avancé ne peut jamais espérer transcender la fraternité des hommes fondée sur la reconnaissance de la paternité de Dieu enseignée par Jésus. L'idéal de tout aboutissement social ne peut être réalisé que par la venue de ce royaume divin.

196.3  La Suprématie de la Religion

196:3.1 L'expérience religieuse personnelle, spirituelle, résout efficacement la plupart des difficultés des mortels ; elle sélectionne, évalue et ajuste tous les problèmes humains. La religion n'écarte ni ne supprime les ennuis humains, mais elle les dissout, les absorbe, les illumine et les transcende. La véritable religion unifie la personnalité pour qu'elle s'ajuste efficacement à toutes les nécessités des mortels. La foi religieuse - la gouverne positive de la divine présence intérieure - permet infailliblement à l'homme qui connaît Dieu de jeter un pont sur l'abime qui existe entre d'une part la logique intellectuelle qui reconnaît la Première Cause Universelle comme étant Cela, et d'autre part les affirmations positives de l'âme qui déclarent que cette première cause est Lui, le Père céleste de l'évangile de Jésus, le Dieu personnel du salut humain.

196:3.2 Il n'y a que trois éléments dans la réalité universelle : le fait, l'idée et la relation. La conscience religieuse identifie ces réalités en tant que science, philosophie et vérité. La philosophie aurait tendance à considérer ces activités comme la raison, la sagesse et la foi - la réalité physique, la réalité intellectuelle et la réalité spirituelle. Nous avons l'habitude d'appeler ces réalités choses, significations et valeurs.

196:3.3 La compréhension progressive de la réalité équivaut à s'approcher de Dieu. La découverte de Dieu, la conscience d'être identique à la réalité, équivaut à éprouver le parachèvement de soi - le soi entier, la totalité de soi. L'expérience de la réalité totale est la pleine réalisation de Dieu, la finalité de l'expérience de la connaissance de Dieu.

196:3.4 Le résumé complet de la vie humaine consiste à savoir que l'homme est éduqué par le fait, ennobli par la sagesse et sauvé - justifié - par la foi religieuse.

196:3.5 La certitude physique consiste en la logique de la science ; la certitude morale, en la sagesse de la philosophie ; la certitude spirituelle, en la vérité de l'expérience religieuse authentique.

196:3.6 Le mental humain peut atteindre de hauts niveaux de clairvoyance spirituelle et les sphères correspondantes de divinité des valeurs, parce qu'il n'est pas entièrement matériel. Il existe un noyau d'esprit dans le mental de l'homme - l'Ajusteur de la présence divine. Il y a trois preuves distinctes que cet esprit habite le mental humain :

196:3.7 1. La communion humanitaire - l'amour. Le mental purement animal peut être grégaire pour se protéger, mais seul l'intellect habité par l'esprit est généreusement altruiste et inconditionnellement aimant.

196:3.8 2. L'interprétation de l'univers - la sagesse. Seul le mental habité par l'esprit peut comprendre que l'univers est bienveillant pour les individus.

196:3.9 3. L'évaluation spirituelle de la vie - l'adoration. Seul l'homme habité par l'esprit peut réaliser la divine présence et chercher à atteindre une expérience plus complète dans et avec cet avant-gout de divinité.

196:3.10 Le mental humain ne crée pas de valeurs réelles ; l'expérience humaine ne procure pas la clairvoyance de l'univers. En ce qui concerne la clairvoyance, la récognition des valeurs morales et le discernement des significations spirituelles, tout ce que le mental humain peut faire consiste à découvrir, reconnaître, interpréter et choisir.

196:3.11 Les valeurs morales de l'univers deviennent des acquis intellectuels par l'exercice des trois jugements, ou choix fondamentaux, du mental des mortels :

196:3.12 1. Le jugement de soi - le choix moral.

196:3.13 2. Le jugement social - le choix éthique.

196:3.14 3. Le jugement de Dieu - le choix religieux.

196:3.15 Il en ressort que tout progrès humain est effectué par une technique conjointe d'évolution-révélation.

196:3.16 Si un amant divin ne vivait pas en lui, l'homme ne pourrait aimer généreusement et spirituellement. Si un interprète ne vivait pas dans son mental, l'homme ne pourrait pas vraiment se rendre compte de l'unité de l'univers. Si un estimateur ne demeurait pas en lui, l'homme serait dans l'impossibilité d'apprécier les valeurs morales et de reconnaître les significations spirituelles. Or, cet amant divin vient de la source même de l'amour infini ; cet interprète est une fraction de l'Unité Universelle ; cet estimateur est l'enfant du Centre-Source de toutes les valeurs absolues de la réalité éternelle et divine.

196:3.17 L'évaluation morale avec une signification religieuse - la clairvoyance spirituelle - implique le choix individuel entre le bien et le mal, la vérité et l'erreur, le matériel et le spirituel, l'humain et le divin, le temps et l'éternité. La survie humaine dépend, dans une grande mesure, de la consécration de la volonté humaine à choisir les valeurs triées par le sélecteur des valeurs spirituelles - l'interprète et l'unificateur intérieur. L'expérience religieuse personnelle comporte deux phases : la découverte dans le mental humain, et la révélation par le divin esprit intérieur. Par un excès de raisonnements sophistiqués ou par suite de la conduite impie de personnes prétendument religieuses, il se peut qu'un homme, ou même une génération d'hommes suspende ses efforts pour découvrir le Dieu qui les habite ; ces hommes peuvent cesser de progresser et ne pas aboutir à la révélation divine. Mais de telles attitudes dépourvues de progrès spirituel ne peuvent durer longtemps à cause de la présence et de l'influence des Ajusteurs de Pensée.

196:3.18 Cette profonde expérience de la réalité de la présence divine intérieure transcende pour toujours la grossière technique matérialiste des sciences physiques. On ne peut ni mettre la joie spirituelle sous un microscope, ni peser l'amour dans une balance, ni mesurer les valeurs morales ; et l'on ne peut pas non plus chiffrer la qualité de l'adoration spirituelle.

196:3.19 Les Hébreux avaient une religion de sublimité morale. Les Grecs élaborèrent une religion de beauté. Paul et ses confrères fondèrent une religion de foi, d'espérance et de charité. Jésus révéla une religion d'amour et en donna l'exemple : la sécurité dans l'amour du Père, avec la joie et la satisfaction résultant du partage de cet amour au service de la fraternité humaine.

196:3.20 Chaque fois qu'un homme fait un choix moral réfléchi, il fait immédiatement l'expérience d'une nouvelle invasion divine de son âme. Le choix moral constitue la religion en tant que mobile de réaction intérieure aux conditions extérieures. Mais cette religion réelle n'est pas une expérience purement subjective. Elle signifie que l'ensemble subjectif de l'individu est engagé dans une réaction significative et intelligente à l'objectivité totale - à l'univers et à son Auteur.

196:3.21 Ce n'est pas parce que l'expérience exquise et transcendantale d'aimer et d'être aimé est si purement subjective qu'elle n'est qu'une illusion psychique. La seule réalité vraiment divine et objective qui soit associée aux êtres mortels, l'Ajusteur de Pensée, fonctionne apparemment, pour l'observation humaine, comme un phénomène exclusivement subjectif. Le contact de l'homme avec Dieu, la réalité objective la plus haute, ne s'effectue que par l'expérience purement subjective de le connaître, de l'adorer et de réaliser la filiation avec lui.

196:3.22 La véritable adoration religieuse n'est pas un futile monologue où l'on se trompe soi-même. L'adoration est une communion personnelle avec ce qui est divinement réel, avec ce qui est la source même de la réalité. Par l'adoration, l'homme aspire à devenir meilleur et, par elle, il finit par atteindre le meilleur.

196:3.23 L'idéalisation de la vérité, de la beauté et de la bonté, et la tentative de les servir ne sont pas un substitut à l'expérience religieuse authentique - la réalité spirituelle. La psychologie et l'idéalisme ne sont pas l'équivalent de la réalité religieuse. Les projections de l'intellect humain peuvent, il est vrai, donner naissance à de faux dieux - des dieux à l'image de l'homme - mais le fait d'avoir véritablement conscience de Dieu n'a pas cette origine ; la conscience de Dieu réside dans l'esprit intérieur. Beaucoup de systèmes religieux humains proviennent de formules issues de l'intellect humain, mais le fait d'avoir conscience de Dieu ne fait pas nécessairement partie de ces absurdes systèmes d'esclavage religieux.

196:3.24 Dieu n'est pas la simple invention de l'idéalisme humain ; il est la source même de tous les discernements et de toutes les valeurs superanimales de ce genre. Dieu n'est pas une hypothèse formulée pour unifier les concepts humains de vérité, de beauté et de bonté ; il est la personnalité d'amour de qui toutes ces manifestations de l'univers sont issues. La vérité, la beauté et la bonté du monde des hommes sont unifiées par la spiritualité croissante de l'expérience des mortels qui s'élèvent vers les réalités du Paradis. On ne peut réaliser l'unité de la vérité, de la beauté et de la bonté que dans l'expérience spirituelle de la personnalité connaissant Dieu.

196:3.25 La moralité est l'indispensable base préexistante de la conscience personnelle de Dieu, de la réalisation personnelle de la présence intérieure de l'Ajusteur, mais cette moralité n'est ni la source de l'expérience religieuse, ni la clairvoyance spirituelle qui en résulte. La nature morale est superanimale mais subspirituelle. La moralité équivaut à reconnaître le devoir, à la réalisation de l'existence de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas. La zone morale s'interpose entre le type de mental animal et le type de mental humain, de même que la morontia fonctionne entre les sphères matérielles et spirituelles d'aboutissement de la personnalité.

196:3.26 Le mental évolutionnaire est capable de découvrir la loi, la morale et l'éthique, mais c'est l'Ajusteur intérieur, l'esprit effusé, qui révèle au mental humain évoluant le législateur, le Père-source de tout ce qui est vrai, beau et bon. Un homme ainsi éclairé possède une religion ; il est spirituellement équipé pour entreprendre la longue et aventureuse recherche de Dieu.

196:3.27 La moralité n'est pas nécessairement spirituelle ; elle peut être entièrement et purement humaine, bien que la véritable religion rehausse toutes les valeurs morales et les rende plus significatives. La moralité sans religion ne réussit ni à révéler la bonté ultime, ni à assurer la survie des valeurs morales, même des siennes propres. La religion permet de rehausser et de glorifier tout ce que la morale reconnaît et approuve, et elle permet d'en assurer la survie.

196:3.28 La religion se tient au-dessus de la science, de l'art, de la philosophie, de l'éthique et de la morale, mais sans en être indépendante. Toutes sont indissolublement liées dans l'expérience humaine personnelle et sociale. La religion est l'expérience suprême de l'homme dans sa nature de mortel, mais le caractère fini du langage rend impossible à la théologie de jamais dépeindre d'une manière appropriée l'expérience religieuse réelle.

196:3.29 La clairvoyance religieuse possède le pouvoir de transformer une défaite en désirs supérieurs et en nouvelles déterminations. L'amour est la motivation la plus élevée que l'homme puisse utiliser dans son ascension de l'univers. Mais, quand l'amour est dépouillé de vérité, de beauté et de bonté, il n'est que sentiment, déformation philosophique, illusion psychique et tromperie spirituelle. L'amour doit toujours être défini à nouveau sur les niveaux successifs de la progression morontielle et spirituelle.

196:3.30 L'art est issu de la tentative de l'homme pour échapper au manque de beauté de son entourage matériel ; il est un geste vers le niveau morontiel. La science est l'effort de l'homme pour résoudre les énigmes apparentes de l'univers matériel. La philosophie est sa tentative pour unifier l'expérience humaine. La religion est le geste suprême de l'homme magnifiquement tendu vers la réalité finale, sa détermination de trouver Dieu et d'être semblable à lui.

196:3.31 Dans le domaine de l'expérience religieuse, les possibilités spirituelles sont des réalités potentielles. La poussée humaine en avant n'est pas une illusion psychique. Toutes les fabulations des hommes au sujet de l'univers peuvent ne pas correspondre à des faits, mais elles contiennent une grande, une très grande partie de vérité.

196:3.32 La vie de certains hommes est trop grande et noble pour descendre au bas niveau d'une simple réussite. L'animal doit s'adapter à son environnement, mais l'homme religieux transcende son environnement ; il échappe ainsi aux limitations du présent monde matériel par la clairvoyance de l'amour divin. Ce concept de l'amour engendre dans l'âme de l'homme l'effort superanimal pour trouver la vérité, la beauté et la bonté ; et quand il les trouve effectivement, il est glorifié dans leur étreinte ; il est consumé du désir de les vivre et d'agir selon la droiture.

196:3.33 Ne vous découragez pas ; l'évolution humaine est encore en cours de progrès, et la révélation de Dieu au monde, en Jésus et par Jésus, ne fera pas défaut.

196:3.34 Le grand défi lancé à l'homme moderne consiste à établir de meilleures communications avec le divin Moniteur qui habite le mental humain. La plus grande aventure de l'homme dans la chair est son effort sain et équilibré pour repousser les frontières de la conscience de soi à travers les domaines imprécis de la conscience embryonnaire de l'âme, dans un effort sincère pour atteindre la région frontière de la conscience de l'esprit - le contact avec la divine présence. Une telle expérience constitue la conscience de Dieu, c'est une expérience qui confirme puissamment la vérité préexistante de l'expérience religieuse consistant à connaître Dieu. Cette conscience de l'esprit équivaut à connaître effectivement la filiation avec Dieu. À défaut, l'assurance de cette filiation est l'expérience de la foi.

196:3.35 La conscience de Dieu est l'équivalent de l'intégration du moi à l'univers sur ses niveaux les plus élevés de réalité spirituelle. Seul le contenu spirituel d'une valeur quelconque est impérissable. Même ce qui est vrai, beau et bon ne saurait périr dans l'expérience humaine. Si l'homme ne choisit pas de survivre, alors l'Ajusteur survivant conserve ces réalités nées de l'amour et nourries dans le service. Et toutes ces choses font partie du Père Universel. Le Père est amour vivant, et cette vie du Père est dans ses Fils. Et l'esprit du Père est dans les fils de ses Fils - les hommes mortels. Quand tout est dit et fait, l'idée de Père reste encore le concept humain le plus élevé de Dieu.

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